Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux de la session > Compte rendu intégral de la séance

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2007-2008

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mardi 23 octobre 2007

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc-Philippe Daubresse

1. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008

exception d’irrecevabilité

M. Jean-Marie Le Guen.

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour les recettes et l’équilibre général.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

MM. Philippe Vitel, Gérard Bapt, Jean-Luc Préel. – Rejet.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

question préalable

Mme Jacqueline Fraysse.

MM. Jean-Marie Rolland, Philippe Nauche, Daniel Paul, Claude Leteurtre. – Rejet.

Mme la ministre.

discussion générale

MM.  Jean-Luc Préel,

Gérard Gaudron,

Pascal Terrasse,

Mmes Huguette Bello,

Bérengère Poletti,

MM.  Simon Renucci,

Jacques Desallangre,

Dominique Tian,

Gérard Bapt,

Mme Martine Billard,

M.  Élie Aboud,

Mme  Martine Pinville,

M.  Jean-Marie Rolland,

Michel Issindou,

Mme Michèle Delaunay.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances


Présidence de M. Marc-Philippe Daubresse,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)

1

Projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2008

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 (no 284, 295).

Exception d’irrecevabilité

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault. et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d’irrecevabilité, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, madame la secrétaire d'État chargée de la solidarité, la manière dont nous avons abordé cet après-midi, après une semaine de débats sur le budget de l’État, la discussion sur ce projet de loi montre indiscutablement que nous vivons une période particulière. L’ambiance qui règne dans cette assemblée ne me semble pas à la mesure de la gravité du problème posé : on a peine à croire que nous allons traiter de questions aussi sérieuses...

M. Christian Paul. C’est le Titanic avant l’iceberg ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. On peut le dire, et j’y viendrai, mon cher collègue.

Faut-il parler de continuité – car il a beaucoup été question, au cours du débat budgétaire, de la question de savoir si la politique du Gouvernement est faite de continuité ou de rupture ? Assurément, cet après-midi au moins, la présence de M. Xavier Bertrand était la preuve de la continuité de cette politique. Pourtant, à vrai dire, personne dans cet hémicycle n’a véritablement envie d’assumer le bilan des cinq dernières années en matière de sécurité sociale et il est évident – c’est même écrit dans le projet de loi – que nous allons constater aujourd’hui l’échec de la réforme de 2004.

Cet échec sera patent au niveau financier, lorsque nous voterons, dans les premiers articles du projet de loi, les chiffres de nos déficits pour 2006 comme pour 2007. Il ne l’est pas moins dans le fait que notre assemblée soit amenée à réunir une mission parlementaire pour examiner l’échec dramatique du dossier médical personnel, et lorsque ces questions sont abordées par les différents intervenants.

Mais l’échec est aussi, et c’est un paradoxe, dans un certain nombre d’articles de ce projet de loi qui semblent être faits pour nous rappeler que la majorité ne croit plus à la politique qu’elle a engagée. Nous pourrions certes nous féliciter de l’abandon de positions idéologiques s’il y avait, au-delà des proclamations, une volonté réelle d’avancer.

Ce texte reconnaît la faillite de la convention médicale, qui avait vocation, nous disait-on l’époque, de traiter de l’accès des Français aux soins, et tout particulièrement de la permanence des soins, de la prévention et du bon usage des soins. Les articles du projet de loi qui évoquent la convention font aujourd’hui apparaître que ces questions doivent être sorties du débat conventionnel, que cette convention ne remplit pas ses objectifs essentiels pour la santé publique de notre pays et qu’il faut désormais recourir à des modes de fonctionnement, d’incitation et de rémunération des praticiens qui se situeront hors de la convention médicale. C’est donc bel et bien un aveu d’échec, qui s’accompagne de l’abandon de positions idéologiques manifesté par l’apparition, certes très timide, de l’idée que le paiement à l’acte pourrait n’être plus le monopole idéologique dont se réclamait cette majorité voilà encore quelques mois.

