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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 24 novembre 2005

79e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Traitement de la récidive
des infractions pénales

Transmission et discussion du texte
de la commission mixte paritaire

M. le président. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

Paris, le 9 novembre 2005

« Monsieur le président,

« Conformément aux dispositions de l’article 45, alinéa 3, de la Constitution, j’ai l’honneur de vous demander de soumettre à l’Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l’assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (n° 72).

La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Gérard Léonard, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, un long cheminement parlementaire de près de vingt et un mois est aujourd’hui sur le point de s’achever. Je tiens, avant de présenter les conclusions auxquelles est parvenue la CMP, à en rappeler les principales étapes.

Engagé en avril 2004 par la création de la mission d’information sur le traitement de la récidive des infractions pénales, ce processus parlementaire s’est ensuite matérialisé, en juillet 2004, par le dépôt du rapport de la mission après plus de trois mois de travaux et près de vingt-cinq auditions. Les conclusions de ce rapport ont été, je le rappelle, adoptées à la quasi-unanimité de la commission, le groupe socialiste ayant fait état de son « abstention constructive ».

Puis, au mois de décembre 2004, notre assemblée a voté, en première lecture, la proposition de loi directement issue des travaux de la mission et mettant fidèlement en œuvre celles de ses recommandations de nature législative. Le Sénat l’a fait à son tour au mois de février 2005.

Notre commission des lois s’est remise à l’ouvrage au mois de juillet dernier et notre assemblée a adopté en deuxième lecture cette proposition de loi, au mois d’octobre dernier. Le Sénat a fait de même le 25 octobre 2005. Enfin, à l’initiative du Gouvernement, la CMP s’est réunie le 9 novembre dernier au Sénat et est parvenue à un accord.

Rapidement rappelé, ce processus est triplement remarquable.

D’abord, parce qu’il est strictement d’origine parlementaire. En effet, comme vous le savez, plus de 95 % de la législation est, dans notre pays, d’initiative gouvernementale. Cette proposition de loi relève donc de ces 5 %, portion congrue, certes, mais d’autant plus remarquable.

M. Jean-Paul Garraud. Absolument !

M. Gérard Léonard, rapporteur. Ensuite, parce qu’il est emblématique d’une méthode de travail rigoureuse et progressive. En effet, c’est après avoir établi un diagnostic sur la récidive, sur les failles de sa prise en considération tout au long de la chaîne pénale, du prononcé de la peine à son exécution, que la présente proposition de loi a été déposée, débattue et modifiée par le dialogue entre les deux assemblées et le Gouvernement. Ainsi elle incarne, à elle seule, les trois fonctions généralement assignées au Parlement : contrôler, débattre et légiférer.

M. Jean-Paul Garraud. Très bien !

M. Gérard Léonard, rapporteur. Enfin, parce que le Gouvernement s’est pleinement investi dans l’aboutissement de ce texte.

Au-delà de son rôle strictement institutionnel en matière d’inscription du texte à l’ordre du jour des assemblées, je tiens, à ce sujet, à faire une incise plus personnelle.

En effet, trop souvent, l’on entend ou l’on observe des parlementaires développant un jour un discours et qui, une fois devenus ministres, en tiennent un tout autre avec la même force de conviction. (Exclamations ironiques sur tous les bancs.)

Cela arrive, mais je ne veux pas citer d’exemple !

Tel n’a pas été le cas, monsieur le garde des sceaux, pour cette proposition de loi, dont l’un des deux auteurs siège désormais au banc du Gouvernement, où il a fait preuve de la même détermination que lorsqu’il était président de notre commission des lois.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Je vous remercie !

M. Christophe Caresche. Il n’a pas eu le temps de changer d’avis !

M. Gérard Léonard, rapporteur. Je tiens, en tant que rapporteur et coauteur de cette proposition de loi, à l’en remercier publiquement, car la preuve est ainsi apportée que la fidélité, conjuguée à la volonté, permet de faire progresser le droit, avant tout celui des victimes.

L’investissement du Gouvernement dans ce texte s’est également manifesté par sa force de proposition, puisque nos assemblées ont adopté de nombreuses dispositions dont il a été l’origine.

Tel est le cas du dispositif novateur de la surveillance judiciaire qui permettra d’assujettir les condamnés les plus dangereux, après leur libération, à des mesures de contrôle pendant une durée qui ne pourra excéder celle correspondant au crédit de réduction de peine. Je vous rappelle que ce dispositif sera réservé aux condamnés à une peine privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à dix ans, du fait d’un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru et dont le risque de récidive paraît avéré.

Cela dit, j’en viens aux conclusions de la CMP.

Je tiens auparavant à souligner que tant les députés que les sénateurs ont manifesté leur souci d’aboutir, tout en défendant ardemment, les uns comme les autres, les dispositions qui leur paraissaient les plus importantes.

Je me permets également d’indiquer que, sur les trente-quatre articles transmis par l’Assemblée nationale au Sénat en deuxième lecture – parmi lesquels vingt et un nouveaux – dix-sept demeuraient en discussion entre les deux assemblées, souvent pour des motifs rédactionnels.

Par souci de clarté, j’évoquerai les principales dispositions dont la CMP a été saisie, dans l’ordre des articles de la proposition de loi.

L’article 4, tout d’abord, a fait l’objet d’un débat intense – ce qui est presque un euphémisme –, les deux assemblées étant en profond désaccord sur ce point. En effet, le Sénat avait supprimé en deuxième lecture, comme il l’avait d’ailleurs fait en première lecture, les dispositions prévoyant que, lorsque le prévenu se trouve en situation de récidive légale en matière d’agression sexuelle ou de violences aux personnes, le tribunal délivre un mandat de dépôt à l’audience, « sauf s’il en ordonne autrement par une décision spécialement motivée ».

La Haute assemblée considérait que ces dispositions portaient à la fois atteinte à la liberté individuelle, puisque la détention devient la règle et la liberté l’exception, et à la présomption d’innocence, dans la mesure où la personne n’est pas définitivement condamnée.

Ces dispositions auxquelles les députés étaient particulièrement attachées…

M. Jean-Paul Garraud. Tout à fait !

M. Gérard Léonard, rapporteur. …figuraient pourtant dans le rapport de la mission et étaient l’une des manifestations de la volonté de notre assemblée d’améliorer la « certitude de la peine » ; elles avaient convaincu les tenants de l’instauration des peines plancher de renoncer à un tel mécanisme.

Par ailleurs, je tiens à le réaffirmer ici comme je l’ai fait devant la CMP et à l’unisson du président de la commission des lois, Philippe Houillon, le juge aura toujours la possibilité de ne pas ordonner le mandat de dépôt, sous réserve de motiver sa décision, ce qui préserve sa liberté d’appréciation toute en renforçant le principe de la personnalisation des peines.

Finalement, et votre rapporteur ne peut que s’en féliciter, la CMP a rétabli, après une suspension de séance, le texte voté par notre assemblée. Les députés ont su se montrer assez convaincants pour que nous aboutissions.

M. Jean-Paul Garraud. Très bien !

M. Gérard Léonard, rapporteur. Mais il a fallu une suspension de séance !

S’agissant de l’article 4 quater, modifiant les conditions d’octroi de la suspension de peine pour raisons médicales, la CMP a retenu le texte du Sénat qui avait supprimé la référence au trouble exceptionnel à l’ordre public, tout en maintenant la possibilité – et c’était l’essentiel – de refuser ladite suspension « s’il existe un risque grave de renouvellement de l’infraction », ce qui semble plus satisfaisant juridiquement.

Pour ce qui est du crédit de réduction de peine, le Sénat avait, comme en première lecture, supprimé les dispositions le réduisant pour les personnes en état de récidive légale, arguant du fait que les peines prononcées par les juridictions étaient d’ores et déjà plus sévères. Là encore, il s’agissait d’un désaccord substantiel entre les deux assemblées, mais la CMP est néanmoins parvenue à un accord qui a été facilité par le fait que le texte adopté par notre assemblée en deuxième lecture, à la différence de celui voté en première lecture, prévoyait que la limitation des réductions de peine ne concernait pas les condamnés en état de récidive acceptant une mesure de libération conditionnelle.

En effet, par cette disposition, introduite à l’initiative de notre collègue Christophe Caresche, notre assemblée a clairement manifesté sa volonté de conserver l’attractivité de la libération conditionnelle, dont l’efficacité en matière de prévention de la récidive n’est contestée par personne. Sur le fond, la CMP a donc retenu le texte voté par notre assemblée.

En matière de surveillance judiciaire, prévue à l’article 5 bis, outre des modifications d’ordre rédactionnel, la CMP a eu à connaître de la question du consentement de la personne placée sous surveillance électronique mobile, le PSEM, introduite par le Sénat.

Il faut préciser que ce consentement, prôné dans son rapport sur le PSEM par notre collègue Georges Fenech – je rends hommage à la qualité de son travail –, est fortement contraint, puisque le refus par le condamné de s’y soumettre peut entraîner son incarcération pour une durée équivalente à celle des réductions de peine dont il a bénéficié. Ce faisant, ce consentement s’inspire donc grandement de celui applicable à l’injonction de soins dans le cadre du suivi socio-judiciaire.

C’est pourquoi, compte tenu de ces modalités, la CMP a retenu le principe du consentement dans le cadre du PSEM introduit par le Sénat.

Par ailleurs l’allongement de la période de sûreté de vingt-deux à vingt-cinq ans, prévu à l’article 6 ter d’après un amendement de M. Fenech, avait été supprimé par le Sénat. En effet, comme l’a indiqué le rapporteur du texte au Sénat, M. François Zochetto, on peut s’interroger sur l’utilité d’ajouter trois années à la durée de la période de sûreté, sachant que l’expiration de celle-ci ne signifie pas que le condamné se voit automatiquement accorder un aménagement de peine. Cela indique simplement qu’il a le droit d’en présenter la demande au juge. Compte tenu de ces explications, la CMP a maintenu la suppression de cet article.

En ce qui concerne le PSEM en tant que mesure de sûreté dans le cadre du suivi socio-judiciaire et figurant à l’article 7, les différences entre les deux assemblées étaient de quatre ordres.

Le Sénat réfutait d’abord le qualificatif de « mesure de sûreté » pour le PSEM et, par voie de conséquence, l’a supprimé tant dans le titre de cette nouvelle section du code pénal que dans le dispositif lui-même. Pour autant, cette qualification du PSEM comme mesure de sûreté est directement issue des recommandations de notre mission d’information et signifie clairement que ce dispositif ayant pour but de prévenir le renouvellement de l’infraction, il relève avant tout d’une mesure de surveillance préventive et non d’une peine. Sur ce point, la CMP a retenu le texte adopté par notre assemblée.

La Haute assemblée souhaitait également que le PSEM soit réservé aux personnes majeures, ce que notre assemblée n’avait précisé. Votre rapporteur d’abord et la CMP ensuite se sont ralliés à cette position, puisqu’il faut conserver présent à l’esprit que, si un mineur ne pourra donc pas être condamné au PSEM ab initio, il sera néanmoins possible qu’il en fasse l’objet ultérieurement dans le cadre de l’aménagement de sa peine, s’il a été condamné à un suivi socio-judiciaire ou, à défaut, selon les modalités de la surveillance judiciaire, dès lors qu’il sera devenu majeur au moment où cette mesure sera mise en œuvre.

Le Sénat, autre point de désaccord, limitait le recours au PSEM aux condamnés à des peines privatives de liberté d’une durée égale ou supérieure à dix ans, contre cinq ans dans le texte voté par l’Assemblée. Votre rapporteur ayant fait observer, d’une part, que le seuil de dix ans était beaucoup trop restrictif, car susceptible d’exclure nombre de violeurs simples condamnés à sept ou huit ans d’emprisonnement et, d’autre part, qu’il pourrait avoir un effet pervers, non recherché par le Sénat, d’alourdissement des peines effectivement prononcées par les juridictions afin que le condamné entre dans le champ du PSEM, un compromis a été trouvé en CMP : seules les personnes condamnées à une peine supérieure ou égale à sept ans d’emprisonnement pourront se voir assujetties à un PSEM. Cela couvre parfaitement le champ visé par notre assemblée et correspond aux conclusions de notre mission.

Enfin la durée maximale du PSEM était différente pour les deux assemblées, le Sénat ayant prévu qu’elle était de deux ans renouvelable une fois – soit quatre ans au maximum –, contre trois ans en matière délictuelle et cinq ans en matière criminelle, durée renouvelable une fois, pour l’Assemblée nationale.

M. Guy Geoffroy. C’est un gros problème !

M. Gérard Léonard, rapporteur. Là encore un compromis a été trouvé en CMP, puisque le texte qu’elle a adopté conserve la périodicité de deux ans introduite par le Sénat – laquelle correspondrait à un maximum selon le rapport de M. Fenech – tout en modulant sa durée selon la nature délictuelle ou criminelle de la condamnation. Ainsi, le PSEM sera renouvelable une fois en matière délictuelle, mais deux fois en matière criminelle, ce qui porte sa durée maximale à six ans.

L’article 8, qui insère dans le code de procédure pénale les dispositions déterminant les modalités du recours au PSEM, a été modifié par la CMP par coordination avec ses positions prises à l’article précédent : maintien de la référence à la mesure de sûreté, limitation de la durée du PSEM par période de deux ans sans pouvoir excéder quatre ans en matière délictuelle et six ans en matière criminelle, affirmation du nécessaire consentement de l’intéressé.

L’article 8 bis AA prévoyait que le juge de l’application des peines pourrait ordonner un PSEM à l’encontre d’une personne en cours d’exécution d’un suivi socio-judiciaire. Le Sénat avait souhaité transférer cette compétence au tribunal de l’application des peines. Suivant le texte de l’Assemblée, la CMP, par souci de simplification procédurale, a retenu notre choix du juge de l’application des peines.

Par ailleurs, la CMP a maintenu la suppression par le Sénat de l’article 15 bis B nouveau autorisant le placement en centre éducatif fermé d’un mineur dont la détention provisoire ne peut être prolongée.

S’agissant de l’article 15 bis C, relatif aux fichiers d’analyse criminelle tels que SALVAC, les différences entre les deux assemblées portaient sur deux points.

D’abord le Sénat avait supprimé la possibilité d’y faire figurer les données concernant les suspects, à savoir les personnes à l’encontre desquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction. Cette suppression, adoptée contre l’avis du Gouvernement et du rapporteur, était particulièrement préjudiciable à l’efficacité du fichier et n’a pas été retenue par la CMP qui a rétabli cette disposition.

Le Sénat avait également supprimé la possibilité d’y inscrire les données concernant les personnes « à l’encontre desquelles il n’existe aucune raison plausible de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction », mais qui sont « susceptibles d’apporter des éléments utiles à l’enquête » et « dont le nom est cité en procédure ».

L’article 15 quater, relatif aux violences conjugales, avait été supprimé par le Sénat qui, tout en rendant hommage à ces dispositions et à leur pertinence, avait souhaité qu’elles figurent dans la proposition de loi ayant cet objet et qu’il a adoptée le 30 mars dernier.

Deux logiques contradictoires étaient donc en présence en l’occurrence : celle de l’efficacité qui commandait le rétablissement du texte adopté par notre assemblée puisque son entrée en vigueur est imminente ; celle de la cohérence politique d’une initiative parlementaire, qui incitait plutôt au maintien de la suppression de ces dispositions.

Après en avoir sereinement débattu, la CMP s’est rangée du côté de l’efficacité et a rétabli le texte adopté par notre assemblée mais, afin de montrer la bonne volonté de notre commission, le président de notre commission des lois et les membres de l’Assemblée nationale se sont engagés à inscrire le rapport sur cette proposition de loi à l’ordre du jour de notre commission des lois et à demander son inscription à l’ordre du jour réservé de l’Assemblée nationale. Je crois que c’est désormais fait.

Voilà, mers chers collègues, le résultat auquel est parvenue la CMP. À ce stade de mon propos, je veux vous faire part du sentiment non seulement de satisfaction, mais aussi de responsabilité que j’éprouve.

La satisfaction est évidemment celle d’avoir mené à terme l’élaboration d’un texte que je crois sincèrement équilibré et qui devrait, certes, renforcer la répression des récidivistes, mais surtout améliorer la prévention de la récidive.

J’éprouve aussi un sentiment de responsabilité, car si le Parlement adopte définitivement la création du PSEM, sa mise en œuvre effective prendra du temps et nécessitera des moyens. En cette matière, il conviendra de faire preuve d’une diligence toute particulière, car nos compatriotes ne comprendraient pas que, plusieurs années après le vote de la loi, elle ne soit toujours pas appliquée.

M. le garde des sceaux, ministre de la justice. Ça, c’est vrai !

M. Gérard Léonard, rapporteur. Le PSEM n’est pas la panacée et nul ne saurait affirmer ici qu’il n’y aura plus de récidive à l’avenir grâce à lui. Pour autant, nous devons mobiliser tous les moyens disponibles pour atteindre l’efficacité la plus grande au service des victimes passées, avec le souci absolu d’en éviter de nouvelles.

En quelque sorte, le plus difficile reste à faire, mais je sais, monsieur le garde des sceaux, que, là encore, nous pouvons compter sur vous et sur votre détermination. A l’avance, nous vous en remercions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur de la commission mixte paritaire, mesdames, messieurs les députés, vous vous apprêtez à adopter définitivement, au vu des conclusions de la commission mixte paritaire, la proposition de loi de loi relative au traitement de la récidive.

C’est pour moi un moment important à trois égards : en raison, tout d’abord, du contenu et de la portée de ce texte, qui permet d’apporter des réponses concrètes aux différentes formes de récidive, qu’il s’agisse de la délinquance d’habitude ou de la récidive des criminels les plus dangereux ; en raison, ensuite, de l’origine de ces dispositions, puisqu’il s’agit d’une proposition de loi de l’Assemblée nationale, élaborée à la suite d’une mission d’information de votre commission des lois que j’avais lancée ; en raison, enfin, de l’accord intervenu entre les deux assemblées, qui illustre la volonté des députés et des sénateurs de parvenir à une position commune sur cette question grave et complexe.

Je ne peux que me réjouir du consensus auquel cette commission est parvenue, en soulignant que cet accord doit beaucoup à l’excellente qualité du travail de votre rapporteur, Gérard Léonard, et du président de la commission des lois, M. Houillon, que je veux publiquement et sincèrement remercier.

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Nous y sommes sensibles !

M. le garde des sceaux. Inutile de vous dire que j’ai été, quant à moi, particulièrement sensible aux hommages du rapporteur sur le continuum de la pensée qui, d’après lui, pourrait apparaître comme exceptionnel au vu d’observateurs sans doute exigeants.

Certes, de nombreux points avaient déjà fait l’objet d’un accord entre les deux assemblées.

Sans être exhaustif, on peut citer les dispositions suivantes, qui renforcent de façon mesurée la répression de la récidive : l’extension des délits assimilés au regard de la récidive – traite des êtres humains et proxénétisme, violences et délits avec la circonstance aggravante de violences – ; la prise en compte pour la récidive des condamnations étrangères prononcées dans les États de l’Union européenne ; la consécration législative de la notion de réitération d’infraction ; la limitation du nombre des sursis avec mise à l’épreuve pouvant être accordés à un récidiviste ; la possibilité pour le tribunal de relever d’office l’état de récidive ; l’augmentation du délai d’admissibilité à la libération conditionnelle pour les récidivistes condamnés aux peines criminelles les plus graves.

Parmi les dispositions améliorant le suivi des délinquants et des criminels à leur libération, je souhaite évoquer tout particulièrement : les modifications des conditions de mise en œuvre du suivi socio-judiciaire, dont le champ d’application est étendu à de nouvelles infractions ; l’extension et l’amélioration du fonctionnement du fichier des auteurs d’infractions sexuelles ; l’augmentation de la durée des emprisonnements assortis d’un sursis avec mise à l’épreuve ; l’incitation des condamnés détenus, par le biais notamment des réductions de peines, à suivre un traitement en prison.

Je tiens à souligner que les dispositions les plus importantes du projet, celles instituant le placement sous surveillance électronique mobile et celles créant la surveillance judiciaire, avaient fait l’objet d’un accord de principe entre les deux chambres. Les divergences ne portaient en effet que sur les modalités de mise en œuvre de ces nouvelles mesures.

J’en viens maintenant à ces différences d’appréciation, qui ont été levées par la commission mixte paritaire.

D’une manière générale, les dispositions essentielles que votre assemblée avait adoptées ont été retenues par la commission mixte paritaire.

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois. Tout à fait !

M. le garde des sceaux. L’inscription dans le code pénal des objectifs de la peine, notamment des objectifs de réinsertion et de prévention de la récidive, est particulièrement satisfaisante. C’était en effet là que se trouvait le principal apport normatif du texte adopté par l’Assemblée nationale.

Je me félicite que la commission mixte paritaire ait adopté les dispositions prévoyant que, sauf décision motivée de la juridiction, le récidiviste auteur de délits violents ou de nature sexuelle condamné à une peine d’emprisonnement ferme fera l’objet d’un mandat de dépôt à l’audience. Il s’agit en effet d’un texte équilibré – le tribunal garde in fine sa liberté de choix – qui permet de mieux assurer l’effectivité des peines.

S’agissant de la limitation des suspensions de peine pour raisons médicales, il importe de la réserver aux hypothèses, par définition exceptionnelles, de risque de renouvellement de l’infraction.

Je me félicite également qu’ait été retenue la position de l’Assemblée nationale tendant à la diminution du crédit de réduction de peine pour les récidivistes. Cela constitue en effet l’une des dispositions essentielles du projet, qui montre clairement la plus grande sévérité de notre droit à l’égard des récidivistes. Ceux qui font preuve d’une réelle volonté de réinsertion ne seront pas pénalisés, puisque cette disposition ne sera pas applicable en cas de libération conditionnelle.

Le texte sur les fichiers d’analyse criminelle, qui pourront contenir des informations sur des témoins mais sous le strict contrôle des autorités judiciaires, me paraît également satisfaisant.

