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Assemblée nationale

Commission élargie

commission Élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires culturelles
et de l’éducation

Commission des affaires économiques

Commission du développement durable
et de l’aménagement du territoire

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mardi 26 octobre 2010

Présidence de M. Jérôme Cahuzac,
président de la Commission des finances,
de Mme Michèle Tabarot,
présidente de la Commission
des affaires culturelles,
de M. Patrick Ollier,
président de la Commission
des affaires économiques,
et de M. Christian Jacob,
président de la Commission
du développement durable

La réunion de la commission élargie commence à neuf heures.

projet de loi de finances pour 2011

Recherche et enseignement supérieur

M. le président Jérôme Cahuzac. Madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, monsieur le ministre chargé de l'industrie, je suis heureux de vous accueillir, avec Michèle Tabarot, présidente de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, Patrick Ollier, président de la Commission des affaires économiques, et Christian Jacob, président de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits consacrés à la mission « Recherche et enseignement supérieur », qui est la mission interministérielle par excellence.

Vous connaissez bien la procédure de la commission élargie, chers collègues. Pour permettre des échanges directs et vivants avec les ministres, elle suppose un effort de concision de la part de chacun, en renonçant autant que possible aux longs exposés pour laisser toute leur place aux questions et aux réponses.

Nos rapporteurs sont nombreux – pas moins de neuf –, alors que les problématiques de la recherche et de 1’université sont assez distinctes. C’est pourquoi, afin de clarifier et d’organiser la discussion, je propose, si vous en avez convenance, que nous traitions successivement de la recherche, puis de l’enseignement supérieur. Sur chacun de ces deux sujets, nous entendrons d’abord les questions des rapporteurs, celles des porte-parole des groupes et enfin celles des députés, qui s’exprimeront dans l’ordre dans lequel ils se seront fait connaître. Pour une bonne organisation du débat, et en accord avec les trois présidents des autres commissions, il conviendra de respecter nos règles du jeu : les rapporteurs, ainsi que les porte-parole des groupes, disposeront de cinq minutes pour poser leurs questions, les autres collègues de deux minutes.

Cette année, la discussion sur les moyens de la recherche s’est largement engagée dès la première partie du projet de loi de finances, avec le débat sur l’évolution du crédit d’impôt recherche, et le mérite en revient à trois de nos rapporteurs : Jean-Pierre Gorges, Alain Claeys et Pierre Lasbordes. Grâce à leur rapport au nom de la Mission d’évaluation et de contrôle et à leurs propositions lucides et courageuses en vue de conforter et moraliser le crédit d’impôt, ils ont incontestablement fait progresser la réflexion collective. Leurs amendements, cosignés avec les présidents de la MEC, ont utilement servi de base de discussion avec le Gouvernement.

Il faudra aussi parler des crédits, des réformes de l’enseignement supérieur et du cadre général de la politique du Gouvernement.

Mme la présidente Michèle Tabarot.. Je salue Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et M. le ministre chargé de l’industrie que les membres de la Commission des affaires culturelles sont heureux d’accueillir. Nous les remercions de leur disponibilité.

Notre commission a désigné deux rapporteurs pour avis : Bernard Debré, qui s’est penché sur la recherche et qui a travaillé plus particulièrement sur la réforme du système français de recherche, ainsi qu’Olivier Jardé qui a étudié les crédits de l’enseignement supérieur, et souhaité intervenir sur le rapprochement entre les universités et les grandes écoles.

M. le président Patrick Ollier. Je salue à mon tour Valérie Pécresse et Christian Estrosi et j’approuve le président Jérôme Cahuzac, qui nous invite à respecter la procédure de façon que les commissions élargies ne durent pas plus longtemps que prévu.

La Commission des affaires économiques a désigné trois rapporteurs pour avis : Pierre Lasbordes pour les grands organismes de recherche, Daniel Paul pour la recherche industrielle, et Geneviève Fioraso pour la recherche dans l’industrie et l’énergie.

La vocation d’une commission élargie est d’offrir un cadre propice à un échange interactif et constructif avec le Gouvernement, dont nous sommes plus proches que dans l’hémicycle. Pour y parvenir, nous devons éviter de poser des questions de stratégie, qui n’ont rien à voir avec le budget et qui doivent être traitées au fond au sein de chacune des commissions compétentes. J’appelle donc mes collègues à s’en tenir au strict domaine budgétaire de sorte que le débat soit plus vivant.

M. le président Christian Jacob. Je salue moi aussi Valérie Pécresse et Christian Estrosi, avant de signaler à mes collègues de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire que le vote des crédits aura lieu demain matin.

M. Laurent Hénart, suppléant M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur spécial pour les politiques de la recherche. Madame et messieurs les présidents, madame et monsieur les ministres, je vous prie tout d’abord d’excuser Jean-Pierre Gorges, qui a beaucoup travaillé sur les politiques de recherche et qui m’a seulement demandé de porter sa parole.

Il souhaitait commencer son exposé en soulignant l’évolution considérable des crédits consacrés à la recherche au cours des cinq dernières années, depuis les engagements pris dans le cadre de la loi de programmation, suivis par les efforts entrepris depuis 2007. Trois sujets méritent selon lui d’être abordés : le crédit d’impôt recherche, qui lui tient à cœur, et à propos duquel il voudrait connaître, au-delà des orientations prises dans la loi de finances, les intentions du Gouvernement pour répondre au rapport de la MEC dont il était l’un des corapporteurs ; la mise en œuvre du grand emprunt –particulièrement les consommations des crédits en 2011 –, et son articulation avec les dispositifs déjà en vigueur pour favoriser la recherche et l’excellence ; la maîtrise des crédits de fonctionnement et le fonctionnement courant des organismes nationaux de recherche.

Enfin, il s’interroge sur la mise en œuvre de la prime d’excellence scientifique. Qu’en attendiez-vous, madame la ministre, et qu’en attendez-vous encore pour les exercices à venir ? Comment pourrait-elle servir à dynamiser la gestion des établissements et l’excellence de notre recherche ?

M. Alain Claeys, rapporteur spécial pour la recherche dans le domaine du développement durable. Globalement, Mme la ministre pourrait-elle nous expliquer comment stabiliser dans le temps les trois outils essentiels dont dispose l’État en matière de recherche, à savoir le crédit d’impôt recherche, les financements de l’Agence nationale de la recherche (ANR) et les financements des organismes de recherche ?

Qu’en est-il des engagements du Grenelle de l’environnement en matière de recherche, notamment de celui consistant à consacrer 1 milliard au développement durable ? Quel peut être l’impact de l’évolution budgétaire sur notre politique de recherche et sur la gouvernance qu’il faudrait adopter pour s’assurer d’une bonne utilisation des crédits ? Aujourd'hui, les crédits proviennent de moyens exceptionnels ou extrabudgétaires, à savoir le plan de relance et le grand emprunt.

Je me réjouis que la loi de programmation pluriannuelle sanctuarise en quelque sorte les crédits de recherche. Mais tel n’est pas le cas des crédits destinés à la politique de recherche dans le domaine du développement durable. Certains opérateurs majeurs voient leurs subventions de service public décrocher très fortement. Peut-on parler d’un effort quand les crédits baissent de 20 %, comme à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) ? À l’IFP Énergies nouvelles, les crédits diminuent de 11 %. Quant à l’Agence de l’environnement et de la de maîtrise de l’énergie (ADEME), qui est l’opérateur majeur du secteur, ses moyens budgétaires sont en retrait de 23 % tandis que le projet de loi de finances lui affecte par ailleurs une fraction supplémentaire de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP).

Il faudra que la Commission des finances fasse la lumière sur cette politique qui consiste à remplacer progressivement les crédits de l’ADEME par une fiscalité affectée sur laquelle le Parlement perd tout contrôle.

J’ai bien reçu des services un tableau général de mise en œuvre du Grenelle, qui chiffrerait l’effort supplémentaire à 902 millions d’euros dès 2010, mais je ne peux que constater un écart évident entre cette synthèse et les chiffres budgétaires annuels. Pourriez-vous nous donner des indications précises sur les moyens supplémentaires destinés au Grenelle ? Au-delà des chiffres, quelles sont les politiques nouvelles qui ont été engagées ?

Entre le plan de relance et le grand emprunt, des moyens exceptionnels et extrabudgétaires extrêmement importants sont affectés à la recherche, et c’est une très bonne chose. Si l’on en croit les conventions, les investissements d’avenir représentent 21,75 milliards de crédits nouveaux. Pour l’enseignement supérieur et la recherche, leurs opérateurs sont l’ANR et l’ADEME. Que doit-on penser quand la perspective de moyens nouveaux est systématiquement compensée par une baisse des moyens budgétaires ? La subvention de service public de l’ANR baisse cette année de 71 millions d’euros, c'est-à-dire de 8 %, et celle de l’ADEME chute de 20 %. Vous m’objecterez, madame la ministre, que le grand emprunt affectera à l’ANR près de 18 milliards d’euros. Certes, mais une grande partie de ces crédits ne sont pas consomptibles et le versement de cette somme sera échelonné sur plusieurs années. Au total, il n’est pas du tout évident que les moyens nouveaux soient aussi colossaux qu’on pouvait le penser compte tenu des coupes budgétaires. D’ailleurs, les opérateurs concernés, que nous avons auditionnés, ont du mal à voir clair dans ces évolutions contradictoires.

Par ailleurs, j’éprouve de grandes inquiétudes au sujet de la gouvernance qui préside à l’utilisation des moyens exceptionnels. Les choses ne doivent pas être simples pour votre propre ministère, madame la ministre. Pour le grand emprunt, la logique est totalement inverse à la logique budgétaire : on débloque des moyens importants dans une certaine urgence, sans stratégie claire des programmes sélectionnés et, surtout, sans réelle vision à long terme des moyens qui seront affectés.

Au total, je redoute que, dans la confusion qui règne, les crédits destinés à des investissements d’avenir ne financent des conventions en cours. D’ailleurs, plusieurs conventions ont déjà cet objectif : opération Campus, et Instituts Carnot par exemple. En somme, l’opération de communication autour du grand emprunt pourrait se solder par un financement par l’emprunt des politiques mises en route depuis 2006 ou 2007 et non financées pour l’instant. Financer à crédit des engagements passés, voilà un principe qui n’est pas sain budgétairement. Qu’en pensez-vous, madame la ministre ?

M. Bernard Debré, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles, pour la recherche. À Mme la ministre et M. le ministre, que je remercie d’être ici, j’aurais quatre questions à poser.

Ma première question portera sur l’ANR, une nouveauté qui s’est révélée très bénéfique pour la recherche. Mais il semblerait que son budget prévisionnel, qui était de l’ordre de 1,3 milliard pour 2011-2012, soit légèrement moins important qu’on pouvait l’espérer. Après une baisse de 70 millions cette année, le budget perdra 10 millions l’année prochaine et 10 millions encore l’année suivante. En réalité, cette baisse sera compensée par le grand emprunt qui viendra abonder les crédits de l’ANR. Mais ces dotations ne sont pas exactement de même nature et j’ai l’impression que ce mode de financement fera de l’ANR un banquier sans réel pouvoir de décision.

Comment voyez-vous, madame la ministre, l’avenir de l’ANR, sachant que 26 % des projets présentés ont été retenus et que, dans l’année qui vient, ce taux tombera à 20 % ?

Toujours à propos de l’ANR. Il faut distinguer, d’une part, les projets thématiques, qui sont l’expression de la politique de recherche et, d’autre part, les projets blancs qui émanent de la base des chercheurs. L’ANR a envisagé une ventilation à parité entre les deux types de projet. Ne pensez-vous pas, madame la ministre, qu’il serait important de développer des projets « super-blancs », qui bénéficieraient à des chercheurs désignés nommément, même sans projet précis ? Il s’agirait de leur faire confiance, pour qu’ils puissent mener leurs recherches et l’évaluation serait effectuée a posteriori.

Ma deuxième question concernera le CNRS. Depuis un an, le CNRS, qui formait les chercheurs, et les universités en charge des étudiants se sont rapprochés. En ce qui concerne la médecine et la recherche médicale, il a été envisagé d’instituer des instituts hospitalo-universitaires qui sélectionneraient les CHU d’excellence et fusionneraient la recherche, l’enseignement et le soin mieux qu’aujourd'hui. C’est ce qu’avait suggéré une commission qui avait été créée lors de la loi hospitalière, et qui était présidée par le professeur Marescaux. Où en est-on des recommandations qu’elle avait formulées ?

Troisièmement, j’aurais une proposition à vous faire. Le paysage audiovisuel s’est considérablement enrichi, grâce à la gamme des chaînes thématiques. Mais aucune n’est consacrée à la recherche et à la science. Les chercheurs sont unanimes, et les téléspectateurs très nombreux, à le déplorer. On s’en est rendu compte quand on a discuté des OGM ; beaucoup d’entre nous n’étaient pas très au fait de tous les problèmes posés. Nous avons une recherche extraordinaire qu’il serait bon d’accompagner par une chaîne qui pourrait vulgariser ses travaux et ses découvertes.

Quatrièmement, que faisons-nous pour la recherche en Afrique, où elle est en train de disparaître ? Il reste encore quelques centres au Gabon comme le Centre international de Franceville.

Devons-nous accompagner la recherche en Asie ?

Envisagez-vous, madame la ministre, de débloquer quelques crédits pour aider les chercheurs installés à l’étranger ?

M. Pierre Lasbordes, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques, pour les grands organismes de recherche. Mesdames, messieurs, comme l’année dernière, je me félicite de l’effort entrepris en faveur de la recherche et de l’enseignement supérieur dans le budget de 2011, compte tenu du contexte économique que l’on connaît. Les crédits de paiement sont en progression de 470 millions d’euros, dont 268 millions iront spécifiquement à la recherche – hors opération Campus, CIR et grand emprunt.

Au-delà de cette évolution très appréciable, je souhaiterais toutefois attirer votre attention, madame la ministre, sur certaines difficultés rencontrées par les organismes de recherche.

En premier lieu, la dotation de l’Agence nationale de la recherche est en baisse de 68 millions, ce qui devrait la conduire à pratiquer en 2011 des taux de sélection des projets de l’ordre de 15 %, contre 26 % en 2005. Or, au-dessous du seuil de 20 %, une désaffection des industriels et un découragement des chercheurs sont à craindre. La diminution de la dotation ne risque-t-elle pas, madame la ministre, de contrarier la stratégie nationale de recherche et d’innovation, qui repose en partie sur le succès remporté par le mécanisme de l’appel à projets ?

En second lieu, les grandes infrastructures de recherche représentent une lourde charge financière pour certains organismes, au premier chef le CNRS. Celui-ci dispose d’une ligne budgétaire de 187 millions d’euros pour assurer la gestion de trente-neuf équipements, et le synchrotron SOLEIL en absorbe à lui seul 43,7 millions. Or, le CNRS indique que plusieurs dépenses obligatoires de certains programmes, notamment de l’accélérateur de particules LHC – Large Hadron Collider –, ont été sous-évaluées, ce qui le contraindra à réduire de 15 à 20 millions d’euros sa dotation aux unités de recherche en 2011. L’IFREMER est confronté à la même difficulté s’agissant de sa flotte océanographique, la croissance apparente des crédits dans le PLF se traduisant en réalité par une réduction de l’enveloppe de 1 million d’euros.

Compte tenu de ces éléments, il apparaît nécessaire d’accroître le soutien aux organismes de recherche, et éventuellement de définir de nouvelles modalités de financement. Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, il a donc été demandé aux établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) de facturer l’utilisation des équipements qu’ils mettent à disposition, l’objectif étant de parvenir à 6 millions d’euros de recettes en 2011, dont 4,5 millions pour le CNRS. Or, pour certains programmes, notamment le programme SOLEIL, le nombre d’utilisateurs privés représente moins de 1 % de l’ensemble, sans compter qu’ils risquent de s’adresser à d’autres installations en Europe, notamment en matière de synchrotrons et de calculateurs. Dans ce contexte, madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour assurer le financement des très grandes infrastructures de recherche ? Par ailleurs, que peut-on attendre de la tarification à l’usage ?

En troisième lieu, le secteur spatial est au cœur des développements de la recherche et, vous le savez, madame la ministre, j’y porte une attention particulière. À cet égard, je prends note avec très grande satisfaction de l’augmentation de plus de 10 % de la contribution française à l’Agence spatiale européenne (ESA), qui est portée à 755 millions d’euros. Ainsi, la France devrait apurer sa dette d’ici à 2015.

De même, le Centre national d’études spatiales fait partie des rares établissements à ne pas être soumis à la contrainte de réduction de ses dépenses de fonctionnement.

Toutefois, certaines inquiétudes demeurent. Le budget multilatéral du CNES connaît, certes, une hausse appréciable de 2,6 %, mais il devrait ensuite rester constant sur la période 2011-2013, ce qui risque de contraindre fortement la capacité d’investissement du Centre. Quels sont les engagements de l’État dans le contrat d’objectifs 2011-2015 ?

Par ailleurs, le Commissariat à l’énergie atomique va être confronté dès 2011 à un pic d’investissement dû au développement du réacteur Jules Horowitz. La progression de 11,6 millions du budget du CEA pour 2011 doit être mise en regard des 49 millions de charges, dont 35 millions au titre du réacteur de Jules Horowitz, 10 millions au titre de la masse salariale et 8 millions destinés à la rénovation immobilière d’urgence. En conséquence, à moins de reporter le programme à 2012, le CEA devra réduire de 37 millions d’euros, soit une baisse moyenne de 3,5 %, son concours aux autres programmes de recherche dès l’année prochaine.

Madame la ministre, quelles perspectives de financement envisagez-vous pour permettre le développement du projet Jules Horowitz, qui exigera le versement de 230 millions d’euros supplémentaires entre 2011 et 2015 ?

IFP Énergies nouvelles verra ses crédits diminuer de 12 % en 2011, sachant qu’une baisse supplémentaire de 3 % par an est programmée pour 2012 et 2013. Or, le nouveau contrat pluriannuel 2011-2015 renforce le rôle de l’IFP dans un secteur fondamental, les nouvelles technologies de l’énergie. Le changement de nom de l’Institut, souhaité par le président de la République dans son discours de Chambéry du 9 juin 2009, en constitue d’ailleurs la traduction. Madame la ministre, pouvez-vous reconsidérer la dotation de cet organisme pour les années 2012 et 2013 afin qu’il ne soit pas contraint de céder des actifs stratégiques comme on l’y invite actuellement ?

Je souhaiterais revenir sur la réserve de précaution, qui constitue une difficulté récurrente pour l’ensemble des organismes, et dont je fais régulièrement état. Elle revêt cependant cette année une acuité particulière en raison de l’effort de réduction des dépenses de fonctionnement qui est demandé à la quasi-totalité d’entre eux. Les EPST ont bénéficié en 2009 d’une mise en réserve allégée portant sur 0,25 % de la masse salariale et sur 2,5 % des autres dépenses de fonctionnement et d’investissement. Le retour au taux normal de 0,5 % et de 5 % dans un contexte de réduction des dépenses reviendrait à réduire les dotations consacrées aux unités de recherche. Qu’en pensez-vous ?