En un mot, il s’agit bien ici d’un constat de faillite, avec ses aspects financiers et politiques. Je regrette que M. Bertrand ne soit pas parmi nous et j’espère qu’il se sera pour nous expliquer, lors de l’examen des premiers articles de ce projet de loi, comment il se fait qu’il constate aujourd’hui un dérapage de 4 milliards d’euros qu’il ne nous annonçait nullement ces derniers mois ou ces dernières semaines. Comment un ministre peut-il proposer aujourd’hui, de ce banc, une politique alternative sans s’expliquer au préalable devant l’Assemblée nationale d’un tel dérapage ?

Je ne crois donc pas que la continuité soit véritablement à l’ordre du jour. Doit-on alors parler, avec M. Woerth, de rupture ? C’est bien là, en effet, ce que vous nous aviez annoncé, monsieur le ministre. Vous nous disiez que nous allions voir des choses extraordinaires, que vous alliez découper le ministère des affaires sociales et créer à Bercy un ministère des comptes qui imposerait désormais une nouvelle rigueur financière.

Parlons-en donc, de cette rigueur financière : pour la sixième fois, monsieur le ministre, votre majorité va présenter des propositions de déficit budgétaire supérieures à 10 milliards d’euros… Et pour ce qui est de la rigueur comptable, peut-on oser employer ce terme lorsqu’on voit comment ce budget a été construit – pour ne pas dire : trafiqué.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Vous êtes un expert !

M. Jean-Marie Le Guen. Et vous, monsieur le ministre, un remarquable donneur de leçons !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. J’ai l’impression que c’est vous qui en donnez !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous étiez moins présomptueux tout à l’heure, lorsque nous vous posions des questions précises – j’aurai d’ailleurs l’occasion de vous en poser de nouveau au cours de la semaine qui vient.

M. Yves Albarello. Quelle agressivité !

M. Michel Terrot. Il est naturellement méchant…

M. Jean-Marie Le Guen. En tout état de cause, vous serez peut-être les premiers à constater que la rigueur comptable dont vous nous vantiez les charmes est fort peu présente dans ce budget.

Il n’y a donc ni rupture, ni continuité : en fait, ce projet de loi de finances est celui de l’immobilisme avant la crise.

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour les recettes et l’équilibre général. Ça vous va bien de dire ça !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous venez d’inventer, monsieur le ministre, la loi de finances à durée limitée… Il semble que le goût général de cette majorité pour la précarité génère de la précarité budgétaire. Dans trois mois en effet, nous l’avons tous compris, vous serez confrontés non seulement à une crise financière sans précédent, mais aussi, et peut-être pour la première fois, à une véritable crise sanitaire.

Bien sûr, la politique que vous nous proposez est injuste, à l’égard tant des familles que des retraités. Mais ce qui est aujourd’hui en cause est, bien au-delà, une crise profonde de notre État providence, parce que vous n’avez pas su ou pas voulu le réformer à temps. Disons-le clairement dès le début de ce débat : nous savons que nous devons réformer profondément notre système de protection sociale, qui en a besoin tant pour ce qui concerne les retraites, sur lesquelles Marisol Touraine reviendra plus particulièrement, que pour ce qui concerne la santé.

Le vieillissement vient bouleverser le fonctionnement de notre État providence, aussi bien en matière de retraites et de maladie, comme je l’ai dit, que, plus généralement, en matière de travail. Outre les phénomènes liés au vieillissement, notre pays – ou, plus exactement, le monde entier – va connaître une révolution génomique considérable alors que nous n’avons même pas encore tiré dans notre pays les conséquences de la transition sanitaire que nous connaissons. L’avenir de notre système de santé tient aussi à notre capacité à intégrer dans son fonctionnement les nouvelles technologies de la communication, encore balbutiantes de notre pays.