Pour ce qui est, en dernier lieu, des dispositions sur le placement sous surveillance électronique mobile et sur la surveillance judiciaire, les solutions retenues par la commission mixte paritaire sont tout à fait pertinentes et parviennent à un équilibre harmonieux entre les exigences de prévention de la récidive et le respect de la dignité de la personne. Ainsi, le principe du consentement de la personne à la mise en œuvre de ces mesures, mais non à leur prononcé, est clairement affirmé par la loi, comme l’a souhaité le Sénat.

La surveillance électronique mobile ne pourra être prononcée à titre de peine qu’en cas de condamnation à au moins sept ans d’emprisonnement, alors que votre assemblée avait fixé ce quantum à cinq ans, et le Sénat à dix. Vous avez coupé la poire en deux.

La durée maximale du placement sera de deux fois deux ans en matière correctionnelle et trois fois deux ans en matière criminelle.

Ces mesures pourront être immédiatement mises en œuvre pour les condamnations en cours d’exécution, dans le cadre de la surveillance judiciaire, car il s’agira d’une modalité d’application d’une peine déjà prononcée.

Enfin, je me félicite de l’adoption par la commission mixte paritaire des dispositions qui renforcent la protection des droits de la défense. Elles définissent de façon plus précise le délit de révélation des éléments d’une procédure pénale et améliorent les dispositions concernant les perquisitions et les écoutes téléphoniques dont peuvent faire l’objet des avocats.

Comme vous le voyez, le texte que vous allez adopter comporte de nombreuses dispositions d’importance, qui améliorent significativement le traitement de la récidive.

Je veux à nouveau remercier votre assemblée à la fois parce qu’elle est à l’origine de ce texte et pour la particulière qualité des débats intervenus en première et en deuxième lecture.

D’une manière générale, ce texte apporte, de façon cohérente et pragmatique, des réponses qui sont à la fois fermes et mesurées pour réprimer et prévenir au mieux la récidive, tout spécialement lorsqu’il s’agit de crimes odieux.

C’est une loi qui sera utile pour les victimes, pour les condamnés et pour la société. C’est une loi qui sera utile à la justice. Je vous demande donc de bien vouloir adopter les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je dirai, au nom du groupe de l’UMP, que nous examinons non pas un texte de circonstance, mais bien une loi nécessaire et vouée à être pérenne.

Las de voir dans nos juridictions des casiers judiciaires à rallonge et des avertissements sans frais, nous avons voulu, par ce texte, lutter plus efficacement contre la récidive. À ce sujet, tout a été dit et bien dit par notre rapporteur. Au nom de notre groupe, je rends d’ailleurs hommage à la qualité de son travail, ainsi qu’à votre initiative, monsieur le garde des sceaux, lorsque vous présidiez notre commission des lois.

Ce texte représente en effet l’aboutissement d’un long processus législatif, élaboré loin de la passion et de l’émotion, dans la sérénité et le sens des responsabilités. La commission mixte paritaire a abouti à un vrai consensus. On a largement exagéré les difficultés surgies entre le Sénat et l’Assemblée nationale au moment de la navette. Elles s’expliquaient en réalité par l’attente d’une meilleure connaissance du dispositif de placement sous surveillance électronique mobile, à laquelle a mis fin le rapport qui vous a été remis, monsieur le garde des sceaux, et dont le rapporteur a salué la qualité.

Pour rendre à César ce qui est à César, je rends également hommage à la collaboration très précieuse et de grande qualité de la direction des affaires criminelles et des grâces, représentée ici par son directeur, M. Huet, dont je salue le travail.

Je ne répéterai pas ce qui a été énoncé avec précision par notre rapporteur. Les dispositions contenues dans ce texte nous agréent. J’émets le vœu que les décrets d’application soient pris rapidement et qu’un chef de projet soit désigné pour les mesures relatives au bracelet électronique mobile, comme cela avait été fait pour les radars. C’est en effet grâce à un chef de projet que ce dispositif a pu être mis en place.

Nous nous félicitons de l’innovation juridique que représente la notion de surveillance judiciaire. Elle permettra d’éviter les ruptures sèches et incitera à accepter les libérations conditionnelles. Autant de mesures qui vont dans le sens de la protection de la société et des victimes, mais qui visent aussi à protéger les récidivistes ou les candidats à la récidive contre eux-mêmes. Tel est bien notre but.

Je serai bref. Tout a été dit et je n’ai pas besoin de convaincre le groupe que je représente pour qu’il adopte définitivement ce texte. Comme le rapporteur l’a souligné, il est nécessaire, conforme à nos principes judiciaires et constitutionnels, et fondé non seulement sur la sanction, mais aussi sur l’effort de réinsertion et de protection de la société.

Je me félicite que nous soyons parvenus à ce point d’orgue. C’est donc sans état d’âme et conscients de nos responsabilités que nous adopterons ce texte attendu par nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ainsi que les orateurs précédents, notamment le rapporteur, l’ont souligné, nous arrivons au terme d’un processus législatif qui a été long et parfois chaotique. Toutefois je dois reconnaître qu’il est allé dans un sens favorable, puisqu’il a permis d’améliorer le texte.

Je me demandais cependant, en montant à la tribune, si la rédaction qui nous est proposée représente un aboutissement ou seulement une étape. Durant toute l’élaboration du texte, c’est-à-dire pendant la mission d’information, puis au cours de la première et de la deuxième lecture, j’ai ressenti un constant tiraillement au sein de la majorité entre ceux qui suggéraient des réponses plus fermes et plus fortes que celles finalement retenues, et ceux qui, comme les sénateurs de la majorité, avaient le souci de ménager un certain équilibre.

Au moment où je parle, je suis convaincu que cette question est loin d’être close et qu’elle reviendra plus tôt que certains ne le pensent, peut-être à la faveur de quelque fait divers ou d’une volonté politique plus affirmée, notamment au sein de la majorité.

Derrière ce débat, la question qui nous est posée, aux uns et aux autres, est celle du sens que nous voulons donner à la peine : restons-nous attachés à l’idée qu’elle constitue un instrument d’insertion ou de réinsertion dans la société, ou voulons-nous basculer dans une autre conception qui en fait un instrument de neutralisation de certains délinquants n’ayant plus leur place dans la société et devenus irrécupérables ? Dans la seconde hypothèse, il faut reconsidérer certaines dispositions actuelles et revenir à la relégation, mesure qui existait dans le passé et qui visait à laisser certaines personnes en marge de la société.

Durant tout le processus législatif, cette question a été au cœur de nos échanges, même si elle n’a pas toujours été explicitée. Je suis sûr que, au cours des mois et des années qui viennent, nous aurons à nouveau ce débat si important. Je rappelle notre conviction profonde à ce sujet : pour nous, la peine doit viser d’abord à l’insertion ou à la réinsertion du détenu. Il faut continuer en ce sens, même si cela est parfois difficile à expliquer quand surviennent certains crimes odieux. Pour ma part, j’ai même la conviction qu’il faut aller plus loin, comme certaines de nos interventions tendent à le faire.

Au cours des débats, j’ai eu le sentiment que les auteurs de ce texte étaient eux-mêmes constamment tiraillés entre les deux positions, mais ils ont réussi – j’en rends hommage au président de la commission des lois de l’époque, président de la mission d’information, notre ministre actuel – à rester fermes sur certaines de leurs positions. Je leur en donne acte.

Ainsi, le principe de peines planchers, que la mission d’information a définitivement écarté, n’a pas été retenu dans le texte qui nous est soumis aujourd’hui. Sur d’autres plans, en revanche, des concessions ont été faites, qui ont parfois alourdi certaines peines et durci la législation à l’encontre des récidivistes. Durant tout le processus, le Sénat a joué un rôle important pour maintenir l’équilibre et améliorer le texte sur un certain nombre de plans.

Pour ma part, je ne partage pas l’analyse du texte de la CMP qui a été faite par la presse ou par vous-même, monsieur le garde des sceaux. À mon sens, le Sénat a fait évoluer le texte dans le bon sens, notamment en ce qui concerne le placement sous surveillance électronique mobile. En effet, le dispositif qui nous est proposé aujourd’hui n’est pas celui qui nous avait été présenté au début de l’examen de la proposition de loi.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Il en est néanmoins très proche !

M. Christophe Caresche. Reconnaissons-le : la discussion parlementaire a permis de situer le recours au bracelet électronique mobile dans un cadre juridictionnel beaucoup plus satisfaisant que celui qui était initialement prévu, notamment en ce qui concerne le suivi socio-judiciaire et la liberté conditionnelle.

Sur la surveillance judiciaire elle-même, je considère que des progrès ont été réalisés. Le travail accompli à l’Assemblée nationale et au Sénat a permis d’améliorer considérablement les choses, ne serait-ce que sur un point : il était prévu initialement que le bracelet électronique mobile puisse être imposé à un condamné pour une période pouvant aller jusqu’à trente ans en matière criminelle et jusqu’à vingt ans en matière délictuelle. Or, comme vous l’avez indiqué, monsieur le rapporteur, à la suite de M. Fenech, dont le rapport a contribué à ce résultat, ces délais ont été ramenés aujourd’hui à une longueur beaucoup plus raisonnable. Désormais, les durées prévues sont de deux ans, puis deux fois deux ans en matière criminelle et de deux ans, puis une fois deux ans en matière délictuelle. Nous sommes par conséquent dans un cadre beaucoup plus acceptable.

M. Gérard Léonard, rapporteur. C’est l’intérêt de la procédure parlementaire !

M. Christophe Caresche. En effet ! C’est d’ailleurs ce que dit M. Bayrou quand il vote contre votre budget ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Paul Garraud. Ce n’est pas une excellente référence !

M. Guy Geoffroy. Chacun ses amis !

M. Christophe Caresche. M. Bayrou n’est pas de mes amis,…

M. Guy Geoffroy. Ce sont vos amis de l’opposition !

M. Christophe Caresche. …mais je l’ai entendu ce matin à la radio. Son éloge du parlementarisme était parfaitement justifié et intéressant.

M. Jean-Paul Garraud. Jusque là votre intervention était bonne !

M. Gérard Léonard, rapporteur. C’est un cavalier !

M. Christophe Caresche. Je vois que notre rapporteur partage mon avis, mais il est vrai qu’il a été parfois victime du processus législatif. Oui, il a souffert pendant ces deux ans et je veux lui rendre hommage, car son travail n’a pas toujours été facile. La discussion n’a pas été simple, notamment avec nos collègues du Sénat.

Sur tous ces plans, je reconnais volontiers que des améliorations ont été apportées, même s’il reste dans ce texte des points sur lesquels nous sommes extrêmement réservés, que je n’énumérerai pas.

Cela étant la principale question est moins celle des améliorations législatives qu’apporte ce texte que celle des moyens, ce qui était déjà vrai auparavant. En effet, la mission d’information a remarquablement montré que beaucoup de textes législatifs existants ne sont pas bien appliqués. Les services de l’application des peines sont les parents pauvres de la justice. Nous manquons de juges de l’application des peines, de psychiatres et de travailleurs sociaux. Bref, un effort très important doit être fourni.

À côté de ce texte, nous attendions par conséquent que le Gouvernement nous propose un volet concernant son application et ses moyens. Nous venons d’achever la discussion du projet de loi de finances, sur lequel nous avions déposé un certain nombre d’amendements. Ceux-ci n’ont pas été adoptés. Les décisions ont été renvoyées à plus tard.

Or il n’est pas raisonnable d’améliorer la loi sans prévoir les crédits correspondants. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, si, comme c’est le cas actuellement, vous ne permettez pas aux détenus de bénéficier d’un suivi au cours de leur incarcération et d’un accompagnement à leur sortie de prison, vous risquez de laisser subsister les problèmes. C’est la raison pour laquelle je crains que l’adoption de ce texte ne soit qu’un faux-semblant.

Ainsi que M. Warsmann l’a répété à plusieurs reprises, l’urgence absolue est de rendre effective l’application des peines et de mettre en place les divers suivis dont peuvent bénéficier les détenus. Certes, le texte, notamment le dispositif relatif à la surveillance judiciaire, prévoit que ceux-ci doivent tous pouvoir bénéficier d’un suivi, mais nous nous interrogeons sur la manière dont ces dispositions seront appliquées. Il y a peu, monsieur le garde des sceaux, M. Warsmann vous a demandé la mise en œuvre d’un plan d’urgence. Nous n’avons pas le sentiment qu’il ait été entendu.

Le groupe socialiste ne votera donc pas ce texte, non pas parce qu’il contiendrait des dispositions inacceptables – encore une fois, il a été modifié de manière plutôt positive –, mais parce qu’il ne s’accompagne pas d’une mise à niveau des moyens de la justice en matière d’application des peines.

M. Gérard Léonard, rapporteur. C’est dommage !

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Monsieur le garde des sceaux, le groupe Union pour la démocratie française approuvera la proposition de loi relative au traitement de la récidive et des infractions pénales dans sa version finale.

M. Jean-Paul Garraud. Cela nous change !

M. Michel Hunault. Vous devriez vous en réjouir, monsieur Garraud.

M. Jean-Paul Garraud. Je m’en réjouis, mais ce n’est pas tous les jours comme ça ! (Sourires.)

M. Michel Hunault. Il y a bientôt un an, le Parlement se saisissait de cette délicate question. Suite à des faits dramatiques qui ont défrayé la chronique, une prise de conscience s’est opérée qui a conduit à la mise en place, sous votre autorité, monsieur le garde des sceaux, – vous étiez alors président de la commission des lois –, d'une mission d'information dont les conclusions ont trouvé leur traduction législative dans cette proposition de loi dont nous avons longuement débattu. Le groupe UDF a, quant à lui, réuni un groupe de travail sur le sujet dès le début de l'année 2005. Les conclusions auxquelles nous sommes parvenus sont-elles en adéquation avec le texte présenté ? Cette délicate question nous a permis de confronter nos points de vue.

Plutôt que la récidive à laquelle sont intéressés les auteurs du texte – celle qui fait la une des journaux mais qui ne concerne finalement qu'une très faible proportion de délinquants –, le groupe UDF a voulu traiter d'une récidive le plus souvent délictuelle, moins médiatique mais statistiquement très importante. Pour mettre fin aux débats sur les chiffres, nous avions proposé la création d'un observatoire national de la récidive. Nous n’avons pas obtenu satisfaction, mais nous souhaitons que cette proposition ne soit pas perdue de vue. Il nous paraît en effet fondamental qu'un organisme indépendant puisse être chargé de collecter les données qui permettraient d'orienter les politiques pénales en fonction de priorités et de distinctions définies à partir des réalités.

Monsieur le garde des sceaux, tout au long des débats qui se sont déroulés dans cet hémicycle en première et en deuxième lecture, nous avons pu confronter nos points de vue sur un problème extrêmement complexe, qui implique de tout mettre en œuvre afin de lutter efficacement contre la récidive, notamment en matière de crimes sexuels. Il est en effet de notre devoir d'améliorer notre arsenal juridique afin de prévenir les cas de récidive et, dans sa version définitive, le texte qui nous est soumis est de nature à répondre à cet objectif, car le compromis qu’il constitue reprend nombre de dispositions votées par le Sénat en seconde lecture.

En ce qui concerne le bracelet électronique, pour écarter les doutes pesant sur la constitutionnalité des modalités de mise en œuvre du placement sous surveillance électronique mobile, le Sénat a introduit la notion de consentement. Dès lors, ce qui a pu être qualifié, y compris par nous-mêmes, de double peine change de nature pour devenir un véritable contrat. II nous semblait en effet très important de prendre en compte la volonté des intéressés, en raison du caractère contraignant du bracelet électronique. Désormais, il s’agira donc d’une mesure d'aménagement de peine prononcée dans le cadre de la libération conditionnelle qui créera des obligations pour les deux parties : exécution de la peine en milieu ouvert d'un côté, obligation de porter le bracelet, de l'autre. En outre, il nous paraît intéressant que le dispositif ne s'adresse qu’à des personnes condamnées à une peine supérieure ou égale à sept ans d’emprisonnement. Le compromis auquel est parvenue la CMP relève ainsi d'une position équilibrée. J’ajoute que le Sénat a apporté une autre amélioration au texte en maintenant le délai de la période de sûreté à vingt-deux ans.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale avait ouvert largement la possibilité d'interdire, pour les récidivistes, la suspension de peine pour raisons médicales. La CMP a encadré plus strictement cette disposition, ce dont nous nous félicitons. Sur ces différents points, le texte répond à nos attentes. De plus, à l'initiative du groupe UDF, des dispositions seront prises par les établissements pénitentiaires pour assurer une activité professionnelle, une formation professionnelle ou générale aux personnes incarcérées qui en feront la demande. Ces activités contribuent en effet à préparer la réinsertion, que l'oisiveté en prison voue inévitablement à l'échec.

Néanmoins, certaines dispositions suscitent encore quelques réserves.

Ainsi, le principe du mandat de dépôt automatique pour les récidivistes ne doit pas atténuer le pouvoir du juge. Les dispositions sur lesquelles un accord a été trouvé en CMP ne doivent pas faire oublier la priorité, rappelée à l’instant par M. Caresche, qui doit être donnée aux moyens humains et financiers, car ils font très cruellement défaut à la justice. Les budgets successifs et le projet de loi de finances pour 2006 ont tant bien que mal tenté de relever ce défi. C'est l'une des conditions pour que le système judiciaire et pénitentiaire puisse remplir sa mission.

Je veux également rappeler la situation désastreuse des prisons françaises. Au-delà de la situation carcérale, il faut valoriser le rôle des associations, des juges et des acteurs spécialisés, car il est indispensable dans la réinsertion des prisonniers. C'est pourquoi je vous demande, une fois encore, de déposer dans les meilleurs délais un projet de loi pénitentiaire qui pourrait judicieusement s'inspirer des travaux et des recommandations du Conseil de l'Europe. Je sais, monsieur le garde des sceaux, que vous êtes attentif à la situation dans les prisons, ainsi que vous l’avez affirmé encore récemment à l’occasion d’un déplacement en province.

Plutôt qu'élaborer une énième réforme législative, il nous faut veiller à l'application réelle des peines existantes. Que penser d'un détenu qui, condamné à vingt ans de réclusion criminelle, sort à mi-peine et récidive ? La question de la réalité des peines ne doit plus être éludée : il n'est pas acceptable qu'un récidiviste bénéficie d'une remise de peine automatique. Les remises de peines et les libérations conditionnelles doivent impérativement être assorties d'un examen et d'un suivi individuels des détenus les plus dangereux.

Nous approuvons les mesures qui visent à une plus grande sévérité, mais nous souhaitons que leur application s'accompagne de la mise en œuvre d’un véritable plan concernant les moyens humains et financiers. Je pense notamment au suivi socio-judiciaire, prévu dans une précédente réforme mais qui n'est malheureusement pas appliqué. Tous les experts, juges ou travailleurs sociaux s'accordent pourtant à reconnaître que la sortie sèche constitue le premier facteur de récidive. Les détenus à nouveau condamnés sont le plus souvent ceux qui ont effectué leur peine sans aménagement.

Le véritable enjeu est donc le renforcement des mesures d'accompagnement éducatif en milieu ouvert, d’autant que la plupart des personnes concernées sont parmi les moins insérées socialement. Il est toujours difficile de recruter des médecins coordonnateurs, surtout pour assurer la prise en charge psychologique des personnes soumises à une injonction de soins, mais la mise en place du bracelet électronique ne saurait en aucun cas se substituer à un véritable accompagnement ni à un suivi humain.

Parmi d’autres mesures, nous avons réaffirmé notre souhait que le rôle du juge d'application des peines soit revalorisé et que le bracelet électronique soit non pas une seconde peine, mais bien une modalité d'application de la libération conditionnelle.

Enfin, je me réjouis que les droits de la défense soient mieux garantis et que des aménagements aient été apportés par voie d’amendements afin de remédier à la situation intolérable qui a permis l'incarcération d'un avocat dans l'exercice de sa mission. Il fallait clarifier la loi et cette proposition de loi nous en a fourni l’occasion.

Le groupe UDF votera donc le texte issu de la commission mixte paritaire, mais je me dois de rappeler la nécessité d’affecter à la justice les moyens humains et financiers indispensables, afin qu’elle puisse exercer sa noble mission.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de la discussion d’un texte d’origine parlementaire dont l’auteur est devenu, depuis, ministre de la justice. Péripétie singulière qui explique, sans doute, la détermination de ce dernier et de sa majorité à rejeter toute proposition visant à contester les dispositions les plus excessives de cette proposition de loi et, disons-le, de le faire quelquefois avec un emportement et des injonctions qui ne siéent guère à la sagesse, à l’humilité et à la qualité du débat démocratique qui devraient caractériser le travail parlementaire à l’Assemblée comme au Sénat.

C’est ainsi que, menacés d’un chantage indécent qui instrumentalise la douleur des victimes, les parlementaires ont été sommés de renoncer à saisir le Conseil constitutionnel. Les sénateurs indociles ont, quant à eux, été accusés d’indiscipline partisane quand ils ont voulu assouplir, par leurs amendements, les dispositions les plus dangereuses de ce texte. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le garde des sceaux a été particulièrement clair quand il les a rappelé à l’obéissance…

M. Gérard Léonard, rapporteur. Il a été très bien !

M. Michel Vaxès. …en déclarant : « Je demande que l’on respecte l’esprit de la proposition de loi de l’Assemblée nationale. Prendre une position contraire signifierait qu’il existe un vrai désaccord dans la majorité entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Je trouve cette position extrêmement préoccupante sur le plan politique, voire grave, je vous demande d’y renoncer ». Fermez le ban !

M. Gérard Léonard, rapporteur. Ces propos sont tout à l’honneur du garde des sceaux !

M. Michel Vaxès. Or, comme chacun le sait, l’autoritarisme ne sera jamais un argument convaincant. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Paul Garraud. Parole d’expert !

M. Guy Geoffroy. Quand c’est un communiste qui le dit, c’est superbe !

M. Michel Vaxès. C’est d’ailleurs pourquoi il est utilisé quand les arguments de fond font défaut. Cela est particulièrement vrai pour ce texte qui, disons-le, n’est pas bon. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

J’ose espérer, mes chers collègues, que la dérive sécuritaire qui a touché une bonne partie de nos concitoyens n’atteindra pas cet hémicycle, sous la forme d’une censure de l’opposition. Le débat démocratique implique que chacun accepte que des arguments contraires aux siens puissent être exposés.

