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Compte rendu
intégral

Commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale et du plan

Commission des lois constitutionnelles,
de la législation et de l’administration générale
de la République

(Application de l’article 117 du Règlement)

Mardi 16 juin 2009

Présidence de M. Didier Migaud,
président de la Commission des finances,
et de M. Jean-Luc Warsmann,
président de la Commission des lois

La réunion de la commission élargie commence à dix-huit heures trente.

Projet de loi de règlement des comptes
et rapport de gestion pour l’année 2008

Immigration, asile et intégration

M. le président Didier Migaud. La Conférence des présidents a décidé, en application de l’article 117 du Règlement, que certaines missions seraient examinées, dans le cadre de l’examen du projet de loi de règlement des comptes de 2008, selon une procédure de commissions élargies à l’ensemble des députés. À ces réunions participeront les ministres concernés – avec qui nous espérons avoir ainsi des échanges directs et vivants –, ainsi que le ou les rapporteurs spéciaux de la commission des finances, les rapporteurs pour avis, les porte-parole des groupes et les députés intéressés.

C’est à ce titre que nous accueillons M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.

La Commission des finances, en liaison avec les autres commissions de l’Assemblée, se satisfait de pouvoir ainsi exercer sa mission de contrôle de l’exécution des budgets et d’évaluation des performances. En examinant la mission Immigration, asile et intégration, nous entendons tirer les enseignements du premier exercice budgétaire d’un ministère très récent et savoir s’il est parvenu à maturité.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je souhaite à mon tour la bienvenue à M. le ministre. La Commission des lois, outre qu’elle est saisie pour avis de l’examen de la mission Immigration, asile et intégration, a beaucoup travaillé sur cette question au cours des derniers mois. C’était en particulier le thème de la rencontre, à Paris, des présidents de commissions des lois organisée sous la présidence française de l’Union européenne ; je rappelle également la mission d’information sur les centres de rétention administrative, qui remettra son rapport dans les prochaines semaines. Par ailleurs, la Commission des lois procède actuellement à l’évaluation des lois de juillet 2006 et de novembre 2007 relatives à l’immigration.

Mme Béatrice Pavy, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire a été créé au lendemain de l’élection présidentielle de 2007 : c’est la première création d’un ministère de plein exercice depuis celle du ministère de l’environnement en 1971. Il s’agit d’une administration centrale autonome, dotée d’un budget propre.

Ce ministère, mis en place le 1er janvier 2008, a-t-il trouvé son régime de croisière ou demeure-t-il dans une phase de tâtonnements, s’agissant de l’évaluation de ses besoins en termes de crédits, de ressources humaines et de pilotage ?

L’analyse de ce premier exercice budgétaire montre qu’il a été fortement impacté par la forte croissance de la demande d’asile – 19,7 % en 2008 ! – qui a entraîné de significatives augmentations de crédits. On note ainsi un écart de près de 9 % entre le montant total des autorisations d’engagement prévu en loi de finances initiale, hors fonds de concours et attributions de produits, et le total des autorisations d’engagement consommées. Quant aux crédits de paiement, alors qu’ils s’élevaient en loi de finances initiale à 409 millions d’euros, les crédits réellement consommés se montent à 442 millions, soit un écart de 8 %.

En tant que rapporteure spéciale de la commission des finances pour la mission dont vous avez la charge, monsieur le ministre, je souhaite vous poser quelques questions.

Le programme 303, en partie consacré à la politique de l’asile, a vu ses crédits revalorisés en gestion du fait de l’explosion de la demande d’asile. Cette augmentation est certes un facteur exogène et largement imprévisible ; il n’en est pas moins clair que l’hébergement des demandeurs d’asile souffre d’une sous-dotation chronique. Ainsi, pour la seule année 2008, les crédits relatifs aux dispositifs d’hébergement d’urgence ont augmenté de plus de 50 %. Fixés à 35 millions d’euros en loi de finances initiale, ils ont atteint 53 millions d’euros en exécution !

Par ailleurs, l’ATA (allocation temporaire d’attente) versée pendant toute la durée de l’instruction de leur demande aux demandeurs d’asile ne pouvant être hébergés dans les CADA, les centres d’accueil des demandeurs d’asile, a vu ses crédits revalorisés de 70 %, passant de 28 millions d’euros en loi de finances initiale à 47,5 millions.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, envisagez-vous, dans le prochain budget, de procéder à un « rebasage » des crédits relatifs à la politique de l’asile, et selon quelle ventilation entre l’ATA, l’accueil et l’hébergement ?

Les délais de traitement des dossiers de demande d’asile par l’OFPRA, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, et la CNDA (Cour nationale du droit d’asile) ont un impact mécanique sur le nombre de demandeurs d’asile hébergés en CADA ou dans les structures d’accueil d’urgence, ainsi que sur la durée de leur séjour et le nombre de bénéficiaires de l’ATA, donc sur le montant total de celle-ci.

Le rapport annuel de performance 2008 fait état d’une dégradation de ces délais de traitement, alors que le nombre des dossiers à traiter, même s’il a fortement diminué depuis 2003, reste très important. Si la demande d’asile devait poursuivre sa croissance, la situation deviendrait délicate. Comment votre ministère compte-t-il gérer ce problème ? Serez-vous amené à recruter, notamment au sein de l’OFPRA ? Par ailleurs, où en est la réforme de la CNDA ?