Encore eût-il fallu avoir le courage de mener véritablement ces réformes, en faisant appel à l’effort : nos concitoyens savent qu’il est nécessaire, et ce n’est pas nous qui dirons le contraire. Il nous faudra, dans les années qui viennent, dépenser beaucoup plus pour notre santé, que ce soit sous forme de prélèvements obligatoires – domaine dans lequel nous ne manquerons pas d’appeler nos concitoyens à l’effort – ou de dépenses personnelles en matière de santé. Encore faudrait-il que les Français aient la certitude de voir cet effort intervenir en temps et en heure, et qu’il soit utilisé de façon efficace.

La question et le reproche principal que nous vous adressons pour ce que vous faites aujourd’hui – ou, plus exactement, pour ce que vous ne faites pas – est que, depuis cinq ans, et notamment depuis 2004, où l’occasion vous en était donnée, vous n’avez pas réformé l’organisation de notre système de soins. Dès la discussion préalable de cette réforme de l’assurance maladie, nous vous disions pourtant que l’on ne pouvait se limiter à des réformes prétendant agir sur le comportement des assurés, sans une modification équitable et efficace de l’organisation de notre système de soins. Or nous constatons aujourd’hui, comme vous, que la crise financière est toujours aussi forte, aussi dramatique, et que la lourdeur des déficits accumulés peut nous faire douter de l’avenir de notre système de protection sociale. Dans le même temps, nous observons les premiers éléments d’une crise sanitaire qui va continuer de s’aggraver.

Il est possible de réformer de façon solidaire notre État providence, avec son système de retraites et son système de santé, mais vous mettez en œuvre, malheureusement, tout le contraire.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour l’assurance maladie et accidents du travail. Vous ne l’avez jamais fait !

M. Jean-Marie Le Guen. Cinq ans de perdus, c’est une hémorragie financière qui laisse très fortement affaiblis notre système et notre capacité à investir dans l’avenir. En 2004, vous avez transféré 50 milliards d’euros à la CADES. En 2007, 14 milliards d’euros supplémentaires viendront alourdir encore l’avenir de notre système de santé. En 2008, ce sont plus de 10 milliards d’euros que vous aurez encore à assumer… Et tout cela, une fois de plus, pour rien : car si vous évoquez parfois la réforme dans votre projet de loi de financement de la sécurité sociale, rien de sérieux n’est véritablement mis en œuvre. Nous avons un modèle de soins obsolète, qui a été maintenu trop longtemps en l’état pour des raisons essentiellement idéologiques et clientélistes. Aujourd’hui, nous payons lourdement cette absence de réforme.

J’en viens rapidement à la crise financière. Les déficits, que j’ai déjà évoqués, s’ajoutent les uns aux autres et il n’y a malheureusement, sur le plan des recettes comme sur celui des dépenses, guère d’espoir de ce côté.

Quant à la construction de ce budget, monsieur le ministre, je vais m’efforcer de préciser mes propos, qui semblaient vous étonner : oui, nous pensons que ce budget est insincère. Il l’est tout d’abord dans ses recettes, parce que vous faites une fois encore – la dernière peut-être – appel à des expédients, en touchant notamment des recettes par anticipation, qui ne sont rien d’autre que des déficits par anticipation. Ces recettes sur les prélèvements libératoires n’existeront pas dans les années prochaines : 2 milliards d’euros sont ainsi pompés prématurément pour essayer d’amoindrir le niveau de vos recettes.

On pourrait également parler de vos prévisions, basées sur des taux de croissance qui, pour l’essentiel, sont contestés par tous les organismes indépendants, y compris l’INSEE – Pas tous, je le reconnais, mais la plupart. Tous en tout cas vous contredisent sur le montant des déficits, y compris ceux qui vous suivent sur le niveau des recettes.

Quant à votre plan de limitation des dépenses, il est aussi peu crédible que les précédents. En fait, les annonces se multiplient : celles de la Caisse nationale d’assurance maladie, en juillet, puis celles de ce PLFSS qui construit des châteaux de carte et dessine des scénarios irréalistes, notamment en matière de maîtrise médicalisée.