M. Guy Geoffroy. C’est le cas !

M. Michel Vaxès. Si vous y êtes favorables, vous m’écouterez.

M. Guy Geoffroy. Nous écoutons !

M. Michel Vaxès. Non seulement ce texte n’est pas à la hauteur des ambitions qu’il affiche mais, pire encore, bon nombre de ses propositions sont contraires aux objectifs recherchés. La multiplication et l’aggravation des peines d’emprisonnement ferme, dans les conditions dramatiques de détention que nous connaissons dans les prisons françaises, seront à l’évidence contre-productives en matière de récidive.

Toutes les études récentes sur la question le prouvent : les condamnés, mis en liberté dans le cadre d’une libération conditionnelle récidivent moins que ceux qui ne bénéficient d’aucun aménagement de peine. Ainsi 17 % de condamnés pour homicide volontaire récidivent lorsqu’ils sont libérés en fin de peine, contre seulement 9 % lorsqu’ils ont bénéficié d’une libération conditionnelle. C’est une réalité qu’il vous faudra bien admettre.

M. Jean-Paul Garraud. Évidemment, les plus dangereux restent en prison !

M. Pierre Amouroux. Ce n’est pas une bonne démonstration !

M. Michel Vaxès. Quand chacun s’accorde à considérer, comme le fait la mission d’information sur le traitement de la récidive des infractions pénales, que la prison est désocialisante et criminogène, il n’est plus que le garde des sceaux et sa majorité pour estimer que l’aggravation et la multiplication des peines sont de nature à lutter contre la récidive.

En vérité, de sombres calculs politiciens vous conduisent à labourer le champ d’un médiocre populisme. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous choisissez la facilité en vous appuyant sur de trompeuses apparences, celles qui, contre la science et la raison, vous conduisent à prétendre que le soleil tourne autour de la terre. Vous avez choisi la facilité quand nous avons choisi la vérité.

M. Jean-Paul Garraud. Bien sûr !

M. Michel Vaxès. La vérité, nous ne cessons de le répéter au fil des lectures de ce texte, est que pour lutter efficacement contre la récidive, il faut se donner les moyens de l’action socio-éducative pour la réinsertion, pendant et après la prison. Comment, en effet, protéger la société et ses valeurs, si ces dernières n’inspirent pas nos politiques judiciaire et pénitentiaire ?

Mais l’argent qui serait nécessaire pour mettre en œuvre d’efficaces mesures de lutte contre la récidive, vous le réservez aux intérêts privés des plus fortunés, dont les appétits ne seront jamais rassasiés. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Oui, les moyens manquent cruellement à celles et ceux dont les compétences et le dévouement permettraient d’atteindre les objectifs qu’affiche cette proposition de loi. Aujourd’hui, un conseiller d’insertion et de probation doit assurer le suivi de 110 condamnés. Aujourd’hui, 250 juges de l’application des peines doivent suivre 180 000 condamnés. Aujourd’hui, il n’y a que 26 services médico-psychologiques régionaux pour 188 établissements pénitentiaires. Aujourd’hui, les conditions de détention sont indignes d’un pays comme la France.

Comment, dans ces conditions, prétendre lutter efficacement contre la récidive ?

M. Jean-Paul Garraud. Il fallait construire des prisons !

M. Michel Vaxès. En refusant de vous donner les moyens éducatifs, sanitaires et sociaux de l’efficacité, vous vous condamnez à l’échec en recourant une fois de plus à la facilité : la répression plus souvent, la répression plus longtemps.

Pour justifier vos choix, vous avez instrumentalisé les faits divers les plus tragiques, et entretenu toutes les confusions. Vous avez uniformisé vos réponses sans prendre en compte la nature des récidives et la diversité des situations qui les caractérisent. Récidives liées aux addictions fortes, récidives résultant de la délinquance organisée, récidives liées à des perversions sexuelles, récidives dérivant de pathologies psychiatriques ou générées par le contexte socio-économique : vous ne faites aucune différence entre toutes ces formes de récidive alors qu’elles n’ont rien de comparable et que chacune appelle un traitement particulier.

On voit bien que votre préoccupation relève beaucoup plus de l’affichage que de la recherche de l’efficacité et que, là encore, vous avez choisi la facilité au détriment de la rigueur, une rigueur qui aurait dû vous conduire, par exemple, à traiter de manière différenciée mineurs et majeurs.

Ce que le législateur de 1945, nourri des valeurs d’un humanisme ressourcé au combat de la Résistance, a construit, vous le détruisez de la même manière que vous portez l’ambition de remettre en cause toutes les avancées sociales du siècle dernier.

La France est signataire de la convention des Nations Unies relative aux droits des enfants, une convention qui pose l’exigence de spécialisation de la justice des mineurs. Avec cette proposition de loi, vous n’honorez pas la signature de la France. Le comité des droits de l’enfant des Nations Unies a d’ailleurs alerté notre pays sur le risque de voir les considérations de sécurité primer sur les exigences éducatives. Votre texte ne tient aucun compte de cette recommandation, ce qui n’améliorera pas l’image de la France.

Dans une décision du 29 août 2002, le Conseil constitutionnel rappelait l’existence de principes à valeur constitutionnelle gouvernant le traitement de la délinquance des mineurs, notamment la double nécessité de « rechercher l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, et de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées ». Votre texte ignore aussi ces exigences. Évidemment, nous voterons contre.

Monsieur le garde des sceaux, la France s’est souvent distinguée et honorée par des actes, des prises de position et des initiatives dont le souffle humaniste s’est irrésistiblement répandu bien au-delà de ses frontières. Aujourd’hui, vos initiatives législatives vont à contresens de l’histoire de notre pays. Avec des lois de cette nature, la France ne se grandit pas.

Les événements de ces derniers jours ne font que confirmer la préoccupante dérive de vos politiques. Là où doit être déclaré l’état d’urgence sociale, vous déclarez l’état d’urgence d’un pays en guerre.

M. Jean-Paul Garraud. Redescendez un peu sur terre !

M. Michel Vaxès. Vous refusez toujours d’entendre le message que l’un de nos prédécesseurs sur ces bancs nous adressait voici deux cents ans : « Législateurs, n’oubliez pas que la source de l’ordre c’est la justice et que le plus sûr garant de la tranquillité publique, c’est le bonheur des citoyens. »

M. Noël Mamère. Très bien !

Vote sur l’ensemble

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L’ensemble de la proposition de loi est adopté.)

Lutte contre le terrorisme

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers (nos 2615, 2681).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée nationale a commencé l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 140 à l’article 6.

Article 6 (suite)

M. le président. L’amendement n° 140 de M. Mariani n’est pas défendu.

La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour soutenir l’amendement n° 22.

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. La parole est à le ministre délégué à l’aménagement du territoire, pour donner l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 22.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission, pour défendre l’amendement n° 23 rectifié.

M. Philippe Houillon, président de la commission. C’est un amendement de précision.

M. le président. Le Gouvernement étant favorable à l’amendement n° 23 rectifié, je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission pour présenter l’amendement n° 24.

M. Philippe Houillon, président de la commission. Amendement de clarification.

M. le président. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 24.

Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 25 de la commission est bien rédactionnel ?

M. Philippe Houillon, président de la commission. Oui, monsieur le président.

M. le président. Le Gouvernement étant favorable à cet amendement, je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 73 rectifié.

M. Noël Mamère. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour donner l’avis de la commission.

M. Alain Marsaud, rapporteur. La commission estime qu’il serait déraisonnable de se limiter aux transports aériens, au risque de voir les terroristes se reporter sur d’autres modes de transport. Rappelons que la mise en place du dispositif ne sera pas automatique et généralisée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Défavorable !

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. L’application de la directive européenne à la loi relative à la lutte contre le terrorisme résulte d’un amalgame pratiqué par le Gouvernement. Il s’agit en fait, au prétexte de la lutte contre le terrorisme, de s’attaquer à l’immigration clandestine et, surtout, d’étendre le domaine des contrôles d’identité.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il est exact que la directive du Conseil du 29 avril 2004 n’impose aux États membres de prendre des dispositions dans leur droit interne qu’en ce qui concerne les obligations qu’ils doivent prescrire aux transporteurs aériens. Il ressort toutefois, tant des discussions au sein du Conseil relatives à l’adoption de cette directive, que du texte de la directive elle-même, que les États membres peuvent, à titre optionnel, étendre ces dispositions à certaines catégories d’autres transporteurs. C’est ainsi que le Gouvernement a choisi de retenir également, outre les transports par voie aérienne, ceux par voies maritime et terrestre.

À titre d’information, je vous indique que l’Espagne, à l’origine de cette directive, a fait le même choix d’extension à d’autres transporteurs que les compagnies aériennes.

Enfin, en termes d’efficacité opérationnelle, limiter aux seuls transporteurs aériens l’obligation de communication des données relatives à leurs passagers pourrait avoir pour conséquence un repli des filières d’immigration clandestine et de réseaux terroristes vers d’autres modes de transport.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. M. le ministre oublie de préciser que la directive fixe des normes qui ne figurent pas dans le projet de loi. Ainsi, selon l’article 6 de la directive, la durée de conservation est limitée à 24 heures. Or, comme l’a très justement relevé la CNIL, votre texte ne comporte aucune disposition à ce sujet. Vous ne donnez aucune précision sur la destination des données transmises, alors que cette transmission est rendue possible par des finalités absolument étrangères à celles de la directive transposée.

Il n’est pas indiqué non plus si un fichier unique sera constitué, ni quelles seront les conditions de son fonctionnement. Vous vous contentez d’indiquer que l’interconnexion sera possible avec le fichier des personnes recherchées. Il s’agit donc non pas réellement d’une transposition de la directive, mais simplement d’un détournement de celle-ci à des fins politiciennes.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Mamère, les directives sont transposées à la fois par la loi et par le décret. Pour l’heure, nous en sommes à l’étape de la loi, que des décrets viendront préciser.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 73 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour défendre l’amendement n° 74.

M. Noël Mamère. Défendu !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Défavorable.

La directive ne prévoit pas d’application temporaire. Si cet amendement était adopté, la France risquerait de se voir condamnée par la Cour de justice des Communautés européennes. En outre, cet article va exiger de lourds investissements financiers qui devront, pour le moins, être amortis sur un certain nombre d’années.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 74.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 6, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 6, ainsi modifié, est adopté.)

Article 7

M. le président. Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. L’article 7 porte sur le contrôle des déplacements automobiles intérieurs. II est proposé de renforcer le dispositif déjà prévu par l’article 26 de la loi sur la sécurité intérieure du 18 mars 2003. Il serait désormais possible non seulement d’installer des dispositifs de vérification automatique des données signalétiques des véhicules sur certains grands axes routiers, mais encore de photographier les occupants. Un ou des fichiers pourraient ainsi être créés. Une interconnexion, déjà autorisée en l’état du texte – la majorité vient d’en décider ainsi –, serait possible avec le fichier des véhicules volés.

La CNIL, qui, je le rappelle, a émis un avis extrêmement réservé sur le fond et sur les orientations de ce texte ainsi que sur ces procédures d’amalgame (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire),…

M. Jean-Charles Taugourdeau. C’est vous qui faites des amalgames !

M. Noël Mamère. …considère les dispositions permettant la collecte systématique de photographies des occupants comme portant une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et de venir au regard des finalités avancées. Elle considère également que la durée de conservation des données de quatre mois est excessive. Nous rejoignons bien évidemment cette appréciation.

Les finalités alléguées constituent pour l’essentiel des prétextes. L’extension de ce dispositif n’apparaît donc pas justifiée.

Il s’agirait avant tout, selon vous, de lutter contre des trafics de véhicules volés d’ampleur internationale et de lutter contre le terrorisme. Il paraît cependant évident qu’un tel dispositif ne permettra pas de s’attaquer à de tels phénomènes. Le premier souci de ceux qui opèrent des trafics de véhicules volés d’une certaine ampleur est évidemment de procéder au maquillage des véhicules. Le contrôle automatique de leur signalétique ne peut donc être que d’un faible d’intérêt. Si tant est que les terroristes soient coutumiers de l’usage de véhicules volés, ce qui n’est nullement le cas, ils prendront évidemment les mêmes précautions.

M. Jean-Paul Garraud. Bien sûr qu’ils se servent de voitures volées !

M. Noël Mamère. Bref, les mesures proposées à l’article 7 relèvent du placebo et de l’effet d’affichage. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Elles ne visent pas à renforcer la lutte préventive contre le terrorisme.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. L’article 7 a trait au contrôle des déplacements automobiles intérieurs.

Tel qu’il est présenté par le Gouvernement, cet article a fait l’objet de sérieuses critiques de la CNIL qui considère que la surveillance automatique des déplacements des personnes « en tous points appropriés » du réseau routier et autoroutier comporte un risque sérieux d’atteinte à la liberté d’aller et venir et permet le contrôle de l’identité des personnes à leur insu. C’est pourquoi, dans son avis, elle se montre extrêmement réservée sur la mise en œuvre de tels dispositifs qui reposent sur la prise systématique de photographies des occupants des véhicules.

En effet, tel que rédigé, cet article ne présente pas les garanties suffisantes quant à la préservation des libertés individuelles puisque aucune précision n’est donnée ni sur les conditions dans lesquelles les dispositifs seraient utilisés, ni sur les conséquences individuelles de leur utilisation à l’égard de la population.

Les amendements du rapporteur, qui ont été adoptés par la commission, prennent partiellement en compte les observations de la CNIL. Si ces amendements améliorent le texte par la mise en place de quelques garanties tendant à sauvegarder la liberté d’aller et venir, ils ne font que confirmer, néanmoins, que ce dispositif est prévu pour lutter non pas contre le terrorisme mais contre le trafic des voitures volées. Trouve-t-il donc sa place dans ce texte présenté comme permettant de prévenir les actes terroristes ? Supposons, en effet, que les terroristes aient pour pratique courante, ce qui nous étonnerait tous ici, d’utiliser des voitures volées, gageons que, désormais, ils maquilleront ces véhicules.

M. Thierry Mariani. C’est bien connu, ils louent leurs véhicules chez Hertz !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Et leurs vélos auprès de la ville de Paris !

M. le président. J’en viens aux amendements à l’article 7.

Je suis d’abord saisi de deux amendements identiques, nos 75 et 94, tendant à la suppression de l’article.

Monsieur Mamère, puis-je considérer que vous avez déjà défendu l’amendement n° 75 ?

M. Noël Mamère. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jacques Floch, pour soutenir l’amendement n° 94.

M. Jacques Floch. Nous considérons que l’article 7 n’a pas sa place dans le présent texte. Il n’est en effet qu’une occasion supplémentaire de contrôler les véhicules hors le cadre d’une enquête relative à la lutte contre le terrorisme.

C’est d’ailleurs ainsi que l’a compris M. Delattre, qui propose un amendement visant à supprimer les mots « de prévenir et de réprimer le terrorisme » afin de distinguer plus clairement les finalités poursuivies. Il a considéré qu’il fallait apporter cette précision pour rendre acceptable l’article 7.

M. Thierry Mariani. Il n’est pas là !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Il ne défend pas ses amendements !

M. Jacques Floch. Je rappelle que l’emploi de tels dispositifs est également possible « à l’occasion de grands rassemblements de personnes ». Que recouvrent d’ailleurs ces termes ?

M. Thierry Mariani. Par exemple, le congrès du Mans ! (Sourires.)

M. Jacques Floch. En tout état de cause, dès lors qu’une personne aura été prise en photo dans ces circonstances, elle sera fichée. Pour combien de temps ? On ne le sait pas. Et si elle est prise plusieurs fois en photo dans différents grands rassemblements occasionnels, du fait des recoupements de fichiers, elle deviendra « bien connue des services de police », comme on dit dans les commissariats.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Et alors ?

M. Jacques Floch. C’est le fameux fichier qui n’existe pas officiellement mais dont tout le monde parle. L’individu n’a jamais été condamné mais il est « bien connu des services de police ».

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Bien sûr !

M. Jacques Floch. Alors, nous sommes tous ici « bien connus des services de police »…

M. Pierre Amouroux. Heureusement !

M. Jacques Floch. …parce que nous avons dû être photographiés à l’occasion de grandes manifestations. Voilà qui montre que nous devons être très attentifs aux mesures que nous prenons.

Comment pouvez-vous imaginer que des terroristes vont voler des voitures pour organiser leurs mauvais coups ?

M. Jean-Paul Garraud. Et leurs complices ?

M. Noël Mamère. Monsieur Garraud, vous ne croyez pas ce que vous dites !

M. Jacques Floch. Chers collègues, vous êtes tous au fait de ce genre de problèmes. Certes, des terroristes au petit pied le feront peut-être, mais les organisations terroristes ont de vrais passeports, de gros moyens et ils achèteront donc les véhicules dont ils auront besoin.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. La commission a rejeté ces deux amendements. Il est temps de « démythifier » l’article 7 pour reprendre le terme du président de la commission des lois. J’ai le sentiment en effet, nonobstant mon amendement n° 31 rectifié, qui vise à expliciter le dispositif, qu’un certain nombre de mes collègues n’ont pas compris de quoi il s’agissait. À les entendre, on aurait prévu d’installer une machine ayant pour objet de photographier tous les véhicules circulant sur une route pour savoir ensuite, grâce aux photos ainsi obtenues, qui est avec qui et qui est passé par là. Il ne s’agit absolument pas de cela.

Lorsqu’un certain nombre de raisons laissent à penser que les membres d’une organisation terroriste vont emprunter des routes ou des autoroutes à proximité d’un aéroport, par exemple, les services compétents peuvent mettre en place un système de prises de photographies. Le conducteur, le passager et la plaque d’immatriculation de tous les véhicules qui passent sont alors automatiquement photographiés et les photos restent dans le logiciel.

S’il apparaît cependant, par recoupement, que la plaque d’immatriculation correspond à un véhicule volé ou mis sous surveillance, précisément parce qu’il pourrait être utilisé par un groupe terroriste ou une organisation mafieuse, un système d’alerte sera déclenché. Les fonctionnaires habilités auront alors accès à la photo afin de vérifier s’il s’agit bien d’un véhicule volé ou signalé. En revanche si le citoyen lambda – vous ou moi, monsieur Floch – est photographié au volant de sa voiture, il ne se passera strictement rien et personne n’aura jamais accès à la photo puisque le système d’alerte ne se déclenchera pas. Il y a en effet peu de chance que nous circulions dans un véhicule volé ou signalé !

S’agissant du délai, nous avons prévu huit jours de conservation dans ce qu’on pourrait appeler la boîte noire, même si l’expression n’est pas très adéquate, pour parer à toutes les éventualités. Si, par exemple, un véhicule est volé le week-end sur un parking d’aéroport, il faut laisser le temps à son propriétaire de se rendre aux services de police pour déclarer le vol, et à ces derniers celui de rentrer l’identification de la voiture dans le fichier des véhicules volés. Tout cela peut prendre cinq jours. Nous ne gardons donc que trois jours de plus les informations dans la boîte noire.

En tout état de cause, si rien ne s’est passé, la boîte noire sera vide au bout de huit jours. Si le système d’alerte est déclenché, les services d’investigation disposeront d’un mois de délai.

J’ai cru comprendre que ce dispositif suscitait quelques fantasmes. Certains articles de presse vont jusqu’à suggérer que le ministère de l’intérieur a l’intention de ficher la totalité des Français qui partent en week-end avec une jeune fille. (Sourires.) Nous n’en sommes pas là ! Cela n’a strictement rien à voir ! Le système que nous vous proposons se déclenchera en présence d’un véhicule volé ou placé sous surveillance, et uniquement dans ce cas-là. Cet article me semblait l’un des plus anodins de ce projet de loi, mais je constate qu’il suscite de nombreux fantasmes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le rapporteur a parfaitement raison.

Votre amendement, monsieur Mamère, vise à interdire à notre pays d’utiliser des technologies mises au service de la sécurité de nos concitoyens et qui ont fait leurs preuves dans d’autres pays, comme la Grande-Bretagne et l’Italie.

Les garanties prévues sont très sérieuses, notamment en matière de photographie. Celle-ci, en effet, ne sera transmise aux services de police et de gendarmerie que dans le cas où il s’agira d’un véhicule volé ou signalé. Permettez-moi de vous citer deux chiffres : aujourd’hui, dans notre pays, 500 000 véhicules sont fichés pour avoir été volés, et seulement 9 000 sont signalés. Voilà la réalité ! Et vous voulez nous ôter les moyens de surveiller ces quelques véhicules, car il ne s’agit de rien d’autre ?

Par ailleurs, la durée de conservation des images autorisées est très courte. D’ailleurs, monsieur Mamère, je ne sais pas où vous êtes allé chercher le chiffre de quatre mois qui ne figure à aucun endroit de ce texte. L’article 7 dispose que les données collectées seront conservées durant un délai de huit jours, ou d’un mois si elles font l’objet d’un rapprochement positif avec les fichiers, sauf pour les besoins d’une procédure pénale.

Nous sommes prêts à examiner une rédaction encore plus claire. La commission nous en donnera prochainement l’occasion avec l’amendement n° 31 rectifié. Je vous proposerai à ce moment-là de perfectionner la rédaction de l’article, mais, en tout état de cause, il s’agit ni plus ni moins d’apporter des précisions. Quoi qu’il en soit, il serait regrettable, messieurs les députés, que vos amendements de suppression soient retenus par l’Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 75 et 94.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 26.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision. La criminalité organisée qui justifie la mise en place du dispositif prévu est définie par l’article 706-73 du code de procédure pénale. C’est la raison pour laquelle il nous a semblé utile d’y faire référence.

M. le président. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 26.

Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 27.

M. Alain Marsaud, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.

M. le président. Le Gouvernement est donc favorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 27.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault, pour présenter l’amendement n° 113.