J’ai récemment appris, en visitant l’un d’entre eux, que les CADA étaient confrontés à des difficultés récurrentes liées à l’hébergement des personnes dont la demande d’asile a été refusée. Ces déboutés, n’ayant pas vocation à demeurer au sein d’un CADA, disposent d’un délai d’un mois pour le quitter. Cependant il est délicat de renvoyer des personnes qui, bien souvent, ne peuvent être prises en charge par d’autres établissements. Cette situation produit des effets en chaîne ; elle prive les demandeurs d’asile de places dans les CADA – et dans ce cas, ils bénéficient de l’ATA. Au-delà du problème humain, particulièrement douloureux, c’est l’ensemble de la gestion et du financement de la politique de l’asile qui est touché.

Comment assurer une prise en charge décente des déboutés sans remettre en cause la vocation originelle des CADA ? Les structures d’accueil intermédiaires, gérées par des services sociaux, pourraient-elles remplir ce rôle ? Avez-vous, monsieur le ministre, abordé ce problème avec les autres ministères concernés ?

En matière de dépenses de personnel, il semble que le ministère ait largement sous-évalué ses besoins. Le rapport annuel de performance fait état d’un écart important pour la catégorie A+, dû à une erreur commise lors de l’élaboration du projet de loi de finances pour 2008, où l’on avait pris en compte un coût unique pour les catégories A et A+ : le coût moyen réel d’un agent de catégorie A+ s’est révélé supérieur de 94 %. Cette sous-estimation concerne également, à un moindre degré, les catégories B et C, dont le coût réel a dépassé les estimations, respectivement de 19, 4 % et de 21 %. Votre ministère est-il en mesure aujourd’hui de mieux appréhender ses besoins en termes de ressources humaines ?

L’évaluation du coût des reconduites à la frontière demeure parcellaire dans la mesure où elle ne comptabilise pas les activités d’investigation, d’interpellation, d’escorte et de garde à vue réalisées par les services de police et de gendarmerie. Souhaitez-vous disposer de ce coût, et à quel échéance ?

Enfin, bien que l’OFII – Office français de l’immigration et de l’intégration –, qui, depuis sa création en mars 2009, est chargé de la mise en œuvre des politiques d’intégration, ne relève pas du budget de 2008, les contrats d’objectifs et de moyens sont-ils en cours d’élaboration ?

M. Philippe Cochet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Je souligne l’intérêt que suscite pour nous la création d’un ministère, fait rare dans notre République...

Votre ministère, initialement installé sur six sites différents, doit être regroupé rue de Bellechasse et rue Barbet de Jouy. Avez-vous déménagé ? Quel a été le coût total de cette installation éclatée ?

Si les prévisions initiales tablaient sur la création d’une centaine d’emplois sur un total de 609, le ministère a fonctionné en 2008 avec 572 équivalents temps plein, dont 326 sur les 370 prévus pour le programme Immigration et asile et 246, au lieu des 239 prévus, pour le second programme. Pouvez-vous nous expliquer ce décalage ?

Quant aux dépenses de personnels pour 2008, prévues à hauteur de 31,5 millions d’euros, elles ont dépassé 33 millions d’euros. Comment expliquez-vous un tel écart ?

Sur la question du rattachement des personnels des services en charge des visas à votre ministère, êtes-vous parfaitement en accord avec le ministère des affaires étrangères ?

L’évaluation des crédits destinés à l’hébergement des demandeurs d’asile était sans doute optimiste. Votre ministère a consacré au total 53 millions d’euros à l’hébergement d’urgence, soit beaucoup plus que les 35,3 millions prévus en loi de finances initiale ! Certes, il s’agit d’un domaine imprévisible, fortement déterminé par la situation internationale, mais je souhaite que vous nous fassiez part de vos prévisions et de la façon dont vous entendez faire face à ces aléas.

M. Éric Diard, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je me réjouis de la possibilité qui nous est offerte d’examiner, en commission élargie, les crédits de la mission Immigration, asile et intégration. La LOLF, promulguée le 1er août 2001, confère une dimension nouvelle à l’examen des projets de loi de règlement et au contrôle par le Parlement de l’usage des crédits qu’il a votés.

L’année 2008 a été marquée par le succès de l’installation ex nihilo d’un nouveau ministère régalien. Si quelques ajustements ont été nécessaires, notamment sur les crédits destinés à la mise en place de l’encadrement administratif, on peut considérer que votre ministère a atteint fin 2008 un rythme de croisière. J’en veux pour preuve le net rééquilibrage des flux migratoires à destination de notre pays en faveur de l’immigration économique, les flux pour motifs professionnels ayant augmenté de 28,7 % entre 2007 et 2008. Quant aux mesures d’éloignement, le Gouvernement a largement atteint ses objectifs, puisque 29 796 reconduites à la frontière ont été effectuées, au lieu des 26 000 initialement prévues.

Seule ombre au tableau : les délais de traitement des demandes d’asile atteignent désormais dix-sept moi, ce qui est loin des onze mois initialement prévus. Cet allongement des délais, dont les répercussions budgétaires sont évidentes, est d’autant plus préoccupant qu’aucune amélioration ne semble se profiler à court terme. Le rapport annuel de performance souligne en effet que la réforme de la CNDA risque d’être entravée par la généralisation, depuis le 1er décembre 2008, du bénéfice de l’aide juridictionnelle, et par l’augmentation de 19,7 % de la demande d’asile.

Du point de vue strictement budgétaire, les crédits inscrits pour la mission Immigration, asile et intégration ont été correctement exécutés. Le défaut de 40 millions d’euros qui frappe l’action n° 2 du programme 303 résulte d’une sous-estimation du volume des demandes d’asile, lequel est difficile à prévoir. Le ministère est donc bien parvenu à maturité, mais la lecture du rapport annuel de performance suscite quelques interrogations.

