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N°1018

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 juillet 2003

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE  (1)

sur l'application des mesures préconisées en matière de sécurité

du transport maritime des produits dangereux ou polluants

et l'évaluation de leur efficacité

Président

M. Edouard LANDRAIN,

Rapporteur

M. Christophe PRIOU,

Députés.

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RAPPORT

TOME SECOND

Volume 1

SOMMAIRE DU PREMIER VOLUME DES AUDITIONS

Les auditions sont présentées dans l'ordre chronologique des séances tenues par la Commission.
1ère partie

- Audition de M. Dominique BUSSEREAU, Secrétaire d'Etat aux Transports et à la mer (extrait du procès-verbal de la séance du 4 mars 2003) 5

- Audition de M. Didier SIMONNET, Directeur du Transport maritime, des ports et du littoral (extrait du procès-verbal de la séance du 11 mars 2003) 31

- Audition de M. Jean-Yves le DRIAN, Député du Morbihan, Rapporteur de la Commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'Erika (extrait du procès-verbal de la séance du 11 mars 2003) 53

- Audition conjointe de M. Jean-René GARNIER, Secrétaire général de la mer et de l'Amiral Jean-François COT, Secrétaire général adjoint (extrait du procès-verbal de la séance du 13 mars 2003) 65

2ème partie

- Audition de M. Georges TOURRET, Directeur du Bureau d'Enquêtes Accidents-mer (extrait du procès-verbal de la séance du 13 mars 2003)

- Audition de M. Fabrice THÉOBALD, Délégué général de la Chambre syndicale des constructeurs de navire (extrait du procès-verbal de la séance du 18 mars 2003)

- Audition de M. Christian SERRADJI, Directeur des Affaires maritimes et des gens de mer (extrait du procès-verbal de la séance du 18 mars 2003)

- Audition de M. Bruno REBELLE, Directeur général de Greenpeace (extrait du procès-verbal de la séance du 20 mars 2003)

- Audition de M. Jean-Paul TACON, Capitaine de vaisseau, Chef du bureau action de l'Etat en mer, état-major de la Marine, division « plans » (extrait du procès-verbal de la séance du 20 mars 2003)

- Audition de M. Francis VALLAT, Président de l'Institut français de la mer, Vice-président de l'Agence européenne de sécurité maritime (extrait du procès-verbal de la séance du 25 mars 2003)

3ème partie

- Audition conjointe de MM. Daniel MARREC et Jacques LOISEAU, respectivement Président et Vice-Président de l'Association Française des Capitaines de Navires (AFCAN) (extrait du procès-verbal de la séance du 25 mars 2003)

- Audition de M. Jacques MANGOLD, Directeur général de VIGIPOL (extrait du procès-verbal de la séance du 26 mars 2003)

- Audition de M. Christian FRÉMONT, Préfet de la Région Aquitaine (extrait du procès-verbal de la séance du 26 mars 2003)

- Audition de M. Jacques GHEERBRANT, Vice-amiral d'escadre, Préfet maritime de Brest (extrait du procès-verbal de la séance du 1er avril 2003)

- Audition conjointe de MM. Pierre MAILLE et Michel GIRIN, respectivement Président et Directeur du CEDRE (extrait du procès-verbal de la séance du 1er avril 2003)

- Audition conjointe de M. Pierre KARSENTI, Président du Conseil des chargeurs maritimes et Président de la Commission maritime de l'AUTF (Association des utilisateurs de transport de fret), et de MM. Didier LÉANDRI et Jérôme ORSEL, respectivement Délégué Général et Directeur des transports internationaux de l'AUTF (extrait du procès-verbal de la séance du 8 avril 2003)

4ème partie

- Audition de M. Michel QUIMBERT, Président du Port Autonome de Nantes-Saint-Nazaire (extrait du procès-verbal de la séance du 8 avril 2003)

- Table ronde regroupant M. Jacques GHEERBRANT Préfet maritime de Brest et vice-amiral d'escadre, M. Jean-Yves BERROCHE, Administrateur général, M. Michel LE BOLLOC'H, Directeur régional des Affaires maritimes de Bretagne, M. Jean-Loup VELUT, Commissaire en chef, M. Claude GINESTES, M. Philippe LE BAIL et M. Emmanuel CORNÉE, Inspecteurs de contrôle des navires du Centre de sécurité des navires de Brest, M. Christian QUILLIVIC, représentant des Abeilles International, M. Charles CLADEN, Commandant de l'Abeille-Flandre, M. Yves ROMÉ et M. Bertrand MASSONNEAU, Capitaines de Vaisseaux, Melle Marguerite KERVELLA, représentante du Préfet du Finistère pour le plan POLMAR-terre (extrait du procès-verbal de la séance du 10 avril 2003 - Brest)

- Audition conjointe de M. Yvon OLLIVIER, Préfet de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur et de M. Maurice MICHAUD, Sous-préfet délégué à la sécurité civile (extrait du procès-verbal de la séance du 15 avril 2003 - Marseille)

- Audition conjointe de M. Francis MENÉ, Colonel, chef de l'état-major de zone Sud, de M. Bernard MUSCAT, Capitaine de frégate, Bataillon des marins-pompiers de Marseille et de M. Roger NARDELLI, Commissaire-colonel (extrait du procès-verbal de la séance du 15 avril 2003 - Marseille)

- Audition conjointe de M. Bernard LECOMTE, Directeur régional, de M. Daniel DEJARDIN, Directeur régional adjoint, de M. Philippe VINOT, Chef du centre régional de sécurité, de M. Gérard BEAUFILS, Inspecteur du centre de sécurité des navires et de M. Alain ORTOLÉ, Inspecteur du travail maritime. (extrait du procès-verbal de la séance du 15 avril 2003 - Marseille)

- Audition conjointe de MM. Eric BRASSART et Joseph MOYSAN, Directeur général et Commandant du Port autonome de Marseille (extrait du procès-verbal de la séance du 15 avril 2003 - Marseille)

Voir le second volume des auditions

5ème partie

- Audition conjointe du Préfet maritime, Vice-amiral d'escadre Pierre-Xavier COLLINET, du Commissaire général Jean-Louis FILLON et du Capitaine de vaisseau Daniel FABRE, Commandement de la zone maritime Méditerranée (extrait du procès-verbal de la séance du 16 avril 2003 - Toulon)

- Audition conjointe de M. Bruno LEROY, Directeur du CROSS MED (Centre régional d'opérations de sauvetage et de secours pour la Méditerranée) et du Commissaire général Jean-Louis FILLON, adjoint du Préfet maritime pour l'action de l'Etat en mer, (extrait du procès-verbal de la séance du 16 avril 2003 - Toulon)

- Table ronde regroupant le Commissaire général Jean-Louis FILLON, adjoint du Préfet maritime pour l'action de l'Etat en mer, M. Bruno LEROY, directeur du CROSS MED, le Lieutenant de vaisseau Philippe BERNAT, du Bureau des opérations côtières, M. Dominique  BRESSON, division « action de l'Etat en mer », le Lieutenant de vaisseau Gilles BERNARD, division « action de l'Etat en mer » et le Major Jean-François HUET, cellule Antipol de la base navale (extrait du procès-verbal de la séance du 16 avril 2003 - Toulon)

- Audition de M. Edouard FREUND, Directeur général adjoint de l'Institut Français du Pétrole (extrait du procès-verbal de la séance du 29 avril 2003)

- Audition conjointe de M. Xavier CONTI, Directeur des assurances transports à la Fédération française des sociétés d'assurances (FFSA), M. Jean-Paul LABORDE, Conseiller parlementaire à la FFSA et M. Alain DELCROIX, AXA Corporate Solutions Assurances (extrait du procès-verbal de la séance du 29 avril 2003)

- Table ronde regroupant M. Pierre DARTOUT, Préfet des Pyrénées-Atlantiques, M. Denis GAUDIN, Directeur de cabinet du Préfet, M. Thierry DUSART, Directeur interdépartemental des Affaires maritimes, M. Frank PERROT, Capitaine de frégate, commandant de la Marine nationale, M. Philippe MARSAIS, Chef du Service interministériel de défense et de protection civile, M. le Commandant Jacques SAMPIETRO, SDIS, responsable du Poste de commandement avancé de Biarritz, M. Serge LARZABAL, Président du Comité local des pêches, M. Patrick LESPIELLE, Patron du Samathéo, M. Camille CLAVIER, Patron du Litsas Belara, M. Christophe INDA, Patron pêcheur, M. Olivier ROSPIDEGARAY, Patron pêcheur, armateur, M. Jean FORASTÉ, Directeur général du centre de thalassothérapie BLANCO, M. Marc DANNENMULLER, Directeur du centre de thalassothérapie BOBET, M. Henri ANGIER, représentant de la communauté d'agglomération Bayonne-Anglet, M. André TRACKOEN, Directeur des services techniques de la ville de Biarritz, M. Albert LARROUSSET, Président de l'Association des maires du littoral, Maire de Guéthary, (extrait du procès-verbal de la séance du 6 mai 2003 - Bayonne)

6ème partie

- Table ronde regroupant M. Jacques SANS, Préfet des Landes, M. Patrick FÉRIN, Sous-préfet de Dax, Mme le Lieutenant Martine LABORDE, Responsable du centre de secours côte Sud des Landes, M. Hervé BOUYRIE, Président de l'Association des maires du littoral des Landes, Maire de Messanges et M. Jean-Jacques ANGLADE, Conseiller municipal délégué à la sécurité (extrait du procès-verbal de la séance du 6 mai 2003 - Capbreton)

- Table ronde regroupant M. Michel ROQUES, Président de l'office de tourisme de Capbreton, M. André FOUTEL, Président de la Fédération départementale de l'hôtellerie de plein air, M. Denis TERZIAN, Président de l'Association des commerçants de Capbreton et M. Stéphane WEINHOLD, Président-directeur général de Billabong (extrait du procès-verbal de la séance du 6 mai 2003 - Capbreton)

- Audition conjointe de M.  Roger PARENT, Préfet délégué pour la sécurité et la défense de la zone de défense Sud-ouest et du Colonel Yves COLIN, Chef du centre opérationnel zonal à l'Etat-major de zone Sud-ouest (extrait du procès-verbal de la séance du 7 mai 2003 - Bordeaux)

- Table ronde des services de l'Etat de Gironde regroupant M. Rachid BOUABANE-SCHMITT, Directeur de cabinet du Préfet de la Gironde, Mme Isabelle ROYER, Directrice du SIRDPC de la Gironde, M. Jean-Louis LAVIGNE, Mme Martine PEJOUT, M. Dominique LECOURT, du SIRDPC de la Gironde, M. Frédéric DUPIN, Directeur départemental délégué de l'équipement (DDE), M. Christian GUILLAUME, Cellule défense de la DDE de Gironde, M. Pierre MORIN, Subdivision de La Teste, DDE de Gironde, Lieutenant-Colonel Bernard GARNIER, Adjoint de l'officier général de zone de défense, M. Jean-Paul DECELLIERES, Directeur du Service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Gironde, M. Hugues de CHALUP, Directeur départemental de l'action sanitaire et sociale (DDASS), M. Daniel LECLERC, Chef d'arrondissement, SMNG, M. François GOULET, Directeur Régional de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement (DRIRE), M. Michel MATHEUS, Chef de groupe de la subdivision de Gironde, DRIRE Aquitaine, Capitaine Luc LALANNE-AULET, Groupement de gendarmerie de la Gironde, M. Jérôme LAURENT, Directeur-adjoint de l'environnement en Aquitaine (DIREN), M. Jean-Bernard PRÉVOT, Directeur régional et départemental des Affaires maritimes (DRAM), Mme Natalie BEAU, Représentante du CEDRE en Gironde, M. Thierry ROGELET, Sous-préfet du bassin d'Arcachon, et M. Jean DEMATTEIS, Sous-préfet de Blaye (extrait du procès-verbal de la séance du 6 mai 2003 - Bordeaux)

- Table ronde regroupant M. Jean-François ACOT-MIRANDE, Maire de la Teste-de-Buch, M. Roland-Etienne BLAIS, Adjoint au maire de Soulac-sur-Mer, M. Jean-Michel DAVID, Maire de Lacanau, M. Alain DEYRES, Maire du Porge, M. Alain MARTINET, Maire du Verdon-sur-Mer, M. Michel SAMMARCELLI, Maire du Cap-Ferret, et Mme Michèle DUBOURG, Directrice générale des services administratifs de la Teste-de-BUCH (extrait du procès-verbal de la séance du 7 mai 2003 - Bordeaux)

- Audition de M. Marc DRUART, Président du syndicat des ostréiculteurs du bassin d'Arcachon (extrait du procès-verbal de la séance du 7 mai 2003 - Bordeaux)

- Audition de M. Christian FRÉMONT, Préfet de la zone de défense Sud-Ouest (Extrait du procès-verbal de la séance du 7 mai 2003 - Bordeaux)

7ème partie

- Table Ronde regroupant M. Christian FRÉMONT, Préfet de la zone de défense Sud-ouest, préfet de la région Aquitaine, préfet de Gironde, M. Pierre DARTOUT, Préfet des Pyrénées-Atlantiques, M. Jacques SANS, Préfet des Landes, M. Rachid BOUABANE-SCHMITT, Directeur de cabinet du Préfet de la Gironde, M. Jean-Christophe BOUVIER, Directeur de cabinet du Préfet de Charente-Maritime et M. Yannick IMBERT, Secrétaire général aux affaires régionales d'Aquitaine (séance du 7 mai 2003 - Bordeaux)

- Audition conjointe de M. Bernard ANNE, Directeur division Marine et de M. Pierre FREY, service DSM, du Bureau VERITAS (extrait du procès-verbal de la séance du 13 mai 2003)

- Audition de Mme Bernadette MALGORN, Préfète de la région Bretagne et de la zone de défense Ouest (extrait du procès-verbal de la séance du 14 mai 2003)

- Audition conjointe de M. Bertrand THOUILIN, Directeur du transport maritime et de M. Jacques de NAUROIS, Directeur des relations institutionnelles du groupe TotalFinaElf (extrait du procès-verbal de la séance du 14 mai 2003)

- Audition de M. Hubert PINON, Vice-Amiral, Préfet maritime de la Manche et de la Mer du Nord, (extrait du procès-verbal de la séance du 3 juin 2003)

- Audition de M. Dominique SORAIN, Directeur des Pêches maritimes et de l'aquaculture (extrait du procès-verbal de la séance du 3 juin 2003)

- Audition de M. Patrick BOISSIER Président-directeur général des Chantiers de l'Atlantique (extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 5 juin 2003 - Nantes)

8ème partie

Audition conjointe de M. Didier BAUDOIN, Directeur du Groupe des écoles des Affaires maritimes, de M. François PERCIER, Directeur des études du Groupe des écoles des Affaires maritimes, et de M. Jean-Claude DENAYER, Directeur des études de l'école nationale de la Marine marchande de Nantes (extrait du procès-verbal de la séance du 5 juin 2003 - Nantes)

- Audition conjointe de M. Roger BOSC, Inspecteur général des Affaires maritimes, de M. André GRAILLOT, Inspecteur général de l'Equipement et de M. Pierre ROUSSEL, Secrétaire général de l'Inspection générale de l'Environnement (extrait du procès-verbal de la séance du 10 juin 2003)

- Audition de M. Henri de RICHEMONT, Sénateur de la Charente (extrait du procès-verbal de la séance du 10 juin 2003)

- Audition conjointe de Mme Marjorie OBADIA, Magistrat, Chef du bureau de la santé publique, du droit social et de l'environnement à la sous-direction de la Justice pénale spécialisée du ministère de la Justice et de M. François NICOT, Procureur de la République auprès du Tribunal de grande instance de Brest (extrait du procès-verbal de la séance du 11 juin 2003)

Compte-rendus d'entretiens à l'étranger

- Compte-rendu de l'entretien au Ministère de la marine marchande de Grèce (Athènes, mardi 22 avril 2003)

- Compte-rendu de l'entretien au Bureau VERITAS en Grèce (Le Pirée, mercredi 23 avril 2003)

- Compte-rendu de l'entretien avec l'Union des Armateurs Grecs (Athènes, mercredi 23 avril 2003)

- Echange de vues au Parlement européen (Bruxelles, mardi 20 mai 2003)

- Compte-rendu de l'entretien avec M. Willem de RUITER, Directeur exécutif de l'Agence européenne de sécurité maritime (Bruxelles, mardi 20 mai 2003)

- Compte-rendu de l'entretien avec M. François LAMOUREUX, Directeur général de la Direction générale Transports-Energie de la Commission européenne (Bruxelles, mardi 20 mai 2003)

- Compte-rendu de l'entretien avec M. William O'NEIL, Secrétaire général de l'Organisation Maritime Internationale (Londres, jeudi 22 mai 2003)

- Compte-rendu de l'entretien avec M. Hans JACOBSSON, Administrateur du FIPOL (Londres, jeudi 22 mai 2003)

- Compte-rendu de l'entretien avec M. GAVIN, directeur du Lloyd's register of shipping et président du conseil de l'IACS (International association of classification societies), et M. R. LESLIE, Secrétaire permanent de l'IACS (Londres, jeudi 22 mai 2003)

- Compte-rendu de l'entretien avec M. Adolfo MENENDEZ MENENDEZ, Sous-Secrétaire d'Etat chargé des Transports (Madrid, mardi 27 mai 2003)

- Echange de vues au Congrès des députés, (Madrid, mardi 27 mai 2003)

- Compte-rendu de l'entretien avec M. Domingo MENENDEZ, Directeur de cabinet de M. Rodolfo MARTIN-VILLA, Haut-commissaire (comissionado) chargé de la gestion du Prestige (Madrid, mardi 27 mai 2003)

- Dîner de travail (Saint-Jacques de Compostelle, mardi 27 mai 2003)

- Compte-rendu de la présentation de la gestion de la crise en Espagne (La Corogne, mercredi 28 mai 2003)

- Echange de vues avec des représentants des élus locaus et des marins pêcheurs (Finisterre, mercredi 28 mai 2003)

Audition de M. Dominique BUSSEREAU,
Secrétaire d'Etat aux Transports et à la mer


(extrait du procès-verbal de la séance du 4 mars 2003)

Présidence de M. Edouard LANDRAIN, Président

M. Bussereau est introduit.

M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux Commissions d'enquête lui ont été communiquées. A l'invitation du Président, M. Bussereau prête serment.

M. le Président : M. le ministre je vous souhaite la bienvenue.

Après l'audition publique, la Commission a souhaité disposer d'un quart d'heure pour aborder quelques questions plus confidentielles avec le ministre. A l'issue de l'audition publique, je demanderai donc à la presse et au public de sortir.

M. Dominique BUSSEREAU : Merci de m'accueillir devant votre Commission d'enquête. C'est un moment important pour le gouvernement, dans la mesure où les Commissions d'enquête parlementaire ont toujours eu l'habitude dans cette maison de dire des choses fortes. Le gouvernement, tout en respectant évidemment la liberté et l'indépendance de la Commission, souhaite qu'elle puisse lui permettre d'appuyer son action dans le domaine de la sécurité maritime. J'ajouterai qu'ayant été moi-même, à plusieurs reprises, Rapporteur de Commissions d'enquête parlementaire, je sais toute l'importance de ces travaux et le fait de prêter serment, acte inhabituel dans cette assemblée, montre toute l'importance et toutes les prérogatives d'une Commission d'enquête comme la vôtre. Je suis fier et honoré d'en être l'invité.

Je vous présenterai tout d'abord la problématique telle que la perçoit le gouvernement avant de répondre aux questions.

Nous sommes aujourd'hui dans un monde où les deux tiers du pétrole sont acheminés par la mer. Nous avons parfois tendance à considérer que le trafic maritime a déjà atteint des sommets ; or, sur certaines destinations -je pense en particulier aux flux entre l'Espagne et la France ou entre l'Italie, l'Espagne et la France- il conviendra, si l'on veut sortir des situations de thromboses routières dans les années à venir, de poursuivre encore le développement du transport maritime. Il faut donc nous placer dans une perspective où le transport maritime participe au développement durable et non dans une optique où le transport maritime est l'ennemi du développement durable par les dangers qu'il suscite.

La problématique politique, par-delà les opinions des uns et des autres, consiste à étudier comment développer le transport maritime tout en respectant les impératifs de sécurité qui doivent être les siens. La principale question, celle qui a motivé la création de cette Commission d'enquête, tient dans le transport des fiouls lourds et de toutes les matières dangereuses. Les routes maritimes qui permettent le transit de ces matières sont très fréquentées par des navires de tous types et de toutes tailles. Par exemple, sur le littoral de notre pays, ce sont plus de 150 navires par jour qui passent au large de nos côtes et qui transportent des marchandises de cette nature.

Le trafic du Pas-de-Calais, « illustré » récemment par l'affaire du Tricolor, équivaut à celui du détroit de Malacca, l'un des détroits les plus fréquentés dans le monde. D'ailleurs, nos voisins britanniques donnent au Pas-de-Calais le surnom de « Picadilly-Circus » où, malgré les mesures de limitation de la circulation du nouveau maire de Londres, le trafic reste particulièrement intense.

Nous sommes également dans un monde d'opacité qui ne concerne pas seulement les produits transportés, mais aussi la chaîne de transport. Derrière le capitaine, celui que l'on connaît et que l'on interroge le premier en cas d'accident, se déroule une longue chaîne, aussi complexe que lourde : l'exportateur, l'affréteur, le courtier, les armateurs. Il est parfois difficile de déterminer qui a fait quoi et qui a décidé quoi. L'exemple récent du Prestige montre un navire d'une nationalité, un affréteur d'une autre, un exportateur d'une troisième, une société de courtage encore différente et chacun entretenait à loisir, dans certains armements, l'opacité pour empêcher la découverte du véritable responsable. Je crois que nous avons le devoir de défendre quelques règles simples.

D'abord prévenir, car l'accident en matière maritime, comme en matière routière, n'est pas une fatalité. Il reste lié à un ensemble de circonstances, même si naturellement la mer n'est pas un milieu simple. Maxime Bono, que je vois ici, peut le confirmer : le Golfe de Gascogne n'est pas une autoroute facile, ce qui impose des règles de navigation. Circuler en mer est, par nature, dangereux. Il n'empêche que l'accident n'est pas une fatalité.

Deuxièmement, il faut légiférer. Le droit mondial de la mer est trop permissif. Nous avons des efforts à conduire dans le domaine des règles. Les gouvernements successifs s'y sont attachés. Je crois que nous devons affronter la nécessité de mieux légiférer.

Troisième point : la responsabilité. Il faut que toute la chaîne du transport maritime, de l'expéditeur au client final, soit responsabilisée sur les dangers et les problèmes de la chaîne du transport maritime.

Quatrième point : l'indemnisation. Les élus bretons ici présents le savent pour en avoir été souvent les victimes : il faut indemniser vite, bien et avec légitimité. Dans l'affaire de l'Erika, à ce jour, tout le monde n'est pas indemnisé convenablement.

Enfin, après l'accident, il faut dépolluer et donc se donner les moyens de la dépollution.

La sécurité maritime doit être une priorité de tous les gouvernements. Les efforts que mène le gouvernement actuel ne sont pas en contradiction avec ceux du gouvernement précédent. Car, au-delà des gouvernements, la sécurité maritime doit être une priorité de l'action de l'Etat. Nous devons lui donner une priorité politique absolue. Le Président de la République a utilisé, en Conseil des ministres, une expression qui est sortie des murs de l'Elysée et qui a, je crois, frappé l'opinion : il a parlé de «voyous des mers ». Dans certaines affaires, on relève des comportements « voyoucratiques » s'accompagnant d'attitudes de dissimulation, inadmissibles dans un monde comme le nôtre. Les pollueurs et leurs complices doivent être dénoncés et punis. Que faut-il pour assurer cette sécurité ? Il faut des navires sûrs -première difficulté-, des équipages qualifiés et suffisamment nombreux -autre point important-, une circulation protégée et des cargaisons bien identifiées. L'ensemble de ces éléments participe d'une politique de sécurité maritime, française naturellement, mais que nous devons mener avec nos partenaires européens actuels et futurs ; car, parmi les pays qui vont rejoindre l'Union européenne, on compte des pays « à problèmes » ou qui l'ont été. Des pays ont entretenu des pavillons de complaisance, comme Malte ou Chypre, mais aussi l'Estonie, la Lituanie ou la Bulgarie, dont certaines habitudes ne sont pas toujours excellentes. Nous devons tenir une ligne politique solide vis-à-vis de nos partenaires actuels et futurs de l'Union.

Nous avons évoqué cette question dans le cadre de la Délégation aux affaires européennes et je pense que cet aspect européen des problèmes apparaîtra pleinement dans les conclusions du rapport de Didier Quentin et de Guy Lengagne.

Enfin, sortant des enceintes de l'Union européenne, nous devons mener des actions dans les enceintes internationales. Pour le FIPOL comme pour l'Organisation maritime internationale (OMI), des réunions importantes se tiendront en mai prochain où la France et l'Europe ont le devoir de faire entendre leur voix.

J'indique également que le prochain conseil Transports qui réunit les ministres européens des transports et de la mer aura lieu les 27 et 28 mars prochains à Bruxelles. Nous y évoquerons ces sujets, que j'irai tout prochainement préparer à Bruxelles avec Mme de Palacio, qui mène dans ces domaines une action fort intéressante, et qui recueille l'assentiment de la France.

Au sein de l'OMI, des défis sont à relever. Ils concernent les conditions de travail des marins à bord, l'amélioration des routes maritimes par la création de routes sécurisées, l'augmentation du nombre de points de signalement obligatoire des navires, l'élimination progressive des navires dangereux ; enfin, le balisage et les moyens de repérage des bateaux, l'AIS, le Système d'Identification Automatique des navires, et les boîtes noires qui peuvent être installées à bord des navires de haute mer.

Il faut porter le trésor de guerre du FIPOL au niveau des besoins en matière d'indemnisation. En 2002, le FIPOL disposait pour agir de 184 millions d'euros. En novembre 2003, il va bénéficier de 270 millions d'euros. Il faut aller plus loin car, en réalité, le besoin excède très largement les sommes qui sont actuellement à la disposition du FIPOL.

Je rappelais récemment à la Délégation aux affaires européennes que la prise en charge du FIPOL va très loin. En Charente-Maritime, une PME en milieu rural fabrique des filets de pêche pour enfants. Elle a été à deux doigts, dans l'affaire de l'Erika et à nouveau dans celle du Prestige, de déposer son bilan avec 50 salariés en cause, dans la mesure où, bien que située à des centaines de kilomètres de la Bretagne, elle ne recevait plus de commandes des grossistes bretons, car ceux-ci pronostiquaient de recevoir moins de touristes sur leurs côtes. Ainsi, à quelques centaines de kilomètres, une entreprise qui, a priori, n'avait aucun rapport avec la situation de l'Erika se trouva-t-elle gênée dans son carnet de commandes. Elle a été indemnisée, ce qui montre bien que les dommages susceptibles d'être indemnisés par le FIPOL dépassent très largement les régions concernées au premier chef par les pollutions.

Lors du prochain comité exécutif du FIPOL, la France proposera d'augmenter la prise en charge des indemnisations liées au naufrage de l'Erika de 80% à 100%.

En ce qui concerne la question posée en séance publique par Mme des Esgaulx, députée de Gironde et du bassin d'Arcachon, à la suite de l'intervention de M. Vidalies, je précise que nous avons besoin d'une deuxième antenne du FIPOL dans notre pays. Ainsi M. Jacobsson, responsable du FIPOL, s'est-il rendu à Bordeaux le 1er mars pour la mise en place d'une deuxième antenne plus proche de l'Aquitaine, là où les retombées les plus négatives du naufrage du Prestige ont eu lieu.

Pour le niveau européen, les gouvernements ont bâti un ensemble réglementaire. Le gouvernement de Lionel Jospin avait participé à l'adoption au sein de l'Union européenne des dispositions Erika I et Erika II. Un dispositif réglementaire important a été mis en place. Actuellement, nous faisons en sorte que les derniers textes soient transposés. La transposition des directives constitue un problème né de l'Europe que Mme Lebranchu a certainement eu à connaître lorsqu'elle assumait ses fonctions de Garde des Sceaux. Un long délai s'impose à la transposition. Il nous faut actuellement terminer la transposition des textes des premiers paquets Erika I et Erika II. Lors du dernier Conseil des ministres des transports, le 6 décembre à Bruxelles, et ensuite au Conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement à Copenhague, ce dispositif Erika I et Erika II a été conforté. L'Europe a décidé d'accélérer la disparition des navires à simple coque transportant des marchandises dangereuses et de présenter, avant le 1er juillet 2003, des plans d'identification des lieux de refuge pour les navires en détresse. Voilà un sujet difficile. Chacun considère que le site de son voisin est le meilleur pour le port-refuge et que son propre estuaire, sa ria ou son port n'a pas vocation à l'être. M. Bono préfèrera sans doute que ce soit Royan plutôt que La Rochelle, et moi l'inverse ! En tout cas, les intérêts généraux sont naturellement les mêmes. Il s'agit maintenant d'identifier ces lieux. Ensuite, la question est de savoir si, une fois identifiés, ces lieux doivent être connus de l'opinion ou s'il s'agit simplement de plans de travail devant être mis en œuvre par le gouvernement. M. le Président, toutes les propositions ou suggestions que pourra faire votre Commission d'enquête seront naturellement les bienvenues.

Nous avons donc mis en place une commission interministérielle. Elle associe le ministère en charge de la mer et celui de l'environnement pour bâtir une procédure complète de décision pour ces lieux refuges. C'est une demande très formelle de l'Europe qu'il nous faut honorer pour la fin du présent semestre. A l'origine, le rapport devait être rendu fin mars, mais c'est un travail assez long que d'identifier des lieux refuges et d'engager la réflexion sur leur utilisation future. Ce n'est pas tout de les avoir identifiés ; encore faut-il savoir ensuite comment on peut les utiliser. Voilà un premier point de l'action européenne.

Le deuxième a trait à l'emport du Système d'Identification Automatique des navires, l'AIS. Il faut l'accélérer et tendre vers une forme de contrôle de la circulation maritime proche de celle du contrôle aérien. Toutes celles et tous ceux qui ont visité des CROSS savent qu'on y observe des navires dans des zones, dans des rails, mais qu'ils n'y sont pas guidés comme le sont les avions par le contrôle aérien qui décide de leur altitude, de leur vitesse et de leur position respective. Il est évidemment plus compliqué d'agir de la même façon avec des navires, ne serait-ce que faute de pouvoir jouer sur les niveaux d'altitude, les navires se trouvant tous sur le même plan. Mais notre réflexion actuelle avec nos partenaires belges, anglais ou néerlandais consiste à s'interroger, par exemple pour le Pas-de-Calais, sur la nécessité de tracer des routes pour les navires. On donnerait ainsi aux navires une vitesse, un tracé, des points de croisement. On peut même s'interroger sur le recours à des pilotes pour ces rails comme il en existe dans les estuaires de la Gironde et de la Loire ou pour l'entrée dans certains grands ports. Ne faudrait-il pas, dans ces zones dangereuses, aller jusqu'à un pilotage des navires pour atteindre un maximum de sécurité maritime ?

Enfin, l'Europe a décidé de se doter d'un outil, comme elle l'a fait dans les domaines ferroviaire et aérien : elle a créé une Agence européenne de sécurité maritime. La France s'est portée candidate pour le siège de cette agence et a présenté la candidature de Nantes. Le Président de la République a conforté récemment ce choix de candidature, même s'il existe d'autres villes candidates comme Le Havre. La position de la France est aujourd'hui en faveur de la ville de Nantes. Nous ne sommes pas sûrs de l'obtenir, mais faisons en sorte que cette agence fonctionne, ce qu'elle fait pour l'instant depuis Bruxelles, qui n'est pas pour le moins la ville la plus maritime d'Europe ! Mais mieux valait qu'elle commence déjà à travailler, quitte à s'installer ensuite dans le lieu choisi.

Je précise que cette Agence, dirigée par M. de Ruiter, qui est néerlandais, est présidée par un Anglais les deux premières années. Le représentant de la France, M. Francis Vallat, président de l'Institut français de la mer, en est le vice-président et il la présidera à compter de la troisième année.

Il faudra donner à cette agence tous les moyens de travailler, et la soutenir dans son action. Nous pourrions lui confier la mission -c'est là une décision des chefs d'Etat et de gouvernement- de construire quelques grands navires dépollueurs. Pourquoi ne pas avoir un grand navire dépollueur en Méditerranée qui pourrait intervenir sur les côtes françaises, italiennes, espagnoles ou grecques ? Par ailleurs, dans l'Atlantique, en Manche et en Mer du Nord, un ou deux autres navires à assez grande vitesse pourraient arriver sur une zone polluée et, le plus rapidement possible, aspirer les matières. L'entreprise Alstom et les Chantiers navals de l'Atlantique ont un projet en ce sens. Il existe d'autres projets techniques sur lesquels nous travaillons et qui déboucheront sur des propositions que nous avancerons à l'Europe.

Je ne voudrais pas que l'évocation des problèmes européens nous empêche de prendre nos responsabilités au plan national.

Nous devons d'abord assurer les contrôles. Sur ce point, nous sommes partis d'une situation qui était mauvaise. Je ne mets nullement en cause le gouvernement précédent qui a embauché des inspecteurs ; encore fallait-il les former. Au fur et à mesure des budgets, les nouveaux recrutés arrivent, sont formés, se mettent au travail. Nous sommes entrés dans une période où, sur douze mois glissants, nous atteignons un taux de près de 26% des navires contrôlés. Mais si on observe les chiffres bruts, en mai, nous n'étions qu'à environ 9% de navires contrôlés. Nous avons atteint cet été 17%. Nous avons dépassé 25% pour la première fois en novembre. Au mois de décembre, nous nous situions à 30%, puis à 36% en janvier pour atteindre actuellement 37%. Cet effort a été réalisé à partir du travail des inspecteurs titulaires en place, recrutés et conduits sur le terrain, et grâce au recrutement de ceux que la presse a appelé les « papis », c'est-à-dire les experts vacataires recrutés parmi d'anciens navigants ou officiers. Nous avons enregistré une centaine de candidatures. Dans un premier temps, environ soixante-dix d'entre elles ont été retenues. Certains ont trouvé que la rémunération était insuffisante. Bref, il reste aujourd'hui une quarantaine d'opérationnels, mais nous disposons d'un stock d'autres candidatures dans les quartiers des Affaires maritimes.

Le chiffre de janvier, 36%, représente 174 navires contrôlés, dont 4 ont été retenus au port. Je rappelle que les navires contrôlés ne sont pas seulement les navires contrôlés à quai, ce qui est plus facile, mais également des navires qui peuvent être contrôlés en rade. Naturellement, nous savons que ces chiffres seront plus compliqués à atteindre dans les mois à venir, car toute une série de navires de passagers, qui devront être contrôlés, ne circulent qu'à la belle saison. Nous nous donnons cependant l'objectif de rester au-dessus de 25% en année glissante.

Une récente mesure conjointe franco-espagnole vise à écarter de notre zone économique exclusive les pétroliers à simple coque de plus de quinze ans et transportant des fuels lourds. Cette consigne a été décidée par le Président de la République et par le chef du gouvernement espagnol à la suite du sommet de Malaga. Mise en œuvre par les moyens de la Marine nationale, elle a concerné depuis deux mois plus de 28 navires écartés de notre zone économique exclusive. Naturellement, il faudra donner un fondement juridique européen et mondial à cette mesure, qui n'a pas pour l'instant donné lieu à des difficultés juridiques.

Je terminerai sur l'évocation de nos quatre objectifs principaux pour l'avenir.

Il faut tout d'abord réduire ce qu'il est convenu d'appeler les zones de « non droit », par la réforme du droit de la mer. Il faut également mieux encadrer les pavillons de complaisance : cela signifie que nous devons bien négocier l'entrée de Chypre, de Malte et des Pays Baltes dans l'Union européenne. J'ai reçu par exemple la semaine dernière la ministre bulgare de la mer. Je lui ai indiqué que la France n'était pas encore prête à accepter les performances moyennes de la Bulgarie en ce domaine et que nous serions donc très fermes sur la mise en œuvre de l'acquis communautaire. Cela s'applique à la Bulgarie et à la Roumanie.

Ensuite, subsiste le problème de la Méditerranée. Un projet de loi est en cours d'examen devant le Parlement, destiné à permettre l'extension des zones en Méditerranée. Dès que ce dispositif sera adopté, nous appliquerons en Méditerranée la disposition Malaga : nous pourrons écarter les pétroliers de plus de 15 ans transportant des fiouls lourds. Pour le cas particulier de la Manche, le Président de la République a cosigné avec les Premiers ministres espagnols et portugais une lettre à M. Prodi pour instaurer une zone particulièrement vulnérable ou une zone maritime protégée en Manche, dans laquelle nous pourrions bénéficier de plus de pouvoirs de contrôle et de police.

Deuxième objectif : il nous faut choisir une politique fondée sur la responsabilité, c'est-à-dire trouver les moyens de frapper les vrais coupables, dans certains cas, les affréteurs ou les courtiers s'ils n'ont pas fait leur travail. Il convient de mettre en place des sanctions vraiment dissuasives et de lutter contre le « moins-disant maritime », c'est-à-dire renchérir les obligations d'assurance pour déboucher de facto sur l'élimination des navires dangereux et, pourquoi pas, des opérateurs peu crédibles. Au-delà des moyens juridiques, il faut se donner des moyens économiques pour mieux fonder la responsabilité.