À cet égard, votre construction de budgets glissants jusqu’en 2012 est assez consternante. Malgré des scénarios économiques dignes du Père Noël – un ONDAM en progression de seulement 1 %, et des taux de croissance fixés au-dessus de 3 % ! –, les comptes restent largement déficitaires en 2012.

À plusieurs reprises, la Cour des comptes s’en est alarmée. Au printemps dernier, elle a même précisé qu’il faudrait 40 milliards d’euros pour financer les déficits sociaux d’ici à 2009. Comment le Gouvernement compte-t-il réunir les sommes énormes qui seront nécessaires au cours des années à venir ? Dans ce texte, il n’apporte aucune réponse.

Beaucoup de parlementaires, y compris dans la majorité, ont été choqués par le traitement réservé à la trésorerie de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Vous allez demander une autorisation de découvert de 35 milliards d’euros au Parlement. Mais avec de tels montants en jeu, nous ne sommes plus dans le registre des facilités de trésorerie. Il s’agit bel et bien d’une dette dissimulée… Dans un système de comptabilité privée, on parlerait de présentation de faux bilan et de faillite frauduleuse, monsieur le ministre ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Voilà la réalité des comptes de l’État et de la sécurité sociale, détériorés par les trous de trésoreries que vous êtes en train de creuser.

Sur le plan technique, chacun le sait, la Caisse des dépôts aura beaucoup de mal à assurer un semblant de solvabilité. Connaissez-vous, mes chers collègues, le coût de cette trésorerie négative pour la collectivité, pour la sécurité sociale ? Cette année, il s’élève à 700 millions d’euros, et il atteindra 1,2 milliard d’euros en 2008.

Mme Marisol Touraine. Incroyable !

M. Roland Muzeau. Bonne affaire pour les banques !

M. Jean-Marie Le Guen. Au passage, je vous rappelle que les fameuses franchises – qui à vous entendre, constituent l’alpha et l’oméga de la réforme de notre système de santé – ne rapporteraient que 700 à 800 millions d’euros. Voilà la réalité financière dans laquelle vous avez plongé notre sécurité sociale.

Autant dire que l’augmentation de la CRDS est d’ores et déjà inscrite dans ce projet de loi de finances de la sécurité sociale. Votre découvert n’a d’autre but que de cacher cette réalité aux Français : ils auront, en 2008, à subir une augmentation substantielle de la CRDS.

M. Christian Paul. Après les municipales !

M. Jean-Marie Le Guen. Après les municipales, bien entendu !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Décidément, vous êtes obnubilés par les municipales. Vous feraient-elles peur ?

M. Jean-Marie Le Guen. Vous, en tout cas, vous n’avez pas peur de faire payer la CRDS aux Français ! Osez me contredire quand j’affirme : la CRDS sera augmentée dès 2008 et, contrairement à ce que vous prétendez, celle-ci ne servira pas à financer le système de santé des Français ou à assurer son avenir, mais seulement à éponger le passif de votre mauvaise gestion.

Pourtant, cette situation n’est pas fatale. Bien sûr, des efforts sont nécessaires. Nous devons tous faire preuve de courage et de sens pédagogique pour expliquer à nos concitoyens qu’ils devront payer davantage pour leur santé, et que c’est une bonne chose car il s’agit du bien le plus important. Encore faut-il que cet argent soit bien utilisé, qu’il permette de protéger le capital humain, qu’il rende notre société à la fois plus solidaire et plus compétitive. Nous ne devons pas avoir peur de payer plus de cotisations et de dépenses privées pour la santé. (« Eh bien, alors ? » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) En revanche, nous devons maintenir la solidarité et faire en sorte que l’efficacité de notre système de soins soit garantie.