Quelles leçons votre ministère entend-il tirer de la sous-évaluation, en loi de finances initiale, tant pour 2008 que pour 2009, des moyens nécessaires au traitement des demandes d’asile ? La question est importante dans la perspective de la préparation du budget pour 2010.

Le rapport annuel de performance révèle un tassement du pourcentage des demandeurs d’asile en cours de procédure qui sont hébergés en CADA. Ils ne représentent que 48,6 % de l’ensemble, alors que l’objectif fixé dans le projet annuel de performance avoisinait les 60 %. Comment comptez-vous améliorer la situation en ce qui concerne les sorties de CADA ? Là est en effet la source essentielle du dépassement budgétaire.

En matière de gestion des données relatives aux flux migratoires, le rapport annuel de performance souligne le retard pris par le projet AGDREF 2 (application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France) et en particulier son volet biométrique, retard lié à l’insuffisance des crédits d’engagement. Compte tenu de la place de ce projet dans la modernisation de notre dispositif, pouvez-vous nous dire si la notification du dernier lot a pu être réalisée au cours du premier semestre 2009, et quelles seront les incidences de ces retards sur le calendrier de l’AGDREF 2 ?

Les difficultés rencontrées par les préfectures pour s’approprier le logiciel PRENAT ont eu des répercussions sur les objectifs de traitement des dossiers de naturalisation. Ces difficultés ont-elles disparu ? Les objectifs fixés pour l’année 2009 seront-ils tenus ?

Enfin, on nous avait indiqué, au cours de l’automne, que votre ministère pourrait s’installer, avant la fin du premier semestre 2009, dans le VIIe arrondissement, au sein d’immeubles appartenant à l’État. Cette échéance est-elle respectée ?

M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Je remercie MM. les présidents ainsi que Mmes et MM. les parlementaires de leur accueil, et Mme et MM. les rapporteurs pour leurs questions précises.

Comme ils l’ont rappelé, j’ai l’honneur de diriger le premier ministère régalien qui ait été créé sous la Ve République. Son budget, Monsieur le président Migaud, se développe en trois temps : la base budgétaire initiale de 2008, une phase transitoire en 2009, et probablement un commencement de régime de croisière en 2010.

Je tiens tout d’abord à rendre hommage à mon prédécesseur et aux fondateurs de ce ministère tant il est difficile d’élaborer un premier budget – ce qui explique d’ailleurs les nécessaires ajustements. Les frais de personnel ont ainsi sans doute été sous-évalués, tout comme le nombre de demandes d’asile – notamment en raison d’une hausse qu’il était difficile de prévoir, car on constatait précédemment une tendance à la baisse. La dispersion des locaux du ministère, de surcroît, n’était pas sans soulever des problèmes financiers ; enfin, dans le cadre de la nouvelle répartition des tâches entre la politique d’immigration et celle de l’intégration et de la ville, mon ministère a perdu 40 millions.

Le budget de 2009 comporte quant à lui un certain nombre d’évolutions majeures. Ainsi dix postes seront créés en octobre prochain à la Cour nationale du droit d’asile, laquelle est désormais sous la responsabilité du Conseil d’État ; l’Office français de l’immigration et de l’intégration a succédé à l’ANAEM ; les besoins financiers de la mission « asile » ont été confirmés et satisfaits en gestion ; nous avons procédé à un regroupement des services autour du 101 rue de Grenelle et, enfin, une réévaluation des crédits de personnel a été opérée.

S’il est trop tôt pour évoquer le budget de 2010, il est déjà possible d’affirmer qu’une réévaluation légère, mais significative, aura lieu s’agissant des crédits dédiés au personnel, mais aussi au développement solidaire, de même que des garanties en gestion seront données aux crédits de la mission « asile » ; enfin, si le Parlement en décide ainsi, des crédits seront débloqués afin de construire ou de réaménager des centres de rétention administrative.

Vous avez raison, Madame la rapporteure : les demandes d’asiles ont progressé de 19,9 % en 2008 par rapport à 2007, où elles avaient diminué de près de 10 %. Il a donc fallu obtenir 23,6 millions de crédits complémentaires pour l’allocation temporaire d’attente (ATA) et 21,6 millions pour l’hébergement d’urgence. L’augmentation du flux de la demande d’asile se confirme par ailleurs en 2009 avec une nouvelle hausse de près de 17 % sur les cinq premiers mois de l’année. Nous avons l’accord du ministère du budget et des services du Premier ministre pour obtenir les 70 millions dont nous aurons besoin afin d’accueillir dignement l’ensemble des demandeurs – en l’occurrence à travers des crédits complémentaires alloués dans le cadre de la levée de la mise en réserve et du décret d’avance de juillet prochain.

Un « rebasage » des crédits dédiés à l’asile aura par ailleurs bien lieu en 2010 : ce sont 26 millions supplémentaires qui seront débloqués pour l’ATA et deux millions pour les CADA. De plus, nous prévoyons la création de 1 000 places supplémentaires en CADA en 2010, la capacité de notre parc étant ainsi portée à 21 689 places. Là encore, nous bénéficierons des crédits nécessaires.

Vous avez une fois de plus raison, Madame la rapporteure : les délais des réponse données aux demandeurs d’asile ont augmenté, et atteignent actuellement 17 mois. Cela résulte particulièrement des 13,7 mois qui sont en moyenne nécessaires à la CNDA, alors que les délais de l’OFPRA, qui sont de trois mois environ, ont en revanche diminué. Avec 412 équivalents temps plein, les effectifs de l’Office ont été stabilisés dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens ; mais si le rythme de demandes d’asile continue de croître, nous devrons envisager une augmentation du nombre d’officiers de protection. En l’état, je rends hommage à cet organisme pour le remarquable travail effectué à effectif constant.