Troisième objectif : améliorer les moyens de lutte.

Il est vrai que les techniques de ramassage en mer sont encore très artisanales. Les 20 000 tonnes repêchées en mer par les navires espagnols et français l'ont été pour beaucoup par des moyens artisanaux. Cela a néanmoins permis d'éviter une grande partie de la catastrophe.

Il faut aussi améliorer nos moyens à terre : les Aquitains ont parfois perçu la grande détresse des municipalités devant l'ampleur de la tâche et la nécessité de bien réfléchir aux moyens de stockage. Si tout le monde accepte de ramasser, nul ne veut avoir le stock de déchets dans sa commune ou sur son territoire, ce qui pose également une difficulté.

Il faut par ailleurs disposer de navires dépollueurs et de moyens aériens d'observation. Dans l'affaire du Prestige, nous avons pu bénéficier de moyens venus en particulier des pays nordiques : de petits bateaux dépollueurs très efficaces de nos amis norvégiens sont venus renforcer la flotte basée à La Rochelle-Pallice, partie au large avec les pêcheurs. Il n'en demeure pas moins que les moyens restent globalement très insuffisants et que, en particulier, les moyens aériens ne sont pas à la hauteur. Pour avoir survolé le bassin, je puis vous dire qu'il est très difficile, dans un avion POLMAR ou un avion des Douanes, de précisément qualifier une irisation. D'où la nécessité d'améliorer tous les moyens de lutte.

Enfin, nous aurons intérêt à renforcer le dispositif de l'Etat en mer. Lors d'un prochain comité interministériel de la mer qui se tiendra au printemps sous l'autorité du Premier ministre, nous réfléchirons aux moyens de renforcer les pouvoirs des trois préfets maritimes et aux voies utiles pour améliorer ceux du secrétaire général de la mer. Je sais que déjà les députés de la délégation y réfléchissent : pourquoi ne pas créer une garde-côte européenne ? C'est une proposition que le Président de la République avait avancée au cours de la campagne présidentielle. Pourquoi ne pas réunir un certain nombre de moyens matériels au niveau européen, au-delà des moyens juridiques que j'évoquais tout à l'heure ?

J'ai essayé de rappeler les préoccupations actuelles du gouvernement. Elles existent, elles sont fortes, mais nous sommes toutefois confrontés à de graves difficultés. La solution passe naturellement par des moyens nationaux corrects et une vraie politique européenne. Je dois dire que la crise très grave du Prestige a montré une Europe forte et unie. La Commission -peut-être Mme de Palacio a-t-elle un intérêt particulier sur ce sujet- a été extrêmement active. L'Europe a été unie. Quand je me suis rendu au Conseil des ministres des transports à la fin 2002 à Bruxelles, j'avais peur que les mesures que nous proposions soient rejetées par des Etats dits « plus libéraux » en matière maritime : la Grande-Bretagne, l'Italie ou la Grèce, qui désormais préside l'Union. J'ai rencontré, au contraire, une attitude européenne très solidaire dans cette affaire. L'Europe a bien réagi mais il faut poursuivre cet effort.

Nous avons par ailleurs de vrais combats à mener au niveau mondial au sein de l'Organisation maritime internationale. Il subsiste encore beaucoup trop de pavillons de complaisance, de comportements « voyoucratiques » et totalement opaques. Nous avons en ce domaine d'énormes progrès à faire.

J'espère que, des travaux de votre Commission d'enquête, liée au drame du Prestige et traitant du problème plus vaste du transport maritime des matières dangereuses, sortiront des propositions que la France pourra porter au niveau européen et au niveau mondial.

M. le Président : Merci. J'entamerai le débat en commençant par poser les questions en mon nom et en celui de votre Rapporteur, Christophe Priou, absent aujourd'hui.

Sur les aspects nationaux, quel bilan tirez-vous de l'éloignement des côtes françaises des navires à risques par la Marine nationale ? Quid des difficultés de recrutement des inspecteurs ? Quid de la coordination, du fonctionnement et de la communication des plans POLMAR-mer et surtout terre qui, pour le moins, apparaissaient perfectibles il y a trois ans?

Qu'aurait-il fallu avoir déjà fait aux niveaux international, communautaire ou national pour que le naufrage du Prestige n'ait pas lieu ou que, du moins, sa pollution soit mieux contenue ?

Sur les aspects internationaux : le cadre de l'Union européenne paraît-il le plus adapté pour aboutir à des réformes du droit de la mer dans des délais raisonnables, même si le droit maritime qui y serait alors applicable n'aurait qu'une portée régionale ?

Quid du problème de l'adhésion directe de l'Union européenne comme membre de l'OMI ?

Qu'en est-il de la zone de protection écologique, qui ne devrait pas se limiter au territoire français mais s'étendre à d'autres pays, tout particulièrement à ceux riverains de la mer Méditerranée en raison de sa fragilité particulière de mer quasi fermée ?

Quel est le calendrier prévisionnel de la transposition en droit interne des dispositions non encore intégrées des directives communautaires des paquets Erika I et II ?

Quels sont les projets de surveillance de la navigation maritime par l'intermédiaire de satellites ? Quid du pilotage -évoqué lors de la Commission d'enquête sur l'Erika-, qui pourrait prendre effet à la hauteur de Ouessant, Seven-Rocks, Pointe de Cornouailles, jusqu'à la Mer du Nord ?

Enfin, que pensez-vous de la modification du régime de la responsabilité civile et pénale pour impliquer tous les acteurs du transport maritime ?

M. Dominique BUSSEREAU : Vingt-huit navires ont fait l'objet de mesures d'éloignement. En fait, presque tous se sont spontanément déroutés et il n'y a pas eu besoin de recourir à la « politique de la canonnière ». Au début, cinq ont dû être « raccompagnés ». Ensuite, « radio-vagues » ayant fonctionné, les capitaines ont devancé nos désirs et nous ne connaissons plus actuellement de difficultés en ce domaine. Toutefois, il nous faut réfléchir aux fondements légaux du dispositif. Cela nécessite une action vigoureuse au niveau mondial même si, pour l'heure, nous n'avons fait l'objet d'aucune procédure, personne n'ayant contesté cette action. Si elle l'était, des interrogations juridiques se poseraient. Nous devons mettre le droit en accord avec les faits.

Sur le recrutement des inspecteurs, nous avons ouvert aujourd'hui 54 nouveaux postes d'inspecteurs titulaires, puisque les lois de finances 2001, 2002 et 2003 ont permis leur recrutement et leur formation. Nous avons donc doublé le nombre des titulaires (54 + 54) C'est un niveau acceptable. Ils sont augmentés d'une quarantaine d'experts vacataires qui travaillent sur l'ensemble des grandes places portuaires françaises. Nous n'avons pas eu de difficultés à les recruter ; le bouche-à-oreille a bien fonctionné. Le message a été porté par les gens des Affaires maritimes sur place, les associations maritimes -les anciens marins, l'Institut de la mer, les pensionnés de la Marine marchande- et repris par l'ensemble des publications que lisent les gens de la mer : Le Marin, Le Journal de la marine marchande...

Nous avons procédé à un choix : parmi une centaine de candidats, nous en avons sélectionné 72, sur lesquels il en est resté 40, car certains n'étaient pas habitués aux salaires, toujours mesurés, de l'Etat. Il ne s'agit pas des salaires du secteur privé. Mais ceux qui sont restés travaillent avec beaucoup de cœur et d'efficacité.

Nous recevons toujours des demandes. En plus des quarante personnes au travail, des demandes continuent à être instruites, ce qui permet -pardonnez cette expression- « de renouveler le stock ».

Ces personnes travaillent avec beaucoup de cœur. Dans la mesure où il s'agit de gens de métier, souvent d'anciens officiers mécaniciens ou d'anciens navigants, ils savent immédiatement, par expérience, où aller lorsqu'ils montent sur un bateau lors d'une inspection. Nous disposons donc là d'un excellent vivier et on constate une bonne cohabitation, pour reprendre une expression désormais célèbre, entre les titulaires et les vacataires. À ce titre, les choses se passent bien.

S'agissant des plans POLMAR, des expériences avaient déjà été tirées des naufrages précédents. Je pense au Ievoli Sun et à l'Erika. Les gouvernements, par des instructions de mars 2001 et d'avril 2002, avaient revu les instructions d'intervention des plans POLMAR et leur coordination. En réalité, les plans POLMAR-terre sont sous l'autorité des préfets de département et du préfet de zone de défense. Pour le cas de l'Aquitaine, il s'agit de M. Frémont, préfet de la Gironde et d'Aquitaine, qui a été coordonnateur. Relier les plans POLMAR à la zone de défense est une bonne idée, qui permet de bien coordonner les moyens.

Cette fois-ci, ont également été instaurés des pré-plans POLMAR. Dès le naufrage du Prestige, nous avons mis en place les stocks de matériel des plans POLMAR, afin de les répertorier et vérifier si, en l'état, tout pouvait fonctionner. Le lieu de stockage des moyens en Poitou-Charentes a été mis en pré-alerte POLMAR, ce qui a ensuite permis au préfet d'Aquitaine de disposer immédiatement des moyens dès que le plan POLMAR a été déclenché.

Le plan POLMAR mer est sous l'autorité du préfet maritime. S'agissant du naufrage du Prestige, l'organisation fut bien pensée, alors que celle de l'Erika avait fait l'objet de beaucoup d'improvisation. Je me souviens que M. Leyrit, préfet de Charente-Maritime, qui venait de prendre ses fonctions, avait été nommé préfet coordonnateur du plan POLMAR-terre. Dans la mesure où le plan POLMAR concernait surtout la Vendée et la Loire-Atlantique, le fait que le préfet de la Rochelle soit coordonnateur, d'autant que la Rochelle n'était pas touchée par l'Erika, n'avait pas simplifié les choses. Le gouvernement de l'époque en avait tiré les conclusions en mettant en place ce système autour des zones de défense.

Un autre point s'est également révélé efficace : la délégation des crédits aux préfets de zone de défense et non à chaque préfet de département. Même si les élus trouvent toujours la manœuvre trop lente, nous sommes parvenus à une plus grande simplicité et rapidité des paiements aux collectivités avec possibilité de versement effectif -j'espère que ce n'est pas seulement de la théorie- vingt-quatre heures après la présentation de la facture. Quand on connaît le fonctionnement du Trésor public, peut-être peut-on penser qu'il s'agit là d'un propos un peu optimiste ! En tout cas, tel est le délai normalement prévu. Les élus Aquitains pourront sans doute nous dire ce qu'il en est.

Il faut reconstituer les stocks de barrages, tant il est vrai qu'il n'y a rien de plus fragile qu'un barrage, surtout dans les périodes de grandes marées et de tempête. À ce titre, cinq millions d'euros ont été dégagés en urgence.

Dans le cadre du plan POLMAR-mer suite à la pollution du Prestige, le fait nouveau fut l'appel au « deuxième rideau », à savoir les moyens des professionnels et les moyens européens. Ce fut une réussite. Les pêcheurs espagnols ont réalisé un remarquable travail. Ils sont sortis dans le Golfe de Gascogne dans les conditions les plus difficiles pour récupérer le fioul en mer, comme l'ont fait nos marins de Saint-Jean-de-Luz, des Sables d'Olonne, de la Rochelle ou d'ailleurs.

Les moyens européens étaient coordonnés par le préfet maritime. Le port de la Pallice a reçu une flotte européenne importante, composée de petits navires extrêmement bien équipés. Ils ont travaillé efficacement sous la coordination du préfet maritime de Brest. Naturellement, votre Commission pourra faire des propositions utiles en ce domaine. Ayant vécu plutôt en spectateur la suite de l'Erika et en acteur celle du Prestige, mon sentiment est que les dispositifs POLMAR ont, cette fois, mieux fonctionné, même s'il reste très certainement des remarques à faire. Les élus se sont d'ailleurs largement exprimés dans les médias et ont indiqué leur perception des choses.

Le sinistre aurait-il pu être évité ? C'est là un débat sur lequel j'espère que le travail de votre Commission sera utile. Si le système des zones refuges à l'échelle européenne avait fonctionné, nous aurions appliqué des règles et disposé des moyens techniques permettant d'acheminer ce navire vers les zones refuges. Si une procédure avait été imaginée à froid et appliquée dans la crise, peut-être la pollution du Prestige eût-elle été mieux contenue. Il faut espérer que l'enquête permettra de remonter la chaîne des responsabilités, mais nous nous sommes aperçus que, dans cette affaire, certains responsables, en particulier russes, s'évaporaient plus vite que le pétrole ! Je crois que toute cette chaîne, bien opaque, révèle la nécessité de changer le droit. À partir des travaux de votre Commission, j'espère que nous ferons évoluer les choses.

Nous aurons également à faire évoluer le droit de la mer. C'est le travail mené au niveau européen et au sein de l'OMI. Les débats que nous y menons sont houleux. Dans cette enceinte, nous sommes minoritaires en raison du poids prédominant des Etats porteurs de pavillons de complaisance. Le cadre de l'Union européenne est plus adapté, mais il serait bon que l'Union devienne membre de l'OMI et que nous y siégions ensemble. Il faut également que nous ayons des bateaux sous notre pavillon. Le gouvernement attend beaucoup -l'Assemblée nationale et le Sénat auront à en débattre- du rapport Richemont, du nom du sénateur de la Charente, par ailleurs avocat maritime international très connu.

M. Louis GUÉDON : Il est avocat des pétroliers. Il est contre nous.

M. Dominique BUSSEREAU : L'on ne peut, par avance, accuser un parlementaire de ne pas être objectif. Ce n'est pas l'avocat qui est en mission, mais le parlementaire. Chaque parlementaire, comme chaque membre du gouvernement, distingue bien son origine professionnelle de la mission qui lui est confiée par le gouvernement.

Nous avons demandé au sénateur de Richemont de réfléchir à un deuxième registre avec la mise en œuvre de la taxe au tonnage, proposition portée à de nombreuses reprises lors du vote du budget de la mer par M. Besselat et reprise par le Président de la République durant la campagne présidentielle. Nous pensons que l'instauration de la taxe au tonnage et la création -si le Parlement en décide ainsi- d'un deuxième registre permettraient de relever significativement le nombre de navires immatriculés en France, comme cela fut le cas en Espagne et en Italie. Si nous avions plus de navires immatriculés sous pavillon français, nous pèserions d'un poids plus important dans les instances internationales. Rehausser notre niveau d'immatriculation ne relève pas d'un simple chauvinisme, c'est utile à une discussion internationale, de même qu'il est utile que l'Europe puisse aussi porter des propositions constructives à l'échelle communautaire et internationale.

J'ai apporté un document de travail qui fait le point sur la transposition des directives communautaires en droit français. Nous avons trois cas de retard, qui s'échelonnent d'un à neuf mois. Les directives sont transposées actuellement à 90% et nous espérons que cette transposition sera terminée en avril 2003. Les derniers textes de transposition sont pour l'heure soumis à l'examen du Conseil d'Etat. Nous devrions en voir rapidement la fin.

Pour la transposition des directives européennes pour lesquelles nous ne sommes pas en retard, celles du paquet Erika II, nous allons accélérer le dispositif suite à l'engagement des chefs d'Etat et de gouvernement pris à Copenhague.

La navigation par satellite est un sujet qui a été évoqué à plusieurs reprises, notamment devant le chef de l'Etat et le chef du gouvernement par Mme Haigneré ; c'est un élément auquel nous croyons beaucoup à la fois pour contrôler le positionnement des bateaux et pour mieux surveiller le dégazage. Nous nous fixons pour horizon 2007 afin de disposer d'un dispositif à l'échelle européenne et mondiale. Nous y travaillons avec les Italiens pour établir les premiers résultats.

Sur le régime civil et pénal, une réflexion est en cours avec des idées parfois classiques, parfois originales. L'on pourrait rendre plus aisée la déchéance du droit de propriété ou modifier la règle de la concentration de la responsabilité sur le propriétaire pour permettre de rechercher ensuite la responsabilité de l'affréteur. L'on pourrait étendre l'obligation d'assurance de responsabilité civile pour les dommages par pollution aux petits navires qui transportent moins de 10 000 tonnes d'hydrocarbure et fixer une limite de responsabilité identique pour tous les pétroliers sans référence à la jauge.

On peut réfléchir également à des idées pour responsabiliser les sociétés de classification, les affréteurs et mettre en cause systématiquement le propriétaire de la cargaison, non uniquement celui qui affrète et fait naviguer, mais aussi celui qui bénéficie économiquement de la cargaison. On pourrait créer un délit pénal d'atteinte à l'environnement, notamment en matière maritime. Sur ce dernier point, je me permets d'inviter votre Commission à émettre des suggestions. Nous pourrions également penser à une remise en cause du régime actuel de limitation de la responsabilité civile des armateurs et les obliger, à l'instar des américains, à contracter des garanties d'assurance plus élevées. Ainsi, outre leur fonction économique, les contrats d'assurance joueraient un rôle de contrôle de la qualité des navires, car les assureurs ne pourraient garantir un patrimoine sans avoir vérifié au préalable l'état du bien assuré et de celui qui l'assure.

Au titre du déballastage, nous avons également quelques idées. Pour l'heure, elles ne font pas encore l'objet d'un travail très précis. Je me permets néanmoins de les suggérer à votre Commission.

Nous pourrions ainsi songer à fonder l'action pénale, nationale et communautaire, en matière de déballastage, sur la vérification du registre des hydrocarbures.

En cas de pollution, nous pourrions faire admettre les preuves photographiques et vidéos par les tribunaux communautaires, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Il conviendrait par ailleurs de fixer un niveau de sanction pour déballastage qui soit toujours supérieur au coût moyen du traitement dans un port. Sinon, les auteurs continueront de penser qu'il est toujours moins cher de déballaster que de faire traiter. Il convient par conséquent d'établir une sanction économiquement efficace.

Dans le cadre de l'OMI ou du FIPOL, il faudrait faire en sorte que le risque lié à la pollution et au déballastage puisse être assuré.

De grandes instances ont été créées au niveau mondial ; pourquoi ne pas imaginer la création d'un tribunal européen unique dédié au droit de la mer ? On pourrait ainsi envisager de faire travailler les parquets au niveau communautaire en matière de droit maritime. Peut-être Mme Lebranchu y a-t-elle songé lorsqu'elle était Garde des Sceaux ?

Nous pourrions introduire dans le droit communautaire des délits nouveaux pour la classification mensongère ou de complaisance ou pour les réparations défectueuses. La notion de « vice caché » est très française et assez peu répandue dans le droit communautaire. Elle mériterait d'être introduite.

Dans le même ordre d'idées, on pourrait décider que les classifications émanent d'autorités véritablement indépendantes.

A ces propositions s'ajoutent les mesures que je vous indiquais précédemment pour rechercher la responsabilité du propriétaire, du destinataire des cargaisons, du certificateur et même de l'affréteur, car on s'aperçoit parfois que le défaut s'est produit au moment de l'intervention d'une société de certification qui n'a pas procédé -ce fut indiqué dans le cas du Prestige- à la certification dans les meilleures conditions.

Le champ de réflexion juridique est immense. Nous avons évoqué des pistes dans les réflexions menées au sein du ministère et de mon cabinet. Je vous en ai livré quelques-unes. Nous pourrons bien sûr y revenir et poursuivre le travail avec la Commission si vous le souhaitez, M. le Président.

M. Jean-Pierre DUFAU : Je remercie M. le ministre de son exposé qui, s'il n'est sans doute pas totalement exhaustif, fait largement le tour de la question. Il a écrit les têtes de chapitre du travail de la Commission, il a même commencé à en écrire certaines pages. Aussi serai-je bref dans mon intervention et me limiterai à deux questions précises.

La première est liée à l'accident qui a présidé à la création de la Commission d'enquête : le naufrage du Prestige. Il faut partir de l'origine. M. le ministre, pouvez-vous nous indiquer le parcours du Prestige ? Au moment de son entrée dans le Golfe de Gascogne, pouvez-vous nous confirmer ce qui a été écrit ici ou là, à savoir qu'il aurait été victime d'un accident : il aurait heurté un container, qui aurait créé une voie d'eau. Autrement dit, un choc accidentel serait à l'origine de la catastrophe. Ensuite, une fois le signal de détresse lancé, chacun reconnaît que la gestion de la crise fut particulière. Pendant six jours et six nuits, le navire endommagé, qui avait lancé des signaux de détresse, après que l'entrée au port de Vigo lui fut refusée, a erré dans différentes directions pour finir au large du Golfe de Gascogne en pleine tempête. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur la coopération au niveau européen, en tout cas entre Etats, qui s'est établie sur la gestion du parcours du Prestige ? In fine, ne croyez-vous pas qu'une meilleure gestion de l'accident aurait permis de limiter la gravité de la pollution que nous avons connue ?

Ma seconde question porte sur la mise en œuvre du plan POLMAR. Vous avez eu raison de dire que, malheureusement, nous avons acquis une certaine expérience en ce domaine. Vous avez cité l'exemple de l'Erika, dont il a pu être tiré parti pour améliorer les conditions de mise en œuvre du plan POLMAR mer et terre. La coordination mer-terre s'est, je crois, à peu près correctement opérée. Vous avez parlé, M. le ministre, du préfet départemental pour le plan POLMAR-terre et du préfet de région qui, au fur et à mesure de la crise, a occupé un rôle prééminent et centralisateur. Ce n'est d'ailleurs pas un reproche dans ma bouche. Simplement, à ce moment-là, un changement d'attitude n'est-il pas intervenu dans la gestion de la crise entre le pré-plan POLMAR, où un certain nombre de prérogatives ont été confiées aux préfets départementaux voire aux postes de commandement avancés, et le moment où, progressivement, une concentration s'est opérée autour du préfet de région, ce qui pourrait expliquer un flottement d'une quinzaine de jours dans le traitement de la dépollution ? En tout cas, c'est ainsi que nous l'avons vécu dans les Landes où la pollution a sévi et où nous n'avons rencontré le préfet de région que le 9 février.

M. Jacques LE GUEN : M. le ministre, vous avez déjà répondu partiellement par votre propos introductif à un certain nombre d'interrogations. Je reviendrai, pour ma part, sur le dégazage et le déballastage sauvages qui sont une véritable catastrophe, récurrente sur nos côtes.

Le second sujet que je souhaiterais aborder est celui des double-coques. Elles constitueront une réponse partielle au problème du transport des matières dangereuses, mais elles nécessiteront aussi un entretien régulier si l'on ne veut pas connaître les mêmes situations et être contraint de déclarer dans quinze ans que la double coque n'était pas la bonne solution.

C'est pourquoi, dans la logique de créer des ports refuges servant à limiter les dégâts en cas de catastrophes, il serait logique d'imaginer des ports techniques avec des escales techniques obligatoires pour les navires. Il conviendrait que les contrôles soient obligatoirement effectués et que soit définie une sorte de vignette pour les navires, comme celle qui existe sur les véhicules dits « propres », avec l'obligation pour les compagnies européennes ou adhérant à des organismes internationaux d'utiliser ce genre de navires, afin d'éviter au maximum tout accident. Il convient en effet de rappeler que nous nous plaçons dans le cadre de la prévention des transports de substances dangereuses.

Voilà quelques pistes qui mériteraient, selon moi, d'être étudiées.

M. Louis GUÉDON : M. le ministre, je veux vous remercier, car l'on perçoit très bien le niveau de motivation et la passion qui sont les vôtres, comme le travail considérable que vous avez déjà réalisé pour aboutir à votre exposé introductif.

Nous qui sommes les « élus côtiers », les « maritimes », placés en première ligne, souhaitons vous faire part de notre analyse de la situation.

Si les décisions nécessaires pour assurer la sécurité de notre littoral devaient être prises dans cette enceinte, je vous avouerais que je quitterais cette salle rasséréné, parfaitement satisfait et que je dormirais tranquille cette nuit ! Malheureusement, nous savons bien que les vœux pieux qui se seront dégagés ici se heurteront -nous l'avons vécu il y a quelques mois- à l'Organisation maritime internationale, face à laquelle le poids de la France est, nous le savons bien, nul. Pour m'être déjà rendu à Londres afin de discuter longuement de ces questions-je suis d'ailleurs prêt à y retourner et à me battre avec eux-, on sait que l'on nous écoute poliment et que rien de ce que nous demandons n'aboutit aux résultats souhaités. Par conséquent, nous nous retrouvons devant la nécessité, non pas d'élaborer des raisonnements juridiques qui se heurtent à des intérêts qui ne sont pas les nôtres et à des intérêts financiers très lourds, mais de faire preuve de pragmatisme. Quelle forme celui-ci doit-il prendre ? M. le ministre, vous avez évoqué les plans POLMAR, indiquant que vous alliez accroître les responsabilités des préfets maritimes.

Au mois de septembre 2001, le chef d'état-major d'une importante préfecture maritime nous expliquait qu'il fallait que nous abandonnions l'idée que le risque zéro n'existait pas. Dans ces conditions, la confiance est absolument nulle par rapport au préfet maritime. Les « maritimes » que nous sommes savons parfaitement que le risque zéro n'existe pas en matière de navigation maritime, parce que nous allons fleurir plusieurs fois par an le monument de nos péris en mer, mais quand il s'agit de transport de cargaisons dangereuses ou toxiques, là nous exigeons le risque zéro, autrement dit, en particulier, que les navires ne soient autorisés à naviguer que si les fenêtres météorologiques sont bonnes. Cela exige aussi que les routes maritimes des produits toxiques dangereux ne soient pas celles des autres navires. Cela implique, à la limite, que certains produits ne puissent être transportés et qu'ils soient traités sur le terrain. Lorsque le chef d'état-major d'une préfecture maritime déclare que nous sommes contre le transport maritime parce que nous nous battons pour que le risque zéro s'applique aux produits toxiques dangereux, déclarer que l'on accentuera leur pouvoir n'est pas de nature à nous rassurer complètement.

Vous avez indiqué que la France allait créer avec les pays d'Europe une organisation européenne compétente en matière maritime. C'est bien. Pour autant -nous venons de le voir avec l'Espagne et le Portugal- après la parution des paquets Erika I et Erika II, issus de la volonté de la présidence française de mettre en place une force européenne après le naufrage l'Erika, cette force s'est révélée totalement inefficace avec la catastrophe du Prestige.

Devant des situations internationales où nous n'avons pas la maîtrise du jeu, où la France, quel que soit son poids que nous défendrons bec et ongles, se trouve confrontée à d'autres intérêts, voire que certains des nôtres ne défendent pas nos intérêts, il est important que soient instaurées des mesures d'autodéfense ou « d'assistance à personnes en danger ». Nous souhaiterions que les pouvoirs publics prennent ces mesures « d'assistance à personnes en danger » en s'abstrayant de réalités internationales qui ne viendront pas nous aider.

M. Bernard DEFLESSELLES : Merci, M. le ministre, de ce vaste tour d'horizon et de cette passion pour la mer. Vous devez vraisemblablement être élu d'un département maritime ! (Sourires.)

Je reviens sur les trois strates que vous avez voulu évoquer avec nous : les mesures françaises, les mesures européennes et les mesures internationales.

Lors de la première réunion de la Commission, nous avons relevé la nécessité de nous appuyer sur les travaux de la Commission d'enquête qui a rendu ses travaux en juillet 2000. Selon le titre même de notre Commission d'enquête, nous devons nous pencher sur l'application des mesures qui ont été préconisées et évaluer leur efficacité pour celles mises en œuvre.

S'agissant des mesures françaises, vous avez très bien expliqué que le contrôle approfondi s'était amélioré : un taux de 37% représente un bon résultat, d'autant qu'il partait de très bas. Il faudra toutefois mesurer notre optimisme, car pour les contrôles, on doit prendre en compte à la fois le nombre, mais aussi la qualité. On sait que ce sont le plus souvent les contrôles réalisés en cale sèche qui portent leurs fruits alors que ceux qui se bornent à une visite de deux ou trois heures sur le pont d'un navire ne peuvent déboucher sur une évaluation de très haute qualité. Mais il est vrai que nous avons dépassé -et largement- les obligations du Mémorandum de Paris et c'est très bien.

Nous avons réalisé un gros effort en matière de recrutement d'inspecteurs et de vacataires. De même, nous avons progressé en matière d'éloignement des côtes de certaines catégories de navires, ainsi qu'en Méditerranée avec la perspective de la ZPE (Zone de Protection Ecologique).

Il nous reste cependant des mesures à prendre. Reprenant le rapport sur l'Erika de juillet 2000, j'ai relevé quelques préconisations fortes :

- un programme de renouvellement des radars. C'est un investissement assez lourd. Pourriez-vous nous en dire un mot ?

- le renouvellement des remorqueurs Abeille-Flandre et Abeille-Languedoc et le navire antipollution Méditerranée, au sujet duquel vous avez dit un mot. Nous partons de loin, nous avons consenti beaucoup d'efforts et il en reste encore quelques-uns à réaliser pour être en phase avec ce qui avait été préconisé il y a trois ans.

Sur les mesures européennes, tout le monde est d'accord, je crois, sur le paquet Erika I et Erika II. Les choses progressent plutôt favorablement en Europe et on a bien tort de faire porter la responsabilité tous les maux à l'Europe. Il existe des problèmes de transposition des directives dans les droits nationaux. Il conviendrait d'inventorier les sociétés de classification et de contrôle et d'examiner leur approche. L'opacité y est très forte. Les sociétés de classification sont à la fois des clients de l'armateur lorsqu'elles sont organes de classification et des organes de certification quand elles s'adressent aux partenaires de l'Etat de pavillon. Il faut que nous clarifions véritablement ce droit et que vous nous aidiez à séparer au niveau européen la classification de la certification qui, théoriquement, ne recouvrent pas les mêmes notions.

Troisième point au niveau international : l'OMI. Le salut viendra de l'augmentation de la flotte française et de sa qualité. L'idée de la taxe au tonnage est une très bonne idée. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur son application, en tout cas comment envisagez-vous l'application de cette mesure dans les mois qui viennent ? Rappelons que la flotte française représente 0,54% de la flotte mondiale et 0,84% du tonnage mondial transporté. Le problème de la France à l'OMI n'est pas simplement un problème européen : oui, il faut que l'Europe y siège, mais ce n'est pas suffisant. Quand on se réfère aux barèmes et aux statuts de l'OMI, on s'aperçoit que le Libéria et le Panama sont les Etats qui ont le plus de pouvoir, parce qu'ils comptent de nombreux bateaux sous leur pavillon. Les pays que je viens de citer posent la question, non des pavillons de complaisance -c'est nous qui les qualifions ainsi-mais du nombre de « divisions en ligne ».  Selon qu'ils comptent 200, 300, 500, 1 000 navires, ils estiment peser en conséquence 11, 12, ou 15%. Nous nous situons très loin derrière et avons une vraie bataille internationale à mener. Le droit maritime est un droit du XIXème siècle alors que le droit aérien est un droit de XXIème siècle. Faire preuve d'un sursaut considérable s'impose pour caler le droit maritime international sur le droit de l'aviation civile.

Voilà quelques pistes au niveau national, européen et international.

M. Dominique BUSSEREAU : M. le Président, je vous demande l'autorisation de ne répondre à la question de M. Dufau sur le Prestige que dans la partie de notre réunion à huis clos.

S'agissant de votre seconde question, M. Dufau, sur la mise en oeuvre du plan POLMAR, un recentrage s'est opéré sur le préfet de région. Il n'en reste pas moins que, dans le département des Landes, le préfet de département a particulièrement bien travaillé en concertation avec le préfet de région. Les choses ont été bien menées. Toutefois, je suis preneur de suggestions de la Commission. Si vous avez le sentiment, dans l'épreuve que vous venez de vivre en Aquitaine, qu'il est possible d'améliorer les mécanismes de fonctionnement, la répartition des rôles, la rapidité de réaction, faites-nous part de vos propositions. Nous avons eu le sentiment que les choses se sont passées le moins mal possible. Dans cette affaire, nous sommes très humbles et toutes les suggestions sont les bienvenues. Si vous le souhaitez, nous pourrons travailler ensemble de manière très précise. Disant cela, je m'adresse également à Mme Des Esgaulx pour la Gironde. Il est difficile d'accepter que le pouvoir de décision quitte son département pour le département voisin. Nous sommes donc preneurs de vos suggestions.

M. Le Guen, sur les problèmes de déballastage et de ports refuges, je souscris totalement à vos propos. Votre idée de contrôles techniques préalables est bonne. Il faudrait étudier la façon dont les choses peuvent s'organiser et engager auprès des navires une sorte de promotion des possibilités offertes en vue d'assurer une meilleure chaîne de contrôle.

Sur la double coque, je ne vous cache pas que pèsent des interrogations. Un débat chez les armateurs et les marins est actuellement ouvert sur cette question. De nombreuses personnes indiquent que la double coque constitue une excellente solution à court terme, mais, une fois que l'espace entre les deux coques aura été ballasté à plusieurs reprises, la rouille s'installera. Il faudra considérer que ces navires ont une durée de vie plus courte et que chacun prenne l'engagement d'un entretien beaucoup plus important, qui ne sera pas facile, car intervenir entre deux coques n'est pas chose aisée, même en cale sèche. Je rappelle que les navires à double coque présentent en outre un risque d'explosion si des gaz s'accumulent entre les coques. Il serait intéressant, si vous permettez, M. le Président, que je vous fasse une suggestion, qu'au cours de vos auditions vous obteniez quelques avis qui permettraient d'éclairer la position du gouvernement et de nous aider.

M. Guédon, je comprends bien que le député-maire des Sables d'Olonne, dont le port a été endeuillé à plusieurs reprises depuis la fin du mois d'août par des drames en mer, dont un encore très récent et un abordage inqualifiable, se méfie des vœux pieux. Je partage vos idées en matière de pragmatisme. La responsabilité et l'augmentation des pouvoirs du préfet maritime n'est pas une réponse à tout. Simplement, le préfet maritime est un fonctionnaire qui a cette caractéristique particulière d'être sous l'autorité directe du Premier ministre avec le contrôle du Secrétariat général de la mer. Il faut donc que nous puissions lui donner des pouvoirs supplémentaires de coordination en mer. Il ne s'agit pas simplement d'une mesure d'amélioration administrative vue de Paris par des technocrates ou par l'administration des ministères. Nous pensons vraiment que l'on peut rendre plus efficace l'action du préfet maritime. Mais, là encore, toutes les suggestions tirées de votre expérience seront les bienvenues. J'ai bien noté dans vos propos le terme « volontarisme », indiquant que tout cela n'a de sens que si les mesures sont appliquées et si nous pouvons les faire progresser le droit aux niveaux européen et mondial.

M. Deflesselles, vous avez fait référence aux travaux de la première Commission d'enquête. Je me suis permis, M. le Président, de préparer pour vous-même et M. le Rapporteur un tableau de suivi des conclusions de la précédente Commission d'enquête, faisant le point, mesure par mesure, de la situation actuelle, de ce qui a été fait et de ce qui ne l'a pas été. Je vous le remets donc pour le communiquer au Rapporteur et à l'ensemble des commissaires.

Une des conclusions de la Commission d'enquête précédente concernait le renouvellement des radars. Des installations sont actuellement en cours de travaux. Ces opérations ne font pas l'objet de mesures de gel budgétaire. Des renforcements sont prévus. Je me rendrai prochainement à Guernesey pour une application radar que nous mettons en commun avec les îles anglo-britanniques. Pour la zone, un radar est en cours d'installation à Dunkerque dans le Pas-de-Calais. Une série d'installations supplémentaires est prévue, car les radars ont vieilli, nécessitant des investissements de l'Etat. Cela faisait partie des remarques de la Commission d'enquête précédente. De même pour les remorqueurs de haute mer. En Méditerranée, Le Mérou est à l'œuvre. Bien sûr, il n'a pas la puissance de remorqueurs du type Abeille-Flandre présents sur la côte Atlantique, la Manche et la Mer du Nord. Le ministère de la défense a lancé un appel pour de nouveaux remorqueurs de haute mer qui permettra d'acquérir des remorqueurs neufs sur la façade atlantique et de mettre un, voire deux remorqueurs en Méditerranée, qui seront bien utiles et qui apporteront leur puissance.

Vous avez évoqué les sociétés de classification et la nécessité d'opérer une distinction entre classification et certification. J'ai noté vos remarques. Des directives en ce domaine sont en cours de transposition.

Quant à la taxe au tonnage, nous sommes en train de mettre au point les circulaires d'application. Après le vote par le parlement de la loi de finances créant la taxe au tonnage, une directive d'application est nécessaire. Elle est en cours d'élaboration, associant le ministère de la mer, celui du budget et les armateurs. Nous travaillons avec Armateurs de France pour fixer son contenu dans la concertation.

M. le Président : Je vous remercie. J'ajouterai que, à la suite de l'Erika, il avait été également question d'améliorer la surveillance aérienne, car il semblait y avoir quelques déficiences à la fois sur le nombre d'avions et sur leurs qualités de détection en particulier.

Mme Hélène TANGUY : Je reviens sur la question des navires à double coque. J'ai l'impression que l'émotion médiatisée sur les drames que nous avons connus en matière de pollution a parfois conduit à apporter des réponses simplifiées, voire simplistes. J'ai entendu beaucoup de personnes de la mer, et de la marine marchande notamment, s'étonner du principe des double-coques jugées plus dangereuses que les simple-coques. Votre incitation à un examen au plus près me semble très judicieuse.

