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Assemblée nationale

Commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission de la défense nationale
et des forces armées

Commission des lois constitutionnelles,
de la législation et de l’administration générale
de la République

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mercredi 27 octobre 2010

Présidence de M. Jérôme Cahuzac,
président de la Commission des finances,
de M. Guy Teissier
président de la Commission
de la défense nationale
et de M. Jean-Luc Warsmann,
président de la Commission des lois

La réunion de la commission élargie commence à seize heures quarante-cinq.

projet de loi de finances pour 2011

Sécurité

M. le président Jérôme Cahuzac. Avec Guy Teissier, président de la Commission de la défense nationale, et Jean-Luc Warsmann, président de la Commission des lois, je suis heureux de vous accueillir aujourd’hui, monsieur le ministre, à l’occasion de cette commission élargie qui nous permettra de vous entendre sur les crédits consacrés à la mission « Sécurité » dans le projet de loi de finances pour 2011.

Vous savez que la procédure de la commission élargie tend à favoriser des échanges directs et vivants entre les ministres et les députés en donnant toute la place aux questions et aux réponses que vous leur apporterez.

Dans un premier temps, nous entendrons Michel Diefenbacher, rapporteur spécial de la Commission des finances, Alain Moyne-Bressand, rapporteur pour avis de la Commission de la défense, et Guy Geoffroy, rapporteur pour avis de la Commission des lois.

M. le président Guy Teissier. Je suis très heureux de coprésider cette réunion consacrée à la mission « Sécurité ».

La Commission de la défense a récemment auditionné le général Mignaux, directeur général de la gendarmerie nationale. Un an après le rapprochement entre la gendarmerie et la police, pouvez-vous faire le point sur la cohabitation entre ces deux forces ? Nous avons observé que le rapprochement avait des effets sur d’autres armes, notamment l’armée de terre, où la revalorisation salariale des gendarmes a suscité des réactions qui peuvent paraître justifiées.

En second lieu, pourriez-vous revenir sur les conséquences de la baisse des crédits d’investissement pour la gendarmerie ?

Ma dernière question porte sur le redéploiement annoncé de 1 000 policiers et gendarmes aujourd’hui occupés à des « tâches indues ». Nous vous félicitons de cette mesure, mais nous aimerions en savoir davantage sur les critères retenus pour les nouvelles affectations.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Je voudrais, à mon tour, vous souhaiter la bienvenue, monsieur le ministre. La Commission des lois accorde une grande attention à la mission « Sécurité », et je voudrais saluer le travail de grande qualité réalisé par notre rapporteur pour avis sur ce sujet.

J’observe qu’un important effort financier est consenti en faveur de la sécurité en cette période de rigueur budgétaire : la mission sera dotée de 16,8 milliards de crédits de paiement en 2011, ce qui représente une augmentation de 2,65 % par rapport à 2010.

Nous sommes d’autant plus attentifs à cette mission que nous espérons voter prochainement la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI). Dans le cadre de l’application de ce texte, les crédits que nous examinons aujourd’hui seront les bienvenus pour améliorer la lutte contre la délinquance et pour adapter les services à ses évolutions.

M. Michel Diefenbacher, rapporteur spécial. Il serait difficile de ne pas être impressionné par l’importance des changements intervenus au cours des dernières années.

Ils ont concerné, tout d’abord, les structures des services – rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, redéploiement des zones de compétence, mutualisation des moyens, fusion des services de renseignement, création d’une police d’agglomération, développement de la police de proximité, création – avec les services des douanes et des impôts – de structures spécialisées dans la lutte contre la grande délinquance.

Les méthodes de travail ont, par ailleurs, été modernisées, avec le recours systématique aux moyens de la police scientifique et le passage d’une culture de l’aveu à une culture de la preuve, mais aussi avec la lutte contre la récidive, le développement de la vidéosurveillance et le recours à la visio-conférence dans les procédures judiciaires.

Les moyens ont enfin été renforcés à de nombreux égards : les matériels, les véhicules, les systèmes radio et l’informatisation. A cela se sont ajoutées la revalorisation de la situation des agents, l’application du protocole « corps et carrières » dans la police et du plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées dans la gendarmerie, ainsi que des efforts renouvelés en matière de formation.

Ces actions ont produit des résultats incontestables : la délinquance a baissé de 15 % depuis 2001, le taux d’élucidation des infractions est passé de 25 à 38 % et, dans un autre domaine, le nombre des tués sur la route a diminué de plus de 40 %.

Ces évolutions doivent aujourd’hui se poursuivre avec des moyens beaucoup plus contraints et des effectifs revus à la baisse. Il faudra maintenir et, si possible, renforcer l’engagement des services de police et de gendarmerie aussi bien en matière de maintien de l’ordre public qu’en matière d’action judiciaire. De récents événements ont en effet montré qu’il ne fallait pas baisser la garde en matière d’ordre public ; on constate, en outre, que la délinquance prend des formes de plus en plus imprévisibles et violentes.

Chacun peut comprendre que le Gouvernement n’ait pas voulu exonérer les services de police et de gendarmerie de l’effort imposé à tous les autres services de l’État. C’est une position juste et courageuse, mais elle ne pourra s’appliquer dans la durée que sous deux conditions : il faudra que les services gagnent en efficience ce qu’ils ont perdu en moyens, et la baisse des effectifs devra s’accompagner d’une baisse de la masse salariale. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous en dire plus sur ces différents sujets ?

Comment envisagez-vous l’évolution de la part des rémunérations ? Elle représente aujourd’hui 87 % des crédits, ce qui est considérable. On peut également s’interroger sur la gestion de la masse salariale de la police nationale et de la gendarmerie : les prévisions seront probablement dépassées d’environ 230 millions d’euros. A quoi faut-il s’attendre exactement ? A quoi ce dépassement est-il dû, et comment sera-t-il financé ? Les avantages catégoriels accordés l’année dernière auront, par ailleurs, une incidence sur la gestion des crédits en 2011. Les prévisions réalisées l’été dernier risquent d’être déjà dépassées.

M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur pour avis de la Commission de la défense. Je me réjouis des crédits du programme « Gendarmerie nationale »  qui nous est présenté : une augmentation de 1,28 % est prévue en crédits de paiement. Dans le contexte actuel de gel des dépenses publiques, cette évolution témoigne de la priorité accordée par le Gouvernement à la sécurité.

Même si des progrès doivent encore être réalisés en matière de violences aux personnes et d’élucidation des crimes et délits, vous méritez un satisfecit pour la baisse générale de la délinquance cette année. Je veux vous en remercier et rendre hommage au Gouvernement et à l’action de nos forces de l’ordre.

Alors que les crédits de paiement consacrés à la gendarmerie progressent de 1,28 %, ceux de la police nationale s’accroissent de 3,86 %. Certains gendarmes craignant que l’avenir ne leur réserve un sort moins favorable qu’aux policiers dans le cadre du rapprochement entre les deux forces, il me semblerait important que vous nous expliquiez cet écart.

J’en viens à la question des missions périphériques assurées par la gendarmerie – gardes statiques, transfèrements et autres tâches « indues ». Pouvez-vous préciser la nature des tâches que la gendarmerie n’aura plus à assurer, ainsi que le calendrier des transferts prévus et le nombre d’emplois ETP que la gendarmerie pourrait regagner pour l’exercice de ses missions principales ? Je vous avais interrogé, l’an dernier, sur la surveillance du domicile personnel des anciens chefs de l’État. Où en sommes-nous dans ce domaine ?

Les crédits prévus par la LOPPSI en matière de rénovation immobilière s’élèvent en moyenne à 88 millions d’euros d’autorisations d’engagement de 2009 à 2013. Or, le besoin de financement est estimé à 160 millions d’euros. Ajoutons à cela que le coût des opérations locatives ne cesse d’augmenter. Que comptez-vous faire dans ce domaine ?

Par ailleurs, aucun crédit n’est prévu, ni dans cette loi de finances ni dans la LOPPSI, pour renouveler les véhicules blindés qui sont en train de vieillir. À quelle échéance et grâce à quels moyens budgétaires leur renouvellement pourra-t-il avoir lieu ? Une même question se pose pour la modernisation des hélicoptères.

En dernier lieu, je rappelle que les opérations extérieures occasionnent, chaque année, un surcoût pour la gendarmerie. Afin de ne pas grever un budget déjà très contraint, ne serait-il pas normal que le surcoût, probablement supérieur à 25 millions d’euros cette année, soit pris en charge par la réserve interministérielle ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur pour avis de la Commission des lois. Sans revenir sur les principaux chiffres, je rappellerai que les budgets de la police et de la gendarmerie augmentent malgré le caractère contraint du contexte actuel. On pourra apporter quelques nuances à ce constat général au fil des questions.

Ce budget tend à traduire la LOPPSI qui, je l’espère, sera bientôt adoptée. Peut-on estimer que nous suivons le chemin tracé par ce texte ? Qu’en sera-t-il au cours des années suivantes ?

La Commission des lois a souhaité porter un regard particulier sur la police scientifique et technique – je remercie les collègues qui ont participé à nos auditions. Pouvez-vous nous dire quelles sont les évolutions qui se dessinent dans ce domaine ? Un dialogue approfondi vient de s’engager entre l’administration et les représentants de la police scientifique. Quelle est la feuille de route des six groupes de travail qui ont été instaurés ? Dans quelle mesure l’action de la police scientifique et technique pourra-t-elle porter non plus seulement sur la grande criminalité, mais aussi sur la délinquance de masse ?

Après plusieurs années de baisse, les effectifs devraient être stabilisés en 2011. Nous le devons en particulier à l’anticipation du recrutement de nombreux adjoints de sécurité (ADS) dans la police nationale. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur les perspectives qui s’ouvrent à ces personnels, et sur la place qui leur reviendra dans l’ensemble du dispositif ?

Grâce aux redéploiements internes et à certaines réductions de format, notamment celui des forces mobiles, il semble que la présence constante des forces de l’ordre sur le terrain n’ait pas été altérée au cours de ces dernières années, malgré une mise en œuvre rigoureuse de la RGPP. Qu’en sera-t-il dans les années à venir ? Des réductions d’effectifs supplémentaires sont-elles à craindre ?