M. Michel Hunault. Monsieur le président, je présenterai également l’amendement n° 112.

Monsieur le ministre, je ne souhaite pas ôter des moyens aux services de police et de gendarmerie, mais je voudrais que des garanties soient apportées à ce dispositif, notamment que la décision de son utilisation soit prise par le juge des libertés et de la détention. Je sais bien que ce matin, le rapporteur a rejeté un amendement qui allait dans ce sens, mais il est important que ce texte soit équilibré.

À partir du moment où vous accordez des moyens supplémentaires, si vous voulez emporter l’adhésion de tous sur des objectifs communs, il faut que ce dispositif soit encadré : nous ne voulons pas passer sous silence le rôle que pourrait avoir le juge des libertés et de la détention.

Tel est l’objet de ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 113 et 112 ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Les deux amendements de M. Hunault ont été rejetés par la commission.

Pour ceux qui n’étaient pas présents ce matin, je rappelle que, jusqu’à l’article 8 de ce texte, nous sommes dans un contexte de prévention, dans le domaine de la police administrative. Vous voulez bouleverser totalement les règles existantes et faire intervenir un juge. Pardonnez-moi, mais cela risquerait de poser un problème de constitutionnalité.

D’ailleurs qu’est-ce qu’un juge judiciaire apporterait à ce dispositif ? Pensez-vous qu’un juge judiciaire puisse intervenir pour vérifier le bon fonctionnement de ce dispositif qui, en cas de crise grave, serait très utilisé ? Je lui souhaite bien du plaisir ! Je pense qu’il est préférable de réserver le juge des libertés à la suite de notre programme, si je puis dire, où il prouvera l’importance de ses fonctions et pourra donner toute la mesure de ses talents.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le Gouvernement partage presque totalement l’avis du rapporteur.

Monsieur Hunault, vous le savez, ces dispositifs font l’objet de contrôles et de garanties importants, en premier lieu ceux prévus par la loi de 1978, dite loi Informatique et libertés. Comme l’indiquait le rapporteur, ces contrôles sont d’abord de nature administrative. En tout état de cause, l’autorité judiciaire aura à en connaître dès lors que la constatation d’infractions pénales aura été effectuée par l’autorité administrative. Toutes les garanties sont donc réunies.

Je vous suggère donc, monsieur le député, de retirer ces deux amendements.

M. Michel Hunault. Je les maintiens.

M. le président. Je mets donc aux voix l’amendement n° 113.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 112.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Monsieur le rapporteur, l’amendement n° 28 de la commission est bien rédactionnel ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Tout à fait !

M. le président. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 28.

Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement n° 141.

M. Thierry Mariani. Cet amendement vise à donner aux agents des douanes la possibilité de procéder eux aussi à un traitement automatisé des données relatives à des véhicules et à leurs occupants afin de lutter contre la criminalité organisée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, qui peut pourtant apparaître comme frappé au coin du bon sens.

Je comprends vos préoccupations, monsieur Mariani, et tout l’intérêt qu’il y aurait à faire intervenir les douanes dans notre dispositif, afin d’améliorer la sécurité et la prévention dans le domaine du terrorisme. Je vous proposerai d’ailleurs tout à l’heure un amendement identique, visant à intégrer dans ce dispositif la direction générale de la sécurité extérieure, qui est l’un de nos services de sécurité et de renseignement, n’est-ce pas, madame Marland ?

Cependant, ce projet de loi étant déposé par le ministre d’État, ministre de l’intérieur, peut-être faut-il s’en tenir aux services concernés par ledit projet de loi et ne pas aller voir ailleurs.

Quoi qu’il en soit, je constate que les douanes ne nous ont pas fait part de leur intérêt pour ce texte – mais il nous appartenait peut-être de les contacter – jusqu’à l’intervention de M. Mariani. Peut-être M. Breton et M. Sarkozy n’en ont-ils pas parlé ?

M. Michel Vaxès. C’est un problème de chefs !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation sur la sécurité intérieure, le ministre de l’intérieur avait souhaité, pour une meilleure efficacité, regrouper l’ensemble des services au sein des GIR – les groupements d’intervention régionaux – où sont associés les services de police, de gendarmerie, les douanes, les magistrats et l’administration fiscale.

M. Jean-Paul Garraud. D’ailleurs, les GIR fonctionnent très bien !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Votre amendement relève du même état d’esprit et il se situe dans le prolongement de l’action du ministre de l’intérieur, qui accueille favorablement votre proposition. Toutefois, nous sommes obligés de respecter certains équilibres ainsi que les garanties prévues par le Gouvernement.

Dans un premier temps, monsieur Mariani, il serait donc préférable que vous retiriez votre amendement. Nous étudierons votre proposition dans le cadre de la navette parlementaire.

M. le président. Accédez-vous à cette demande, monsieur Mariani ?

M. Thierry Mariani. Oui, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 141 est retiré.

M. Jacques Floch. Nous aurons l’occasion d’en reparler.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 29.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Cet amendement vise à permettre la consultation du système d’information Schengen.

Il me semble en effet indispensable de prévoir une interconnexion entre le fichier des véhicules volés ou signalés et le système d’information Schengen afin de pouvoir identifier des véhicules recherchés dans d’autres pays européens.

En effet les vols de véhicules ne se produisent pas tous en France et sur nos routes ne circulent pas seulement des véhicules volés en France et signalés dans le fichier français. La France est aussi un pays de passage. On sait par exemple que Hamdi Issac, l’un des auteurs des attentats ratés de Londres du 21 juillet dernier, est passé par la France pour se rendre en Italie. Nous ne savons pas s’il a traversé notre pays en train ou en voiture, mais cela prouve qu’il est important de croiser nos fichiers avec le système d’information Schengen.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous sommes favorables à la proposition de la commission. En effet, il est utile de prévoir explicitement que les données recueillies par les dispositifs de surveillance des véhicules – plaques d’immatriculation, photos – puissent être rapprochées non seulement du fichier français des véhicules volés et signalés, mais également du système d’information Schengen. J’ajoute que ce serait une façon intelligente d’utiliser un outil de coopération européenne qui fonctionne plutôt bien.

M. le président. La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch. M. le rapporteur nous a bien expliqué le but de la manœuvre. En réalité, une telle interconnexion existe déjà, en catimini. Il est important que tous ceux qui s’occupent de sécurité dans notre pays agissent au grand jour et que leurs actions soient contrôlées par la loi.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 29.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Floch, pour présenter l’amendement n° 95.

M. Jacques Floch. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Cet amendement a été rejeté par la commission.

Monsieur Floch, vous remettez en question la durée de huit jours, mais il faut pouvoir retrouver la trace du véhicule dont le vol a été déclaré. Reprenons l’exemple d’un véhicule garé à l’aéroport : si le véhicule a été déclaré volé, un délai supplémentaire est nécessaire. C’est la raison pour laquelle nous avons prévu un délai intermédiaire, dont la durée se situe entre huit jours et un mois.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 95.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 30.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Coordination !

M. le président. Le Gouvernement étant donc favorable je mets aux voix l’amendement n° 30.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Nous en venons à l’amendement n° 31 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement de clarification.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Cet amendement que je vous ai annoncé il y a quelques instants a été rectifié pour rendre l’article 7 plus compréhensible en clarifiant un dispositif qui était mal compris. J’espère que mes explications vous ont permis de le comprendre. (Sourires.) Il tend à ajouter une garantie en précisant explicitement l’interdiction absolue de la consultation des photos, sauf rapprochement positif avec le fichier des véhicules volés ou dans le cadre d’une procédure pénale.

M. le président. Le Gouvernement est-il favorable à cette clarification ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le Gouvernement est tout à fait d’accord avec le rapporteur : cet amendement explicite parfaitement ce que nous voulons faire. Il est exclu que les policiers puissent accéder aux photos des passagers de tous les véhicules contrôlés par le nouveau système. Ces photos seront conservées dans une sorte de boîte noire, totalement inaccessible. Seules les photos des conducteurs des véhicules figurant dans le fichier des véhicules volés ou signalés ou dans le système d’information Schengen seront accessibles aux policiers et aux gendarmes.

M. Noël Mamère. Sans qu’ils en demandent l’autorisation au juge !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. L’honnête citoyen n’a rien à craindre, monsieur Mamère ! Sa vie privée ne sera pas du tout affectée puisque – je vous le répète pour que vous preniez vos précautions (Sourires) – seul le conducteur d’un véhicule volé ou signalé qui a quelque chose à se reprocher pourra redouter cette nouvelle consultation.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Nous avons des moments très intéressants dans cette discussion. À l’image de M. Dassault, devenu le nouveau propriétaire du Figaro et qui explique à ses journalistes qu’il faut développer des « idées saines », voilà que maintenant un représentant du Gouvernement vient nous expliquer ce que devrait être un « honnête citoyen ». Qu’est-ce qu’un honnête citoyen, monsieur Estrosi ? Est-ce, par exemple, un ancien ministre poursuivi dans plusieurs affaires, qui va au Sénat pour être protégé par son immunité ? Est-ce un Président de la République qui est protégé par une décision du Conseil constitutionnel, alors que son nom est cité pas moins de six fois dans six affaires ? Est-ce cette définition que vous vous faites de l’honnête citoyen ?

Par ailleurs, vous nous jurez vos grands dieux – si toutefois vous croyez en Dieu, ou au Diable, je ne sais pas ! – que ces données seront dans une boîte noire et qu’il sera absolument impossible de les consulter. Pourtant, que je sache, nous sommes dans un État de droit où la justice a pour objectif de contrôler l’exécutif, en particulier la police et la gendarmerie. Si vous nous dites qu'on ne pourra pas regarder ce qu’il y a dans cette boîte noire, pourquoi n’avez-vous pas précisé dans la loi que le juge n’a pas son mot à dire dans cette affaire, notamment qu’il n’a pas la possibilité de contrôler ce que pourraient faire la police et la justice ?

Je confirme ici, encore une fois, puisque l’occasion m’en est donnée, que, après la loi Sarkozy 1, après les lois Perben 1 et 2, après cette loi inique sur la récidive que vous venez de voter et avant d’autres lois que vous nous préparez, vous êtes en train de faire passer dans le droit commun des lois d’exception, des lois pérennes ; que vous êtes en train de quadriller les libertés individuelles et publiques dans ce pays ; et que vous voulez transformer – vous avez d’ailleurs déjà commencé à le faire – la justice en auxiliaire de la police.

M. le président. La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch. J’ai été intéressé par la définition de l’honnête citoyen donnée par M. le ministre Estrosi. Dans un État de droit, un honnête citoyen, dont la définition vient d’être apportée, n’a pas de précaution à prendre pour circuler, pour vivre dans son pays : il vit normalement sous la protection de la loi parce que c’est un honnête citoyen. Voilà pourquoi nous devons les uns et les autres faire un peu attention à ce que nous disons dans ce domaine. Nous sommes dans un pays de droit et devons le rester, mais nous sommes aussi un pays où les dirigeants politiques sont des gens sérieux, avertis et désireux de protéger les citoyens contre le terrorisme.

Prenons un certain nombre de mesures, mais point n’est besoin d’en rajouter !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. M. Mamère, dans sa version excessive habituelle que nous connaissons bien et qui, je veux le rappeler, s’était déjà opposé à toutes les mesures de lutte contre le terrorisme de la loi de 2001 proposée par le gouvernement de M. Jospin…

M. Noël Mamère. Tout à fait !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …au lendemain, pourtant, des attentats dramatiques du 11 septembre aux États-Unis, poursuit aujourd’hui sur le même registre.

Nous savons, monsieur Mamère, que vous vous inscrivez plutôt du côté de ceux qui menacent que du côté de ceux qui risquent, demain, d’être des victimes.

M. Noël Mamère. Attention à vos propos !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Dans un État de droit, l’État doit défendre celles et ceux que nous avons le devoir de protéger.

Monsieur Floch, lorsque je précise qu’il s’agit simplement de mettre dans une boîte noire un certain nombre de données qui ne seront accessibles à personne, que seuls ceux qui se déplacent dans un véhicule volé ou signalé sont concernés et qu’il ne s’agit de rien d’autre, cela ne mérite pas cette réaction de votre part, ni de la part de M. Mamère.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Il me semblait que, dans le débat démocratique, on devait se respecter.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Ce n’est pas le sentiment que vous avez donné !

M. Noël Mamère. Monsieur le ministre, je vous demande de vous excuser publiquement pour les propos que vous avez tenus à l’endroit d’un représentant du peuple. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je ne me considère pas aujourd’hui, parce que je défends des idées qui sont attachées aux libertés, comme une menace pour notre pays ! Si vous estimez, monsieur Sartrosi ou monsieur Estrosi, je ne sais plus comment vous vous appelez (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), que défendre aujourd’hui les libertés fondamentales dans ce pays, défendre les libertés privées et publiques constitue une menace pour le pacte républicain, c’est que vous avez rompu l’équilibre de ce pacte républicain et que nous ne nous faisons pas la même idée de la démocratie et des valeurs républicaines ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le ministre, je vous demande donc très officiellement, très solennellement, parce que je me sens blessé (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), de retirer les mots que vous avez tenus à mon endroit. Je ne suis pas une menace pour le pays ; je contribue au débat démocratique et je vous demande de me respecter, même si je suis isolé et même si vous dites qu’aujourd’hui j’ai tort ! On verra ce que diront les électeurs et ce que dira l’histoire ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Paul Garraud. Nous avons confiance !

Mme Pascale Gruny. Il n’y a pas de problème !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Monsieur Mamère, j’ai eu l’occasion de vous dire ce matin…

M. Noël Mamère. Tout le bien que vous pensez de moi !

M. Alain Marsaud, rapporteur. …que je vous respectais en qualité de collègue parlementaire élu.

M. Noël Mamère. Je suis parlementaire !

M. Alain Marsaud, rapporteur. Dans cette affaire, j’avais cru donner suffisamment d’éléments de nature à rassurer tout le monde sur l’article 7, et je ne parle que de cet article. Cependant j’ai l’impression, monsieur Mamère – et je vais faire attention aux mots que j’emploie, car nous sommes dans une période où les mots donnent parfois la fièvre à certains – qu’il y a, sans vouloir utiliser le terme de mauvaise foi, peut-être une exagération dans l’interprétation de ce qu’est réellement ce texte. Je voudrais que chacun s’en tienne au seul contenu de ce texte, à sa signification que j’ai essayé de clarifier avec mon amendement n° 31 rectifié. Il n’est pas forcément très utile d’en arriver à des échanges de mots comme celui qui vient d’avoir lieu.

Permettez au rapporteur que je suis au nom de la commission des lois de faire avancer ce projet de loi, et Dieu sait si ce n’est pas facile depuis ce matin. Monsieur Mamère, reconnaissez que vous ne nous y aidez pas.

Nous sommes tous, vous, moi, toutes celles et tous ceux qui siègent ici, attachés à l’exercice des libertés fondamentales, des libertés publiques, des libertés individuelles. Je vous demande donc d’y mettre un peu du vôtre, monsieur Mamère, pour ne pas en arriver à ces échanges parfois un peu exacerbés.

M. Noël Mamère. Ce n’est pas de mon fait ! Je n’ai pas parlé de menace !

M. Alain Marsaud, rapporteur. Tenons-nous en à ce texte. J’ai essayé de tous vous rassurer : il ne contient que ce que j’ai dit, et rien d’autre !

M. le président. Je mets aux voix cet amendement n° 31 rectifié qui, je le rappelle, était de clarification ! (Rires.)

Mettons un peu d’humour dans cette enceinte ; cela pourrait contribuer à apaiser nos débats !

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 32 de la commission, monsieur le rapporteur, lui, est de coordination.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Absolument !

M. le président. Si nous pouvions autant coordonner que clarifier dans la même humeur, ce sera parfait ! (Sourires.)

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Floch, pour soutenir l’amendement n° 96.

M. Jacques Floch. Défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Amendement repoussé par la commission, car il apparaît peu utile.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 96.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 7, ainsi modifié, est adopté.)

Article 8

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 8.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Cet article concerne l’accès direct de services de police à certains fichiers.

Cette proposition constitue, s’il en était besoin, une nouvelle illustration du détournement auquel donne lieu le principe de finalité affiché par ce projet de loi, qui constitue l’une des garanties théoriques des usagers en matière d’informatique et de libertés. L’existence même du ficher justifie a posteriori l’extension des cas permettant sa consultation, sans lien aucun avec les finalités ayant initialement justifié sa création. Autrement dit, encore une fois, on étend le champ de limitation de nos libertés sur le dos de la lutte contre le terrorisme.

Dans ce contexte, les garanties qui sont exigées par la CNIL – par exemple, préciser qu’il s’agit seulement de permettre la consultation de ces fichiers et désigner précisément les services de police et de gendarmerie habilités – constituent le minimum du minimum. Pourtant, ces exigences, ces garanties exigées par la CNIL n’ont pas été intégrées.

Je les rappelle.

Dans sa note, la CNIL propose que la loi ou ses décrets d’application précisent la liste des données accessibles strictement nécessaires à la poursuite des finalités de lutte antiterroriste, les services de police et de gendarmerie destinataires des données, les mesures propres à assurer la sécurité des données, à l’occasion de leur consultation, notamment, les modalités d’habilitation d’accès et de contrôle systématique des consultations des fichiers. Enfin, toujours dans sa note, la CNIL nous dit qu’elle doit pouvoir exercer sans restriction ses pouvoirs de contrôle sur les accès opérés aux fichiers.

Toutes ces exigences n’ont pas été prises en compte. Par ailleurs, ces garanties exigées par la CNIL n’ont pas vocation à l’être par voie réglementaire puisque aucun renvoi au décret n’est prévu par le texte.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. L’article 8 du projet de loi prévoit d'accroître les possibilités de consultation de certains fichiers administratifs du ministère de l'intérieur par les services de police chargés de prévenir les actions terroristes. Il s'agit des fichiers des immatriculations, des permis de conduire, des cartes nationales d'identité, des passeports des ressortissants étrangers en France, des demandes de visas et de titres de séjour.

L'exposé des motifs précise que « pour des raisons évidentes de réactivité, ce travail [de collecte de renseignements] ne peut s'opérer que dans un cadre de police administrative, préalable au déclenchement de la procédure judiciaire, qui possède ses propres contraintes procédurales ».

Rappelons tout de même que ces contraintes procédurales sont prévues pour garantir les droits des citoyens, notamment leurs libertés individuelles. En fait, cet exposé des motifs est particulièrement clair. Il nous dit qu'il est nécessaire de contourner les juges afin de favoriser une procédure administrative, placée sous le contrôle direct du ministre de tutelle, celui de l'intérieur.

En outre, cet article est la preuve, si besoin était, que l'existence d'un fichier justifie a posteriori l'extension des cas permettant sa consultation, sans lien avec les finalités ayant initialement justifié sa création.

La commission nationale de l’informatique et des libertés, dans son avis, demandait qu'un certain nombre de garanties entourent cet article. L'amendement de la commission ne prend en compte qu'une seule de ces garanties, celle précisant les services de police et de gendarmerie habilités.

En revanche, n'est pas dressée la liste des données accessibles strictement nécessaires à la poursuite des finalités de lutte antiterroriste. Le texte ne précise pas non plus les mesures propres à assurer la sécurité des données à l'occasion de leur consultation, et notamment les modalités d'habilitation d'accès et de contrôle systématique des consultations des fichiers. C'est pourtant là un minimum.

Permettez-moi, puisque nous traitons de la question des fichiers, d'ajouter que le fichier STIC, qui recense les délits – que les personnes soient mises en cause ou simples victimes – a été sérieusement critiqué par la même CNIL. Elle a, en effet, dénoncé beaucoup d’erreurs contenues dans des données conservées, alors qu'elles devaient être détruites au bout de cinq ans. Cela donne à réfléchir !

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 8.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 33.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Avis favorable du Gouvernement.

Je mets aux voix l'amendement n° 33.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M.  le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 34.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Cet amendement ne pourra qu’être voté par M. Mamère, M. Vaxès et nos collègues du groupe socialiste puisqu’il va dans le sens de ce qu’ils souhaitent.

Comme pour les autres articles du projet de loi, nous encadrons l'article 8 en précisant que les agents qui auront accès aux fichiers seront des agents individuellement habilités. Il n’est pas nécessaire que n’importe qui aille fouiller dans ces fichiers. Il ne s’agit pas d’un droit d’accès généralisé des fonctionnaires de police ou des gendarmes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

M. Julien Dray. C’est un amendement très utile !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 34, approuvé par M. Dray.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Floch, pour défendre l’amendement n° 97.

M. Jacques Floch. Les enquêteurs ont déjà l’habitude d’utiliser tous les fichiers dont nous parlons et il est bon que la loi mette un peu d’ordre dans ces pratiques en désignant des agents habilités. À cet égard, l’amendement de M. le rapporteur est le bienvenu. Il vaut mieux que les utilisateurs des fichiers travaillent sous la protection de la loi.

En même temps, il nous faut fixer des limites. Il n’y a pas d’administration sans fichier, et la technologie de la communication permet aujourd’hui les croisements. Lorsqu’on croise deux fichiers, on en crée un troisième : qui va le contrôler ? Il faut donc que nous soyons très vigilants, pour éviter de porter atteinte aux libertés, et que nous nous entourions d’un maximum de précautions.

Aussi proposons-nous que la personnalité visée dans la seconde phrase du quatrième alinéa de l’article 5 soit avertie de l’utilisation des fichiers.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. Je comprends bien l’intention de M. Floch, mais il veut mettre la personnalité qualifiée à toutes les sauces et j’ai peur que la semaine de 35 heures ne lui permette pas d’aller jusqu’au bout de sa mission.

M. Julien Dray. Il n’y a plus de 35 heures : vous les avez supprimées !

M. Noël Mamère. Vous les avez cassées !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je comprends bien votre souci, monsieur Floch, mais il convient de ne pas mêler les dispositifs de l’article 5 et ceux de l’article 8, car chacun a sa logique. L’article 8 ne retire pas à la CNIL le droit de regard dont elle dispose, comme pour tout traitement automatisé.

Je veux lever tout malentendu : nous ne créons aucun fichier des fichiers et les fichiers ne seront pas interconnectés. C’est pourquoi nous sommes défavorables à cet amendement. Puissent ces explications vous avoir rassurés.