Par ailleurs, on parle de plus en plus des lieux refuges. Vous précisez qu'un schéma de ces lieux refuges est en préparation, ce qui m'amène à vous poser trois questions : Quels sont les critères de sélection des lieux refuges que vous allez proposer ? Sur quelles bases de négociations locales seront-ils choisis ? Quel type de services, quels traitements devront être disponibles dans ces lieux refuges ?

Je ne vous cache pas que j'étais un peu inquiète de vous entendre dire que cette carte des lieux refuges pourrait être publiée rapidement. Sur nos côtes, ce sujet inquiète beaucoup.

M. Dominique BUSSEREAU : Encore que Saint-Nazaire soit candidat.

Mme Hélène TANGUY : J'ai d'autres échos sur d'autres lieux. Je voudrais en savoir plus.

M. Alfred TRASSY-PAILLOGUES : La mise au point de ce plan de lieux refuges est une bonne chose. Toutefois, ne pouvons-nous pas estimer que dans la gestion du Prestige, faire entrer le bateau dans le port de Vigo relevait du simple bon sens ? Ne peut-on considérer que la décision du gouvernement espagnol constitue une faute ? On envoie en prison des chefs d'entreprise, des agriculteurs ou des élus qui polluent peu pour beaucoup moins que cela !

Qu'est-il prévu en matière de recherche-développement afin d'inciter les grands opérateurs à faire preuve d'innovation dans le domaine de la dépollution mécanique ou chimique ? Peut-on imaginer que l'Etat ou l'Europe lancent des concours ? Certes, de petits bâtiments sont déjà capables de dépolluer, mais « à l'ancienne ».

Pour le FIPOL, la complexité du montage des dossiers d'indemnisation n'est-elle pas avérée ? Devant cette complexité, de petites structures préfèrent sans doute ne pas remettre de dossiers. Par là même, ne favorise-t-on pas les grandes entités disposant de services administratifs, techniques, juridiques, capables de remplir des dossiers de plusieurs dizaines, voire centaines de pages ?

M. Dominique BUSSEREAU : Je remettrai à la Commission la note de service que Mme Bachelot et moi-même avons adressée au vice-président du Conseil général des ponts, à l'Inspection générale de l'environnement et à l'Inspection générale du service des Affaires maritimes sur la recherche de lieux refuges. Cette circulaire propose la méthodologie de recours aux lieux de refuge, ceux-ci offrant la possibilité, soit de réparer les navires connaissant des avaries, soit de traiter la pollution.

Cette mission s'appuiera sur des recommandations. Les services qu'il est nécessaire d'interroger sont ceux du secrétaire général de la mer, du secrétaire général de la défense nationale, des préfets maritimes, des préfets territoriaux, de même que les différentes directions des ports et des Affaires maritimes, les directions départementales de l'équipement, les DIREN (directions dégionales de l'Environnement), les ports autonomes, les commandants des ports, le Bureau Enquêtes-Accidents (BEA)-mer, la Marine nationale et les pilotes maritimes. Nous pourrions bien sûr y adjoindre les réflexions des élus, car il ne s'agit pas que cela se passe dans l'opacité. Je remets donc au Président de la Commission la circulaire sur le travail demandé par Mme Bachelot et moi-même sur les zones refuges. Naturellement, nous pourrons apporter toutes précisions nécessaires durant les travaux de la Commission. Mme Bachelot, si vous la recevez, pourra également vous apporter son propre éclairage sur ce point.

Mme Tanguy, vous avez relevé les réponses parfois simplistes sur les double-coques. C'est un sujet sur lequel nous portons notre attention.

M. Trassy-Paillogues, vous avez évoqué les responsabilités dans le dossier du naufrage du Prestige. Je me permets, M. le Président, de vous demander de traiter cette question un peu plus tard.

Au sujet de la recherche et développement en matière de dépollution, un travail est réalisé par le CEDRE. Dans le cadre de la crise actuelle du Prestige, nous avons vu l'intérêt des analyses du CEDRE et le renfort apporté par ses équipes sur place aux élus, aux préfets et à l'ensemble des services de l'Etat et des collectivités. Je propose à ce titre de fournir à la Commission pendant la durée de ses travaux des éléments d'information dans ce domaine.

Je partage totalement votre analyse sur la complexité du FIPOL. Nous rencontrons un double problème au sujet du FIPOL : d'une part, l'insuffisance des moyens par rapport aux besoins et, d'autre part, le caractère très lointain du dispositif, qui ne répond pas toujours aux demandes. Au moment de la crise de l'Erika, nombre de personnes sont venues me solliciter en tant que parlementaire pour appuyer une demande. En soutenant la demande d'une entreprise, j'obtenais une réponse six mois après, voire pas de réponse du tout, ce qui est particulièrement critiquable. D'où une double nécessité : donner plus de moyens au FIPOL et le rapprocher du littoral, avec un bureau à Lorient et une antenne supplémentaire à Bordeaux pour répondre aux difficultés actuelles et revoir la procédure du FIPOL en son entier. Nous devons envisager la modification du système. C'est un des points que les ministres européens doivent aborder dans les semaines et les mois à venir.

M. le Président: Je vous remercie.

Je demande au public et à la presse de quitter la salle, afin que M le ministre puisse répondre dans la confidentialité, en particulier aux questions posées par MM. Dufau et Trassy-Paillogues.

Mme Marylise LEBRANCHU : Pourrons-nous vous remettre par écrit quelques questions, par exemple sur les sociétés de classification ? J'ai examiné le travail réalisé suite au procès sur l'Erika, ainsi que les conclusions qui en ont été tirées par un certain nombre de directions au niveau du ministère. Sur l'autorité qui pourrait avoir un droit de regard sur les sociétés de classification, la notion d'indépendance n'est peut-être pas en cause, puisque l'autorité d'un Etat, l'autorité de l'Europe est sans doute respectée, mais voilà un travail qu'il faudrait pouvoir reprendre.

M. Dominique BUSSEREAU : Bien sûr, adressez-nous vos questions et merci de faire part de votre expérience durant cette période, comme des travaux que vous avez pu diriger.

M. le Président, je vous remets ainsi qu'aux membres de la Commission le rapport du BEA-mer sur la perte du Prestige. Il se présente à la fois sous la forme d'un document écrit et d'un cd-rom. Le BEA-mer communiquera publiquement ce document demain. Je lui ai demandé de le retenir jusqu'à mon audition devant la Commission afin que celle-ci en ait la primeur. Je le remettrai également jeudi à Bruxelles à Mme de Palacio.

Sans entrer dans le détail et pour répondre la question de M. Dufau, quelles sont les conclusions du document ?

« Le 13 novembre 2002, alors qu'il sortait, par gros temps, du dispositif de séparation du trafic (DST) du cap Finisterre à la pointe Nord-ouest de l'Espagne, le pétrolier bahaméen Prestige (26 ans, 81 564 tonnes de port en lourd, construit avant l'entrée en vigueur en octobre 1983 de la « convention internationale sur la prévention de la pollution marine » dite MARPOL) a été victime d'une importante avarie de coque sur le milieu du navire à tribord. Le navire transportait alors 77 000 tonnes de fioul lourd de la Baltique vers l'Extrême-Orient.

Les citernes de ballastage n°2 et n°3 tribord, au droit de cette avarie, ont été immédiatement envahies, entraînant une gîte importante accompagnée de pertes de cargaison. La gîte a été corrigée en remplissant les citernes de ballastage correspondantes à bâbord. Les autorités espagnoles ont immédiatement été informées du sinistre et de la pollution engendrée. Le navire a été éloigné de la côte et remorqué vers le Nord-ouest puis vers le Sud-ouest. ».

Le document s'accompagne d'une carte très précise, jour après jour, de l'errance du Prestige en zone espagnole.

Ensuite, « au terme de 6 jours de remorquage et après avoir perdu une partie de son bordé de muraille sur tribord, le navire s'est brisé en deux... »

M. Jean-Pierre DUFAU : Avez-vous quelques précisions sur une collision avec un container ?

M. Dominique BUSSEREAU : D'après les conclusions des experts français, il s'agirait d'une hypothèse très peu probable.

Je vous livre maintenant les analyses du BEA.

« En première approche, et compte tenu des informations disponibles à la date du présent rapport et de leur examen par les experts du BEA-mer, la perte totale du Prestige apparaît imputable à une série de facteurs successifs. Certains de ces facteurs sont très antérieurs au sinistre et sont liés aux conditions du marché des transports maritimes des fiouls lourds conduisant à transporter une part notable de ces produits particulièrement polluants par des navires anciens et notamment de type pré-MARPOL. D'autres facteurs concernent la conception même de ces navires au moment de leur construction et les problèmes de vieillissement résultant de la mise en conformité aux dispositions MARPOL. Certains facteurs enfin sont d'ordre conjoncturel. On peut ainsi retenir :

- une faiblesse structurelle conceptuelle des cloisons internes d'un dessin particulier et peu fréquent sur un pétrolier de cette taille, défaut lié aux structures mêmes du navire.

- une avarie initiale engendrée soit par un objet flottant (peu probable), soit par de violents paquets de mer, soit par une défaillance de la coque ou une combinaison de ces facteurs... »

Il n'y a donc pas de causes spécifiquement identifiées par le BEA-mer. En matière d'accidents, on s'aperçoit d'ailleurs qu'il s'agit souvent d'une série de causes. Les rapports du BEA-air présentent souvent les mêmes caractéristiques :

« ...survenant dans une partie du navire ayant fait l'objet de réparations successives, ce qui pourrait révéler soit une tenue insuffisante des réparations, soit un caractère incomplet des réparations en cause au regard des importantes et récurrentes corrosions dans les citernes de ballastage dont la protection interne reste une difficulté majeure ; à ce titre, les navires pré-MARPOL (dont certaines citernes de cargaison ont été dévolues en cours de service au ballast permanent, en application des dispositions antipollution) utilisés pour le transport des fiouls lourds sont sans doute plus sensibles à la corrosion.

On peut être confronté à un problème de réparation, de corrosion ou au caractère incomplet des réparations :

- des efforts sur la structure exercés par la mer au cours de la traversée et avant constat de l'avarie ;

- des efforts supplémentaires sur la structure en état d'avarie consécutifs aux mesures de redressement consistant à remplir les ballasts bâbord, premières mesures prises par l'équipage, et aux opérations de remorquage ;

- le maintien du navire à la mer dans des conditions délicates après son avarie initiale, lié aux difficultés d'accueil (configuration du littoral, moyens de remorquage limités).

Ces premières analyses ont été transmises pour avis, à titre de contribution provisoire aux travaux d'enquête technique, aux autorités maritimes bahaméennes -qui ne les prendront certainement pas en compte- et espagnoles concernées ainsi qu'à la société de classification du Prestige. »

Il s'agit d'un communiqué, donc très « sec » -pardonnez-moi l'expression !- qui part d'une série de causes qui auraient pu susciter l'avarie. Tout cela s'est déroulé en zone espagnole et en zone de compétence espagnole. Pour répondre précisément à votre question sur la coordination franco-espagnole, elle n'a été enclenchée qu'à partir du moment où les Espagnols nous ont sollicités. Nous avons mis en place la technique du plan Biscaye. Pendant une longue partie détaillée dans le rapport, il n'y a pas eu de demande des autorités espagnoles et la France n'a été invitée à apporter son aide que fort tardivement dans la procédure.

M. Jean-Pierre DUFAU : Quand ?

M. Dominique BUSSEREAU : La réponse est dans le rapport. Mais je vous l'indiquerai précisément par écrit.

M. Jean-Pierre DUFAU : Quelle a été la réponse de la France ?

M. Dominique BUSSEREAU : Elle a été immédiatement positive. Dès l'instant où les Espagnols ont demandé d'être à leurs côtés, nous l'avons été. Mais nous avons été tardivement mis à contribution.

M. Jean-Pierre DUFAU : Je reviens au chemin suivi par le navire : à un moment donné, il remonte vers les côtes françaises. Qui a donné l'ordre de le renvoyer vers le sud ? On constate qu'il opère alors une boucle.

M. Dominique BUSSEREAU : Le voyage du Prestige a fait l'objet d'une carte. Il est des informations dont les autorités françaises ne disposent pas et sur lesquelles le gouvernement français ne peut répondre, car elles ne sont pas de sa responsabilité. Il faudra que la Commission investigue en fonction de ses moyens.

La carte de l'errance du Prestige est très précise, elle s'accompagne des horaires. Elle commence à partir du 13 novembre. Au début, le navire redescend vers le cap du Finistère, il remonte un peu au nord pour aller vers le point sud où a eu lieu le naufrage.

M. Jean-Pierre DUFAU : Lorsqu'il a été demandé assistance au gouvernement français et que celui-ci a répondu favorablement immédiatement, a-t-il été associé à la décision de la gestion du parcours du Prestige?

M. Dominique BUSSEREAU : Non.

M. Jean-Pierre DUFAU : En l'occurrence, que signifiait « assistance » ? Demandait-on à la France un remorqueur ?

M. Dominique BUSSEREAU : On lui réclamait de faire venir des moyens navals et aéronavals sur zone, ce que nous avons fait. Mais la gestion de l'errance du navire a été du ressort des autorités espagnoles.

M. Jean-Pierre DUFAU : Sans aucune information.

M. Dominique BUSSEREAU : Nous en avions, car le bateau était visible. Nous disposions des informations sur sa course, y compris par la presse qui publiait, jour après jour, des cartes. Mais à aucun moment les autorités françaises n'ont été associées aux décisions prises par nos voisins Espagnols.

M. Jean-Pierre DUFAU : C'est un point fondamental, car, dans le droit actuel, lorsque l'accident se produit dans les eaux territoriales, c'est l'Etat concerné qui gère la crise alors que les répercussions dépassent largement les eaux territoriales de cet Etat. Pourrait-on imaginer une réglementation qui règlerait le problème au niveau de la coopération entre Etats ou au niveau européen, par la définition de zones frontières et la possibilité de recours à l'encontre de l'Etat concerné dont on mettrait en évidence la faute ?

M. Dominique BUSSEREAU : M. Dufau, je pense que cela montre que les systèmes actuels ne fonctionnent plus convenablement. Dans le domaine maritime, nous sommes loin des compétences uniques des pays et nous devons trouver les mécanismes de décision au minimum à l'échelle européenne. Tous les points de réflexion que pourra apporter votre Commission seront utiles.

Après la catastrophe, la coopération était parfaite. Ce vide opérationnel ne serait plus possible aujourd'hui. Mais cela vous autorise à porter tous les jugements que vous souhaitez porter sur la période précédant la catastrophe.

M. Jean-Pierre DUFAU : Par quel gouvernement est géré le port de Vigo ?

M. Dominique BUSSEREAU : Je n'ai pas la réponse à cette question très précise. Pardonnez-moi de ne pouvoir vous répondre.

M. Alfred TRASSY-PAILLOGUES : Par la Galice.

M. Jean-Pierre DUFAU : Le poids des gouvernements régionaux se superpose à celui de l'Etat et l'exemple s'avère très intéressant en période de décentralisation.

M. Dominique BUSSEREAU : Je ne suis pas sûr, comme vous le faites avec malice, qu'il faille en tirer des conclusions.

M. Jean-Pierre DUFAU : Nous sommes à huis clos, c'est là une vraie question !

M. Dominique BUSSEREAU : Dans le processus de décentralisation en cours en France, le Premier ministre a annoncé vendredi dernier à Rouen que l'Etat n'envisageait pas de renoncer à son autorité sur les ports autonomes, sur les ports d'intérêt national dont nous proposions que la région devienne autorité concédante à la place de l'Etat. Il a précisé que toute la partie régalienne, c'est-à-dire les règles de sécurité et de sûreté, restera du ressort de l'Etat. Pour nous, la décentralisation des ports, c'est la décentralisation de leur gestion et leur rapprochement avec les régions, les départements, les communautés de communes, les communautés d'agglomération. Il faut faire en sorte que les collectivités territoriales soient parties prenantes dans la gestion des ports et dans leur projet de développement économique, dans la desserte de l' « interland », etc... Naturellement, tout ce qui relève de la sûreté et de la sécurité -surtout en période de terrorisme mondial- doit rester du ressort de l'Etat.

Je connais mal le système espagnol et suis plus familier du système allemand. Mais, comme vous, j'ai appris à cette occasion quelles étaient les compétences de la Galice par rapport à celles de l'Etat espagnol. Cela implique une réflexion pour nous sur ce qui doit être du ressort de l'Etat dans le domaine de la sûreté et de la sécurité maritimes.

M. Jean-Pierre DUFAU : Si le gouvernement espagnol impose au gouvernement basque d'accueillir le Prestige dans le port de Vigo, peut-il s'attendre à un refus dans la mesure où les eaux territoriales ne sont pas des eaux régionales ?

M. Dominique BUSSEREAU : Mon sentiment, qui se fonde sur ma faible connaissance des institutions espagnoles, m'incite à répondre plutôt non ; mais je recommande fortement à la Commission de mener des investigations sur ce point puisque ma réponse n'est pas assurée.

Mme Marylise LEBRANCHU : J'avais demandé le huis clos car l'on sent bien que ce débat n'aurait pu être tenu devant la presse.

J'ai eu, sur d'autres sujets, à traiter avec les autorités espagnoles. Je suis très étonnée de leur réaction. Nous aurons à enquêter de manière très précise sur les événements passés.

Par ailleurs, il me semble utile de dresser des cartes des zones refuges. Mais cela ne sera jamais suffisant puisque, lors de l'accident d'un petit chimiquier, il restera une décision à prendre et la grande difficulté que pose cette carte des zones refuges est celle d'une mauvaise relation avec les directions des ports, les marins pêcheurs, les ostréiculteurs et les professionnels du tourisme. Je pense donc nécessaire d'imposer une règle de droit très claire qui crée une autorité, celle de l'Etat, qui prend la décision de mettre un bateau à tel endroit et qui, bien sûr, accompagne cette décision par la mobilisation des moyens nécessaires. Je vois mal comment s'en sortir autrement. Rappelons-nous qu'hier, nous nous sommes heurtés aux mêmes problèmes d'interdiction d'entrée dans un port pour le bateau en question. Ce qui s'est passé en Espagne s'est déroulé en France de manière très différente, mais cela s'est passé malgré tout et nous n'avons pas de règles de droit qui nous permettent aujourd'hui d'être suffisamment clairs. Face à une population inquiète -depuis toujours- en Bretagne, nous avons l'impression de passer de catastrophe en catastrophe ...

M. Jacques LE GUEN : Et le rythme s'accélère !

Mme Marylise LEBRANCHU : ... et ce qui compte c'est cette notion d'autorité de la prise de décision. Il faut bénéficier ensuite des moyens à disposition.

J'ai très peur des chimiquiers. Nous avons tous vu devant nos plages arriver des billes de bois de très bonne qualité. En pareilles circonstances, les populations ne protestent que peu, si ce n'est que des marins pêcheurs ont rencontré de graves difficultés de navigation. Nous avons reçu aussi des couches-culottes ! Pourtant, nos services n'ont pas pu trouver l'origine de ces accidents ! Nous en sourions parce que la présence de couches culottes n'emporte pas un préjudice grave. On en sourit déjà moins quand il s'agit de billes de bois. On sait très bien que l'on a évité le pire de justesse dans le rail d'Ouessant, y compris pour deux ferries.

Honnêtement, la façon de présenter la carte aujourd'hui apparaît comme un appel à un volontariat, alors que ce devrait être une règle de droit dure.

M. Dominique BUSSEREAU : Mme le ministre, l'Europe nous a demandé, dans des délais rapides, d'arrêter non pas une carte, mais une matrice de décisions précisant que dans tels cas de figure l'on doit s'orienter dans telle ou telle zone, selon la nature de l'avarie ou du problème. Maintenant, vous avez raison de poser le problème de l'autorité. Il faudra bien que l'Europe clarifie les responsabilités de chacun.

Tout, cependant, ne peut se faire par obligation. Dans le cas de l'Erika, contrairement aux propos de certains, le port de Saint-Nazaire n'avait pas refusé : il avait souhaité avoir des précisions techniques.

M. Louis GUÉDON : Le directeur du port avait refusé.

M. Dominique BUSSEREAU : Non, il n'avait pas refusé, il avait demandé des précisions qu'il n'a pas reçues.

M. Louis GUÉDON : Sur France 3, il avait refusé.

M. Dominique BUSSEREAU : Je crois que les choses ont été présentées de manière inexacte à l'époque. C'est en tout cas ce que les éléments d'enquête ont établi. Dans le cas du Tricolor dans le Pas-de-Calais récemment, le port de Dunkerque a proposé de recevoir le Vicky. La mauvaise volonté ne prévaut donc pas toujours. Reste à établir qui fait quoi -telle est la question de Mme Lebranchu- et le travail de votre Commission pourra éclairer l'action de l'Etat en ce domaine et dégager les bonnes matrices de décisions. Il ne faut pas dire que c'est bon chez les autres et pas chez soi. Tout dépend de la nature de l'avarie.

Rien n'est simple. La notion de lieu de refuge dans un discours technique ou politique, c'est parfait ; l'application au quotidien pour les autorités portuaires ou pour les autorités de l'Etat est chose moins évidente.

M. Alfred TRASSY-PAILLOGUES : Je reviens sur l'errance. Après que notre collaboration a été demandée par les autorités espagnoles, ce sujet de l'errance a-t-il été évoqué entre Français et Espagnols ?

La carte des ports refuges est un élément susceptible d'affoler les populations. Le bon sens pourrait-il demeurer la référence et permettre de considérer que tout port a vocation à être port-refuge en fonction des impondérables ? Dans les années 1980, le port du Havre avait accepté de recueillir le pétrolier Tanyo dans un de ces bassins, qui a été fermé. Cela n'a pas posé de problèmes particuliers. La dépollution nécessaire fut réalisée dans une enceinte fermée.

M. Louis GUÉDON : La notion de port-refuge ne peut pas être avancée si l'on ne met pas en parallèle les moyens de traiter le navire qui s'y réfugie. Souvenez-vous, il fut décidé de déposer le pétrole de l'Erika à La Rochelle. On trouva des cuves pleines du pétrole de l'Amoco Cadiz qui n'avait pas bougé depuis vingt ans. S'il s'agit de conduire dans un port un navire en difficulté pour le laisser à cet endroit sans que la direction du port comme la population n'aient la certitude de disposer à l'instant « t » des moyens de pompage permettant de dépolluer, rien ne pourra aller. La notion de port-refuge est intimement liée à celle des moyens de traitement dans le port-refuge. Ces moyens peuvent être mobiles et se déplacer d'un port à un autre.

M. Dominique BUSSEREAU : Je voudrais rappeler qu'il ne s'agit pas seulement de ports refuges, mais de lieux refuges. Ce ne sont pas forcément des sites portuaires, il peut s'agir d'une grève, d'une ria, d'un estuaire, d'une plage, cela dépend de ce que l'on veut faire. D'où la difficulté de l'exercice que Mme Bachelot et moi-même avons demandé sur le terrain.

Pour répondre à Alfred Trassy-Paillogues, sur la question de la coopération, je souligne à nouveau que la coopération n'est intervenue qu'après la survenance du naufrage. Les analyses conduites par le BEA-mer l'ont été avec les autorités espagnoles. Mais, dans la période de l'errance, la France n'a pas été consultée et n'a donc pas donné son sentiment. A partir du moment où nous avons eu un appel à la coopération, nous y avons répondu, mais pas avant.

M. le Président : M. le ministre, je vous remercie de vos explications et de leur clarté.

Audition de M. Didier SIMONNET,
Directeur du Transport maritime, des ports et du littoral


(extrait du procès-verbal de la séance du 11 mars 2003)

Présidence de M. Edouard LANDRAIN, Président

M. Simonnet est introduit.

M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux Commissions d'enquête lui ont été communiquées. A l'invitation du Président, M. Simonnet prête serment.

M. le Président : Nous recevons aujourd'hui M. Didier Simonnet, directeur du transport maritime, des ports et du littoral.

La Commission d'enquête sur l'Erika avait auditionné au début de ses travaux, il y a trois ans, M. Claude Gressier, son prédécesseur. Cette audition avait utilement éclairé les travaux de la Commission, notamment sur les aspects relatifs aux navires et aux ports. Nous pensons que l'audition de M. Simonnet, au départ de nos travaux et juste après celle de M. Bussereau, sera également très utile et que les questions seront nombreuses.

M. Didier SIMONNET : M. le Président, mesdames et messieurs les députés, je rappellerai en introduction les missions de la Direction du transport maritime des ports et du littoral. Comme son nom l'indique, cette Direction a trois domaines de compétence : le volet « transport maritime », qui correspond à la gestion de la « flotte de commerce », c'est-à-dire en réalité le développement de la flotte de commerce sous pavillon français, et notamment la gestion des aides qui peuvent être demandées aux autorités budgétaires françaises pour développer ce pavillon français. Je pense, par exemple, au GIE fiscal, au système de remboursement de charges de l'ENIM1 ou des charges autres que celles liées à l'ENIM. En l'occurrence, c'est plutôt l'aspect économique du transport maritime qui incombe à cette direction.

Le deuxième domaine de compétence concerne les ports maritimes. La direction assure la tutelle des ports autonomes et des ports d'intérêt national, mais également tout ce qui relève du volet régalien des ports maritimes, même pour ceux qui sont décentralisés, puisque le code des ports s'applique aussi aux ports déjà décentralisés.

Le troisième domaine de compétence concerne le littoral. Les missions relatives au littoral recouvrent la mise en œuvre de la « loi Littoral », le sentier du littoral, les crédits mis en œuvre dans le cadre des contrats de plan pour la protection du littoral contre l'érosion marine, mais également les plans POLMAR-terre, pour tout ce qui a trait à la mise en place des moyens financiers pour l'acquisition de matériels pour les plans POLMAR-terre.

Les conclusions de la précédente Commission d'enquête ont mis en exergue des questions auxquelles il convenait d'apporter des réponses. L'aspect le plus important a trait aux critiques formulées à l'époque sur le dispositif POLMAR qui avait suscité, de la part des membres de la Commission entre autres, des critiques portant sur la coordination entre le plan POLMAR-mer et le plan POLMAR-terre, sur la mobilisation des moyens et sur leur efficacité face à la menace.

A la suite du naufrage de l'Erika, des dispositions ont été prises, notamment de nouvelles instructions en 2001 et en 2002 sur la refonte des dispositifs POLMAR-mer et POLMAR-terre. Lorsqu'il est seul à être activé, le dispositif POLMAR-mer est sous l'autorité du ministre chargé de la mer. Quand il est activé conjointement avec le dispositif POLMAR-terre, ils sont tous deux sous l'autorité du ministre chargé de la protection civile. Ce dispositif a également concentré la responsabilité à terre sur le préfet chargé de la zone de défense et non plus sur le préfet de département. Ce dernier reste toutefois responsable de la mise en œuvre du plan POLMAR-terre de niveau départemental, mais la coordination est confiée au préfet de la zone de défense. Pour le Prestige, le préfet de zone de défense, en l'occurrence le préfet de la région Aquitaine, a été placé au centre du dispositif. C'est lui notamment qui faisait remonter à notre direction les demandes de mise à disposition de barrages.

Sur les dispositifs POLMAR-terre et POLMAR-mer, les instructions de 2001 et 2002 ont proposé des améliorations sous forme de préconisations. L'instruction du 2 avril 2001 a traité particulièrement de la désignation des responsables de la prévision, de l'alerte, de l'action, de la coordination, tant au niveau central que local.

Elle a également traité de l'amélioration de l'articulation des plans dans le cadre d'un sinistre survenant en mer ou sur le littoral menaçant les biens et l'environnement.

Cette instruction a aussi intégré dans les plans des mesures spécifiques à l'intervention dans la frange littorale, qui avait été relevée comme l'un des points faibles de l'intervention sur l'Erika.

Elle a déterminé le contenu des « maquettes » des plans de secours en mer et à terre à préparer par les préfets et les préfets maritimes. Ainsi a été établi un dispositif de codification des plans tels qu'ils doivent être mis en œuvre.

Elle a enfin préconisé l'actualisation régulière des plans, la vérification de leur cohérence sur la frange littorale et dans les départements d'une même zone de défense et a rappelé, élément important, le caractère impératif de l'entraînement des personnels à tous niveaux, avec une périodicité de trois ans pour tous les exercices. S'y ajoutent le développement du recours à une expertise de qualité, notamment pour la protection de l'environnement et la surveillance de la situation sanitaire ; la concertation avec les collectivités locales, les groupements socioprofessionnels et le milieu associatif, tant pour la préparation des plans que pour la gestion de la crise ; l'aménagement d'un circuit efficace de communication interne, d'information de l'opinion et l'amélioration de l'accueil et de l'action des bénévoles.

Pour sa part, l'instruction du 4 mars 2002 a précisé, dans le cadre des préconisations de l'instruction du 2 avril 2001, le rôle des différents intervenants. Les principaux apports de ce texte sont constitués par :

- l'accent porté sur la coopération internationale dans le domaine de la lutte antipollution ;

- la coordination du dispositif de lutte au niveau de la zone de défense et au niveau interministériel ;

- l'organisation et l'élargissement de la capacité d'expertise mise à disposition des autorités en charge de la lutte et du ministre assurant la coordination interministérielle, notamment pour les dommages d'ordre environnemental et sanitaire ;

- la rédaction de développements relatifs au stockage et au traitement des matériaux pollués et des polluants récupérés ;

- l'amélioration des circuits de diffusion de l'information tant en interne des services de l'Etat qu'à l'égard de l'opinion publique ;

- l'intégration de mesures conservatoires en vue de l'indemnisation des préjudices ;

- l'introduction de Météo France parmi les organismes spécialisés.

En ce qui concerne le ministère de l'Equipement, les centres de stockage POLMAR-terre de la DTMPL sont désormais appelés « centres interdépartementaux » pour bien montrer qu'ils ne sont pas à la seule disposition du préfet de département -il existe treize centres interdépartementaux, dont huit en métropole et cinq Outre-mer-, afin de montrer clairement qu'un préfet n'est pas « propriétaire » des matériels qui se trouvent entreposés dans son département. Parallèlement, il est bien spécifié que le préfet qui dirige les opérations de lutte à l'échelon du département ou à celui de la zone de défense, dispose des moyens du centre interdépartemental territorialement compétent.

L'instruction de 2002 a également précisé le rôle des directions départementales des Affaires maritimes. Le texte de 2002 a été plus précis que le précédent sur les aspects relatifs au nettoyage et au traitement des déchets. En cela, il tient compte de façon plus réaliste des limites du pompage en mer et des barrages de protection ainsi que de leurs capacités de résistance aux éléments, notamment en cas de tempête.

De même, dans l'annexe de l'instruction, les services départementaux d'incendie et de secours sont mentionnés pour la première fois alors qu'ils avaient été omis en 1997.

Les responsabilités des services déconcentrés de l'Etat sont mieux précisées, en particulier celles des services locaux relevant du ministère de l'Intérieur, des DDE ou des services maritimes spécialisés, des DIREN ou des DRIRE et les responsabilités de chaque service sont désormais fixées en fonction de leur compétence. A titre d'exemple, l'implication des DRIRE dans le cadre des sites de stockage intermédiaire conduit à ce que ce soient désormais les DRIRE qui sont chargées de déterminer les lieux les plus appropriés et de faire des préconisations au lieu, comme ce fut le cas pour l'Erika, de constater la longueur des procédures alors qu'il fallait agir dans l'urgence.

Le poids des services déconcentrés du ministère de l'Equipement se trouve allégé : ils ne sont plus chargés d'assurer le nettoyage, mais sont seulement appelés à participer à leur organisation. Même formulation pour les services départementaux d'incendie et de secours. La destruction des hydrocarbures n'apparaît plus au nombre de leurs missions et la détermination des sites potentiels de stockage de déchets ne sera plus de leur responsabilité. Un rôle clairement défini est imparti pour la première fois aux DIREN dans les opérations de lutte.

Les instructions ont également fait l'objet, de la part de la Direction du transport maritime, des ports et du littoral, d'éléments visant à mettre en œuvre un guide de révision des plans, dont la réalisation a été confiée au CEDRE, (Centre de documentation, de recherche et d'expérimentation) basé à Brest. Bien qu'en version provisoire, nous l'avons diffusé auprès des services spécialisés pour qu'ils l'utilisent dans le cadre de la pollution du Prestige.

Un deuxième élément est à noter : la révision des plans telle qu'elle était prévue est de plus en plus d'actualité. En application de ces deux instructions, dont la dernière date d'un an, doit être lancé un chantier de révision des dispositifs POLMAR dans l'ensemble des départements. Il me semble nécessaire que les préfectures et les services déconcentrés de l'Equipement s'engagent rapidement dans cette voie. A contrario, certains font remarquer que les préfectures doivent gérer tellement de plans d'intervention d'urgence que leur révision finit, à elle seule, par constituer une tâche lourde pour lesdites préfectures.

S'agissant du plan POLMAR, un débat s'était engagé sur le thème des barrages et sur la forme qu'ils devaient prendre. Avant le naufrage de l'Erika, il nous avait été reproché de disposer de trop de barrages lourds mais de trop peu de barrages légers. L'expérience de l'Erika, au contraire, a montré que nous n'avions pas assez de barrages lourds. C'est pourquoi nous avons missionné le CETMEF, Centre d'études techniques maritimes et fluviales, pour qu'il réalise une étude plus complète par des modélisations, notamment avec le laboratoire national d'hydraulique d'EDF à Chatou, sur la tenue de nouveaux dispositifs plus performants pour résister en cas de tempête ou de forte houle. Nous avons déjà engagé 300 000 euros pour cette étude, qui mérite d'être poursuivie par d'autres confiées au réseau RITMER, créé suite à la catastrophe de l'Erika. L'étude précitée a été confiée au CETMEF, qui dépend du ministère de l'Equipement et qui est basé à Compiègne, sur la question des limites techniques des matériels POLMAR. A l'occasion de la catastrophe de l'Erika, on s'est aperçu que l'on redécouvrait les limites des matériels de protection POLMAR.

En ce qui concerne les « exercices » prévus pour les plans POLMAR, nous avons essayé de respecter les contraintes qui s'imposaient. Ainsi, depuis 1999, 22 exercices ont eu lieu :

. Six en 1999 ;

. Trois en 2000 : on peut malheureusement considérer que le plan mis en œuvre pour l'Erika a été un exercice en grandeur nature. Il n'a pas été jugé nécessaire d'en refaire d'autres ensuite ;

. En 2001, sept exercices ont été réalisés ;

. Six en 2002, dont certains interdépartementaux ou conjoints terre-mer ainsi que des exercices « papier ». Ces exercices impliquent la mise en œuvre de matériels et des tests « papier » des moyens de coordination.

En 2002, le Nord a fait l'objet d'un exercice, de même que l'Ille-et-Vilaine, les Côtes d'Armor et la Charente-maritime. La Gironde, les Landes et les Pyrénées-Atlantiques, sous le libellé « Gascogne 2002 », ont fait l'objet d'un exercice « papier » pour le volet POLMAR-terre. Les Bouches-du-Rhône, le Var et Antipole 2002, ont connu un exercice « papier » pour POLMAR-terre et POLMAR-mer. Enfin, un exercice a eu lieu à Saint-Pierre-et-Miquelon.

En ce qui concerne les matériels dont nous avons disposé, il s'est avéré que suite à la catastrophe de l'Erika, il a fallu reconstituer les stocks, qui s'établissaient à 33 545 mètres de barrages en 1999 avant le naufrage de l'Erika. Nous avons reçu des crédits exceptionnels dès le 1er février 2000, de l'ordre de 6,1 millions d'euros, et chaque année nos dotations en loi de finances initiale se sont élevées à 1,22 million d'euros, ce qui nous permet de tendre vers un objectif de cinquante kilomètres de matériels. Entre 2000 et 2003, a été confiée au conseil général des Ponts et Chaussées une mission effectuée par l'ingénieur général Monadier, ancien chef du service technique central des ports et des voies navigables, lequel a conclu à une préconisation de cinquante kilomètres de barrages sur l'ensemble des façades de la Manche, de la Mer du Nord, de l'Atlantique et de la Méditerranée, y compris les quelques kilomètres pour les DOM. Sans la catastrophe du Prestige, nous aurions augmenté notre stock de six kilomètres en 2003. Il faudra donc voir le retour des matériels mis en place ou qui auront souffert, car on ignore encore l'étendue des dommages et des conséquences du naufrage du Prestige. Sans cette catastrophe, nous aurions pu afficher un niveau, en progression, de 38 kilomètres, à rapprocher des 50 kilomètres représentant l'objectif défini par le rapport du conseil général des Ponts et Chaussées. Ce dernier détaille en outre les différentes catégories de barrages : les barrages lourds, les barrages moyennement lourds et les barrages légers. Il constitue ainsi un outil de convergence de nos besoins. Parmi les autres matériels dont nous disposons, il convient de citer les matériels de corps-morts, les chaînes, les catamarans poseurs de corps-morts, qui sont indispensables, les moyens de récupération, les produits absorbants, les pompes, les nettoyeurs de type Karcher à eau chaude ou eau froide, des moyens de manutention, des cribleuses de petite taille, dont nous avons fait l'acquisition et qui étaient quasiment toutes basées à Brest. La question se posera vraisemblablement d'augmenter ou non nos capacités de stockage de cribleuses. Cela dit, dans la mesure où les communes se sont elles-mêmes parfois déjà dotées de cribleuses, on estimera peut-être que ce type de matériel doit être mis en place à la fois par les communes et l'Etat. La question reste ouverte pour l'avenir. Je vous avoue que je ne sais pas y répondre.