Quelles sont, par ailleurs, les perspectives en ce qui concerne les moyens de fonctionnement ? Tous nos interlocuteurs se sont inquiétés de leur réduction. On peut, en outre, penser que le mouvement de substitution entre les personnels actifs et les personnels administratifs va devoir s’interrompre : il semble difficile de continuer à mettre davantage les actifs sur le terrain en les remplaçant par des personnels administratifs si ces effectifs n’augmentent plus.

En plus des questions qui vous ont été posées sur le rapprochement entre la police et la gendarmerie, je voudrais vous interroger sur le statut des officiers de police. Il semble qu’il y ait aujourd’hui un certain nombre de difficultés en matière indemnitaire – je pense en particulier aux indemnités de sujétion spéciale police (ISPP). Des progrès sont-ils possibles dans ce domaine ? Je note toutefois que les programmes catégoriels ont été suivis d’effet dans la police nationale et la gendarmerie si l’on en croit l’évolution des crédits. Les intéressés semblent relativement satisfaits.

Les transfèrements judiciaires, qui font partie des tâches « indues », ont fait l’objet d’un accord avec le ministère de la justice, aux termes duquel un certain nombre d’ETPT devraient être transférés sur une période de trois ans. Quelle pourrait être la traduction de cet accord au plan budgétaire ?

Le développement des unités territoriales de quartier (UTeQ), qui a été bloqué pour des raisons essentiellement budgétaires, vient d’être relancé sous un autre nom : les anciennes UTeQ ont été transformées en brigades spécialisées de terrain (BST), et un nombre important de ces nouvelles brigades devrait être créé. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur l’évolution de la doctrine d’usage de ces unités ?

En juillet dernier, j’ai remis un rapport d’information sur la contribution de l’État au développement de la vidéo-protection, qui est un outil important au service de la police et de nos concitoyens. L’objectif initial était de tripler le nombre de caméras à l’horizon 2011. Malgré les efforts très importants qui ont été réalisés par l’État, en particulier grâce au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), il semble que les objectifs ne pourront pas être atteints à moins d’un prolongement du dispositif en 2012. Dans quelle mesure est-ce envisageable ?

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Le budget de l’État dépend forcément du contexte économique. La dette publique atteint 1 600 milliards d'euros, soit 26 000 euros par Français ; avec 46 milliards d'euros, sa charge annuelle représente près de deux fois le budget du ministère de l’intérieur, rémunérations comprises. Nous ne pouvions donc pas nous exonérer d’une gestion rigoureuse.

Avec ambition, nous avons choisi la voie de l’innovation et de la rationalisation. J’ai pu le constater lors de mes nombreux déplacements, les inquiétudes des personnels liées au rapprochement de la police et de la gendarmerie sont derrière nous. Les synergies qu’il ouvre, logistiques et opérationnelles, nous font gagner en efficacité. Je pense aux cellules communes destinées à lutter contre le fléau qu’étaient les cambriolages il y a encore plus d’un an, ou encore à la création de directions communes, comme la direction de la coopération internationale, réclamée par les deux forces de sécurité.

Nous avons fêté le premier anniversaire de la police d’agglomération. Les résultats obtenus à Paris et dans les trois départements de la petite couronne nous poussent à l’étendre à d’autres grandes villes. Après Lille, où elle est déjà opérationnelle, elle sera installée à Lyon, puis à Marseille et à Bordeaux, chaque fois en partenariat avec les élus.

Une nouvelle génération d’UTeQ (unités territoriales de quartiers) va être mise en place, sous le nom de BST (brigades spécialisées de terrain). Si l’efficacité des UTeQ a été démontrée, l’organisation de leur compétence par quartier s’est avérée une limite, la délinquance se déployant sur des zones plus étendues. Les territoires de compétence des BST sont donc élargis par rapport à ceux des UTeQ. Chaque brigade ajuste en outre son organisation et ses horaires de travail aux circonstances, notamment aux emplois du temps des délinquants. D’ici la fin de l’année, les 34 UTeQ seront transformées en BST et 26 nouvelles brigades créées. Deux sont déjà installées, l’une à Perpignan et l’autre à Toulon.

C’est par leur connaissance du terrain que les BST répondront aux attentes envers une police de proximité. Elles n’exerceront évidemment aucune tâche d’agent d’ambiance.

La révision générale des politiques publiques nous amène heureusement à réformer notre réseau de formation. Certains centres ont été fermés ou affectés à la formation continue. Les écoles de Vannes et de Marseille sont en cours de fermeture, celle de Paris et Draveil vont être transformées ; quatre écoles de gendarmerie seront supprimées.

Enfin, la garde des centres de rétention administrative sera transférée de la gendarmerie à la police.

Rationaliser notre action était aussi la clarifier : à difficulté identifiée, réponse ciblée. À cette fin, des plans opérationnels ont été adoptés. L’un est relatif à la lutte contre les cambriolages. Un autre vise les bandes violentes : faute d’actions appropriées, ce phénomène, au lieu de se concentrer à 80 % en région parisienne, s’étendrait inéluctablement aux villes de province – certaines sont déjà touchées.

Un troisième plan vise le trafic de stupéfiants. Le combat contre les petits dealers – à travers la pédagogie et la répression – doit être mené au même titre que la lutte contre les grands réseaux. Grâce à une coopération internationale très poussée, notamment avec les autorités espagnoles, nous obtenons de très bons résultats.

Après une légère hausse de la délinquance pendant la deuxième partie de l’année 2009 – les cambriolages avaient augmenté de 6,55 % entre octobre 2008 et septembre 2009 – nous avons réussi à inverser la tendance. La délinquance globale avait déjà diminué de 14,4 %, retrouvant ainsi son niveau de 1997, et la diminution, pendant les neuf premiers mois de l’année 2010, est encore de 3,4 %. Un signal négatif a été donné par le mois de septembre, mais il ne devrait pas obérer le bilan de l’année.

Après avoir, quant à lui, chuté de 29,9 % entre 2002 et 2009, le nombre d’atteintes aux biens a encore diminué de 3 % pendant les neuf premiers mois de l’année 2010. Même si, bien sûr, nous pouvons considérer qu’aujourd’hui, nous « grattons un peu l’os », nous poursuivons notre politique.

D’aucuns font observer néanmoins que les violences aux personnes ont continué de croître. À ce sujet, lors du débat de la LOPPSI au Sénat, j’avais suscité de vives protestations en faisant valoir au sénateur Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre d’État, qu’entre 1997 et 2002, leur nombre avait augmenté de 55 %. Je m’étais en effet trompé : l’augmentation était non pas de 55 % mais de 60,8 %, soit de plus de 10 % par an ! C’est à cette aune qu’il faut comparer la progression annuelle de 3  %, évidemment trop forte, entre 2002 et 2007. L’Observatoire national de la délinquance a d’ailleurs constaté que, d’octobre 2009 à septembre 2010, l’augmentation n’avait été que de 1 %.

La criminalité organisée et la délinquance spécialisée ont quant à elles reculé de 18,1 % depuis 2002, et de 8,3 % pendant les seuls neuf premiers mois de 2010.

Enfin, nous luttons aussi contre ce qu’on pourrait appeler la vie quotidienne de la délinquance. Les violences dans les stades ont causé un mort le 28 janvier dernier, à la suite d’un match de football au Parc des Princes entre le Paris-Saint-Germain et l’AJ Auxerre. Nous avons mis en place des mesures très précises : création d’une division anti-hooligans, modification des systèmes de protection à l’intérieur et à proximité des stades, interdictions de stade. Nous sommes allés jusqu’à faire jouer une rencontre entre le PSG et Auxerre devant des tribunes vides ! Nous avons enfin dissous plusieurs clubs de supporters. Ces mesures ont été très efficaces, et aucun incident majeur n’a été signalé depuis leur adoption. L’œuvre entreprise contre la délinquance à l’intérieur des stades doit être maintenant poursuivie à leurs abords.

Nos actions de lutte contre les trafics de stupéfiants – je parle sous le contrôle des élus de la petite couronne parisienne – sont quotidiennes et très fortes. À l’initiative du préfet Christian Lambert, trois mille halls d’immeubles ont été visités et sécurisés en Seine-Saint-Denis. Depuis un an, les succès obtenus – saisies de drogue et de numéraire – sont très significatifs.

Notre action fait également reculer la délinquance envers les personnes âgées. Entre septembre 2009 et septembre 2010, la part des victimes d’escroqueries et d’infractions économiques et financières âgées de plus de 65 ans a diminué de 40,4 %. C’est le fruit de la pédagogie menée par les policiers, les gendarmes ainsi que, bien sûr, les élus locaux, qui sont associés à cette action. Nous constatons aussi une diminution en matière d’atteintes volontaires à l’intégrité physique.

En conclusion, la délinquance recule bel et bien.

J’en arrive au budget proprement dit. Ses grands équilibres sont constants. Avec 16,8 milliards d'euros, la mission « Sécurité » représente 70 % du budget de l'Intérieur.

Cela représente une progression de 2,6 %, due pour l’essentiel à la progression automatique de la masse salariale – 14,6 milliards d'euros – et des cotisations de retraite.

Le plafond d'emploi – 242 702 équivalents temps plein travaillés (ETPT) – représente 86 % des effectifs du ministère. Avec le rattachement de la gendarmerie, ses effectifs font du ministère de l'intérieur le troisième employeur de l'État après l'Éducation nationale et la Défense.

Comme chaque ministre, je me suis efforcé de limiter au maximum les réductions nettes d'emplois. Ainsi, pour tenter de compenser la diminution de 712 ETPT des effectifs de la police par rapport à 2010, j'ai obtenu que le recrutement de 500 adjoints de sécurité supplémentaires, initialement prévu en 2011, ait lieu par anticipation en décembre 2010. La diminution du nombre d’emplois dans la police sera ainsi limitée à 212. Si l’on ajoute à cela 96 ETPT supprimés dans la gendarmerie, la réduction totale se limite à 308, soit à peine 0,2 % des effectifs.