Rattachée au Conseil d’Etat depuis le 1er janvier 2009, la CNDA a donc une tutelle distincte de celle de l’OFPRA. Nous avons voulu rationaliser et homogénéiser son travail ainsi que sa jurisprudence, mais également professionnaliser la Cour et en faire une vraie juridiction. Il est bien sûr trop tôt pour évaluer les effets de cette réforme, d’autant qu’elle est inachevée : je rappelle que dix magistrats doivent être recrutés en octobre prochain et que le Conseil d’État s’est par ailleurs fixé un objectif très ambitieux de réduction des délais de traitement des dossiers à six mois d’ici 2011, grâce notamment à la mise en place de présidences permanentes. Ces enjeux sont certes d’abord humains mais également financiers, puisque les coûts liés à l’ATA ou aux différentes modalités d’hébergement pèsent lourdement sur notre budget.

S’agissant de la présence indue de réfugiés ou de déboutés au sein des CADA, je rappelle que nous sommes régis par l’article R 348-3 du code de l’action sociale et des familles : il dispose que les réfugiés ou les bénéficiaires de la protection subsidiaire peuvent être maintenus dans un CADA pendant une durée de trois mois, renouvelable une fois, et les déboutés pendant un mois. En l’occurrence, les taux de présences indues diminuent : pour les réfugiés, ils s’élevaient en 2007 à 4 % , en 2008 à 3,1 % et ils étaient de 2,6 % au 31 mars de cette année. Pour les déboutés, les chiffres sont respectivement de 7,2 %, 5,1 % et 4,9 %. Au CADA « Les Palmiers » du Mans, que vous avez visité, ces taux ont connu de fortes fluctuations : 0 % au 31 mars 2008 et au 30 juin mais 5 % au 30 août et à nouveau 0 % au 31 décembre ; elles résultent du petit effectif de ce centre, mais ne sont pas contraires à la moyenne nationale. Nous demandons par ailleurs aux préfets de recourir aux dispositifs d’aide au retour volontaire ou à l’exécution de mesures d’éloignement ; mais, outre que ces mesures ne sont possibles qu’à certaines périodes de l’année, nombre de déboutés ont alors recours à des hébergements d’urgence, ce qui ne manque pas de soulever d’autres types de problèmes.

La création de l’OFII par fusion de l’ANAEM et d’une partie de l’ACSÉ a été décidée le 4 avril 2008. L’Office est déjà opérationnel. Nous discutons en ce moment même de son contrat d’objectifs et de moyens, lequel devrait être finalisé à l’automne, la signature ayant lieu, je l’espère, à la fin de l’année.

Avec 5 % environ, je précise que les crédits du Titre II – dédiés aux personnels – représentent une part assez faible des dépenses du ministère, lequel est atypique à cet égard. Nous avons respecté le plafond d’emplois ministériels même si les recrutements ont été moins nombreux sur le programme 303. Ce ministère a été voulu léger, car conçu comme un ministère d’état-major, une « administration de mission ». Il a été créé avec des personnels venus des ministères de l’intérieur, des affaires étrangères et des affaires sociales ; outre qu’il se caractérise par une présence importante de cadres supérieurs A ou A+, laquelle a été au départ sous-évaluée , nous gérons des personnels qui appartiennent toujours à leurs ministères d’origine, lesquels versent en fin d’année des reliquats indemnitaires que nous devons à notre tour verser à nos agents en vertu du principe d’égalité : cela non plus n’avait pas été correctement budgété. Mais ces insuffisances, je l’ai dit, ont fait l’objet d’un « rebasage » dans le PLF pour 2009 et il en ira de même dans le PLF pour 2010.

Une décision de reconduite à la frontière peut être exécutée de deux manières : l’exécution forcée (ce fut le cas pour 20 000 personnes en 2008) et le départ volontaire associé au versement d’une aide au retour (10 000 personnes ont été concernées pendant la même période). Il est en l’état difficile de déterminer le coût global d’une reconduite à la frontière, car il est réparti entre plusieurs programmes et plusieurs ministères. Pour la seule partie relevant de mon périmètre, le coût moyen d’un retour forcé est estimé à 1 839 euros. Même si le calcul n’est pas facile (en raison notamment des modalités d’interpellation des étrangers en situation irrégulière, laquelle a souvent lieu à l’occasion de tout autre chose, par exemple un contrôle routier), nous nous efforcerons de répondre plus précisément à vos interrogations cet automne, Madame la rapporteure, grâce aux résultats de l’étude que nous avons demandée au mois de mai à l’inspection générale des services. Le coût d’un éloignement aidé (aide au retour volontaire et aide humanitaire), quant à lui, s’élève en moyenne à 1 339 euros par personne.

Monsieur Cochet, si la multiplicité des sites a en effet représenté un coût certain pour mon ministère – 1,290 million de loyers en 2008 –, leur regroupement nous permet également de réaliser des économies significatives puisque ce montant est aujourd’hui descendu à 410 000 euros. Je vous confirme que nos services sont désormais regroupés sur trois sites assez proches : le 101 rue de Grenelle (avec mon cabinet, le secrétariat général, l’administration générale, les finances et les affaires européennes), le 3-5 rue Barbet de Jouy (direction de l’immigration, accueil, intégration, citoyenneté, affaires internationales, développement solidaire, pilotage et gestion des systèmes d’information), et le 68 rue de Bellechasse (l’asile, et les services dits de la stratégie).