Comme le temps qui m’est imparti est épuisé, je ne pourrais pas vous interroger sur les demandes d’expertise adressées à l’IFREMER et au Cemagref.

M. Daniel Paul, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques, pour la recherche industrielle. Compte tenu de son importance dans l’ensemble des crédits destinés à l’aide à l’innovation et à la recherche et développement, c’est au crédit d’impôt recherche que je consacrerai mon intervention. Le poids de ce dispositif dans les dépenses fiscales de l’État et les interrogations sur son efficacité ont suscité depuis quelques années, et spécialement depuis quelques mois, de nombreuses études et évaluations. Cela n’est sans doute pas étranger aux légères modifications envisagées dans le cadre de la discussion budgétaire actuelle.

Si cet effort place notre pays en tête pour l’aide publique à la R&D, la France, avec une dépense des entreprises égale à 1,3 % du PIB, est toujours loin de la moyenne des pays de l’OCDE – 1,5 % – et surtout du Japon, où le taux est de 2,7 %, de l’Allemagne, où il dépasse 1,8 %, et des États-Unis, où il atteint 2 %. L’objectif fixé en 2000 au sommet de Lisbonne était d’atteindre 3 % du PIB, et 2 % dans le secteur privé. C’est donc bien l’effort privé qui fait défaut, dans un secteur pourtant essentiel à l’avenir de notre pays.

En outre, depuis la réforme de 2008, l’aide n’est plus fonction de l’augmentation de l’effort de R&D, mais du volume des dépenses. Nul doute que ce changement a pesé dans l’explosion du nombre d’entreprises bénéficiant du CIR. Le nombre de groupes d’entreprises fiscalement intégrés a augmenté de 250 %, ce qui traduit, je le crains, des stratégies d’optimisation fiscale destinées à éviter le seuil de 5 % au-delà du plafond de 100 millions d’euros de dépenses déclarées, moyennant la création de holdings qui sont des « coquilles vides ». Je partage cette analyse de la Mission d’évaluation et de contrôle.

On constate également une augmentation régulière du poids des dépenses de personnel, qui entrent en totalité dans l’assiette du calcul du CIR. Il s’ensuit une hausse importante des dépenses de fonctionnement, fixées forfaitairement à 75 % des dépenses de personnel quel que soit le secteur d’activité. Là encore, la MEC met en évidence que le secteur industriel est le perdant du dispositif car ses frais de fonctionnement sont supérieurs au forfait de 75 %. L’abaissement du taux de 75 à 50 % ne saurait résoudre le problème.

Le CIR serait-il un moyen de relocaliser la recherche dans notre pays ? Cet argument, très souvent mis en exergue, mérite un approfondissement. Une évaluation précise doit être menée.

De même, il serait bien difficile de prouver que le CIR est une arme anti-délocalisations, d’autant qu’aucune entreprise, bien entendu, ne soutiendra le contraire !

En matière d’emploi, il est nécessaire de faire le lien entre la recherche réalisée en France et la localisation dans notre pays des activités de production qui en sont les suites logiques.

L’aide publique doit également se traduire par un recrutement de doctorants et de chercheurs dans les entreprises. La rémunération d’un jeune chercheur, je le rappelle, est couverte à plus de 200 % par le CIR, et pourtant les effets de cette mesure généreuse restent à confirmer. Avec un taux de 4,5 chercheurs dans les entreprises pour 1 000 salariés, notre pays se situe au treizième rang de l’OCDE.

Il faut s’interroger sur le développement du recours à des cabinets spécialisés pour justifier le montant du CIR. Selon la MEC, la plupart de ces cabinets se font rémunérer au résultat. Il apparaîtrait même que 25 % des entreprises recourent à un cabinet en le rémunérant à hauteur de 20 % du CIR obtenu. La sous-utilisation du rescrit fait la fortune de ces cabinets. Est-il normal qu’une telle part de l’effort fourni – 4 % selon la MEC – soit ainsi distraite de ses objectifs ? Quelles mesures envisagez-vous à cet égard ?

Je rappelle enfin l’importance de la question des brevets, qui est au cœur de nombreuses opérations de liquidation d’entreprises après rachat. Comment protéger ces brevets ? Quelle politique européenne mettre en œuvre à défaut de pouvoir développer une politique française spécifique en ce domaine ?

Madame la ministre, monsieur le ministre, vous ne m’empêcherez pas de penser que, à une époque où l’objectif de rentabilité financière domine le fonctionnement des entreprises, le CIR puisse constituer un effet d’aubaine, une opportunité pour faire de la trésorerie, et même pour alléger l’effort privé de R&D.

Il ne s’agit pas de demander sa suppression, mais il ne s’agit pas non plus de laisser subsister les pratiques non conformes aux objectifs ou de se satisfaire de résultats mettant en évidence le retard persistant de notre pays sur ces objectifs comme sur ces besoins. Le dispositif doit faire l’objet d’une remise à plat.

En l’état actuel des choses, j’émets donc un avis défavorable à l’adoption de la partie du PLF pour 2011 consacrée à la recherche industrielle.

Je terminerai par quatre questions.

Le Gouvernement peut-il nous fournir un bilan chiffré des retours en France d’activités de recherche au cours des cinq dernières années et indiquer le nombre d’emplois qui y seraient liés ?

Peut-il nous fournir des chiffres précis concernant le nombre d’emplois de chercheurs que le CIR aurait permis de créer, en précisant leur nature – CDI, CDD, etc. ?

Quelle est l’évolution du nombre de brevets déposés en France au cours des cinq dernières années ? Quel est le lien entre cette évolution et l’effort public en faveur de la R&D ?

J’appellerai enfin à une réflexion sur les petites entreprises, filiales ou non de grands groupes, dont les savoir-faire et, en particulier, les brevets sont pillés lors de restructurations. Ne conviendrait-il pas de définir des mesures pour protéger ces brevets, comme on le fait dans d’autres pays ?

M. le président Patrick Ollier. Monsieur Daniel Paul, nous avons déjà discuté du crédit d’impôt recherche mercredi dernier en séance publique, lors de l’examen de la première partie du PLF. Nous avons alors adopté des amendements qui résolvent en partie les problèmes que vous avez évoqués.

Mme Geneviève Fioraso, rapporteure pour avis de la Commission des affaires économiques, pour l’industrie et l’énergie. Il est paradoxal que Mme la ministre se targue chaque année d'une augmentation importante des crédits de son ministère alors que notre pays s'éloigne des 3 % du PIB consacrés à la recherche qu'il s'était pourtant engagé, lors du Conseil européen de Lisbonne, à atteindre en 2010 ? Nous sommes cette année entre 2,1 et 2,2 % du PIB et la recherche privée est toujours insuffisante. Si nous perdons du terrain, ce n’est pas à cause de notre recherche publique, dont la qualité est reconnue internationalement – contrairement à certaines déclarations, aux effets dévastateurs, de janvier 2009 –, mais en partie à cause du déficit de la recherche privée, que l’augmentation de l’assiette du crédit d’impôt recherche n’a pas réussi à stimuler de façon significative.

La France occupe désormais le quatorzième rang mondial en matière de recherche et le dix-huitième en matière d’innovation. Si votre budget augmente autant que vous l'annoncez depuis trois ans, comment expliquez-vous ce recul constant par rapport aux autres pays ?

De multiples appels d'offre ont été lancés dans le domaine de la recherche et de l'enseignement supérieur. Une forte impulsion pouvait en être espérée. Pourtant, les chercheurs nous disent qu'ils doivent consacrer beaucoup de temps à des procédures administratives dont les règles changent sans cesse et dont les effets sont peu visibles dans leurs laboratoires. Ne serait-il pas temps de simplifier les divers financements et de choisir un cadre plus stable ?

Les sommes importantes engagées sur le pôle de Saclay justifient-elles l'appauvrissement des centres de compétences et des universités de Paris, de Cachan et d'autres sites franciliens ou régionaux concernés par le transfert vers ce pôle ? Vous est-il possible de distinguer, dans les projets financés, ce qui relève du coût du transfert et ce qui relève de projets réellement nouveaux, et de nous en donner communication ?

Peut-on connaître les sommes dédiées à la maintenance, à l’entretien, à la remise aux normes des équipements et infrastructures de recherche existants ? Alors que l'on constate une dégradation du cadre de travail des salariés de la recherche, l’orientation des crédits se fait majoritairement sur des projets n'intégrant pas ces investissements pourtant indispensables pour maintenir l'attractivité de notre recherche ?

Enfin, si les investissements publics déployés pour la recherche n'arrivent pas à enrayer notre décrochage par rapport aux pays développés et émergents, n’est-ce pas en partie dû à la faiblesse accrue de notre industrie, que la crise a contribué à fragiliser et dont l'organisation en filières tarde à venir ? Les pays qui résistent le mieux à la crise, comme l'Allemagne, sont ceux qui ont su garder une industrie forte et bien irriguée par la recherche et l'innovation.

Monsieur le ministre chargé de l’industrie, où en sont les regroupements des pôles de compétitivité en réseaux thématiques avec des chefs de file identifiés, comme l'avait préconisé le rapport d'évaluation des pôles demandé par votre gouvernement ?

Comment expliquer que les centaines de millions injectés dans la filière photovoltaïque en recherche amont et, pour ce qui est de l’aval, en incitations fiscales et en tarifs de rachat aient in fine provoqué une spéculation financière et encouragé l'installation à plus de 90 % de panneaux chinois ? Comment réussir la deuxième étape technologique du photovoltaïque après avoir raté la première, en confortant cette filière d’avenir au lieu de la déstabiliser par une série de décisions erratiques ? ADEME, FSI, MEEDM, DGCIS, Bercy, Commissariat général aux investissements d'avenir, EDF, EDF-EN, CEA, Total, Areva, CRE, SER, autant d'avis divergents sur la stratégie à tenir que d'acteurs nationaux entendus en audition ! Quelle est votre stratégie pour 2011 ?

Par ailleurs, les aides à l'innovation d'Oséo, très appréciées des PMI-PME innovantes, baissent de 10 millions d'euros dans le projet de budget pour 2011. Rétablir ces crédits serait une mesure efficace pour les faire évoluer ces entreprises en ETI (entreprises de taille intermédiaire), mieux armées pour exporter et créer ainsi des emplois. Allez-vous procéder à ce rétablissement ?

Toujours en matière de soutien aux ETI innovantes – les « gazelles » –, on constate que moins de 10 % des investissements engagés en direct par le Fonds stratégique industriel au 31 juillet 2010 concernent les PME, pour 135 millions d'euros. Or le Fonds avait été doté de 1 milliard d'euros pour le programme FSI-PME. Qu’en est-il ? Il est consternant de voir le nombre d'ETI stagner dans notre pays – seulement 400 hors secteur agro-alimentaire et transports – alors que l'on sait que ce sont les plus créatrices d'emplois. Je regrette de ne pas voir cette priorité émerger dans votre budget après tant de cadeaux sans contrepartie faits aux grands groupes.

Ne pourrait-on pas inciter les grands groupes que l'on aide par le crédit d’impôt recherche à investir dans l'achat de « pépites technologiques » ? Celles-ci sont nombreuses, après avoir bénéficié de fonds publics nationaux pour leur création et leur développement, à être rachetées par des fonds ou entreprises américains ou asiatiques, faute de repreneurs nationaux ou européens. Votre budget comporte-t-il des mesures spécifiques à cet égard ?

Enfin, ne craignez-vous pas un désengagement des collectivités locales vis-à-vis des industries à risques ou à investissements importants, comme la micro-électronique – dont dépend 12 % de notre dynamisme économique – ou la chimie – dont la mutation vers la « chimie verte » est nécessaire – à la suite de la suppression de la taxe professionnelle, phénomène qui serait encore accentué par la « mise au pot national » de la péréquation de cette taxe ? Comment allez-vous compenser le manque à gagner des collectivités et encourager leur engagement déjà fort dans les pôles de compétitivité et les grands projets structurants, alors que le modèle économique se trouve brutalement bouleversé au bénéfice de l'État ?

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la Commission du développement durable, pour la recherche dans les domaines du développement durable. Mon rapport est consacré à la recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources et dans les domaines de l’énergie, du développement et de l'aménagement durables.

De l’étude de ce budget, il ressort une baisse au regard de l’inflation, voire une baisse nette, dans des domaines pourtant prioritaires.

La baisse de 0,92 % des crédits consacrés au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), est inquiétante quand on sait le rôle que joue cet organisme dans la lutte contre la fracture alimentaire mondiale.

Les crédits de l’IFREMER (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer) ont baissé pour leur part de 0,54 % l’année dernière. La remise à niveau de la flotte vieillissante dont dispose l’Institut est fixée à 4 millions d’euros dans ce budget, ce qui est sans nul doute insuffisant. Certaines actions, comme le programme de recherche sur la mortalité des huîtres, nécessitent des financements importants. Il est prévu, par exemple, de réaliser deux installations de spectrométrie de 500 000 euros chacune. C’est une dépense qu’il faudra bien assumer !

Avec une évolution de 1,11 %, les crédits de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), connaissent une stabilisation. Or les recherches que mène cet établissement sont cruciales. Je pense en particulier à la filière protéagineuse française, qui exige des efforts bien plus importants, ou aux biotechnologies. Pour que la France conserve son expertise, les crédits devraient être bien supérieurs.

En ce qui concerne le programme 190, l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie voit ses crédits baisser. Qu’en est-il du programme « Démonstrateurs et plateformes technologiques en énergies renouvelables et décarbonées et chimie verte », qui est directement lié aux grandes questions environnementales en matière de tri et de valorisation des déchets, de dépollution ou d’écoconception des produits ?

La diminution des crédits du CEA (Commissariat à l’énergie atomique) est, à périmètre constant, de 4,9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2010. C’est d’une extrême gravité compte tenu des enjeux.

Les crédits de l’IFP Énergies nouvelles connaissent une baisse préoccupante de 11,71 %, soit 20 millions d’euros, alors que cet établissement contribue à la recherche destinée à substituer des énergies nouvelles aux énergies fossiles.

Plus généralement, je constate que les annonces du Grenelle de l’environnement ne sont suivies d’aucun effet. Si l’on récapitule les actions spécifiques au Grenelle, on n’en est qu’à 547 millions d’euros, soit à peine plus de la moitié du milliard affiché.

Les conséquences sont graves. Ainsi, les crédits de l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) sont en baisse et la compensation par une contribution des opérateurs du nucléaire reste hypothétique.

Les crédits en faveur des biotechnologies reculent également.

Enfin, la sylviculture est sacrifiée. Alors que le budget de 2007 lui consacrait 13 millions d’euros, on est aujourd'hui sous les 12 millions d’euros.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable à l’adoption des crédits des programmes 187 et 190.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Concernant le crédit d’impôt recherche, je tenterai de répondre en une seule fois aux questions de MM. Jean-Pierre Gorges, Alain Claeys et Daniel Paul, ainsi qu’à la question de Mme Geneviève Fioraso sur la recherche privée.

Les chiffres dont nous disposons ne sont pas tout à fait identiques aux vôtres, madame la rapporteure : entre 2007 et 2009, le montant consacré à la R&D en France est passé de 2,07 à 2,21 % du PIB. L’augmentation est de 1,1 % pour le privé et de 4,3 % pour le public. Comme vous, j’estime que les dépenses de recherche privée restent insuffisantes. Mais, contrairement à certains rapporteurs, je constate des progrès tangibles depuis la réforme du crédit d’impôt recherche réalisée fin 2007. La faiblesse de la recherche privée en France est un phénomène structurel auquel on ne remédiera pas d’un coup de baguette magique, en l’espace d’un budget. Même avec la réforme du CIR, on ne peut espérer atteindre l’objectif de Lisbonne en un an et demi.

Cela dit, malgré la crise, la R&D privée a progressé de 4 % entre 2007 et 2008 et de 1,1 % entre 2008 et 2009. Les investissements étrangers sont dynamiques : en 2008, les dépenses de R&D des filiales étrangères ont progressé de 9 %. De 2007 à 2009, le nombre de projets de centres de R&D, de design et d’ingénierie étrangers recensés par l’Agence française pour les investissements internationaux est passé de 34 à 51.

Les partenariats public-privé progressent également. Au CNRS, les contrats passés avec les PME ont augmenté de 29 % en un an et le nombre de brevets déposés et transférés à un industriel a connu une hausse de 38 % en 2009.

Autre exemple, le nombre d’entreprises utilisant l’incitation à l’embauche des jeunes docteurs a doublé entre 2006 et 2008. Il y a maintenant 700 entreprises utilisatrices et je remercie les députés d’avoir eu la sagesse de ne pas revenir sur le dispositif très favorable au recrutement de jeunes chercheurs.

Il est trop tôt, j’en conviens, pour tirer des conclusions définitives quant à l’efficacité du CIR. Nous ne serions pas dans notre rôle si nous faisions croire que nous sommes en mesure d’estimer le nombre d’emplois ou de brevets créés par une mesure qui ne remonte qu’à un an et demi. Comme l’a indiqué la mission de l’inspection des finances, ce n’est qu’en 2013 que nous pourrons mener une étude économétrique permettant de juger de l’efficacité pleine et entière de cette réforme.

Néanmoins, au vu des premiers éléments très positifs et contracycliques par rapport à la crise, nous avons souhaité stabiliser le CIR. Je remercie les députés d’avoir procédé à des ajustements très raisonnables lors de l’examen de la partie « recettes » du PLF. La réduction, de l’ordre de 7 %, permet le maintien des règles fiscales de calcul. C’est un signal très important que l’on envoie aux entreprises : pour procéder à des investissements en matière de recherche, celles-ci ont besoin d’être assurées de la stabilité de l’environnement fiscal dans la durée. C’est une question de confiance dans l’État.

Quatre amendements anti-abus proposés par la Commission des finances et approuvés par le Gouvernement complètent le dispositif.

L’un d’entre eux concerne l’encadrement des rémunérations des cabinets de conseil. Par ailleurs, le Gouvernement s’est engagé à fournir tous les éléments dont il dispose au sujet des créations de filiales par des groupes fiscalement intégrés.

La modification de la formule relative aux frais de fonctionnement, demandée par M. Gorges et par la MEC, est celle qui altère le moins le dispositif – je rappelle que le Gouvernement tenait à maintenir le taux actuel de frais de fonctionnement, qui correspond exactement à la moyenne nationale. La nouvelle formule a le mérite d’élargir l’assiette aux amortissements, ce qui réduit la facture pour l’industrie, où les frais de fonctionnement sont plus élevés que dans le secteur des services.

S’agissant des brevets déposés par les PME, au sujet desquels M. Daniel Paul m’interroge, nous avons créé dans le cadre du plan d’investissements d’avenir un fonds d’investissement « France Brevets » doté initialement de 100 millions d’euros. Ce fonds pourra acheter des brevets détenus par des PME en difficulté et mutualiser l’acquisition de brevets jugés stratégiques par les PME d’une même filière. Toute proposition complémentaire sera la bienvenue, qu’elle émane des élus ou de l’INPI (Institut national de la propriété industrielle), qui réalise un travail de fond auprès des PME en leur proposant notamment des prédiagnostics gratuits.