Nous avons bien évidemment des moyens d'outillage manuels et des moyens de protection individuelle, puisqu'il était convenu que l'Etat devait se doter d'un certain nombre de combinaisons, de bottes, de surbottes et de lunettes, destinées à faire face pendant environ 48 ou 72 heures. Ces combinaisons des centres POLMAR ont été fournies dans le cadre de l'accident du Tricolor. Pour le Prestige, dans la mesure où les crédits du fonds POLMAR étaient déjà mobilisés, ces combinaisons ont pu être achetées sur cette enveloppe.

Au-delà des exercices et des objectifs en termes de matériels, nous devons également soutenir les études, la recherche et l'expérimentation, menées notamment par le CEDRE, mais vous avez vu qu'il y avait lieu de se coordonner avec d'autres. Nous demandons au CEDRE de réaliser de plus en plus d'études. Nous devons opérer la coordination interministérielle sur la révision des plans POLMAR-terre. Comme je le soulignais précédemment, le guide de révision des plans POLMAR-terre sera un bon support pour travailler sur ce sujet.

Parmi les éléments susceptibles d'intéresser la Commission, peuvent aussi être relevées les recommandations avancées par la Commission d'enquête précédente, et traduites par les accords passés en février 2000 avec les armateurs pétroliers. De tels accords auraient dû concerner d'autres navires transportant des produits dangereux. Sur cette question, il est difficile d'avancer, puisque certains de nos partenaires sont moins mobilisés que n'a pu l'être l'Union des industries pétrolières. Pour nous, c'est un sujet important. Nous avons lancé des études, réalisées par le CEDRE, sur les comportements, sur les moyens de lutte qu'il est possible de mettre en œuvre contre les produits dangereux, mais nous n'avons pas réussi à mobiliser la profession sur le thème d'un accord tel celui mis en œuvre en février 2000 et que j'évoquerai plus avant. En outre, la problématique des navires transportant des matières dangereuses est une problématique beaucoup plus complexe que celle que nous connaissons pour les pétroliers. Peut-être pourrions-nous progresser en la matière, mais il existe effectivement différents types de transport de produits dangereux : le transport de gros vrac, des transports en sacs, dans les conteneurs mêmes. Nous ignorons comment traiter les questions de procédure avec les armateurs qui chargent des produits dangereux. Le problème est plus délicat que dans le domaine pétrolier.

Sur ce qui peut être fait en matière de carburants de soute, il faut rappeler que tout navire, par ses soutes, est potentiellement polluant. On revient à l'aspect pétrolier du terme régi par la convention « Bunkers », élaborée en 2001, sur la responsabilité civile au titre des dommages liés à la pollution par les hydrocarbures de soute. La convention institue la responsabilité objective du propriétaire de navire et lui impose de souscrire une assurance ou une autre garantie financière pour couvrir sa responsabilité financière pour dommages de pollution pour tout navire d'une jauge brute supérieure à mille. Cette convention ne comporte pas de limite de responsabilité dérogatoire du droit commun et ne prévoit pas la constitution d'un fonds dédié, comme c'est le cas pour les conventions CLC et FIPOL. Néanmoins, compte tenu de l'aspect communautaire de toutes ces conventions, la France n'a pas été en mesure de signer cette convention avant la date limite du 1er octobre 2002 et il y aurait maintenant lieu de s'engager dans un processus d'adhésion.

En ce qui concerne les autres matières dangereuses, un second dispositif pourrait faire l'objet d'une adhésion : il s'agit de la convention HNS de 1996, qui ne va toutefois pas sans poser quelques problèmes. Cette convention constitue le pendant, pour les produits chimiques, des conventions CLC et FIPOL. Elle prévoit des plafonds de responsabilité bien plus élevés que ceux du droit commun, l'obligation d'assurance du propriétaire du navire à hauteur des limites prévues par la convention et la création d'un fonds d'indemnisation intervenant quand cette protection est insuffisante ou non applicable. Les problèmes relevés dans cette convention concernent les difficultés d'application au niveau de l'identification des produits transportés en colis ou conteneurs et leurs mouvements dans l'espace communautaire et l'identification des réceptionnaires. Une réunion à l'OMI devrait être envisagée en 2003 à l'initiative du Canada pour avancer sur le sujet. Pour la France, peut se poser maintenant la question de l'adhésion à la convention HNS mais plus de sa ratification, puisqu'elle est close depuis le mois d'octobre 1997.

Voilà ce que l'on pouvait dire sur deux des conclusions relatives aux produits dangereux et aux carburants de soute de la précédente Commission d'enquête.

Que peut-on dire à ce jour du volet de la modernisation de la flotte pétrolière ? L'amélioration de la situation découle-t-elle de la conjugaison des mesures prises après l'Erika, notamment les paquets Erika I et II, du GIE fiscal, ou, pour la France, du protocole d'accord passé avec les affréteurs pétroliers français ? Sans pouvoir identifier complètement les raisons précises de l'amélioration de la situation, on peut relever les éléments suivants :

- la flotte pétrolière sous pavillon français en 2001 représentait 57 navires pétroliers, soit une capacité de port en lourd de 4 770 000 tonnes ; en 2003, 55 navires avec une capacité de port en lourd de 5 140 000 tonnes. Donc moins de navires, mais une amélioration de la capacité.

- pour les navires pétroliers purs, l'âge moyen, qui avait été critiqué par la dernière Commission, s'élevait au 13 juillet 2000 à 13,1 ans dans les deux modes de calcul. Il a été ramené au 1er janvier 2003, suivant les deux modes de calcul utilisés habituellement, à 6,9 ans et à 7,9 ans, ce qui constitue, en tout état de cause, un progrès.

Les pétroliers français sont concernés par le passage de la simple coque à la double coque. Vous connaissez le débat actuel sur l'éradication des navires à simple coque. En l'occurrence, je parlerai uniquement des gros navires, car nous connaissons un problème, partagé avec quelques autres pays, concernant les petits navires de moins de 5 000 tonnes. Les chiffres sont intéressants : au 1er juillet 2000, nous comptions 55,3% de navires à simple coque. Au 1er janvier 2003, nous n'en avions plus que 24,3%. Tous navires confondus, petits navires, navires pétroliers, tous ports en lourd confondus, nous étions à 66,7% contre 39,1% aujourd'hui. Là aussi, nous avons amélioré la situation. Ainsi que je l'ai indiqué, il m'est difficile de définir le vecteur le plus efficace : s'agit-il des paquets Erika I et II ? de la prise de conscience des affréteurs de navires pétroliers ? du GIE fiscal ? Je pense que c'est une combinaison des trois mesures, tout en précisant que, en matière de transport d'hydrocarbures lourds -qu'il s'agisse des hydrocarbures issus des produits de raffinage, des fiouls lourds ou du « crude » lourd-, les banques ne souhaitent pas s'engager dans des opérations de GIE fiscal dans la mesure où, en cas de naufrage aux abords des côtes américaines, on peut rechercher la responsabilité éventuelle des banques. Le dispositif américain semble plus contraignant. Ainsi, en raison des contraintes du dispositif américain, si, jusqu'en 1999, des navires de produits lourds étaient financés soit dans le cadre du régime des quirats, soit dans celui des GIE, cela n'existe plus. C'est un problème qui nous a été signalé par les armateurs pétroliers français, mais il en est ainsi. Nous n'avons guère de solutions. En revanche, pour les pétroliers chimiquiers qui sont souvent des navires mixtes où peuvent être transportés notamment des produits raffinés, l'effet incitatif du GIE fiscal est indiscutable.

Je rappellerai également les principales dispositions de la charte signée le 10 février 2000 et renouvelée le 22 février 2001, dans laquelle les affréteurs de navires pétroliers s'étaient engagés à ne plus utiliser de navires simple coque à partir de 2008 et à n'affréter de navires âgés de quinze ans et plus que sous certaines conditions. La société TotalFinaElf n'affréterait plus, d'après ce qui m'a été dit, de navires de plus de quinze ans depuis la signature de cette charte.

M. le Président : Je vous remercie. Je centrerai une première série de questions sur le naufrage du Prestige, la seconde sur le transport maritime.

- Quelles ont été les modalités de coordination interministérielle lors de la catastrophe du Prestige ?

- La coordination et le fonctionnement des plans POLMAR terre et mer, très critiqués lors du naufrage de l'Erika, ont-ils été améliorés ? Vous avez pour partie répondu, mais ce point mérite d'être précisé, comme nous vous demanderons de préciser si les plans POLMAR-terre ont été régulièrement actualisés et si les exercices de simulation ont été réalisés. On m'a signalé que dans les Côtes d'Armor le plan POLMAR-terre datait de 1988. Peut-être pourrez-vous nous répondre sur ce problème particulier ?

- En ce qui concerne les matériels de lutte contre la pollution, quel bilan dresser de leur acheminement, de leur répartition et de leur utilisation ? La mobilisation des stocks a-t-elle été satisfaisante et pouvez-vous nous rappeler le montant des crédits consacrés à ces matériels et leur évolution depuis le naufrage de l'Erika ?

- Les matériels utilisés et les méthodes retenues étaient-ils adaptés à la pollution constatée et aux conditions météorologiques ? Quels enseignements a-t-on pu tirer de l'expérience du naufrage de l'Erika ? Pouvez-vous nous dire si des travaux de recherche sont actuellement menés pour améliorer ces moyens et dans quel cadre ? La coopération internationale, entre autres, participe-t-elle à cette recherche d'amélioration ?

- Les capacités de stockage des déchets sont-elles suffisantes ? Lors du naufrage de l'Erika, nous avons eu la surprise de constater que les déchets de l'Amoco Cadiz étaient encore stockés dans les installations de La Rochelle, ce qui nous avait paru, avec le Rapporteur de l'époque, tout à fait anormal. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est aujourd'hui et si des moyens de stockage intermédiaire ont été prévus, notamment dans le cadre du plan POLMAR-terre ?

- Quelles ont été les modalités d'organisation de bénévolat dans les opérations de dépollution ? De quelles informations disposez-vous sur la dangerosité du fioul lourd recueilli afin d'assurer la protection des bénévoles ?

Enfin, trois questions rapides sur le transport maritime :

- Pouvez-vous présenter les aspects économiques du transport pétrolier international, en exposant notamment les conséquences du désengagement progressif des compagnies pétrolières ? Comment lutter contre ces évolutions préoccupantes : chaîne des responsabilités de plus en plus opaque, dont le Prestige offre l'exemple (armateur libérien, pavillon des Bahamas, affréteur russe), vieillissement des flottes, primes aux bateaux âgés et/ou en mauvais état pour le transport des hydrocarbures les plus polluants ?

- Quelles ont été les mesures destinées à encourager le maintien d'une flotte française : dispositifs fiscaux existants, registre d'immatriculation aux Kerguelen ?

- La généralisation des bateaux à double coque vous semble-t-elle vraiment appropriée pour améliorer la sécurité maritime ? Le dispositif ne présente-t-il pas également des dangers ?

M. Didier SIMONNET : Je n'étais pas à la tête de la Direction au départ des opérations lors du naufrage du Prestige. Je ne peux donc répondre que sur la base de ce que l'on m'en a dit. En l'occurrence, la coordination interministérielle a mieux fonctionné que par le passé grâce aux directives prises. Le début de mise en œuvre de ces directives a été effectif, parce que le rôle des divers intervenants a été beaucoup mieux précisé. Je pense que l'on peut dire que l'opération, d'après ce qui m'a été rapporté, entre la fin novembre et le début décembre, se serait mieux passée que pour l'Erika.

Il y a cependant lieu de prévoir pour les plans POLMAR-terre la révision qui nous est demandée par l'instruction de 2002. Il s'agit là d'un véritable dossier à mettre en œuvre concrètement. Certains préfets ont souhaité réaliser ou ont déjà commencé à mettre en œuvre cette révision. Mais, ainsi que vous l'avez souligné, beaucoup de plans dataient des années 80 et n'avaient pas été révisés, notamment sur le point des stockages intermédiaires. Nous avons fait réaliser une étude par le BRGM (bureau de recherches géologiques et minières) qui a déterminé comment organiser les lieux de stockage intermédiaire. Les DRIRE savent désormais quel est leur rôle. J'espère que la révision des plans pourra permettre d'améliorer la situation sur cet aspect qui a été fortement critiqué.

En ce qui concerne les exercices réalisés, je vous en ai fourni la liste. Le nombre d'exercices POLMAR-terre, POLMAR-mer et interdépartementaux est en progression. Il y a lieu de l'augmenter encore. Les instructions à ce titre sont très claires : un exercice tous les trois ans. Y figurent même les répartitions par façade. Il convient donc que nous soyons très vigilants quant à la réalisation de ces exercices, qui ne dépendent cependant pas directement des compétences de la DTMPL, mais de celles des préfets qui en sont responsables.

S'agissant des moyens de lutte, les conditions d'acheminement se sont-elles bien déroulées ? Les services de l'Equipement ont été mis en alerte très rapidement. Je dispose des éléments sur les dates auxquelles les services ont été mis en alerte. Il ne me semble pas qu'il y ait eu de « loupés ». Au début du mois de janvier, j'ai personnellement pris soin de vérifier que les moyens basés à Brest pouvaient être mobilisés au cours du week-end et être amenés à La Rochelle -puisque, à ce moment-là, la côte de Charente-Maritime était menacée-, ce qui s'est traduit par la mobilisation de personnels et notamment par des astreintes. En outre, les moyens ont été acheminés auprès des préfets et du préfet de zone conformément aux besoins que celui-ci faisait remonter.

Dans le même temps, nous avons été confrontés à la nécessité de ne pas nous démunir de la totalité de nos moyens pour faire face à d'autres pollutions éventuelles. En effet, concomitamment, nous avons eu à traiter la situation du Tricolor et du Vicky. Il était de notre responsabilité de maintenir des matériels aptes à intervenir en cas de difficulté, notamment en Manche et en Mer du Nord. Je dispose de la liste de la répartition. Elle n'a pas, semble-t-il, été remise en question par les préfets de zone.

Des matériels sont actuellement répartis -je parle pour l'essentiel des barrages : les Pyrénées-Atlantiques en ont reçu deux kilomètres, les Landes 1,65 kilomètre, la Gironde 1,2 kilomètre, la Charente-Maritime 4,2 kilomètres, la Vendée 2,3 kilomètres, la Loire-Atlantique 1,3 kilomètre, le Morbihan 2,3 kilomètres. Nous avons essayé de nous tenir au plus près de la réalité.

Mme Marie-Hélène des ESGAULX : Un kilomètre six pour la Gironde !

M. Didier SIMONNET : La répartition s'est opérée en fonction des demandes.

Mme Marie-Hélène des ESGAULX : Je voulais que vous sachiez à quel point, sur le terrain, nous avons trouvé cela ridicule ! Pardonnez-moi cette interruption, mais je ne peux m'en empêcher.

M. Didier SIMONNET : Je comprends que vous puissiez avoir des interrogations. Très concrètement dans notre rôle, nous avons à vérifier qu'il reste des matériels disponibles en cas d'autres pollutions. Il est vrai que nous avons « déshabillé » certains centres : Le Havre, Nantes, un peu Brest, Sète également, Marseille et un peu Ajaccio. C'est toute la difficulté de l'exercice. Dès lors que l'on ne dispose que de 31 kilomètres de barrages et que l'idéal se situe à 50 kilomètres, il faut tendre vers ce chiffre. Nous avons connu un réel problème pour traiter la répartition des barrages.

Quant à leur utilisation, des linéaires ont été posés : 1,7 kilomètre en Pyrénées-Atlantiques, 1,3 kilomètre dans les Landes, seulement 160 mètres en Gironde d'après les informations du CETMEF, le Centre d'études techniques maritimes et fluviales, et 2,6 kilomètres en Charente-Maritime. Beaucoup d'autres barrages sont pré-positionnés.

Un instrument est très intéressant : tous les jours, un document est édité par la préfecture maritime de l'Atlantique, faisant le point des chantiers et des effectifs engagés. Surtout, il diffuse la modélisation des principales nappes de pétrole. Visualiser les nappes qui se rapprochaient dangereusement, que ce soit dans un premier temps en Charente-Maritime ou dans un second temps dans les Landes et les Pyrénées-Atlantiques -je parle bien des nappes, non des boulettes, car les nappes nécessitaient des interventions plus lourdes- nous a permis de savoir où faire porter l'effort. Le sous-directeur en charge de la sous-direction du littoral se tenait en liaison constante, y compris les week-ends, pour adapter le dispositif.

Nous disposons donc de cet instrument de modélisation. En outre, dans chaque département, le CEDRE a envoyé un agent compétent qui assiste les préfets au sein des cellules d'intervention. De ce point de vue, je n'ai pas eu de remontées négatives quant à l'intervention des agents du CEDRE.

Sur les matériels retenus, des travaux de recherche sont effectués, notamment sur la tenue des barrages lourds en conditions plus délicates, par exemple en cas de forte houle ou de tempête. C'est un sujet de recherche et des études ont été réalisées.

En ce qui concerne l'aspect international, une veille est effectuée. Sous réserve de contradictions, il ne semble pas qu'il existe de gros écarts technologiques entre les matériels employés en France et ceux employés à l'étranger, sauf peut-être sur des matériels très spécifiques.

Sur la question de l'insuffisance éventuelle des capacités de stockage, il faut que les plans soient révisés pour mettre en œuvre les stockages intermédiaires. Vous avez évoqué les stocks de l'Amoco Cadiz à La Rochelle. C'est aujourd'hui une affaire réglée.  Il m'a été expliqué que les résidus avaient été oubliés il y a plus de vingt ans parce que l'Etat avait financé l'élimination par une entreprise. Cette dernière a ramené ce qu'elle devait traiter à La Rochelle, mais elle a ensuite déposé son bilan, ce qui expliquait que les stocks de l'Amoco Cadiz étaient restés, car l'Etat ne souhaitait pas payer deux fois pour la même prestation D'après les informations portées à ma connaissance, à ce jour, les stocks ont été évacués.

En ce qui concerne les modalités d'organisation du bénévolat, je ne dispose pas d'informations sur le sujet.

Quant à la dangerosité des produits, les analyses sont effectuées au niveau local et communiquées aux cellules départementales. Je pense qu'elles possèdent les informations dont il convient qu'elles disposent.

Sur l'aspect relatif au transport maritime, vous avez posé une question sur le désengagement progressif des compagnies pétrolières. C'est un sujet complexe. A ce jour, je ne sais si l'on peut apporter une réponse. En tout cas, la loi du 31 décembre 1992 impose des capacités aux compagnies pétrolières. Excepté le groupe Mobil, elles n'exploitent plus elles-mêmes de navires. De grands pétroliers battent pavillon français ; ils correspondent aux 5% des capacités de raffinage français. Quelques navires sont donc mobilisés. Mais au-delà, tous les gouvernements français successifs essayent de prendre des mesures pour que le pavillon français ne subisse plus le déclin qu'il a connu. Aujourd'hui, les chiffres restent à peu près stables.

Parmi ces mesures, on peut citer les dispositifs fiscaux, le dispositif des quirats puis le mécanisme de GIE fiscal. Il faut également mentionner les remboursements de certaines charges, dont les charges ENIM, la part maritime de la taxe professionnelle et, pour la première fois, les remboursements de charges non ENIM -c'est-à-dire les charges Assedic et les allocations familiales-. Est intervenue aussi récemment l'instauration du dispositif de la taxe au tonnage, qui n'était pas en vigueur en France, contrairement à beaucoup d'autres pays européens. L'ensemble de ces mesures vise à maintenir des navires sous pavillon français. La France dispose d'une flotte qui, entre le registre métropolitain et le registre TAAF, compte environ 200 navires. C'est insuffisant. Il faut que nous continuions de nous battre pour que notre pavillon soit plus attractif. Une mission a été confiée par le gouvernement au sénateur de Richemont, portant à la fois sur le cabotage et sur le pavillon. Il devrait remettre son rapport le 31 mars.

Face au dispositif des chaînes pétrolières, il est vrai que nous sommes un peu impuissants. La question est d'ordre économique : le transport, notamment des produits lourds, est-il rémunéré à un taux satisfaisant ? En fonction de la recette dont il dispose, l'armateur doit faire un choix : quel type de navire peut-il prendre ? Quel type d'équipage peut-il se permettre de payer ? Il a toujours à arbitrer entre l'équilibre économique de sa société, le choix du navire et le choix de l'équipage. Si les taux de fret sont bons, il peut se payer de meilleurs navires ou de meilleurs équipages. C'est un sujet déjà évoqué lors de la Commission d'enquête précédente.

La généralisation de la double coque est un mouvement mondial. Les Américains l'ont inscrit dans « l'Oil Pollution Act ». La Commission européenne a adopté cette disposition dans les différentes mesures de mise en oeuvre qu'elle a préconisées. Il conviendra toutefois de bien surveiller les navires à double coque, puisqu'ils nécessiteront aussi des inspections de vérification, dans la mesure où des aciers, invisibles de l'extérieur, risqueront éventuellement d'être corrodés du fait des atmosphères humides. Il existe une problématique sur la surveillance de ces navires à double coque. Un débat a eu lieu à ce sujet dans le cadre des travaux de la Commission européenne. En effet, ce qui avait été décidé début décembre dernier concernait le « Condition assessment scheme » (CAS) qui devait être imposé pour les navires à simple coque de plus de quinze ans. Ne devra-t-on pas cependant l'imposer également à tous les navires à double coque pour être assuré que ces navires se comporteront bien dans le temps ? Les experts du BEA-mer que vous auditionnerez vous en diront peut-être plus. En tout cas, il me semble qu'il faudra que nous proposions à l'OMI de prendre des mesures concernant les double-coques.

M. le Rapporteur : Depuis la catastrophe de l'Erika, la question du contrôle dans les ports a été soulevée. Quelles sont les mesures prises aujourd'hui pour améliorer ces contrôles ? Quels sont les pouvoirs portuaires ? Dans la foulée du Prestige, l'accord franco-espagnol de Malaga interdit dans nos eaux et dans nos ports les pétroliers à simple coque de plus de quinze ans transportant des hydrocarbures lourds. Comment percevez-vous la mise en place de cette interdiction et quelles bases légales revêt-elle ? Au niveau français et européen, nous avons également préconisé ces dernières années la mise en place de garde-côtes comme aux Etats-Unis. Cela vous semble-t-il une mesure crédible, et à quel coût ?

Après des catastrophes comme l'Erika ou le Prestige, les gens sont toujours sensibilisés par les pollutions annexes, dégazages et déballastages, qui posent d'autres problèmes de pollution. Quels moyens envisager pour lutter contre les dégazages sauvages en mer sans oublier la solution terrestre, autrement dit l'organisation à terre des installations adéquates de traitement de ces dégazages ?

Le ministère de l'Ecologie et le secrétariat d'Etat aux Transports, demandaient en janvier 2003 l'établissement d'une liste de ports refuges. Comment voyez-vous ce fonctionnement, les investissements, les garanties par rapport à ces ports refuges qui recevraient des bateaux susceptibles d'engendrer des pollutions ?

Dans la mesure où la France est bordée par la Manche, l'Atlantique et la Méditerranée -cette dernière étant extrêmement fragile-, quels sont les moyens de protection du littoral méditerranéen par rapport à d'autres secteurs comme la Manche et l'Atlantique ?

Le rapport du Bureau Enquêtes-Accidents sur le naufrage du Prestige a été publié la semaine dernière. Il préconise, en particulier, de recenser tous les navires de haute mer du type pré-MARPOL transportant des fiouls lourds, d'établir les modalités de mise en œuvre d'une telle proposition ainsi que les mesures adéquates pour se prémunir contre des accidents dus à cette flotte. Ceci crée des difficultés à la fois pratiques, de protection, et juridiques. Ces préconisations rejoignent l'accord franco-espagnol de Malaga. Le 5 mars 2003, la Commission européenne a adopté une proposition de résolution visant à imposer des sanctions pénales aux responsables des pollutions par les navires. Quelle application pratique en voyez-vous sur le terrain ?

M. Didier SIMONNET : M. Serradji de la DAMGM est responsable du contrôle de l'Etat du port. Il lui appartient de vous répondre.

Vous avez évoqué les officiers de ports. Sur demande des Affaires maritimes d'immobiliser un navire, ils ne le laissent pas partir. A ma connaissance, il n'y a pas eu de cas où les autorités portuaires n'ont pas suivi les recommandations des agents de la DAMGM.

Sur les pétroliers de plus de quinze ans, je me permettrai de ne pas répondre à la question liée à l'éloignement des navires, car elle relève également de la DAMGM. La DTMPL est compétente pour proposer des mesures d'interdiction des pétroliers à simple coque de plus de quinze ans transportant des fiouls lourds, de plus de 5 000 tonnes. Le ministre a ainsi saisi le Conseil d'Etat pour compléter le projet de décret qui doit mettre en application la directive sur les résidus de cargaisons et les déchets d'exploitation en demandant que l'on puisse interdire les pétroliers de plus de quinze ans, et de plus de 5000 tonnes transportant du fioul lourd à simple coque, parce que nous sommes confrontés aux petits navires qui font du soutage dans les ports. Ils font moins de 5 000 tonnes. On ne pourrait pas les interdire tout de suite, car nous n'aurions plus de capacité de soutage.

La question des garde-côtes européens mérite d'être posée. Est-on prêt aujourd'hui à franchir le pas ? Je ne le crois pas, mais ce pourrait être une orientation.

M. le Rapporteur : On a vu dernièrement que même la Marine nationale pouvait intervenir en mer.

M. Didier SIMONNET : Tout à fait. Mais à l'heure actuelle, se pose la question de savoir si l'Europe ne pourrait pas se doter d'un système de garde-côtes européens. Il faut savoir que cela pose en Europe des problèmes de souveraineté et d'ordre juridique liés au fait qu'un agent d'une nationalité donnée pourrait intervenir dans les eaux territoriales d'un autre Etat. Il y a donc des problèmes à résoudre, mais cela peut être une orientation qui, selon moi, devrait figurer dans les missions -non prévues aujourd'hui- de l'Agence de sécurité maritime qui pourrait être le support ou, en tout cas, la « maison-mère » des garde-côtes européens.

M. le Rapporteur, vous avez évoqué les pollutions par dégazages et déballastages. Si l'on dresse des statistiques, on s'aperçoit que ce qui est versé dans la mer lors de ces opérations est supérieur en tonnages aux accidents pétroliers. Des mesures peuvent être prises. Dans un premier temps, la transposition de la directive devrait nous permettre de mettre en œuvre les mesures relatives aux déchets d'exploitation et aux résidus de cargaisons. Des installations existent déjà en France. J'ai ici un tableau qui fait le point de l'ensemble des installations de réception de résidus dans les principaux ports français. Elles sont à Dunkerque, à Calais, au Havre, à peu près sur tout le littoral. Il faut savoir que les amendes se situent dans un rapport de un à cent par rapport au coût de la prestation portuaire. Les amendes prononcées par les tribunaux français s'élèvent à 150 000 euros alors que, à Bordeaux, le coût le plus élevé d'une prestation complète est de 1 500 euros et au Havre de 1 200 euros, soit cent fois moins que le montant de l'amende. Est-ce suffisant ? Je ne saurais répondre précisément à la question. Néanmoins, je pourrais dire que si l'on augmente le plafond des amendes, les tribunaux demanderont des preuves encore plus tangibles. Il faudra être irréprochable. Les statistiques de 1999 tirées du rapport de M. Le Drian faisaient état de 308 pollutions signalées au CROSS, de 30 navires identifiés et de 27 procédures transmises au Parquet. Nous ne disposons pas du suivi, année par année, du Parquet : a-t-il poursuivi et quel a été le montant de l'amende ? En revanche, nous savons que des amendes ont été prononcées. Un porte-conteneurs sous pavillon indien a ainsi été condamné à une amende de 100 000 euros en 2000 ; un autre porte-conteneurs sud-coréen a été condamné le 12 mars 2003 à 150 000 euros. Le dispositif commence à s'appliquer et produit des résultats. Nous sommes d'accord pour augmenter les peines, mais il faudra que les preuves soient plus tangibles pour arriver à des résultats satisfaisants.

Nous devons transposer la directive MARPOL 2000 sur les dégazages et déballastages et devons effectivement veiller -c'est le cadre du décret actuellement à l'examen en Conseil d'Etat- au dépôt de ces déchets d'exploitation avec la perception d'une redevance sur les seuls déchets d'exploitation, non sur les résidus de cargaisons, lesquels doivent être traités à part. La directive prévoit qu'une part significative (interprétée par la Commission européenne par au moins 30%) du coût total des installations est mutualisée sur l'ensemble des navires. Nos collègues belges ont mis en place un système de caution. Le texte européen que nous devons transposer fait référence à une redevance, mais nous pouvons nous poser la question d'un système de caution. La redevance doit revêtir un caractère incitatif pour que les navires déposent leurs déchets d'exploitation dans le port ou que l'on puisse savoir -ils ne sont pas obligés de les déposer dans chaque port, les ports ne disposant pas forcément tous des capacités nécessaires- s'ils l'ont fait au port précédent ou le feront au port suivant.

Nous réfléchissons à la possibilité de suivre les déballastages par satellite, mais il faudra avoir un système dont la fiabilité soit incontestable pour les tribunaux.

Sur les ports refuges (que nous appellerons « zones refuges », puisque « ports » n'est pas le terme qui a été employé), ainsi qu'a dû le souligner M. Dominique Bussereau, le gouvernement a demandé une mission conjointe à l'Inspection générale de l'environnement, à l'Inspection des Affaires maritimes et au conseil général des Ponts pour proposer des procédures sur les zones refuges. Lorsqu'un navire est en difficulté, ces procédures sont destinées à savoir comment traiter son cas. Une circulaire a été prise par le Secrétariat général de la mer. Elle a commencé de recevoir un début d'application pratique dans deux ports. Il s'agit, d'une part du port de Nantes/Saint-Nazaire. Son conseil d'administration a passé un protocole d'accord avec la préfecture maritime pour déterminer le traitement d'un navire en difficulté. D'autre part, le port d'intérêt national de Brest envisage également de passer un protocole d'accord avec la préfecture maritime avec des schémas d'évaluation des risques pour savoir si l'on doit laisser le navire en rade, si on doit l'accueillir dans le port en question ou dans un autre. Cela s'accompagne de processus d'appel. Selon qu'il s'agit de ports autonomes ou de ports d'intérêt national, les procédures sont différentes. En principe, un port autonome est compétent pour décider d'accueillir ou pas, alors que pour un port d'intérêt national c'est l'Etat lui-même qui reste compétent, soit au niveau du préfet de département, soit, en cas d'arbitrage, à mon niveau ou éventuellement à celui du secrétaire général de la mer.

A ce sujet, il conviendra d'être vigilant sur la détermination des responsabilités, car les armateurs nous ont posé la question : quand l'Etat décidera d'accueillir un navire dans un lieu de refuge, qui de l'Etat ou de l'armateur sera responsable ?

Eventuellement, des équipements devront être mis en œuvre pour accompagner les navires dans ces zones refuge. Il faudra également être attentif aux équipements qui pourront être nécessaires suite aux dégâts susceptibles d'être causés lors de l'accueil. Les procédures pourront varier en fonction du type de cargaison transportée. Par ailleurs, s'il y a des listes, devront-elles être publiées ? Nos collègues des différents pays européens préconisent plutôt de ne pas le faire.

La Méditerranée est un milieu sensible. Des moyens de protection existent : des dotations sont accordées aux trois centres interdépartementaux de Sète, Marseille, Ajaccio. Il faudra s'assurer que l'ensemble des moyens reste toujours au bon niveau. A ce titre, le rapport de M. Monadier nous livre les indications sur les moyens dont il faudra doter ces centres. Des accords ont été signés, notamment avec l'Espagne dans le cadre du Lion Plan pour mettre en œuvre les moyens appropriés. Pour l'heure, nous disposons des moyens de la Marine nationale avec un remorqueur de haute mer et des moyens portuaires qui peuvent être mis en œuvre en complément si besoin était.

Au sujet du BEA-mer, je ne me permettrai pas de répondre à la question sur le navire lui-même. M. Tourret me semble la personne la plus compétente pour répondre. Quant aux sanctions pénales, j'en ai parlé, un texte a été pris par la Commission. Il conviendra de le décliner, dans notre dispositif national, avec toujours cette incertitude : plus on veut être fort pénalement, plus il faut avancer de preuves concernant les navires. Dans le domaine de la sécurité maritime, des propositions peuvent être présentées. Celles que vous préconisez -notamment aider les Etats du pavillon à se doter de moyens forts de contrôle pour accorder leur pavillon, les mesures concernant les sociétés de classification et les équipages- tout cela relève davantage de la compétence de M. Serradji.

M. Jean-Yves LE DRIAN: Trois questions techniques et précises, qui ne réclament pas une réponse immédiate.

Tout d'abord, j'étais intimement convaincu que la France avait ratifié la convention HNS, parce que j'ai entendu le Premier ministre précédent, en présence du ministre chargé des transports, déclarer que la France avait décidé de ratifier la convention. Le texte, il est vrai, est un peu complexe : un nombre donné de membres doit ratifier le texte et la mise en application n'intervient qu'après un certain nombre de mois déterminé. Vous me dites que la ratification n'est pas intervenue. Peut-être ai-je mal entendu ou que des raisons expliquent cela ? Quoi qu'il en soit, je pense qu'il serait très utile que nous ratifiions cette convention. Il serait intéressant de connaître l'itinéraire de ce texte dans les différents services de l'Etat depuis que ce texte a été pris et de savoir où et pourquoi il y a des blocages. Techniquement, cette convention forme en quelque sorte le pendant chimique du FIPOL. En cas de catastrophe chimique aujourd'hui, aucun remboursement n'interviendrait. Ce point m'intrigue, car j'étais convaincu qu'il était réglé.

Deuxièmement, pour ce qui est du dispositif de transposition de la directive européenne sur les déchets, il me semblait que nous avions voté, par anticipation en 2000 dans le cadre d'un texte intitulé « Diverses transpositions en matière de transports », cette directive qui était en gestation. Vous indiquez la nécessité pour la France de transposer les dispositions de cette directive. Or, je croyais que c'était fait. Si nous n'avons pas transposé, c'est que la directive est différente de celle que l'on imaginait transposée à l'époque. Je ne vous demande pas une réponse immédiate, mais il serait intéressant de le savoir, compte tenu de la sensibilité de la question.

Au plan technique, l'Europe a-t-elle apporté une aide pour la lutte contre les pollutions marines sous forme d'outils, de moyens à terre ou en mer, au titre du dispositif mis en place après l'Erika, lequel devait permettre la mutualisation des moyens d'intervention ? Cela devait être organisé par la Commission européenne. Est-ce que cela a eu lieu dans ce cas précis pour le territoire national ?

M. Daniel PAUL : Pourrions-nous disposer d'un tableau exhaustif des exercices POLMAR terre et mer ? Vous avez cité plusieurs départements, plusieurs zones où des exercices ont eu lieu. Dans le rapport de la Commission d'enquête sur l'Erika figure un tableau sur le sujet. A-t-il évolué et, si oui, de quelle manière ? De même, s'agissant des matériels, vous avez évoqué la pose de plusieurs kilomètres de barrages. Je me souviens d'une visite à Toulon où les données avaient été difficiles à obtenir. Je souhaiterais donc la communication de ces documents.

On a renvoyé le Prestige au-delà de la zone économique. Au vu des conséquences, le referait-on aujourd'hui ? C'est une question qui peut beaucoup perturber les élus, les responsables que nous essayons d'être. Le navire étant renvoyé à plusieurs centaines de milles des côtes françaises, on avait le temps de voir venir. Malgré tout, a-t-on eu le temps d'anticiper de manière adaptée ? Je n'en suis pas sûr. Le positionnement de la France à l'ouest du continent européen fait que, de toute façon, que ce soit à 50, à 200 ou à 300 milles, nous subirons toujours les conséquences d'un accident. En ce qui concerne la Manche, même si un navire s'abîmait sur la côte sud-est de la Grande-Bretagne, à quelques milles, c'est sur la Normandie, le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie que viendrait se déposer la pollution.

La présente réflexion n'est pas neutre par rapport à votre propos sur les zones refuges : s'agissant des produits dangereux, les produits les plus polluants et les moins intéressants commercialement sont ceux transportés sur les navires les moins chers. On cumule alors les handicaps. Dans le système actuel, on cumule également les handicaps au niveau des équipages. Ne pourrait-on envisager une interdiction de promener à travers les mers du globe des produits à la valeur marchande quasiment nulle ? On les envoie du fond du Golfe de Finlande jusque dans le sud-est asiatique et on ne les transporte qu'à partir du moment où le taux de fret est extrêmement bas. La Communauté européenne ne pourrait-elle émettre une interdiction ? C'est une proposition qui m'avait été faite en qualité de président de la Commission d'enquête sur l'Erika, car le fioul lourd s'apparente à ce type de produits. Ne peut-on obliger les producteurs de produits dangereux à trouver les moyens, soit sur place, soit à proximité, de les transformer afin d'éviter leur transport au large de nos côtes, à travers la Méditerranée ?

Autre question, plus près de l'actualité : l'armement Delmas au Havre vient de décider de mettre à la disposition de la flotte américaine un certain nombre de ses navires battant pavillon français. Qu'en pense le représentant du gouvernement ? Après les déclarations du Président de la République hier soir, la mise à disposition d'un navire battant pavillon français est-elle juste ? Si à la fin de la semaine prochaine, un conflit éclate au Moyen-Orient, est-il juste que le pavillon français flotte aux côtés du pavillon américain pour aider les Américains à faire cette guerre dont nous ne voulons pas ?