J’ai surtout veillé à ce que les policiers et les gendarmes puissent être progressivement, mais rapidement, déchargés des « tâches indues » qui leur incombent. En accord avec le ministère de la justice, c’est, en trois ans, l'équivalent de 1 000 gendarmes et policiers qui vont pouvoir être entièrement mobilisés pour des missions opérationnelles.

Les premiers effets de cette avancée majeure, très attendue, se feront sentir dès le 1er trimestre 2011. Dès le 1er janvier, sauf cas spécifiques, la police des audiences sera assurée par des sociétés privées et des réservistes de la police et de la gendarmerie, rémunérés et équipés par le ministère de la justice. Ce sont 530 postes qui seront ainsi économisés.

À compter de 2011 également, et selon un calendrier triennal, les transfèrements pénitentiaires seront progressivement pris en charge par le ministère de la justice. Ils mobilisent aujourd’hui 800 gendarmes et 400 policiers, soit 1 200 emplois. Comme vous l’avez signalé, monsieur Diefenbacher, grâce à la réorganisation, mais aussi à l’équipement en dispositifs de visioconférence des lieux de détention et des palais de justice, le nombre de transfèrements a déjà été réduit en 2010 de plus de 5 %. Le nombre des postes transférés au ministère de la justice pourra être limité à 800 – dont 200 en 2011. Le gain net pour le ministère de l'intérieur sera donc de 400 ETPT. Je souhaite qu’un amendement du Gouvernement au projet de loi de finances rende effective cette nouvelle organisation au 1er janvier prochain.

Monsieur Moyne-Bressand, le ministère de la justice prendra aussi à sa charge la garde statique de ses locaux. Voilà encore 18 ETPT d’économisés. D'autres allégements de charges, au palais de justice de Paris notamment, sont en cours d'expertise.

Ces réaffectations seront organisées progressivement, en trois ans, région par région.

Nous souhaitons aller plus loin encore. Dès l'examen en seconde lecture de la LOPPSI, à partir du 22 novembre, je plaiderai devant vous en faveur de l’abandon d’autres tâches indues, de nature administrative cette fois. Monsieur le président Warsmann, je sais que vous êtes très réservé sur les procurations de vote. Mais, en cinq ans, entre l'élection présidentielle de 2002 et celle de 2007, avec 1,2 million de procurations supplémentaires, leur nombre a plus que doublé ! Or, les différentes vérifications qui justifiaient autrefois l’intervention de l'officier de police judiciaire ont été supprimées en 2004, pour être remplacées par une simple attestation sur l'honneur.

Je proposerai donc le transfert de l’établissement de la liste des procurations de vote aux commissions de révision des listes électorales. Ces instances sont collégiales et indépendantes. Les demandes de procuration seraient alors déposées, non plus auprès des commissariats de police ou des brigades de gendarmerie, mais auprès des maires, ou des agents municipaux habilités par le juge d'instance. En revanche, le recueil à domicile des procurations des personnes ne pouvant se déplacer – les personnes âgées résidant en maison de retraite, par exemple – resterait à la charge de la police et de la gendarmerie.

Parallèlement, pour les tâches administratives, je poursuivrai la politique de substitution de personnels administratifs aux policiers et gendarmes. Ceux-ci pourront ainsi se concentrer sur leur métier opérationnel. Je remercie d'ailleurs M. Guy Geoffroy d'avoir souligné l'utilité de cette politique pour la vie quotidienne des services. À cette fin, près de 900 personnels administratifs et techniques seront recrutés en 2011.

En conclusion, je voudrais rappeler trois vérités.

D’abord, l’effectif des policiers et gendarmes – 243 000 – est aujourd’hui supérieur à celui de 2000 : l’accroissement à la fin 2010, il sera de 4 301 emplois, 1 842 policiers et 2 459 gendarmes.

Ensuite, le nombre de policiers et de gendarmes présents sur le terrain sera le même en 2011 qu'en 2010. C’est en effet dans les services de soutien et d'état-major que j’ai fait le choix de concentrer les réductions d'emplois. Le ministère de l'intérieur recrutera aussi plus de 14 000 agents, dont 13 200 agents des corps actifs de la police et des corps militaires de la gendarmerie.

Enfin, la disponibilité et l'organisation du travail des policiers et gendarmes a été améliorée. Depuis 2009, un changement dans le décompte du temps de travail des gradés et gardiens de la paix – « temps pour temps », et non plus « forfaitaire heure par heure », a permis de réduire celui des heures supplémentaires à récupérer.

Améliorer la disponibilité, c'est aussi adapter les horaires de travail aux horaires de la délinquance, développer l'emploi des réservistes, employer les forces mobiles à des tâches de sécurisation lorsqu'elles ne sont pas requises par le maintien de l'ordre, fermer les petites implantations, les petits bureaux de police et rationaliser l'accueil dans les communautés de brigades.

Notre objectif, c’est l’occupation du terrain, au contact des délinquants, pour les dissuader, et de la population, pour la rassurer.

Monsieur Diefenbacher, ce qu'on appelle le budget triennal n'est pas un budget établi sur trois ans : la loi de finances votée par le Parlement reste annuelle. Ce budget prend la forme d’une loi de programmation des finances publiques, de nature exclusivement financière. Cette loi décrit la trajectoire du retour progressif à l'équilibre des finances publiques.

Par ailleurs, si ce « budget triennal » énonce les perspectives de réduction d'emplois pour l'ensemble de la fonction publique de l'Etat, il n’en précise pas la répartition.

De même, il ne fixe que le montant des crédits dont disposera, en 2012 et 2013, chaque programme du ministère de l’intérieur. La répartition de ces crédits entre la masse salariale, les emplois, le fonctionnement et les investissements n'est en revanche ni fixée, ni même connue. Elle sera l'enjeu des lois de finances pour 2012 et pour 2013.

Je voudrais rappeler à l'opposition que la victoire contre la délinquance ne dépend pas seulement de l’évolution, positive ou négative, des effectifs. Comment effectuer une comparaison entre la progression spectaculaire – près de 50 %  – du taux d’élucidation, et celle beaucoup plus modérée des effectifs ? C’est aux changements dans l’organisation, qui doit s’adapter à l’évolution de la délinquance, et au recours à la police technique et scientifique que ce succès est dû. Si le taux d’élucidation atteint aujourd’hui 93 % pour les meurtres, cela ne tient pas à l’accroissement des effectifs, mais bien à l’organisation, aux pratiques et aux moyens scientifiques mis à la disposition des forces de sécurité. Nul ne pourra d’ailleurs faire l’économie d’une réflexion sur l’efficacité de la fonction publique rapportée à l’évolution de ses effectifs, quand on sait que depuis 1992, on a recruté plus d’un million de fonctionnaires, soit une augmentation de 30 % des effectifs.

Le budget finance les engagements pris envers les personnels, à hauteur de 112 millions d’euros hors pensions. Il s’agit essentiellement de la poursuite des protocoles « corps et carrières » de la police nationale, du PAGRE, plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées, de la mise en oeuvre de la nouvelle grille de catégorie B des 104 000 gradés et gardiens de la paix ainsi que des 74 000 sous-officiers de gendarmerie. Toutes les organisations syndicales, qui avaient ardemment souhaité cette réforme de la catégorie B, ont signé le 21 septembre dernier un accord que Unité SGP Police (CGT-FO) a déclaré « historique ». Celui-ci prévoit une revalorisation indiciaire de l’ensemble des échelons de la grille avec un allongement corrélatif de la durée de carrière pour tous les grades. Il prend en compte les spécificités des missions et des carrières en intégrant des dispositions propres aux personnels actifs. Je rassure M. Diefenbacher : l’ensemble de ces mesures figure bien dans la masse salariale prévue pour 2011. L’écart entre la réalisation et la prévision initiale pour la masse salariale 2010, dépassements d’exécution 2009 inclus, est à peu près du même ordre que les années précédentes et sera couvert en fin d’année, comme d’habitude, par des gels ou des annulations de crédits.

Les crédits opérationnels et de modernisation sont préservés en 2011. Bien que la LOPPSI n’ait pas encore été adoptée, nous avions respecté en 2009 et 2010 les échéanciers et les objectifs qu’elle fixe. De même, en 2011, les ressources consacrées aux équipements seront maintenues à la hauteur prévue, soit 332 millions d’euros.

Nous consacrerons 139 millions aux équipements technologiques et à la police scientifique et technique. Mille véhicules supplémentaires seront équipés d’un système de géolocalisation par les réseaux radio-sécurisés ; cinq mille dispositifs vidéo individuels et mille dispositifs embarqués dans les véhicules avec déport d’images seront déployés ; cent dispositifs supplémentaires de LAPI, lecture automatique des plaques d’immatriculation, seront mis en service. Enfin, nous achèterons 1 600 terminaux informatiques embarqués. En matière de police scientifique et technique, chaque département sera doté de dispositifs de révélation et de relevé d’empreintes digitales et génétiques.

Par ailleurs, 142 millions d’euros seront consacrés au fonctionnement et à l’immobilier. Je partage votre préoccupation, monsieur Moyne-Bressand : soyez assuré que la rénovation des logements sera une priorité. Oui, monsieur Diefenbacher, les partenariats public-privé peuvent induire une rigidité accrue des dépenses de fonctionnement. Nous sommes vigilants. Ces partenariats sont extrêmement utiles, à condition de ne pas répondre exclusivement à une logique financière mais d’apporter vraiment un plus, notamment des savoir-faire que ne possède pas l’administration. Je pense par exemple au partenariat conclu par la préfecture de police de Paris en matière de vidéo-protection – 30 millions d’euros y seront consacrés. C’est un sujet sur lequel nous avançons avec pragmatisme, sans idéologie. Le procédé fait chaque jour la preuve de son utilité. Le rapport que vous y avez consacré, monsieur Geoffroy, en a démontré tous les atouts : dissuasion, anticipation et identification. J’ai pu moi-même, lors de mon récent déplacement à Lyon, en constater l’utilité pour lutter contre les pilleurs et les casseurs.