M. Jacques Floch. Je vais faire comme si je l’étais !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 97.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour présenter l’amendement n° 48.

M. Thierry Mariani. Cet amendement de notre collègue Jean-Luc Warsmann tend à permettre aux agents des services de police et de gendarmerie chargés de participer à la lutte antiterroriste de consulter, pour les besoins de la prévention et de la lutte contre le terrorisme, certains fichiers administratifs du ministère de l’intérieur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Une nouvelle fois, monsieur Mariani, vous touchez à un point important du projet de loi. Vous − et plusieurs de vos collègues qui m’en ont également parlé − voulez faire intervenir la direction générale de la sécurité extérieure. Comme son nom l’indique, cette dernière est chargée du renseignement extérieur et, à ma connaissance, elle n’agit donc pas sur notre territoire, même si, en la matière, les choses sont assez compliquées, ce qui ne peut que nous conforter dans notre volonté de réfléchir au fonctionnement des services de renseignement.

Aujourd’hui, le système présente-t-il des défauts qui l’empêcheraient de fonctionner ? Il ne me semble pas que ce soit le cas. En tout état de cause, le service auquel il est fait allusion ne s’en est pas ouvert à nous de manière directe ou indirecte, à moins qu’il ne le fasse par l’intermédiaire de cet amendement et par l’intervention de certains de nos collègues, hier soir. J’ose espérer que, lorsque la DGSE a besoin d’avoir accès à certaines informations ou aux fichiers du ministère de l’intérieur, elle entre en contact avec le correspondant qu’elle y a forcément et que celui-ci répond à ses demandes.

C’est pourquoi, jusqu’à plus ample informé, je propose de rejeter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Mariani, vous souhaitez offrir à la DGSE la possibilité d’avoir accès aux fichiers du ministère de l’intérieur. Certes, il faut privilégier la collaboration entre la DGSE et les services du ministère, veiller à ce que cette relation soit aussi bonne que possible et faire en sorte que la concertation soit permanente, car je crois − je suis même convaincu − qu’elle existe. Toutefois, il n’est pas souhaitable que cet amendement soit maintenu en l’état, car je préfère que nous restions dans ce cadre institutionnel.

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Je retire l’amendement.

M. Jacques Floch. C’est raisonnable !

M. le président. L’amendement n° 48 est retiré et j’en viens à l’amendement n° 76.

La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.

M. Noël Mamère. Cet amendement illustre la philosophie que nous avons défendue avant l’article 8. On ne peut en effet se résoudre à étendre la possibilité d’accéder à certains fichiers administratifs sans poser, au préalable, les limites de cette extension. Il convient dès lors de déterminer, en fonction de la nécessité de la lutte antiterroriste, les données concernées. Néanmoins il convient également de déterminer les services auxquels ces données seront destinées, ainsi que les conditions d’accès et de contrôle des informations.

La possibilité de croiser les fichiers nous rend extrêmement perplexes. Dans la mesure où le juge n’aura plus son mot à dire, permettre d’élargir encore le champ d’extension des fichiers administratifs sera extrêmement dangereux pour les libertés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Défavorable. Nous avons, tout à l’heure, voté un amendement un peu identique du groupe socialiste. Celui de M. Mamère doit donc être satisfait à 95 %.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 76.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Floch, pour défendre l’amendement n° 98.

M. Jacques Floch. Il convient de permettre à la CNIL de ne pas se voir refuser l’accès à l’intégralité d’un « fichier de fichiers » sous prétexte qu’il contient certains éléments classés « secret défense ». Certains agents de la CNIL pourraient parfaitement être habilités « secret défense ». Il n’est pas convenable que, dans un pays démocratique, une commission spécialement chargée du contrôle de l’utilisation des fichiers ne puisse pas exercer son activité dans certains domaines.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Je voudrais d’ailleurs bien savoir ce que signifie l’expression « fichier de fichiers », car je n’ai pas trouvé de définition qui permette d’en délimiter l’étendue. Serait-ce un « superfichier » ?

M. Noël Mamère. Bien sûr !

M. Jacques Floch. Un fichier croisé avec un autre fichier devient un « fichier de fichiers ».

M. Alain Marsaud, rapporteur. Dans ce cas, je vais demander au ministre de nous apporter des précisions de nature à dissiper vos craintes qui, à mon avis, ne seraient justifiées que si l’accès aux fichiers du ministère de l’intérieur avait pour conséquence de permettre aux services de police de mettre en œuvre un traitement spécifique issu de ces données. C’est ce que l’exposé sommaire de cet amendement qualifie de « fichier des fichiers », mais j’attends, pour me prononcer, les explications de M. le ministre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Floch, je pensais vous avoir éclairé au moment de la discussion de votre amendement n° 97 et vous m’aviez d’ailleurs laissé entendre que vous étiez quasiment convaincu.

M. Jacques Floch. J’avais compris !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je vous confirme une fois de plus qu’il n’y a pas de « fichier des fichiers ».

M. Jacques Floch. Il y en aura !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Par ailleurs, je vous garantis que la CNIL sera parfaitement habilitée à jouer son rôle pour chacun de ces fichiers, et qu’il n’est pas besoin de le mentionner explicitement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Dans ce cas, je confirme que mon avis est défavorable.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Pardonnez-moi d’insister, monsieur le ministre. Malgré votre sincérité, nous ne pouvons pas croire à vos affirmations. Dans tout ce projet de loi, du premier au dernier article, vous vous attachez à réduire le contrôle de la CNIL…

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Mais non !

M. Noël Mamère. …c’est-à-dire à tordre le cou à la loi de 1978 sur l’informatique et les libertés.

Vous affirmez à présent qu’il n’y aurait pas de fichier des fichiers, mais nous ne sommes pas totalement naïfs. Dès lors que des fichiers seront croisés, il y aura un fichier des fichiers, et certains services pourront l’utiliser. Si l’on songe que vous n’avez pas suivi les recommandations de la CNIL sur cet article, pourtant très important pour nos libertés, on ne peut pas vous croire quand vous dites que la CNIL aura son mot à dire sur tous les fichiers. Ce n’est d’ores et déjà pas vrai dans votre texte.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Mamère, ou bien vous refusez de me croire, comme vous l’affirmez, ou bien vous faites semblant de ne pas me croire, et j’avoue préférer la seconde hypothèse. Depuis le début de l’examen de ce texte, nous ne cessons d’affirmer qu’il se fonde sur la loi de 1978. Que vous me croyiez ou non, elle s’impose à nous et nous ne pouvons y déroger. Je vous le répète : il n’y aura pas de fichier des fichiers.

M. le président. La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch. Je rappelle à M. le ministre que l’article 4 de la loi de 1978 permet de refuser l’accès de certains fichiers à la CNIL.

M. Noël Mamère. Bien sûr !

M. Jacques Floch. Ainsi, certains éléments des fichiers militaires peuvent ne pas être soumis à la CNIL.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le ministre, vous avez tout à l’heure demandé à M. Mariani de retirer son amendement en prévision d’une deuxième lecture. Or je vous rappelle que ce texte est examiné après déclaration d’urgence et qu’il n’y aura pas de deuxième lecture. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Thierry Mariani. Vous avez mis du temps à vous en apercevoir !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. C’était un test pour voir s’il suivait ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Je voudrais, pour calmer les passions, rappeler que nous ne parlons que du fichier des permis de conduire.

M. Noël Mamère. Il n’y a pas de petit fichier !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 98.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Floch, pour présenter l’amendement n° 99.

M. Jacques Floch. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 99.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 8, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 8, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 8

M. le président. Nous en venons à deux amendements portant articles additionnels après l’article 8.

La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour soutenir l’amendement n° 50.

M. Jean-Paul Garraud. Cet amendement vise à compléter la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

Au titre des motifs d’inscription obligatoire au fichier des personnes recherchées, il est en effet important d’inclure les personnes faisant l’objet d’interdictions prononcées par l’autorité judiciaire.

Outre l’interdiction, prévue au paragraphe 6° de l’article 131-6 du code pénal, de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation, il conviendrait, depuis la promulgation de la loi du 12 juin 2003 et de celle du 9 mars 2004 ajoutant les paragraphes 12°, 13° et 14° au même article, de prendre en compte les interdictions de paraître dans certains lieux et dans ceux où l’infraction a été commise, de fréquenter certains condamnés, notamment les auteurs ou complices de l’infraction, et d’entrer en relation avec certaines personnes, notamment la victime de l’infraction.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Je comprends, monsieur Garraud, l’utilité de votre amendement même si vous allez ainsi surcharger le fichier des personnes recherchées puisque vous proposez d’y inscrire les personnes interdites de détenir ou de porter une arme – ce qui ne peut aujourd’hui concerner que les chasseurs et, théoriquement, les fonctionnaires de police – de paraître dans certains lieux, de fréquenter certains condamnés ou d’entrer en relation avec certaines personnes.

La commission a toutefois adopté cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le Gouvernement émet un avis très favorable à cet excellent amendement. Cet ajout à l’article 23 de la loi pour la sécurité intérieure permet, en effet, de mettre à jour, en la complétant, la liste des motifs d’inscription obligatoire au fichier des personnes recherchées, pour tenir compte des adaptations introduites par la loi du 9 mars 2004, dite Perben II.

M. le président. La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch. Tout cela fait beaucoup, d’autant que l’interdiction prononcée de détenir ou de porter une arme concerne souvent des chasseurs ayant commis non pas un crime mais un délit mineur. Or voilà qu’ils se retrouveront fichés parmi les personnes recherchées !

Le fichier risque d’être surchargé, sachant, je le répète, qu’aux lendemains de chaque période de chasse, certains de nos concitoyens se voient, pour des broutilles, interdire par les tribunaux de porter une arme, souvent pour un temps limité. Qu’auraient-ils donc à faire au fichier des personnes recherchées ?

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 50.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Floch, pour présenter l’amendement n° 100.

M. Jacques Floch. Il serait de bonne méthode administrative, lorsqu’un fichier est consulté par les services de police ou de gendarmerie, de conserver la trace de cette consultation. Il faut que l’on sache qui a consulté un fichier et pourquoi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Avis favorable sous réserve de préciser qu’il s’agit, conformément à la tradition, des services de police « nationale » et de gendarmerie « nationale ».

M. le président. Acceptez-vous de rectifier l’amendement en ce sens, monsieur Floch ?

M. Jacques Floch. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement ainsi rectifié ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Floch, je comprends votre préoccupation. La traçabilité des accès est une mesure de sécurité. Le responsable du traitement la met d’ailleurs en œuvre, appliquant en cela la loi de 1978, et, en pratique, le portail unique d’accès des policiers à ces fichiers, dénommé CHEOPS, permet de l’assurer parfaitement.

Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Après avoir dénoncé la constitution de trop nombreux fichiers, voilà que M. Floch nous en propose un de plus : un fichier des personnes ayant consulté les fichiers ! (Sourires.)

M. le président. Je consulte l’Assemblée sur l’amendement n° 100 tel qu’il a été rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, à la demande de la commission, je vais suspendre la séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 9

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, inscrit sur l’article 9.

M. Noël Mamère. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l’article 9 propose d’aggraver les peines encourues par les membres d’associations de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste visant à l’organisation d’atteintes aux personnes. C’est de toute évidence une mesure de pur affichage.

Nul n’ignore en effet que les infractions terroristes, dont la définition est particulièrement large, sont d’ores et déjà lourdement réprimées. Une peine maximale de dix ans d’emprisonnement est déjà encourue pour la seule participation à une association de malfaiteurs en relation avec une telle entreprise. Une période de sûreté est également applicable, égale à la moitié de la peine prononcée en cas de peine de dix ans. Ces peines sont en outre soumises à un régime procédural d’exception.

L’aggravation de la répression de l’infraction d’association de malfaiteurs terroriste ne paraît donc pas nécessaire. Elle risque même d’aggraver encore la situation de personnes intervenues de manière marginale, et parfois contingente, dans la réalisation d’actes terroristes.

Par ailleurs, alors que la détention provisoire est d’un usage presque systématique en la matière et que les durées de détention sont particulièrement longues, cette aggravation, du délit au crime, aurait pour effet d’allonger la durée maximale de détention provisoire, de deux ans et quatre mois à quatre ans. La périodicité du réexamen de la détention provisoire se trouverait affectée de la même manière.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 77.

La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.

M. Noël Mamère. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 77.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. M. Mamère voudrait supprimer l’article essentiel qu’a apporté à ce texte le ministère de la justice !

L’association de malfaiteurs, grande originalité du droit pénal français, permet de pourchasser le terrorisme en amont, et non après les faits.

Nous complétons cette disposition, qui existe déjà depuis une quinzaine d’années dans notre pays, en aggravant les peines pour ceux qui seraient pris en train de préparer un acte criminel, c’est-à-dire ayant pour finalité de tuer des personnes.

Vous affirmez, monsieur Mamère, qu’une peine de dix ans est suffisante. Sachez que ceux qui ont collaboré à l’attentat de Saint-Michel en 1995 ont été condamnés – je parle de mémoire – à huit ans de prison et, à l’heure où je vous parle, sont libres. Là est le cœur du débat, monsieur Mamère. Ou nous considérons que ceux qui préparent la logistique d’un attentat en vue de tuer doivent être jugés par une cour d’assises spéciale et être passibles d’une peine de vingt ans de réclusion criminelle, ou nous considérons, comme vous le soutenez, qu’ils doivent être soumis au même régime que les autres criminels et qu’une peine de dix ans est suffisante. Il faut d’ailleurs avoir du courage, monsieur Mamère, pour soutenir cela !

Le Gouvernement s’oppose donc totalement à la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. M. le garde des sceaux et moi-même avons déjà eu une discussion identique lors de l’examen du projet de loi sur la récidive.

Je maintiens ce que j’ai dit. Ne détournez pas, monsieur le garde des sceaux, le sens de mes propos. Il ne s’agit pas d’absoudre des terroristes. Je fais simplement remarquer que nous disposons déjà, dans le code pénal – et vous l’avez vous-même précisé –, un appareil juridique pour lutter contre les terroristes et les sanctionner. Vous ajoutez encore des mesures d’exception à ce qui constitue déjà une justice d’exception.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 77.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 101.

La parole est à M. Jacques Floch, pour le soutenir.

M. Jacques Floch. Je ferai, tout d’abord, une remarque.

Tous les individus qui ont été arrêtés et condamnés pour fait de terrorisme n’avaient pas lu le code pénal, ne le connaissaient pas et ne s’en inquiétaient pas. Par leurs agissements, ils devenaient martyrs de la cause et ce n’est qu’au bout d’un certain temps qu’ils se rendaient compte des conséquences pour eux de leurs actes.

Dans l’amendement n° 101, nous proposons de graduer les peines en fonction du degré de responsabilité dans l’organisation terroriste : participation, organisation, direction.

Il faut sanctionner de manière très forte les dirigeants d’un groupement terroriste, qui souvent ne se « mouillent » pas dans l’action. Ce sont souvent des agents subalternes qui trinquent alors que les organisateurs ne subissent pratiquement aucune peine.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement, pour plusieurs raisons.

D’abord, il est incompatible avec l’amendement n° 35 qui a été adopté par la commission et qui sera examiné après celui-ci.

Ensuite, il est redondant puisque le fait de diriger ou d’organiser un groupement ou une entente de terroristes est déjà puni de vingt ans de réclusion.

La seule nouveauté que vous introduisez est la notion de coordination, dont l’intérêt est contestable.

Je considère que votre amendement est satisfait par l’amendement de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Comme le rapporteur, je ne vois pas, monsieur Floch, l’apport de votre amendement.

En fait, vous êtes d’accord avec l’article du projet et ajoutez simplement la notion de coordination. Ce n’est pas le débat. Le débat porte sur le fait de savoir si ceux qui préparent un attentat à visée criminelle doivent être punis pour un crime ou pour un délit. Le projet de loi propose de passer du délit au crime. Vous avez l’air d’accord avec cela et c’est l’essentiel.

Je ne vois pas l’intérêt de votre rédaction qui est compliquée et difficile à comprendre.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 101.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 35.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Cet amendement modifie à la marge le texte du Gouvernement.

Un réseau poursuivi pour avoir voulu porter atteinte aux personnes peut nier avoir eu cette intention en prétextant que l’attentat était prévu à trois heures du matin et dans un endroit désert.

C’est pourquoi nous proposons de compléter la référence aux atteintes aux personnes par celles concernant les destructions et dégradations de biens susceptibles d’entraîner la mort, ainsi que les actes de terrorisme chimique.

Cela me permet de répondre par l’affirmative à M. Decocq qui s’inquiétait de savoir si le projet s’appliquait également aux attentats par voie chimique susceptibles d’entraîner une infirmité permanente.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. L’amendement de la commission améliore de façon cohérente et opportune la disposition du projet de loi prévoyant de criminaliser certaines associations de malfaiteurs terroristes.

L’objectif du Gouvernement est de prévoir des peines mieux adaptées à la gravité des faits lorsque l’association de malfaiteurs a pour objet la préparation d’un attentat terroriste susceptible d’entraîner la mort d’une ou plusieurs victimes. La pénalité actuelle de dix ans d’emprisonnement est en effet insuffisante dans une telle hypothèse. Les juridictions sont fréquemment amenées à la prononcer. Douze condamnations à cette peine maximum ont été prononcées dans des affaires de terrorisme basque ou islamique depuis 1999.

En visant toutes les infractions qui peuvent causer la mort d’une victime, à savoir, outre les crimes d’atteinte à des personnes, les attentats par explosifs ou les actes de terrorisme écologique, l’amendement de la commission complète très utilement le projet et j’y suis donc favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 35.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 36.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Cet amendement corrige une erreur de référence.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 36.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 9, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 9

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 9.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement n° 143.

M. Thierry Mariani. Cet amendement propose d’étendre aux associations étrangères représentant des victimes françaises d’actes de terrorisme la faculté d’exercer les droits reconnus à la partie civile pour les infractions en matière terroriste.

Depuis l’adoption de la loi du 6 juillet 1990, qui a ouvert cette faculté aux associations reconnues en France, la nature des infractions terroristes a singulièrement évolué en raison de l’apparition de réseaux terroristes transnationaux et globaux. Il s’agit de prendre en compte cette réalité en permettant à l’action pénale du ministère public et des magistrats spécialisés de bénéficier des compétences d’associations étrangères dans des affaires souvent complexes et comportant systématiquement un volet international.

Cette faculté existe dans plusieurs pays européens, notamment en Allemagne et en Espagne, où l’exercice de ce droit a permis à des associations étrangères d’apporter une contribution significative aux procédures ouvertes en matière terroriste, s’agissant notamment de l’information et de la mise à disposition de témoins.

Cette extension demeure toutefois encadrée, puisque les associations étrangères ne pourront agir que conjointement avec une association française remplissant les conditions prévues par l’article 2-9 du code de procédure pénale et qu’elles devront représenter des victimes françaises.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission.

Pour intéressant qu’il apparaisse, il est quelque peu incertain sur le plan juridique car il est difficile de définir ce qu’est exactement une association étrangère. C’est actuellement un objet juridique non identifié. Par ailleurs, une étude d’impact se révèle nécessaire.

Peut-être se présentera-t-il une autre occasion, monsieur Mariani, pour défendre un tel amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. L’amendement de M. Mariani tend à permettre aux associations étrangères de victimes d’actes de terrorisme de se constituer partie civile dans les procédures judiciaires françaises avec les associations françaises.

L’argument du rapporteur est fondé : il n’y a pas, dans le droit français, de contrainte juridique applicable à la constitution d’une association étrangère.

Mais l’argument essentiel, qui entraîne le désaccord du Gouvernement, est le fait qu’une telle association pourrait être manipulée par des organisations terroristes et, par le biais d’une association française crédule, réussir à s’introduire dans une procédure judiciaire et à obtenir des renseignements sur l’état des investigations, ce qui pourrait mettre en péril la manifestation de la vérité.

C’est ce danger qui fait que le Gouvernement est défavorable à l’amendement de M. Mariani, lequel, si je l’ai convaincu, pourrait le retirer.

M. le président. Monsieur Mariani, retirez-vous votre amendement ?

M. Thierry Mariani. Oui, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 143 est retiré.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 139.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour le défendre.

M. Thierry Mariani. Cet amendement vise à mieux protéger l’identité des policiers qui interviennent dans les services spécialisés, afin de renforcer leur sécurité et celle de leur famille.

Le secret de l’instruction étant l’un des secrets professionnels les plus violés, il n’est pas rare que l’identité des agents appelés à lutter contre le terrorisme soit divulguée. C’est pourquoi cet amendement prévoit que certains agents auront le droit de signer leurs procès- verbaux en utilisant un numéro, rendant leur identification plus complexe.

Il ne s’agit pas de mettre en œuvre l’anonymat de tous les procès-verbaux, mais de ne pas faire figurer en bas du PV les noms et prénoms des fonctionnaires appartenant à certains services spécialisés, désignés par arrêté ministériel et dont l’article 39 sexies de la loi du 29 juillet 1881 interdit déjà de révéler l’identité. Je pense aux policiers du RAID, aux gendarmes du GIGN ou aux policiers chargés de la lutte antiterrorisme.

Il s’agit d’une mesure simple. Ces agents spéciaux seront autorisés, si mon amendement est adopté, à signer le procès-verbal grâce à leur numéro d’habilitation de police judiciaire, au lieu de leur nom et prénom. De la sorte, ils seront mieux protégés, ainsi que leurs familles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Je demande à M. Mariani de retirer son amendement qui sera satisfait par l’amendement n° 37 rectifié de la commission, dont l’objet est identique mais qui propose une protection pour les personnes concernées et une pénalité en cas de violation du dispositif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je suis d’accord avec le rapporteur. L’idée défendue par M. Mariani est excellente. Il s’agit en effet de permettre à des enquêteurs spécialisés d’employer leur matricule, afin qu’ils ne soient pas identifiés dans des procédures judiciaires.

Les précautions prévues dans l’amendement du rapporteur vont au-delà de ce que souhaite M. Mariani. Je lui suggère donc de retirer son amendement et je demande à l’Assemblée de bien vouloir adopter l’amendement n° 37 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 139 est retiré.