Par ailleurs, je précise à M. Cochet que la sous-estimation des coûts de personnel est en partie apparente : il a fallu procéder pour certains emplois à des recrutements échelonnés tout au long de l’année – d’où la non utilisation de tous les crédits en 2008.

Mes relations avec M. le ministre des Affaires étrangères sont quant à elles naturellement bonnes, de même qu’avec l’ensemble du Quai d’Orsay dont 140 agents ont été transférés – principalement à la sous-direction des visas – lors de la création du ministère de l’immigration. En revanche, les personnels chargés du même office dans le réseau consulaire demeurent rattachés au Quai, notamment en raison de leur nécessaire polyvalence. J’ajoute que le ministère des Affaires étrangères a signé un contrat de modernisation visant à adapter le réseau consulaire en redéployant notamment les effectifs vers les zones dites émergentes et en améliorant sensiblement l’accueil des demandeurs de visas. Certaines fonctions, seront en outre externalisées, dans des conditions draconiennes de sécurité (je pense notamment au relevé des données biométriques), et dans la perspective, qui s’esquisse, de mutualisation européenne des services de visas des consulats.

Monsieur Diart, je vous confirme que non seulement le budget de 2010 dédié aux demandeurs d’asile augmentera sensiblement mais que nous adapterons nos crédits à la situation.

Par ailleurs, 48,6 % des demandeurs d’asile étant hébergés dans les CADA – les autres bénéficiant d’un hébergement d’urgence ou logeant chez des tiers – l’objectif de 60 % n’est évidemment pas atteint : en 2008 et 2009, nous avons en effet disposé d’un nombre fixe de 20 600 places quand le nombre de demandeurs d’asile a spectaculairement augmenté. L’évolution favorable de cet indicateur passe soit par une diminution du nombre de ces derniers – mais notre marge de manœuvre est en l’occurrence infinitésimale, et ce n’est pas la tendance la plus probable au vu de la situation internationale – soit par une augmentation du nombre de places en CADA. C’est pourquoi 1 000 places supplémentaires seront ouvertes en 2010, même si nous avons engagé un travail de fond afin de réduire la part des personnes qui n’ont rien à y faire.

La mise en place d’AGDREF 2, qui permettra de réduire les coûts de fonctionnement de l’administration, a en effet pris du retard, monsieur Diard. Il s’agit d’une application informatique complexe, qui sert à gérer les dossiers des ressortissants étrangers et à éditer leurs titres d’identité. Elle doit à la fois être efficace et traiter les fichiers nominatifs avec toutes les précautions requises, d’où le retard. Une demande d’agrément a été déposée auprès de la CNIL en février ; Thalès a emporté le marché pour le deuxième lot, et AGDREF 2 devrait être mené à son terme dans les meilleurs délais.

Bien que certaines d’entre elles aient éprouvé quelques difficultés à s’approprier le système numérisé PRENAT d'information et de gestion des demandes de naturalisation, toutes les préfectures utilisent cet outil depuis la fin de l’année 2008. Cela devrait permettre de réduire le stock de demandes (100 000 dossiers en attente au départ), qui a déjà baissé de 7 % en préfecture et de 12 % en administration centrale. L’embauche de vacataires et la réforme de la procédure d’accès à la nationalité concourront également à cet effort de réduction.

Mme Sandrine Mazetier. La rapporteure spéciale a largement évoqué la sous-dotation du programme 303. Cette sous-dotation étant chronique, les crédits que vous annoncez pour la politique d’asile sont par avance insuffisants, d’autant qu’ils sont inférieurs à ceux de 2008, déjà critiqués pour leur faible niveau.

À ma connaissance, à peine plus d’un tiers des demandeurs d’asile est hébergé en CADA, alors même que le projet de loi de finances pour 2008 affichait un objectif de couverture des demandes de 90 % avant 2010. Certaines régions apparaissent particulièrement démunies : c’est le cas de l’Ile de France, où le ratio est de 17 %. Cela est d’autant plus choquant que l’accès à l’asile est plus aisé lorsque le demandeur est hébergé en CADA. Envisagez-vous un effort particulier pour l’Île-de-France ?

Les moyens supplémentaires que vous annoncez sont, là encore, inadaptés à l’effort nécessaire. Il conviendrait d’emblée de rehausser le chiffre de mille nouvelles places, afin que les centres d’hébergement provisoire ne soient plus saturés.

J’en viens au programme 104. Seulement 50 % des étrangers ont obtenu le diplôme initial de langue française, le DILF. Le taux d’abandon, qui avoisine les 40 %, s’explique en général par l’éloignement des centres de formation, les problèmes de garde d’enfant ou la concomitance des cours avec l’emploi du temps professionnel. Le rapport annuel de performance laisse entendre que ce taux pourrait évoluer du fait de l’application de la disposition demandant aux préfets de ne pas renouveler le titre de séjour en cas de non respect du contrat d’accueil et d’intégration. Les abandons pour des raisons matérielles explicables seront-ils considérés comme des motifs de non renouvellement ?

Le programme 104, parent pauvre de votre politique, fait les frais de vos ajustements : 41 millions d’euros destinés à l’intégration des étrangers ont été annulés, en partie à cause de la sous-dotation du programme 303.

Le prochain contrat d’objectifs et de moyens de l’OFII prévoit, à l’occasion de la fusion des organisations, une suppression de 30 équivalents temps plein : cette sous-dotation en moyens humains n’est-elle pas une erreur que vous aurez bientôt à regretter ?