Au cours de cette année, le nombre de caméras de voie publique subventionnées par l’État sera passé de 28 000 à 37 000. Nous souhaitons maintenir l’effort en 2011 et financer environ 9 000 caméras supplémentaires. À Paris, le montage du projet est particulier car la répartition des responsabilités entre l’État et les communes n’est pas la même qu’ailleurs en France : le ministère de l’intérieur supporte pour l’essentiel le financement, la ville de Paris apportant une subvention d’investissement de 5 millions d’euros.

Treize millions d’euros seront consacrés à l’équipement en terminaux mobiles permettant aux policiers et aux gendarmes de rédiger des procès-verbaux électroniques et huit millions d’euros aux équipements de sécurité civile.

S’agissant du programme d’investissements lourds de la gendarmerie, j’ai obtenu le maintien du marché des hélicoptères et le renouvellement de trois appareils d’ici à 2013, dont un dès 2011.

Vous le voyez, les engagements pris ont été tenus. Le contexte financier, s’il oblige à la rigueur, n’empêche pas d’être innovant à condition d’avoir une stratégie bien définie, des priorités budgétaires ciblées et de ne pas craindre les réorganisations.

Avant de terminer, je souhaite rendre hommage aux cinq policiers et aux douze gendarmes morts dans l’exercice de leurs fonctions depuis le début de l’année. Toute notre action vise à mieux assurer la sécurité de nos concitoyens mais aussi la protection de ceux qui en ont la charge.

M. le président Jérôme Cahuzac. Nous en arrivons aux questions des porte-parole des groupes

M. Éric Ciotti. Je tiens au nom du groupe UMP à vous féliciter, monsieur le ministre. Dans un contexte difficile, vous avez réussi à élaborer un bon budget. L’augmentation des crédits de la mission « Sécurité » doit à votre implication personnelle dans les arbitrages. Elle nous autorise à penser que vos objectifs seront atteints.

Je tiens à souligner l’efficacité de votre politique. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : tous les indicateurs s’améliorent, même si les violences aux personnes demeurent une préoccupation. Leur progression s’observe dans tous les pays occidentaux, et dans le nôtre depuis une dizaine d’années ; son rythme vient cependant de se ralentir

Ce budget est parfaitement compatible avec les objectifs ambitieux de la LOPPSI – dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur – et permettra que tous soient atteints. Il traduit les efforts de modernisation engagés dans l’organisation de nos forces de sécurité. Il permet de relever de nouveaux défis, la lutte contre les cambriolages, le trafic de stupéfiants, les violences à l’encontre des personnes âgées, la violence scolaire, la violence dans les transports ou dans les stades.

En dépit des arbitrages rendus nécessaires par la RGPP, les effectifs opérationnels sur le terrain sont aujourd’hui plus nombreux qu’auparavant, il faut s’en féliciter. Je salue également le progrès que représente l’accord historique que vous avez réussi à conclure avec la Chancellerie pour le transfèrement des prévenus et des détenus, qui déchargera policiers et gendarmes d’une tâche indue. Comment cet accord se traduira-t-il dans les faits dès les premiers mois de 2011 ?

Je soutiens votre proposition en matière de procurations de vote, que j’avais moi-même formulée en Commission des lois. Les explications que vous avez apportées, concernant notamment les procurations à domicile, devraient permettre de concilier l’ensemble des points de vue qui s’étaient exprimés en commission.

Je n’ai qu’une demande. Pourriez-vous dresser un bilan de la loi de 2009 qui a permis le rapprochement entre police et gendarmerie et qui, conjuguée à la mise en place de la police d’agglomération, porte aujourd’hui ses fruits ?

Mme Delphine Batho. Nous nous associons, monsieur le ministre, à l’hommage que vous avez rendu aux policiers et aux gendarmes morts dans l’exercice de leurs fonctions. Nous vous donnons également acte d’avoir demandé aux préfets et aux chefs de service de faire preuve d’audace dans la collecte des statistiques de la délinquance.

Pour en venir au débat budgétaire, nous ne pensons pas que l’évolution de la délinquance et de l’insécurité autorise à réduire le format des forces de sécurité. Ce budget reflète, hélas, la logique de la RGPP. Hors pensions, les crédits de la police stagnent, et ceux de la gendarmerie diminuent de 2 %. De plus, la loi de programmation des finances publiques prévoit de nouvelles diminutions en 2012 et 2013. Compte tenu de l’accroissement mécanique de la masse salariale, il ne s’agit donc bien que d’un budget de survie, comme nous l’ont dit certains policiers.

La diminution des crédits de fonctionnement est préoccupante, se traduisant par des difficultés dans l’utilisation des véhicules ou du matériel informatique. S’agissant des véhicules, quelles suites a-t-on données au rapport de la Cour des comptes sur les grosses cylindrées de l’administration centrale de votre ministère ?

La baisse des investissements est également inquiétante : 77 % pour la police, 83 % pour la gendarmerie. Le directeur général de la police nationale n’a pas caché qu’on allait au-devant de grosses difficultés. Si l’actuel Président de la République était certain de n’être pas réélu en 2012, c’est exactement ce budget-ci qu’il présenterait, tant il va léguer aux gouvernements futurs une situation ingérable dans la police et la gendarmerie.

Depuis 2008, les effectifs ont diminué de 9 364 unités pour l’ensemble de la mission « Sécurité ». Je m’inscris en faux contre l’affirmation selon laquelle les effectifs seraient maintenus en 2011 : 1 925 postes de gardien de la paix sont supprimés, dont on ne peut pas considérer qu’ils sont remplacés par des adjoints de sécurité. Quelque bien que l’on pense de ceux-ci, il ne peut être question de les substituer sur le terrain aux gardiens de la paix ! Du reste, le nombre total des diminutions de postes en 2011 est de 712, et non de 112 comme vous le dites. En effet, si des adjoints de sécurité prévus dans le budget 2011 sont recrutés dès décembre 2010, ils sont comptabilisés dans les effectifs 2010… et ne figurent plus dans le budget 2011. On essaie de nous égarer entre effectif global, effectif théorique et effectif réel ; prenons plutôt un exemple parlant : à Grenoble, le nombre de policiers était tombé de 720 à 600 policiers, et vous avez été obligé, après les incidents qui s’y sont produits, de revoir les effectifs à la hausse.

S’agissant du problème récurrent des tâches indues effectuées par les policiers et les gendarmes, nous serions les premiers à nous réjouir s’il était résolu. La Garde des sceaux nous a, hélas, confirmé que le transfert de certaines de ces tâches à la Chancellerie suppose le transfert des ETPT correspondants : 200 ETPT du ministère de l’intérieur seraient déjà transférés dans le budget 2011, et un arbitrage en suspens pour 800 postes supplémentaires. Mais si les postes sont transférés en même temps que les tâches, quelles marges de manœuvre cela permet-il de dégager ? Le groupe de réflexion sur le transfert des tâches indues, mis en place par la direction générale de la police nationale, avait indiqué « qu’il ne pouvait être exclu que l’État abandonne complètement certaines activités au profit d’opérateurs privés. » Quelles tâches pourraient être concernées ?

S’agissant des procurations de vote, il faut préciser que cela représentait 223 ETPT en 2007, 78 en 2008 et 26 en 2009.

Pour la première fois depuis 1995, le nombre de personnels administratifs va diminuer dans la police et la gendarmerie, alors même que décharger policiers et gendarmes de certaines tâches administratives permettait d’affecter davantage de personnels sur le terrain. Aucun recrutement n’est prévu en 2011.

Une question sur les UTEQ, les unités territoriales de quartier. Nous avons demandé communication du rapport d’audit sur le sujet. Pourquoi ne l’avons-nous toujours pas reçu ?

Enfin, Alain Bauer et Christophe Soullez indiquent dans un rapport que 9 000 personnels de la direction centrale de la sécurité publique ont été ces dix dernières années retirés des circonscriptions de terrain pour être affectés dans les unités centrales. Envisagez-vous de réaffecter sur le terrain un certain nombre de ces personnels ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Le groupe Nouveau Centre votera les crédits de cette mission. Au premier rang des points positifs de ce budget, le projet d’extension de la police d’agglomération. On a récemment pu en mesurer tout l’intérêt à Paris et dans les départements de petite couronne. Cette police permet de retrouver plus facilement les auteurs de crimes et délits que nous voyions il n’y a pas si longtemps s’évanouir au-delà du périphérique ! C’est une excellente idée que d’en étendre le principe à Lyon, Marseille et bientôt Bordeaux.

Je me félicite de la stabilisation des effectifs prévue en 2011, ayant assez regretté l’an passé que votre ministère soit touché au même titre que les autres par la RGPP. Permettez-moi néanmoins de redire, pour la huitième année consécutive, que les forces mobiles, notamment les compagnies républicaines de sécurité, me paraissent aujourd’hui surdimensionnées, alors qu’on aurait besoin d’étoffer les effectifs dans les commissariats. Il est un point, et un seul, sur lequel je rejoins notre collègue Delphine Batho : dans certaines directions, d’ailleurs moins centrales que départementales, les effectifs ont été accrus au détriment des commissariats. Le préfet Christian Lambert, sous l’autorité du préfet de police Michel Gaudin, est d’ailleurs en train d’essayer d’y mettre bon ordre en Seine-Saint-Denis.

Je salue l’effort fait pour alléger les forces de sécurité de tâches indues, même s’il reste encore à faire sur ce point. Il faut se féliciter de l’accord syndical unanime que vous avez obtenu, par le dialogue social, sur un sujet difficile, dont on parlait depuis longtemps mais sur lequel on n’avait jamais pu jusqu’alors aboutir.

Vous annoncez 26 nouvelles brigades spécialisées de terrain, les BST, qui s’ajouteront aux 34 actuelles. Nous nous en félicitons mais pourrions-nous connaître les critères de choix de tel ou tel territoire et la logique qui préside à ces créations ? Je n’ai pas bien compris celle des créations annoncées il y a peu par le préfet de police Michel Gaudin, sans que les élus locaux aient d’ailleurs été en rien consultés. Curieuse méthode !