La mise en œuvre des investissements d’avenir, qui a fait l’objet de plusieurs questions, va bon train. Tous les appels à projets relevant de mon ministère ont été lancés, à l’exception de ceux concernant les instituts de recherche technologique, qui le seront à la fin du mois après avoir fait l’objet d’un appel à manifestation d’intérêt.

Plusieurs séries d’appels à projets sont closes. Les jurys examinent les 333 dossiers reçus pour les équipements d’excellence, les 36 dossiers concernant les infrastructures nationales de santé et les 43 dossiers relatifs aux cohortes. Monsieur Bernard Debré, l'appel à projets portant sur la création d'instituts hospitalo-universitaires (IHU) sera clos le 5 novembre. Aujourd'hui, entre 15 et 20 projets semblent en préparation.

Il existe donc un réel enthousiasme. La communauté scientifique se mobilise sur tout le territoire et dans toutes les disciplines, y compris les sciences humaines et sociales. Les premiers lauréats seront connus au début de 2011, après une procédure comprenant un examen par un jury scientifique, puis l’intervention du Commissariat général à l’investissement, dont le conseil de surveillance est présidé par MM. Alain Juppé et Michel Rocard. La première vague de sélection sera bouclée l’été prochain.

Certains nous objectent que l’on ne peut déterminer le montant réel des investissements d’avenir dans la mesure où ceux-ci comportent une partie non consomptible. Nous avons néanmoins fait le calcul pour l’enseignement supérieur et la recherche : en 2011, ce sont 3,581 milliards d’euros de crédits frais, c'est-à-dire consomptibles, qui arriveront dans les laboratoires et les universités. Les questions portant sur des montants bien inférieurs doivent être rapportées à cette somme, qui représente 15 % de mon budget. Non seulement le budget de la recherche et de l’enseignement supérieur augmente en 2011, mais 15 % de crédits extrabudgétaires supplémentaires viendront financer des infrastructures et projets prioritaires, notamment en matière de développement durable.

Les pôles d’envergure mondiale, qui provoquent l’effervescence des acteurs, auront un effet d’entraînement sur l’ensemble de notre système de recherche et d’enseignement supérieur. On observe d’ailleurs que la dynamique est en marche. En Lorraine, les investissements d’avenir se traduisent par la fusion des deux universités de Nancy et de l’université de Metz, par la transformation de leur gouvernance, par de nouveaux partenariats tissés avec l’ensemble du réseau des universités de technologie, bref, par la structuration d’un véritable pôle à l’est de la France alors que les trois universités, auparavant, se parlaient à peine, que les universités de technologie ne communiquaient pas avec les universités, et ainsi de suite. Je pourrais aussi prendre l’exemple du pôle lillois : les trois grandes universités de Lille parlent enfin avec les universités de la périphérie et avec l’Université catholique. En Aquitaine, par exemple, l’université de Pau vient se relier au pôle bordelais.

On le voit, les investissements d'avenir produisent un effet d’entraînement pour la restructuration du territoire, son aménagement global et la mise en réseau des petites universités avec les pôles régionaux.

Vous avez exprimé la crainte que les organismes de recherche soient contraints de choisir entre leurs équipements et leurs personnels. Je veux souligner à nouveau que ce budget traduit le choix très fort du Gouvernement de sanctuariser intégralement les emplois de l’enseignement supérieur et de la recherche, domaines prioritaires à ses yeux. De plus, dans le cadre du plan Carrières, 100 millions d’euros seront consacrés, via des promotions et des primes pour tous les personnels, au renforcement de l’attractivité des carrières de recherche en 2011, soit 69 millions d’euros pour la période 2009-2011.

En ce qui concerne les dépenses d’équipement, je trouve que l’on a la mémoire courte : dans le cadre du plan de relance, nous avons déjà consacré l’année dernière 270 millions d’euros à anticiper l’acquisition des équipements dont notre système de recherche avait besoin. Il s’agit certes de ressources extrabudgétaires, mais elles ont été dépensées en 2010. Par ailleurs, le programme « Investissements d’avenir » nous permettra de consacrer des crédits très importants, non seulement aux équipements, madame Fioraso, mais également à leur maintenance. On sait en effet combien les frais de maintenance des équipements lourds pèsent sur les budgets récurrents des laboratoires. L’intérêt des investissements d’avenir et du principe de la dotation non consomptible est précisément de financer la maintenance en même temps que les équipements, et ceci sur la durée.

Vous m’avez tous demandé de dresser le bilan de la prime d’excellence scientifique. En 2009, nous avons attribué 3 600 primes d’excellence scientifique, ce qui concerne 5 % des chercheurs et des enseignants-chercheurs, notre objectif étant d’atteindre 20 % en quatre ans. Les candidatures sont en hausse, puisque 18 % des chercheurs du CNRS, 16 % de l’INRA et 10 % de l’INSERM l’ont sollicitée en 2010, et que nous avons dû essuyer moins d’une vingtaine de refus.

Parallèlement à cette prime individuelle, nous avons mis en place un intéressement collectif pour les équipes des laboratoires et des revalorisations pour les ingénieurs de recherche et le personnel administratif. L’instauration d’une prime d’excellence ne s’est pas faite au détriment des promotions, puisque le nombre des professeurs d’université a augmenté de 151 % et les promotions de maîtres de conférence de 154 % au cours de la période 2007-2011.

Au titre du Grenelle de l’environnement, le Président de la République a fixé l’objectif de 1 milliard d’euros supplémentaire d’ici à 2012, autour de quatre axes : 300 millions d’euros seront consacrés à un redéploiement des priorités au sein des opérateurs de recherche ; l’ANR bénéficiera d’un effort supplémentaire de 212 millions d’euros au titre des questions environnementales ; le fonds démonstrateur de l’ADEME sera doté de 450 millions ; enfin 1,6 milliard d’euros sera consacré aux questions environnementales au titre des investissements d’avenir. Des crédits supplémentaires seront consacrés à des actions spécifiques via des appels à projets à hauteur de 165 millions d’euros. D’après les projections des agences de financement et des organismes de recherche, le seuil de 1 milliard d’euros supplémentaire consacré à la recherche environnementale devrait être largement dépassé dès 2011, soit avec un an d’avance. Ce résultat est le fruit d’une mobilisation exceptionnelle de l’État et des agences de financement, mais aussi des organismes de recherche et des chercheurs eux-mêmes, qui ont compris la nécessité d’accompagner les mutations entamées par le Grenelle de l’environnement.

Vous m’interrogez sur l’évolution de l’ANR et de la recherche sur projets. Depuis 2006, via la création de l’ANR et, plus récemment, le programme « Investissements d’avenir », nous développons le financement de la recherche sur projets. Ces modes de financement reposent sur des processus désormais éprouvés de jugement par les pairs. Je ne peux pas vous laisser dire que l’ANR n’a pas de pouvoir de décision quant aux investissements d’avenir, alors que l’Agence participe à la désignation des jurys scientifiques chargés de donner un avis sur les projets. Certes, le Commissariat général à l’investissement a le dernier mot dans le cadre du grand emprunt, mais les projets sont sélectionnés d’après leur valeur scientifique. Je rappelle qu’à rebours de la commission Juppé-Rocard, qui souhaitait confier la gestion du grand emprunt à une agence spécifique, nous avons préféré rapatrier tous les crédits à l’ANR, dont l’expertise est reconnue en matière de recherche.

Contrairement aux craintes qui s’étaient fait jour, le développement de la recherche sur projets n’a pas eu d’effet d’éviction au détriment du financement récurrent de la recherche : l’emploi est stable et les moyens du CNRS augmentent de 15 % sur trois ans, et ceux de l’université de 20 % en moyenne. Il est vrai que l’ensemble du paysage de la recherche est en train d’évoluer : il est désormais marqué par la promotion de l’excellence, ainsi que par le dynamisme de la recherche sur projets. Les organismes de recherche sont plus stratèges sur le long terme, allant vers des projets très risqués, et les acteurs se structurent et se coordonnent autour de grands domaines thématiques, pour se coordonner et éviter les doublons improductifs. Ainsi, si les crédits de l’ANR sont en baisse cette année, c’est parce que certains des projets de l’Agence étaient redondants avec certains appels à projets du grand emprunt. De tels ajustements à la marge n’ont rien de surprenant au regard des 17,5 milliards d’euros que l’Agence a dû gérer cette année au titre du grand emprunt. Une diminution de 68 millions d’euros de ces crédits n’aura pas pour conséquence de faire passer à 15 % le taux de sélection des projets, d’autres appels à projets devant prendre le relais.

Le Conseil européen de la recherche délivre déjà des bourses de recherche individuelle dans le cadre d’un programme similaire au « super-blanc » que vous prônez, monsieur Debré. La France occupe d’ailleurs une excellente place dans les appels à projets du Conseil européen de la recherche : avec 71 projets sur 450, nous sommes le deuxième pays en nationalité, derrière l’Allemagne, et le deuxième en destination, derrière la Grande-Bretagne. Cela prouve que le système français est à la fois performant et attractif

Le programme de l’ANR à destination des jeunes chercheurs s’inspire déjà de ce modèle, et les programmes du grand emprunt auront la même fonction pour les chercheurs confirmés, puisqu’ils sont très attentifs à la capacité des laboratoires, des instituts de recherche technologique et des universités à faire venir des chercheurs de classe mondiale.

Enfin, la programmation de l’ANR va devenir triennale, ce qui permettra une meilleure articulation avec la stratégie nationale pour la recherche et avec les feuilles de route mises en place par les alliances, et garantira un meilleur équilibre entre les priorités fixées par le Gouvernement et celles issues de la base des chercheurs.

Je ne peux vous laisser dire, monsieur Claeys, que le grand emprunt serait là pour apurer les engagements du passé. Certes, une petite partie des crédits du grand emprunt doit compléter les financements promis par le passé – je pense notamment au financement de l’opération Campus, auquel le grand emprunt contribuera à hauteur de 1,3 milliard. Étant donné le succès des projets de recherche partenariale des instituts Carnot, nous avons tenu en outre à ce qu’un nouvel appel à projets soit lancé, car pourquoi remplacer un dispositif qui fonctionne ?

Nous souhaitons tous la création d’une chaîne thématique consacrée à la recherche. Pour le moment, je travaille à faire émerger des émissions de vulgarisation scientifique, le modèle de la National Science Foundation américaine, dont 10 % des dotations de recherche sont destinées à la diffusion de la culture scientifique étant une piste à explorer. Les résultats d’un sondage tout récent, qui montre que 60 % des Français ne s’intéressent pas à la science, alors que 95 % reconnaissent son utilité sociale, prouvent l’urgence de rapprocher la science de la société. De même, le silence médiatique qui a entouré le décès le week-end dernier du chercheur français Mandelbrot, le père des fractales, montre combien nous devons progresser en matière de diffusion de la culture scientifique.

Nous sommes particulièrement impliqués dans la formation de la jeunesse africaine. Les universités françaises accueillent 100 000 étudiants en provenance du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne, dans les mêmes conditions que les étudiants français. Nous favorisons par ailleurs l’émergence en Afrique de filières de formation modernes et adaptées aux besoins des économies africaines, tel l’Institut franco sud-africain de technologie à Pretoria, l’Agence universitaire de la francophonie et les campus numériques francophones dans vingt-six universités africaines, ainsi que le lancement de l’Institut panafricain de gouvernance universitaire, destiné à former les cadres dont manquent les universités d’Afrique. En ce qui concerne le développement d’une communauté scientifique africaine, nous soutenons le projet d’institut africain des sciences mathématiques AIMS-Sénégal.

J’en viens à la tarification des très grandes infrastructures de recherche. Les financements attribués à SOLEIL, monsieur Lasbordes, sont conformes aux décisions prises avec la direction de cette très grande infrastructure et permettent d’avancer vers la concrétisation de ce projet emblématique,que le plan de relance a redynamisé.

Pour ce qui est du CERN, tous les crédits nécessaires sont inscrits, même s’ils sont éparpillés entre plusieurs actions du programme « Recherche », ce qui les rend difficilement identifiables.

Il est clair que les applications industrielles doivent être facturées aux coûts complets, comme dans les autres pays. Ce n’est certes pas en refacturant le coût aux laboratoires subventionnés par l’État qu’on augmentera le budget de la recherche : il s’agirait d’une pure et simple économie circulaire sans création de valeur. Je demande cependant que l’utilisation des très grandes infrastructures de recherche soit tarifée, afin que les chercheurs se rendent compte des sommes que l’État y consacre, allégeant d’autant leurs dépenses.

Le contrat du CNES, que nous devons signer aujourd’hui, prévoit la poursuite de la politique spatiale présentée par le Président de la République en 2008, à Kourou. De 2011 à 2015, la France mettra en service les systèmes satellitaires Jason 3 et Météosat troisième génération. L’installation de Soyouz et Vega à Kourou est également prévue, ainsi que le renforcement des filières d’excellence française par le développement de systèmes de nouvelles générations et le maintien de notre effort en recherche et développement.

Il est totalement faux, monsieur Chassaigne, que le budget du CEA baisse de 4,5 % : il est totalement préservé en 2011, puisqu’il augmente de 1,5 % à périmètre constant, avec une rebudgétisation de ressources extrabudgétaires. Le réacteur Jules Horowitz s’inscrit dans cette logique de recherche, le coût du projet étant financé sur la période du budget triennal. Au-delà, nous devrons évidemment trouver des ressources, probablement extra-budgétaires, pour financer l’intégralité des coûts.

Même si la subvention de l’État à l’Institut français du pétrole diminue de 10 % l’année prochaine, son budget pour 2011 lui permettra de poursuivre son activité de recherche dans le domaine de l’efficacité énergétique, de l’industrie du raffinage et de la pétrochimie, de la sécurité des approvisionnements et dans le domaine des nouvelles technologies de l’énergie. La revue générale des politiques publiques a mis en évidence que l’Institut pouvait dégager certaines marges de manœuvre, via notamment une augmentation de ses recettes propres ou une valorisation de sa recherche, l’IFP ayant vocation à travailler avec l’industrie dans le cadre d’appels à projets nationaux ou européens. C’est pourquoi je vous demande de retirer l’amendement par lequel certains d’entre vous reviennent sur ces économies, les gages proposés, en particulier sur les ressources de l’Agence spatiale européenne, étant contraires à l’engagement de la France d’apurer la dette de l’ESA à l’horizon 2015.

Je plaiderai auprès du Premier ministre, monsieur Lasbordes, en faveur d’une réduction de la réserve de précaution pour les établissements publics à caractère scientifique et technologique, les EPST, comme pour ceux à caractère industriel et commercial, les EPIC, et je compte sur le soutien des parlementaires dans cette négociation difficile.

Il est vrai, monsieur Chassaigne, que les crédits du CIRAD, de l’IFREMER et de l’INRA sont en baisse. Mais, là encore, je vous demande de comparer ces baisses très légères avec les 3,581 milliards d’euros d’appels à projets déjà lancés, notamment dans le domaine environnemental, qui bénéficieront également à la flotte. Je vous rappelle par ailleurs que celle-ci a déjà bénéficié l’an dernier de 2 millions d’euros de crédits dans le cadre du plan de relance.

Un milliard cinq cents millions d’euros ont été consacrés aux appels à projets relevant de l’action Santé-biotechnologies, dont l’un, « Biotechnologies et bio-ressources » est intégralement dédié à la biologie végétale, et bénéficiera à l’INRA, au CIRAD et à l’IFREMER. Un appel à projets « Infrastructures et démonstrateurs », ouvert aux projets de biologie végétale, a également été lancé. À cela s’ajoutent les actions menées par les laboratoires d’excellence, où les sciences du vivant sont très largement représentées.

(M. Michel Diefenbacher remplace M. le président Jérôme Cahuzac.)

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Étant donné la nécessité de stabiliser le crédit d’impôt recherche, le projet de loi de finances ne comporte qu’une mesure relative au CIR : la pérennisation pour les PME du régime de remboursement anticipé des créances de CIR institué à titre transitoire lors du plan de relance de l’économie. Cette mesure, qui faisait suite aux états généraux de l’industrie, traduit la volonté du Gouvernement de stabiliser le dispositif dans un objectif de sécurisation des entreprises. Valérie Pécresse a rappelé que l’Assemblée nationale avait, le 20 octobre, adopté l’article 15 du projet de loi de finances pour 2011, et je me félicite qu’à cette occasion les députés aient voté quatre amendements qui encadrent certains aspects du dispositif, sans remettre en cause l’équilibre résultant de la réforme de 2008, qui permet de garantir la maîtrise budgétaire du CIR, instrument contribuant à l’attractivité industrielle de notre pays.

Le bilan chiffré du retour en France d’activités de recherche au cours des cinq dernières années et des créations d’emplois induites prouve sans contestation possible que notre pays est l’un des plus attractifs pour les investissements en recherche et développement. En effet, sur la période 2003-2009, l’Agence française pour les investissements internationaux a accompagné 237 projets étrangers d’investissements en R&D en France, qui ont généré 8 750 emplois, à travers la création d’activités nouvelles ou l’accroissement d’implantations déjà existantes sur le territoire. Pour être encore plus précis, en 2009, quarante-deux centres de R&D se sont implantés en France, contre 25 en 2008, avec une augmentation de 142 % du nombre d’emplois créés – 2 115 contre 875 en 2008. La France devient ainsi le premier pays européen pour le nombre d’emplois créés par les investissements étrangers dans la R&D.

À titre d’illustration, je voudrais vous citer quelques exemples significatifs d’investissements réalisés ou annoncés en 2009-2010 : le recrutement par ICERA, société britannique de semi-conducteurs, d’au moins cinquante ingénieurs experts en communication mobile sur son site de Sophia-Antipolis, afin d’intensifier ses activités de R&D dans la spécification technique de la future norme de réseaux mobiles de quatrième génération ; l’implantation à Rueil-Malmaison par Novartis-France de son troisième pôle mondial de recherche clinique en oncologie, entraînant la création de plus de cinquante postes de recherche clinique ; la décision de GlaxoSmithKline (GSK), de renforcer son centre de recherche des Ulis, investissement de 51 millions d’euros, avec à la clé le développement des activités de R&D internes et externalisées, ou encore l’annonce par Google, au mois de septembre, de la création d’un centre de R&D à Paris.

Les relocalisations auxquelles nous assistons en ce moment semblent indiquer qu’après avoir connu une ère de délocalisation, nous sommes en train d’entrer dans une période de relocalisations d’activités. On s’est rendu compte en effet que, si les coûts de production étaient plus faibles à l’extérieur de nos frontières, la main-d’œuvre était moins qualifiée, les outils de production moins performants et la relation commerciale de moindre qualité. Ainsi le groupe japonais Tokyo-Ink a un projet de développement des études sur pigment rouge et jaune en Seine-Maritime, avec 80 emplois à la clé. Je pense également à la relocalisation de la conception des articles de sport Le Coq sportif ; les investissements de quinze millions d’euros d’Ethyfarm dans son site du Grand-Quevilly, cette société ayant décidé de rapatrier toutes ses activités de R&D du Canada.