Je suis donc saisi d’un amendement n° 37 rectifié. Il a déjà été défendu par M. le rapporteur, et le Gouvernement a donné un avis favorable.

La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch. Je me félicite de l’amendement déposé par M. le rapporteur.

Nous avons souligné la qualité des agents des services d’information et de renseignement et la qualité des policiers et des gendarmes qui s’occupent spécialement de ce genre d’affaires. Le législateur doit assurer la protection de ces agents.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 37 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 142.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour le défendre.

M. Thierry Mariani. Cet amendement propose de renforcer les dispositions relatives à la répression de la provocation aux actes de terrorisme et à l’apologie du terrorisme lorsque ces infractions sont commises par la publication sur Internet.

Les moyens électroniques de communication constituent aujourd’hui le principal vecteur de propagande des groupes terroristes, car ils permettent la diffusion massive, gratuite, répétée et instantanée de leurs messages.

Les infractions prévues et réprimées par l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sont donc commises, et le plus souvent répétées, à une échelle supérieure à celle atteinte par tout autre moyen de diffusion. Or, à l’époque de l’introduction des incriminations de provocation aux actes de terrorisme et d’apologie du terrorisme par la loi du 9 septembre 1986, modifiée par la loi du 16 décembre 1992, cet outil de communication n’existait pas encore ou, du moins, n’atteignait pas cette ampleur.

De surcroît, cet outil, interactif par nature, offre l’opportunité d’entretenir les messages de haine diffusés par ce biais, en y apportant des ajouts et en renchérissant sur les réactions qu’il suscite, provoquant le plus souvent une escalade, au moins verbale, de la violence. Le délit initial se répète en permanence, devient continu et doit donc être plus sévèrement réprimé.

Aussi, je propose que, lorsque le délit d’apologie du terrorisme est commis via Internet, il soit puni de sept ans d’emprisonnement au lieu des cinq prévus et de 75 000 euros d’amende au lieu des 45 000 euros prévus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission.

À ma connaissance – mais M. le garde des sceaux sera plus à même de vous renseigner, monsieur Mariani – aucune peine de prison n’a été prononcée en vertu de l’article 24 de la loi de 1881, qui concerne non seulement le terrorisme, mais aussi les atteintes volontaires à la vie, le vol, l’extorsion, la destruction, les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, l’apologie de crimes de guerre et contre l’humanité, l’apologie du terrorisme, etc.

Nous sommes dans le domaine du virtuel. Si des peines d’emprisonnement avaient été prononcées, on pourrait examiner la situation. Mais passer de cinq à sept ans présente donc un intérêt relatif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Monsieur Mariani, grâce au ciel, le juge est libre de ses décisions et il est excessif d’évoquer une durée de sept ans, alors qu’une peine de cinq ans est déjà prévue.

En pratique, M. le rapporteur avait presque raison : des peines fermes ont été prononcées, mais pour une durée de quatre mois. Nous sommes donc loin des cinq ans, a fortiori des sept ans.

Avis défavorable.

M. Thierry Mariani. Je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 142 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 121, troisième rectification.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui reprend de manière légitime une disposition de la loi de 1978 relative à l’informatique et aux libertés, dans sa version originelle qui prévoit un régime particulier pour certains fichiers sensibles, notamment en matière de lutte contre le terrorisme. Certaines choses peuvent ainsi être dissimulées à la CNIL.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Comment demander un avis à la CNIL si on lui soustrait les informations et les renseignements nécessaires ?

Si l’on veut « enfumer » la CNIL, qu’on l’enfume !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Présentons les choses de manière plus nuancée.

L’article 19 de la loi du 6 janvier 1978, dans sa rédaction d’origine, permettait que la demande d’avis ou de déclaration préalable intéressant la sûreté de l’État, la défense ou la sécurité publique ne contienne pas toutes les informations traitées en raison du caractère sensible de ces fichiers.

Ce régime dérogatoire était parfaitement reconnu par la doctrine de la CNIL, qui l’appliquait notoirement aux fichiers de la DST. C’est dans cet esprit que M. Warsmann a présenté cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Cette discussion entre notre rapporteur et M. le garde des sceaux est particulièrement instructive. Derrière des arguments qui tendent à nous faire croire que l’on veut protéger les libertés individuelles et publiques, elle fait apparaître le fond de ce projet de loi.

M. le rapporteur a, sans le vouloir, fini par avouer, en employant l’expression : « On enfume la CNIL ! » (Rires sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Il est intéressant de voir que, dans ce gouvernement qui ne cesse – depuis les premières lois Sarkozy, en passant par le projet sur la récidive et les lois Perben – de réduire nos libertés et de faire de la justice un auxiliaire de la police (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), le garde des sceaux n’est pas tout à fait le ministre de l’intérieur. En effet, lorsqu’un amendement sérieux concernant le rôle de la CNIL lui est proposé, il répond au rapporteur, qu’il applique la loi de 1978 – lequel est alors bien embêté puisque l’objectif est d’« enfumer la CNIL ».

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 121, troisième rectification.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. Thierry Mariani. La CNIL ne sera pas enfumée !

Article 10

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, inscrit sur l’article 10.

M. Noël Mamère. L’article 10 vise à boucler le dispositif procédural d’exception dont font l’objet les infractions terroristes. Le dispositif existant a été maintes fois critiqué : il manque de transparence, il place la justice, plus encore que d’habitude, dans un risque de connivence plus que de contrôle avec les services de police spécialisés, qui constituent ses collaborateurs habituels.

Si l’on peut concevoir malgré tout la nécessité d’une certaine spécialisation au stade des investigations dans ce domaine, ce n’est pas du tout justifié au stade de l’aménagement des peines.

On peut rappeler que, s’agissant, dans de nombreux cas, de condamnés à des peines criminelles supérieures à dix ans de réclusion, les juridictions compétentes pour aménager une éventuelle sortie anticipée seront collégiales, sauf en fin de peine.

Dans tous les cas, les juridictions de l’application des peines sont parfaitement averties de la nature des faits à l’origine de la condamnation, puisqu’elles doivent être en possession des principaux éléments du dossier pénal. Elles possèdent donc tous les éléments de nature à les conduire à la plus grande circonspection, circonspection dont elles sont d’ailleurs largement coutumières en toutes matières – il suffit, pour s’en convaincre, de consulter les statistiques des libérations conditionnelles.

Les renseignements éventuels relatifs à un risque objectif de reprise d’une activité dangereuse peuvent parfaitement leur être transmis, soit à leur demande, soit à l’initiative du parquet, qui, nous le savons, est particulièrement vigilant dans de tels cas.

Cette nouvelle volonté de spécialisation n’a aucune véritable justification technique. Elle semble plutôt viser à faciliter le contrôle de l’exécutif sur les décisions judiciaires en ce domaine.

L’amendement n° 78 vise donc à supprimer cet article.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 78 et 102, tendant à supprimer l’article 10.

L’amendement n° 78 vient d’être défendu par M. Mamère.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Avis défavorable.

Monsieur Mamère, aujourd’hui, environ 115 personnes purgent des peines après une condamnation pour faits de terrorisme. Elles sont réparties dans une trentaine de centres de détention. Leur éventuelle libération conditionnelle ou l’aménagement de leurs peines sont donc soumis à l’appréciation d’un juge de l’application des peines. De ce fait une trentaine de JAP sont concernés, parfois plus car certains centres de détention ont plusieurs juges de l’application des peines.

Nous avons eu l’occasion de constater il y a quelques mois des divergences d’appréciation – c’est un euphémisme – entre les juges de l’application des peines à l’égard de détenus qui semblaient pourtant être dans des situations identiques.

Il nous a semblé important de parvenir à unifier la jurisprudence des juges de l’application des peines. Pour cela, il convient de centraliser la chaîne qui va de la poursuite – procureur, juge d’instruction, juridiction de jugement – au juge de l’application des peines. Cela avait été oublié en 1986. Ce projet nous permet de régler cette situation.

Qu’il soit bien entendu – car des confusions ont été faites à plusieurs reprises au cours de l’examen de ce projet – qu’il n’est pas question de centraliser les détenus à Paris, pour qu’ils voient le juge de l’application des peines. Cela créerait dans des secteurs de détention, comme la Santé, Fresnes ou Fleury-Mérogis, certains désordres, voire certaines « conversions ».

Le même juge de l’application des peines ira vers les détenus et la téléconférence sera utilisée. J’ai, en effet, cru comprendre que le ministère consentirait un effort financier particulièrement important pour faire en sorte que ces différents centres de détention soit pourvus – sans tarder, je l’espère – d’un système de vidéoconférence.

Cela motivera l’amendement que je défendrai tout à l’heure visant à repousser l’entrée en application de ce dispositif parce qu’il faudra bien attendre l’installation de la visioconférence.

J’ai cru comprendre que M. le garde des sceaux créerait, à Paris, un nouveau poste pour un juge de l’application des peines spécifique qui sera chargé de ces problèmes difficiles.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Il est dommage que M. Mamère soit systématiquement contre toutes les dispositions de ce texte, car l’article 10 relève du bon sens. Il faut gérer une population terroriste détenue, qui est extrêmement difficile. Ces détenus sont emprisonnés sur de nombreux sites, et il n’est pas question de leur faire quitter les différentes centrales.

En revanche, vous pouvez avoir aujourd’hui un juge de l’application des peines de Châteauroux, qui s’occupe de la centrale voisine. Il gérera la détention ou la libération conditionnelle d’un détenu terroriste. Un autre JAP, en Bourgogne par exemple, aura une vision quelque peu différente.

Nous voudrions qu’il n’y ait qu’une seule doctrine pour l’application des peines des détenus terroristes. C’est d’autant plus cohérent que depuis 1986, la France s’est dotée de juges spécialisés dans la lutte contre le terrorisme : juge d’instruction puis parquet. Nous complétons cet ensemble avec un juge de l’application des peines spécialisé – un dans un premier temps, puis peut-être deux. Il pourra rencontrer les détenus par visioconférence, comme la loi le permet.

Le ministère de la justice fait un effort financier important cette année pour prendre en charge ce dispositif. Avec ce juge de l’application des peines, nous complétons la chaîne pénale antiterroriste et nous en faisons un ensemble cohérent. Je regrette que M. Mamère ne suive pas ce raisonnement et vote systématiquement contre tout ce que nous proposons dans l’intérêt de la nation.

M. le président. La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch. Je me réjouis des propos que vous venez de tenir, monsieur le garde des sceaux, car ils ne correspondent pas à ceux du ministre de l’intérieur pour qui la centralisation ne s’appliquait non seulement à l’action du juge de l’application des peines mais aussi à celle des détenus dans un même lieu.

M. Philippe Houillon, président de la commission. Mais non !

M. Jacques Floch. Relisez la déclaration du ministre d’État, ministre de l’intérieur lors de son audition par la commission des lois.

À cet égard, vous venez de nous rassurer, monsieur le garde des sceaux, même si nous ne pensons pas que la fonction du juge de l’application doive être centralisée. Par nature, le JAP qui agit selon sa propre réflexion dans le cadre de la loi, est chargé d’individualiser les sanctions au mieux des intérêts de la société, ce qui est peu compatible avec la centralisation.

C’est la raison pour laquelle j’avais proposé la suppression de l’article 10, mais compte tenu de ce qui vient d’être dit, je pense que l’assemblée va rejeter mon amendement. Je voudrais seulement que l’on précise que les détenus ne seront pas centralisés dans un même lieu.

M. Thierry Mariani. Cela a déjà été dit !

M. Jacques Floch. Vous venez de me rassurer, à cet égard, monsieur le garde des sceaux. Je me permets de vous rappeler que les organisations syndicales de gardiens de prison étaient très inquiètes à la suite de la déclaration du ministre de l’intérieur.

M. le président. Retirez-vous votre amendement, monsieur Floch ?

M. Jacques Floch. Je le maintiens pour le principe.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 78 et 102.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 127.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Cet amendement a déjà été défendu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 127.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 10, modifié par l’amendement n° 127.

(L’article 10, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 10

M. le président. Nous en venons à une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 10.

Je vous informe, mes chers collègues, que l’amendement n° 39 a été déplacé après l’amendement n° 123 et l’amendement n° 117 rectifié avant l’article 15.

Je suis saisi d’un amendement n° 122.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani. La première partie du texte proposé par Gérard Léonard a pour objet de prendre en compte les nouvelles modalités d’acquisition de la qualité d’officier de police judiciaire pour les officiers de police de la police nationale en modifiant l’article 16 du code de procédure pénale. Cette qualité sera désormais liée à leur incorporation dans le corps des officiers de police.

Cette attribution de droit de la qualité d’officier de police judiciaire aux officiers de police tient compte de la réforme des corps et carrières de la police nationale et des nouvelles conditions de recrutement, réforme engagée par le ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy. À compter du 1er janvier 2006, ils seront recrutés à « bac + 3 » ce qui correspond à une licence universitaire. Elle tient également compte de leur nouveau positionnement hiérarchique lié à la diminution du corps.

En contrepartie, leur scolarité sera sanctionnée par un jury d’aptitude professionnelle qui examinera les dossiers des élèves ne remplissant pas toutes les aptitudes requises.

La deuxième modification de l’article 16-2° du code de procédure pénale tient compte de la nouvelle application du corps « d’encadrement et d’application ».

Les modifications de l’article 20 du code de procédure pénale tiennent compte des nouvelles dispositions de l’article 16, en supprimant le 2° de cet article. Elle met en place une nouvelle numérotation des alinéas, en tenant compte de la nouvelle appellation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. À titre personnel, j’y suis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. L’amendement de M. Léonard permet de tirer les pleines conséquences de la réforme en liant l’acquisition de la qualité d’officier de police judiciaire à la scolarité, comme cela se pratique pour les commissaires.

Les exigences de compétence sont préservées par un jury d’aptitude professionnelle très exigeant qui sanctionne la scolarité en contrôle continu. En aucun cas, l’attribution n’est automatique. Le ministre d’État, ministre de l’intérieur, par sa réforme des corps et carrières, permet cette évolution très favorable pour les officiers de police.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 122.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 114.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le soutenir.

M. Pierre-Christophe Baguet. Cet amendement prévoit que l’officier de police judiciaire doit communiquer à l’avocat l’ensemble des documents relatifs à l’infraction.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 114.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 115.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le soutenir.

M. Pierre-Christophe Baguet. Cet amendement prévoit que l’avocat désigné sera présent pour assister la personne gardée à vue.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Amendement révolutionnaire : avis défavorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis que la commission.

M. le président. Retirez-vous l’amendement, monsieur Baguet ?

M. Pierre-Christophe Baguet. Je le retire.

M. le président. L’amendement n° 115 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 116.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le soutenir.

M. Pierre-Christophe Baguet. Nous sommes d’accord pour prolonger la garde à vue à six jours en deux fois vingt-quatre heures à compter du quatrième jour. L’amendement, qu’a déposé M. Hunault, prévoit que l’avocat soit présent dès la première heure. Je pense pour ma part que la proposition est excessive et ne répond pas à l’esprit du texte.

En revanche, si M. le garde des sceaux et M. le rapporteur en sont d’accord, nous pourrions trouver une solution pour que l’avocat puisse intervenir à partir du quatrième jour.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. La révolution continue. Avis défavorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je ne peux que soutenir les amendements qui viennent d’être défendus par mon collègue Baguet.

Permettez-moi de vous citer un communiqué du Conseil national des barreaux. En tant que député, je suis dans mon rôle lorsque je relaie ce que disent les hommes de l’art, les habitués de nos prétoires et de la défense de nos libertés.

« Les avocats demandent que le prolongement éventuel de la garde à vue soit conduit dans le strict respect des libertés publiques, ce qui implique la présence de l’avocat dès la première heure de garde à vue, l’accès aux dossiers avant tout entretien avec la personne gardée à vue, l’assistance de cette dernière par son avocat au moment de l’interrogatoire par l’officier de police judiciaire chargé de l’enquête. Abandonner ou limiter les droits qui fondent la démocratie, c’est donner une première victoire à ceux dont l’action violente a pour objet de supprimer la démocratie. »

Je n’ai rien à enlever – pas la moindre virgule – ni à ajouter à la déclaration du Conseil national des barreaux.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 116.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 38 et 103, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n° 38 fait l’objet d’un sous-amendement n° 132.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 38.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Je laisse à M. Thierry Mariani le soin de présenter cet amendement, car il en a été l’initiateur.

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. J’ai en effet déposé cet amendement auquel s’est rallié M. Guy Geoffroy.

Nous proposons que la garde à vue soit prolongée de deux jours dans deux cas exceptionnels : premièrement lorsque l’enquête ou la garde à vue elle-même révèlent qu’il existe un risque sérieux d’une action terroriste imminente en France ou à l’étranger ; deuxièmement, lorsque la coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme doit être poursuivie pour s’opposer à l’action envisagée. Bref, lorsque l’on a de sérieuses raisons de penser qu’un attentat va avoir lieu, en France ou à l’étranger.

Mon amendement initial proposait une prolongation de vingt-quatre heures renouvelables une fois ou de quarante-huit heures. Dans sa sagesse, la commission des lois a décidé que cette prolongation ne serait que de vingt-quatre heures renouvelables une fois. De plus, cette nouvelle prolongation qui sera utilisée dans des cas exceptionnels comporte un certain nombre de garanties supplémentaires en faveur du gardé à vue.

Ainsi, l’avocat qui intervient déjà à la soixante-douzième heure au début du quatrième jour pourra rencontrer à nouveau la personne gardée à vue à la cent vingtième heure, au début du cinquième jour. Ensuite, un nouvel examen médical sera réalisé au début de chaque prolongation afin de vérifier que l’état de santé du suspect est compatible avec la prolongation de la garde à vue.

Enfin, lorsque pour des raisons de sécurité, il a été décidé que les proches du suspect ne seraient pas informés de sa garde à vue, l’amendement prévoit que ceux-ci soient informés à l’issue de la quatre vingt seizième heure.

Pour conclure, permettez-moi de rappeler qu’avec six jours de durée maximale de garde à vue en matière de lutte antiterroriste, nous resterons bien en deçà de ce qui se passe chez nos voisins d’outre-Manche où la garde à vue peut déjà atteindre quatorze jours.

M. le garde des sceaux. Cela n’a rien à voir !

M. Thierry Mariani. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP soutiendra l’amendement de la commission.

M. le président. La parole est à M. Julien Dray, pour soutenir le sous-amendement n° 132 rectifié.

M. Julien Dray. Nous sommes sur le sujet délicat de la prolongation de la garde à vue.

Comparaison ne vaut pas raison. On ne peut pas comparer notre système avec celui de nos amis anglo-saxons dans la mesure où la détention préventive n’existe pas chez eux. Dans ces conditions, nous ne sommes pas dans la même situation car nous avons la possibilité dans le cadre de situations caractérisées de mettre en détention une personne qui est suspectée.

Dans le cadre d’enquêtes de flagrance ou d’enquêtes internationales, financières, nos services estiment au regard des difficultés qu’ils rencontrent pour obtenir un certain nombre d’informations, que l’on devrait leur donner la possibilité de prolonger la garde à vue de vingt-quatre ou de quarante-huit heures.

Certes, les auditions que nous avons conduites ne sont pas totalement concluantes. Mais comme il s’agit de personnalités qui sont confrontées à ces problèmes au quotidien, nous devons leur faire confiance. Encore faut-il qu’un certain nombre de garanties soient données.

Nous proposons donc d’autoriser la prolongation de la garde à vue dans des circonstances exceptionnelles – qu’il s’agit de codifier – mais que celle-ci ne devienne pas une pratique systématique. C’est la raison pour laquelle il nous semble nécessaire que ce soit le juge des libertés et non le juge d’instruction qui prenne cette décision, après discussion avec l’avocat de la personne gardée à vue et après avoir pris connaissance des éléments d’information indispensables.

C’est le sens de notre sous-amendement et de notre amendement n° 103 : garde à vue renouvelée deux fois vingt-quatre heures et nécessité pour le juge des libertés de rendre son avis avec l’intervention de l’avocat à partir de la quatre vingt seizième heure, renouvelable en cas de prolongation.

M. le président. Pouvez-vous soutenir l’amendement n° 103, monsieur Dray ?

M. Julien Dray. Je l’ai défendu.


M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 132, deuxième rectification, et sur les amendements n° 38 et n° 103 ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Le sous-amendement pose un gros problème. Il prévoit en effet que l’avocat de la personne gardée à vue puisse rendre visite au juge des libertés. Autrement dit, s’il est envisagé de prolonger la garde à vue, le juge des libertés va faire savoir à l’avocat, déjà désigné, qu’il doit se rendre à son bureau, ce qui relève d’un système d’audiences. Si nous poussons la logique jusqu’au bout, cela veut dire que la partie poursuivante doit aussi être présente, en la personne du procureur de la République. Qui plus est, dans ce genre d’affaire, on ne peut imaginer que l’on fasse venir l’avocat sans lui communiquer le dossier des charges, ce qui revient à permettre un accès à la procédure.

Vous l’avez peut-être envisagé, monsieur Dray, comme une simple visite, presque de politesse, destinée à garantir les droits de la personne gardée à vue, mais votre amendement aboutit de facto à créer une véritable audience. Et je pense que ma crainte est fondée.

Toutefois, je pourrais accepter ce sous-amendement si vous supprimiez la phrase suivante : « En ce cas, le juge des libertés et de la détention entend l’avocat du gardé à vue avant de prendre sa décision ». D’ailleurs, entre nous soit dit, je ne pense pas que cela change la face du monde, à cette phase de la procédure.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Si la phrase est maintenue, la procédure est modifiée, ce qui n’est pas acceptable. En revanche, si elle est supprimée, je dois vous dire, monsieur Dray, que votre sous-amendement me paraît très bien venu car il prévoit qu’avant l’expiration de la quatre-vingt-seizième heure, voire de la cent vingtième heure, la personne dont la prolongation de la garde à vue est décidée peut s’entretenir avec son avocat. Offrir une telle possibilité me paraît très important, étant donné que le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée s’agissant de l’extension de la garde à vue à six jours, visé par l’amendement n°38. Je serai donc très heureux que les droits de la défense soient symétriquement confortés. Mais, je vous en supplie, pas au prix d’un changement de procédure.