En matière de trafic de stupéfiants, vous avez raison : lutter contre le trafic au bas des immeubles est tout aussi important que de démanteler les réseaux internationaux. La police d’agglomération semble pourtant agir parfois à l’inverse. Les petits trafics devraient constituer l’une de ses priorités, surtout quand des opérations de renouvellement urbain sont engagées dans certains quartiers, visant à améliorer la qualité de vie de leurs habitants. Peu importe à ces derniers qu’un dealer ait été arrêté s’il est remplacé par un autre ! Ce qu’ils veulent, c’est être débarrassés des trafics.

Je reviens enfin sur un sujet qui me tient à cœur : le rythme de sortie des écoles de police. Si la tendance générale est à la diminution de la délinquance, on observe néanmoins des variations ponctuelles tout au long de l’année, liées aux à-coups dans les sorties d’écoles et à une mauvaise gestion des mutations qui aboutissent à ce que certains commissariats soient momentanément en sous-effectif. Il devrait être possible de progresser sur ce point.

Pour terminer, permettez à l’élu que je suis de Seine-Saint-Denis, département dont nul n’ignore le passé politique, de n’être pas d’accord avec vous s’agissant des procurations de vote. Avec ce que vous préconisez, ce département, qui détient déjà le record de la délinquance, obtiendrait certainement aussi celui de la participation électorale, alors même que d’ordinaire, une abstention massive y sévit. Les commissions que vous évoquez ne seront pas à même d’effectuer le travail qui leur serait confié. Je crains que la très fine connaissance des listes électorales et du terrain, du quartier jusqu’à la rue, et même la cage d’escalier, qu’ont certains élus ne conduisent à une flambée subite de civisme, hélas trop univoque. Je suis donc totalement opposé à votre idée. Si elle avait été mise en œuvre lors des dernières élections législatives, vous n’auriez d’ailleurs pas la chance de pouvoir m’entendre aujourd’hui.

(M. Michel Diefenbacher remplace le président Jérôme Cahuzac.)

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Je vous remercie de votre soutien, monsieur Ciotti, en particulier d’avoir souligné la parfaite cohérence entre le budget pour 2011 et la LOPPSI.

S’agissant du transfèrement pénitentiaire – question qui intéresse également Mme Batho –, l’acc ord que nous avons conclu avec la Chancellerie prévoit le transfert de 800 EQTP en trois ans dont 200 en 2011. Sur les 1 200 emplois concernés, le gain net pour le ministère de l’intérieur s’élève donc à 400 postes.

Madame Batho, il me paraît d’autant moins exact de parler de « budget de survie » que vos chiffres ne sont pas les bons. Pour la police nationale et la gendarmerie, le nombre de personnels est passé respectivement, du 31 décembre 2000 à la fin de 2010, de 143 258 à 145 100 – soit une hausse de 1 842 fonctionnaires – et de 93 654 à 96 113 – soit une augmentation de 2 459 EQTP. La contestation de cette évolution globale s’explique sans doute par une confusion des périmètres ainsi que par les modalités de décompte.

S’agissant des investissements dédiés à la modernisation des services, les 332 millions prévus dès 2009 par la LOPPSI sont intégralement maintenus. En revanche – et je vous en donne acte –, nos investissements immobiliers sont moindres, mais nos efforts financiers demeurent significatifs en matière d’équipement des policiers puisqu’ils s’élèvent à 139 millions.

Le rapport que j’avais demandé à l’Inspection générale de l’administration sur les BST relève strictement du ministère, mais je ne suis pas hostile, madame la députée, à l’idée de vous le transmettre.

La comptabilisation des ADS ne doit pas quant à elle varier en fonction des intérêts politiques. Si leur statut a été pensé par l’actuelle opposition, la LOPPSI le modifie légèrement puisqu’ils peuvent exercer deux fois trois ans contre une fois cinq ans auparavant. Quelles que soient les perspectives budgétaires de ces prochaines années, je suis convaincu de la prégnance de plus en plus grande des questions de sécurité et que nombre d’organismes auront besoin des services de professionnels auxquels s’offriront donc de nombreux débouchés.

Je vous remercie, monsieur Lagarde, pour votre soutien. Les effectifs des CRS – je sais que vous vous intéressez de près à cette question – ont été réduits de l’équivalent de cinq unités depuis 2009.

La présence des BST s’explique par des considérations opérationnelles, mais leur déploiement sera tributaire des efforts des acteurs locaux en matière de prévention de la délinquance.

Enfin, nous aurons l’occasion de reparler des procurations dans le cadre de la LOPPSI, mais j’entends parfaitement vos propos. Sans doute serait-il opportun de réfléchir à un dispositif plus précis, mais l’essentiel demeure d’alléger le travail des OPJ – vous avez bien compris que notre objectif n’est en rien d’encourager la fraude !

M. Michel Diefenbacher, président. Nous en venons aux questions des commissaires que je prie de bien vouloir être brefs compte tenu des contraintes horaires de M. le ministre.

M. Bruno Le Roux. Nous sommes tout de même dans un débat budgétaire !

M. le président Guy Teissier. M. le ministre étant obligé de nous quitter à dix-neuf heures, la plus élémentaire courtoisie veut que tous nos collègues puissent poser leurs questions et entendre la réponse de M. Hortefeux.

Mme Sylvia Pinel. Je tiens à associer à ma question M. Gérard Charasse.

Les objectifs chiffrés de votre politique sécuritaire, monsieur le ministre, ne riment pas à grand-chose. En Tarn-et-Garonne, les actes d’incivilité et de violences à l’encontre des personnes les plus vulnérables, les agressions physiques, les vols ont progressé et empoisonnent la vie de nombre de nos concitoyens. Que comptez-vous donc faire afin de lutter contre le sentiment d’insécurité qui ne cesse de croître, y compris dans les zones rurales ?

Outre que ces agressions sont par ailleurs le plus souvent liées au trafic de stupéfiants, elles sont le fait de bandes de mineurs formant le noyau dur de la délinquance. Alors que les forces de sécurité sont bien souvent démunies ou occupées à tenir la comptabilité de vos objectifs, la culture du résultat conduit précisément de plus en plus les policiers et les gendarmes à ne s’intéresser qu’à certains types de délits. Loin de remettre en cause leur travail, nous tenons à dénoncer leur manque de moyens matériels et techniques auquel s’ajoutent une baisse non négligeable des effectifs et l’absence de réponse pénale adaptée. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les forces de sécurité ne puissent mener à bien leurs missions de prévention, pourtant essentielles.

En outre, vous envisagez de doubler le nombre de caméras sur la voie publique. Or, si l’effet dissuasif d’un recours important aux nouvelles technologies est réel, la présence de caméras...

M. Patrice Verchère. Comme à Lyon ?

Mme Sylvia Pinel. ...ne doit pas moins s’accompagner de solides garanties afin d’en limiter les effets pervers.

Par principe, la vidéosurveillance répond prioritairement aux problèmes des zones à forte densité urbaine, mais elle contribue en fait à un déplacement de la délinquance. Quelles mesures entendez-vous prendre à cet égard ? De surcroît, l’efficacité de tels dispositifs requiert la mobilisation permanente de moyens humains par les communes afin que l’alerte puisse être donnée dès la constatation du moindre fait suspect ou délictueux. Quelle garantie financière pouvez-vous donc apporter sur ce point afin que ces dernières, une fois de plus, n’aient pas le sentiment que l’État se défausse sur elles pour assumer des missions pourtant régaliennes ?

Enfin, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour former ses agents afin de garantir les libertés individuelles ?

M. Michel Grall. La coopération internationale dans la lutte contre le trafic d’armes ou de stupéfiants, contre la délinquance financière et contre la cybercriminalité ou le terrorisme est d’autant plus fondamentale que les sécurités intérieure et extérieure sont de plus en plus étroitement liées comme en atteste le Livre blanc sur la défense et la sécurité intérieure. Quels sont les moyens qui y sont dévolus dans le cadre de la mission « Sécurité » ? Doivent-ils être renforcés ? Enfin, quid du fonctionnement des attachés de sécurité intérieure (ASI) ?

Mme Sandrine Mazetier. La rétention et l’éloignement des étrangers en situation irrégulière ne figurent plus dans les programmes de la police et de la gendarmerie, mais le « bleu » budgétaire concernant l’immigration souligne cependant que les mesures d’expulsions au titre de l’ordre public relèvent du ministère de l’intérieur : quels crédits y seront donc dévolus ?

Par ailleurs, dans un contexte économiquement contraint où la réduction des effectifs est constante, il semble que ceux de la police aux frontières (PAF) soient protégés. Quel est le statut de ses personnels ? Ne leur substitue-t-on pas de plus en plus des adjoints de sécurité ? De surcroît, si les moyens consacrés à la PAF augmentent, la moitié de ceux qui sont affectés au fonctionnement – en l’occurrence, à Roissy – servent à payer les loyers à Aéroport de Paris (ADP). Ne serait-il donc pas possible de procéder plus intelligemment dans le cadre d’une renégociation avec ADP ?

Enfin, le management par le taux d’élucidation ayant entraîné le placement de 800 000 personnes en garde à vue l’an dernier, ne conviendrait-il pas d’y renoncer alors qu’il engendre d’inutiles privations de liberté ?

M. Philippe Goujon. Vos réponses, monsieur le ministre, ont achevé de me convaincre du bien-fondé de votre budget et de votre politique.

Comme nous sommes entre sportifs, permettez-moi d’évoquer la lutte contre le hooliganisme, laquelle a été considérablement renforcée sous votre impulsion. Dans un contexte budgétaire contraint, ne vous semblerait-il pas opportun de faire contribuer davantage les organisateurs de manifestations sportives aux coûts que représente la mobilisation des forces de l’ordre ?

Ces dernières sont d’ailleurs de plus en plus sollicitées compte tenu de la montée du risque terroriste sur lequel je serais heureux que vous fassiez un point : quid de la menace et de l’implication de nos militaires et policiers dans les plans de protection ?