Dans d’autres cas, la relocalisation de la fabrication vise à renforcer le lien avec l’étage de conception et d’innovation. Il existe ainsi un processus de consolidation réciproque entre création immatérielle et production et un renforcement de l’ancrage territorial des centres de R&D à travers ces relocalisations d’usine. C’est notamment le cas des projets d’Atol pour la lunetterie, de Magencia pour le mobilier métallique, de Geneviève Lethu pour les arts de la table. Tout récemment, c’est Rossignol, qui revient, trente ans après, produire 80 000 paires de skis à Sallanches, en Savoie. Je pourrais également citer les chaussettes Kindy.

Vous m’avez demandé combien d’emplois de chercheur avaient été créés grâce au CIR. La réforme du CIR a un impact sur les dépenses de R&D des entreprises, avec pour conséquence attendue une augmentation du nombre de chercheurs. Selon une étude de la direction générale du Trésor, les besoins nés du renforcement du dispositif s’élèveraient à environ 25 000 nouveaux chercheurs de 2008 à 2020, les effectifs passant de 107 000 à 134 000 en 2020.

L’effort public en matière de R&D a aussi une incidence sur l’évolution du nombre des brevets déposés en France au cours des cinq dernières années. Après une période de relative stabilité, le nombre des dépôts de brevets a baissé de 5 % entre 2007 et 2009 en raison de la crise économique, qui a poussé certaines grandes entreprises, en particulier du secteur automobile, à limiter le nombre des dépôts. En revanche, le nombre de brevets déposés par les PME a augmenté de 13 % au cours de la même période.

Certes, monsieur Paul, le CIR ne saurait assurer à lui seul une véritable attractivité de la France. Il n’atteint sa pleine efficacité qu’au sein d’un ensemble de mesures, telles la suppression de la taxe professionnelle – ce sont 12 milliards d’euros d’impôt sur les investissements productifs que les entreprises françaises n’auront pas à payer en 2010 – ou les investissements d’avenir : autant d’outils qui ont contribué à la création de tant d’emplois dans la recherche, à la relocalisation de tant d’entreprises et à la création de tant de postes de chercheurs. Il faut y ajouter les pôles de compétitivité qui ont pris un tel essor depuis cinq ans que nous avons dû faire évoluer leur conception pour les rapprocher des clusters européens.

Vous avez raison, monsieur Daniel Paul, certaines de nos PME sont victimes d’un véritable pillage de leurs brevets. Le Gouvernement a abaissé de près de 50 % le tarif du dépôt de brevet. Valérie Pécresse a rappelé que nous comptons mettre en place un fonds d’investissement France-Brevets doté de 100 millions d’euros, en provenance pour moitié de la Caisse des dépôts et consignations et pour moitié des investissements d’avenir.

Dans le cadre des états généraux de l’industrie, nous avons évoqué les conséquences du déréférencement par nos grands groupes industriels, au cours des dix dernières années, de PME qui, durant des décennies, avaient, par leur politique d’innovation, contribué au développement de ces groupes. Non contents d’exercer une pression sur les prix et de délocaliser, ces grands groupes ont opéré des transferts à l’étranger des technologies de nos PME. Nous avons le devoir de protéger contre de telles pratiques la matière grise de nos ingénieurs et le savoir-faire de nos PME. Il faut réfléchir ensemble aux moyens, législatifs ou réglementaires, d’interdire de transférer à l’étranger la propriété industrielle de nos PME. Je souhaite que nous y réfléchissions ensemble.

En ce qui concerne les dépenses d’avenir, Laurent Hénart a évoqué les enjeux du programme tourné vers l’innovation et la nécessité de préparer la France aux défis du XXIe siècle pour renforcer notre compétitivité et construire la croissance de demain. Depuis 1974, la part de l’investissement dans la dépense publique est passée de 12,5 % à 7,5 %. Nous avons trop souvent sacrifié l’investissement au profit des dépenses courantes et au détriment de l’innovation, de la compétitivité et de l’emploi.

Afin de profiter pleinement de la reprise et de retrouver le chemin d’une croissance durable, il est impératif de rattraper notre retard et de prendre de l’avance dans les secteurs d’avenir. Les 35 milliards d’euros prévus permettront d’investir massivement dans les secteurs porteurs de croissance ; grâce à l’effet de levier obtenu, ce sont 60 milliards d’euros, provenant de fonds publics et privés, qui seront investis au total.

Après les grands choix d’investissement des années 1960 et 1970 dans l’électronucléaire, dans le TGV, dans Airbus ou dans l’aérospatiale, qui font aujourd’hui la force de notre pays, nous allons pouvoir lancer les grands projets de demain – les biotechnologies, les nanotechnologies ou encore la fibre optique. Ces projets correspondent peu ou prou à d’autres modèles que ceux qui ont été lancés par le général de Gaulle et par Georges Pompidou, et grâce auxquels nous avons pu continuer à revendiquer, pendant quarante ans, un rang de grande puissance industrielle pour notre pays.

Plus de 17 milliards seront affectés directement ou indirectement à l’innovation industrielle : 4 milliards d’euros iront à la constitution d’écosystèmes d’excellence pour l’innovation, 3 milliards aux instituts de recherche technologique et aux instituts d’excellence, 500 millions aux pôles de compétitivité et 400 millions aux fonds d’amorçage.

Nous consacrerons 12,4 milliards au développement de filières industrielles porteuses, dont 4,5 milliards pour le numérique, 2,4 milliards pour la santé et les biotechnologies, 3 milliards pour les matériels de transport, notamment dans le domaine spatial, 2,5 milliards pour les nouvelles technologies de l’énergie, y compris les programmes de recherche du CEA.

Le financement des mesures des états généraux de l’industrie s’élève à 1 milliard d’euros. Je me félicite que les trois mesures prévues dans le cadre des états généraux soient toutes opérationnelles aujourd’hui : 500 millions d’euros pour les prêts verts ; 200 millions pour l’aide à la réindustrialisation depuis le début du mois de juillet – il s’agit d’accompagner les entreprises qui relocalisent, dont le problème est de trouver les moyens d’investir en matière d’immobilier, d’outils informatiques ou encore d’outils de recherche ; à cela s’ajoutent 300 millions d’euros pour la structuration des onze filières industrielles stratégiques, sur lesquelles je reviendrai dans un instant.

Les 3 milliards dédiés à la création d’instituts de recherche technologique et des instituts d’excellence constituent, par exemple, une occasion unique de créer de grands clusters, de faire des champions internationaux à partir de nos meilleurs pôles de compétitivité, à l’image du cluster Tiger M allemand dans le domaine des biotechnologies. Je pense en particulier à des filières stratégiques telles que l’aéronautique, les industries de santé, les biotechnologies, les nanotechnologies et les éco-technologies, dont on peut espérer, dans le cadre de la croissance verte, la création de près de 350 000 emplois et de près de 10 milliards de chiffre d’affaires par an, dans notre seul pays, à compter de 2020.

Madame Fioraso, les pôles de compétitivité sont devenus, en moins de cinq ans, un levier incontournable de notre politique industrielle. Lancés par le ministre de l’Intérieur et de l’aménagement du territoire de l’époque, Nicolas Sarkozy, et par moi-même, les pôles sont aujourd’hui au nombre de 71, dont 17 d’ambition mondiale. Plus de 800 projets de R&D ont été portés et financés depuis cette date par les pôles de compétitivité, pour un financement total de 4,3 milliards d’euros.

Depuis que j’ai repris, pour partie, sous ma responsabilité les pôles de compétitivité, en juin 2009, plus de 190 millions d’euros de financement de projets de recherche ont été attribués dans le cadre du fonds unique interministériel (FUI) pour les 71 pôles actuels.

Je veux rappeler que les pôles représentent aussi des emplois : les 6 800 entreprises qui en sont membres emploient plus de 810 000 salariés.

Depuis deux ans, nous sommes entrés dans la seconde phase de la politique des pôles de compétitivité, marquée par une meilleure coordination, par la définition de feuilles de route stratégiques claires et par le développement de l’évaluation. Nous respecterons l’engagement du Président de la République, qui consiste à poursuivre cette politique et à la doter globalement de 1,5 milliard d’euros sur trois ans, dont 600 millions d’euros au titre du FUI et un montant équivalent au titre de l’ANR. À cela s’ajouteront les contributions des collectivités locales. Certaines d’entre elles – des conseils régionaux, des communautés d’agglomération, des communautés urbaines et des conseils généraux – font preuve d’un grand engagement, en dehors de toute considération idéologique, mais d’autres estiment qu’elles n’ont pas à participer à cette politique au motif qu’elle relève de l’État. On ne peut que regretter de telles attitudes.

Vous prétendez que la suppression de la taxe professionnelle mettrait en difficulté les collectivités participant aux pôles de compétitivité. Or, vous savez très bien que la taxe professionnelle est entièrement compensée aujourd’hui, et que les futures recettes ne mettront à aucun moment les collectivités en difficulté : elles pourront continuer à accompagner les pôles. Le pire eût été de ne pas adopter les mesures que nous avons prises en vue de supprimer la taxe professionnelle pour les investissements productifs, car cela aurait incité un nombre de PME tournées vers la R&D et l’innovation à quitter certaines collectivités. Le Gouvernement a fait, au contraire, le choix de renforcer leur enracinement et leur ancrage territorial. Les entreprises se délocalisent, mais pas les collectivités, madame Fioraso !

Il fallait, par ailleurs, que notre pays se dote de nouveaux pôles de compétitivité dans le domaine des éco-technologies, qui est insuffisamment couvert par les pôles actuels. Le 11 mai dernier, le Gouvernement a ainsi labellisé six nouveaux éco-pôles et reconnu deux inter-pôles : certains pôles de compétitivité labellisés depuis 2005 dans le domaine de la santé, de la chimie ou encore de l’électronique réalisent des programmes de recherche qui peuvent apporter leur contribution aux éco-technologies. En Rhône-Alpes et dans la région PACA, nous avons décidé de constituer deux inter-pôles rassemblant des pôles travaillant dans des domaines différents, mais susceptibles de mener des projets communs qui permettront, une fois mutualisés, d’apporter des réponses dans le domaine des éco-technologies.

Dans le cadre des dépenses d’avenir, nous lançons également un appel à projets pour les plateformes technologiques, pour 200 millions d’euros, et pour les projets structurants des pôles de compétitivité, pour 300 millions d’euros.

Madame Fioraso, vous avez déploré le recul de notre industrie, et estimé que nous tardions à instaurer une politique de filières. Or, si cette politique avait été instaurée à la fin des années 1990, comme ce fut le cas en Allemagne, on ne parlerait pas aujourd’hui de retard dans notre pays. Nous avons perdu 550 000 emplois industriels depuis 1998-1999. À cette époque, l’Allemagne a su bâtir des éco-systèmes de filières qui n’existent pas en France : nous avons des branches et des secteurs, mais pas de filières structurées. Contrairement à notre pays, l’Allemagne a su organiser une solidarité entre les grands groupes industrielles, les équipementiers et les PME sous-traitantes.

J’ai demandé qu’on lance un Observatoire du « fabriqué en France », qui sera actualisé tous les six mois. Je souhaite, en effet, développer une culture du résultat. La création des comités stratégiques de filières nous y aidera.

L’Observatoire du « fabriqué en France » fait apparaître que nos productions industrielles comptaient 74 % de composants français en 1999, contre 69 % en 2009. La différence représente autant de produits en moins fabriqués par des PME sous-traitantes françaises. Des emplois ont donc été délocalisés – ce sont les 550 000 emplois industriels perdus que je viens d’évoquer.

D’ici à 2015, nous devons augmenter de 25 % la production industrielle dans notre PIB afin d’atteindre le même niveau que l’Allemagne. Tel est l’objectif des 23 mesures issues des états généraux de l’industrie.

Nous sommes là pour parler du budget, mais il ne faudrait pas oublier, pour autant, les choix structurels : nous avons installé un médiateur de la sous-traitance, en charge des bonnes pratiques, un ambassadeur de l’industrie chargé de promouvoir l’harmonisation au plan européen, et nous avons confié une mission parlementaire sur la possibilité de supprimer un certain nombre de contraintes administratives et réglementaires imposées aux investissements industriels dans notre pays. Ce sont autant de marges de compétitivité sans coût budgétaire qui peuvent augmenter considérablement notre efficacité.

Dans le domaine de la chimie, nous avons décidé de mettre en place onze comités stratégiques de filières. Celui de l’aéronautique a été installé lors du salon des drones de Bordeaux, celui de la filière navale à Lorient, celui du ferroviaire à Valenciennes, et j’installerai cet après-midi celui de la chimie. À cela s’ajoute le comité stratégique du médicament à Tours, où est installé Sanofi.

Ces éco-systèmes, conçus sur un modèle semblable à celui de l’Allemagne, permettront d’instaurer de véritables relations entre les donneurs d’ordre et les sous-traitants, et ainsi de sortir de la relation épouvantable de domination qui prévaut actuellement : nous devons la remplacer par une relation clients-fournisseurs. Nous pourrons ainsi regagner des parts de marché pour les produits fabriqués en France et obtenir de vraies solidarités, tout en veillant à ce que le fruit du travail de nos ingénieurs et de nos chercheurs profitent à nos PME. C’est ainsi que nous réussirons à avancer de nouveau.

Vous avez parlé de recul industriel, mais j’observe que notre action commence à porter ses fruits : au cours du premier semestre de 2010, les commandes industrielles ont augmenté de 11 %, la production industrielle s’est accrue de 6 %, et le chiffre d’affaires de 5 %.

Je ne reviendrai pas sur la liste des relocalisations que j’évoquais tout à l’heure en réponse à Daniel Paul.

Tout cela tend à recréer une attractivité et à renforcer la compétitivité de notre pays.

Oséo effectue un travail essentiel au service des pôles de compétitivité en permettant aux projets retenus dans le cadre des appels de démarrer rapidement au profit de l’économie française. Malgré la baisse de 5 % des crédits qui résulte normalement de la norme d’évolution des dépenses de l’État, Oséo conservera les moyens nécessaires à l’exercice de ses missions. Cette structure sera d’ailleurs l’opérateur d’un grand nombre de mesures relevant des investissements d’avenir, notamment les prêts verts, pour 500 millions d’euros, le soutien à la ré-industrialisation, pour 200 millions, et la structuration des filières, pour 300 millions.

Cette dernière mesure consiste à soutenir les projets collaboratifs. Une des faiblesses de notre pays est, en effet, l’absence d’entreprises de dimension intermédiaire : la France compte de très grands groupes de taille mondiale, qui ont un impact fort sur les exportations et sur la balance du commerce extérieur ; elle a également des PME de très grande qualité, mais il manque un échelon de taille intermédiaire, qui existe en Allemagne. Dans notre pays, moins de 3 % des entreprises comptent plus de 50 salariés, contre plus de 10 % en Allemagne.

Grâce à ces 300 millions d’euros, nous pourrons développer des plateformes de commercialisation commune avec des projets collaboratifs en région, ou bien rapprocher les PME françaises pour obtenir un plus grand nombre d’entreprises de taille intermédiaire. Nous deviendrons ainsi plus performants.

Je rappelle, en outre, que le Fonds stratégique d’investissement (FSI) a investi 1,4 milliard d’euros dans des PME innovantes telles que Carbone Lorraine, Inside Contactless, Daher et Dailymotion. L’investissement dans les fonds sectoriels porte également ses fruits : le Fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA) a ainsi bénéficié de 200 millions d’euros dans le cadre de la plateforme « automobile », qui a bien accompagné nos équipementiers en leur permettant de résister et de passer maintenant à une phase d’innovation, comme le dernier mondial de l’automobile l’a démontré. Le fonds Innobio a également bénéficié de 50 millions d’euros. Je rappelle, à ce sujet, que 30 % des médicaments devraient être issus des biotechnologies dans deux ans. Afin de demeurer parmi les trois leaders mondiaux dans l’industrie pharmaceutique, nous devons dégager les moyens nécessaires – et nous le faisons.

Je fais mienne votre analyse sur le photovoltaïque : nous achetons en Chine et en Allemagne pour développer une simple politique de service en France. Nous n’avons pas su être au rendez-vous.

Il faut maintenant « mettre le paquet » sur l’innovation afin de ne pas rester à la traîne dans un certain nombre de domaines, comme le photovoltaïque et les éoliennes.

M. le président Patrick Ollier. Vous avez bien raison, monsieur le ministre !

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Dans le domaine des énergies renouvelables, nous devons investir, via le crédit impôt recherche ou via les fonds des investissements d’avenir, afin d’être les premiers demain. C’est, par exemple, ce que nous faisons avec la CNIM à la Seyne-sur-Mer, qui a inventé un système thermodynamique solaire, aujourd’hui au stade du prototype. Nous sommes les premiers dans ce domaine. Les fonds des investissements d’avenir vont financer un démonstrateur, implanté à Llo, dans les Pyrénées-Orientales. Nous devons nous positionner là où nous serons les premiers à produire, mais il faudra aussi évaluer les efforts d’accompagnement nécessaires à réaliser dans les domaines où nous avons pris du retard.

S’agissant des nouvelles technologies des télécommunications, j’ai lancé, le 30 septembre dernier, à la suite d’un rapport qui m’a été remis, un appel à projets en faveur du secteur de la micro- et de la nano-électronique dans le cadre des investissements d’avenir. Avec le logiciel embarqué, ce domaine constitue le cœur technologique des systèmes numériques de demain.

La France dispose d’atouts majeurs dans le domaine de la R&D et de la production des composants de la micro- et nano-électronique. Ce secteur, qui représente près de 70 000 emplois directs irrigue de nombreuses filières industrielles – télécommunications, transports, santé ou encore énergie. C’est donc un enjeu stratégique fort.

L’action du Gouvernement consistera à accompagner les ambitions des acteurs industriels sur le territoire national en vue de conforter la position de notre pays dans le club restreint des leaders mondiaux de ce secteur. Le soutien de l’État s’élèvera à plusieurs centaines millions d’euros pour le développement de ces technologies de base du numérique.

M. Jacques Grosperrin. Le 29 septembre 2010, Mme Lagarde a rappelé l’impérieuse nécessité de réduire rapidement les déficits à la sortie de la crise : c’est une condition nécessaire pour obtenir une croissance équilibrée et durable. Elle a indiqué que cette réduction des déficits à partir de 2011 ne constituait ni une difficulté ni un changement.

Le Gouvernement s’est engagé à ramener le déficit public de 7,7 % du PIB en 2010 – selon les estimations – à 6 % dès 2011, puis progressivement à 3 %. Pour y parvenir, il faudra trouver 40 milliards d’euros. Le Gouvernement a envisagé différentes solutions, sur lesquelles je ne reviens pas. Nous savons que la réduction des déficits suppose une diminution drastique des dépenses de fonctionnement et d’intervention de l’État.