Quelles économies attendez-vous de la décentralisation de la procédure de naturalisation, que vous avez récemment annoncée dans le cadre de la RGPP ? Cela ne risque-t-il pas d’aggraver la disparité de traitement d’une préfecture à l’autre, qu’ont soulignée de nombreuses institutions, y compris la sous-direction des naturalisations ?

Le RAP ne fait pas état des coûts et de l’efficacité de la politique menée en matière de régularisation. Pourriez-vous nous fournir les données concernant le nombre des régularisations, leurs motifs et les types de titres de séjour accordés ?

Aucun des documents dont nous disposons ne nous permet de juger de la politique de développement solidaire. Qu’attendez-vous des accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire ? Quelles dépenses entraîneront-ils pour l’État français ?

Il y a deux semaines, nous avons débattu de quatre accords dont celui qui devrait nous lier à la Tunisie. Celui-ci prévoit, outre la réadmission de personnes tunisiennes, la possibilité d’ouvrir les titres de séjours à des travailleurs tunisiens qualifiés. Or les travailleurs tunisiens sont exclus, de par leur nationalité, du bénéfice de la régularisation au titre du travail. On va donc reconduire à la frontière des travailleurs tunisiens présents parfois depuis longtemps, et dans le même temps en accueillir de nouveaux… N’est-ce pas incohérent, et en outre coûteux ?

Pourriez-vous nous fournir les chiffres correspondant aux reconduites effectuées en outre-mer ? Enfin, qui sont les bénéficiaires de l’aide au retour, et parmi eux, quelle est la proportion de ressortissants de l’UE ?

M. Michel Terrot. Je n’ai pas non plus trouvé dans le RAP de données concernant la gestion concertée des flux migratoires et le développement solidaire. Je souhaiterais aussi savoir si de nouveaux accords seront prochainement signés, notamment avec le Cameroun et le Mali.

M. Christophe Caresche. J’ai déjà exprimé ici mon insatisfaction quant aux indicateurs, notamment ceux qui concernent la politique d’éloignement. Je constate que rien n’a changé.

L’indicateur sur les mesures de reconduites effectives à la frontière prend aussi bien en compte les mesures d’éloignement forcé que les mesures d’aide au retour. Ce mélange est d’autant plus inadéquat que l’aide au retour s’est beaucoup développée et qu’elle est, désormais, la composante principale de votre politique d’éloignement.

En 2008, 10 000 personnes ont bénéficié de l’aide au retour, 20 000 ont été expulsées. En 2007, les chiffres étaient respectivement de 3 311 et de 19 885, et en 2006, de 1 419 et de 22 412. L’augmentation des reconduites effectives à la frontière tient donc à la hausse du nombre d’aides au retour, et pour ce qui est des retours forcés vous avez fait moins bien qu’en 2006.

Ceci pose un problème de performance. Malgré l’accroissement constant du nombre des interpellations et des arrêtés d’expulsion (les OQTF) dont vous vous targuez, les statistiques concernant les retours forcés stagnent. Cela est dû à un très faible taux d’exécution de ces arrêtés, de l’ordre de 20 %, qui cadre mal avec la politique policière volontariste que vous menez. Cette politique apparaît donc très inefficace.

Elle est de surcroît très coûteuse. Sur ce point, l’indicateur n’est pas crédible. C’est en tout cas la conclusion à laquelle sont parvenus les rapporteurs des deux chambres. En novembre 2008, M. Marini, rapporteur général du Sénat, estimait à 20 970 euros le coût d’une reconduite.

Obtiendrez-vous, par cette politique, une augmentation des mesures d’éloignement, Monsieur le ministre ? Je ne le crois pas. D’abord parce que l’immigration est une source de revenus importante pour les pays d’origine, dont ils ne tiennent pas à se priver en prenant des mesures concernant les laissez-passer consulaires. Ensuite, parce qu’un arrêté d’expulsion sur trois est annulé par les tribunaux.

Qu’un tiers des arrêtés soient illégaux est un problème pour une administration chargée de faire respecter la loi ! En contradiction avec les conclusions du rapport Mazeaud, votre prédécesseur a cherché à régler cette question en tentant de revenir sur le double régime de juridiction, mais en vain. Vous disposez d’une très faible marge de manœuvre dans cet État de droit qu’est encore la France.

Votre politique brille par son aspect illusoire et par sa grande inefficacité, mais aussi par son coût : le budget consacré aux reconduites à la frontière pourrait être plus utilement consacré à l’intégration des étrangers.

M. Michel Diefenbacher. Bien que conscient de la difficulté de l’exercice, je souhaiterais également connaître le coût des mesures d’éloignement ainsi que celui des contentieux.

D’autres pays européens se sont-ils engagés dans une démarche d’évaluation similaire à la nôtre ? Peut-on espérer qu’un jour nous disposerons d’instruments de comparaison afin de préparer une convergence des dispositifs ?

M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. La mission d’aide publique au développement est interministérielle et, à ce titre, n’apparaît pas dans le RAP. Je débattrai volontiers avec vous dans un autre cadre de nos accords de gestion des flux migratoires et du développement solidaire.

La « sous-dotation » chronique peut être évoquée a posteriori mais elle n’était pas évidente a priori, Madame Mazetier. Il y a eu, en 2008, une césure : après avoir baissé jusqu’à l’été, le nombre de demandes d’asile a fortement augmenté en fin d’année.