De ce point de vue, la vidéo-protection a un rôle à jouer – ainsi l’État financera-t-il à Paris à plus de 95 % des installations. Précisément, n’est-il pas opportun d’envisager un deuxième plan « Mille caméras », sachant que Londres n’en dénombre pas moins de 75 000 ?

Par ailleurs, cette forte sollicitation des unités de maintien de l’ordre sera-t-elle possible en cas de prolongement de troubles à l’ordre public alors que se profile la dissolution de certains escadrons de gendarmerie mobile ? N’y a-t-il pas là un risque en cas d’engagements massifs et prolongés – nombre d’entre nous pensons d’ailleurs que la RGPP a atteint un seuil en deçà duquel il ne faut pas descendre ?

Enfin, je suis solidaire de vous-même et des syndicats de policiers dans la dénonciation des déclarations scandaleuses accusant la police de s’être livrée à des provocations au sein des récentes manifestations : la police de la République a le droit d’être traitée de façon républicaine !

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Je gage, madame Pinel, que le manque de nuance qui caractérisait votre exposé s’explique par votre scrupule à respecter un temps de parole contraint...

Oui, nous avons la culture du résultat ! Je persiste et je signe : nous voulons renforcer la protection, la sécurité et la tranquillité des Français.

Par ailleurs, en un an, en Tarn-et-Garonne, les atteintes aux biens ont baissé de 10,9 %, même s’il est vrai que celles à l’intégrité physique ont, hélas, augmenté de 3 % ce qui, reconnaissez-le, ne constitue toutefois en rien une « explosion ». Les gendarmes sont en l’occurrence au nombre de 382 ce qui représente par rapport à 2002 un gain net de 10 militaires.

En effet, monsieur Grall, j’ai rendu publique le 1er septembre la décision de créer – dans un souci de rationalisation – la Direction de la coopération internationale, à la demande conjointe de la police et de la gendarmerie. Avec les ASI, nous disposons ainsi d’un réseau unique de 250 policiers et gendarmes déployés dans 90 services de sécurité intérieure couvrant 156 pays.

Madame Mazetier, je ne vais tout de même pas m’excuser des expulsions pour motif de trouble à l’ordre public : nous parlons en effet, notamment, de terroristes et de prêcheurs de haine ! Précisément, 84 activistes islamistes ont été interpellés depuis le début de l’année parmi lesquels 27 ont été écroués.

La PAF compte quant à elle 9 526 fonctionnaires et la RGPP a entraîné la fermeture de sept directions départementales en 2009 – ce qui représente 151 EQTP –, 49 EQTP ayant été supprimés en 2010.

Monsieur Goujon, j’entends bien votre remarque s’agissant de la deuxième phase de déploiement des moyens de vidéo-protection.

Des déclarations attribuées à Ben Laden ont par ailleurs été diffusées aujourd’hui même sur Al Jazeera. Les services procèdent à des vérifications qui, si elles étaient authentifiées, s’inscriraient dans le continuum des différentes menaces proférées contre notre pays, ses habitants et ressortissants. J’en ai d’ailleurs naguère fait part dans un souci d’honnêteté, de transparence et d’efficacité. J’ajoute qu’elles avaient été signalées ou confirmées par des services alliés, notamment américains, maghrébins et saoudiens concernant en particulier Al-Qaida Péninsule arabique, informations complétant celles dont nous disposions sur Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). Le maintien du plan Vigipirate au niveau rouge s’impose donc : si la menace est bien réelle, notre vigilance ne l’est pas moins.

Les calomnies touchant la police sont quant à elles scandaleuses. Outre que la présence des policiers lors de ces manifestations est bien entendu normale, ces derniers contribuent à assurer la protection des manifestants avec les services d’ordre des organisations syndicales, la démocratie sociale trouvant ainsi l’une de ses expressions les plus tangibles – d’ailleurs dans le calme et la sérénité, comme nous avons pu le constater.

Par ailleurs, c’est grâce à la présence policière que 2 554 casseurs ont été interpellés lors des deux dernières semaines.

De surcroît, les policiers étant l’une des professions les plus syndiquées au sein de la fonction publique, et la participation de ces derniers aux élections professionnelles s’élevant à 80 %, comment imaginer que les syndicats n’auraient pas dénoncé d’éventuelles provocations ? Le syndicat Alliance a évoqué des « insinuations scandaleuses et malsaines » quand Nicolas Comte, le secrétaire général d’Unité SGP Police-FO, a quant à lui fait part de son indignation ; je le cite : « Dire que certains policiers jouent le rôle d’agents provocateurs relève du fantasme. »

En outre, colporter de tels bruits témoigne d’un mépris d’autant plus injustifiable que policiers et gendarmes ont fait preuve d’un très grand sang-froid et d’un admirable professionnalisme – je regrette, en revanche, que nul ne relève que 72 d’entre eux ont été blessés lors de ces manifestations. Enfin, une telle accusation est d’autant plus choquante que la police est sans doute la profession la plus contrôlée de toute la fonction publique : les manquements et les fautes y sont sanctionnés plus lourdement que dans d’autres secteurs. De grâce, évitons d’inventer chaque jour de nouvelles polémiques dont les ficelles sont d’ailleurs on ne peut plus usées !

M. Christophe Guilloteau. Je tiens à souligner que, lors des incidents à Lyon, la coordination entre la police et la gendarmerie fut d’une remarquable efficacité, et qu’elle a permis de limiter les dégâts.

À ce sujet, pourriez-vous nous dire où en est la publication des décrets d’application de la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale ? Le malaise entre la gendarmerie et la police est-il apaisé ?

Par ailleurs, vous aviez annoncé que le dispositif de la police d’agglomération serait étendu à Lyon au premier semestre 2011, mais il se heurte à des difficultés d’application dans les communes d’Écully et de Rillieux-la-Pape. Je souhaiterais, ainsi que mon collègue Patrice Verchère, savoir ce qui va se passer.

Enfin, en tant qu’élu local, j’imagine mal que des mairies puissent établir des procurations pour des élections auxquelles les maires sont eux-mêmes candidats !

M. Philippe Armand Martin. Le commissariat d’Épernay est installé dans un bâtiment vétuste et peu fonctionnel. Plusieurs options ont été étudiées, allant de la réhabilitation à la reconstruction. La municipalité a proposé de financer le projet, en échange du versement d’un loyer par l’État. Entendez-vous répondre favorablement à cette proposition ? Dans la négative, quel serait le terme d’une construction assurée par l’État ?

M. Nicolas Dupont-Aignan. Monsieur le ministre, je ne doute pas un instant de votre sincérité ni des efforts de vos services pour essayer de réformer et de rationaliser l’action des forces de police et de gendarmerie – auxquelles je veux rendre hommage, car leur tâche est particulièrement difficile en ce moment –, mais je suis inquiet quant aux moyens dont vous disposez.

Le principe du non-remplacement d’un départ en retraite sur deux me paraît intenable. La délinquance est extrêmement violente, la réforme de la garde en vue, si elle est mise en œuvre, aura des conséquences dramatiques en termes de mobilisation des effectifs, et vous affichez des objectifs ambitieux dans tous les domaines. Or je maintiens que les effectifs ont diminué. Vous citez les chiffres de 2000, mais vous savez pertinemment que c’est tout l’effort fourni par notre majorité entre 2002 et 2006 qui se trouve annihilé par les actuelles réductions d’effectifs. On évite la catastrophe grâce aux adjoints de sécurité, mais vous savez bien qu’un ADS n’est pas un policier, et qu’il n’a ni la même formation ni la même perspective de carrière.

Chez les policiers et les gendarmes que j’ai rencontrés, j’ai perçu un réel découragement ; la diminution des effectifs sera préjudiciable aux missions que vous leur avez fixées. On ne peut continuer ainsi ! Même avec une réorganisation, vous ne parviendrez pas à remplir vos engagements.

S’agissant plus particulièrement de l’Île-de-France, la mutualisation des services de police de Paris et de la Petite couronne est assurément un succès, mais la situation est critique dans la Grande couronne. La création des unités territoriales a ponctionné les effectifs départementaux. Certes, on nous assure qu’à l’échelle du département les effectifs demeurent à peu près stables, mais dans les commissariats, on a atteint la cote d’alerte. À certains endroits, les effectifs ont diminué de 20 % ; les citoyens n’arrivent plus à joindre personne au commissariat.

Bref, il existe un décalage entre les discours et la réalité du terrain.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je tiens à vous féliciter pour l’habileté avec laquelle vous avez présenté votre budget. Que d’innovations dans les documents budgétaires mis à notre disposition ! On nous parle tantôt d’« effectifs », tantôt d’« ETP », tantôt d’« ETPT », et même, pour la gendarmerie, d’« ETPE » ; reconnaissez que, pour un député de base, il est bien difficile de s’y retrouver !

Je ne veux pas engager ce débat maintenant, mais les chiffres que vous avez donnés concernant les années 2000, 2002, 2007 et 2010 ne correspondent pas à ceux qui apparaissent dans les projets de lois de finances initiales. Il reste une certitude : les effectifs sont en baisse.

Vous aviez dit, lors de la réunion de la commission élargie du 2 novembre 2009, que 1 200 agents administratifs avaient été recrutés en 2009 et que cet effort serait poursuivi en 2010, avec le recrutement de 1 000 agents supplémentaires. Or, je ne retrouve pas ces effectifs dans les documents, et les organisations syndicales ne nous ont pas confirmé leur existence. Les agents recrutés en 2009 ont-ils pris leurs fonctions et un nouveau recrutement a-t-il bien eu lieu en 2010 ?

Lors de la même réunion, vous m’aviez donné rendez-vous cette année pour évoquer le regroupement de la formation des agents administratifs sur le site de Lognes, à la suite de la fermeture de celui de Gif-sur-Yvette : ce regroupement n’a toujours pas eu lieu. L’État loue depuis trois ans, pour un million d’euros par an, un bâtiment vide !

Vous annoncez le recrutement d’adjoints de sécurité, mais il faut ensuite qu’ils deviennent gardiens de la paix. Y aura-t-il un concours en 2011 ? Combien de places seront proposées aux ADS ?