On pouvait craindre que la maîtrise des déficits, qui doit être équitable, n’ampute aussi le secteur de la recherche et de l’enseignement supérieur. Or, tel ne sera pas le cas : la majorité a souhaité que nos efforts demeurent constants dans ce secteur d’avenir pour notre pays. La mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES) est, en effet, une priorité du Gouvernement : elle est la première bénéficiaire des investissements d’avenir, pour un montant total de 21,9 milliards d’euros, et les moyens de fonctionnement des universités vont continuer à s’accroître, ce qui est très atypique. Comme l’a rappelé Mme Pécresse, le ministère bénéficiera d’un traitement dérogatoire puisqu’il ne connaîtra aucune suppression d’emploi : la balance des effectifs reste à zéro.

S’agissant de l’évolution des crédits, le groupe UMP souhaite appeler l’attention sur les efforts consacrés à l’amélioration de l’immobilier – concrétisation de nombreux partenariats public-privé dans le cadre de l’opération Campus, amélioration du logement étudiant avec la construction, chaque année, de 5 000 logements nouveaux, réhabilitation de 7 000 autres logements.

N’oublions pas non plus la continuité de la politique des pôles de compétitivité à laquelle nous sommes très attachés, ni les incitations fiscales destinées à impliquer les entreprises dans le champ de la recherche et de l’enseignement supérieur.

J’en terminerai par les différentes aides prévues dans ce projet de loi de finances, citant notamment la dotation de l’État à Oséo-innovation, qui sera renforcée de 115 millions d’euros en 2011.

Cette politique est parfaitement conforme aux objectifs que l’UMP appelle à réaliser, et qu’elle soutiendra.

M. Jean-Louis Touraine. La recherche est présentée comme un secteur sanctuarisé, qui serait épargné par les coupes sévères infligées à la plupart des autres secteurs. Il a même été dit que son budget augmenterait, ce qui semble vrai à première vue.

Une telle évolution est nécessaire pour nous porter à la hauteur de nos ambitions, et même simplement pour revenir au même niveau qu’en 2002 : la recherche représentait alors 2,23 % du PIB. Selon la ministre, nous arriverons au taux de 2,21 % en 2011, mais d’autres analystes évaluent l’effort réel à 2,11 %. Cela reste loin du niveau atteint par les États-Unis, dont l’effort consacré à la recherche oscille entre 2,5 et 3 % du PIB, ou du Japon, dont l’effort dépasse 3,5 %. Nous sommes à la quatorzième place internationale, en decà de l’objectif fixé : je rappelle que nous devions atteindre l’objectif de 3 % du PIB.

Surtout, nous nous inquiétons de ce que recouvrent ces chiffres globaux. On observe que le périmètre de ce qui est inclus dans les crédits de recherche diffère : l’autonomie des universités aboutit à des transferts de charges supplémentaires, et on utilise des crédits de recherche pour le fonctionnement d’activités diverses. Il est, en outre, illusoire d’évaluer à zéro le glissement vieillesse technicité (GVT) : il s’élèvera, dans le meilleur des cas, à 0,3, ce qui diminuera d’autant le budget « efficace » des universités.

Des montants importants sont prévus au titre du grand emprunt, mais sous forme de dotations qui ne seront pas toutes utilisées. Nous sommes favorables au crédit impôt recherche, dont le montant a considérablement augmenté – il ne représentait que 400 millions d’euros en 2003. Après l’augmentation enregistrée en 2008, son montant dépassera désormais 5 milliards d’euros. S’il convient de maintenir ce dispositif, il faudrait exercer un meilleur contrôle sur lui, notamment au niveau parlementaire. On pourrait également envisager de ne pas inclure ces crédits au titre de la recherche. Une partie de leur utilisation dépasse, en effet, ce cadre proprement dit.

L’augmentation de 145 millions d’euros du crédit d’impôt recherche contribuera largement à la hausse du budget de la recherche : sans cela, elle ne dépasserait pas 267 millions d’euros.

J’en viens aux universités. On recherche l’excellence dans un petit nombre d’entre elles, dans une perspective élitiste ; dans les autres, qui représentent 90 % de la recherche universitaire et 95 % des étudiants, les moyens diminuent. On a l’impression que le seul objectif est de constituer une vitrine pour les classements internationaux, notamment celui de Shanghai. Ce n’est pas forcément une tare, mais il faut prendre en compte les besoins de la recherche partout sur le territoire national. C’est malheureusement un travers bien français que de privilégier les grandes structures en oubliant le vivier qui conditionne la recherche de demain. Pourquoi être en permanence obsédé par les classements internationaux ? L’exemple de l’Institut Pasteur a montré, tout au long du siècle dernier, qu’il faut surtout obtenir des résultats significatifs pour attirer des chercheurs, nationaux comme étrangers, et pour faire rayonner les centres de recherche. Il revient aux structures extérieures d’effectuer leurs classements, mais il ne faut pas s’en préoccuper de manière excessive.

J’observe, par ailleurs, que le nombre des postes est en diminution au CNRS, et que le budget de cet organisme augmente à peine – bien moins, en tout cas, que celui d’autres organismes de recherche tels que l’INSERM ou l’INRA.

Je ne reviendrai pas sur le développement durable, dont il a déjà été question. Je me limiterai à rappeler que nous sommes très en deçà de ce qui était attendu, et même de ce qui avait été annoncé.

Nous aimerions pouvoir saluer le progrès effectué du point de vue de la considération dont bénéficie la recherche dans notre pays. C’est dans les temps de crise, de recul de l’industrie, de l’activité et de l’emploi, qu’il faut investir dans la recherche. Nous étions prêts à saluer un effort en ce sens, et à vous féliciter, madame la ministre, d’avoir su négocier un budget de la recherche favorable. Nous observons, hélas, que ce budget recouvre d’autres réalités que la seule recherche.

Comme de nombreux chercheurs, qui continuent à réaliser d’excellents travaux en dépit de la faiblesse des moyens dont ils bénéficient, nous craignons que vous ne fassiez preuve de myopie : vous figez et vous soutenez, pour l’essentiel, ce qui marche, sans encourager suffisamment la créativité et l’innovation, la recherche non finalisée qui est une condition pour l’avenir. Nous craignons une stagnation, voire un recul du nombre d’emplois dans la recherche, et nous redoutons une gestion managériale, propre à l’entreprise et éloignée de ce qui convient à la recherche. Avec la vision qui prévaut aujourd’hui, nous n’aurions pas pu suivre certains tournants essentiels que nous avons connus, dans le domaine des sciences de la vie, par exemple – je pense au tournant de la biologie moléculaire et à celui de la biologie cellulaire.

Je connais peu de chercheurs heureux. Si tout se passait aussi bien que le prétend la ministre, ils devraient vous remercier, vous exprimer leur bonheur. Or ce n’est pas le cas. Trop nombreux sont ceux qui quittent notre pays, et l’inquiétude de ceux qui restent témoigne de l’insuffisante prise en compte de leurs préoccupations. Ne croyez-vous pas que l’on pourrait développer davantage la concertation avec eux ?

Mme Marie-Hélène Amiable. Je tiens d’abord à dénoncer les très mauvaises conditions d’examen en commission élargie des crédits pour la recherche et l'enseignement supérieur. Ainsi que l'a exprimé notre groupe dans un courrier au Président de l'Assemblée nationale, elles ne sont pas dignes du Parlement. Que les interventions de nos collègues rapporteurs et porte-parole des groupes soient systématiquement coupées ne permet pas un débat démocratique.

Non seulement le budget de la recherche et de l’enseignement supérieur n’est plus débattu dans l’hémicycle, mais le temps de parole est limité à cinq minutes par groupe. Pourquoi dès lors prendre la peine de venir en réunion de commission ?

Autre anomalie, les crédits de quatre missions sont débattus en commission élargie avant le vote de la première partie de la loi de finances pour 2011, prévu cet après-midi. Cette procédure est contraire à l'article 42 de la loi organique relative aux lois de finances, aux termes duquel la seconde partie du projet de loi de finances ne peut être mise en discussion devant une assemblée avant l’adoption de la première partie.

Le budget de la recherche est un budget en trompe-l’œil.

Après l'avis élaboré par notre collègue Daniel Paul relatif aux crédits de la recherche industrielle, je veux insister sur le crédit d’impôt recherche, à propos duquel une discussion a eu lieu lors de l’examen de l'article 15 du projet de loi de finances.

Depuis plusieurs années nous dénonçons l'inefficacité de cette exonération fiscale et ses montants astronomiques – 5 milliards prévus pour 2011. Je me félicite que des rapports de l'Assemblée nationale et du Sénat aient finalement mis en évidence ces coûts exorbitants et les effets d'aubaine dont bénéficient les plus grandes entreprises et leurs filiales, alors même qu’elles n’augmentent pas suffisamment leurs dépenses de recherche. Les chiffres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sont en effet éloquents : pour les dépenses de recherche, la France y reste à la quatorzième place.

Le document de neuf pages que vous nous avez adressé au printemps, relatif au crédit d’impôt recherche 2008, nous apprend que le secteur des services, qui ne représente que 12 % de la recherche française, a perçu 34 % du crédit d’impôt recherche en 2008. Il faudrait y ajouter les 33 % qui reviennent aux activités des sociétés de holdings, que vous classez abusivement dans les industries manufacturières alors que leur seule vocation est la prise de participations financières.

Le débat tenu à l’occasion de l’examen de l'article 15 du projet de loi de finances a été complètement biaisé. On a laissé entendre que l'aménagement du crédit d'impôt recherche aurait pour conséquence des pertes d'emplois dans les entreprises. La réalité est que si les montants étaient véritablement tous utilisés pour financer l'investissement de celles-ci dans la recherche, c’est 50 000 emplois qui seraient créés.

Par ailleurs, le syndicat national unifié des impôts (SNUI) a mis en évidence l’absence de moyens, pour les agents du fisc, de déceler les fraudes dans ce domaine. En conséquence, en juin dernier, il a proposé six pistes pour un crédit d’impôt recherche efficace : en établir un suivi détaillé et qualitatif ; organiser un même suivi s’agissant des bénéficiaires ; rééquilibrer la part des aides directes au sein des aides à la recherche ; envisager un lien entre dépenses éligibles au crédit d’impôt recherche et lieu d'exploitation des recherches ; améliorer les contrôles ; enfin, favoriser les jeunes entreprises réellement innovantes. Madame la ministre quel est votre avis sur ces propositions ?

La course aux financements et la politique de la prétendue excellence nous font craindre l'abandon de pans entiers de domaines et de programmes de recherche universitaire. Je me fais à cet égard l'intermédiaire du SNESUP qui déplore de ne pas connaître le nombre total de contrats doctoraux, sachant que dans de nombreuses universités, il semble diminuer. Pouvez-vous communiquer des éléments précis à la représentation nationale ?

Selon d’autres organisations syndicales, certaines universités auraient commencé à utiliser leur masse salariale pour le financement de dépenses de fonctionnement ou pour le recours à la sous-traitance : nous le confirmez-vous ?

Les crédits du programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », diminueraient d'environ 1 %. Nous nous inquiétons donc fortement pour les organismes que sont le CNRS, l'INSERM, ou l'Institut de recherche pour le développement (IRD). Pouvez-vous revenir sur ce point ?

Le Gouvernement pourrait-il également nous fournir des explications précises sur la baisse significative des crédits alloués aux actions « Développement de la technologie spatiale au service de la recherche en sciences de l'information et de la communication » et « Moyens généraux et appui à la recherche » ? Ils semblent en effet diminuer respectivement de 23 % et 16 %.

À la suite de l'avis rendu par mon collègue André Chassaigne sur la recherche dans les domaines du développement durable – qui, au passage, montre le non-respect du Grenelle de l’Environnement – je souhaite enfin revenir sur la baisse de 30 millions d'euros, c’est-à-dire d'environ 12 %, des crédits de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

La subvention que cet institut reçoit de l'État passerait en 2011 de 243 à 213 millions d'euros. Or, le rôle de l’IRSN est déterminant pour la sécurité de toutes et de tous s’agissant des risques liés à l'utilisation de l'énergie nucléaire et aux rayonnements ionisants.

M. Michel Diefenbacher, président. Votre temps de parole, madame, est largement épuisé.

Mme Marie-Hélène Amiable. Le conseil d'administration de cet organisme s’est prononcé très majoritairement contre ce budget. Pouvez-vous, madame la ministre, nous préciser comment sera respecté le principe d’indépendance de l’IRSN dont le financement ne doit pas avoir pour origine des entreprises qu’il a pour mission de contrôler ?

Chacun ici (Protestations) – et ce sera ma conclusion – aura compris que nous voterons contre ce budget.

M. le président Patrick Ollier. Je demande au président de séance de faire respecter les temps de parole ! Cinq minutes suffisent pour dire l’essentiel. Tous nos collègues doivent pouvoir s’exprimer.

M. Olivier Jardé. Comme la plupart de nos collègues rapporteurs, je soulignerai l’aspect positif du budget que nous examinons. Nous constatons avec satisfaction que la recherche est la première bénéficiaire du grand emprunt.

Les effectifs de chercheurs et de personnels de recherche sont maintenus. La revalorisation significative de leurs carrières encourage le choix des professions scientifiques, qui impose des études longues et difficiles.

Je peux moi-même, de par mon métier, témoigner que de jeunes chercheurs constatent une amélioration de leurs conditions de travail.

En revanche, le caractère essentiel des métiers de la recherche pour notre avenir et notre développement est très mal connu. Pour moi, le développement d’émissions de télévision pour mieux faire connaître ces métiers au grand public serait infiniment utile. Les séries « Urgences » et « Les experts » ont fait exploser la demande pour ces filières.

Au nom du groupe Nouveau Centre, je voterai en faveur du budget qui nous est présenté.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Grosperrin, dans la filière de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’État est au rendez-vous des contrats de projets État-région (CPER) : le taux de consommation des crédits de ces derniers pour 2007-2012 est de 50 % alors que nous avons dû rattraper, après notre arrivée, dix-huit mois de retard pris entre 2000 et 2006.

L’effort immobilier, qui profite à toutes les universités, a été particulièrement considérable.

Monsieur Touraine, les petites universités ne regroupent pas 95 % des étudiants : les universités franciliennes en représentent 25 % à elles seules !

Les universités qui n’appartiennent pas aux grands pôles universitaires ne sont pas oubliées. Si les crédits de l’Université de Lyon II, consacrée aux sciences humaines et sociales, ont été accrus de 32 %, et ceux de Lyon I de 20 %, les universités de Saint-Étienne et de Clermont-Ferrand voient leur budget augmenter en trois ans respectivement de 21 % et de 27 %, et celles de Chambéry et Dijon de 16 % chacune.

Madame Amiable, monsieur Touraine, je suis au regret de vous indiquer que nous avons augmenté de 5 % le recrutement d’enseignants chercheurs l’an dernier, ce qui correspond à 1 000 emplois supplémentaires. Certes, il ne s’agit pas de créations, mais si la sous-dotation historique des universités conduisait celles-ci à utiliser une partie de la masse salariale pour d’autres actions que le recrutement, les augmentations spectaculaires des budgets leur permettent aujourd’hui de dégager la masse salariale nécessaire pour pourvoir des emplois qui étaient vacants. Tels sont les bienfaits de l’autonomie.

Il n’y a pas eu, par ailleurs, de diminution d’effectifs au CNRS, et il en ira de même jusqu’en 2013. En revanche, nous augmentons le nombre de promotions aux grades non seulement de professeur – de 150 % –, mais aussi de directeur de recherches.

Quant à la décision de porter la part des programmes blancs à 50 % des programmes financés par l’ANR, c’est moi qui l’ai prise. Alors qu’ils en représentaient 25 % lors de mon arrivée au ministère, se faire attaquer sur ce point est un comble !

Madame Amiable, je suis très heureuse que vous vous fassiez la porte-parole du SNESUP à propos du contrat doctoral : voilà encore deux ans, il était hostile à sa création ! Ce contrat représente une avancée sociale majeure pour tous les doctorants de France : avant sa mise en place, en effet, les doctorants ne cotisaient pas pour leur retraite et ne bénéficiaient ni d’un contrat de travail ni du droit au congé maladie ou maternité. Le contrat doctoral – que nous avons créé en lien avec la Confédération des jeunes chercheurs (CJC) contre une opposition syndicale qui criait à la marchandisation de la fonction doctorale – permet aux doctorants de bénéficier d’un contrat de travail. Il leur ouvre les droits sociaux, notamment celui de cotiser pour leur retraite. Aujourd’hui, on compte 11 420 de ces contrats. Tous les doctorants sont sous contrat ; plus aucun n’est sous allocation de recherche.

Cette revalorisation du doctorat, qui en fait non seulement un diplôme, mais aussi une expérience professionnelle de trois ans, a également permis une augmentation de 12 à 25 % des salaires de début des doctorants recrutés comme maître de conférence ou sur d’autres postes de la fonction publique : contrairement au passé, ils peuvent, lors de leur embauche, exciper de trois ans d’expérience professionnelle. Que, à bac plus 8, ils puissent alors également disposer de trois ans de cotisation retraite leur est aussi très bénéfique. C’est le Gouvernement de Nicolas Sarkozy qui aura conduit cette réforme.

Comment, madame Amiable, pouvez-vous m’interroger ainsi sur l’IRSN ? Sa mission est pour nous si fondamentale que nous avons décidé de lui attribuer une redevance spécifique. Calculée en fonction des saisines de la part de l’Autorité de sûreté nucléaire, pour le compte de laquelle il réalise des travaux d’expertise, elle lui permettra de bénéficier de ressources propres, sans dépendre des aléas budgétaires.

Aujourd’hui le montant envisagé pour la redevance est de 30 millions d’euros. C’est pour cette raison que nous avons diminué à due concurrence la subvention attribuée à l’IRSN. Le contribuable ne doit pas être astreint à payer deux fois !

Par ailleurs, si en effet une fraction du conseil d’administration, – celle que vous représentez, sans doute – s’est prononcée contre cette réforme, tel n’a pas été le cas du conseil lui-même. Beaucoup plus logique que l’ancien, ce nouveau mode de financement de l’IRSN, en fonction des prestations de service, permet d’assurer la pérennité de ses missions.

Monsieur Jardé, enfin, je vous remercie de votre analyse.

M. Daniel Garrigue. La création de l’ANR en 2005 par le gouvernement de Dominique de Villepin a été un facteur de dynamisation de la recherche et de meilleure reconnaissance des équipes de chercheurs.

Selon notre rapporteur pour avis, Pierre Lasbordes, le taux des projets retenus passera de 22 % à 15 %. Cette évolution s’appliquera-t-elle aussi aux programmes blancs et aux jeunes chercheurs ? Pour ces catégories, il est en principe supérieur à 20 %.