M. le Président : Je me permets de vous rappeler, mes chers collègues, que les questions doivent être liées à l'intitulé de l'objet de la Commission, et non à des sujets, certes importants, mais, si je puis me permettre, « dérivants ».

M. Didier SIMONNET: La ratification de la convention HNS aurait dû intervenir avant le mois d'octobre 1997. Vous avez indiqué, M. Le Drian, que la France avait décidé d'y adhérer en novembre 2000. Or, l'adhésion n'est pas intervenue depuis. Il y a des difficultés d'application et le secrétaire d'Etat aux Transports a souhaité que le secrétaire général de la mer étudie la façon d'y adhérer dans les meilleurs délais et de vérifier auprès des différents départements ministériels les éventuels obstacles...

M. Jean-Yves le DRIAN: Quelqu'un fait de la résistance !

M. Didier SIMONNET: Depuis 2000, en ce cas.

M. Jean-Yves le DRIAN: Mon observation n'est pas innocente, y compris pour la Commission. Si une catastrophe devait intervenir avec un chimiquier, que se passerait-il ? Selon moi, deux ou trois résistances, quelque part dans l'administration centrale ou ailleurs, empêchent la ratification, puisque d'autres Etats ont ratifié. Et nous serions les seuls à ne pas l'avoir fait ?

M. Didier SIMONNET: En 1996, seuls deux Etats ont adhéré -la Russie et l'Angola. Huit autres Etats l'ont signé, sous réserve de ratification. Je ne sais pas s'ils l'ont ensuite ratifiée.

M. Jean-Yves le DRIAN : C'est un sujet intéressant.

M. Didier SIMONNET: L'adhésion de la France a été envisagée suite au naufrage du Ievoli Sun, en novembre 2000, au cours d'une réunion interministérielle. Sur les déchets d'exploitation, un décret doit transposer les dispositions communautaires. J'apporterai à la Commission une réponse écrite.

Nous avons bénéficié pour le Prestige comme pour l'Erika du système d'assistance communautaire et de coopération adopté. Notre assistance à l'Espagne et au Portugal est intervenue à ce titre. Elle s'est articulée ainsi : formulation de la demande par le pays, diffusion par la Commission, réponse par le dispositif inter-Etats européen. Les dispositifs de mutualisation mis en place par l'Europe ont fonctionné.

J'en viens aux questions de M. Paul. Je vous transmettrai le tableau sur les exercices POLMAR-terre et sur la répartition des matériels ; figurent les corps-morts, les ancrages... Rien n'est secret. Je pourrai également vous communiquer les conclusions du rapport de M. Monadier qui préconisent les répartitions pour les cinquante kilomètres de barrages à la fois par façade et par type de barrages.

Répéterait-on aujourd'hui la formule retenue pour le Prestige ? C'est une question qui me semble devoir être posée aux préfets maritimes. Ce sont eux qui ont les compétences en la matière. Cela relève du plan POLMAR-mer.

A la question « a-t-on eu le temps de voir venir ? », voilà ce que l'on peut répondre. En ce qui concerne les missions sous responsabilités de la DTMPL, dès que les premières pollutions du Prestige ont été signalées le 14 novembre, nous avons mis en préalerte tous les centres de stockage interdépartementaux : le Verdon, Saint-Nazaire et Brest. Le POLMAR-mer a été déclenché le 3 décembre à 17 heures et le POLMAR-terre des Pyrénées-Atlantiques et des Landes -puisque c'était eux qui étaient visés-, les 7 et 8 décembre, celui de la Gironde le 2 janvier 2003 suivi par celui de la Charente-Maritime le 3 janvier. En tout cas, il me semble -je venais juste d'arriver- et sous réserve d'une contre-expertise de quelqu'un qui ne serait pas d'accord, que l'on a eu le temps de prépositionner les matériels et d'orienter la demande. Il se trouve que nous disposions du kilométrage exact de barrages nécessaires. Nous avons même transféré des barrages au Portugal. Quand la menace s'est rapprochée de nos côtes et qu'elle s'est faite moins forte pour les Portugais, nous leur avons demandé de renvoyer le matériel qui venait de Sète et qu'ils ont ramené au Verdon.

Sur l'interdiction de transporter des produits à valeur marchande nulle, je ne sais dans quel cadre nous pourrions prendre ce type de décision. Les produits dangereux ne se transportent pas uniquement dans des navires dont les taux de fret sont mauvais. Des produits dangereux peuvent être transportés dans des conteneurs. Dans la logique du transport des produits chimiques, vous avez des cargaisons en vrac, des big bags, des palettes et des conteneurs. Peut-être est-ce d'ailleurs là le problème de la convention HNS. Comment arriver à identifier le produit transporté dans le colis ou le conteneur, et comment savoir ce qu'il y a dedans ? Des progrès sont à réaliser, mais, je l'ai souligné, le CEDRE effectue des études, notamment sur les moyens de lutte contre certains produits et sur la façon dont ils réagissent, car on essaye aussi de connaître les réactions de ces produits dangereux.

Au sujet de l'armement DELMAS, je pense que la question est un peu hors sujet. Je ne suis pas sûr, de toute manière, que ces navires soient sous pavillon français.

M. le Président : La parole est à Mme Marie-Hélène des Esgaulx.

Mme Marie-Hélène des ESGAULX : Je veux surtout relayer la question posée par M. Paul. Je souhaiterais un inventaire des matériels.

Je suis l'élue du bassin d'Arcachon. Je ne partage pas votre optimisme s'agissant des matériels. Nous n'en avons pas vu beaucoup. Je veux vous dire le sentiment de l'élue locale qui était avec les élus locaux, les maires, les bénévoles.

Vous parlez des barrages comme matériels « phare » : le kilométrage que nous avons reçu en Gironde est absolument ridicule. Ne dites pas que vous n'avez pas eu de remontées des préfets. On nous a dit qu'il y avait en tout et pour tout entre 7 et 10 kilomètres de barrages pour l'Aquitaine, voire pour la Vendée et Toulon. Nous avons donc fait avec ce que l'on nous a donné. Le bassin d'Arcachon n'a jamais reçu plus d'un 1,6 kilomètre, ce qui est totalement ridicule. Si vous regardez la côte du Médoc en Gironde et le bassin d'Arcachon, c'est totalement insuffisant. J'aimerais donc disposer de l'inventaire du matériel. Je ne partage pas votre optimisme à ce sujet.

Je n'ai pas vu de cribleuses. Ce sont les communes qui en ont consenti l'effort. En outre, il ne convient pas de parler uniquement des cribleuses, mais de l'attelage d'une cribleuse et d'un « tracto », car il faut tirer la cribleuse. Une cribleuse seule ne sert à rien. L'attelage représente 150 000 euros, ce qui n'est pas rien. Le plan POLMAR-terre, je le crains, ne prévoit guère de matériels de ce type. En tout cas, moi je n'en ai pas vu en Gironde sur le bassin d'Arcachon.

Un petit point d'intendance : il serait souhaitable, dans le cadre des plans futurs, que la couleur retenue pour les combinaisons soit autre que le blanc, car, pour l'heure, elles ressemblent étrangement à celles de Tchernobyl. Cela nous éviterait une marée médiatique qui s'ajoute à la marée noire. Je sais que vous irez dans mon sens. Une combinaison de couleur éviterait l'aspect trop « nucléaire », qui a eu et qui a toujours des conséquences catastrophiques pour nous. Ce point peut paraître de détail, mais il doit être pris en compte dans les plans futurs.

M. le Président : C'est une remarque de bon sens.

M. Jacques le GUEN : Au sujet des travaux de recherche, pourriez-vous dresser un bilan de l'efficacité des barrages et des autres méthodes, tant il est vrai que selon la mer, les côtes, il faut que nous sachions à quoi nous en tenir ? Pouvez-vous nous rappeler le montant des crédits consacrés à la recherche de nouvelles méthodes dépolluantes ? Vous avez fait état du peu de spécificité entre les différents matériels européens. Existe-t-il une véritable coopération européenne à ce niveau ? Serait-il souhaitable de regrouper les méthodes de dépollution au sein d'un organisme européen que nous pourrions consulter et qui permettrait d'avancer un peu plus rapidement ?

M. Louis GUÉDON : M. le directeur, votre exposé fut très complet. Pour autant, ceux qui se trouvaient déjà ici il y a trois ans pour la Commission d'enquête sur l'Erika retrouvent les mêmes questions et les mêmes réponses. Vous-même n'étiez pas là. Vous ne pouvez par conséquent pas souffrir de mes propos. Par exemple, vous évoquez des études en cours sur les barrages. Or, déjà, nous formulions la nécessité de trouver un barrage suffisamment stable et résistant, qui empêche que le pétrole passe par-dessus. C'est ce que nous préconisions il y a trois ans. Nous nous apercevons que nos chercheurs n'ont fait aucun progrès depuis lors. Vous n'avez pas donné la date à laquelle ils fixent la fin de leurs recherches. On en est au même point. C'est assez dangereux. Dans les couloirs, à la suite de la Commission sur l'Erika, les responsables nous disaient qu'il fallait nous attendre à connaître un prochain Erika, faute d'être mieux armés après l'Erika qu'avant. Et il est vrai que nous connaissons une situation similaire avec le Prestige.

On se heurte à une autre difficulté : on retrouve les mêmes arguments, selon lesquels des discussions avec l'OMI sont prévues. Or, nous savons bien que dans le cadre de l'OMI, la France ne compte pas et qu'elle n'a aucun poids. Je me suis rendu à Londres avec certains de mes collègues pour discuter. Nous avons vainement essayé de plaider notre cause. Les intérêts financiers des pétroliers n'ont que faire d'un gouvernement qui détient la vingt-huitième flotte marchande au monde, qui n'est plus un pays maritime, qui n'a aucun poids. Les discussions se termineront comme elles auront été entamées.

M. le directeur, dans notre pays, la population maritime est confrontée à ces drames. Nous sommes un certain nombre ici à avoir revêtu les combinaisons blanches, à avoir transporté le mazout dans des bassines, à nous être lavés les pieds et les mains après avoir fait ce travail. Ce sont de véritables drames et quand on entend parler de cela à Paris, on a l'impression qu'ils n'ont pas été vécus et qu'ils ne seront pas vécus comme nous les vivons. Par conséquent, nous aimerions entendre un langage plus proche des réalités -je ne sais si c'est de votre ressort. La Commission aura le devoir de poser la question à chaque fois : qui tapera sur la table le moment venu pour prendre la bonne décision ? Vous expliquiez que pour les dégazages, il fallait apporter les preuves à nos magistrats, sans quoi c'était un « coup d'épée dans l'eau ». Peut-être ce langage de technocrate repose-t-il sur le droit. On ne peut se moquer du droit, je le comprends bien, mais que penser de l'inadéquation entre les propos et la vie quotidienne du citoyen ? Ma question est celle-ci : à travers toutes ces bonnes volontés, ces intentions, ces études, ces délais, quelqu'un osera-t-il dire que tel bateau est dangereux, que nos côtes françaises sont susceptibles d'être polluées et que, en conséquence, nous décidons de l'envoyer ailleurs ? Il convient parallèlement qu'un organisme de décision franco-français rassure nos populations. Ce serait très bien vu par les populations maritimes, qui sont quelque peu déroutées, car on leur dit qu'il y aura d'autres Erika. Au cours d'un débat au Sénat animé par Jean-Yves Le Drian, l'adjoint de l'un de nos préfets maritimes, alors que je lui disais que le risque zéro devait exister pour les produits dangereux -il n'existe pas pour les catastrophes maritimes, puisque nous allons fleurir régulièrement les monuments de nos péris en mer, nous savons que les catastrophes maritimes font partie du quotidien du marin- a répondu que le risque zéro n'existait pas et qu'en le demandant, je m'opposais au transport maritime ! C'était là une volonté officielle qui s'exprimait.

Il faut maintenant que s'exprime une volonté qui s'applique, avec une autre détermination que celle qui anime le travail certes réalisé avec sérieux et soin par votre administration, mais qui progresse à la vitesse de l'escargot et qui ne répond pas à nos inquiétudes.

M. Didier SIMONNET: Sur la répartition des barrages, Madame, je remettrai un tableau. Par ailleurs, je vérifierai s'il ne reste pas, par rapport à la Gironde, des stocks au centre du Verdon qui n'auraient pas été affectés et en principe destinés à la Gironde. Cela dit, il me semble que l'on ne peut poser de barrages au niveau des passes du bassin d'Arcachon, car ils ne tiendraient pas.

Mme Marie-Hélène des ESGAULX : Les professionnels de la mer, avec des moyens dérisoires -il s'agissait de vieux filets et de barques- ont été beaucoup plus efficaces que les barrages.

M. Didier SIMONNET: Les plages de Charente-Maritime sont aussi dotées de certains de ces filets mis en place par les communes. Je me trompe peut-être, mais je n'ai pas eu le sentiment que des demandes formulées n'aient pas été satisfaites...

Mme Marie-Hélène des ESGAULX : Nous n'avons pas demandé de kilomètres de barrage supplémentaires, car nous savions qu'ils n'existaient pas ! Il ne faut pas renverser la situation ! Si je sais qu'il n'y a que dix kilomètres de barrages disponibles, je ne pleure pas tous les jours pour obtenir des kilomètres de barrages à l'administration via le préfet. Bien sûr, aucune demande ne vous remonte. Le préfet Frémont nous a dit que nous avions droit à x kilomètres de barrage ; nous nous sommes débrouillés avec. Bien évidemment, nous n'avons pas formulé d'autres demandes. Je veux insister, car il est effrayant que l'on puisse conclure ensuite à l'absence de problèmes alors qu'en fait nous nous sommes débrouillés avec des seaux, des pelles et de vieux filets ! C'est la réalité du terrain. Je suis contente de vous le dire aujourd'hui, même si je le formule avec quelque agressivité, ce dont je vous prie de m'excuser, mais il est important que vous le sachiez ! Il n'est pas possible que cela remonte à votre niveau de façon telle que vous estimiez dès lors qu'il n'y a pas eu de problème parce que vous n'avez pas enregistré de demandes. C'est impensable !

M. Didier SIMONNET : Dans les départements, nous avons déplacé quinze kilomètres de barrages sur un total de trente et un. Il me semble qu'il existe encore des stocks en réserve au centre du Verdon. Il n'en demeure pas moins que nous avons dépassé notre capacité de plus de 50%. Il fallait réserver du matériel pour la Manche, la mer du Nord et la Méditerranée. En tout cas, je m'engage, Madame, à reposer la question.

Mme Marie-Hélène des ESGAULX : Je veux terminer sur une note optimiste : le dédommagement des communes est la seule chose qui ait très bien fonctionné. Les communes ont été opérationnelles au plan des matériels mis en oeuvre. Ce sont elles qui ont agi et elles ont été dédommagées très efficacement, puisque, en vingt-quatre heures, quarante-huit heures maximum, elles ont été remboursées des frais qu'elles ont avancés. Mais ce sont les communes qui ont fait cela avec leur matériel, pas du tout, à mon avis, avec les moyens fonctionnels de l'Etat prévus par le plan POLMAR-terre.

M. le Rapporteur : Selon le retour d'expérience sur l'Erika au sujet des zones à protéger -les étiers, les entrées de port-, les barrages sont très peu efficaces : en cas de mauvais temps, le polluant passe au-dessus. Sinon, dans la mesure où il y a de forts courants dans l'Atlantique, le polluant passe en dessous. En revanche, les filets capteurs que l'on peut mettre sur les plages se sont révélés un outil utile. Les flottes de pêche ont testé du matériel assez efficace dès lors qu'il est possible de récupérer le polluant au large.

Cela dépend certainement des zones, mais les barrages ne me semblent pas forcément le moyen le plus efficace d'arrêter les polluants.

M. Didier SIMONNET: Pour l'Erika, mille tonnes avaient été récupérées en mer, qui, si elles l'avaient été à terre, aurait représenté dix mille tonnes à récupérer.

M. le Président : Malgré tout, il manque encore dix-huit kilomètres de barrages par rapport à l'objectif-cible de cinquante que vous avez mentionné.

M. Didier SIMONNET: En effet. Nos crédits nous permettraient d'avoir 6 000 mètres en plus par an. Entre 2002 et 2003, nous devrions obtenir 6 000 mètres supplémentaires. Je ne sais s'il existe un décalage suite à un appel d'offres infructueux. En tout cas, dans les demandes que nous envisageons de formuler, nous souhaiterions que l'obtention des cinquante kilomètres s'opère plus rapidement. Il nous manque en effet dix-huit kilomètres si nous voulons aller à cet optimum tel que décrit par M. Monadier.

La question des cribleuses et des « tractos » doit être traitée. Le retour d'expérience du Prestige consistera à s'interroger sur la nécessité pour les directions d'Etat de se doter de ces matériels. Je le note, car ce dernier point n'était pas remonté jusqu'à moi. C'est une information utile. Quant à la couleur blanche de la combinaison, Madame, j'ai noté votre souhait marqué du sceau du bon sens. On va jusqu'à nous demander au Havre de peindre les grues de port 2000 en blanc !

M. Daniel PAUL : Pour ne pas gêner les gens de Deauville !

M. Didier SIMONNET: Sur les travaux de recherche, je vous adresserai, M. le ministre, une note complète. Sur le bilan d'efficacité des barrages, nous avons confié une étude au CETMEF qui, avec le CEDRE, sont nos deux « bras séculiers » dans le domaine de la recherche : le CETMEF sur le matériel, le CEDRE sur les techniques. Ils ont été de bon conseil. Tous les jours, nous découvrions les conseils du CEDRE dans les messages diffusés. Nous adresserons une réponse écrite à la Commission.

M. le député, vous avez parlé de l'absence de progrès sur le barrage stable. La catastrophe du Prestige est venue rappeler une vérité trop souvent oubliée : dans l'état actuel des techniques, les barrages flottants sont inefficaces en cas de tempête ou de forte houle, il en est de même dans les zones de forts courants. Il convient donc d'améliorer notre veille et notre capacité technique à proposer des matériels plus satisfaisants. Nous aimerions que la pollution soit arrêtée avant d'entrer dans les ports du bassin d'Arcachon, dans ceux du bassin Marennes Oléron, dans d'autres étiers ou dans d'autres traits. Nous devons trouver des moyens, car cela signifie que la pollution est proche. Il serait préférable de l'arrêter en mer.

Je ne connais pas le risque zéro, dans aucun domaine. Vous déclarez que les contraintes juridiques relèvent d'une analyse un peu technocratique. Vous savez comment jugent les tribunaux. Je ne sais si l'on peut dire qu'il s'agit de technocratie, mais il est un moment où les preuves avancées doivent être incontestables pour que les sanctions puissent être appliquées.

M. Louis GUÉDON : Je comprends ce langage qui a le mérite d'être tenu et qu'aucun autre ne peut venir remplacer. Cela étant, on n'empêchera pas une colère générale des populations qui n'acceptent pas que ne soit pas opérée une différenciation entre le risque zéro qui n'existe pas pour les catastrophes maritimes et le risque zéro réclamé pour des produits dangereux et de faible valeur marchande.

Dans le cadre de la Commission sur l'Erika, nous avons auditionné les transporteurs des produits nucléaires. Les contraintes imposées aux propriétaires de cargaisons, dont ils sont responsables du début à la fin, sont telles qu'en cas de naufrage, avec une « pince à sucre », on peut récupérer les fûts d'acier au fond de l'eau : le transport nucléaire ne présente aucun danger, le risque zéro existe pour le transport nucléaire. Nous demandons une attitude plus courageuse et plus responsable pour les produits hautement toxiques, que nous différencions des catastrophes maritimes -nous savons que le risque zéro n'existe pas, nous qui avons des péris en mer dans nos familles- plutôt que de nous laisser dans le désespoir d'année en année. On nous demande d'être pragmatiques, on nous explique que le risque zéro n'existe pas, que nous sommes sur le littoral, que c'est notre problème. C'est un discours qui passera de plus en plus en mal. On nous oppose un langage juridique et administratif qui est compréhensible ici, mais qui ne l'est plus par les citoyens qui attendent d'être défendus.

M. Gilles COCQUEMPOT : Les commandes d'études que vous faites, à la fois sur les matériels et les techniques, prennent-elles en compte une déclinaison par spécificité des façades maritimes ? Je suppose que l'on n'intervient pas de la même façon en Méditerranée, sur le site aquitain, en Manche et Mer du Nord, encore moins dans le détroit du Pas-de-Calais. Vos commandes d'études comprennent-elles bien ces déclinaisons par spécificité de site ?

M. Didier SIMONNET: J'essayerai de vous fournir par écrit une réponse précise.

M. Didier SIMONNET: Un mot sur les crédits dont nous disposons.

Les crédits d'investissement POLMAR ont connu l'évolution suivante en lois de finances initiales :

. en 1999 : 990 999 euros

. en 2000 : 1,22 million d'euros

. en 2001 : 1, 22 million d'euros

. en 2002 : 1,22 million d'euros

. dans le projet de la loi de finances de 2003 : 1, 3 million d'euros

Ces chiffres ne tiennent pas compte du décret de dépenses accidentelles pour 2000, à hauteur de 40 millions de francs, soit 6 097 961 euros, avec une répartition entre les études, les autorisations de programme directement affectées aux centres interdépartementaux de stockage pour les acquisitions de matériels et les achats groupés pour le CETMEF, puisque c'est lui qui lance les grands appels d'offres pour les barrages.

Je vérifierai l'objectif visant à atteindre 50 kilomètres de barrage. Je préciserai les besoins exacts et nécessaires pour y arriver, en tout cas pour vérifier, en cas de non intensification de l'effort budgétaire, la date à laquelle nous y arriverions et, en cas d'intensification, quand l'objectif serait atteint.

Les crédits de fonctionnement POLMAR-terre sont liés à la fois au fonctionnement courant des centres et à la prise en charge des coûts liés aux exercices d'entraînement, puisqu'ils représentent des coûts. En 1999, ils s'élevaient à 457 347 euros, en 2000, la dotation était identique à celle de 1999. En 2001, elle s'élevait à 609 796 euros, à 679 800 euros en 2002 et à 686 000 euros dans le projet de loi de finances de 2003.

M. le Président : Je vous remercie, M. Simonnet, d'être venu témoigner devant nous et d'avoir répondu à nos questions.

Audition de M. Jean-Yves le DRIAN,
Député du Morbihan,
Rapporteur de la Commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'Erika


(extrait du procès-verbal de la séance du 11 mars 2003)

Présidence de M. Edouard LANDRAIN, Président

M. le Drian est introduit.

M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux Commissions d'enquête lui ont été communiquées. A l'invitation du Président, M. le Drian prête serment.

M. Jean-Yves le DRIAN : M. le Président, mes chers collègues, il n'est pas question pour moi -et telle n'était pas la demande de notre Rapporteur- de présenter un condensé du rapport de la dernière Commission d'enquête qui sert de guide à la présente Commission. Je souhaite simplement vous faire part de huit convictions.

La première est introductive : nous n'avons pas, au niveau parlementaire, de méthode de suivi des préconisations des précédentes Commissions d'enquête -et cela quel que soit le sujet, mais singulièrement celui qui nous réunit. Sans une nouvelle catastrophe, celle du Prestige, il n'y aurait pas eu d'évaluations précises, par secteur, du suivi de l'ensemble de nos préconisations. C'est d'autant plus gênant que, dans le domaine de la lutte contre les pollutions maritimes, nous avons affaire à différents secteurs ministériels et donc à différents budgets. Les rapporteurs budgétaires ne peuvent être ceux qui évaluent la mise en œuvre des dispositions préconisées. Pas davantage la Délégation aux affaires européennes. Bref, le vide est grand.

Ce que nous avions ressenti au terme de la précédente Commission d'enquête parlementaire, nous le ressentons aujourd'hui et je pense opportun que nous trouvions la forme qui permette d'assurer, en dehors des catastrophes, le suivi de nos préconisations. Je me rappelle que nous avons auditionné antérieurement notre collègue Guermeur. Au cours des 23 années qui avaient précédé la Commission d'enquête sur l'Erika, aucun point général n'avait été fait par le parlement. Je trouve cela très anormal et il serait souhaitable que notre Commission puisse émettre une proposition à cet égard, peut être avec le Sénat, ce qui permettrait, une fois l'an, de disposer d'un rapport sur le suivi de l'ensemble des préconisations. Nous serions en mesure de constater qu'elles ne sont pas appliquées quand nous croyons le contraire. Cette question, me semble-t-il, est spécifique à la mer puisqu'il n'existe pas de commission spécialisée permanente pour suivre dans le temps nos préconisations.

Ma deuxième conviction est peut-être la plus importante. Après réflexion -c'est un point que nous n'avons pas formulé dans le cadre de la dernière Commission d'enquête-, nous n'éviterons ces catastrophes à répétition que si nous modifions assez sensiblement la convention des Nations unies sur le droit de la mer. Plus je lis sur le sujet, plus je relève les inconvénients du droit maritime international, et plus je juge indispensable une initiative -ce peut être la nôtre- pour revoir les fondements mêmes de la convention sur le droit de la mer de 1982, dite de Montego Bay.

Cette convention a pour fondement le principe de la liberté des mers, le principe de la liberté de navigation et son corollaire droit de passage inoffensif y sont affirmés au fil des articles. C'est une convention qui marque la fin d'une époque plutôt que le début d'une autre. Son inspiration est proche de celle de l'OMI. Or, elle régit globalement les rapports entre les Etats et le droit maritime dans toutes ses dimensions au niveau mondial. Depuis sa mise en œuvre, le transport maritime a triplé, de nombreux pays ont accédé au pavillon dans des conditions plus ou moins discutables, mais ils ont accédé au pavillon qu'ils n'avait pas en 1982. En raison de la multiplication des catastrophes maritimes, un encadrement du transport maritime est devenu indispensable, l'opinion publique faisant d'ailleurs pression pour le renforcement des normes de sécurité.

Par ailleurs, suite à l'adoption de cette convention du droit de la mer, qui est aujourd'hui un principe de droit, l'ensemble des textes a été pris en fonction de ces dispositions et nous connaissons aujourd'hui une situation de blocage.

Je voudrais en citer quelques-uns : un premier blocage porte sur le pavillon. Dans la convention du droit de la mer, il est fait état du concept de pavillon en particulier, indirectement du concept de pavillon de complaisance. La convention du droit de la mer précise qu'un Etat se dote d'un pavillon quand il existe un « lien substantiel » entre chaque navire et l'Etat. Mais nul n'a jamais précisé quelle était la nature de ce « lien substantiel ». Depuis cette date, l'on vit sur cette définition extrêmement floue du pavillon. En fait, ce sont les Etats du pavillon qui ont inspiré la convention du droit de la mer et qui ont défendu au fur et à mesure de la discussion du texte le principe de la libre circulation. Ils ont eu tout intérêt à laisser flou le concept de « lien substantiel » entre un Etat et un navire. En effet, ce lien signifierait la mise en œuvre d'un dispositif administratif qui permettrait un contrôle, ce qui n'existe pas. Cela supposerait un lien entre la flotte et le développement économique du pays concerné, ce qui signifie encore un lien entre la flotte et les considérations sociales qui peuvent y être affectées, en particulier la qualité des équipages.

Le régime juridique des contrôles offre un autre exemple du fait que le droit maritime est plus favorable à l'Etat du pavillon et à la liberté de circulation qu'à l'environnement et à la sécurité. Nous savons bien que le contrôle le plus efficace est réalisé aujourd'hui par les Etats du port. Par ailleurs, le livre 12 de la convention de Montego Bay limite les possibilités d'action des Etats du port, en précisant l'ensemble des procédures qu'ils doivent appliquer pour garantir la liberté de circulation des navires. Les poursuites doivent être arrêtées par les Etats du port lorsque l'Etat du pavillon, pour le même acte, poursuit le bateau du pavillon. Là encore, apparaît une orientation du droit de la mer défavorable à la sécurité et à l'environnement. Troisième exemple, lorsque le Président de la République et le Premier ministre espagnol affichent avec justesse politique, mais avec une incertitude juridique, qu'il faut repousser au-delà de la zone économique exclusive les navires de plus de quinze ans transportant du fioul lourd, cela ne repose sur aucune réalité juridique internationale, puisque le droit de la mer ne connaît que les eaux territoriales. Pour protéger l'environnement et lutter contre l'insécurité au-delà des 12 milles, sans même parler de la haute mer, nous sommes démunis et la zone économique exclusive ne le permet pas.

Dernier exemple : si l'on voulait assurer la bonne validité de ce qui, à mes yeux, reste l'élément central de sécurité, à savoir le code ISM qui permet une relation entre le bateau et son propriétaire, en particulier l'environnement technique du propriétaire pour une bonne gestion du bateau en cas de tempête ou de crise, si donc l'on voulait que ce code ISM soit validé au niveau international, l'on ne pourrait passer que par une nouvelle convention du droit de la mer.

La même constatation pourrait être faite sur la nécessité de dissocier les activités de certification des activités de classification des sociétés de classification. C'est un point central pour la protection de l'environnement et la garantie de sécurité des bateaux.

Ces grands principes du droit de la mer sont aujourd'hui inadaptés et c'est pour éviter de s'y soumettre que les États-Unis ont pris des dispositions unilatérales avec « l'Oil pollution act » en 1990. Ils y faisaient fi des orientations de l'OMI ainsi que de la convention internationale du droit de la mer qui fonde le droit international. Je pense opportun d'œuvrer dans cette direction de refonte du droit de la mer, car même si modifier le droit prend entre cinq et dix ans, il est utile de s'atteler à cette nouvelle tâche. La France serait bienvenue d'en prendre l'initiative pour remettre à plat l'ensemble d'un dispositif qui, honnêtement, relève aujourd'hui d'une autre époque. Au cours de notre précédente Commission, nous n'avions qu'insuffisamment ressenti cette dimension. C'est un point déterminant.

Troisième conviction, l'on aura beau faire, il y a aujourd'hui 200 000 passages par an au cap Gris-Nez. Même avec des bateaux très sophistiqués, garantis et contrôlés, avec des équipages hyper-compétents, la sécurité ne tiendra pas avec l'évolution du trafic international. La preuve en fut administrée par l'accident du Tricolor au moment de celui du Prestige et les accidents qui ont suivi l'affaire du Tricolor. A cet égard, nous devrions nous orienter dans deux directions. D'une part, faire en sorte que le dispositif de contrôle au niveau européen aboutisse le plus vite possible pour que nous ayons un suivi positif et non passif du contrôle de la circulation en Manche et Mer du Nord. D'autre part, et surtout, il paraît indispensable que nous travaillions à un aménagement du territoire permettant de valoriser la façade atlantique. L'on ne pourra, dans les vingt ans qui viennent, maintenir autant de trafic en Manche/Mer du Nord, sauf à compter un « Tricolor » tous les quinze jours. Le seul moyen de modifier ce dispositif est de valoriser les ports, mais aussi les transports à partir de la façade atlantique. Cela concerne aussi un peu la Méditerranée et je pense qu'avec la révision du schéma de transport européen, l'occasion est opportune pour indiquer cette orientation à la fois pour les réseaux ferroviaires et les réseaux de route qui devraient prendre en compte une nouvelle orientation générale du trafic maritime. D'ores et déjà, certains s'interrogent sur la nécessité de passer par le nord de l'Écosse. Il y a urgence à promouvoir cette orientation afin qu'elle puisse avoir des effets dans 20 ans, puisque nous travaillons à cette échéance. C'est une réflexion que nous n'avons pas conduite dans le cadre de la précédente la Commission, mais qu'il me paraît de plus en plus nécessaire d'engager pour le long terme du transport maritime.

Cela marque aussi la nécessité d'un contrôle « positif » de la circulation des navires. Il faut envisager qu'en Manche et Mer du Nord le contrôle puisse s'opérer selon un dispositif similaire à celui du contrôle des approches des aéroports. Évidemment, cela pose des problèmes culturels considérables, puisque le commandant n'est plus alors le seul maître à bord. Cela ira certes à l'encontre d'une tradition de plusieurs siècles de la navigation maritime mais, dans ce secteur, une option de cette nature me paraît incontournable.

Ma quatrième conviction porte sur la mer Méditerranée qui est la zone présentant le plus de risques. Cette mer quasi-fermée voit passer 30% du volume du transport maritime, sans que les navires ne fassent toujours escale dans un port méditerranéen. La difficulté tient à l'absence de zone économique exclusive. Il n'y a que les eaux territoriales. La capacité d'intervention est donc juridiquement beaucoup plus faible. Au surplus, les moyens juridiques et techniques d'intervention en Méditerranée sont extrêmement limités. Avec notre collègue des Sables-d'Olonne, je me suis rendu à Malte il y a quelque temps. Le dispositif de contrôle et d'assistance pour tous les pays de la Méditerranée y est composé, en tout et pour tout, de quatre personnes ! Quatre personnes pour couvrir une mer allant de Gibraltar au Canal de Suez ! Quant à l'intervention française en cas de pollutions éventuelles, elle se limite à seul remorqueur entre la frontière espagnole et la frontière Italienne, ce qui montre la difficulté de la tâche.

Les moyens d'intervention et d'action en cas de catastrophe nous paraissent toujours extrêmement limités, même si un progrès est intervenu l'an dernier par la signature du « plan Lion » sur lequel il serait utile d'obtenir quelques précisions. Le risque en Méditerranée est beaucoup plus important que nous le pensons. La fragilité biologique y est plus grande que sur l'océan.

M. le Président : A Toulon et Marseille, l'on nous avait appris que moins de 20% des navires doublant Gibraltar étaient ensuite suivis dans leur parcours en Méditerranée. Nul ne savait où ils allaient... C'est ahurissant.

M. Jean-Yves le DRIAN : C'est une vraie question.

M. Louis GUÉDON : Je suis d'accord avec les propos tenus, mais pour quelle raison toutes les catastrophes maritimes ont-elles eu lieu dans le Nord Atlantique alors même que les trafics méditerranéens sont considérables ? Les lames ont-elles la même longueur en Méditerranée ? Les bateaux sont-ils autant en danger ? Une étude scientifique serait à conduire sur la dangerosité relative des mers.

M. le Président : Nous poserons la question à M. Tourret. Il semblerait que l'explication puisse tenir notamment à l'amplitude de l'onde de houle.

M. Jean-Yves le DRIAN : Cinquième conviction : les dispositions prises par l'Union européenne en mars et décembre 2000 dans le cadre des paquets Erika 1 et 2 sont de bonnes dispositions. Il est de bon ton d'affirmer que l'Europe n'a rien fait, que l'Europe ne fait rien, que l'Europe est incapable. En fait, l'Europe a agi, et vite. La grande difficulté tient dans la non-applicabilité du dispositif qui, aujourd'hui encore, n'a pas été transposé dans les droits nationaux : pas chez nous et pas chez nos partenaires non plus ! Si nous avions appliqué le dispositif prévu à la suite de l'Erika pour le Prestige et en considérant les Etats Baltes intégrés, le Prestige n'aurait pas pu quitter le port !

Nous sommes dans une situation invraisemblable : en effet, les services de la Commission européenne ou ceux de l'administration maritime française ont diffusé un mémoire pour montrer où nous étions rendus sur la transposition des orientations de l'Union européenne en droit français. Nous n'avons guère avancé. Ce n'est pas mieux dans les autres pays. A ma connaissance, seuls le Danemark et l'Allemagne ont transposé le premier paquet des dispositions européennes alors qu'au Conseil des chefs d'Etats à Nice en décembre 2000, une déclaration solennelle des chefs d'Etats demandait à chacun des gouvernements, de faire vite. La même demande fut renouvelée à Copenhague en décembre 2002. Il y a là une angoisse par rapport aux délais de transposition. Je ne sais quelle initiative il conviendrait de prendre. Faudrait-il nous-mêmes montrer l'exemple et suggérer aux autres de nous suivre ? Normalement, c'est au 1er juillet 2003 que doivent entrer en application les directives de mars 2000. Il est temps d'inscrire ce point à notre ordre du jour parlementaire. Si nous n'appliquons pas les textes européens, nous ne pouvons nous plaindre que l'Europe ne fasse rien. J'ai trouvé le contenu des propositions européennes audacieux. Il l'est encore par les nouvelles dispositions qui viennent d'être prises. Encore faut-il que nous les appliquions réellement, sinon ce ne seront que « coups d'épée dans l'eau » !

Ma sixième conviction concerne le dégazage et le déballastage. J'estime aujourd'hui que nous disposons quasiment de tous les moyens juridiques pour lutter efficacement contre le dégazage et le déballastage. A la suite de la catastrophe de l'Erika, le parlement a fixé en 2000 le montant des condamnations à un niveau très élevé. L'anticipation de la directive européenne, sur laquelle nous aurons des éclaircissements, devrait nous permettre de contraindre à déposer les déchets d'exploitation ou de résidus de cargaisons dans des installations supposées être disponibles dans nos ports avec possibilité, pour les officiers portuaires, de bloquer les bateaux jusqu'à ce que cela soit fait, ou de bloquer les bateaux qui ne l'auraient pas fait dans le port précédent. Nous avions estimé nécessaire de dresser un inventaire des installations disponibles et de procéder aux investissements utiles pour ces installations qui, rapportés au prix d'une catastrophe, ne coûteraient pas très cher. De même, par des avenants au contrat de plan et en recourant éventuellement aux financements européens, on pourra anticiper et prendre l'initiative de traiter les déchets de dégazage-déballastage dans nos ports. Aujourd'hui, à ma connaissance, nous n'avons pas avancé.