Le Gouvernement est donc très favorable au sous-amendement n° 132, deuxième rectification, s’il fait l’objet d’une nouvelle rectification

M. le président. La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch. Soyons clairs sur ce que nous voulons.

Nous acceptons la prolongation de la garde à vue, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, mais à condition que ce ne soit pas un agent de police judiciaire qui en décide, après avoir prévenu le procureur de la République, mais que ce soit un magistrat, en l’occurrence le juge des libertés et de la détention, qui l’autorise.

Par ailleurs, il faut que la personne gardée à vue puisse être rassurée par la présence de l’avocat dont le rôle, et je parle devant des grands spécialistes, est de s’assurer que la garde à vue se déroule dans de bonnes conditions. Car il faut bien avoir à l’esprit que la garde à vue est quelque chose d’exorbitant puisqu’elle place les personnes qui en font l’objet en dehors du droit ordinaire pendant quelque temps. C’est une expérience particulièrement traumatisante, nous le savons bien les uns et les autres. Pour autant, cela n’implique pas que l’avocat ait accès au dossier, car nous savons bien que ce n’est pas possible en matière de lutte contre le terrorisme.

M. le garde des sceaux. Quel est l’intérêt pour l’avocat de voir le juge des libertés s’il n’a pas d’accès au dossier !

M. Jacques Floch. Mais, monsieur le garde des sceaux, vous nous dites très justement que l’avocat sera présent à la quatre-vingt-seizième heure, …

M. Alain Marsaud, rapporteur. Auprès de son client !

M. le garde des sceaux. Alors supprimez la phrase en question !

M. Jacques Floch. Nous acceptons cette rectification. L’adoption de ce sous-amendement sera une avancée, même si elle est insuffisante.

M. le garde des sceaux. C’est une avancée pour tous !

M. le président. La rectification proposée tend à supprimer la phrase suivante : « En ce cas, le juge des libertés et de la détention entend l’avocat du gardé à vue avant de prendre sa décision. ».

Il s’agit donc désormais du sous-amendement n° 132 troisième rectification.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je ne suis pas un spécialiste et je vous prie donc de m’excuser si je dis des bêtises, mais comme il paraît que j’en dis beaucoup depuis le début de cette discussion, cela ne vous choquera pas…

Je suis prêt à reprendre ce sous-amendement, dans la rédaction à laquelle renoncent mes collègues du groupe socialiste, pour des raisons que je ne comprends d’ailleurs pas. Comme l’a très bien expliqué Jacques Floch, il est important que ce soit un magistrat et non un officier de police judiciaire qui prenne la décision de prolonger la garde à vue. Et je ne vois pas en quoi il y aurait un changement de procédure.

Je vous rappellerai encore une fois les réserves émises par le Conseil national des barreaux. Je crois savoir que M. le garde des sceaux connaît bien la profession d’avocat et qu’il est, d’expérience, attaché aux droits de la défense. Il s’agit certes ici d’une situation d’exception mais elle ne saurait justifier de passer par profits et pertes certains de ces droits.

Si mes collègues socialistes retirent cet amendement…

M. le président. Monsieur Mamère, cet amendement n’a pas été retiré, il a simplement fait l’objet d’une rectification. Vous ne pouvez pas le reprendre.

Je mets donc aux voix le sous-amendement n° 132 troisième rectification.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38, modifié par le sous-amendement n° 132 troisième rectification.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 103 tombe.

Je suis saisi d’un amendement n° 49 rectifié. Est-il défendu ?

M. Thierry Mariani. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Nous aurions été nombreux à vouloir défendre cet amendement mais il semblerait qu’il soit en partie satisfait par l’amendement n° 128.

Avis défavorable donc.

M. le président. Retirez-vous cet amendement, monsieur Mariani ?

M. Thierry Mariani. Oui, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 49 rectifié est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 135 rectifié.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani. Je souhaite vous parler de la nécessité pour l’État de réduire les frais de justice, ceux liés notamment aux écoutes téléphoniques.

Désormais de nombreuses enquêtes nécessitent l'identification du titulaire de la ligne – 9,15 euros si l’on connaît le numéro, plus cher si on n'a que le nom –, la liste détaillée des appels entrants et sortants – 54,88 euros pour Orange, 22,87 euros pour Bouygues pour les appels des trois derniers mois –, sans oublier l'identification des numéros ayant été appelés ou appelant – 9,15 euros en principe mais 0,94 euro par identification si la commande dépasse cinquante numéros. Bref, il faut compter au minimum 100 à 150 euros pour obtenir ce qui est ni plus ni moins la copie d'une facture détaillée et d'une partie de l'annuaire. Reste ensuite la localisation du téléphone, la mise sur écoute, ce qui porte la facture à plusieurs milliers d'euros par affaire dans certains cas.

Manifestement, les opérateurs de téléphonie, notamment mobile, ont décidé de facturer plus qu'une juste rémunération. C'est pourquoi, cet amendement vise à les obliger à baisser leurs tarifs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Cet amendement pourra lui aussi être satisfait par l’amendement n° 128. Reste que, comme l’a souligné le garde des sceaux pendant la discussion du budget de la justice en commission des lois, les frais de justice relatifs à l’usage du téléphone représentent près de 83 millions d’euros, qu’il s’agisse de téléphones mobiles ou d’interception d’appels à partir de téléphones fixes. Et 83 millions d’euros, cela fait beaucoup de plans pour les banlieues !

J’espère, monsieur le garde des sceaux, que vous avez entendu les membres de notre commission l’autre jour, comme la clameur qui monte de cet hémicycle. Il va bien falloir que nous fassions tous quelque chose.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Mieux vaut repousser l’amendement de M. Mariani au profit de l’amendement n° 128 de la commission.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Mariani ?

M. Thierry Mariani. Non, je le retire.

M. le président. L’amendement n° 135 rectifié est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 128.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 128.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 123.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour le défendre.

M. Thierry Mariani. Le corps d'encadrement et d'application de la police nationale, qui s'est substitué au corps de maîtrise et d'application depuis le 1er janvier 2005, comprend un nouveau grade de brigadier. Celui-ci a été défini lors de l'arbitrage interministériel du 27 août 2003 et validé juridiquement à compter du 1er octobre 2004 par le décret n° 2004-1032. Il tend à la création et au renforcement en nombre d'un niveau de maîtrise correspondant à des qualifications techniques ou des fonctions d'encadrement distinctes des fonctions dévolues aux gardiens de la paix.

Son accès est subordonné à la détention de la qualification OPJ ou à la réussite, à terme, à un examen professionnel équivalent, dans les domaines de l'ordre public, de la paix publique, des migrations-frontières ou du renseignement.

La création de ce quatrième grade a fait l'objet de réserves de la part des organisations syndicales pour ce qui concerne la représentativité dans le corps des personnels actifs. Celles-ci ont demandé que les deux premiers grades du corps, gardien de la paix et brigadier, puissent continuer à avoir la même représentation syndicale, dérogeant ainsi aux dispositions du décret n° 82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires.

Cette revendication des organisations syndicales constitue un élément de simplification de la gestion des personnels puisqu'il limite le nombre des représentants au sein de la commission administrative paritaire nationale et des commissions administratives paritaires interdépartementales. L'administration a bien voulu lui donner une suite favorable.

Le présent amendement pose le principe d'une dérogation aux règles du statut général de la fonction publique relatives à la représentation syndicale au sein des commissions administratives paritaires en faveur des fonctionnaires actifs de la police nationale, en prévoyant que les gardiens de la paix et les brigadiers de police constituent un seul et même collège au sein des commissions administratives paritaires compétentes pour le corps d'encadrement et d'application de la police nationale.

M. Jacques Floch. C’est ce qui s’appelle un cavalier !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement. Toutefois, à titre personnel, j’y suis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Tout comme l’amendement n° 122 tirait les conséquences de la réforme des corps et carrières pour octroyer aux officiers de la police nationale la qualité d’officiers de police judiciaire en contrepartie d’un renforcement du contrôle continu et de la formation, le présent amendement réaffirme l’ambition de cette même réforme des corps et carrières à constituer la contribution de la police nationale à la réforme de l’État. Cet amendement prend donc en compte les conséquences de la création d’un quatrième grade, celui de brigadier de police, dans le corps d’encadrement et d’application de la police nationale. Afin de ne pas alourdir la gestion des commissions administratives paritaires, il est souhaitable que les deux premiers grades de ce corps, gardien et brigadier, continuent d’avoir une représentation syndicale commune.

Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch. Étant l’un des plus anciens membres de la commission des lois, je rappelle qu’il faut éviter les cavaliers législatifs.

Si nous sommes, les uns et les autres, favorables à cet amendement qui facilitera l’accès à certains grades des fonctionnaires de police, ne trouvez-vous pas qu’on exagère un peu en présentant une telle disposition sans en avoir discuté au préalable en commission, simplement pour faire plaisir à une organisation syndicale ?

Allez, monsieur Mariani, celle-ci n’est pas assez représentée dans votre circonscription pour assurer votre réélection ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 123.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 39.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Alain Marsaud, rapporteur. La loi de 1986 a introduit un dispositif d’indemnisation au profit des victimes d’actes de terrorisme commis sur notre territoire et des personnes de nationalité française victimes de tels actes à l’étranger. Mais on s’est rendu compte que les ayants droit d’une victime française, eux-mêmes de nationalité étrangère – et cela arrive parfois – y compris ceux résidant sur le territoire français, sont exclus du bénéfice de l’indemnisation. Il nous a donc semblé utile d’unifier le régime d’indemnisation en vue de l’ouvrir aux ayants droit des victimes françaises, quelle que soit leur nationalité.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Voilà une excellente initiative qui améliore le dispositif d’indemnisation institué en 1986.

Comme l’a indiqué le rapporteur, la mesure permettra aux ayants droit d’une victime française, eux-mêmes étrangers, y compris ceux résidant sur le territoire français, de ne pas être exclus du bénéfice de cette indemnisation.

Cette réforme se justifie pour des raisons évidentes d’équité. J’y suis donc favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.

(L'amendement est adopté.)

Article 11

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, inscrit sur l’article 11.

M. Noël Mamère. L’extension de la période durant laquelle un individu peut être déchu de la nationalité française présente le double inconvénient de l’inutilité et de la dangerosité.

Inutilité face à la lutte antiterroriste. Étendre le risque de perte de la nationalité française n’est en aucun cas dissuasif pour des personnes s’apprêtant à commettre des actes de terrorisme.

M. Thierry Mariani. Hélas !

M. Noël Mamère. Dangerosité parce qu’une telle mesure contribuerait à renforcer la stigmatisation d’une certaine catégorie de la population française dont l’attachement à la France serait ainsi continuellement remis en cause.

En effet, cette disposition induit un amalgame dangereux et détestable entre terrorisme et immigration. Pour mémoire, je rappelle qu’après les incidents graves qui ont récemment eu lieu dans les quartiers défavorisés, nombre de nos collègues qui siègent à droite de cette assemblée n’ont pas hésité à demander la déchéance de la nationalité de leurs auteurs présumés. Nous voyons donc que l’amalgame n’est pas loin et que certains de nos collègues ne résistent pas à la tentation...

Voilà pourquoi je propose de supprimer l’article 11.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques nos 79 et 105, visant à supprimer l’article 11.

L’amendement n° 79 a déjà été défendu.

La parole est à M. Jacques Floch, pour soutenir l’amendement n° 105.

M. Jacques Floch. Un mécanisme de déchéance de la nationalité française existe déjà. Le présent article le complique inutilement. C’est pourquoi, je considère qu’il n’a pas sa place dans le projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Ces amendements ont été repoussés par la commission. Cela m’étonnerait que l’article 11 soit fréquemment appliqué. En tout état de cause, alors que de plus en plus de nationaux sont impliqués dans des actes de terrorisme sur le territoire national, il peut être justifié d’envoyer un message. Cette forme de dégradation civique peut avoir son utilité et l’extension du délai à quinze ans permettra effectivement d’appliquer la déchéance éventuelle dans de meilleures conditions.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Il est évident, et je suis d’accord avec l’opposition, qu’il convient d’allonger de façon mesurée le délai de déchéance de la nationalité d’une personne condamnée pour avoir commis des actes de terrorisme. Pour autant, il n’y a rien d’anormal à ce que l’acquisition de la nationalité puisse être remise en cause dans certains cas extrêmes et exceptionnels.

En revanche, il n’est pas exact que la mesure soit inutile. La déchéance permettra notamment l’expulsion du condamné à l’issue de sa peine, ce qui ne serait pas possible s’il restait français. Quant à parler de dangerosité de la mesure, c’est inconvenant. Le danger vient des terroristes et non de cette mesure de bon sens qui ne vise nullement à stigmatiser telle ou telle catégorie de Français.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 79 et 105.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 40.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Mon amendement est, comme souvent, d’inspiration libérale (Sourires), puisqu’il vise à limiter l’allongement de dix à quinze ans de la période pendant laquelle la déchéance de nationalité peut intervenir pour les seuls actes ayant entraîné une condamnation pour atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation et pour terrorisme.

La durée de quinze ans peut sembler disproportionnée compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel pour ce que l’on qualifie d’actes d’espionnage n’ayant pas donné lieu à condamnation. Il est des cas pour lesquels des personnes ont été soupçonnées d’espionnage par un service de renseignement, sans qu’aucune condamnation n’ait été prononcée. Dans une telle hypothèse, il semble plus sage d’en rester à la durée actuelle de dix ans et de limiter aux actes les plus graves – terrorisme et intérêts fondamentaux de la nation avec condamnation – le passage à quinze ans.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Sagesse !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

Je mets aux voix l'article 11, modifié par l'amendement n° 40.

(L'article 11, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 11

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 41 rectifié, portant article additionnel après l’article 11.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Monsieur le président, si vous le permettez, je vais laisser le soin à M. le président de la commission de défendre cet amendement.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur le président de la commission.

M. Philippe Houillon, président de la commission. Monsieur le président, je sais pourquoi on me laisse le défendre ! (Sourires.)

L’amendement n° 41 rectifié a pour objet de supprimer la procédure actuelle – un peu en forme d’usine à gaz – du conventionnement par le CSA des chaînes de télévision satellitaires extra-européennes qui sont diffusées sur Eutelsat et, de ce fait, actuellement régies par la loi française.

Pour ces chaînes, l’existence d’une convention est en réalité inutile puisqu’elles n’ont aucune obligation en termes de production. En revanche, la procédure actuelle de conventionnement présente des inconvénients qui ont déjà été expérimentés, d’où l’amendement que j’ai l’honneur de présenter.

D’abord, pour un certain nombre de chaînes extra-européennes, cette convention constitue une sorte de brevet de respectabilité. Au moment de la signature de la convention, les chaînes en question garantissent qu’elles vont respecter toutes les lois de la République. Une fois le document signé, les exemples de la chaîne Al Manar ou des chaînes iraniennes diffusées en français sur le territoire national ont montré que leurs programmes pouvaient, soit inciter à commettre des attentats terroristes, soit à tenir des propos antisémites. On ne peut pas, du fait de la procédure de conventionnement, réagir rapidement en cas de manquement intolérable à la loi française. En effet, la convention suppose qu’il y ait d’abord une mise en demeure. Par ailleurs, s’il y a des émissions sauvages, il faut d’abord conventionner avant de pouvoir sanctionner.

C’est ce système que je vous propose d’abandonner, par le biais de cet amendement, pour revenir à l’application de la loi française et permettre ainsi de réagir immédiatement en interrompant les programmes qui porteraient gravement atteinte aux lois de la République.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il faut effectivement renforcer la capacité de nos démocraties à combattre les prêcheurs de haine qui utilisent certains médias audiovisuels.

En 2004, le législateur a apporté une première réponse à cette situation en permettant au président du Conseil supérieur de l’audiovisuel de saisir le président de la section du contentieux du Conseil d’État afin que celui-ci ordonne à un opérateur satellitaire de cesser la diffusion d’un service de télévision.

C’est en application de ces dispositions que le Conseil d’État a, en décembre 2004, enjoint la société Eutelsat de faire cesser la diffusion de la chaîne de télévision Al Manar dont les programmes présentaient un caractère antisémite. Toutefois, cette procédure a montré ses limites en ce qu’elle a pris plusieurs mois pour aboutir.

Le contrôle des contenus des chaînes extra-européennes diffusées en France est encore trop faible. Dans l’affaire Al Manar, il est clairement apparu que le conventionnement par le CSA était perçu à tort comme un brevet de respectabilité, en réalité source de complications et de retards dans la procédure d’interdiction d’une chaîne.

Monsieur le président de la commission, le Gouvernement est favorable à l’amendement permettant de retirer ces chaînes extra-européennes du champ du conventionnement par le CSA. Ces chaînes n’en seront que plus directement soumises au pouvoir de sanction du CSA, de saisine du Conseil d’État pour interdiction ou du parquet pour poursuites pénales.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Je félicite le président de la commission pour son excellent amendement. Rudy Salles avait, à plusieurs reprises, signalé à M. le ministre de la communication cette grave ambiguïté que cet amendement contribuera à lever.

J’appelle toutefois votre attention, monsieur le ministre, sur la présentation lors de la prochaine réunion de la Commission européenne, le 6 ou le 13 décembre prochain, d’une nouvelle directive sur la télévision sans frontières. Sans remettre en cause la spécificité du pays d’origine, Mme Viviane Reding, commissaire européen à l’éducation et à la culture, souhaite ouvrir le champ des émissions diffusées par les chaînes extracommunautaires. J’invite donc à la vigilance votre collègue de la culture, et je ne doute pas qu’il saura en faire preuve.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il ne s’agit pas de défendre des chaînes extra-européennes qui pourraient inciter à des formes de barbarie que nous dénonçons tous. Mais, quelles que soient les dispositions que vous allez prendre, il me semble bien difficile d’empêcher la diffusion d’une chaîne sur notre territoire par l’intermédiaire d’un satellite. Cette technologie a aussi permis aux téléspectateurs de certains pays totalitaires de savoir ce qui se passait à l’extérieur, les aidant ainsi à accéder à la liberté.

Si nous défendons les principes de l’universalisme, nous devons accepter l’idée qu’il puisse y avoir aussi des débordements racistes ou antisémites dans le flot des chaînes diffusées par satellite.

Je rappelle tout de même que, dans notre propre pays, circulent des publications ouvertement racistes et antisémites qui émanent de partis politiques, certes non représentés au Parlement. Il existe aussi de grandes chaînes privées, qui ont passé des conventions avec le CSA, dont le PDG explique que leur objectif principal consiste à vendre à Coca-Cola « du temps de cerveau disponible ».

Les mesures que vous adoptez ne nous convaincront pas. La meilleure façon pour une démocratie de se défendre contre ceux qui veulent la combattre, c’est de renforcer ses outils démocratiques. Il ne faut pas avoir peur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Article 12

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, inscrit sur l’article 12.

M. Noël Mamère. L’article 12 traite du gel des avoirs.

Sur le plan juridique, d’abord, compte tenu de la gravité des conséquences du gel des avoirs, il est paradoxal qu'il puisse être mis en œuvre sur simple décision administrative, pour une durée de six mois renouvelable, sans qu'aucune précision ne soit donnée sur les garanties et voies de recours. Actuellement, en vertu de l’article L. 706-103 du code de procédure pénale, des mesures conservatoires peuvent être ordonnées par le juge des libertés et de la détention à la requête du ministère public, lorsqu'une information judiciaire est ouverte. Ce dispositif, résultant de la loi du 9 mars 2004, ne semble pas avoir posé de problème jusqu’ici. En d'autres matières proches, comme celui des perquisitions fiscales, la juridiction judiciaire est expressément compétente, sur requête, pour autoriser les mesures contraignantes que l’administration juge nécessaires. Il serait paradoxal que des mesures prises au stade de simples soupçons soient entourées de moins de garanties que celles dont bénéficient les personnes à l’encontre desquelles pèsent des indices graves et concordants, judiciairement constatés.

Sur un plan pratique ensuite, nombreux sont les experts à considérer que le gel des avoirs est vain car il n’entravera pas l’action des groupes et des réseaux. En effet, ces derniers ont appris à éviter les banques et les établissements financiers classiques. Sinon, les montants transférés sont fractionnés en petites sommes, pour ne pas éveiller les soupçons. Les terroristes de la mouvance Al Qaida savent désormais déjouer la surveillance financière internationale. Comme le dit une économiste italienne, auteur du livre Qui finance le terrorisme international ?, les terroristes n’utilisent pas le système bancaire, si bien que le gel des avoirs ne les atteindra pas.

En outre, les sommes qui ont financé les récents attentats ayant eu lieu dans plusieurs pays sont dérisoires et donc quasiment impossibles à repérer. Voici, sur le sujet, le commentaire d’un autre spécialiste : « Les estimations du budget des attaques contre les trains de banlieue à Madrid en mars 2004 tournent autour de 15 000 dollars, celles du dernier attentat contre des lieux touristiques à Bali autour de 10 000 dollars. L’Algérien Ahmed Ressam arrêté en 1999, alors qu’il était en route pour faire sauter une bombe dans l’aéroport de Los Angeles, a avoué avoir réuni l’argent de l’attentat en volant des sacs de touristes et en pratiquant des escroqueries à la carte de crédit au Canada ». Faut-il citer aussi le rapport final de la commission d’enquête américaine sur le 11 septembre : « Tenter de priver les terroristes d’argent revient à tenter de capturer une certaine espèce de poissons en vidant les océans » ?

Aujourd’hui, il est beaucoup plus important d’infiltrer les groupes terroristes que de geler les avoirs, d’autant que cette mesure frappera des personnes qui n’ont rien à voir avec les terroristes. Tout au plus risquez-vous d’accroître les tensions au sein des sociétés musulmanes,...

M. Alain Marsaud, rapporteur. Ce ne sont pas les musulmans qui sont concernés !

M. Noël Mamère. ...donc, au final, de servir la cause des extrémistes que vous prétendez combattre.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Avant que vous n’examiniez les amendements à l’article 12, je vous prie d’excuser l’absence de Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je voudrais également vous faire part du sentiment du Gouvernement sur le gel des avoirs.