Une partie des appels à projet, au moins, pourrait-elle être formulée pour des projets d’une durée supérieure à deux ou trois ans ?

Certains pensent que l’augmentation continue du préciput pèse sur la stratégie des organismes et des laboratoires de recherche. Quelle politique comptez-vous mener ?

Par ailleurs, la coordination avec le Conseil européen de la recherche se renforce-t-elle ?

La Cité des sciences et le Palais de la découverte ont été regroupés au sein de l’établissement Universcience, placé sous la présidence de Mme Claudie Haigneré. Quels seront les rôles respectifs d’Universcience et du ministère chargé de la recherche dans la diffusion de la culture scientifique ? Prévoyez-vous de transférer à Universcience des moyens en personnel de façon que la diffusion, au lieu de rester uniquement parisienne, s’étende à l’ensemble du territoire ?

Enfin, envisagez-vous d’assouplir les critères relatifs aux centres de culture scientifique, de façon à permettre à ces centres d’exercer notamment des activités de formation ? Autrement, ils disparaîtront complètement des villes moyennes pour ne plus subsister que dans les grandes métropoles.

M. Gérard Gaudron. Que le budget de l’enseignement supérieur soit l’une des priorités de notre majorité n’échappe à personne.

Madame la ministre, monsieur le ministre, vous avez déjà répondu sur le grand emprunt, le crédit d'impôt recherche et les primes d’excellence scientifique.

Autant notre recherche est mondialement reconnue, autant – une étude récente le fait apparaître – le métier de chercheur est insuffisamment valorisé. J’espère que les mesures proposées y remédieront et contribueront à pérenniser la qualité de notre recherche.

Par ailleurs, madame la ministre, pourriez-vous nous apporter des précisions sur les crédits destinés aux travaux de recherche – essentiels – sur les déchets nucléaires ?

Enfin, pourriez-vous apporter des informations concernant la nouvelle organisation dite « LMD », ou Licence-Master-Doctorat, et les passerelles entre les filières biologie et médecine, notamment à l’Université de Paris XIII ?

M. Gérard Charasse. Les instituts universitaires de technologie (IUT) sont sans doute la composante de l'université la plus en pointe en termes de professionnalisation en matière économique. Leur ancrage local fort concourt à ce résultat, de même que leur statut d’acteurs de l'aménagement et du développement durable des territoires – en parfaite conformité avec les objectifs de la loi SRU. Or, bien que le législateur ait tenu à conserver les spécificités de la gouvernance et de la gestion des IUT, il faut bien constater que les universités ne respectent pas toutes les textes qui régissent les moyens alloués aux instituts.

Madame la ministre, vous avez déjà été alertée, dès la mi-2009, par les présidents des conseils d’IUT. Le 16 septembre dernier, les 90 directeurs d'IUT présents à leur assemblée générale ont aussi pris une délibération d’alerte, justifiée par l’absence d’augmentation, voire la diminution – contrairement aux instructions – du budget qui leur est alloué. La diminution et la disparité des moyens alloués aux IUT peuvent en effet porter atteinte, à court et moyen terme, au caractère national des diplômes qu’ils délivrent.

En réponse aux questions qui vous avaient été adressées en novembre 2009, la Direction générale pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle (DGESIP) vient de publier un texte complémentaire à la note M.9.3 – relative à la structure budgétaire des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel dans le cadre des responsabilités et compétences élargies. Ce document, validé à l'unanimité par le comité de suivi réuni le 13 octobre 2010, a été diffusé le 14 octobre à la Conférence plénière des présidents d'universités. Il semblerait que la majorité des présidents présents ait émis un avis négatif sur le fond.

Vous nous l’avez dit, madame la ministre, vous avez adressé des instructions précises aux recteurs pour faire respecter les textes en vigueur et pour vérifier les allocations de ressources – moyens financiers et emplois – réservés aux IUT. Pouvez-vous faire le point sur une situation qui, si elle ne se normalisait pas, serait très préjudiciable aux IUT et à leurs étudiants, voire à l'existence même de ces établissements ?

M. Alain Marc. Madame la ministre, comment vos services comptent-ils intégrer dans leur action les schémas régionaux d’enseignement supérieur, élaborés à l’initiative des conseils régionaux afin de mieux rationaliser les implantations des établissements et des filières, notamment dans les départements ruraux ?

Cette prise en compte pourrait-elle remédier à la dispersion des moyens et contribuer à une meilleure efficacité de l’enseignement supérieur ?

M. Patrice Verchère. Le crédit d’impôt collection, intégré au sein du crédit d'impôt recherche, s’applique aux dépenses spécifiques que les entreprises industrielles des secteurs de l’habillement et du cuir consacrent, à intervalles réguliers, à de nouvelles collections. Il peut s’élever à 50 % de ces dépenses.

Les industries du textile sont inquiètes pour sa pérennité. L’Inspection générale des finances a en effet récemment émis l’idée de le supprimer, considérant qu’il était dépourvu de lien logique avec le crédit d'impôt recherche. Or, ce serait condamner définitivement une filière qui, grâce à lui, a su retrouver un second souffle en renouvelant sa réactivité et la créativité de ses collections.

Nos entrepreneurs ont besoin de stabilité fiscale pour garantir la sécurité de l’emploi, renforcer leurs prévisions et rester compétitifs sur le marché international. Envisagez-vous la reconduction de ce dispositif, ainsi que le maintien à 500 000 euros du seuil de minimis fixé par la réglementation européenne en matière d'aide d'État ?

Mme Annick Girardin. J’ai eu confirmation du ministre d’État, M. Jean-Louis Borloo, que les crédits nécessaires à la mission scientifique organisée dans le cadre du programme EXTRAPLAC en vue de l'extension du plateau continental français à Saint-Pierre-et-Miquelon sont bien inscrits au budget de 2011. C’est là une condition essentielle pour confirmer la dynamique engagée en 2009 avec le dépôt par la France auprès de l’ONU de la lettre d’intention indiquant que, conformément au droit maritime international, elle entend bien faire valoir ses droits en Atlantique Nord.

Tout d'abord, les conditions météorologiques imposent que cette mission puisse se mener à Saint-Pierre et Miquelon entre mai et octobre 2011. À cette fin, elle doit être classée prioritaire au sein du programme EXTRAPLAC. En qualité de ministre de tutelle de l’IFREMER, membre essentiel du programme, pouvez-vous nous confirmer que, conformément aux engagements pris à Matignon en début d'année, tel sera bien le cas ? Pourrez-vous y veiller ?

Ensuite, en cette année de la biodiversité, la mission de relevés scientifiques ainsi projetée ne devrait-elle pas être aussi l’occasion de procéder enfin à un début de recensement de la richesse animale et végétale de nos eaux froides ? Un tel couplage en optimiserait les résultats. Alors que des missions récentes ont été récemment conduites dans les eaux chaudes, et que nous pouvons espérer que des espèces marines nouvelles nous offrent des opportunités de développement économiques, la majeure partie de cette richesse demeure inconnue.

M. Robert Lecou. Spécialisé dans les recherches marines, l’IFREMER est aussi l’instrument d’un dialogue serein entre les professionnels, notamment ceux de la pêche, et les associations environnementales.

Mais la filière conchylicole aussi a besoin des réponses des scientifiques à la surmortalité considérable des naissains qui l’afflige aujourd’hui. Quel effort le budget qui lui sera alloué permettra-t-il à l’IFREMER de consentir pour cette action ?

L’opération Campus permet une meilleure structuration de notre enseignement supérieur et un meilleur positionnement de nos universités dans le concert mondial. Quel est son état d’avancement ?

Même si, avec plus de 13 000 chambres livrées cette année, les objectifs de construction de logements étudiants ont été atteints – et ce pour la première fois –, de très nombreux étudiants connaissent encore des difficultés de logement considérables. Madame la ministre, quelles mesures les crédits inscrits pour 2011 vous permettront-ils de prendre ?

Mme Françoise de Panafieu. En avril dernier, j’avais, madame la ministre, appelé votre attention sur la forte augmentation des droits d’inscription en master de gestion et d’économie internationale à l’Université de Paris-Dauphine. Les étudiants, dont la famille dispose d’un revenu annuel supérieur à 80 000 euros par an, paient en effet désormais 4 000 euros par année. Vous m’avez réaffirmé en juin votre détermination à faire respecter ses engagements par cette université – qui délivre majoritairement des diplômes nationaux – dont les droits d’inscription sont fixés annuellement par arrêté ministériel, sans toutefois évoquer le cas spécifique de ces nouveaux masters. Or, les masters les plus prisés de nombreuses universités, comme celui de Paris-Dauphine, n’entrent pas dans cette catégorie et sont assujettis à des frais d’inscription très élevés, fixés librement par les établissements. Des réductions de droits n’étant en règle générale accordées qu’aux étudiants dont les familles ont moins de 80 000 euros de revenus annuels, de nombreux étudiants sont exclus de ces formations, notamment ceux originaires des classes moyennes, dont les parents n’ont pas les moyens de payer de telles sommes, en sus de financer la vie quotidienne de l’étudiant. Ne faudrait-il pas mieux encadrer les droits d’inscription de ces nouveaux diplômes qui se développent dans nombre d’universités, à côté des diplômes nationaux aux droits réglementés ? N’ouvre-t-on pas sinon la voie à des diplômes « à deux vitesses » au sein d’une même université, au risque d’aboutir à deux catégories inégales de diplômés ?

M. Christophe Priou. Le site d’expérimentation du projet SEM-REV, tendant à produire de l’électricité à partir de l’énergie de la houle, porté par l’École centrale de Nantes, est l’un des candidats les plus sérieux identifiés par l’IFREMER pour la création d’une plate-forme des énergies marines renouvelables ainsi que dans le cadre des instituts d’excellence dans le domaine des énergies décarbonées (IEED), ouvrant droit aux financements du grand emprunt. Les études menées dans le cadre de la plate-forme IFREMER visent à choisir un site unique pour chacune des technologies éoliennes flottantes : atterrage ou dissipation en mer. La région Pays de la Loire a donc de bonnes chances de faire aboutir le projet SEM-REV. Pouvez-vous, madame la ministre, faire le point sur le financement qui sera accordé à la recherche en matière de nouvelles énergies, notamment marines, et donc au projet SEM-REV, à la fois dans le budget pour 2011 et dans le contrat de plan État-région 2007-2013 ?

Mme Françoise Imbert. Je souhaite, à mon tour, revenir sur la situation des étudiants, dont 10 % éprouvent de grandes difficultés à financer leurs études. La quasi-impossibilité pour beaucoup d’entre eux d’accéder à un logement étudiant – conjuguée à la cherté du logement dans le secteur privé – contribue à l’échec à l’université, en particulier en premier cycle. La livraison de 13 461 nouvelles chambres d’étudiants à la rentrée 2010, avec seulement 4 938 logements neufs, soit ce qui était prévu par le plan Anciaux en 2004, ne suffit pas. Il manque encore plus de 10 000 logements par rapport aux 60 000 promis dans ce plan ! Pour la présente année universitaire, ne sont disponibles qu’un peu plus de 60 000 logements gérés par le CROUS, alors qu’on compte près de 600 000 étudiants boursiers. Comment aller plus vite et agir plus fort en faveur du logement étudiant ?

2,3 millions d’étudiants sont inscrits cette année dans l’enseignement supérieur, dont 1,3 million à l’université, où ont été mis en place les nouveaux masters « Métiers de l’enseignement ». Ceux-ci ne semblent pas faire recette. Selon la CPU, début octobre, la baisse des effectifs à toutes les préparations aux concours de l’enseignement, désormais ouverts à bac + 5, variait entre 30 % et 50 % selon les académies. Où en est-on exactement ? N’est-ce pas, hélas, déjà un constat d’échec pour cette nouvelle formation des enseignants ?

M. Jean-Jacques Gaultier. Alors que vient de se dérouler la Fête de la science sur l’ensemble du territoire national, qui a attiré un nombre croissant de visiteurs scolaires, alors que chacun reconnaît la nécessité de multiplier et de renforcer les relais entre la science et le grand public, de donner aux jeunes, dès l’école, goût et intérêt pour les sciences, de ré-instaurer une relation de confiance entre la science et la société dans un contexte où certaines évolutions scientifiques et techniques inquiètent, au point d’être remises en cause, je souhaiterais, madame la ministre, des précisions sur l’évaluation et la labellisation des centres de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI), ainsi que sur les moyens qui leur seront alloués par l’État, dans le cadre des contrats de plan État-région ou hors de ceux-ci.

Pourriez-vous également faire le point sur l’état d’avancement des financements communautaires mis en œuvre à mi-parcours du 7ème programme-cadre européen de recherche-développement (PCRD) européen et sur le taux de retour financier pour la France ? Quelle proportion de nos projets candidats obtiennent-ils un financement ?

M. Jean-Paul Chanteguet. Le Président de la République déclarait, il y a quelques mois, que pour chaque euro investi dans le nucléaire civil, un euro le serait également dans les énergies renouvelables. Quel est le montant des crédits de recherche alloués respectivement à chacun de ces secteurs ? S’agissant des énergies renouvelables, comment se répartissent-ils entre énergie éolienne, solaire, issue de la biomasse et de la géothermie ?

Ma seconde question a trait au projet de réacteur ITER. Son coût a triplé, passant de 5,9 à 15 milliards d’euros, financés à 45 % par l’Union européenne, 20 % de ce financement communautaire étant supporté par notre pays, dont la participation passera de 500 millions à 1,3 milliard d’euro. Cette dérive aura-t-elle une incidence sur les autres programmes de recherche ? Ne pensez-vous pas, à l’instar de Georges Charpak, qu’il serait opportun de renoncer à ITER, projet à la fois hors de prix et inutilisable ?

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Monsieur Verchère, soyez rassuré, nous ne toucherons pas au crédit d’impôt collections. Le projet de loi de finances pour 2011, comme je m’y étais engagé, préserve intégralement cet outil très incitatif d’accompagnement des jeunes créateurs dans le domaine de la mode et du luxe. Aucun amendement gouvernemental susceptible de le remettre en cause ne sera présenté. J’invite bien entendu les parlementaires à ne pas en déposer non plus. Pas moins de 25 000 à 30 000 emplois dans notre pays sont en jeu. Des chartes de bonnes pratiques ont été signées avec le comité stratégique des filières afin de favoriser l’émergence de créateurs de talent, que plusieurs grandes maisons traditionnelles accompagnent aussi. Toucher à cet outil risquerait d’être fatal aux jeunes créateurs. Les ateliers Lefranc-Ferrant, que je visitais la semaine dernière, sont un emblème de cette réussite. Ayant démarré il n’y a pas si longtemps à partir de rien, grâce à l’intelligence et au savoir-faire de leurs créateurs, ces ateliers commencent d’avoir une notoriété internationale. Rien de tout cela n’aurait été possible sans le crédit d’impôt collections.

(M. Yves Censi remplace M. Michel Diefenbacher à la présidence.)

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Garrigue, vous m’interrogez, comme M. Lasbordes, sur le taux de pression de l’ANR. Je ne comprends pas l’origine de ces inquiétudes car ce taux de pression n’augmente en rien. On a seulement supprimé les programmes de l’ANR redondants avec ceux du grand emprunt. Quant à la programmation triennale, elle n’est destinée qu’à permettre d’étaler les projets dans le temps. Il n’est absolument pas question d’augmenter le taux de pression à 15 % de projets, ce qui serait absurde. Une telle évolution serait d’ailleurs des plus improbables quand sont aujourd’hui lancés divers appels à projets pour un montant de 17 milliards d’euros. Les laboratoires trouveront largement matière à se porter candidats sur d’autres appels à projets que ceux de l’ANR. Je ne comprends décidément pas comment en décuplant les moyens de l’Agence, on pourrait augmenter le taux de pression !

Pour ce qui du préciput à 20 % – pourcentage qui, je le souligne, vient en plus et n’ampute donc en rien les crédits des laboratoires –, c’est moi qui ai tenu à le porter à ce niveau, pour se rapprocher de ce qui se fait dans les autres pays. Ces 20 % doivent permettre d’enclencher une logique vertueuse. Il sera très incitatif pour les établissements d’avoir un laboratoire se portant candidat sur un projet à l’ANR puisqu’il obtiendra 20 % de crédits supplémentaires chaque fois que l’un d’entre eux sera retenu pour un projet ANR, somme qu’ils pourront utiliser pour couvrir leurs coûts de fonctionnement mais aussi renforcer leur stratégie globale. Il est vrai que nous avons choisi de verser le préciput à l’hébergeur, le plus souvent l’université, moins souvent l’organisme de recherche qui affecte des moyens dans une unité mixte, mais c’est logique. L’un des gros problèmes réside en effet dans l’entretien des bâtiments, des matériels, des services communs. Or, il en va des conditions de travail et de vie des chercheurs. Une utilisation exclusive des crédits de l’ANR pour les projets de recherche conduirait à une impasse. Une certaine mutualisation au profit des infrastructures des établissements hébergeurs paraît bienvenue.

Au niveau européen, il est vrai que nous coopérons peu avec l’European Research Council, mais cela tient à son mode actuel de fonctionnement. Il n’existe pas aujourd’hui, à ma connaissance, de programmation thématique de l’ERC liée aux stratégies nationales de recherche. L’ERC privilégie l’approche par projets, réservant son aide aux meilleurs d’entre eux. On pourrait creuser pour aller dans le sens de la coopération que vous appelez de vos vœux, mais ce n’est pas sur ce modèle que fonctionne pour l’instant l’ERC.

S’agissant d’Universciences, je vous rassure : tous les crédits restants de mon ministère en matière de culture scientifique et technique seront bien transférés au nouvel établissement public dirigé par Claudie Haigneré. Universciences a vocation à être l’opérateur de l’État en matière de diffusion de la culture scientifique. Il devra travailler avec d’autres villes que Paris et animer un véritable réseau national : le ministère y veillera. Un appel à projets de 50 millions d’euros sera prochainement lancé par Claudie Haigneré sur le thème de la culture scientifique. Tous les CCSTI, y compris ceux des villes moyennes, devront y être associés. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de la fixation des règles de cet appel à projets.

Monsieur Gaudron, nous travaillons sans relâche à valoriser les métiers de la recherche. Pour ce qui est des carrières et des métiers stricto sensu, nous avons dégagé 280 millions d’euros sur la période 2009-2011 ; nous avons augmenté de 12 % à 25 % les salaires d’embauche des maîtres de conférence ; nous avons valorisé toutes les activités des enseignants-chercheurs, en sus de l’enseignement et de la recherche, ce qui n’était pas fait jusqu’à présent ; nous avons doublé la prime pédagogique versée aux chercheurs qui parallèlement enseignent ; nous avons créé la prime d’excellence scientifique ainsi que les chaires d’excellence ; nous avons doublé le nombre des places à l’Institut universitaire de France ; nous avons largement multiplié le nombre de promotions possibles et ouvert la possibilité aux équipes d’un intéressement collectif. Mais il faut aller plus loin encore. Cette valorisation des métiers de la recherche ne prendra tout son sens que lorsque les chantiers de l’opération Campus auront été lancés, car l’environnement de travail des chercheurs n’est bien entendu pas indifférent. À mon arrivée au ministère, on dénombrait 38 % de locaux vétustes, ce qui inévitablement donnait une mauvaise image des métiers de la recherche et ne contribuait pas à l’épanouissement des personnels !