Nous avons donc été dotés de crédits supplémentaires et, faute de pouvoir prévoir l’évolution de la demande d’asile (qui dépend notamment de crises politiques ou de guerres civiles, sans parler des demandes d’asile à caractère économique, liées à la pauvreté), le Premier ministre nous a proposé de nous donner les crédits nécessaires. Certains crédits seront donc en augmentation, ce qui ne nous dispense nullement de procéder à une évaluation. Nous avons une logique d’adaptation à la réalité.

Je confirme que, contrairement au chiffre que vous avez cité, le taux d’accueil dans les CADA est bien de 48,6 %. Il est vrai que certaines régions sont moins dotées que d’autres, car les problèmes sont concentrés sur certaines d’entre elles, et notamment sur l’Île-de-France et Rhône-Alpes. L’Île-de-France n’est pas démunie pour autant. Des ouvertures de crédits en exécution sont en cours pour tous les CADA et je rappelle l’engagement pris par le Premier ministre de les compléter par des crédits complémentaires. En Île-de-France, les CADA proposaient 3 304 places en 2008, contre 1 976 en 2003, et l’augmentation du nombre de places est notre priorité pour 2010.

Pour ce qui concerne le DILF, le taux de succès de 50 % constaté en 2008 est lié tout d’abord à la montée en charge progressive d’un diplôme créé en 2007. Fin 2008, ce taux était de 68 %, proche de l’objectif de 70 % qui avait été fixé ex nihilo en 2007 par la loi de finances pour 2008, alors que les modalités d’examen étaient encore en cours de définition et que le ministère manquait de recul. Après ce léger retard au départ, qui n’a rien de choquant, nous sommes donc en train d’atteindre les objectifs.

L’intégration semble faire l’objet d’une certaine incompréhension. Vous avez évoqué le transfert de 40 millions d’euros à l’ACSÉ fin 2008. Avec des crédits de 73 millions d’euros en 2009, qu’il vous sera proposé de porter à 80 millions d’euros en 2010, nous sommes cependant correctement dotés et il n’y a pas de recul.

L’accord bilatéral que j’ai signé voici quelques jours avec le Cameroun, s’ajoutant aux huit accords signés par mon prédécesseur, en porte le nombre à neuf. En 2010, ces accords bénéficieront de 35 millions d’euros en crédits de paiement et de 26,5 millions d’euros en autorisations d’engagement. Selon les objectifs qui me sont assignés par ma lettre de mission, une vingtaine d’accords devraient être signés au total d’ici 2012. Pour y parvenir, j’espère en signer quatre en 2010 et autant en 2011, après en avoir signé encore quatre avant la fin de 2009.

Pour ce qui concerne les régularisations, nous ne disposons pas encore d’indicateurs, du fait de la législation en vigueur. En effet, si le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le CESEDA, prévoit la délivrance d’un titre, il ne s’agit pas à proprement parler d’une régularisation. Le CESEDA prévoit la régularisation par le travail ou pour des motifs humanitaires. Le nouvel outil que j’ai évoqué, le système AGDREF 2, permettra une comptabilité plus précise. À titre d’ordre de grandeur, le nombre d’admissions exceptionnelles au séjour pour raisons humanitaires est d’environ 2 500 pour 2008.

Mme Sandrine Mazetier. L’État n’a donc aucun moyen de savoir combien de personnes sont régularisées par ses services ? Le président Warsmann en rougit !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Je viens d’expliquer que, pour des raisons juridiques et matérielles, ce chiffre n’existait pas. Nous avons cependant l’intention de le connaître très précisément à l’avenir.

La réforme des naturalisations, dont nous aurons certainement l’occasion de débattre à nouveau, repose sur une idée simple : confier l’instruction des dossiers aux préfectures. De fait, les modalités actuelles de l’instruction expliquent une part des retards accumulés dans la procédure – qui portent sur 100 000 dossiers – et, par voie de conséquence, des délais très longs de naturalisation. L’administration centrale et la sous-direction installée à Rezé, près de Nantes, seront chargées de l’homogénéisation de cette politique. Contrairement à ce qui a parfois été dit, il n’y aura pas de décentralisation de la politique des naturalisations et il n’appartiendra pas à chaque préfecture de fixer ses propres règles en matière d’accès à la nationalité. La politique sera nationale et seule l’instruction sera déconcentrée.

La création de l’OFII par la fusion de l’ANAEM et d’une partie de l’ACSÉ a en effet donné lieu à des mesures de rationalisation qui se traduiront par la perte de quelques postes budgétaires, notamment par le non remplacement de certains fonctionnaires partant à la retraite. Les mesures liées à la révision générale des politiques publiques ont aussi pour vocation de permettre un meilleur service avec moins de moyens. C’est une politique assumée. Du reste, je ne pense pas que l’OFII, qui vient d’être créé, manquera des moyens nécessaires à la réalisation de ses missions.

Monsieur Caresche, si nous étions dans une autre enceinte, je soulignerais politiquement les paradoxes que comportent certains de vos propos. Ainsi, il est étonnant de vous entendre dire que nous aurions fait « moins bien » qu’en 2006. Pourquoi regretter l’augmentation de l’aide au retour volontaire ? Sur le plan des principes, nous ne pouvons que nous réjouir du fait que, lorsqu’une personne doit quitter le territoire, on adapte les mesures pour qu’elle choisisse de le faire volontairement plutôt que par force. Pourquoi se plaindre de ce que cette démarche permette que, sur 30 000 retours, 10 000 soient volontaires ? C’est bien préférable sur le plan humain. Et sur le plan financier, je l’ai dit, les retours volontaires coûtent moins cher que les retours forcés. Je ne conteste aucunement, du reste, que les Roumains et les Bulgares aient été parmi les principaux bénéficiaires de l’aide au retour volontaire et que cela ait eu une incidence sur les chiffres de l’année 2008.