Je ne pense pas qu'il faille sans cesse se réfugier derrière le problème de la preuve. Une des leçons reçues au cours de notre passage aux États-Unis fut spectaculaire : les Américains ont réussi à mettre au point un dispositif qui permet d'obtenir la traçabilité des déchets et des résidus et de tenir un registre dont les informations sont suffisantes à la justice américaine pour poursuivre. Nous avions écrit dans le premier rapport qu'il conviendrait que l'administration maritime française agisse de même. Je ne suis pas sûr que cela ait été fait. Le dégazage et le déballastage sont la pire des catastrophes puisque cela pollue, alors que nul ne s'en aperçoit. Cela représente cependant tous les ans l'équivalent d'au moins une dizaine de fois l'Erika en Méditerranée, sur l'Atlantique, la Manche et la Mer du Nord. Sur ce point, la Commission devrait être très exigeante dans ses observations à l'égard des Etats membres, mais peut-être aurons-nous des renseignements juridiques un peu plus substantiels quand M. Simonnet aura étudié la question.

Septième conviction. Sur les moyens, il faut affirmer trois idées. Je ne crois pas qu'il faille revenir sur la coordination des moyens en mer. Je pense honnêtement que les coast-guards à la française, ou à l'européenne, ne constituent pas une réponse pertinente, au moins dans l'immédiat. Le dispositif mis en place sous l'autorité de la Marine nationale -je ne suis pas un militariste- fonctionne. Le problème reste la mise en place des moyens. Nous l'avons vu dans l'affaire du Prestige, juridiquement cela fonctionne bien et aucune Commission d'enquête parlementaire n'a proposé un autre dispositif, qui supposerait un chamboulement administratif considérable pour des résultats de gestion qu'il conviendrait de vérifier. En revanche, il est indispensable que l'on identifie dans le budget de la Défense les moyens affectés à ces tâches. Sinon, dans les arbitrages que sont conduits à opérer les ministres successifs de la Marine, voire les chefs d'état-major quand il n'y a plus de dangers, la priorité risque de s'émousser. Il conviendrait donc que ces sommes s'imposent au ministère afin que l'autorité pour la mission de service public de sécurité et de protection reste maintenue au préfet maritime dans ses tâches civiles, à la seule condition qu'il dispose de ce moyen de contrôle et de cette sécurité pour les matériels.

Toujours sur les moyens, nous n'avons pas suffisamment intégré dans notre réflexion que l'essentiel reste l'intervention en mer, la récupération en mer. Nous avons eu un débat sur le nombre de kilomètres de barrages. Sans doute est-ce une très bonne tactique quand on ne peut faire autrement, mais les dernières catastrophes ont montré que le meilleur moyen consiste à intervenir en mer par exemple avec le sous-marin Nautile, comme on l'a vu avec le Prestige, ou avec des navires spécialisés dans la lutte antipollution dont nous manquons, notamment en Méditerranée.

Je pense que des progrès ont été accomplis. Pour le Prestige, la coordination administrative m'est apparue nettement supérieure à celle de l'Erika. Il n'empêche que l'une des préconisations faites par la Commission d'enquête antérieure visait à faire en sorte que les préfectures de zones de défense Nord et ouest puissent disposer d'un outil polyvalent de gestion de crise dans l'esprit du dispositif existant dans le Midi et qui réunit, sous l'autorité du préfet chargé de la zone de défense, l'ensemble des moyens de lutte. Ce dernier dispositif a été organisé dans un premier temps en fonction des incendies et, dans un second temps, pour les problèmes d'enneigement sur les autoroutes. C'est un instrument extrêmement sophistiqué qu'il conviendrait, à mon avis, d'adopter sur l'ouest et le nord en raison de l'ampleur des risques que nous connaissons en Manche. L'exemple que nous citons le plus souvent est celui d'un bateau de passagers télescopant un chimiquier qui s'enflamme ! Que faire en ce cas, qui, du fait de l'importance du trafic, peut malheureusement survenir tous les jours ? Il serait important de remettre cette affaire à l'ordre du jour ainsi que l'a suggéré l'actuel préfet de police, M. Jean-Paul Proust, au cours de notre précédente Commission d'enquête.

Dernière conviction, que nous partageons tous : la dilution de la responsabilité des acteurs par le dispositif des conventions CLC et par le dispositif FIPOL, d'une certaine manière, est très malsaine. Il faut donc encourager une action de l'Europe pour sa mise en place au niveau de l'OMI. Cette dilution de responsabilités encourage l'irresponsabilité et ne favorise en rien le choix des meilleurs navires par les affréteurs, dans la mesure où ils mutualisent totalement leurs risques. Le dispositif que l'Europe essaie de mettre en place me paraît s'inscrire dans le bon sens, mais il importera ensuite de le faire passer au niveau de l'OMI, ce qui prendra un temps certain, d'autant que l'Union européenne elle-même n'est toujours pas membre de l'Organisation maritime internationale. Cette démarche prendra des délais considérables et nécessitera une volonté politique très forte de l'ensemble des acteurs, à commencer par la France.

M. le Président : Merci. L'expérience qui fut la vôtre et les questions que vous posez montrent qu'en l'absence de suivi de la précédente Commission, il y eut au moins dans l'esprit du Rapporteur de l'époque des manifestations on ne peut plus intéressantes de suivi des problèmes soulevés et des solutions recommandées.

Quels conseils donner au Rapporteur actuel pour faire avancer le dossier et expliquer les problèmes ? Pourquoi la France a-t-elle tardé à transposer les directives du paquet Erika I et les conventions de l'OIT sur le bien-être des gens en mer ? Sont-ce des raisons techniques ou une sorte de laisser-aller ?

Votre rapport avait pour titre « Après l'Erika, l'urgence ». Il se trouve que l'urgence fut quelque peu oubliée. Malgré tout, considérez-vous que la France a réalisé des progrès dans la gestion de la sécurité maritime, même si l'affaire du Tricolor montre que la vigilance n'est pas totale ?

Vous ne pensez pas que la solution des garde-côtes européens créerait une situation idéale, on peut le comprendre. Malgré tout, avec des pays voisins comme l'Espagne, l'Angleterre, la Belgique, les Pays-Bas ou les Pays Scandinaves, comment imaginer une coordination entre les différents systèmes quand on sait, par exemple, qu'en Espagne, il n'existe pas de préfets maritimes ou qu'il y manque des remorqueurs de puissance, qu'il a fallu aller chercher en Mer du Nord ; quand on sait que les Anglais ont un système différent de celui dont nous disposons en France ; quand on sait, enfin, qu'en France se superposent la Marine nationale, les Douanes et les Affaires maritimes ? Ne serait-ce pas une solution de coordination idéale que d'avoir un même corps, avec les mêmes directives, les mêmes moyens et ambitions sur l'ensemble du territoire européen ?

M. le Rapporteur : M. le ministre, nous vous auditionnons en qualité de Rapporteur de la Commission d'enquête sur l'Erika. Je voudrais, en préambule, rendre hommage à votre action au Gouvernement. Vous évoquiez tout à l'heure l'évolution du trafic maritime qui passe au large de nos côtes et qui continuera d'augmenter. J'ai la faiblesse de penser que si votre réforme avait été suivie par tout le monde depuis une douzaine d'années, nous connaîtrions beaucoup moins de problèmes de trafic au large de nos côtes, puisque nos ports seraient concurrentiels pour capter ce trafic. Ce que vous aviez semé voilà douze ans continue à porter ses fruits dans des ports comme Saint-Nazaire et surtout Dunkerque.

Vous êtes à l'origine de la dernière grande réforme du transport maritime et de la modernisation absolument nécessaire de nos ports. Je voulais le dire, car le sujet garde toute son importance par rapport à celui qui nous occupe aujourd'hui : les risques d'accidents.

Nous avons cité l'Union européenne. Le ministre est intervenu la semaine dernière pour parler de l'élimination des pétroliers à simple coque ainsi que des lieux refuges. Pensez-vous que ce soit une solution ? Pensez-vous que l'on puisse progresser dans le processus de transposition des paquets Erika I et II, sachant que certains pays sont ultra-libéraux et traînent les pieds -on peut penser à la Grèce, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni-, d'autant que les pays candidats à l'adhésion, une dizaine, ont pour certains d'entre eux beaucoup de bateaux sous pavillon, tels Malte et Chypre ? Avons-nous intérêt à procéder, comme les Etats-Unis, à l'adoption d'un droit maritime européen régional qui s'imposerait à l'OMI, ou pensez-vous que l'Europe maritime enfin constituée pourra réellement faire pression sur l'OMI pour bénéficier d'une réglementation mondiale digne de ce nom, sachant, là aussi, que les intérêts divergent entre les pays qui vivent de leur pavillon et ceux -comme la France- qui voient les risques se multiplier parce que le trafic passe au large de leurs côtes ?

Autre sujet : le facteur humain du transport maritime. Quelles en seraient les priorités ? L'amélioration de la qualification des équipages, l'encadrement, les conditions de travail à terre et surtout en mer ?

Aviez-vous eu l'occasion lors de la précédente Commission d'enquête, d'évoquer d'autres solutions de transport comme les réseaux d'oléoducs qui pourraient se poser en alternative au transport tout maritime de produits extrêmement dangereux ?

M. Jean-Yves le DRIAN : Je veux essayer de répondre, mais ce sont là, quasiment, les sujets de la Commission d'enquête.

Pourquoi tant de temps pour la transposition des directives européennes ? Il existe sûrement des réponses mais je n'arrive pas à les percevoir. Je trouve cela invraisemblable. De toute façon, ces directives finiront par s'appliquer puisque, en juillet 2003 pour les unes et en 2004 pour les autres, les instances communautaires les ayant adoptées, elles s'appliqueront en droit, c'est-à-dire que la Commission pourrait nous poursuivre pour ne pas les avoir transposées. Je ne sais comment la question pourra se résoudre si nous n'allons pas plus vite. Parallèlement, les chefs d'Etats réunis ont déclaré qu'il convenait d'accélérer le processus, mais nous en sommes toujours au même point. Le projet de loi de ratification de la convention de l'OIT est passé en Conseil des ministres voilà un ou deux mois, mais j'ignore quand il sera déposé à l'Assemblée nationale. Les autres textes ne sont pas encore passés au Conseil des ministres. Quand on regarde le document communiqué sur l'avancée des travaux réglementaires, on note une certaine complexité à la lecture ; il conviendrait de bien les analyser. Je suggère au Rapporteur de le faire. Il faut essayer de comprendre où est rendue chacune des directives issues d'Erika I et II et s'interroger pour savoir pourquoi les textes ne sont pas encore parvenus à l'Assemblée nationale. Par ailleurs, il convient de connaître les intentions pour savoir ce qui sera transposé avant la fin du travail de la Commission d'enquête parlementaire. Il serait intéressant d'obtenir tout cela, y compris la convention HNS dont j'étais convaincu qu'elle était adoptée et dont je découvre que ce n'est pas le cas. À quoi est-ce dû ? À la lourdeur de notre appareil administratif et non à l'absence de volonté politique, car tous les clignotants ont été allumés. Cela laisse dans une grande perplexité. C'est vrai ici, c'est vrai ailleurs. Si nous nous déplaçons à l'étranger, nous pourrons savoir pourquoi les autres ne ratifient pas plus vite que nous.

M. Louis GUÉDON : Les autres n'ont pas de pétrole sur leurs plages.

M. Jean-Yves le DRIAN : L'on entend dire que l'Espagne accélère le rythme de transposition. Le retard est un vrai problème.

Après on accuse l'Europe ! On doit le faire quand elle ne fait pas son travail, mais là, honnêtement, il me paraît très difficile de ne pas la défendre et ce serait une de nos tâches que de pousser le gouvernement à accélérer les transpositions attendues. Les engagements sont maintenant anciens : ils datent de mars 2000.

Des progrès réels ont-ils été effectués ? Sur la gestion POLMAR, manifestement oui, selon les propos du directeur des ports et d'après nos constatations. Il faut dire que la gestion antérieure était tout de même calamiteuse. Manifestement, il y a eu révision des textes et révision des responsabilités. Même si notre collègue d'Arcachon reste perplexe sur l'efficacité, globalement, cette dernière gestion fut meilleure.

M. Louis GUÉDON : Le danger n'était pas le même : le Prestige était plus loin des côtes que l'Erika.

M. Jean-Yves le DRIAN : Sur les préconisations de la précédente Commission d'enquête, une partie est reprise dans les paquets Erika. Ce serait un progrès s'ils étaient transposés en droit interne. Les chiffres livrés par le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer sont impressionnants. Le problème réside dans le contrôle des textes. Quand on applique les textes, on dissuade les bateaux « sous normes » de faire escale dans nos ports. Je crois que l'administration a pris conscience de la nécessité d'agir, mais nous sommes loin du bout du chemin. Le dossier n'avance qu'à une allure modérée.

S'agissant des coast-guards, comprenons-nous bien. Le schéma idéal pour moi serait évidemment des garde-côtes européens. L'Agence européenne de sécurité maritime peut être le départ d'un contrôle ou d'une organisation commune de l'ensemble des dispositifs d'intervention. Commençons déjà par cela. Les personnes auditionnées vous le diront, les différentes interventions auront lieu par le biais de conventions passées, soit avec le Royaume-Uni, soit avec l'Espagne. Le fait qu'une agence européenne puisse coordonner les actions est une très bonne chose. Que cela puisse se traduire ensuite par la constitution d'un vrai corps d'intervention, pourquoi pas ? Mais cela suppose des transferts de souveraineté inédits. Je ne pense pas qu'il faille commencer par là, mais plutôt par la recherche d'une coordination efficace. Dans le même temps, donnons à nos propres structures les moyens d'agir. Voilà pourquoi, contrairement à Louis Guédon, je suis plutôt favorable au maintien de la responsabilité de la Marine nationale sur l'ensemble des moyens maritimes. Un autre système supposerait une modification administrative telle que je ne vois pas comment on pourrait la faire intervenir rapidement et sans drame. En revanche, que, parallèlement, l'Agence européenne de sécurité maritime décide de se doter progressivement de moyens qui pourraient être mis à disposition de l'autorité d'intervention dans telle ou telle situation, pourquoi pas ? Il serait intéressant d'interroger ses responsables sur leur stratégie à cet égard. Cela ne doit pas être brutal, mais s'inscrire dans une logique progressive et à condition de doter la Marine des moyens d'intervention nécessaires. En outre, l'autorité civile qu'est le préfet maritime -et non l'amiral qui en occupe la fonction- doit être en situation de coordonner l'action de l'Etat en mer, non seulement dans les opérations de contrôle et dans les interventions, mais également en ce qui concerne les investissements des autres administrations pour aboutir à une cohérence dans les équipements. Il faudrait donner au préfet maritime un droit de regard sur le type d'avions qu'achètent les Douanes -ce serait là une révolution- afin que, en cas de crise, il n'y ait pas de distorsion et que les moyens techniques évoluent selon une certaine cohérence.

Sur Malte et Chypre d'une part, les Pays Baltes d'autre part, il est indispensable que nous les obligions à respecter l'ensemble des réglementations européennes, y compris les paquets Erika I et II. Seulement, nous aurions bonne mine de leur demander de les respecter si nous-mêmes ne les avons pas transposés !

Cela me conduit à une autre suggestion, sans pour autant savoir comment la réaliser. A terme, nous allons transposer et finir par faire respecter Erika I et Erika II -ne soyons pas trop pessimistes ! Mais il nous faut cherche à associer la Russie à cette démarche car elle n'est pas concernée par les négociations sur l'élargissement de l'Union Européenne. Peut-être serait-il souhaitable que l'Europe ouvre des discussions avec elle pour lui suggérer d'adhérer à cette logique. Autrement, tous les bateaux « sous normes » feront escale dans les ports russes. Ils se protégeront.

M. Louis GUÉDON : L'Erika avait une classification dans un port russe !

M. Jean-Yves le DRIAN : J'ai commencé en disant qu'il fallait modifier la convention du droit de la mer, parce que ces bateaux, s'ils ne font pas escale dans les ports européens, peuvent passer et sombrer. Ni l'Erika ni le Prestige ne venait d'un port communautaire ni ne se rendait dans un port communautaire. Ils n'ont que faire alors du contrôle de l'Etat du port.

Il nous faut donc être très exigeants au sujet de l'entrée dans l'Union de Chypre, Malte et des Etats Baltes. Ils le savent. Etre exigeant signifie aussi donner les moyens d'un accompagnement. L'un de nos devoirs pourrait consister à aider les pays européens, ainsi que les pays du Tiers-monde avec lesquels nous entretenons des relations étroites, à se doter d'administrations maritimes et d'éléments de contrôle portuaires sur les flottes qui soient de qualité, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Le problème fondamental demeure tout de même la faiblesse du contrôle des États du pavillon. Ils n'ont pas d'administration et les sociétés de classification jouent, pour le compte de ces Etats, le rôle de certification mais le font avec laxisme en laissant naviguer un nombre considérable de bateaux « sous normes ». Des pays qui n'étaient pas traditionnellement des puissances maritimes, comme le Cambodge, se dotent très rapidement de flottes non contrôlées. De tels bateaux, même si nous les contrôlons mieux en Europe, finiront par faire du trafic « sous normes » dans les pays en voie de développement et par conforter le sous-développement par des pénalisations environnementales.

Sur le facteur humain, nous disposons toutefois d'un instrument particulier : la convention STCW de 1995, dont il serait intéressant de vérifier l'application. C'est la seule convention au titre de laquelle l'OMI exerce des droits régaliens avec un certain transfert de souveraineté. Cette convention prévoit les modalités de vérification de la qualification des équipages. Je ne sais comment elle est appliquée, mais c'est la seule pour laquelle l'OMI peut demander des comptes à ses Etats membres pour s'assurer que les exigences de qualification des équipages sont effectivement respectées. Je ne suis pas sûr que la convention soit vraiment appliquée. Il serait intéressant de le vérifier au plan européen, mais aussi international, parce que l'on sait bien que 90% des catastrophes sont d'origine humaine. Ce n'est peut-être pas totalement le cas pour le Prestige ou l'Erika, mais il n'empêche que le souci de la formation et de la qualification est majeur. Voilà pourquoi il nous faut transposer les normes OIT, même si elles sont nettement au-dessous de nos propres normes françaises.

Je suis favorable aux lieux refuge et pense qu'il ne faut pas les rendre publics - je suis assez d'accord avec M. Simonnet. Les annoncer serait très contre-productif. Il faut des plans très confidentiels à la disposition de l'autorité chargée d'agir à ce moment-là en relation avec l'autorité portuaire. Si on les publie, j'ignore ce qui se passera. Si le port de Lorient est choisi, je ne sais pas comment faire !

M. le Président : Saint-Nazaire est candidat.

M. Jean-Yves le DRIAN : Les élus ne l'ont pas dit ainsi.

Le conflit entre l'Europe et l'OMI est sans doute le sujet principal.

Le droit communautaire ne peut s'appliquer qu'aux ports européens et aux flottes des Etats membres mais pas à l'ensemble de la flotte mondiale. Sur ce point, nous entrons donc en conflit avec l'OMI. Je n'imagine pas un acte précisant que les normes que nous appliquons à nos propres bateaux et à nos propres ports valent globalement pour tout bateau transitant dans les eaux de la zone économique exclusive. Certes, c'est ce que viennent de faire le Premier ministre espagnol et le Président de la République française. Pour l'instant, cela fonctionne à cause du traumatisme et uniquement sur des bateaux de transport de fioul lourd. Mais il conviendrait de faire vérifier cette décision au niveau juridique. A mon avis, cela ne tient pas : devant un tribunal international, ils auront tort. Vu le contexte international, la question n'est pas à l'ordre du jour. Il n'empêche qu'il faut absolument aboutir à une modification de la convention de Montego Bay qui ferait de la zone économique exclusive un lieu d'intervention potentiel des Etats riverains. Dès lors, le problème de la Manche ne se poserait plus. On demanderait des vérifications à l'entrée en Manche sur la base des mêmes normes que celles applicables à nos pavillons, ou sur la base de la réglementation de l'Etat du port. La question ne se poserait plus non plus si la Russie signait les dispositions que nous allons mettre en œuvre à la suite de l'affaire de l'Erika.

Dans le débat avec l'OMI, un seul point fut intéressant : son secrétaire général a admis la nécessité, un jour, en Manche et en Mer du Nord, d'un contrôle « positif » des bateaux pour réguler la circulation globalement. Ainsi la liberté de navigation ne serait plus totale. N'oublions pas les principes de base : la liberté de navigation, le droit de passage inoffensif et le capitaine seul maître à bord. Nous vivons encore sur de tels principes, alors que l'organisation de l'aviation internationale est fondée sur un point de départ historique inverse : le principe de sécurité. Philosophiquement, historiquement, culturellement nous n'évoluons pas dans les mêmes logiques.

M. Louis GUÉDON : Je souhaiterais que l'on se mette bien d'accord sur les coast-guards. Je suis d'accord pour dire que ce serait extraordinaire si nous pouvions le faire, mais l'on sait que ce corps, qui sera très long à obtenir, regroupera les Douanes pour la répression des délits fiscaux et douaniers mais également la gendarmerie pour les délits de personnes. Or, pour le point précis qui nous préoccupe, il s'agit d'aboutir à une force d'intervention rapide, efficace, ayant une capacité à prendre ses responsabilités -ce que nous n'avons pas eu pour l'Erika- et un préfet maritime disposant des moyens militaires : cela me paraît adapté pour le cas ponctuel du délit de navigation. Il ne s'agit ni du délit de personnes qui concerne les gendarmes et ni des délits fiscaux qui restent de la compétence des Douanes. On s'en tient à la sécurité de navigation près de nos côtes : à ce titre, les Pré-mar (préfets maritimes), quand ils sont compétents et disposent de moyens, sont efficaces. Le Pré-mar de Brest a amené ses bateaux pour empêcher les Espagnols de tirer le Prestige sur les côtes françaises et le faire échouer devant Arcachon. C'est ce qu'il nous a expliqué quand il est venu valider les techniques de ramassage du mazout par les pélagiques !

Pour le seul délit de sécurité par rapport à nos côtes, le Pré-mar assume bien ses fonctions.

M. le Président : M. le ministre, il est intéressant de connaître les huit préconisations ou interrogations que vous avez avancées. Elles forment le fondement même du travail de notre Commission. En arrière-plan, conservons l'idée qu'à l'OMI le poids des Etats immatriculant les flottes les plus importantes est prédominant, c'est-à-dire que les pays organisés et modernes n'ont qu'une influence marginale par rapport aux États de pavillons bizarres et de complaisance.

M. Jean-Yves le DRIAN : Quand on voit l'ONU s'organiser autour du sommet de Johannesburg, quand on voit la préparation du sommet pour l'eau à Kyoto, on est rassuré sur une certaine capacité de cette organisation internationale à prendre en compte la nécessité de sauvegarder notre patrimoine environnemental.

J'ai assisté à la fin de la conférence du droit de la mer, elle marquait la fin d'une période où le principe dominant était de s'assurer de la libre circulation des mers. Nous ne sommes plus du tout dans la même logique aujourd'hui. Des initiatives politiques très fortes sur le thème « il est temps de réviser cette convention » sont possibles tant il est vrai que ce texte ne correspond plus à la situation mondiale. Une telle initiative ne peut être prise qu'au sommet de l'Etat, et avec d'autres. Même si l'opération doit prendre plusieurs années, nous n'arriverons à rien sans cela.

M. le Président : M. le ministre, je vous remercie.

Audition conjointe de
M. Jean-René GARNIER, Secrétaire général de la mer
et de l'Amiral Jean-François COT, Secrétaire général adjoint


(extrait du procès-verbal de la séance du 13 mars 2003)

Présidence de M. Edouard LANDRAIN, Président

MM.  Garnier et Cot sont introduits.

M. le Président leur rappelle que les dispositions législatives relatives aux Commissions d'enquête leur ont été communiquées. A l'invitation du Président, MM. Garnier et Cot prêtent serment.

M. le Président : Nous recevons aujourd'hui M. Jean-René Garnier, secrétaire général de la mer depuis le 6 août 2002 et son adjoint l'amiral Jean-François Cot. Ce dernier est notamment chargé de coordonner la mise en oeuvre de la mission d'éloignement des navires à simple coque de plus de quinze ans transportant du fioul lourd, mission confiée à la Marine nationale.

Le précédent secrétaire général de la mer avait été auditionné par la Commission d'enquête sur l'Erika. Depuis 2000, les missions et les conditions d'exercice desdites missions ont sans doute sensiblement évolué. Le secrétaire général de la mer joue maintenant un rôle très important en matière de coordination des moyens, ce qui appellera probablement de nombreuses questions. M. le secrétaire général, vous avez la parole.

M. Jean-René GARNIER : M. le Président, mesdames et messieurs, venir évoquer devant vous la catastrophe du Prestige, c'est évoquer par nature tous les événements qui se sont déroulés depuis la catastrophe de l'Erika. A cet égard, je vous rappellerai que le 14 novembre, lorsque nous avons été informés des incidents du Prestige et lorsque a été connue la première fuite de produits polluants, le plan Biscaye a été déclenché par le préfet maritime de l'Atlantique. Ce plan consiste à apporter notre concours aux autorités espagnoles, dans le cadre d'un dispositif préétabli.

Le plan POLMAR lui-même a été déclenché au moment où les produits polluants sont entrés dans la zone de responsabilité française. Dès le premier jour, le préfet maritime de l'Atlantique a été mobilisé sur cette opération, avec les moyens de la Marine nationale notamment, venant en appui des moyens que les Espagnols avaient eux-mêmes mis en oeuvre, avec le concours d'un certain nombre d'autres pays.

Dans le cadre de vos questions, je serai peut-être amené à donner plus d'éléments sur l'évolution de la situation. Au préalable, je voudrais vous indiquer les éléments suivants. Après cet incident, s'est tenue une rencontre très importante à Malaga, entre le Président de la République française et le chef du gouvernement espagnol, lesquels ont pris un certain nombre d'orientations relatives à la sécurité maritime. Ces orientations trouvent leur application au niveau national, européen et multilatéral, dans le cadre de l'Organisation maritime internationale (OMI).

Au niveau de la France, la mesure la plus importante -et celle dont le Secrétariat général de la mer a été amené à prendre le pilotage- a été la décision d'éloigner de la zone économique exclusive les navires à simple coque de plus de quinze ans, transportant des produits pétroliers lourds et non configurés HBS, c'est-à-dire n'ayant pas un dispositif permettant de mesurer leur surcharge. Cette mesure d'éloignement a fait l'objet d'une circulaire du secrétaire général de la mer aux différents préfets maritimes pour leur en fixer les modalités.

A ce jour, trente-deux navires ont été contrôlés et ont, pour la plupart, été priés, sous les formes les plus diverses, de la mise en demeure qui est la plus forte, à la simple recommandation, de quitter la zone économique ou de ne pas y entrer.

Pour prolonger cette mesure arrêtée à Malaga et qui était la plus immédiate, le gouvernement a pris un certain nombre de décisions, qui concernent en premier lieu l'achèvement de la mise en place des mesures Erika I et II. Cette volonté a été réaffirmée, dans le cadre du budget, par l'augmentation des crédits consacrés à la sécurité maritime avec la nécessité d'atteindre le plus rapidement possible un taux de contrôle de 25% des navires étrangers touchant les ports français.

S'agissant de ce dernier point, une décision prise par le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer a permis de faire appel à des personnes supplémentaires recrutées parmi les personnels fraîchement retraités de la marine, tout en utilisant les services des contrôleurs recrutés dans le cadre des dispositions prises en 2000 et 2001 et qui commencent à être opérationnels. En effet, la décision d'augmenter les effectifs prise lors des deux comités interministériels de la mer de 2000 et 2001 n'a porté ses fruits, du fait du délai de recrutement et de la formation, qu'après un certain temps.

Depuis le mois de novembre, le taux de contrôle se situe au-dessus de 25%, il est actuellement autour de 30% et je pense que nous serons en mesure d'avoir atteint l'objectif fixé de 25% de contrôle en année pleine, dès juin prochain. C'est un des éléments importants.

De même, le régime de contrôle de la responsabilité des sociétés de classification sera modifié. Quant aux directives dont l'échéance de transposition a été fixée en 2004, elles concernent le suivi du trafic, l'identification automatique des navires et la surveillance accrue d'un certain nombre de zones.

Le deuxième point concerne l'accélération de la transposition des directives, notamment celles relatives au contrôle des navires à quai et aux contrôles en cale sèche. J'insisterai sur l'accélération que cela a permis de donner à la ratification des conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT), notamment la convention qui, en améliorant les conditions de travail et de vie des équipages, permet non seulement d'avoir des navires plus sûrs, objet de la première mesure, mais aussi des équipages en mesure de mieux faire face à des situations difficiles.

En effet, nous avons pu constater à plusieurs reprises que ces accidents ont pour origine des erreurs humaines, causées notamment par la fatigue ou par un travail excessif ; ils ont parfois même pour origine l'absence d'équipage à la passerelle. Pour faire allusion à un événement récent, la Marine nationale a dû réveiller l'officier du quart d'un navire qui allait droit sur la plage de Boulogne. Cet individu, qui avait travaillé 24 heures d'affilée, fut d'ailleurs arrêté en Irlande, jugé et condamné. Les conditions de travail en mer constituent donc probablement l'une des conditions de la sécurité, d'où l'importance de la ratification de ces conventions qui ont fait l'objet d'une décision du Conseil des ministres en décembre et qui viendront bientôt devant votre assemblée.

Le troisième point a été l'accélération de la mise en place de l'Agence européenne de sécurité maritime, dont la création avait été décidée dans le cadre des paquets Erika I et II. A la tête de cette agence, un président britannique, M. Brian Wadsworth, a été nommé pour deux ans. Son successeur sera l'armateur M. Francis Vallat, représentant désigné par la France.

Le quatrième point concerne l'accélération des contrôles, afin d'obtenir notamment un contrôle de la totalité des pétroliers de plus de quinze ans d'âge. L'amélioration des contrôles qui a été réalisée permet de penser que nous parviendrons à respecter cette disposition.

Le cinquième point, dans les mesures prises, consiste à faire appliquer très fermement l'instruction du Premier ministre en date du 15 juillet 2002, prise suite à la loi du 3 mai 2001 sur la recherche et la répression de la pollution par les navires. Cette instruction, publiée au journal officiel en octobre 2002 et relative à tout ce qui concerne le déballastage et les pollutions volontaires, permet d'avancer dans le dispositif.

Telles sont les mesures qui ont été ou seront prises. Pour conclure sur cette partie, j'évoquerai la création d'une zone de protection écologique, qui concernera la Méditerranée. Elle donnera au gouvernement le moyen juridique d'intervenir au-delà des eaux territoriales, sur un espace plus vaste, en cas de naufrages et pour lutter contre les déballastages. Ce projet de loi, adopté par le Sénat, viendra prochainement devant l'Assemblée nationale.

Un élément important de ce projet de loi, au-delà de la création de la zone de protection écologique, est la désignation de tribunaux spécialisés pour juger les infractions en matière de pollution. En effet, à l'heure actuelle, la pollution en haute mer est jugée par le tribunal de grande instance de Paris, lequel est déjà très chargé. Or il nous semble que le fait de fixer des juridictions plus proches du terrain -en l'occurrence Le Havre, Marseille et Brest- permettra de recourir aux services de personnes mieux formées, plus habituées à de telles affaires et capables de donner corps à une jurisprudence forte grâce à la culture maritime acquise par ces juridictions depuis de nombreuses années, notamment pour le tribunal de Brest. Telles sont les mesures envisagées au niveau national.

Au niveau européen, deux évolutions importantes se profilent. La première concerne l'accélération des mesures dites Erika, c'est-à-dire, en particulier, la révision du programme d'élimination des navires anciens. Si tous les intéressés tombent d'accord sur le principe, les calendriers devraient faire l'objet de décisions lors du prochain Conseil des ministres des transports. Il s'agit là d'un élément important puisqu'il consiste à accélérer le retrait de ces navires anciens. Le débat demeure sur le niveau d'extension de ce retrait puisque pour l'instant, cette mesure ne concerne que des navires transportant plus de 5 000 tonnes alors que certains proposent l'application de ces mesures aux navires entre 600 et 5 000 tonnes. Or, certains pays, notamment à caractère insulaire, ayant recours à des petits transports de carburant, pourraient être gênés par ces dispositions, qui devront donc être adaptées.

Le deuxième élément de ce débat au plan européen concerne le niveau des indemnisations. Le plafond de la responsabilité du FIPOL, qui peut atteindre 183 millions, devrait être porté, à compter de novembre 2003, à 256 millions d'euros. La discussion se poursuit pour atteindre un plafond de 1 milliard d'euros. Les débats portent à la fois sur ce montant et sur la prise en compte du risque environnemental.

Ces discussions, qui ont déjà été conduites lors de la dernière réunion du FIPOL, feront l'objet d'autres réunions au mois de mai prochain. Cela étant, il est envisagé, en cas d'échec des dispositions qui interviennent dans le dispositif de l'OMI, une solution au niveau européen, par l'intermédiaire d'un fonds communautaire. Reste à savoir s'il viendrait en substitution, en complément, voire de manière spécifique.

Une des dispositions, qui fait l'objet de nombreuses discussions et travaux, concerne la détermination des lieux de refuge. Je vous rappelle qu'il avait été décidé, suite au naufrage de l'Erika, que chaque pays devrait établir une liste des lieux de refuge pour des navires en détresse. Cette orientation avait déjà fait l'objet d'un travail important au niveau français puisqu'une circulaire du 2 avril 2002 émise par mon prédécesseur à l'adresse des préfets maritimes leur avait fixé des orientations sur les dispositions à prendre pour organiser l'accueil des navires en détresse dans les ports. C'est dans le cadre de cette circulaire que les discussions avaient été lancées entre autorités maritimes de Brest et autorités du port de Saint-Nazaire sur un mode d'emploi et de désignation de l'accueil, selon les problèmes posés en cas de pollution, notamment aux populations. A cet égard, la presse a peut-être été un peu loin dans certaines de ses déclarations.

Je préciserai que, depuis les événements du Prestige, le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer et la ministre de l'Ecologie ont donné mission à un groupe de hauts fonctionnaires d'établir un rapport sur cette question. Au stade actuel, il semble préférable, plutôt que de désigner à l'avance un lieu de refuge, de prévoir des zones de refuge étudiées, c'est-à-dire dont toutes les possibilités -capacité, fond ou dangerosité spécifique- ont été analysées, mais sans les désigner officiellement, avec des procédures d'évaluation des risques et de gestion au cas par cas. En effet, une zone de refuge doit pouvoir accueillir tout navire en détresse, qu'il présente des risques pétroliers ou autres.

Ceux qui ont conservé le souvenir de l'explosion à Brest, en 1947, due au nitrate d'ammonium savent que, dans ce domaine, les décisions doivent être prises avec circonspection et en tenant compte à chaque fois du risque potentiel, que ce soit un risque de pollution ou d'incendie, selon la nature du produit. L'important est d'avoir une connaissance exacte de tous les lieux ou ports qui pourraient recevoir un navire en détresse en fonction de sa situation, qu'il s'agisse d'un risque de pollution maritime, d'incendie ou de pollution atmosphérique par d'autres produits. Chaque problème devra être traité au cas par cas.

L'orientation consiste donc plus à établir un vade-mecum précis, site par site, plutôt qu'une liste complète de lieux, du fait que chaque navire en détresse doit être considéré comme un cas particulier, du Ievoli Sun au Prestige, en passant par l'Erika.

En dernier lieu, je voudrais évoquer les mesures envisagées dans le cadre de l'Organisation maritime internationale. Tout d'abord, celles-ci concernent, comme je l'ai évoqué tout à l'heure, les discussions portant sur le FIPOL. Mais les discussions les plus importantes concernent plus encore la décision de pérenniser les mesures dites Malaga, c'est-à-dire les mesures d'éloignement ou d'interdiction de pénétration dans les zones économiques de navires susceptibles d'y créer un danger. En effet, la situation juridique créée par cette décision est contestée par un certain nombre de pays, comme nous avons pu le constater au 1er janvier 2003 lorsque la Grèce a émis une protestation. Néanmoins, nous continuons à l'appliquer. Il s'agit donc d'obtenir, dans le cadre de l'OMI, que ces mesures d'éloignement de navires particulièrement dangereux de nos côtes puissent disposer d'un fondement juridique reconnu par l'ensemble de la communauté internationale. C'est dans cet esprit que des propositions sont faites et qu'une réflexion est conduite en vue de la création de zones maritimes particulièrement vulnérables lesquelles comprendraient en particulier la Manche et interdiraient, de ce fait, le passage près de nos côtes de pétroliers de type « Malaga ».

Les premiers contacts ont eu lieu avec nos partenaires et doivent faire l'objet de prochaines discussions lors de réunions tant au niveau du Conseil européen des transports qu'à celui de l'OMI. Parallèlement, un certain nombre de pays nordiques, autour de la Baltique, ont également l'intention de demander, dans le cadre de l'OMI, la création d'une zone particulièrement vulnérable sur le détroit de la Baltique. En effet, une partie importante des produits que nous avons à traiter provient de ports russes.