M. Lecou m’a justement interrogée à propos de l’opération Campus. Nous avons abondé la dotation issue de la vente de titres EDF par des crédits issus du grand emprunt. Tous les chantiers prévus seront lancés d’ici à la fin de l’année. Le Président de la République inaugure demain une remarquable exposition à la Cité de l’architecture, que je vous invite tous à visiter. Y sont présentés nos projets pour les 46 établissements concernés par ce plan.

J’en viens au logement étudiant. Nous sommes désormais en phase avec les objectifs du plan Anciaux. Nous construisons 5 000 logements par an et en réhabilitons largement plus de 7 000 par an – 8 500 l’ont été cette année. En quatre ans, ce sont 44 000 chambres neuves ou réhabilitées qui auront été mises à la disposition des étudiants. Cela peut paraître peu, mais c’est 25 % du parc du CROUS qui ne comporte que 160 000 chambres. En dépit de l’augmentation substantielle des budgets, la solution ne peut pas passer exclusivement par le CROUS. Il faut faire feu de tout bois. Nous allons réaffecter d’anciennes casernes militaires à Arras et Versailles ; nous construirons d’autres logements modulaires, comme nous l’avons fait au Havre et à Compiègne. Cela étant, rien ne pourra se faire sans les collectivités territoriales ni les acteurs locaux du logement social. Tous doivent faire du logement étudiant une priorité. Avec mon collègue chargé du logement, Benoist Apparu, nous lancerons d’ici à la fin de l’année une conférence nationale du logement étudiant. On ne peut pas en ce domaine tout attendre de l’État. Nous avons besoin d’avoir à nos côtés les grandes villes universitaires, où les tensions en matière de logement étudiant sont les plus vives.

Monsieur Gaudron, vous m’avez demandé quand l’Université Paris XIII instituerait, comme le demandent les étudiants, des passerelles entre la filière biologie et celles des métiers de la santé. Je vous réponds : dès 2011.

Monsieur Charasse, vous avez évoqué, à juste titre, le sujet des IUT. Nous avons alloué aux universités autonomes des budgets globaux, qu’elles doivent apprendre à gérer de manière globale, tout en garantissant un juste équilibre entre leurs diverses composantes. Je le redis ici, les IUT sont une composante essentielle des universités. Les budgets de ces filières, qui offrent un excellent taux d’insertion professionnelle, doivent être au moins maintenus, sinon accrus. Après qu’une charte des bonnes pratiques a été élaborée, les présidents d’université s’y sont engagés. Ils doivent tenir leur engagement. Des contrats d’objectifs ont été signés, et les IUT, comme toutes les autres filières, doivent bénéficier de l’exceptionnelle augmentation de 18 % des crédits des universités. La circulaire explicitant les règles d’attribution des crédits à leur profit doit être respectée. Si des problèmes se posent ça ou là, j’enverrai des représentants du ministère sur place afin de tout tirer au clair. Et si des points noirs persistent, les décisions illégales éventuellement prises, au mépris des circulaires ministérielles, seront déférées au tribunal administratif. Je me veux garante de la tenue des engagements pris de part et d’autre.

Monsieur Marc, en même temps que nous cherchons à faire émerger des pôles universitaires à visibilité mondiale, nous souhaitons consolider les pôles universitaires de proximité. Nous travaillons ainsi à la mise en place d’un premier cycle universitaire fondamental qui réunirait les classes préparatoires, les classes de BTS, les IUT, les licences, jusqu’à la licence professionnelle, et aurait vocation à dynamiser l’enseignement supérieur dans les villes moyennes. C’est toute la logique de l’expérimentation en cours avec les BTS, du plan de sauvegarde et de développement des IUT, du plan de développement des licences professionnelles, de la création de classes préparatoires dans des villes qui jusqu’à présent n’en avaient pas. Nous avons besoin de ces pôles de proximité, qui seront des pôles de professionnalisation et devront travailler en réseau avec les grands centres universitaires régionaux, dont ils seront une émanation. Nous travaillons à l’élaboration des schémas universitaires régionaux avec les conseils régionaux, les préfets et les recteurs. Nous espérons pouvoir vous en rendre compte d’ici à la fin de l’année.

Madame Girardin, une Fondation de coopération scientifique pour la recherche sur la biodiversité a été créée, dont nous avons doublé le budget. Elle doit être un interlocuteur privilégié pour les projets de préservation de la biodiversité partout sur le territoire. Elle y travaille, portant, je le sais, une attention toute particulière à l’outre-mer et à la gestion du plateau continental. Dites-moi, si besoin, ce que je peux faire pour faciliter vos relations avec cette fondation.

M. Lecou et M. Priou ont tous deux évoqué l’IFREMER. L’IFREMER présentera plusieurs projets dans le cadre du grand emprunt, un concernant la flotte pour les équipements d’excellence, un autre concernant les énergies marines. Mon ministère y prête la plus grande attention, de même que celui de Jean-Louis Borloo, pour qui ces projets sont également une priorité. Comme vous le savez, pour le grand emprunt, mon ministère ne décide pas, ne faisant qu’accompagner les porteurs de projets. Dès lors, même si un projet n’est pas retenu dans ce cadre, il aura toujours été utile pour l’organisme qui l’aura soumis de s’être ainsi projeté dans l’avenir et d’avoir construit une stratégie autour de ses points d’excellence. Le budget de l’État ou celui du contrat d’établissement pourra éventuellement prendre le relais. Soyez pleinement rassuré, monsieur Priou, le projet nantais SEM-REV est jugé tout à fait intéressant à ce stade des auditions.

Mme de Panafieu m’a interrogée sur les droits d’inscription à Paris-Dauphine et Mme Imbert sur le financement des études, deux sujets qui sont liés. Tout établissement universitaire autonome a désormais le droit de délivrer des diplômes d’établissement dont il peut librement fixer les droits d’inscription. Le tribunal administratif a été saisi de la décision de Paris-Dauphine, la question se posant de savoir s’il s’agit réellement de nouveaux diplômes ou seulement d’une transformation de diplômes nationaux en diplômes d’établissement, dans le seul but de les rendre payants. Si tel était le cas, le Conseil d’État, que j’ai saisi, considérerait qu’il y a eu abus de droit. Nous attendons l’issue de l’instance judiciaire. J’ai en tout cas tenu à rassurer les étudiants de Dauphine. Si ces diplômes viennent à être requalifiés en diplôme national, ils seront remboursés de leurs droits d’inscription. S’ils demeurent diplômes d’établissement, ils obtiendront sans problème une équivalence avec un master national, tant la maquette de ces masters est de grande qualité. Je me porte garante en tout cas qu’il n’y aura pas deux catégories de diplômes ni de diplômés.

Madame Imbert, c’est sous la présidence de Nicolas Sarkozy qu’aura été institué le dixième mois de bourse, comme les syndicats étudiants le demandaient depuis des années. Je tiens à souligner ici que les bourses accordées par les régions, notamment pour les formations sanitaires et sociales, sont aujourd’hui de 400 à 600 euros par an inférieures aux bourses d’État. J’appelle donc toutes les régions à suivre l’exemple de l’Alsace en revalorisant le montant de leurs bourses.

Nous allons également plus loin en matière de financement des études en défiscalisant le travail étudiant et en créant des centaines de milliers d’heures d’emplois dans les universités – notamment dans le cadre du plan « Bibliothèque » qui permet leur ouverture tardive ainsi qu’en fin de semaine.

En ce qui concerne les nouveaux diplômes de masterisation, le faible nombre d’étudiants inscrits s’explique par une offre de formation qualitative et quantitative beaucoup plus importante qu’auparavant avec laquelle les étudiants doivent donc se familiariser. Dans la phase transitoire que nous traversons, ces derniers ont joué la carte de la sécurité en se dirigeant vers des diplômes bien répertoriés, mais cela changera avec la réussite de leurs condisciples qui auront choisi ces voies nouvelles.

Alors que la France, monsieur Gaultier, contribue à hauteur de 16 % au budget du 7ème programme-cadre de recherche-développement de la Commission européenne, elle ne bénéficie d’un retour qu’à hauteur de 13 % : outre que notre pays remporte nombre d’appels à projets nationaux compte tenu notamment de l’ampleur des financements de l’ANR ou de la part du grand emprunt dédiée à la recherche, l’excessive bureaucratisation de ce programme est en effet patente. Par ailleurs, j’ai d’autant plus veillé à demander à la présidence belge du Conseil de l’Union européenne la simplification du programme-cadre que nous avons eu des déconvenues avec le dernier d’entre eux, CNRS et CEA s’étant vus demander le versement d’un trop perçu faute d’avoir pu prouver que les chercheurs n’avaient pas pointé les heures effectuées. En outre, présenter plus de dossiers suppose d’accroître l’attractivité des programmes-cadre. Nous privilégions donc quant à nous une logique de programmation conjointe sur des priorités européennes de recherche comme la maladie d’Alzheimer ou les questions relatives à l’alimentation et aux nouvelles énergies – ce qui permettra de mettre en œuvre une véritable politique de coopération interétatique avec les financements adéquats.

Monsieur Chanteguet, la part respective du financement des secteurs du nucléaire civil et des énergies renouvelables s’est élevée en 2010 à 444 et 460 millions, preuve d’un équilibre particulièrement bienvenu.

Il est par ailleurs exact que le prix d’ITER a été multiplié par trois, mais ce projet ambitieux, coûteux et risqué n’en fait pas moins l’unanimité de l’ensemble de ses partenaires internationaux comme j’ai pu le constater moi-même aux États-Unis, en Chine et au Japon. Si vous me permettez de filer une métaphore énergétique un peu archaïque : l’enjeu en vaut la chandelle. J’ajoute que la France devrait être la dernière à envisager la remise en cause d’un tel projet car elle en sera la première bénéficiaire, notamment la région PACA – les collectivités territoriales ont d’ailleurs déjà beaucoup investi. Je précise, de surcroît, que nous sommes parvenus à financer les surcoûts d’ITER sans augmenter les impôts des contribuables européens au budget de l’Union en utilisant les crédits non consommés de ce dernier. Enfin, le changement de la gouvernance permettra désormais de ne procéder qu’à des dérapages… contrôlés.

M. Yves Censi, président. Je vous remercie, madame la ministre, pour ces réponses directes et argumentées.

Le débat est clos pour les crédits de la recherche.

Nous abordons à présent l’examen des crédits de l’enseignement supérieur.

M. Laurent Hénart, rapporteur spécial pour l’enseignement supérieur et la vie étudiante. Avec plus de 700 millions consacrés à l’enseignement supérieur dans le cadre certes de ce budget mais, également, de partenariats publics-privés (PPP) ou de l’opération Campus, l’augmentation des moyens consacrés à l’enseignement supérieur est constante. Je souligne également comme vous, madame la ministre, que dans ce secteur la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, qu’il s’agisse d’enseignants-chercheurs ou de personnels administratifs ou techniques, ne sera pas appliquée.

L’évolution de la masse salariale dans les universités bénéficiant des compétences élargies en matière budgétaire constitue une question délicate. Si l’autonomie vise à développer une gestion beaucoup plus ouverte et cohérente des ressources humaines par rapport aux projets scientifiques et pédagogiques de chaque établissement – l’université devant dès lors assumer sur ses propres deniers les conséquences des décisions qu’elle prend –, l’État ne transfère pas moins la gestion de personnels dont il était auparavant l’employeur direct. Je rappelle de surcroît que, outre la performance, l’Assemblée nationale et le Sénat ont souhaité que soit pris en compte, au moins en partie, l’aspect Glissement Vieillesse Technicité (GVT) dans le cadre des dotations à l’activité. Qu’en est-il donc de la cohorte 2009 en la matière ? De plus, qu’en est-il de la politique de recrutement des universités, de l’évolution des fourchettes de salaires et de la mise en place éventuelle de systèmes de primes par les conseils présidentiels ?

Par ailleurs, s’agissant du logement étudiant, je souligne ce petit exploit qu’est le dépassement des chiffres prévus par le plan Anciaux tant en ce qui concerne la construction que la réhabilitation. Les perspectives de dévolution du patrimoine immobilier, quant à elles, seront-elles plus importantes l’année prochaine qu’elles ne le furent par le passé ? Comment l’État joue-t-il son rôle d’accompagnateur en la matière, notamment en ce qui concerne la capacité des établissements à assurer la maîtrise d’ouvrage ?

De la même manière, quelles conclusions tirez-vous des évolutions importantes qu’a connues l’enseignement privé en 2010 et quelles sont les perspectives pour 2011 ? Quid du changement éventuel du rythme quadriennal en vigueur dans l’enseignement supérieur ?

Enfin, compte tenu des difficultés à prévoir le nombre réel de bénéficiaires du demi-dixième mois de bourse, comptez-vous agir pour l’année scolaire 2011-2012 comme pour 2010-2011 en procédant à un ajustement en cours d’exécution budgétaire ? La question est d’autant plus importante que 78 millions ont été inscrits.

À l’issue de cette intervention, je tiens à remercier vos services, madame la ministre, pour la réactivité dont ils ont fait preuve eu égard à nos travaux de commissaires.

M. Olivier Jardé, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation. Si nos grandes écoles ont jusqu’à présent joué un rôle fondamental, ne constituent-elles pas d’autant plus aujourd’hui un handicap pour l’ensemble de notre enseignement supérieur que le classement de Shanghai – où elles s’intègrent difficilement – est unanimement reconnu et qu’il conditionne largement le comportement des étudiants ? Si, en effet, je suis persuadé de l’excellence de notre enseignement supérieur, je ne le suis pas moins de sa nécessaire adaptation.

J’ajoute que si les grandes écoles nous pénalisent en raison de leur émiettement – de petites structures concentrant des budgets importants –, nous disposons d’excellentes écoles professionnelles même si elles ne sont pas toujours orientées vers la recherche – quoique la situation semble évoluer positivement de ce point de vue. En l’occurrence, le contrat doctoral constitue une très bonne disposition.

Les classes préparatoires aux grandes écoles, quant à elles, doivent-elles demeurer au sein des lycées ou migrer vers les universités puisque, notamment après une hypokhâgne ou une khâgne, la plupart des étudiants y échouent – non au sens négatif du terme, cela s’entend ? Est-il à ce propos envisageable de constituer de nouveaux établissements fonctionnant sur un mode fédéral, dotés d’une personnalité morale et relativement autonomes – ce qui permettrait d’améliorer notre situation dans le classement de Shanghai ? De surcroît, la gouvernance des établissements de « nouvelle génération » n’impliquerait-elle pas la mise en place de conseils d’administration plus resserrés afin que ces derniers s’insèrent parfaitement dans la loi LRU ?

Par ailleurs, ne conviendrait-il pas de remédier à une difficulté fiscale de manière à encourager le service d’enseignement partagé ?

Enfin, peut-on envisager que des étudiants s’inscrivent spécifiquement à un PRES qui délivrerait un diplôme national comme, par exemple, un masteret, en matière de gouvernance, ne peut-on par ailleurs abandonner la distinction entre membres fondateurs et associés ?

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. La question de l’autonomie, de la gestion de la masse salariale et des ressources humaines est cruciale. Avec une augmentation moyenne de 18 % entre 2007 et 2011, 280 millions dédiés au plan « carrière », un ensemble de moyens spécifiques accompagnant le passage à l’autonomie, des marges de manœuvre accrues, une requalification de 900 emplois de catégorie C en catégorie A et un bonus de 10 % de l’enveloppe indemnitaire de chaque université devenue autonome permettant notamment de mettre en place une politique de primes, l’enseignement supérieur a bénéficié de moyens substantiels. Les universités autonomes se sont d’ailleurs entièrement saisies de ces derniers afin de mener des politiques de recrutement puisqu’elles se sont dotées de 5 % d’emplois supplémentaires, 1 000 postes vacants ayant été ainsi pourvus. Elles en ont également profité pour dynamiser leur politique d’emploi et de recherche en créant des postes ad hoc pour des « stars » – je pense au recrutement du Prix Nobel de physique George Smoot à Paris VII ou à celui de professeurs d’Harvard à Toulouse I. L’Université de Lorraine chère à votre cœur, monsieur le rapporteur spécial, projette d’ailleurs de recruter avec l’Université de Luxembourg un autre Prix Nobel. J’ajoute qu’un tel système favorise la mise en place de politiques de primes – tant sur un plan individuel que collectif – dont bénéficient également les personnels administratifs.

De surcroît, des actions incitatives ont également été menées – ainsi de la création d’un fonds pour l’innovation pédagogique doté de 200 000 euros à Aix-Marseille II.

Enfin, les universités ont mis en place des politiques sociales inédites et, à un niveau qui n’avait jamais été atteint, des formations innovantes.

Un premier bilan de la politique d’autonomie sera par ailleurs réalisé, s’agissant notamment des bénéfices que l’ensemble des personnels a pu retirer de cette dernière.

En ce qui concerne la dialectique budgétaire État-Université – si technique soit-elle quant à l’évolution du point de la fonction publique ou de celle des règles en matière de pension, par exemple –, je sais que les universités autonomes s’interrogent en particulier sur l’impact du vieillissement de leurs personnels quant à leur gestion et donc, sur l’évolution de leur GVT. À moyen terme, il est acquis que ce dernier décroîtra puisque les départs en retraite de la génération du baby-boom seront massifs – même s’ils ont été décalés par rapport à d’autres corporations puisque les professeurs partent à la retraite à l’âge de soixante-huit ans et que les maîtres de conférence qui ne disposeraient pas de l’ensemble de leurs trimestres de cotisation peuvent également différer leur départ.

Avant le processus d’autonomie, le GVT était globalisé au sein du budget de l’État et les universités ne se souciaient pas directement de son traitement. Aujourd’hui, son évolution peut être positive ou négative sur le budget de chacune d’entre elles puisqu’il leur revient de piloter la gestion de leur masse salariale et d’y intégrer ce dernier à l’instar de n’importe quel autre facteur d’évolution comme le ferait, par exemple, une collectivité territoriale ou un organisme de recherche. Quoi qu’il en soit, nous nous situons dans une phase d’apprentissage et nous donnerons aux universités qui rencontrent des difficultés les outils leur permettant de les surmonter. Il n’en reste pas moins que la couverture financière systématique du GVT par l’État est parfaitement contradictoire avec l’idée d’un budget global incluant par définition toutes les composantes de l’évolution d’une masse salariale.