Pour lutter contre le financement du terrorisme, la création d’un dispositif national de gel des avoirs est nécessaire en raison du caractère lacunaire des instruments existants. En effet, les règlements de l’Union européenne, qui mettent en œuvre les résolutions des Nations unies sur le gel des avoirs terroristes, ne permettent pas de geler les avoirs des résidents communautaires dans la mesure où ils s’appliquent aux relations financières avec l’étranger. Il est donc nécessaire de se doter en droit interne d’un dispositif qui permettra de geler les avoirs de personnes physiques ou morales résidentes liées à des activités terroristes. Ce faisant, la France disposera d’une capacité de décision autonome puisque, dans le cadre communautaire, les listes des personnes visées sont établies par consensus. La France entend respecter ses engagements internationaux en la matière et mettre pleinement en œuvre les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies ainsi que les recommandations du GAFI à l’élaboration desquelles elle a d’ailleurs contribué.

Le dispositif proposé est strictement encadré. Le caractère temporaire de la mesure – qui sera prise pour six mois – implique un réexamen régulier du dossier. Si aucun élément nouveau ne justifie la décision initiale, elle ne sera pas prorogée. Sur ce point, l’article 12 apporte même plus de garanties que le dispositif communautaire qui autorise le gel des avoirs au nom des personnes recensées sur la liste communautaire pour une durée indéterminée.

Je rappelle que le gel ou l’interdiction, ne s’assimilant en aucun cas à une dépossession, ne portent pas atteinte aux libertés individuelles.

M. le président. Nous en venons à deux amendements, nos 150 et 144 rectifié, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Afin de garantir un suivi efficace du dispositif de gel des avoirs et un dialogue régulier entre les services de l’État, les autorités de contrôle et les professionnels, sans pour autant multiplier le nombre de structures compétentes, l’amendement n° 150 propose d’élargir les missions du comité de liaison de la lutte contre le blanchiment des produits des crimes et délits, institué par l’article L. 562-10 du code monétaire et financier, au suivi des mesures de gel. Ce comité réunit les services de l’État, les autorités de contrôle et les professionnels concernés.

L’amendement n° 144 rectifié est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. La commission n’a pas examiné ces deux amendements, mais, à titre personnel, j’y suis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable aux deux amendements également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 150.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 144 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 42.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 145.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani. Cet amendement vise à réduire les risques d’utilisation d’organisations légitimes par des personnes physiques ou morales dont les avoirs financiers ont été gelés.

Dans son troisième rapport en date du 9 septembre 2005, le comité 1267 du Conseil de sécurité des Nations unies estime en effet que, pour réduire le risque de financement du terrorisme par des entités opérationnelles, les États doivent pouvoir « enlever les individus soupçonnés de malversations ou ceux figurant sur la liste récapitulative des postes d’autorité ou d’influence qu’ils occupent. » Cette mesure est inégalement appliquée par les États et constitue l’un des moyens fréquemment utilisés pour contourner les mesures de gel des avoirs. Dans certains pays qui n’ont pas prévu ce type de disposition, les décisions de gel des avoirs peuvent être contournées. Ainsi, deux personnes désignées comme financiers du terrorisme par l’Organisation des Nations unies et le Conseil de l’Union européenne disposent toujours de mandats de direction au sein de trois organisations non gouvernementales enregistrées dans des pays européens.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Je vous demande de retirer cet amendement, monsieur Mariani. Il est inconstitutionnel, et même dangereux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je comprends l’objectif de cet amendement, monsieur Mariani, mais autoriser un ministre à suspendre les mandats ou les titres de personnes physiques ou morales détenus y compris dans les associations, sans prévoir aucune limite dans le temps ni dans le champ d’intervention, contrevient au principe de la proportionnalité des sanctions. Je vous propose de le retirer et de solliciter l’avis d’experts.

M. Thierry Mariani. Je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 145 est retiré.

Nous en venons à l’amendement n° 146.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani. Cet amendement vise à préciser que le ministère chargé de l’économie vérifie l’application des mesures de gel des avoirs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Même avis.

M. Thierry Mariani. Je le retire.

M. le président. L’amendement n° 146 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 43.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 44.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 45.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de conséquence.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous en venons à l’amendement n° 80.

La parole est à M. Noël Mamère, pour le défendre.

M. Noël Mamère. M’étant exprimé sur l’article, je serai très bref, monsieur le président.

Compte tenu de la gravité que revêt le gel des avoirs, il est paradoxal qu’il puisse être décidé sur simple décision administrative. La mise en conformité du droit interne avec nos obligations européennes et internationales ne justifie pas de contourner les garanties apportées par un processus juridictionnel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Défavorable. Il s’agit encore d’une confusion. Je rappelle à mon honorable collègue que le gel des avoirs est une mesure de police administrative. Porter le contentieux devant le juge judiciaire me paraît impossible puisqu’il est de la compétence du tribunal administratif de Paris. L’affaire a déjà été soumise au Conseil d’État qui a statué.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Avis défavorable également.

Monsieur Mamère, la question que vous soulevez a retenu notre attention puisque nous cherchons à mettre en place un dispositif efficace et équilibré. Le Conseil d’État, je vous le rappelle, a considéré qu’une mesure de gel ou d’interdiction qui prive temporairement, à des fins d’ordre public précisément identifiées, un titulaire de compte du droit à disposer des fonds qui lui appartiennent n’équivaut pas à une dépossession. Elle n’est donc pas susceptible de porter atteinte aux libertés individuelles dont le respect doit être garanti par l’autorité judiciaire en vertu des dispositions de l’article 66 de la Constitution. S’inscrivant à l’évidence dans le cadre strict de la lutte contre le terrorisme, une telle décision relève de la police administrative et, comme telle, elle est susceptible de recours devant le juge administratif.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le ministre, je tiens simplement à préciser que, dans sa première mouture, le texte du ministre de l’intérieur prévoyait qu’un gel initial de six mois pouvait être ordonné par l’administration, une prorogation de six mois pouvant être ordonnée par le président du tribunal de grande instance de Paris sur requête de l’administration. De plus, cette juridiction était expressément compétente en cas de contestation. Or, tout cela a disparu…

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Cela a disparu parce que nous avons suivi les recommandations du Conseil d’État.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 80.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 12, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 12, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous informe que les amendements nos 47 et 138 rectifié qui devaient venir en discussion avant l’article 12 ont été déplacés avant l’article 15.

Article 13

M. le président. Sur l’article 13, je suis saisi d’un amendement n° 129.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Cet amendement rédactionnel est une invitation au voyage…

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 129.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 13, modifié par l'amendement n° 129.

(L'article 13, ainsi modifié, est adopté.)

Article 14

M. le président. Sur l’article 14, je suis saisi d’un amendement n° 130.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 130.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 14, modifié par l'amendement n° 130.

(L'article 14, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 81 rectifié a été déplacé avant l’article 15.

Avant l’article 15

M. le président. Nous en venons à une série d’amendements portant articles additionnels avant l’article 15.

Je suis saisi d’un amendement n° 117 deuxième rectification.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani. L’amendement proposé a pour objet de clarifier la loi : il s’agit notamment de préciser l’obligation de couverture, par les contrats d’assurance de biens, des dommages matériels causés par tout acte terroriste à des biens situés sur le territoire national, afin non seulement de dissiper toute ambiguïté vis-à-vis des assurés mais également de mobiliser plus efficacement les professionnels de l’assurance, entreprises d’assurance et de réassurance.

Cet amendement modifie l’article L. 126-2 du code des assurances, issu de la loi du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l’État.

Cet article du code des assurances interdit aux contrats d’assurance de biens d’exclure la garantie de l’assureur pour les dommages résultant d’actes de terrorisme ou d’attentats commis sur le territoire national. Or la rédaction de cet article est ambiguë et peut laisser penser qu’une exclusion, par le contrat, de la prise en compte de tout dommage accidentel d’origine nucléaire, bactériologique ou chimique permettrait valablement d’exclure également l’indemnisation d’un attentat terroriste d’origine nucléaire, bactériologique ou chimique.

Cet amendement vise à lever une telle ambiguïté.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Monsieur Mariani, votre amendement est particulièrement bienvenu. Il actualise la loi de 1986 afin de prendre en compte la diversité, regrettable mais réelle, des formes actuelles de terrorisme. L’hyperterrorisme entré dans l’histoire avec les événements du 11-Septembre n’est pas bien appréhendé par les contrats d’assurance. C’est non seulement le cas du dommage nucléaire mais également des contaminations bactériologiques et chimiques.

Or les contrats d’assurance qui ne couvrent pas la contamination nucléaire d’origine accidentelle ne sont probablement pas tenus de la couvrir même si cette contamination est d’origine terroriste. Cette ambiguïté n’est pas tolérable et vous proposez avec raison d’y mettre un terme.

Désormais, grâce à votre amendement, les contrats d’assurance pourront couvrir les dommages de toutes natures dès lors qu’ils sont d’origine terroriste dans les conditions de la garantie incendie, qui est la plus complète et de loin la plus répandue.

Cela écarte tout risque de contournement de cet impératif posé par la loi et vient renforcer la protection des assurés à la hauteur des enjeux posés par la menace terroriste.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 117 deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 133.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour le soutenir.

M. Thierry Mariani. Cet amendement, présenté par M. Lellouche, a pour objet de confier au maire de Paris des pouvoirs de police identiques à ceux des maires des autres communes de France en supprimant les dispositions particulières relatives à l’exercice des pouvoirs de police et de lutte contre l’incendie dans la commune de Paris.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission.

J’y suis défavorable à titre personnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Cet amendement est sérieux.

M. Thierry Mariani. C’est la raison pour laquelle je le soutiens.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. M. Mariani ne l’aurait effectivement pas soutenu si tel n’avait pas été le cas.

S’agissant de l’organisation des pouvoirs de police à Paris, vous posez une vraie question. Je crois, comme vous, que l’autorité élue doit jouer tout son rôle dans l’organisation des secours aux populations en cas d’attaque terroriste. Le fait-elle suffisamment aujourd'hui ou en a-t-elle les moyens ? Il est permis d’y réfléchir posément.

Cela dit, il ne faut pas méconnaître la spécificité de la capitale vis-à-vis de l’ensemble du territoire national et des pays étrangers. Il n’est pas anormal que pour tenir compte de cette spécificité, les pouvoirs de police soient organisés à Paris de manière différente que dans le reste du territoire. Toute situation de crise grave dans la capitale doit trouver une réponse opérationnelle immédiate qui ne peut qu’être coordonnée par les autorités de l’État. Je vous propose, au nom du ministre d’État, que nous poursuivions ensemble cette réflexion, et dans cette attente, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement de M. Lellouche.

M. le président. Monsieur Mariani, lèverez-vous ce terrible suspens ?

M. Thierry Mariani. Compte tenu des précisions apportées par M. le ministre, je retire l’amendement.

M. le président. L'amendement n° 133 est retiré.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 47 rectifié et 138 deuxième rectification, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir ces deux amendements.

M. Thierry Mariani. Les amendements, nos 47 rectifié et 138 deuxième rectification sont défendus tous les deux, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Avis favorable à l’amendement n° 47 rectifié et défavorable à l’amendement n° 138 deuxième rectification.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable à l’amendement n° 47 rectifié.

Cet amendement est en effet important pour ces serviteurs de l’État que sont les personnels civils du ministère de la défense, ainsi que pour leurs proches.

Il est pleinement légitime que la protection prévue à l’article 39 sexies de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse soit étendue aux personnels civils du ministère de la défense, travaillant dans ses services. C’est une mesure d’équité à l’endroit de personnes qui ne ménagent pas leurs efforts pour servir l’intérêt général.

Sur l’amendement n° 138 deuxième rectification, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 138 deuxième rectification tombe.

Je suis saisi d'un amendement n° 81 deuxième rectification.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le soutenir.

M. Pierre-Christophe Baguet. Ce qui nous réunit aujourd'hui, c’est la lutte contre le terrorisme. L’action de la police contre ce fléau doit être totale. Dans ces conditions, comment accepter que quelques voyous des stades détournent autant de moyens humains et matériels à leur seule surveillance et à la protection de nos concitoyens et des quartiers proches des stades de football ? Jusqu’à 2 000 policiers peuvent en effet être mobilisés pour un seul match ! Si on ajoute les transports en autocars aux récupérations légales, ce sont jusqu’à 10 000 journées de policiers qui peuvent être perdues pour ces voyous, identifiés pour certains de longue date.

Mon amendement vise donc à donner au préfet les moyens légaux de neutraliser ces perturbateurs à répétition de l’ordre public afin de permettre aux policiers de se livrer à leurs tâches essentielles et prioritaires, notamment la lutte contre le terrorisme.

Je tiens à préciser que cet amendement n’a pas pour objet de confondre les voyous des stades et les terroristes. C’est à la demande du président de la commission des lois que j’ai rectifié mon amendement afin de bien préciser que ces mesures ne s’adressent qu’à un individu identifié « par son comportement d’ensemble à l’occasion de manifestations sportives ». Nous évitons ainsi tout risque de dérapage.

Mes chers collègues, cette mesure ne tombe pas du ciel ! C’est l’une des mesures mises en place avec succès par nos voisins britanniques depuis longtemps. Rappelez-vous les drames que ce pays a connus ! Aujourd'hui, les stades y sont apaisés, les familles en ont retrouvé le chemin et des grilles de séparation entre le terrain et les tribunes ne sont toujours pas prévues ! C’est dans cet esprit que je vous invite à adopter cet amendement, qui permettra, dans le respect des libertés individuelles, d’interdire, voire de tenir à l’écart de toute manifestation sportive, ces voyous qui portent atteinte à l’image du sport et qui, de surcroît, coûtent excessivement cher à la société.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. La commission avait repoussé la première rédaction de cet amendement. Sa rédaction actuelle me semble convenable. Sagesse.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

En effet, certains supporters de clubs de football par leur comportement violent et souvent raciste perturbent les matchs. Il faut les empêcher de nuire ! On ne peut pas continuer indéfiniment à renforcer les effectifs de policiers et de gendarmes – jusqu’à 2 000 ! – pour assurer les contrôles à l’entrée ou aux abords du Parc des Princes un soir de match. Il faut donc changer de logique.

L’amendement proposé permettra au préfet d’interdire l’accès aux stades et à leurs abords à toute personne dont le comportement a constitué une menace répétée à l’ordre public à l’occasion de manifestations sportives.

J’ajoute que l’arrêté d’interdiction précisera le type de manifestations sportives concernées et ne pourra excéder trois mois. Les garanties habituelles s’appliqueront : motivation de la décision, procédure contradictoire préalable et contestation possible devant le juge administratif. Il est prévu en outre que le préfet pourra s’assurer du respect de cette interdiction par la personne visée en l’astreignant à répondre aux convocations de toute autorité ou personne qualifiées – maire ou brigade de gendarmerie – qu’il aura désignée. De plus, la personne qui enfreint ces arrêtés s’expose à une amende de 3 750 euros.

C’est un bon dispositif que nous mettrons en œuvre dès la loi votée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 81 deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

Article 15

M. le président. Sur l’article 15, je suis d’abord saisi d’un amendement n° 106.

La parole est à M. Jacques Floch, pour le soutenir.

M. Jacques Floch. Une loi exceptionnelle doit être limitée dans le temps. Les résultats de son application doivent être évalués avant de persévérer dans l’erreur ou dans l’effort.

Dans les deux cas, il faut que nous soyons avertis des résultats donnés par la loi.

En tant que vieux parlementaire,…

M. Thierry Mariani. Parlementaire d’expérience !

M. Jacques Floch. …je me méfie de ces articles que l’on ajoute à la fin des textes de lois et dont la fonction est de prévoir que le Gouvernement présentera un rapport.

J’en donnerai un seul exemple : le deuxième alinéa de l’article 22 de la loi 2001-1062 du 15 novembre 2001 est ainsi rédigé : « Le Parlement sera saisi par le Gouvernement avant le 31 décembre 2003 d’un rapport d’évaluation sur l’application des dispositions du présent chapitre adopté pour une durée allant jusqu’au 31 décembre 2005. Un second rapport lui sera remis avant le 31 décembre 2005. » Nous n’avons jamais eu le premier rapport et le second ne nous est pas annoncé !

Il faut cesser de prévoir des rapports qui ne viennent jamais ! Telle est la raison pour laquelle nous préconisons que « l’ensemble des dispositions de la présente loi est applicable jusqu’au 31 décembre 2008. Sa prorogation est votée sur rapport du Gouvernement au Parlement sur l’application des mesures qu’elle comporte ainsi que sur leur financement. » En effet, le texte qui nous est soumis aujourd'hui n’évoque aucun financement. Pourtant, il implique nécessairement de nouvelles charges. Enfin, « s’agissant des articles 3, 5 et 8, le rapport du Gouvernement au Parlement est annuel », simple demande, qui pourrait devenir une exigence du Parlement !

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je souhaite simplement conforter les propos de Jacques Floch et exprimer des doutes sur la sincérité du Gouvernement. M. Floch a cité la loi de 2001, on pourrait aussi citer la loi sur les signes religieux ostensibles. Elle prévoyait en effet que l’on en vérifierait la validité et l’application. Or, on attend toujours ce contrôle parlementaire.

M. Philippe Houillon, président de la commission. Il a eu lieu !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. L’amendement a été repoussé par la commission.

Je fais toutefois une proposition à M. Floch : je n’accepte pas son amendement dans sa totalité, en revanche, je lui propose de se rallier à mon amendement complété par la phrase suivante : « Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport sur l’application de la présente loi ».

M. Jacques Floch. . Un rapport de plus, allons-y !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Houillon, président de la commission. Je me contenterai de rappeler à M. Mamère, qui n’a manifestement pas suivi les travaux de notre assemblée, que le rapport de Mme Chérifi a bien été déposé et que nous avons entendu Mme Chérifi le 9 novembre en procédant à une audition commune avec la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Guy Geoffroy. Tout à fait !

M. Philippe Houillon, président de la commission. Par conséquent, quand vous soutenez que le rapport sur l’application de cette loi n’a pas été rédigé, c’est inexact.

M. Noël Mamère. Pardonnez-moi, monsieur le président de la commission, mais c’est la fameuse histoire du contrôleur qui est aussi le contrôlé. Pourquoi ne dites-vous pas que Mme Chérifi faisait partie de la commission Stasi, celle-là même qui est à l’origine de la loi sur les signes religieux ?

Un rapport doit être rédigé par des personnes indépendantes. M. le rapporteur nous annonce qu’il y aura un rapport sur l’application de la loi. Mais qui en sera l’auteur ? Le Gouvernement lui-même – qui serait alors juge et partie – ou une commission indépendante ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 106.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 46. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Cet amendement est rectifié par l’ajout de la phrase suivante : « Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport sur l’application de la présente loi ».

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement n° 46 rectifié ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. N’ayant pas eu la possibilité de m’exprimer sur l’amendement n° 106 de M. Floch, je veux souligner que s’il n’est pas souhaitable de limiter à trois ans l’ensemble des dispositions du présent projet de loi, le dispositif relatif à la vidéosurveillance comporte des clauses de rendez-vous de cinq ans, les autorisations ayant désormais une durée limitée.

En revanche, nous sommes ouverts à une proposition de rapport annuel au Parlement sur l’application de la loi. Néanmoins, ce rapport ne devrait pas se limiter à la mise en œuvre des seuls articles 3, 5 et 8.

Le Gouvernement est donc favorable à l’amendement n° 46 rectifié.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 15, modifié par l’amendement n°46 rectifié.

(L'article 15, ainsi modifié, est adopté.)

Titre

M. le président. Sur le titre du projet de loi, je suis saisi d’un amendement n° 107.

La parole est à M. Jacques Floch pour le soutenir.

M. Jacques Floch. Il s’agit d’un amendement de coordination avec notre amendement de suppression de l’article 6. Nous voulions éviter tout amalgame entre la lutte contre le terrorisme et l’immigration. Nous persévérons dans cette volonté.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Marsaud, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 107.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi.

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet auront lieu le mardi 29 novembre après les questions au Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Marsaud, rapporteur. Je veux remercier publiquement les collaborateurs de la commission des lois qui, en deux semaines, ont réalisé la prouesse d’organiser quarante-huit auditions et de m’aider à rédiger le rapport. (Applaudissements)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Au nom du ministre d’État, je salue sincèrement l’esprit de responsabilité qui, sur la plupart des bancs de cette assemblée, a marqué les débats.

Grâce à la grande qualité du travail effectué par M. le rapporteur…

M. Guy Geoffroy. Il a été excellent !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …et malgré des délais très courts imposés par l’urgence, la discussion a permis d’améliorer le texte du Gouvernement.

Je souligne tout particulièrement le progrès que constitue le vote consensuel sur la prolongation de la durée de la garde à vue.

Quelle que soit l’origine des amendements proposés, le Gouvernement s’est efforcé de prendre en compte toutes les suggestions, garantissant ainsi l’équilibre entre la sécurité et les libertés dans le contexte difficile de la lutte contre la menace terroriste.

Le ministre d’État a d’ores et déjà demandé aux services du ministère de l’intérieur de travailler à la préparation des décrets d’application qui permettront, une fois la loi votée, de mettre en œuvre les nombreux instruments juridiques de lutte contre le terrorisme qu’elle prévoit.

L’intérêt national commande d’agir avec diligence. Je remercie la représentation nationale de l’avoir parfaitement compris. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Saisine pour avis d’une commission

M. le président. J’informe l’Assemblée que la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, a décidé de se saisir pour avis des articles 13 et 15 octies du projet de loi adopté par le Sénat relatif à la sécurité et au développement des transports.

Ordre du jour
des prochaines séances

M. le président. Lundi 28 novembre 2005, à seize heures, première séance publique :

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 2565, portant diverses dispositions relatives à la défense :

Rapport, n° 2701, de M. François Vannson, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées ;

Discussion du projet de loi, n° 2156, modifiant la loi n° 99-894 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense :

Rapport, n° 2702, de M. Jean-Louis Léonard, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)