Mon dernier point portera sur les mesures de renforcement qui seront prises au niveau du gouvernement français. En effet, la France entend renforcer les pouvoirs des préfets maritimes en leur donnant un pouvoir permanent de coordination sur l'ensemble des moyens de l'Etat en mer : Marine nationale, Affaires maritimes, Douanes, gendarmeries maritime et nationale, sécurité civile et société nationale de sauvetage en mer. Ce renforcement des pouvoirs a pour but d'améliorer l'efficacité de façon permanente, et non seulement en tant que de besoin, de supprimer les concurrences et, par là même, d'améliorer la gestion des fonds publics pour éviter les redondances dans les équipements, voire une sous-utilisation de certains de ceux disponibles.

Cette mission a été confiée par le Conseil des ministres du 4 décembre 2002 au Secrétariat général de la mer. Nous préparons actuellement les décisions qui devraient intervenir lors d'un Comité interministériel de la mer que doit se tenir en avril. Le fait de coordonner tous les moyens nautiques de l'Etat intervenant en matière de service public de « garde-côtes » permettra de mettre en place un système cohérent de surveillance de notre littoral, non seulement pour les problèmes de pollution mais pour tous les autres problèmes qui doivent faire l'objet d'une surveillance, tels que l'immigration clandestine ou les trafics de drogue.

Pour terminer, je voudrais faire quelques réflexions d'ordre général. Le constat que nous sommes amenés à faire est que le risque en transport maritime est le plus souvent proportionnel à la valeur marchande du contenu. Si le produit est à haute valeur ajoutée, l'armateur n'hésite pas à utiliser des navires récents et bien entretenus. Mais lorsqu'il s'agit de produits avec une marge extrêmement faible, la tentation est forte d'utiliser des navires eux-mêmes peu coûteux et pas toujours bien entretenus. Cela pose le problème du transport de ce type de substance et des raisons pour lesquelles on les transporte.

A cela, il y a deux motifs : un au lieu de départ des produits et un à leur lieu d'arrivée. Au départ, il existe un certain nombre de règles qui s'appliquent à la plupart des pays européens, à savoir que ce sont des produits qui ne sont pas ou peu susceptibles d'être détruits sur leur territoire. Je vous rappelle que la législation environnementale est sévère, notamment à l'égard du brûlage de ces produits qui n'est toléré que pour fournir un certain type de carburant pour les navires. Par conséquent, la « non-utilisation » de ce produit conduit à l'exporter.

Par ailleurs, la faible valeur de ces produits conduit un certain nombre de pays à les utiliser notamment pour produire de l'énergie électrique. Il y aurait donc éventuellement une réflexion à mener sur l'élimination de ce type de produit, peut-être dans le pays d'origine, ce qui pourrait conduire à nous interroger sur notre propre législation en matière d'élimination des déchets.

Les dispositions mises en oeuvre pour nous protéger à terre contre ces déchets ont en effet pu créer un risque supplémentaire en mer. C'est sûrement une des questions que nous devons nous poser, voire aller plus loin en les considérant véritablement comme des déchets. Mais il s'agit là d'un autre moyen de contrainte. Certes, l'exportation de déchets est interdite, mais le pays qui ne pourra pas les exporter doit avoir les moyens de les éliminer. Nous retrouvons, autour d'un certain nombre de nos législations, le souci d'avoir une plus grande cohérence entre les interdits et les recommandations, pour éviter que des produits dangereux ne se retrouvent transportés sur l'eau.

Une autre réflexion concerne les contrôles. Certes, nous irons vers des contrôles en cale sèche pour les pétroliers, mais il est évident que le problème essentiel reste la vérification de l'état des structures. Or, vérifier l'état des structures d'un navire est une démarche très lourde et qui impose des obligations fortes, y compris au niveau des ports, car pour pouvoir vérifier des structures, il faut pouvoir avoir accès partout dans les navires, et dans de bonnes conditions.

En l'état actuel des choses, on peut constater qu'en présence d'un doute sur la structure, le bateau sera envoyé dans un pays voisin pour vérification plutôt que d'effectuer le contrôle soi-même. A cet égard, j'ajoute que les double-coques, qui constituent une réponse rapide et immédiate aux problèmes de pollution, nous poseront sans doute dans les années à venir les mêmes difficultés.

La décision de transporter de tels produits par des navires à double coque a conduit à la construction de nouveaux navires. De ce fait, nous avons pu observer un très fort rajeunissement de la flotte. Mais un navire à double coque mal entretenu constituera probablement une sorte de bombe à retardement. Le contrôle de l'état des structures des navires à double coque nécessitera certainement une réflexion car ces vérifications sont complexes à mener sur ce type de navires. Comme pour le Concorde, il faudra peut-être avoir recours à des mécaniciens de petite taille qui peuvent se glisser dans certains endroits difficiles à atteindre. En conclusion sur ce point, la décision sur les navires à double coque est utile, car elle permet de rajeunir la flotte. Toutefois, si un navire ancien à double coque est mal entretenu, il risque d'être aussi dangereux à la longue qu'un simple coque ancien. C'est là un point important.

L'un des derniers volets porte sur la reconnaissance internationale des règles de Malaga, c'est-à-dire la possibilité d'imposer l'éloignement de nos côtes. Il semblerait que l'application stricte que la France et l'Espagne font de cette politique depuis décembre dernier ait conduit un certain nombre d'affréteurs à rechercher des navires plus jeunes pour transporter ces produits. Ce sont les informations dont nous disposons. Encore faudra-t-il les vérifier dans quelques mois. Mais il semble qu'il y ait déjà eu une volonté de rajeunissement de la flotte pour le transport des produits visés.

En dernier lieu, j'ajouterai qu'il ne me paraît aujourd'hui pas tant nécessaire de revoir le principe du pollueur-payeur, que d'aller probablement vers celui du producteur-payeur. En effet, le principe du pollueur-payeur consiste actuellement à faire payer l'importateur, quand le producteur contribue à mettre sur les eaux un certain nombre de produits dangereux. Je pense à certains fiouls lourds particulièrement dangereux qui arrivent notamment de Russie ou au crude vénézuélien. C'est pourquoi il faudrait peut-être associer le producteur pour qu'il intervienne davantage dans le dispositif, quitte à ce qu'il puisse se retourner ensuite contre la chaîne transporteur-affréteur.

Je terminerai sur le renforcement du rôle des assureurs. L'un des points importants du l'  « Oil Pollution Act » américain a consisté à jouer de façon très importante sur les attestations d'assurance et sur des demandes de plus en plus élevées. En effet, selon certains armateurs, pour aller avec un navire à simple coque aux Etats-Unis, le coût de l'assurance serait plus élevée de 10%. Les Américains jouent beaucoup sur le mécanisme économique de l'assurance. Peut-être est-ce une piste que nous devrions explorer jusqu'au bout, ce qui n'a pas encore été le cas.

Telles sont les mesures qui ont été prises et qui ont fait ou feront l'objet de décisions dans le cadre du prochain Comité interministériel de la mer, qui, je le répète, se tiendra fin avril, décisions dont la préparation incombe à l'équipe que je dirige.

M. le Président : Merci beaucoup, M. le secrétaire général.

La première partie de mes questions concerne le naufrage du Prestige et le rôle joué par le Secrétariat général de la mer. Quel bilan dressez-vous de la mise en oeuvre des plans POLMAR-terre et POLMAR-mer après le naufrage du Prestige ? La coordination des volets terre et mer, très critiquée lors de la catastrophe de l'Erika, a-t-elle été améliorée ?

Pourriez-vous préciser également les modalités de la coopération interministérielle lors d'un tel événement ainsi que le rôle et les compétences du Secrétariat général de la mer ?

Lors de l'audition de votre prédécesseur, M. Roncière, le 15 février 2000 devant la Commission d'enquête sur l'Erika, celui-ci avait souligné le manque de vision horizontale sur les problèmes de la mer et le fait que le Secrétariat, censé avoir cette approche, était en quelque sorte « livré à lui-même et ne constituait pas un outil miracle permettant de définir une politique maritime ». Il avait également déploré être contraint de recueillir lui-même les informations. Quelle appréciation portez-vous aujourd'hui sur le fonctionnement et les compétences du Secrétariat général de la mer ? Estimez-vous que la situation a évolué depuis cette date, notamment en application de l'instruction du 4 mars 2002 ?

Enfin, quelle évolution préconiseriez-vous afin d'améliorer l'organisation administrative des Affaires maritimes, notamment en cas de sinistre ?

La deuxième série de questions porte sur l'amélioration de la sécurité maritime. L'accord franco-espagnol de Malaga est-il un bon moyen de protection des littoraux français ? Quelles sont les autorités chargées de mettre en oeuvre ces mesures d'éloignement ? Comment ces mesures d'éloignement se passent-elles concrètement ? Des résistances ont-elles été constatées ou rencontrées ? Que se passerait-il si un navire refusait d'être éloigné ? Quelles bases légales peut-on ou doit-on donner à ces mesures ?

Pouvez-vous nous indiquer les pistes envisagées pour mieux connaître les navires qui croisent au large des côtes européennes ? Qu'en est-il, en particulier, des projets de surveillance de la navigation maritime par l'intermédiaire de satellites permettant de repérer la progression de certains bateaux particulièrement dangereux ?

La France a réussi à augmenter son taux de contrôle des navires, particulièrement bas jusqu'alors, puisqu'aux alentours de 9% seulement. Mais au-delà de cet objectif quantitatif, comment rendre ces contrôles plus efficaces et parvenir à les cibler sur les navires les plus vétustes ? Au-delà de ce que vous avez déjà indiqué, ces contrôles vous paraissent-ils de nature à répondre au problème de fond qui est celui des accidents de pétroliers transportant du fioul lourd pour des négociants utilisant des navires anciens en état de risque de corrosion ?

Quelles sont les perspectives de l'Agence européenne pour la sécurité maritime que vous nous avez dit être en place, mais que j'estime à l'état embryonnaire à ce jour ? Quels seront ses compétences et ses moyens ? Comment pourront-ils s'articuler avec les dispositifs nationaux, parfois très différents ?

Enfin, une mission a été créée en janvier 2003 afin d'étudier les modalités de désignation et de mise en place de lieux refuge que vous avez évoqués. Pouvez-vous exposer les principes pouvant présider à leur choix, les investissements qui seraient alors nécessaires, leurs coûts et les délais de leur mise en place ? La publication de la liste de ces lieux refuge vous semble-t-elle souhaitable ? Pourriez-vous préciser l'idée que vous avez évoquée tout à l'heure à propos d'un vade-mecum ?

M. Jean-René GARNIER : Les conditions dans lesquelles s'est déroulée la gestion de la crise du Prestige ont été très différentes de celles que mon collègue Roncière a pu évoquer s'agissant de l'Erika, ceci d'ailleurs grâce aux conclusions tirées de la gestion de la crise consécutive à son naufrage.

Dès le premier incident le 14 novembre, le secrétaire général de la mer, via le préfet maritime, a été avisé de la présence d'un navire comportant un certain nombre de risques. Ce navire, que les Espagnols avaient pris en remorque, devait susciter notre attention, même s'il était sur des mers étrangères.

Le dispositif d'information a fonctionné dès le premier jour. Cela signifie que les conclusions de mon prédécesseur quant à la circulation de l'information ont été très largement corrigées puisque les informations ont parfaitement circulé et que la coordination, notamment en premier lieu avec les préfets maritimes, a été constante, avec un dispositif de suivi rapidement mis en place.

L'amiral Cot, plus à même de vous répondre sur cette question, a pris très rapidement l'orientation suivante. Dans les quelques jours qui ont suivi, un de nos collaborateurs, ingénieur hydrographe, a été chargé de rassembler tous les services -Météo France, le SHOM, le CEDRE et la Marine nationale- afin de croiser les idées sur l'analyse des circuits et les dérives de pollution. Ce faisant, il n'existait qu'un document qui faisait l'objet d'un consensus de l'ensemble de ceux qui étudiaient les dérives. Ce document a d'ailleurs été régulièrement publié, dans un souci de transparence.

Au contraire, au moment du naufrage de l'Erika, il est certain que les différentes administrations avaient des avis quelque peu divergents sur la question, peut-être pas sur le fond mais en tout cas sur le mode de publication. Il suffit d'un décalage de vingt-quatre heures pour que cela apparaisse incohérent.

Pour notre part, nous avons veillé à avoir un document précis sur l'évolution de la dérive des nappes, ce qui nous permettait d'anticiper autant que faire se peut les décisions et de les préparer, en profitant de l'«avantage» du fait que le navire avait coulé à 1 500 kilomètres de nos côtes. En ce sens, nous savions que nous aurions du temps. Il aurait été d'ailleurs plus coupable de ne pas anticiper les situations dans un tel cas. C'est un point important.

La liaison entre le secrétaire général de la mer et le préfet maritime, qui a déclenché le plan Biscaye, a été constante. Le préfet maritime était prêt à déclencher le plan POLMAR-mer dès l'arrivée des premières plaques ou boulettes de fioul dans sa zone de responsabilité.

S'agissant du plan POLMAR-terre, de même, nous avions alerté les préfets depuis un certain nombre de jours, forts de l'état d'évolution de dérive de ces plaques, avec néanmoins une certaine prudence compte tenu de ce qui s'était passé pour l'Erika. En effet, la pollution, attendue plus au sud, en Charente, était arrivée sur les côtes bretonnes. Dans le cas du naufrage du Prestige, nous avons été beaucoup plus prudents car la pollution venait de loin et elle était très éclatée. Les préfets ont donc été très largement informés.

Le premier des plans POLMAR-terre a été déclenché dans les Pyrénées-Atlantiques lorsque le pays basque espagnol a été touché, car tout nous laissait penser que les Pyrénées-Atlantiques seraient le premier département touché, ce qui ne fut pas exactement le cas mais la prévision n'est pas une science exacte. En fait, le premier affecté fut le département des Landes. C'est dans cet ordre que les plans POLMAR-terre ont été déclenchés.

Il y a donc eu un effort de prévision et de coordination. S'agissant de la coordination au niveau central, dès le début de ces opérations, le secrétaire général de la mer a assuré, par des réunions périodiques, la coordination des actions, en liaison avec Matignon.

Nous fonctionnions sur un régime simple : le mardi avait lieu une réunion présidée par moi-même ou le secrétaire général adjoint de la mer, avec tous les services concernés par la gestion de la crise. Le vendredi était organisée une réunion à Matignon pour le suivi et la validation des décisions prises, qu'elles soient de nature technique ou financière, puisqu'il fallait alimenter le financement des plans POLMAR-terre.

On peut donc affirmer que les structures de coopération ont bien fonctionné au niveau local, autour du préfet maritime, et au niveau national, autour du secrétaire général de la mer.

Il me semble que c'est le fruit de l'expérience passée qui a conduit à un dispositif qui me paraît, à l'heure actuelle, avoir fonctionné correctement, même si a pu être parfois constaté un décalage dans nos prévisions. En effet, celles-ci conduisaient à considérer que le département des Pyrénées-Atlantiques serait le premier touché, compte tenu des dérives, alors que ce fut en fait le département des Landes, 50 kilomètres plus haut. Toutefois, nous avions parfaitement intégré, par rapport aux délais d'intervention, l'ensemble du dispositif.

Voilà ce que je peux répondre sur le rôle que le secrétaire général de la mer a joué et joue encore dans ce dispositif. Je rappelle que c'est mon prédécesseur qui avait pris un certain nombre de directives, notamment la gestion de l'accueil des navires en détresse dans les ports par la circulaire du 2 avril 2002, tirée de l'expérience de l'Erika. Cette circulaire constituait un pré-système de port-refuge, puisqu'il s'agissait de mettre en place un mécanisme d'étude, d'analyse et de prise de décision pour l'accueil des navires en difficulté.

Le secrétaire général de la mer, M. Paul Roncière, avait donc bien tiré, pour le futur, un certain nombre de conclusions de la gestion de la crise de l'Erika. C'est un point important.

S'agissant du problème de l'organisation de la gestion de la mer et de la gestion de crise, il est vrai qu'un certain nombre d'administrations sont concernées. C'est pourquoi, en 1995, a été créé le Secrétariat général de la mer pour coordonner l'action de l'Etat, tant au niveau de l'administration centrale pour l'élaboration d'une politique maritime qu'au niveau de l'action des préfets maritimes.

Mon objectif, dans le cadre de la préparation du prochain comité interministériel de la mer, consiste à mieux coordonner l'action de l'Etat en mer et à définir une politique maritime, avec si possible une coopération forte de l'ensemble des administrations pour parvenir à ce que le gouvernement retienne et fixe un certain nombre d'orientations en matière de politique maritime. Ces orientations concernent la sécurité et la sûreté maritimes, notamment dans la mise en oeuvre des dernières décisions de l'Organisation maritime internationale sur le problème du terrorisme, sur la gestion de l'espace maritime, sur le pavillon et le développement du cabotage.

Nous souhaitons donc élaborer une doctrine de politique maritime pour le gouvernement avec le concours de l'ensemble des administrations. Les réunions interministérielles que nous animons les uns et les autres sur les différents sujets mentionnés montrent que le positionnement du Secrétariat général de la mer, lequel a connu quelques péripéties au début de l'année 2002, est actuellement reconnu par l'ensemble des administrations qui coopèrent sur les sujets les plus divers, qu'il s'agisse du programme de préparation de la revendication du plateau continental, des discussions relatives à la politique des granulats marins ou des grands problèmes de sécurité maritime.

L'objectif du Secrétariat général de la mer est d'être le pivot en liaison avec le secrétariat d'Etat aux transports et à la mer, partenaire tout à fait privilégié, et les Affaires maritimes.

S'agissant de la coordination locale, il y a lieu de constater aujourd'hui que l'organisation de la gestion de ce territoire particulier qu'est notre mer n'a guère évolué depuis le décret de 1978 qui a créé les préfets maritimes. Ce décret s'inspirait fortement de la situation du préfet de département. Mais depuis cette date, le rôle et le pouvoir de coordination des préfets de département ont eux-mêmes fait l'objet d'un certain nombre de textes, notamment en 1982 et 1983, après la réforme de décentralisation et en 1992 après la loi sur la déconcentration et la charte de la déconcentration. Par ailleurs, ils feront également l'objet prochainement d'un certain nombre de nouvelles décisions, dans le cadre de la mise en oeuvre de la future décentralisation.

En revanche, au niveau maritime, nous sommes restés dans un système encore trop parcellisé, tant pour l'action administrative que pour la gestion quotidienne de l'espace maritime. D'où la demande faite par le Conseil des ministres du 4 décembre 2002 d'élaborer un schéma cohérent de l'organisation administrative et de l'action de l'Etat en mer autour des préfets maritimes, à la fois pour la gestion de l'espace maritime au jour le jour, dans ses fonctions de police, et pour la gestion administrative, de façon à ce que les préfets maritimes soient mieux associés à un certain nombre de décisions susceptibles de créer des « conflits d'usage ».

A cet égard, je vous rappelle les conclusions que l'on peut retirer du rapport Dupilet dans des domaines comportant des conflits potentiels à régler, par exemple entre les pêcheurs et l'activité de ramassage des graviers, entre les pêcheurs et l'aquaculture, entre la plaisance et la pêche, en ce qui concerne les éoliennes en mer, etc... Ces conflits éventuels devront être gérés par le préfet maritime. Il nous a donc paru nécessaire qu'il puisse intervenir le plus en amont possible dans l'ensemble de ces décisions de façon à ce que celui qui doit gérer la crise dispose aussi des moyens de l'éviter en participant à la décision en amont.

Dans les récentes décisions, notamment concernant les parcs naturels en mer, il a été acté que le rôle du préfet maritime, qui était inexistant dans le projet, y serait réinscrit parce que c'est à lui qu'il incombe non seulement de gérer, mais aussi de faire respecter un certain nombre de dispositions. D'où la volonté de mettre les préfets maritimes « en boucle », dans un ensemble de décisions qui concernent l'espace marin. Il s'agit là du volet de l'articulation des compétences administratives respectives.

M. le Président : A quoi faisiez-vous allusion en parlant de difficultés administratives début 2002 ?

M. Jean-René GARNIER : A l'existence même du Secrétariat général de la mer qui a posé, entre le premier et le deuxième gouvernement Raffarin, quelques interrogations, plus exactement au printemps 2002, lesquelles ont été réglées.

S'agissant de la gestion des moyens, tels que ceux de la Marine nationale, les gendarmeries nationale et maritime, les Affaires maritimes, la douane, voire certains services départementaux d'incendie et de secours qui sont parfois dotés de moyens très puissants pour intervenir en mer, largement souvent au-delà de la capacité de gestion côtière qui leur revient, la coordination des moyens n'est prévue par les textes qu'en cas de crise.

Or il est apparu, notamment au Président de la République après la réunion de Malaga, qu'il serait utile et sain d'améliorer l'utilisation et la coordination de ces moyens. Ceci permettrait de tendre vers leur optimisation et, par là même, d'améliorer l'efficacité, voire de supprimer certains surcoûts résultant de la coexistence, sur un même site, de moyens nautiques d'administrations diverses, alors qu'au contraire, il vaudrait mieux en avoir un seul très efficace plutôt que trois petits.

Le port de Nice, par exemple, compte trois vedettes : une vedette des Douanes, une vedette des Affaires maritimes et une vedette des gendarmes, sans compter la vedette de 25 mètres du service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes. Sur un espace donné, on dispose donc d'un grand nombre de moyens. En l'occurrence, il est probablement nécessaire d'établir des prévisions plus rationnelles des choix d'investissements, lorsqu'ils relèvent de l'Etat ou de son contrôle. C'est en ce sens que nous préparons des mesures permettant, si possible, que de meilleures décisions soient prises quant à l'équipement et à l'implantation des moyens nautiques.

Le deuxième volet, qui est parallèle, consiste à donner aux préfets maritimes le pouvoir de coordination permanent pour assurer le meilleur usage de ces moyens. En effet, on constate que chacune de ces administrations se caractérise par au moins une petite spécificité. Ainsi, la douane exerce la fonction de contrôle des frontières. Mais une autre de ses fonctions est également exercée par une autre administration : en effet, le contrôle de sécurité des navires est assuré à la fois par la douane et par les Affaires maritimes, voire la gendarmerie maritime.

Si tous ces moyens ont chacun une spécificité réelle, ceci ne conduit pas à l'heure actuelle à la cohérence maximale. C'est pourquoi il m'a été demandé d'élaborer un plan et un système d'organisation autour du préfet maritime. Je me référerai, à ce sujet, aux propos tenus par le Président de la République lorsqu'il a reçu les préfets maritimes la semaine dernière : il a annoncé qu'il était nécessaire, compte tenu notamment du constat fait après les événements du Prestige et de l'Erika, de réorganiser l'action de l'Etat en mer et de renforcer le pouvoir de coordination des préfets maritimes. C'est ce à quoi nous nous attachons ; cela fera sans doute l'objet de prochaines décisions au mois d'avril, sur la base d'un principe relativement simple : à terre, il y a un patron qui, dans le cadre de la déconcentration, coordonne l'ensemble des services de l'Etat. En mer, ce devrait être le même schéma. En s'appuyant sur le même principe de la loi de 1992 -déconcentration en faveur d'un responsable unique-, le représentant de l'Etat à terre est le préfet et, en mer, le préfet maritime.

Je vais maintenant laisser la parole à l'Amiral Cot qui suit plus particulièrement la mise en oeuvre des mesures dites « Malaga ».

M. Jean-François COT : M. le Président, je souhaiterais tout d'abord préciser que je ne suis plus dans la Marine. Je suis vice-amiral deuxième section et j'ai été nommé secrétaire général adjoint de la mer par le Premier ministre.

Comme vous l'avez indiqué tout à l'heure, c'est effectivement la Marine qui assure, pour l'essentiel, la mise en oeuvre de ces mesures de Malaga, dont je rappellerai l'historique. A la suite de la réunion de Malaga, a eu lieu le conseil franco-espagnol entre le Président Jacques Chirac et le Premier ministre espagnol José-Maria Aznar. Dans les dix jours suivant le naufrage du Prestige, il a été décidé que l'on ne pouvait plus laisser se poursuivre le processus actuel qui voyait défiler, devant nos côtes, des bâtiments que l'on ne contrôlait pas puisqu'ils ne venaient pas, pour la plupart, dans nos ports. Sur les cent cinquante navires qui passent devant les côtes françaises en Manche, à peine 10% rejoignent en effet un port français.

C'est pourquoi la décision a été prise de se protéger en créant une zone sous responsabilité française, qui comprendrait l'ensemble de la zone économique exclusive française et une zone sous responsabilité espagnole, incluant l'ensemble de la zone exclusive espagnole. Nous avons indiqué en conséquence vouloir contrôler les navires dans cette zone, voire en interdire son franchissement par les bâtiments qui nous sembleraient suspects.

Le sommet de Malaga a eu lieu le 26 novembre. Dès le 27 novembre, ces mesures ont été mises en application, selon l'annonce faite par le Président Chirac et M. Aznar. Certes, ces dispositions ne se fondaient pas sur le droit international puisque, par exemple, la Manche est un détroit international avec liberté de passage.

Toutefois, dans l'urgence et compte tenu des contraintes des procédures actuelles, que ce soit en matière communautaire ou plus encore au sein de l'Organisation maritime internationale, nous ne pouvions pas attendre. Nous avons mis en place ces mesures en fixant un certain nombre de règles. Il s'agissait de contrôler les navires de plus de quinze ans d'âge, transportant des fiouls lourds ou des bitumes, et ne bénéficiant pas d'une double coque ou d'un dispositif de contrôle de la cargaison pour s'assurer que ces bâtiments n'étaient pas en surcharge.

L'affaire s'est mise en place très rapidement. Nous avons eu, dès le troisième ou quatrième jour, un premier événement concernant un bâtiment, le Byzancio, qui venait de Baltique et prétendait franchir le Pas-de-Calais. Une démarche d'interdiction a abouti à ce que le bateau ne se présente pas dans le Pas-de-Calais.

Ensuite, il y a eu une deuxième affaire, celle de l'Enalios Titan, bateau qui a fait l'objet, comme il était un peu récalcitrant, d'une évaluation effective à la mer. Il faut cependant demeurer réaliste sur les possibilités d'évaluer les risques présentés par un navire lors d'une inspection à la mer. Il n'est pas question de rentrer dans les soutes. On peut uniquement vérifier les documents du navire, son état général, la composition de l'équipage, et se faire une impression générale.

Depuis le début de l'opération, entre fin novembre et la date arrêtée du 7 mars, nous avons contrôlé trente-deux bâtiments, c'est-à-dire que trente-deux bâtiments ont pour la plupart été priés de quitter la zone économique française. Il convient toutefois de noter que, quand ils se présentent en venant du Nord, ils ne sont pas forcés de passer dans la zone économique française et qu'ils peuvent longer les côtes britanniques. C'est d'ailleurs ce qu'ils font le plus souvent, sans trop de difficultés. Nous veillons simplement à ce qu'ensuite, quand ils prennent la direction du Sud, s'ils vont en Méditerranée par exemple, ils s'éloignent à plus de 200 milles de nos côtes et des côtes espagnoles.

A cet égard, au niveau des Centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS), nous avons établi un réseau relationnel qui leur permet d'échanger des informations avec leurs équivalents internationaux (MRCC). Ainsi, nous signalons à ceux-ci les bâtiments qui nous semblent devoir faire l'objet d'une surveillance, pour qu'ils puissent ensuite prendre le relais.

M. le Président : Quand vous dites que les bâtiments passent le long des côtes anglaises sans difficulté, est-ce parce que les Anglais sont plus tolérants ? Y a-t-il une bonne coordination entre la France et l'Angleterre à ce propos ?

M. Jean-François COT : Chez les Britanniques, il y a très forte tradition de liberté du commerce et du trafic maritime. Mais j'y reviendrai tout à l'heure dans le cadre post-Malaga.

Depuis le début des opérations, nous avons contrôlé et dérouté une bonne moitié de ces trente-deux navires qui, pour la plupart, ont accepté sans trop de difficultés, sauf ce navire grec (Enalios Titan) sur lequel nous avons envoyé une équipe d'évaluation. Cela lui a montré notre détermination. Certes, il n'est pas question de menacer de couler un tel bâtiment, mais de l'inciter fortement à quitter la zone, ce qu'il fait en général quand il voit arriver à la verticale un hélicoptère SuperFrelon avec une équipe déterminée, notamment un inspecteur de la sécurité des navires.

C'est là que nous entrons tout à fait dans la coordination en matière d'actions de l'Etat en mer. Ce n'est pas la Marine seule qui intervient, mais aussi la direction des Affaires maritimes au travers de ses inspecteurs de sécurité des navires. C'est une affaire multi-administrations.

Y a-t-il eu des conséquences, compte tenu du fait que nos mesures ne s'appuient pas vraiment sur un droit précis en matière internationale ? En l'occurrence, nous n'avons reçu qu'une seule lettre de contestation, mais qui ne constitue pas un contentieux. Espérons que cela restera ainsi, en attendant que l'on mette en place des mesures qui soient tout à fait en accord avec le droit international. C'est ce à quoi nous travaillons.

Le secrétaire général vous a indiqué que nous avions des contacts avec les Britanniques, les Espagnols et les Portugais. En prévision du prochain conseil des Transports, nous réfléchissons à l'utilisation de ce que l'on appelle la zone MARPOL, qui entoure l'ensemble des îles britanniques, que nous voudrions prolonger jusqu'au plateau continental français et espagnol. C'est une réflexion et, pour l'heure, nous en sommes au stade des négociations avec les partenaires précités, ainsi qu'avec les Irlandais car cette zone englobe l'Irlande. Nous avons bon espoir d'asseoir la position de Malaga en nous appuyant sur cette zone MARPOL prévue par l'OMI, mais que nous agrandirions quelque peu. Ce faisant, nous fermons la Manche aux pétroliers de plus de quinze ans. Pour l'instant, nous ne la fermons pas complètement, nous contrôlons les pétroliers qui passent et nous nous réservons la possibilité de fermer le passage. Mais si cette disposition, qui devrait être prise dans le cadre de l'OMI, était adoptée, ce que j'espère, nous pourrions exercer un contrôle complet sur les bâtiments qui passent en Manche, ce qui constituera un progrès considérable.

En ce qui concerne le trafic, selon nos observations après le sommet de Malaga, nous avons constaté au début qu'un certain nombre de navires tentaient de passer malgré tout, puis cela s'est calmé pour deux raisons. La première est due au fait que la Baltique, d'où s'effectue la plus grande partie des exportations russes en particulier depuis les ports baltes, était gelée. Cela pouvait expliquer la diminution importante du flux de navires. Quant à la deuxième raison, elle tient à ce que nous avons constaté qu'en Baltique, les exportateurs russes, au sens large, avaient conservé des bateaux plus récents et déplacé les bateaux plus anciens, dans un premier temps, vers la mer Noire et, dans un deuxième temps, vers les pays d'Extrême-Orient et le Golfe Persique. A cet égard, les mesures de Malaga ont certainement apporté une amélioration. Avec le dégel, nous vérifierons si elle se confirme. Actuellement, nous n'observons qu'une toute petite reprise du trafic. Il me semble que nous sommes donc sur la bonne voie, mais il faut néanmoins se méfier des effets secondaires sur les autres régions du monde. Je vous rappelle, à cet égard, que l'Ukraine exporte une partie du pétrole russe qui intéresse, tout comme ses résidus de distillation, les pays pauvres qui en ont un besoin essentiel pour faire fonctionner leurs centrales thermiques ; ces pays n'ont pas les mêmes préoccupations d'environnement que nous.

Tel est le bilan que je peux faire aujourd'hui des mesures prises au sommet de Malaga.

M. Jean-René GARNIER : M. le Président, vous avez évoqué le problème de la meilleure connaissance des navires. Je crois que cela rejoint les mesures de Malaga, car cela implique de bien connaître l'état du navire et concerne les décisions prises à la suite du mémorandum de Paris et la mise en place de la banque de données Equasis à Paris.

Cette banque de données, qui permet d'avoir accès à l'historique des navires, a été utilisée à de nombreuses reprises. En effet, avant de prendre une quelconque décision de mise en demeure, pour lever les doutes, sa consultation permet de savoir combien de fois ce navire a été contrôlé, les observations qui ont été faites, voire s'il a été retenu dans un port pour effectuer des réparations. Cette banque de données est un élément important du dispositif de contrôle.

Le deuxième volet est la mise en œuvre de la reconnaissance automatique des navires, par le système AIS : ces derniers doivent tous être équipés avant 2004, pour permettre un suivi des navires. Celui-ci pourra également être obtenu grâce à l'amélioration de la couverture radar, notamment par le déploiement de nouveaux radars dans le Pas-de-Calais et la Manche, et par le renforcement de la puissance du radar du CROSS Corsen sur Brest qui doit voir sa portée accrue.

Restent la surveillance et le suivi des navires par satellite. En la matière, un certain nombre d'expériences, qui donnent des résultats intéressants, ont été menées. Toutefois, selon les spécialistes, il faudrait une dizaine d'années pour parvenir à une couverture complète du dispositif.

M. Jean-François COT : Et 150 millions d'euros.

M. Jean-René GARNIER : En plus, cela représente effectivement un coût d'autant plus élevé qu'il faudrait disposer de satellites spécialisés sur le dispositif. Les réflexions continuent sur le sujet, mais la couverture radar de la Manche est déjà, en tout cas pour nous, très nettement améliorée. Le problème de reconnaissance en Méditerranée doit être analysé différemment.

Quant au ciblage des contrôles, en revanche, il justifie la nécessité de disposer des banques de données si ces navires sont signalés. Je vous rappelle que la Commission avait publié une première liste de navires douteux. La connaissance des banques de données permet naturellement, lorsque ces bâtiments touchent les côtes de l'Etat du port, d'en effectuer un contrôle approfondi. L'état de nos contrôles, à l'heure actuelle, montre que nous les ferons de mieux en mieux, qu'il s'agisse de l'objectif du taux global actuel de 25 ou 30% ou de celui de 100% pour les pétroliers anciens.

En dernier lieu, je voudrais souligner que nous pourrons éviter des situations diverses, mais jamais tous les accidents. Je vous rappelle à cet égard ce qui s'est passé dans le Pas-de-Calais il y a trois mois. En l'espèce, le Tricolor était un bateau récent, de même que l'autre navire en cause. A la suite d'un mouvement trop rapide d'un navire par rapport à l'autre pour en éviter un troisième, un heurt a provoqué le naufrage du Tricolor. Ses soutes contenaient le même carburant que celui que l'on peut trouver éventuellement sur d'autres transports. Le Vicky, qui a heurté le Tricolor, utilisait comme carburant un produit proche de celui transporté par l'Erika. La question du produit est cruciale : suite à un accident « banal », alors qu'a priori il ne s'agissait que d'un transport de voitures, on se retrouve avec une pollution de type fioul lourd.

M. Gilles COCQUEMPOT : Comme je suis élu du Pas-de-Calais, le naufrage du Tricolor est un sujet que je connais bien. Se sont ajoutées à ce naufrage deux collisions supplémentaires, ce qui montre la difficulté de gestion du trafic dans le détroit du Pas-de-Calais.

La question que je me pose est celle de savoir pourquoi il a fallu autant de temps pour dégager l'épave du Tricolor. Lorsqu'il y a eu, au large des côtes néerlandaises, le naufrage d'un ferry, en quelques semaines, le problème avait été réglé. Dans le cas du Tricolor, pourquoi faut-il autant de temps pour renflouer et évacuer ce bateau qui est extrêmement dangereux ? Est-ce pour des raisons d'assurance ?

M. Jean-René GARNIER : S'agissant de l'armateur, on ne s'est pas trouvé devant un problème de propriétaire, car le propriétaire-armateur a agi tout à fait comme il le devait. Il n'est même pas nécessaire de recourir au FIPOL, car c'est l'assurance de l'armateur qui prend en charge l'indemnisation des dommages et qui, d'ailleurs, paie « rubis sur l'ongle ». Il n'y a pas l'ombre d'un problème avec l'armateur. Il s'agit principalement d'un problème technique, du fait que le Tricolor est plus grand que le Charles-de-Gaulle.

M. le Président : Il faut le découper en tranches.

M. Jean-René GARNIER : Exactement. J'ajoute que, cet hiver, la météo marine a été particulièrement mauvaise. Nous pensions avoir terminé fin janvier le pompage du fioul du moteur, mais nous avons mis un mois de plus, en raison du nombre de jours de non-travail très important.

C'est le même cas de figure avec le Prestige. Le nombre de jours où il n'a pas été possible d'envoyer de navires a été très important. Pendant quatre mois, la mer a été très mauvaise.

S'agissant de l'Agence maritime européenne, elle a tardé à se mettre en place pour des raisons que j'ignore. Les désignations sont intervenues avec une certaine lenteur de la part de l'ensemble des pays, bien que la décision de la créer ait été prise rapidement. Elle avance un peu à marche forcée, d'après les deux dernières réunions de son conseil d'administration. Le président de l'agence a été nommé et un directeur, M. de Ruiter, est en place depuis un mois.

Quant à la compétence de l'agence, Mme de Palacio envisage de l'élargir aux problèmes de réglementation et de recommandation, voire de lui confier la possibilité d'affréter, d'acheter ou de faire construire un ou plusieurs navires antipollution gérés au niveau européen.

M. Louis GUÉDON : Est-ce un simple vœu, ou une décision ?

M. Jean-René GARNIER : Mme de Palacio a saisi la Commission pour proposer une modification des statuts de l'agence. Lors de la prochaine réunion du conseil des Transports, ceci devrait être accepté, l'idée étant que l'Europe se dote directement de navires antipollution.