La déperdition entre le nombre des interpellations et celui des reconduites à la frontière s’explique par deux raisons. La première est que nous sommes dans un État de droit, où ces décisions relèvent des juges des libertés et de la détention, les JLD. Cette question mérite peut-être débat, mais ce n’est pas le moment de l’engager aujourd’hui.

M. Christophe Caresche. Voulez-vous dire que les JLD n’appliquent pas la loi ?

M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Peut-être vaudra-t-il un jour la peine de faire un « arrêt sur image » pour essayer de comprendre les motifs exacts pour lesquels les JLD prennent leurs décisions. Toujours est-il que l’administration doit en prendre acte et adapter son action en conséquence. C’est ce que nous faisons.

La deuxième raison de la déperdition, que connaissent tous les praticiens, tient aux difficultés que nous éprouvons à obtenir de certains pays des laissez-passer consulaires. C’est d’ailleurs l’un des intérêts des accords migratoires que nous signons avec certains pays d’émigration (accords gagnant-gagnant, j’y insiste, car ils bénéficient à ces pays comme au nôtre) que de faciliter la délivrance de ces laissez-passer, ce qui permet un taux d’exécution beaucoup plus élevé.

Monsieur Diefenbacher, je n’esquiverai pas la question du coût des reconduites forcées. Nous avons missionné à ce propos l’Inspection générale de l’administration, dont nous attendons pour l’automne un rapport qui sera rendu public et fera l’objet d’un débat, peut-être à l’occasion de la loi de finances. Au demeurant, dût-on même constater que ces reconduites coûtent cher (je crois, pour ma part, que les chiffres seront bien inférieurs à ceux qui circulent parfois, mais je ne puis l’affirmer avant d’avoir vu le rapport), faudrait-il pour autant renoncer à maîtriser les flux migratoires et à demander à celles et ceux qui entrent illégalement sur notre territoire de bien vouloir retourner dans leur pays d’origine ? Quel que soit le diagnostic, l’action politique consiste à proposer des solutions, à prendre des décisions et à proposer, au besoin, des solutions alternatives – dont je n’ai, jusqu’à présent, rien vu.

Je ne suis pas en mesure de vous fournir ce soir des éléments de comparaison à l’échelle européenne, mais je poserai la question à mes collègues lors du prochain conseil informel des ministres de l’intérieur et de l’immigration, qui se tiendra en juillet. Je demanderai également à nos ambassades et à nos missions s’il existe de telles évaluations, qui pourraient en effet être très intéressantes. Je rappelle néanmoins que cette politique de reconduite à la frontière n’est pas spécifique à la France, mais qu’elle est désormais commune aux vingt-sept pays de l’Union européenne. La France ne reconduit pas plus à la frontière que les autres grands pays d’immigration, mais se situe dans la moyenne ; cependant, il serait intéressant de savoir si ces pays possèdent des méthodes qui leur permettent une meilleure efficacité dans ce domaine.

M. Christophe Caresche. Comme le sait bien M. le ministre, le Parti socialiste n’est pas hostile à une politique d’éloignement. Du reste, c’est un gouvernement socialiste qui a créé les centres de rétention administrative, jugeant qu’il était préférable de placer les étrangers dans des centres spécialisés plutôt qu’en prison.

M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. J’espère que Mme Mazetier vous écoute, car vous tenez là un discours que je n’ai pas souvent entendu dans la bouche des socialistes !

M. Christophe Caresche. Nous regrettons cependant que se trouvent aujourd’hui dans les centres de rétention administrative des personnes qui ne devraient pas s’y trouver, notamment des détenus. De fait, l’administration judiciaire est incapable de faire son travail et fait souvent passer par ces centres des étrangers délinquants qui doivent être reconduits à la frontière. C’est un sujet dont nous reparlerons sans doute, car plusieurs rapports doivent être publiés à ce propos.

Votre politique d’éloignement est illusoire et incantatoire, et les chiffres le démontrent. Vous ne parvenez pas à augmenter le nombre des éloignements forcés autant que vous l’aviez promis, alors que votre politique d’interpellations s’est considérablement accrue, passant, me semble-t-il, de 60 000 à plus de 100 000. Le Gouvernement devrait s’interroger sur une politique qui, sur le plan de la rationalité et de l’efficacité, est un échec.

M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Je me réjouis d’entendre M. Caresche rappeler que les centres de rétention administrative ont été créés par un gouvernement socialiste.

M. Christophe Caresche. C’est un fait !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Certes, mais, à en juger par diverses interventions que j’ai entendues ces dernières semaines sur la nature de ces centres, ce fait a été occulté ou oublié. Je me réjouis donc que vous l’ayez rappelé, et cela d’autant plus que, dans les pays européens qui n’ont pas créé de centres de rétention administrative, la seule alternative pour les étrangers en situation irrégulière est bien la prison.

Par ailleurs, la France s’enorgueillit de ce que la durée de séjour dans ses centres de rétention soit la plus courte d’Europe : elle est en effet de 32 jours, contre 3 mois dans de nombreux pays, voire 6, 12 ou 24 mois dans certains, et elle est même illimitée dans 6 pays européens. Si donc nous faisons preuve de fermeté, la France n’a pas à rougir de son action en matière de rétention. Face aux caricatures dont celle-ci fait parfois l’objet, je remercie M. Caresche d’avoir rétabli la vérité.

M. le président Didier Migaud. Je vous remercie.

La réunion de la commission élargie s’achève à vingt heures vingt.

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