Si deux universités – Paris VI et Corte – se sont prononcées très tôt en faveur de l’acquisition de la compétence patrimoniale, huit autres se sont manifestées depuis. Le transfert de gestion du patrimoine constitue en l’occurrence la deuxième étape de la mise en œuvre de l’autonomie, laquelle est consubstantielle à l’exercice plein et entier de politiques scientifiques et pédagogiques autonomes. Cela étant, comme il est hors de question de confier la gestion d’un patrimoine immobilier à des universités qui ne disposeraient d’aucun projet pour celui-ci, nous avons souhaité qu’avant le transfert ces dernières puissent définir une politique et des schémas directeurs immobiliers afin de promouvoir une véritable vision stratégique à moyen terme, une comptabilité patrimoniale digne de ce nom et, enfin, les équipes professionnelles idoines. Paris VI par exemple, étant en charge de la gestion d'un patrimoine immobilier de 1 milliard d’euros et de 30 000 mètres carrés de droits à construire en face de Notre-Dame, il importe grandement de prendre la mesure des potentialités offertes.

J’ajoute que quantité de financements innovants permettent de dynamiser la gestion de ce patrimoine et que la définition d’une stratégie immobilière n’implique pas nécessairement la possession d’un patrimoine, comme j’ai pu le constater en visitant des universités étrangères. L’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, par exemple, dont le nouveau learning center a reçule Prix Pritzker d’architecture, a ainsi réussi à faire financer ce centre uniquement par des partenaires privés en étant simplement locataire du terrain sur lequel il a été construit.

En 2011, 16 millions d’euros permettront aux universités qui le souhaitent de se doter d’une stratégie immobilière et de mobiliser les terrains disponibles. J’y insiste toutefois : il ne suffit pas de disposer d’un patrimoine immobilier pour que cela réussisse. Il faut de véritables compétences et un dynamisme que les universités se doivent d’acquérir.

En 1992, M. Jack Lang avait promis la mise en place d’un processus de contractualisation avec l’enseignement supérieur privé, lequel n’a été effectif qu’en 2010. Nous avons donc réalisé un grand pas en avant, à la satisfaction des établissements associatifs. La démarche est en l’occurrence gagnant-gagnant, et pour l’État qui a étendu à ces établissements des procédures d’évaluation en vigueur à l’université afin de mesurer, notamment la qualité des formations, les résultats de la recherche, la réalité des partenariats avec les universités, la définition d’objectifs à atteindre, et pour les établissements qui se repositionnent au cœur du système d’enseignement supérieur aux côtés et en partenariat avec les universités – l’Institut Catholique de Lille sera ainsi partie prenante, par exemple, dans le projet d’investissement d’avenir que les établissements lillois déposeront.

La contractualisation, par ailleurs, s’est accompagnée de moyens inédits à hauteur de 25 % l’année dernière et de 36 % entre 2007 et 2011. En 2011, précisément, l’État sera à nouveau au rendez-vous avec le déblocage de 3 millions supplémentaires alors qu’aucun nouvel établissement ne sera contractualisé. Au total, depuis 2007, les augmentations auront été de 41 %.

Je n’ignore pas que certains, monsieur le président Censi, envisagent de défendre un amendement abondant de 10 millions supplémentaires les moyens dont disposent ces établissements à partir de ceux dont bénéficient les organismes de recherche. Or, outre que le budget de ces derniers est tendu, ils devront réaliser des économies de fonctionnement afin notamment de parvenir à valoriser les carrières des enseignants-chercheurs. Dans ces conditions, il sera difficile de les mettre encore à contribution alors que les moyens des établissements associatifs, je le répète, ont augmenté depuis quatre ans. Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de cet amendement.

Parce que la jeunesse constitue une priorité pour le Gouvernement, le Président de la République a pris deux décisions importantes à l’occasion de cette rentrée : sanctuariser la politique d’aide aux étudiants et à leurs familles s’agissant du logement et de la fiscalité ainsi que donner un dixième mois de bourse aux étudiants boursiers afin d’accompagner l’allongement de l’année universitaire à dix mois de scolarité. Cela correspond à une augmentation des bourses de 6 % cette année et, pour les étudiants les plus défavorisés, de 20 % en quatre ans. Le deuxième demi-mois sera quant à lui versé au cours de l’année universitaire 2011-2012 si les engagements d’allongement de l’année universitaire pris par les universités sont tenus. De ce point de vue, les déclarations de certains responsables étudiants selon lesquelles la rentrée aurait été cette année le 1er octobre m’ont paru préoccupantes : les étudiants sont rentrés à la mi-septembre et il est impératif que cette année soit complète afin qu’accompagnement pédagogique et social se complètent harmonieusement.

Monsieur Jardé, vous avez raison : il faudrait que les professeurs qui font des heures supplémentaires dans un autre établissement que le leur bénéficient eux aussi des mesures de défiscalisation. Nous étudierons la question, mais, en raison du contexte budgétaire extrêmement tendu, ce n’est pas prévu pour 2011.

Je souhaite que les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) développent une action commune en matière de diplômation et de formation par la recherche. Cinq d’entre eux ont d’ores et déjà prévu de délivrer un diplôme de doctorat : le PRES ParisTech, le PRES de Grenoble, le PRES de l’Université de Lorraine, le PRES Paris Cité et le PRES Université Paris-Est. Il convient d’encourager ce mouvement. La proposition de loi des sénateurs Philippe Adnot et Jean-Léonce Dupont répond à cette préoccupation.

S’agissant de la distinction entre membres fondateurs et membres associés, je reconnais qu’elle ne facilite pas l’intégration des grandes écoles dans les PRES. Je souhaite favoriser le rapprochement entre les universités et les grandes écoles ainsi que la création de classes préparatoires mixtes et de classes préparatoires dans les universités, mais je refuse de casser ce qui marche. Il faut néanmoins inciter les classes préparatoires à conclure des partenariats structurels avec les universités. C’est pourquoi, à la rentrée de septembre, j’ai pris l’engagement qu’il n’y aurait plus d’ouverture de nouvelles classes préparatoires sans un partenariat avec l’université, de manière à favoriser l’acquisition de la double culture par les étudiants.

Peut-on concevoir un nouveau modèle d’établissement, géré selon un mode fédéral, dans lequel chaque composante disposerait d’une personnalité morale et d’une certaine autonomie ? C’est déjà possible, soit par l’intermédiaire des PRES, avec une gouvernance restructurée, soit en adoptant le statut de grand établissement, comme l’envisage l’Université de Lorraine, soit en créant au sein des universités des écoles clairement identifiées.

Permettez-moi de remarquer qu’il est paradoxal de demander à l’État d’être le grand ordonnateur de PRES qui ont vocation à être autonome ! Les universités peuvent parfaitement faire évoluer leur organisation en interne, soit en augmentant le nombre des personnalités qualifiées, soit en créant des sénats académiques afin que les différentes composantes soient mieux représentées. Elles bénéficient aujourd’hui d’une réelle autonomie, qui s’exprimera, je l’espère, dans les investissements d’avenir.

Quant aux classements internationaux, nous travaillons d’arrache-pied à améliorer la position de la France. Toutefois, il ne suffit pas d’améliorer le fonctionnement de notre université, encore faut-il le faire savoir ! Telle est la raison de ma récente visite à l’Université Jiao Tong de Shangai.

M. Yves Censi, président. Comme le temps presse, je vous propose de réduire à deux minutes la durée des interventions des porte-parole des groupes.

M. Daniel Fasquelle. Madame la ministre, je salue votre action et celle du Gouvernement, qui répondent au souhait du Président de la République de faire de l’enseignement supérieur et de la recherche une priorité pour notre pays. Cette ambition trouve sa concrétisation dans le présent projet de loi de finances pour 2011, notamment pour ce qui concerne le logement étudiant et les bourses universitaires.

S’agissant de la lutte contre l’échec en premier cycle universitaire, quels sont les premiers résultats du plan pour la réussite en licence ?

Vous avez souhaité un rapprochement entre les universités, de manière à leur donner une plus grande visibilité au plan national et au plan international, ce qui a abouti à des fusions. Ce mouvement va-t-il se poursuivre, et si oui, sous quelle forme ?

Enfin, si les cycles d’études fondamentales renforceront de toute évidence les universités de proximité, je suis convaincu que celles-ci ont également vocation à conserver des masters 2 et des centres de recherche, en particulier lorsqu’elles sont en relation avec des pôles de compétitivité.

M. Régis Juanico. Madame la ministre, nous sommes habitués à vos présentations toujours très optimistes des projets de lois de finances initiales, qui tournent parfois à l’exercice d’autosatisfaction. Pour notre part, nous avons appris à nous méfier des effets d’annonce et de certains chiffres dont la crédibilité paraît douteuse.

De ce point de vue – et cet avis sera partagé par tous mes collègues –, les documents budgétaires sont de moins en moins lisibles : on a le plus grand mal à faire le lien entre deux années successives.

Vous avez coutume de dire que vous êtes la ministre des engagements tenus. Pourtant, l’engagement du Président de la République d’accroître chaque année de 1,8 milliard d’euros le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche ne sera pas tenu, le rapporteur ayant évoqué une augmentation de 700 millions d’euros pour 2011 – et je pense que ce ne sera pas non plus le cas l’année prochaine.

Autre engagement non tenu, datant de septembre 2009 : le versement d’un dixième mois de bourse aux étudiants. Lorsque nous avions proposé cette mesure en 2008, vous vous y étiez opposée, parce que vous estimiez que l’année universitaire durait neuf mois et non dix. Aujourd’hui, vous la mettez en œuvre, mais seulement à moitié : il manque 80 à 90 millions d’euros dans le projet de budget. Il faudra donc attendre 2012 pour voir cet engagement se concrétiser.

Enfin, le plan Anciaux, prévoyait la construction ou la réhabilitation de 48 000 logements étudiants en quatre ans. Vous en annoncez 44 000 : le compte n’y est pas !

Quant au plan pour la réussite en licence, les moyens financiers ne sont pas au rendez-vous.

Votre projet de budget ne prévoit pas de suppression de postes, ce qui est positif, mais il faudrait aussi créer de nouveaux emplois !

M. Yves Censi, président. Merci de conclure, monsieur Juanico.

M. Régis Juanico. Le ministère a publié une enquête très instructive sur le taux d’insertion professionnelle trente mois après l’obtention d’un diplôme universitaire bac + 5 : les résultats sont comparables à ceux des grandes écoles, autour de 92 %. Les universités de proximité, pluridisciplinaires, comme celle de Chambéry – qui a fait récemment l’objet d’un article dans le quotidien Le Monde – s’en sortent particulièrement bien. Que comptez-vous faire pour soutenir, à côté des campus d’excellence prévus par le grand emprunt, des projets plus modestes, mais qui sont structurants au niveau local ?

M. Yves Censi, président. Il faut vraiment conclure, monsieur Juanico.

M. Régis Juanico. J’en ai fini, monsieur le président, mais permettez-moi de dire qu’il est anormal de modifier les règles en cours de débat. Il était prévu que les représentants des groupes disposent de cinq minutes pour s’exprimer. Je vous rappelle que nous sommes là depuis ce matin neuf heures.

M. Yves Censi, président. C’est précisément pourquoi nous devons accélérer !

Mme Sophie Delong. En 2008, madame la ministre, vous avez mis en place un nouveau prêt étudiant garanti par l’État, sans caution parentale, sans condition de ressources, et avec une possibilité de remboursement différé. Ce dispositif vient avantageusement compléter les autres modes de financement que vous avez cités. Toutefois, force est de constater qu’il reste méconnu des étudiants. Par ailleurs, le système actuel ne semble pas inciter ceux-ci à opter pour ce mode de financement, car les taux d’intérêt pratiqués par les banques sont équivalents, voire supérieurs, aux taux du marché.

Les banques, partenaires de l’État dans ce dispositif, font-elles la promotion du prêt auprès des étudiants qui le demandent ? Compte tenu du chômage important des jeunes, ne faudrait-il pas conditionner le remboursement du prêt à l’accès de l’étudiant à un emploi ?

Mme Marie-Hélène Amiable. Madame la ministre, vous nous annoncez la concrétisation des projets liés au grand emprunt et à l’opération Campus, mais le versement de ces fonds reste en réalité conditionné à la réalisation de partenariats public-privé (PPP) et à l’octroi du label « Initiatives d’excellence ». Pourriez-vous nous indiquer quel montant, sur les 420 millions d’euros inscrits dans la loi de finances pour 2010, a été effectivement utilisé pour la mise en œuvre de l’opération Campus ?

Au final, l’enseignement supérieur ne bénéficiera que de 198 millions d’euros de crédits supplémentaires, soit une hausse de 1,3 %, ce qui représente une baisse en euros constants.

En ce qui concerne le programme « Vie étudiante », nous nous inquiétons fortement de la restriction du budget de fonctionnement du réseau des Œuvres universitaires. Comment vont être organisés ses services ?

Notons également que vous ne tiendrez pas votre engagement de verser un dixième mois de bourse aux étudiants, puisque vous ne concédez qu’un demi-mois supplémentaire pour l’année universitaire 2010-2011. Or l’UNEF a indiqué que le coût de la vie étudiante avait augmenté de 4,3 % cette année.

Par ailleurs, la dotation du Fonds national d’aide d’urgence va diminuer de 9,5 millions, soit 19,2 %.

Je veux à mon tour souligner le retard pris par rapport au plan Anciaux. J’en profite pour regretter la suppression de 548 chambres dans la résidence universitaire d’Antony et la programmation dans les deux années à venir de la destruction totale ou partielle de quatre autres bâtiments. Ce sont au total 1 090 lits qui risquent de disparaître. Pourtant, une réhabilitation ambitieuse de cette résidence aurait pu être entreprise – mais il faut dire qu’elle se trouve face au parc de Sceaux…

Sachant que les loyers ont doublé dans le privé depuis 1994, il est par ailleurs urgent de revaloriser les aides au logement.

Vous aviez annoncé en 2007 l’objectif de 50 % d’une génération titulaire de la licence. Pouvez-vous nous en présenter le bilan, alors que le budget pour la licence semble diminuer de 51 millions d’euros ?

M. Yves Censi, président. Merci de conclure, madame Amiable.

Mme Marie-Hélène Amiable. Je rappelle par ailleurs qu’à l’issue de leur réunion du 25 juin dernier, les présidents d’université ont demandé un premier bilan de la loi sur l’autonomie ; ils ont aussi souhaité que l’État joue un rôle régulateur dans la concurrence entre les établissements.

Enfin, les travailleurs précaires et les contractuels représenteraient 20 % des effectifs de l’enseignement supérieur. Confirmez-vous ce chiffre ? Comment se répartit la masse salariale dans l’enseignement supérieur ? Existe-t-il un plan visant à résorber le travail précaire ?

M. Yves Censi, président. Dans le projet de loi de finances, il est inscrit pour 15 millions d’euros de mesures nouvelles en faveur de l’enseignement supérieur privé, mais vous avez concédé qu’il ne s’agissait en réalité que de 3 millions, puisque 10 millions proviennent d’une simple opération comptable relative à la mastérisation et 2 millions sont un reliquat de l’année dernière. Une solution de compromis pourrait donc être de sous-amender l’amendement que j’ai déposé.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. S’agissant du plan pour la réussite en licence, une première note d’étape de l’Inspection générale montre des résultats inégaux selon les universités. J’aurai l’occasion de faire, dans les prochains mois, de nouvelles propositions afin de donner à ce plan toute sa dimension. Quoi qu’il en soit, ses crédits ne baissent pas, madame Amiable ; tout au contraire, ils augmentent de 40 millions d’euros !

Monsieur Juanico, on a recruté mille enseignants chercheurs supplémentaires dans les universités autonomes, en pourvoyant des postes vacants : ne dites pas que l’on a besoin de créer de nouveaux emplois !

Quand j’évoque les pôles universitaires de proximité, je n’entends pas les universités de moins de dix mille étudiants, mais les IUT, les BTS et les centres universitaires des villes moyennes qui résultent du démembrement de certaines universités – comme à Châlons-sur-Marne. Je pense qu’il faut regrouper toutes ces formations de niveau bac + 2, voire les intégrer dans des cursus de niveau bac + 3, du type de la licence professionnelle. L’Université du Littoral Côte d’Opale, dont le rayonnement est très fort, n’est pas concernée par ce projet. Qu’il n’y ait pas d’ambiguïté : toute université a vocation à faire de la recherche et à décerner des diplômes de master 2, voire des doctorats, de préférence dans le cadre des PRES afin de proposer une formation pluridisciplinaire à la recherche.

Le rapprochement entre les universités progresse à grande vitesse, plusieurs initiatives ayant été prises dans le cadre des investissements d’avenir ; la fusion des universités d’Aix-Marseille est en cours, ainsi que celle des universités de Lorraine. Toutefois, la fusion n’est pas une obligation ; on peut également concevoir, comme le proposait Olivier Jardé, des universités fédérales.

Monsieur Juanico, j’ai déjà répondu à vos questions. Je vous rappelle que les universités et les PRES bénéficieront cette année d’un apport de 3,581 milliards d’euros : ce n’est pas de l’autosatisfaction, mais du calcul ! Certes, on a réalisé 44 000 logements au lieu des 48 000 prévus, mais vous admettrez que les choses ont quand même bien avancé ! Et Saint-Étienne ne peut guère se plaindre, car nos engagements ont été largement tenus. La halle des sports que vous attendiez depuis si longtemps n’est-elle pas en cours de construction ?

Madame Delong, 13 700 prêts étudiants ont été accordés pour un montant de 7 800 euros, ce qui représente un financement total de 108 millions d’euros. Ces prêts n’auraient jamais été accordés si l’État n’avait pas accordé sa garantie. Notre objectif n’est pas de modifier les taux, même si ceux-ci sont légèrement inférieurs à ceux du marché, mais de nous porter caution pour les étudiants. Il existe par ailleurs un différé de remboursement, lié à l’obtention d’un emploi. Le nombre de prêts est inférieur à ce que nous espérions, mais cela est peut-être dû à la crise, les étudiants ayant moins recours à l’endettement faute de perspectives d’embauche.

Madame Amiable, les sommes issues du versement des intérêts de l’opération Campus – qui était dotée de 5 milliards – seront utilisés dès cette année, avant même la conclusion des PPP, afin de financer des projets qui auront majoritairement trait à la vie étudiante.

Quant à la résidence d’Antony, nous avons déjà eu une discussion à ce sujet. Je vous rappelle que le département des Hauts-de-Seine s’est engagé à fournir 3 000 logements étudiants supplémentaires dans les cinq prochaines années et que le président de la région Île-de-France a accepté de cofinancer les nouveaux logements. Les étudiants bénéficieront enfin de logements salubres, plus vastes et sans amiante.

Par ailleurs, je vous rappelle qu’il existe, pour les professions sanitaires et sociales, une différence de 400 euros entre le montant des bourses de la région Ile-de-France et celui des bourses d’État. L’avez-vous signalé au président du conseil régional ?

Enfin, monsieur Censi, j’en appelle à la sagesse des députés pour respecter les équilibres de ce bon budget.

M. Yves Censi, président. Madame la ministre, je vous remercie. Nous en avons terminé avec la commission élargie consacrée à la recherche et à l’enseignement supérieur.

La réunion de la commission élargie s’achève à douze heures cinquante.

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