M. Patrice Martin-Lalande. Comme vous le savez – puisque vous êtes venu sur place dès le lendemain de ces tristes événements –, des dégâts importants ont été commis le 18 juillet dernier sur des bâtiments publics et privés à Saint-Aignan-sur-Cher, tandis que les mairies de Couddes et de Thésée étaient incendiées.

L’article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales prévoyant que l’État est civilement responsable des dégâts et dommages commis contre les biens dans certaines circonstances, vous vous étiez engagé, dans le cas où cet article ne s’appliquerait pas, à apporter l’aide de l’État, affirmant, toujours lors de votre visite à Saint-Aignan le 19 juillet, qu’aucun financement ne devait rester à la charge des communes.

Confirmez-vous cet engagement et, dans l’affirmative, pouvez-vous préciser les modalités de sa mise en œuvre ?

M. Michel Voisin. En ce moment se tiennent les congrès des associations départementales de maires, qui sont saisis d’un problème récurrent : l’accueil des gens du voyage. Les schémas départementaux ne sont pas toujours respectés par ces derniers, ce qui provoque d’importants désagréments dans les communes tels que des dépôts d’ordures sur la voie publique, des prélèvements d’eau à partir des bornes à incendie, voire des raccordements à l’électricité sur les bâtiments publics. Les préfets nous assurent qu’il est possible de faire respecter les schémas départementaux et d’obliger les contrevenants à s’installer sur les aires aménagées. Quelles procédures peuvent être mises en œuvre à cet effet ?

M. Arnaud Richard. Je m’associe à l’hommage que vous avez rendu aux forces de l’ordre qui ont perdu la vie dans l’exercice de leurs fonctions.

Je salue également l’effort prévu par le programme « Police nationale » dans le domaine de l’immobilier, qui permettra le recentrage des policiers sur la lutte contre la délinquance. Dans ce contexte, je souhaite appeler plus particulièrement votre attention sur deux dossiers.

Les communes du canton de Triel-sur-Seine sont placées sous la responsabilité du commissariat de police de Poissy, avec une antenne à Vernouillet. Or, l’éloignement du commissariat de Poissy et les difficultés d’accès par le franchissement de deux, voire trois ponts justifient pleinement la création d’un commissariat dans ce secteur. L’un de vos prédécesseurs s’y était d’ailleurs engagé.

Pourtant, malgré la forte attente sur le terrain, le projet est aujourd’hui bloqué. En effet, l’État veut bien voir les autorités locales investir dans un nouvel équipement, mais il refuse de s’engager sur la pérennité de la présence policière ; de surcroît, il exige que le loyer versé pour ce nouvel équipement plus fonctionnel et plus moderne soit identique au loyer actuel.

Par ailleurs, à la suite de la réorganisation des rapports entre la police et la gendarmerie, plusieurs communes de ma circonscription ont été placées sous la responsabilité du commissariat des Mureaux. La ville de Meulan-en-Yvelines a réalisé un investissement afin de permettre l’accueil d’une antenne de police sur son territoire et desservir ainsi les communes alentour. Or, le nombre de fonctionnaires qui y sont affectés a été réduit à deux, ce qui rend impossible toute intervention sur le terrain.

Quelles mesures concrètes pourraient être mises en œuvre, conformément aux engagements pris dans votre budget, afin de régler ces deux problèmes ?

M. Bruno Le Roux. Je n’arrive pas à comprendre comment une dépêche peut annoncer, au moment même où nous discutons, qu’il y aura le même nombre de policiers sur le terrain en 2011 qu’en 2010 ! Tous nos calculs conduisent à conclure à une diminution ; même les 1 780 ADS supplémentaires n’arriveront pas à compenser les 1 922 et 229 postes qui disparaissent des corps de conception, de direction, de commandement, d’encadrement et d’application de la police nationale.

Vous affichez comme priorités la lutte contre l’économie souterraine et celle contre les bandes violentes, deux politiques particulièrement consommatrices d’effectifs. Aujourd’hui, les deux phénomènes tendent à se recouper, dans la mesure où les violentes compétitions entre gangs pour le contrôle des territoires de la drogue donnent lieu à des règlements de compte et à une nouvelle forme de délinquance. Comment comptez-vous développer ces deux actions alors que, sur le terrain, les effectifs diminuent ?

Je me félicite de l’annonce de la création d’une unité territoriale de quartier à Saint-Ouen. Toutefois, son personnel sera-t-il pris sur les effectifs actuels ou viendra-t-il en supplément ?

Voilà quelques mois, le regretté Philippe Séguin et moi-même avions souhaité connaître la répartition géographique des effectifs de police, afin de contrôler que leur affectation correspondait bien à la carte de la délinquance. Pourriez-vous nous transmettre ces documents ?

M. Jacques Alain Bénisti. Je m’associe à l’hommage que vous avez rendu aux fonctionnaires de police tombés dans l’exercice de leur mission, avec une pensée particulière pour Aurélie Fouquet, notre jeune policière municipale qui s’est fait massacrer par des monstres.

Le coût de la délinquance pour la société française est de 115 milliards d’euros. Si l’on ajoute les dépenses de personnel de la gendarmerie et de la justice, soit 90 milliards, on arrive à 205 milliards d’euros, c’est-à-dire plus de trois fois le budget de l’éducation nationale. La lutte contre la délinquance – plus de 4 millions de faits par an, soit un toutes les neuf secondes – doit être, pour le Gouvernement, une priorité de tous les instants.

Si une politique de répression et de dissuasion est inévitable et incontournable, elle ne peut être la seule réponse. De surcroît, la délinquance évolue : bien qu’en diminution, elle est de plus en plus juvénile et violente. C’est pourquoi nous devons lancer un plan Marshall de prévention de la délinquance juvénile, qui est souvent récidivante.

Je présenterai dans quelques jours le rapport de la mission que m’a confiée le Premier ministre, qui comportera des mesures concrètes, chiffrées et, je l’espère, pertinentes. Ce rapport est le fruit de quatre mois de travail durant lesquels j’ai auditionné plus de 350 acteurs de la prévention de la délinquance, qui vivent au quotidien, sur le terrain, dans les quartiers les plus difficiles. Ces femmes et ces hommes passent leur temps à récupérer, à réinsérer ou à reconstruire des jeunes en perdition, qui ont un passé d’échec scolaire, familial et souvent professionnel, et qui forment le terreau de cette primodélinquance en manque d’existence et de repères, avide d’en découdre avec la société, avec une violence dépassant souvent la raison.

Je partage votre volonté de voir se réorganiser et se rationaliser l’ensemble des services de sécurité intérieure, en redéfinissant leurs missions et leurs objectifs et en tenant compte de l’évolution de la délinquance. Mais ce n’est pas en augmentant les effectifs de police d’intervention qu’on réglera le problème de la délinquance : ceux qui le pensent se trompent, car ils ne connaissent ni les causes, ni la réalité du terrain. D’autres solutions existent. Donnerez-vous les moyens nécessaires à une vraie politique de prévention ?

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur Guilloteau, trente-six décrets et trente-six arrêtés d’application de la loi du 3 août 2009 doivent être élaborés. Ils concernent le rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, des transferts de compétences en matière de ressources humaines ainsi que des mesures concernant l’emploi et le soutien. Certains de ces textes nécessitent des consultations, ce qui prend du temps. À ce jour, trente décrets et vingt arrêtés ont déjà été publiés ; le reste doit l’être au cours du dernier trimestre 2010.

Le dispositif de la police d’agglomération est en préparation. J’ai demandé au préfet Gérault de mener les concertations nécessaires, mais, ensuite, il faut bien prendre des décisions. Le décret concernant Écully et Rillieux a été soumis à l’examen du Conseil d’État ; on verra ce que celui-ci décidera.

Monsieur Martin, le coût de la construction d’un nouveau commissariat sur le terrain actuel d’Épernay serait de l’ordre de 7,5 millions d’euros. Lorsque je suis venu sur place en mars dernier, à la suite de l’agression dont avait été victime le brigadier-chef Michel Husson, j’avais constaté le caractère très vétuste du commissariat – tout comme, à Sevran, j’avais été stupéfait par l’état du commissariat, qui avait un côté tiers-mondiste. Ces propriétés de l’État ne répondent pas aux besoins d’une police moderne, je vous l’accorde.

Toutefois, le budget de la police nationale pour les trois prochaines années ne permet pas la programmation d’une telle opération. Une solution pourrait être la prise en charge de la maîtrise d’ouvrage de la construction par la collectivité locale. Le projet de loi « LOPPSI 2 » prévoit le renouvellement de ce dispositif. Dans l’attente de l’adoption définitive du texte, j’ai donné instruction à mes services de lancer sans plus attendre les travaux d’aménagement et d’accorder une autorisation d’engagement de 110 000 euros.

Monsieur Dupont-Aignan, aucun ministère ne peut être exonéré de la RGPP, car une exception produirait des effets en cascade. Cependant, nous essayons de maîtriser au mieux ses effets.

S’agissant de la garde à vue, je ne vous cache pas que je suis préoccupé par la décision de la Cour de cassation. Nous avions conçu un système globalement satisfaisant, où la garde à vue n’était pas contrôlée par un juge du siège, mais par le parquet, et où la présence de l’avocat pouvait être différée par l’officier de police judiciaire sur décision du procureur. J’étais par ailleurs favorable à l’audition libre comme solution de remplacement. Mais il est vrai que les statistiques incluaient les gardes à vue en matière de délinquance routière, ce qui pouvait s’expliquer en termes de dégrisement, mais ce qui aboutissait à un total de plus de 780 000, soit un chiffre trop élevé d’un point de vue européen.

Je pense sincèrement que le taux d’élucidation élevé que nous avons atteint provient pour partie des conditions de la garde à vue. Je suis convaincu que, si les trafiquants de stupéfiants, qui sont organisés et financés, bénéficient tout de suite de la présence d’un avocat spécialisé, cela compliquera la tâche des enquêteurs pour les aveux.