Je peux vous donner de manière synthétique le cahier des charges de ce type de navire : il doit pouvoir intervenir relativement rapidement lors de la première pollution et ce même par six mètres de creux. En effet, le naufrage d'un navire, comme dans le cas du Prestige, est en général dû, du moins en partie, à une mer très forte.

M. Louis GUÉDON : Quelles seraient les caractéristiques de ce navire antipollution par rapport à un remorqueur de haute mer ?

M. Jean-René GARNIER : Ses caractéristiques seraient de pouvoir récupérer du carburant par six mètres de creux et d'avoir une capacité d'absorption de 6 000 mètres cubes.

M. le Président : Avez-vous travaillé sur le projet Alstom Saint-Nazaire ?

M. Jean-René GARNIER : Oui, nous les avons rencontrés. Nous allons travailler sur la base de deux critères :

- une capacité de récupération de 6 000 mètres cubes. C'est ce volume qu'il paraît opportun de pouvoir traiter. Il est dix fois supérieur à la capacité de nos bateaux actuels de récupération ;

- une intervention possible par six mètres de creux, c'est-à-dire dans une mer forte, donc le plus rapidement possible après l'événement.

L'exemple du Prestige illustre bien ces préoccupations. En effet, pendant un certain nombre de jours, nous n'avons rien pu faire car la mer était telle qu'il était impossible d'envoyer un navire récupérer des produits polluants, à moins de mettre en danger des vies humaines.

M. Louis GUÉDON : Après avoir récupéré 6 000 mètres cubes, il restait quand même 74 000 mètres cubes de fioul dans les cales du Prestige.

M. Jean-René GARNIER : On peut remplir 6 000 mètres cubes, les vider et recommencer. Dans le cas du Prestige, il n'y a pas eu 71 000 mètres cubes de fioul à la mer, mais probablement autour de 35 000. En six rotations de ce navire dépollueur cible, on pourrait les récupérer -même si je caricature, car c'est tout de même plus compliqué. Mais il s'agit de pouvoir intervenir au moment où la masse est relativement forte.

Le problème que nous rencontrons dans la gestion du naufrage du Prestige réside dans le fait qu'avec les tempêtes, les produits polluants arrivent sous forme de plaques microscopiques. Il est important de pouvoir intervenir au moment où le produit est encore aggloméré et n'a pas encore subi trop d'émulsion, ce qui permet d'intervenir sur la masse et d'en retirer une grosse quantité.

Je vous rappelle des règles simples que j'ai apprises depuis que je suis au Secrétariat général de la mer. Pour un volume donné de produit dans l'eau, on en retire dix fois plus sur la côte, ce qui pose des questions de gestion, y compris même pour la gestion des résidus de l'Erika qui n'ont pas encore tous été traités. Pour le Prestige, nous faisons beaucoup mieux car nous serions plutôt dans une proportion de un à six, grâce à une intervention rapide après l'événement.

Il convient donc, pour un tel navire dépollueur, de tenir compte des problèmes de stabilité. Les ingénieurs d'Alstom ont travaillé sur un projet. D'autres bureaux d'étude comme Doris Engineering ou Bouygues Offshore s'y sont intéressés. La position actuelle, y compris du gouvernement, consiste à demander, compte tenu du coût se situant entre 100 et 150 millions, trois navires antipollution : un sur l'Atlantique, un sur l'Atlantique Nord et un sur la Méditerranée. Il serait préférable qu'un tel dispositif soit recherché au niveau européen parce que l'accident peut intervenir n'importe où.

Concernant les lieux de refuge, je crois avoir répondu. Quant à la question de la publication de leur liste, seule la Norvège, sur l'ensemble des partenaires, l'a fait, mais chacun des pays considère que publier par avance une liste est un sujet éminemment difficile. Lors d'une tournée récente en Bretagne du Sud, j'ai demandé au maire de Douarnenez, port situé dans une zone où les bateaux s'abritent, ce qu'elle penserait si on déclarait Douarnenez port-refuge. Sa réponse a été qu'elle s'inquiéterait pour l'état de sa mairie.

En la matière, des décisions seront à prendre. Des propositions sont déjà prévues, y compris sur le type de lieux selon le type d'événement, sur l'autorité qui doit prendre la décision et surtout sur la garantie pour le port d'obtenir une indemnisation complète. En effet, il n'est pas envisageable de faire supporter à une population un risque qu'elle n'a pas souhaité et lui en faire subir en outre les conséquences économiques, touristiques ou autres. Cette question fera l'objet très prochainement d'un rapport du conseil général des Ponts.

Nous disposerons alors de listes grâce auxquelles nous saurons quel port est en mesure de recevoir tel bâtiment, et sur quel quai. L'objectif est de disposer d'un mode d'emploi, qui sera transmis à Bruxelles, indiquant la façon dont sera prise la décision. Mais déjà aujourd'hui, nous savons quel quai de Saint-Nazaire peut accueillir un bateau avec x mètres de fond. Ce travail se poursuit.

M. le Rapporteur : Au regard de la catastrophe de l'Erika, qui a été suivie de la création d'une Commission d'enquête « Après l'Erika, l'urgence », « l'avantage » dans le cas du Prestige est que son naufrage a eu lieu deux ans après celui de l'Erika, lui-même survenu vingt ans après celui de l'Amoco Cadiz.

En ce qui concerne les matériels à votre disposition, si l'on regroupe les différentes administrations, nous aimerions savoir quel est l'état du matériel opérationnel, son âge, voire sa vétusté, notamment pour ce qui concerne le matériel militaire. En effet, un récent rapport du député Meyer parlait de l'âge élevé du matériel militaire et de son pourcentage trop faible de disponibilité.

Nous avons vu aussi que les techniques évoluent. Lors d'une récente audition, certains membres de la Commission, originaires du sud de la France, mettaient beaucoup d'espoir dans les barrages antipollution. Nous qui avons été confrontés à la pollution de l'Erika, nous estimons que la solution ne réside certainement pas uniquement, loin s'en faut, dans les barrages. Au-delà des navires dépollueurs de haute mer, nous avons constaté aussi que les petits bateaux de pêche, qui ont l'habitude d'aller en mer et de « virer » des engins, ont été performants lors de la lutte contre la pollution du Prestige. Je pense notamment aux flottes des pêcheurs vendéens. C'est là sans doute un nouveau concept civil à développer, en plus des moyens de plus grande envergure.

S'agissant des remorqueurs de haute mer, on peut rendre hommage aux Abeilles basées à Brest ou en Manche, mais ces navires ont maintenant 25 ans d'âge. Une commande de nouveaux remorqueurs avait été annoncée. Où en est-on dans cette commande et quels seront les délais de livraison ?

Quant à la Méditerranée, M. Deflesselles, membre de notre Commission et élu de cette région, est très inquiet de l'intensité du trafic et du peu de moyens d'intervention, encore plus dramatiquement limité qu'en Atlantique, en cas de pollution.

Nous sommes intéressés par votre note sur la surveillance satellitaire. Nous nous sommes souvent interrogés sur ce sujet. Même si la mise en place d'un tel système est longue, dix ans représentant finalement peu de temps sans le domaine maritime. De même, 150 millions d'euros, c'est peu et beaucoup à la fois pour garantir la surveillance et la sécurité maritime.

Nous nous sommes aussi beaucoup interrogés sur le nombre important de dégazages sauvages. N'y aurait-il pas une politique préventive à mener dans nos ports par la mise en place d'installations dont le coût d'utilisation serait modique par rapport aux amendes prévues, qui ont été fortement augmentées ?

J'ajoute toujours aux dégazages les déballastages. Hier, nous avons auditionné le nouveau directeur des pêches. Le déballastage, qui se retrouve dans les eaux charriées par nos rivières puis dans des matières nutritionnelles, constitue un nouveau danger pour l'économie conchylicole. Il me semble qu'il ne faut pas dissocier la lutte contre le dégazage sauvage de celle contre les déballastages.

M. Jean-René GARNIER : Je commencerai par répondre sur les remorqueurs de haute mer : la décision prise de les renouveler a connu un décalage dans le temps car nous avons rencontré un petit problème de procédure de marché public. Aujourd'hui, les appels à candidature ont été lancés, parmi lesquels quatre chantiers ont été retenus. Nous en sommes au stade de l'ouverture des offres pour ces remorqueurs de haute mer qui devraient être en service fin 2004/début 2005.

Deux remorqueurs sont prévus pour remplacer ceux qui sont opérationnels à l'heure actuelle. Ensuite, il s'agira de régler la question de l'utilisation des remorqueurs anciens et de pouvoir les garder en appui dans des zones où le risque est moindre mais qui existe néanmoins, notamment dans le sud de l'Atlantique et, pour la Méditerranée, de couvrir la zone de Sète qui est en plein coeur du Golfe du Lion, une mer difficile. Les décisions sont en phase de concrétisation pour ces nouveaux remorqueurs.

M. le Rapporteur : Les membres de la Commission évoquaient également le fait de travailler de manière européenne. La zone de Sète et Marseille est certes importante, mais au regard du trafic en Méditerranée et du peu d'équipement du côté espagnol à Gibraltar et du côté italien, comme avec l'élargissement de l'Union européenne à un certain nombre de pays maritimes candidats -Malte, Chypre-, la politique européenne devrait prendre tout son sens.

M. Jean-René GARNIER : Nous avons signé un accord avec les Italiens pour les bouches de Bonifacio. Nous appliquons la règle prévue, qui consiste à positionner un remorqueur en cas de très mauvais temps. Lorsque nous mettons un remorqueur sur site, les Italiens en mettent un en alerte.

En ce qui concerne la procédure de commande des remorqueurs, elle est en cours. Je rappelle, par ailleurs, que la Marine, dans le cadre de la loi de programmation militaire, a prévu le renouvellement et l'acquisition de BSHM, c'est-à-dire de bâtiments de soutien de haute mer, premiers éléments d'une lutte antipollution.

Dans ce domaine, nous estimons que c'est au niveau européen que doit être acquis un navire dépollueur important. En revanche, les navires BSHM, qui auraient plusieurs usages et assureraient différentes fonctions de soutien de l'action de l'Etat en mer sur nos côtes, pourraient intervenir de manière plus éclatée.

M. Jean-François COT : Ils interviendraient avec une capacité triple de celle de l'Alcyon et de l'Ailette, bâtiments actuellement utilisés en Atlantique. Ces derniers ont une capacité de 500 mètres cubes alors que les nouveaux disposeront d'une capacité de 1 500 mètres cubes, ce qui est, à l'évidence, sensiblement plus important.

M. Jean-René GARNIER : J'ajouterai un dernier point, presque une boutade, sur les techniques. En effet, ce sont les filets de pêche des pêcheurs basques qui ont été les plus efficaces en termes de quantités récupérées. Pour autant, il faut rester modeste car une bonne moitié des produits polluants a aussi été récupérée par des navires antipollution classiques.

Selon le type et le niveau de concentration du produit, le navire classique de dépollution permettant de récupérer les produits polluants reste un instrument efficace. L'autre technique fut mise au point par les Vendéens au moment du naufrage de l'Erika. C'est pourquoi, dès le début de l'opération du Prestige, Mme Chambon, alors administrateur des Affaires maritimes de Vendée et actuellement conseillère au cabinet de M. Bussereau, a indiqué que la seule technique valable était le ramassage par le « chalut en bœufs ». C'est une des techniques que le préfet maritime a lancée et pour laquelle l'apport des civils est un élément déterminant car eux seuls savent pêcher « en bœufs ». Mais toutes les régions ne pratiquent pas ce type de pêche, notamment la Bretagne, qui heureusement n'a pas été touchée. Les administrateurs des Affaires maritimes avaient d'ailleurs pensé faire de la formation pour apprendre aux pêcheurs à utiliser le chalut « en bœufs », car sa technique est différente du chalut pélagique.

M. Louis GUÉDON : Le chalut pélagique n'était pas du tout adapté. Les Bretons utilisent des chaluts, mais ils ne peuvent pas pêcher en pélagique, c'est complètement différent. Le pélagique est une technique de pêche particulière.

M. Jean-René GARNIER : Il est évident que l'apport de ces civils est important.

M. Jean-François COT : Les quantités récupérées par les navires dépollueurs spécialisés, c'est-à-dire les navires français et européens, représentent 20 000 tonnes, alors que les quantités récupérées par les bâtiments de pêche représentent 30 150 tonnes à la date d'aujourd'hui.

M. Louis GUÉDON : Autrement dit, ils ont « rapporté » plus que les navires classiques. Ils ont pourtant été mobilisés au dernier moment car il a fallu qu'ils soient agréés par le préfet maritime de Brest. Ensuite, seules deux paires de pélagiques sont parties de Vendée. Même en intervenant à tour de rôle, ils ont réussi à atteindre ce bon résultat.

M. Jean-René GARNIER : Ces chiffres incluent tous les pêcheurs, qu'ils soient basques, cantabriques, asturiens, etc...

M. Jean-François COT : Je précise que le produit ramassé par les bâtiments spécialisés était du pétrole presque brut -c'était une émulsion à environ 60%- tandis que le produit ramassé aujourd'hui est plus dilué -avec un taux proche de 35 ou 40%- car il est mélangé avec des algues et parfois des macro-déchets.

Les chiffres globaux sont néanmoins importants car nous avons récupéré au total en mer 50 000 tonnes alors que, lors du naufrage de l'Erika, 1 500 tonnes avaient été récupérées. Mais il est certain que nous avons disposé de plus de temps.

M. Louis GUÉDON : Avec l'Erika, il avait fallu attendre trois semaines avant de trouver des bateaux qui fonctionnaient. On avait essayé plusieurs modèles de pompes qui n'étaient pas adaptées, avant de décider, au bout de trois semaines, de faire appel à des bateaux d'Europe du Nord.

M. Jean-René GARNIER : C'est un point important en ce sens que c'est la plus grosse opération de ramassage de pétrole en mer au monde.

M. Jean-François COT : Dès le 25 novembre, les premiers bateaux antipollution spécialisés, les bateaux français Alcyon et Ailette, étaient les premiers bateaux antipollution devant les côtes de Galice, soit six jours après l'incident.

Quant au problème des déballastages, nous avons commencé à y travailler il y a maintenant plus d'un an. Je n'étais pas encore présent car, comme M. Garnier, j'ai pris mes fonctions le 2 septembre 2002. Dès l'année dernière, nos prédécesseurs avaient lancé un processus de révision des textes législatifs prévoyant les sanctions contre les pollueurs. La nouvelle loi a été votée puis mise en application par une circulaire du Premier ministre du 15 juillet 2002, parue un peu tardivement au Journal Officiel début octobre.

En pratique, ce texte prévoit des plafonds de sanctions plus élevés. Autrefois, la sanction maximale était une amende de 150 000 euros, elle atteint désormais un montant de 600 000 euros. Par ailleurs, la loi simplifie la constatation de l'infraction. En effet, jusqu'alors, celle-ci était difficile car le procureur ou les juges nous demandaient d'apporter un échantillon que l'on irait ensuite vérifier à bord du bateau pour s'assurer qu'il provenait effectivement des fonds de cale.

Maintenant nous avons expliqué la procédure et la manière pertinente de procéder aux constatations aux personnes chargées de la surveillance, c'est-à-dire essentiellement d'une part les douaniers, puisque ce sont leurs avions POLMAR qui interviennent et, d'autre part, la Marine nationale. Les vidéos et les photos sont maintenant acceptées par les juges, ce qui a supposé également, et c'est ce qui est en train de se faire, un travail d'explication auprès des juges.

Tout à l'heure, nous avons mentionné que la nouvelle loi sur la zone de protection écologique (ZPE), qui va être votée, prévoit la création de tribunaux spécialisés. La formation des juges de ces tribunaux spécialisés est en cours, de façon à pouvoir traiter rapidement les différents incidents.

Il est clair que la constatation, en particulier de nuit, demeure aujourd'hui extrêmement difficile. On doit utiliser des caméras à bas niveau de lumière car il faut à la fois observer la pollution et ensuite pouvoir lire le nom du navire. Les satellites donneraient éventuellement une information, mais il faudrait ensuite aller vérifier sur place, avec des moyens nautiques ou aériens.

L'autre problème que je voulais souligner est la situation en Méditerranée, où nous sommes en train de créer une zone de protection écologique. On dit souvent que les problèmes de déballastage découlent du fait que les ports ne disposent pas d'installations permettant aux navires de nettoyer leurs cales ou que ces installations sont trop chères. Je ne crois pas que ce soit tout à fait le cas.

En Méditerranée, le problème est que ces installations n'existent pas dans les ports du Maghreb. Aujourd'hui, tous les ports français sont équipés de moyens fixes ou recourent à des entreprises qui viennent avec des camions et vident les cales de leurs résidus. En revanche, dans les ports du Maghreb, il n'existe rien.

A cet égard, un programme européen sur trois ans, le programme MEDA, a été lancé il y a un an. Il a pris un peu de retard. Ce programme avance « cahin-caha », mais il faut dire que ce n'est pas une priorité pour les autorités de la côte africaine de la Méditerranée.

M. le Rapporteur : Certes, nous sommes encore sous le coup de l'émoi et de l'effroi dus aux naufrages du Prestige et de l'Erika, mais la pollution chronique, due aux dégazages sauvages ou aux déballastages, voire les effluents des rivières d'origine urbaine ou agricole, est beaucoup plus dangereuse pour certaines économies littorales que deux naufrages médiatiques comme ceux du Prestige et de l'Erika.

C'est vraiment un travail de fond de dimension interministérielle parce que cela implique le Secrétariat général de la mer, que vous représentez, mais également les transports, la pêche et l'environnement.

M. Jean-René GARNIER : Il est évident que ce type de pollution est plus nocif pour un certain nombre d'activités économiques qu'une pollution massive que l'on traitera immédiatement. Avec cette pollution qui agit comme un poison diffus, poissons et coquillages peuvent être atteints. En France, les instruments juridiques et les outils portuaires existent pour lutter contre cette pollution, mais le problème réside dans la capacité de contrainte.

Dans ce débat, qui sera évoqué d'ailleurs aussi au niveau européen, deux solutions sont possibles. La première consiste à fixer la règle suivant laquelle soit le bâtiment arrive avec un certificat de déballastage, soit il effectue obligatoirement le déballastage dans le port.

Une autre solution, appliquée en Norvège me semble-t-il, est celle des « frais portuaires tout compris ». Que le navire déballaste ou pas, de toute façon il paie ce service. C'est un moyen d'inciter les navigants à le faire.

En tout cas, je crois qu'il faut se mettre d'accord pour éviter de créer des distorsions de concurrence entre les ports car, si à Marseille par exemple, on oblige au déballastage, les bateaux iront à Gênes. Au niveau de la pollution, nous aurons peut-être fait une avancée, quoique le bateau déballastera peut-être quand même, mais nous aurons perdu un point sur le plan économique. Ce sont donc là des mesures qu'il faut impérativement prendre au niveau européen, dont c'est d'ailleurs la compétence.

Il s'agit, en l'occurrence, d'un problème touchant les ports et non pas un problème relevant de l'Organisation maritime internationale ou autre. Une décision européenne peut donc être prise. Il serait tout à fait légitime d'avoir une législation européenne plus sévère en matière de déballastages obligatoires, voire de mettre en place des certificats de déballastage. C'est un point important, mais j'insiste sur le fait que cela ne peut se faire qu'au niveau européen, sinon nous risquerions de créer des distorsions si certains pays conservaient des comportements trop laxistes.

Cette dernière remarque ne s'applique pas à l'Italie, qui est une nation maritime très pointilleuse sur ce qui se passe en mer. Cela concerne plutôt certains pays au nord de la France où, la liberté étant plus forte, on serait peut-être moins exigeant. Contrairement à ce que l'on croit, le taux de contrôle des Italiens est très bon, et leur taux de retenue élevé.

M. le Président : Ce serait un rôle dévolu à l'Agence européenne.

M. Jean-René GARNIER : Il me semble que c'est en effet à elle qu'il revient de faire cela.

M. le Président : Merci. Nous allons maintenant passer à une autre série de questions.

M. Jacques LE GUEN : Tout d'abord, je voudrais revenir sur les mesures de Malaga. J'avoue que je ne comprends pas bien l'articulation entre la décision, d'un côté de définir des zones refuge et, de l'autre, d'envoyer les bateaux au large de nos côtes. S'ils coulent hors de la zone économique exclusive, le risque de pollution diffuse est beaucoup plus important, de même que les difficultés techniques pour limiter cette pollution sont beaucoup plus lourdes. C'est le constat que l'on fait aujourd'hui, quand il s'agit de trouver une solution technique pour récupérer le fioul du Prestige à 3 500 mètres de profondeur.

Ma deuxième question concerne le poids de la France au sein de l'OMI, car nous ne représentons en fait qu'une faible part de la flotte mondiale aujourd'hui. Quelle est la volonté du Secrétariat général de la mer pour le renforcement de la flotte française et de sa présence sur tous les océans ? Que pensez-vous du renforcement ou de la création d'un pavillon plus facile à gérer sur un territoire peut-être autre que national pour les flottes françaises ?

Mme Marylise LEBRANCHU : Je reviendrai pour ma part sur la question des certificats de déballastage. Je reste persuadée que le certificat obligatoire au déballastage payé est la bonne mesure. Pouvez-vous dire si aujourd'hui, au sein de la Commission et au niveau politique, on avance dans le sens de cette proposition ? En effet, j'ai eu l'impression, y compris après l'Erika, qu'il y avait un accord, assez global mais flou, des représentants des gouvernements, mais qu'en revanche, on ne savait pas très bien qui allait mettre ensuite la proposition sur la table.

Par ailleurs, existe-t-il une cartographie mondiale des accidents et de leurs causes ? Il semble qu'ils sont nombreux sur nos côtes alors qu'en fait, il y en a globalement assez peu. Existe-t-il des banques de données qui vous permettent d'utiliser cette cartographie ? Les dégâts de pollution sont-ils importants partout ? A cet égard, après l'Erika, nous sommes allés au Maroc où les déballastages et les dégazages provoquent des dégâts impressionnants. Nous avons été étonnés de voir dans les ports des méthaniers et transporteurs de produits chimiques dans des états effrayants.

Mon dernier point concerne le programme MEDA. J'ai été profondément choquée, et c'est là que vous pouvez intervenir, par le fait que les fonds n'ont pas été dépensés. En fin de phase pluriannuelle, on reprend ces fonds, on les réserve pour les pays candidats ou à d'autres, mais on ne les dépense pas. Sur un problème aussi crucial que celui de la pollution maritime, ne pourrait-on pas suggérer, via le gouvernement français, d'utiliser les crédits MEDA de façon quasi autoritaire sur ce sujet ?

M. Louis GUÉDON : M. le secrétaire général, votre exposé montre une volonté de prendre tous ces problèmes à bras le corps. C'est assez rassurant. Mais j'aimerais avoir quelques précisions sur votre exposé initial.

Vous avez mentionné les critères de recrutement des inspecteurs, qui, au niveau des rendements, atteignaient un taux de contrôle de 9% en juin et qui maintenant en sont à 25%. Vous avez évoqué la possibilité d'embaucher, sous forme contractuelle, d'anciens commandants de navire ou d'anciens ingénieurs en chef mécaniciens qui ont une expérience de la navigation. Quelle est la qualité des critères de recrutement des nouveaux inspecteurs ? Ont-ils l'expérience nécessaire pour pouvoir effectuer ce travail par rapport à ces anciens navigants qui étaient d'excellents marins ?

Par ailleurs, a été mentionnée la nécessité d'élever le niveau des équipages. Nous sommes bien d'accord, mais si nous en sommes là, c'est parce que la politique des salaires des équipages n'est pas compatible avec la rentabilité des armateurs qui fait que ces derniers ne peuvent plus se payer les équipages que l'on a connus il y a trente ou quarante ans. Quelle politique pourrait-on mener pour améliorer la qualité des équipages ?

Vous avez mentionné le niveau des dédommagements en expliquant que le FIPOL, dont le plafond était à 183 millions d'euros, allait atteindre à 256 millions, avant de passer éventuellement à un milliard. Par ailleurs, vous nous avez dit que si l'OMI refuse de valider ce niveau de dédommagement, vous vous adresserez au fonds européen communautaire. Mais alors qui va payer ? Sont-ce les contribuables en général, ou les pollueurs/payeurs, qui devraient alimenter ce fonds de dédommagement ?

Concernant l'accident dû au nitrate d'ammonium et survenu en 1947 à Brest, il me semble préférable de ne plus s'y référer. Nous savons que, pour que ce produit explose, il faut trois conditions : que le nitrate d'ammonium soit chimiquement impur, qu'il y ait une élévation de température et qu'aient lieu des chocs. Pour ma part, j'importe 50 000 tonnes de ce produit par an et je connais donc bien le problème. On agite cet accident comme étant le monstre du Loch Ness, mais nous connaissons maintenant suffisamment le dossier pour savoir le traiter.

Ensuite, vous avez abordé le problème des produits à faible valeur ajoutée contenus dans la cargaison du Prestige comme de l'Erika. La question juridique était de savoir si on avait affaire à une cargaison ou à un déchet. En effet, si juridiquement on établit que c'est un déchet, il doit rester sur le lieu de production et ne doit pas prendre la mer. Si d'aventure, la notion de déchet n'est pas retenue et que le produit peut naviguer, vous avez évoqué à ma grande joie l'obligation de déterminer de nouvelles routes de navigation. Ces produits dangereux doivent-ils passer au nord de l'Ecosse, au large de l'Europe, etc. ? Peut-on déterminer de nouvelles routes de navigation qui puissent nous mettre à l'abri de ces catastrophes ?

Quant au problème des double-coques, à l'époque du naufrage de l'Erika, il avait été dit que les nouvelles double-coques devaient satisfaire deux critères :

- une distance suffisante, entre les deux coques, pour permettre le passage d'un homme afin de surveiller la coque intérieure,

- l'obligation de ce passage d'homme car s'il n'existait pas, lors du choc d'un navire avec un double coque n'ayant pas ces critères, l'addition de la vitesse et de la masse faisait que la double coque ne servait à rien et qu'elle était déchirée par le choc lui-même.

Ces remarques sont-elles retenues dans la conception envisagée des nouvelles double-coques ?

M. Didier QUENTIN : Je souhaiterais deux compléments d'information sur les déballastages et les dégazages qui, lors de la mission conduite par M. Guy Lengagne, nous ont beaucoup interpellés. J'ajoute aux outils juridiques et portuaires qui ont été rappelés, les outils techniques. Il a été question, notamment en Grande-Bretagne, de la possibilité dans la construction navale de construire des bateaux où les dégazages et les déballastages seraient techniquement impossibles, hors des ports équipés pour cela. Est-ce une piste sérieuse, car cela constituerait, en grande partie, une solution au problème ? D'autre part, serait-il possible d'envisager un système de traçage du type « ADN » ou autre, ou un marqueur qui permettrait en tout cas de détecter l'origine de la pollution ?

A la lumière de votre expérience, que pensez-vous de l'idée d'un corps de garde-côtes européens ? Cela vous semble-t-il faisable ou opérationnel ? Ces corps de garde-côtes existent déjà aux Etats-Unis. Pourrait-on faire de même en Europe ?

J'ajouterai que l'on n'insistera jamais assez sur la nécessité de développer la coopération avec un grand nombre de pays tiers, notamment par le programme européen MEDA, en raison de la pollution qui touche le sud du bassin méditerranéen comme d'autres zones du monde telles que l'Extrême-Orient.

M. Jean-René GARNIER : S'agissant des mesures de Malaga, l'apparente contradiction entre l'éloignement des navires et la création de ports de refuge, est une question d'appréciation. Le port-refuge concerne un navire en difficulté. Par conséquent, toutes les règles et instructions en vigueur concernant les navires en détresse, qui ont été élaborées et vont être réévaluées, s'appliqueront. Le fait d'écarter un navire qui paraît douteux est plus délicat.

Je vous rappelle que le Prestige a mis six jours à couler définitivement. Rajouter un coût élevé sur un produit dont la marge est faible -ce qui est le cas lorsque vous obligez un navire à faire 3 000 kilomètres de plus-, cela peut être décourageant. Quand vous doublez ou triplez le coût du voyage, vous diminuez la marge, mais le résultat semble être le rajeunissement de la flotte, ce qui est apparemment contradictoire.

Il est certain que nous parvenons à gêner les responsables du transport de produits à faible valeur ajoutée. En matière de police, on ne peut pas toujours gagner contre les voleurs, mais il faut les gêner. Comme pour une maison, plus il est difficile d'y rentrer, moins elle sera cambriolée.

Quant à la place de la France dans l'OMI, je vous renvoie au rapport sur le renouvellement de la flotte et la possibilité d'améliorer le pavillon que le sénateur M. de Richemont élabore actuellement à la demande du gouvernement. Je connais ses propositions, mais je lui laisse le soin de vous en faire part. La volonté du gouvernement, et notamment de M. Bussereau, consiste à restaurer notre pavillon. Un certain nombre de mesures peuvent être prises et aboutir.

A cet égard, je vous renvoie aux propos du plus gros armateur belge et luxembourgeois, dont le pétrolier, le Limburg, a été attaqué dans le Yémen, qui dit qu'avoir un bon pavillon, notamment un pavillon français, cela compte et que la capacité de la France en matière maritime l'a aidé pour traiter cet incident : nous avons pu envoyer les navires de la Marine nationale pour l'appuyer. Selon cet armateur, si le bateau avait été panaméen, la Marine nationale n'aurait rien pu faire.

Cette question renvoie aussi à l'exigence du maintien d'un niveau élevé des équipages. Dans le cadre des mesures de relance de la flotte, des propositions très claires et très précises seront faites quant aux garanties que nous souhaitons obtenir, même dans le cadre d'un registre nouveau, sur la qualification des équipages et la manière de reconnaître la qualification des équipages. Cela reste un des points forts de la politique du gouvernement.

En matière de navires propres, pour évoquer le problème des déballastages et de la pollution européenne, il existe à cet égard une directive européenne qui devrait être transposée dans les différents Etats. Nous y travaillons à l'heure actuelle pour transposer en droit les règles sur les navires propres.

Cela rejoint d'ailleurs l'intervention de M. Quentin. Une des possibilités qu'utilisent notamment les Etats-Unis est l'impossibilité de vider le bateau à la mer, notamment pour la plaisance. En effet, en l'absence de trappe pour vider à la mer, comme vous ne pouvez pas faire un trou dans le fond de votre bateau, le seul moyen est naturellement de passer par le haut du navire. C'est la technique qu'appliquent de plus en plus les Américains. Il existe donc des outils juridiques, mais aussi des moyens techniques pour éviter que les bateaux ne rejettent en mer. L'absence de trappe est certainement une des voies techniques les plus simples.

En ce qui concerne la liste des catastrophes mondiales, je vous suggère de poser la question à M. Tourret, qui pourra vous apporter des réponses plus précises.

S'agissant du programme MEDA, il y a à la fois une relance de notre part et une relance conduite au niveau gouvernemental pour inciter notamment nos voisins algériens à équiper le port de Bône, le plus rapidement possible.

En ce qui concerne les inspecteurs, ils peuvent être classés dans deux catégories :

- les inspecteurs de formation recrutés par concours, à la suite des différents comités interministériels de la mer de 2000 et 2001 ;

- les inspecteurs recrutés comme vacataires, choisis parmi les navigants ayant depuis peu quitté le métier. Ils sont recrutés après avis des inspecteurs « anciens », c'est-à-dire après validation de leurs capacités et du niveau de leur responsabilité. Ensuite ils ne sont qu'auxiliaires et demeurent supervisés par des inspecteurs.

Dans ce deuxième cas, l'objectif est clair, il s'agit de choisir des personnes qui ont encore la main et qui étaient encore sur un navire il y a peu et sont donc opérationnels. C'est le choix qui a été fait, en utilisant la possibilité, avec la double qualification machine/pont, d'avoir des personnes capables d'effectuer ces inspections dans leur intégralité.

Sur le niveau des équipages à venir, je laisserai le soin au sénateur de Richemont, dans son rapport, de présenter ses propositions.

Quant au dédommagement, l'objectif est de porter le FIPOL au niveau d'un milliard d'euros. Nous espérons y parvenir, mais il est évident que si ce n'est pas le cas, le contribuable devra être appelé à payer. Nous souhaitons plutôt que ce soit le FIPOL, voire imaginer un autre mode de financement qui s'adresserait aux pays producteurs. Dans une telle hypothèse, si le producteur vend des milliers de litres de pétrole, il paiera une taxe assise sur le volume. L'Europe pourrait fixer cela comme règle. Je ne sais pas quelle serait la réaction de l'Organisation mondiale du commerce, mais c'est une des voies à envisager. Il est certain qu'il serait regrettable que l'échec des négociations avec le FIPOL, qui prévoir un mécanisme jouant sur les importateurs de pétrole, rende nécessaire la mise en place d'un dispositif communautaire. Mais ce n'est pas non plus impensable car l'Europe est en mesure de le faire.

Concernant les déchets, si on interdit leur transport, il faut organiser leur élimination. Vous connaissez à l'heure actuelle les difficultés rencontrées pour la récupération notamment des vieilles huiles. C'est l'éternel débat : doit-on les utiliser pour les serristes du Nord Finistère ou les brûler ? Il faudra un jour évoquer ce sujet. Si on ne veut pas transporter ces produits, il faudra réfléchir à leur élimination. Je ne vois pas bien comment les régénérer puisque ce sont des résidus de la production. On sait probablement les brûler sans créer de pollution, même de soufre. J'ai le souvenir qu'il n'y avait aucune pollution dans le procédé de brûlage de ces huiles industrielles mis au point par l'usine SKF. Cela existe, mais pour l'instant ce n'est pas agréé et c'est contraire à la politique générale visant à l'élimination de ces produits.

En ce qui concerne les double-coques, je vous ai indiqué tout à l'heure ce que l'on pouvait en penser.

Je terminerai sur les garde-côtes européens. Ma réaction est la suivante. Je ne voudrais pas que les garde-côtes européens soient un alibi pour ne pas faire de garde-côtes chez nous. Or créer un corps des garde-côtes en France suppose de mettre, sous l'autorité d'un patron unique, l'ensemble des moyens nautiques de l'Etat.

Cela rencontre quelques réticences de la part des Affaires maritimes et de la douane, qui ont une certaine autonomie. Je dirai qu'ils se comportent un peu en « chauve-souris », un certain nombre de services disant dépendre, selon les cas de figure, du préfet, du préfet maritime ou de l'amiral. Il faut mettre fin à ce type d'ambiguïtés : une administration doit être dirigée. La seule possibilité consiste à mettre tous ces moyens sous l'autorité fonctionnelle du préfet maritime, comme l'a fait le ministère de l'Intérieur pour les gendarmes en les mettant sous la seule autorité du préfet.

Certes, pourquoi pas un corps de garde-côtes européens. Mais faisons d'abord nos propres garde-côtes. La semaine dernière, j'ai rencontré les garde-côtes américains. Les Etats-Unis ont dix districts commandés par un amiral. Si nous devions créer un corps de garde-côtes européens, il y aurait X districts commandés par une zone. Je crois que l'intégration de garde-côtes existants serait plus facile.

J'ajouterais un autre problème, à savoir qu'un corps de garde-côtes européens n'aurait que des compétences réduites, en n'exerçant des compétences que dans le domaine spécifiquement communautaire. Dans ce cas, ils n'auront pas toutes les compétences du corps de garde-côtes américains qui me parait être un modèle, car ce corps exerce des compétences régaliennes. Je vous rappelle que les missions des garde-côtes sont la lutte contre la pollution et la police de l'environnement, mais aussi la lutte contre l'immigration clandestine par voie de mer. Il me semble plus facile d'intégrer des garde-côtes français, italiens, espagnols, notamment sur des missions spécifiques, plutôt que de créer un corps de garde-côtes européen. Je crois au système des garde-côtes. Mais on peut parfaitement procéder par des intégrations européennes, comme cela se fait d'ailleurs actuellement en matière de lutte contre l'immigration clandestine. Dans ce cas précis, on se trouve bien dans une compétence européenne relevant de l'accord de Schengen. Il existe en effet une flotte constituée en Méditerranée, l'Euromarfor, composée de navires français, italiens et espagnols qui contrôlent l'immigration potentielle en Méditerranée, dans le cadre d'accords européens.

Il me semble donc qu'il convient plutôt de commencer par intégrer les différents garde-côtes nationaux et, dans une seconde phase, de chercher à mettre en place un système plus unitaire. Mais commençons par mettre en place notre propre corps de garde-côtes au niveau national.

Pour avoir géré les affaires de l'ISI à l'Esterel, il parait préférable d'être en amont. Les missions maritimes incluent la lutte contre les narcotrafiquants en Méditerranée et aux Antilles -sur ce dispositif, nous sommes très associés avec les Américains-, la mission de défense et la fonction de contrôle de sécurité des navires. Parmi ces compétences, certaines sont nationales, d'autres européennes.

Je ne crois pas qu'il faille attendre que ce dispositif devienne européen. Commençons par rendre cohérent notre système national, avec un corps de garde-côtes français bien structuré et ayant les mêmes compétences que les garde-côtes espagnols ou italiens. Puis un jour, on peut envisager de l'organiser de façon européenne. Il ne faudrait pas que l'idéal empêche de faire l'immédiat : si nous savons prendre les décisions, nous pouvons avoir un corps de garde-côtes français dans les mois à venir.

M. le Président : Je vous remercie.

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1 ENIM : Etablissement national des invalides de la Marine


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