Cependant, la Cour de cassation s’étant prononcée, il faut bien agir en conséquence. J’ai évoqué le sujet hier devant les organisations syndicales et les représentants de la gendarmerie, que j’avais souhaité rencontrer pour discuter de questions d’ordre public relatives aux dernières manifestations. La garde des sceaux a accepté que les organisations syndicales et les gendarmes soient consultés afin de préparer un amendement qui puisse protéger les droits et les libertés individuelles – préoccupation partagée par tous – sans pour autant nuire au taux d’élucidation.

Pour le reste, j’ai précisé dès le départ que je n’étais pas hostile à une réforme de la garde à vue. Par exemple, c’est le ministère de l’intérieur qui a proposé la suppression des fouilles au corps, qui pouvaient parfois être indignes.

Monsieur Urvoas, un des axes majeurs de la réforme était la fusion des corps des personnels administratifs, afin de créer un corps unique pour chaque catégorie de personnel. Cette fusion est effective pour les attachés depuis le 1er janvier 2007 et pour les catégories B et C depuis le 1er janvier 2010.

En 2010, j’ai obtenu le recrutement de 1 500 ADS supplémentaires, qui viennent s’ajouter aux 4 240 incorporations prévues cette année : 500 ont pris leurs fonctions en juillet, 500 en octobre et 500 le feront en décembre. Pour 2011, 4 969 recrutements sont prévus dans la police, dont 119 officiers et commissaires, 500 gardiens de la paix, 3 175 ADS, dont 2 337 en contrats aidés, 900 cadets, et 275 personnels administratifs, concours internes compris. Pour la gendarmerie, le total s’élève à près de 9 100 recrutements, dont 377 officiers, 2 727 sous-officiers, 5 400 gendarmes adjoints volontaires et 594 civils, concours internes compris. Le nombre de recrutements est supérieur dans la gendarmerie car il y a davantage de contrats courts.

Un concours sera ouvert en 2011, afin de recruter 500 gardiens de la paix. Conformément à la règle, la moitié des postes seront pourvus par concours interne.

S’agissant de Lognes, des malfaçons et des dysfonctionnements ont été constatés à l’occasion des visites du maître d’œuvre. J’ai fait procéder à un audit général de l’immeuble, qui s’est déroulé de novembre 2009 à février 2010. Il y a eu une négociation, longue et difficile, avec la société propriétaire des lieux afin qu’elle prenne en charge la mise en conformité du bâtiment. Les travaux correctifs ont eu lieu en mars et avril 2010 et les procédures pour obtenir le permis de construire et notifier les marchés publics de travaux n’ont abouti que le 2 juillet dernier. Les travaux commenceront donc cet automne.

Quant au recrutement des personnels administratifs, voici les chiffres : 1 106 en 2008, 1 002 en 2009, 1 000 en 2010, 275 en 2011, soit un total de 3 383 recrutements en quatre ans.

Monsieur Martin-Lalande, après ce qui s’est passé le 18 juillet dans le Loir-et-Cher, je me suis rendu sur place avec les élus. L’État ne peut évidemment pas être tenu d’indemniser les victimes des dégradations commises en réunion et il ne le fera que dans un nombre très limité de cas. Les dédommagements relèvent de la responsabilité des assureurs. Cela dit, j’avais indiqué au cours d’une réunion avec les maires que nous ferions un effort pour deux communes.

M. Patrice Martin-Lalande. Couddes et Thésée, dont les mairies ont été incendiées.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Vous avez bien fait de me le rappeler parce que me s services avaient quelque peu oublié… La préfecture a participé à chacune des expertises, le préfet a demandé aux maires de lui signaler tout décalage entre la prise en charge par les assurances et la réalité du coût des dégradations.

Je vous confirme que la solidarité nationale s’exercera. Il n’est pas question de revenir là-dessus.

Monsieur Voisin, vous avez évoqué les gens du voyage – sujet qui donne lieu à débats… L’aménagement des aires doit se poursuivre. Je ne reviens pas sur les chiffres, vous les connaissez : 15 % au moment de la loi Besson et, maintenant, deux tiers dont le financement est prévu aujourd'hui. Le progrès est donc très sensible, mais il faut aller au-delà. En réalité, 298 communes sont toujours défaillantes. Les aires de grand passage ne sont pas encore suffisantes : on en compte 117 pour un objectif de 335. La différence explique les problèmes liés aux campements illicites auxquels la population et les élus sont confrontés, surtout pendant la période estivale.

Par ailleurs, les occupations illicites ne doivent plus être tolérées. Le droit de propriété est constitutionnel et il doit être respecté, que le propriétaire soit l’État, une collectivité ou un particulier. Enfin, l’organisation des grands rassemblements annuels continuera à être accompagnée par l’État. Je serai attentif aux travaux qui sont conduits par la mission d’information présidée par Didier Quentin et à laquelle participe Charles de La Verpillière, de même qu’aux propositions qui seront faites par le sénateur Hérisson, qui anime la Commission nationale consultative des gens du voyage. Telle est la ligne de conduite du Gouvernement et il ne s’en écartera pas, quel que soit le climat ambiant.

Arnaud Richard m’a interrogé à propos de son canton, dont la population – sinon l’ensemble de vos commissions ! – s’intéresse au projet de création de la circonscription de Vernouillet, qui remonte à 1997. L’implantation d’un commissariat était prévue sur un terrain mis à disposition gracieusement par le conseil régional. Le commissariat a, si vous me permettez cette expression triviale, du plomb dans l’aile, à cause des contraintes budgétaires, de l’évolution démographique – la population s’est stabilisée – et de la forte baisse de la délinquance. En effet, sur les neuf premiers mois de l’année, les atteintes aux biens sont en recul de 14,7 % à Vernouillet, de 21 % à Triel-sur-Seine et de 15 % à Verneuil. De surcroît, une compagnie de sécurisation et d’intervention, basée à Limay, contribuera au rééquilibrage institutionnel et opérationnel de la sécurité publique. La présence policière, qui n’est pas négligée, relève de la compétence territoriale de Poissy. Il faudra donc que nous reparlions de ce projet qui est pour le moins incertain – ce qui est un euphémisme.

Monsieur Le Roux, la fraude, le trafic de stupéfiants, le phénomène de bandes ont partie liée. Et nous obtenons des résultats. Ainsi, les quantités saisies de stupéfiants sont très impressionnantes : 59 tonnes de cannabis, plus de 50 tonnes de cocaïne, et près de 1 000 tonnes d’héroïne en 2009. Nous parvenons à désorganiser les circuits. L’année dernière, en brûlant l’équivalent de 30 millions d’euros de drogues, nous avons porté un coup aux trafiquants. À Tremblay, après une enquête très minutieuse, nous avons récupéré des armes, de la drogue et 960 000 euros en espèces dans un appartement.

J’ai recentré l’activité des trente-six groupes d’intervention régionaux autour du trafic de stupéfiants. Nous nous sommes adjoints dans cette lutte les services fiscaux : cinquante et un contrôleurs suivent aujourd'hui plus particulièrement quarante-trois quartiers sensibles. Le Président de la République, quand il s’est rendu à Bobigny, avait veillé à ce que les services fiscaux soient installés au siège de la direction départementale de la sécurité publique. Un inspecteur du fisc est ainsi à pied d’œuvre pour suivre certains quartiers. En outre, le préfet de police Michel Gaudin a étendu le plan antidrogue, qui fonctionne très bien à Paris, à la Petite couronne dans le cadre de la mise en place d’une police d’agglomération.

Notre action locale doit se doubler d’une action sur le plan international. Au niveau européen, nous avons fédéré nos partenaires européens autour d’un pacte de lutte contre la drogue adopté à l’unanimité à Luxembourg en juillet dernier. Au-delà des déclarations d’intention qui sont le propre des accords internationaux, les choses ont avancé avec la désignation de correspondants dans certains points sensibles. L’objectif est de couper les routes de la cocaïne et de l’héroïne. Une répartition des rôles s’opère de fait. Avec l’Espagne et la Grande-Bretagne, nous nous concentrons sur les réseaux qui acheminent la marchandise en provenance d’Amérique latine jusqu’au Cap Vert, puis au Sénégal en remontant ensuite par le Maroc pour inonder le marché de l’Europe de l’Ouest. Les Allemands, eux, sont plus spécialisés dans les filières asiatiques.

Il y a, d’un côté, la lutte contre le trafic de proximité qui nécessite des moyens importants et, de l’autre, l’action internationale. Dans votre département, le préfet Christian Lambert est en train de réorganiser la police pour réaffecter des effectifs départementaux dans les commissariats. D’où le débat que j’ai pu avoir avec Claude Bartolone. En réalité, on compte 500 policiers de plus en Seine-Saint-Denis qu’il y a dix ans – ils sont passés de 4 500 à 5 000. Ne vous arrêtez pas au nombre de policiers par commissariat. La réorganisation est en cours. En sécurisant les halls d’immeuble, on lutte contre le trafic de proximité. Nous le savons vous et moi pour nous être rendus sur place.

L’année dernière, vous m’aviez déjà demandé la répartition des effectifs sur le territoire. Elle ne relève pas de la loi de finances. Vous connaissez le fonctionnement des municipalités. Le maire fait voter les effectifs par le conseil municipal et il ne donne pas communication aux conseillers municipaux. Je m’étonne que vous qui êtes un élu local soucieux, avec raison, de vos prérogatives, me posiez la question. Je vous fais donc la même réponse que l’année dernière.

Monsieur Bénisti, je m’associe à votre hommage à la mémoire d’Aurélie Fouquet. Comme vous le savez, les enquêteurs ont accompli un travail très minutieux pour identifier la dizaine de personnes présentes au moment du meurtre. Des informations précieuses ont été glanées. La police est déterminée à retrouver ceux qui ont été identifiés et ils seront inéluctablement interpellés. J’attends les propositions de la mission sur la prévention de la délinquance que je vous ai confiée, à vous à et à Bernard Reynès. Nous ne manquerons pas de nous en inspirer.

M. Michel Diefenbacher, président. Monsieur le ministre, il me reste à vous remercier pour les réponses très complètes et très précises que vous nous avez apportées, et d’être de ce fait resté parmi nous bien au-delà de l’horaire initialement prévu.

La réunion de la commission élargie s’achève à dix-neuf heures trente.

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