M. Yves Bur., rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Vos propos sont contradictoires !

M. Jean-Marie Le Guen. Votre incurie a plongé la sécurité sociale dans une situation dont vous tirez, malheureusement, autant de motifs de satisfaction que d’inquiétude. En effet, vous vous en prévalez comme d’un outil pédagogique pour défendre les déremboursements et les franchises qui constituent, malgré toutes vos proclamations, une étape supplémentaire vers la privatisation de la sécurité sociale. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Ne nous racontez pas que les franchises vont financer des dépenses supplémentaires ! Dans le projet de loi, elles figurent en réduction des dépenses dans les tableaux comptables. Le Gouvernement a un peu trop facilement communiqué sur la faiblesse de leurs montants. On nous parle de quatre euros par mois. Où cela apparaît-il dans ce projet de loi ?

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Nulle part !

M. Jean-Marie Le Guen. Nulle part ! Dans ce projet de loi, il est prévu de créer une franchise annuelle –après l’euro, après le ticket modérateur, après les dépassements d’honoraires ! Voilà la réalité ! Qui plus est, cette franchise n’est pas plafonnée. Vous vous réservez la possibilité de l’augmenter en tant que de besoin, en fonction de l’évolution des finances de la sécurité sociale. D’ailleurs, le Président de la République l’avait annoncé dans cette campagne : les franchises serviront à équilibrer les comptes de la sécurité sociale. Vous seriez bien incapables de nous assurer que les chiffres annoncés aujourd’hui resteront valables toute l’année, ou même pendant les deux ans qui viennent.

C’est au nom des pertes financières que vous voulez revenir sur le principe minimum de solidarité. Nous allons faire payer les malades pour leurs soins, alors que la sécurité sociale a été fondée sur le principe de faire payer les bien portants pour ceux qui ne le sont pas.

Tout cela n’a rien d’anecdotique, même si les sommes en jeu avec les franchises médicales restent relativement limitées. En réalité, vous avez un projet. Madame la la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, je ne savais pas que vous aborderiez la question du bouclier sanitaire. Mais on voit bien ce dont il s’agit. Petit à petit, vous cherchez à convaincre les Français que la solidarité nationale c’est bien pour les plus pauvres et les très malades, mais que le reste de la population doit se tourner vers les assurances privées. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Bur., rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Quelle caricature !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous attaquez le pouvoir d’achat et la solidarité des classes moyennes. Ne croyez pas que nous vous suivrons sur cette voie, pas même un millimètre ! Car si la masse du peuple et les classes moyennes n’ont plus le même système d’assurance collective, ils n’auront plus le même système de santé.

Mme Marisol Touraine. Il n’y aura plus de sécurité sociale !

M. Jean-Marie Le Guen. Non seulement il n’y aura plus de sécurité sociale, mais le système de santé sera réellement à deux vitesses, privilégiant ceux qui auront les moyens de souscrire des assurances complémentaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Pour l’instant, nous n’en sommes pas là, mais ce n’est qu’un début. Vous avez abordé la question du bouclier sanitaire pour rassurer ceux qui s’émeuvent de la situation réservée aux plus déshérités. Permettez à un représentant de l’Assemblée nationale de vous dire qu’il s’intéresse aussi aux classes moyennes de ce pays. (même mouvement)

M. Philippe Vitel. Nous aussi ! Vous n’avez pas le monopole des classes moyennes !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous croyons que la sécurité sociale doit englober les classes moyennes.

Depuis cinq ans, nous attirons votre attention sur cette crise financière et la dégradation continuelle de la situation. Mais aujourd’hui, elle se double d’une crise sanitaire. La désertification médicale ne résulte pas seulement de la pénurie de professionnels de santé qui existe depuis des années et dont nous sommes en partie responsables. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Mais vous n’avez pas fait grand-chose – c’est peu dire – pour y remédier.

Quant à la crise de la médecine générale, vous l’avez aggravée de façon considérable en signant la convention de 2005, rejetée par une très large majorité de médecins généralistes. Aujourd’hui, vous vous étonnez que les jeunes médecins refusent de vous suivre dans cette direction, alors que c’est vous qui avez créé cette situation.

Au-delà même de cette crise, la situation est beaucoup plus grave et vous commencez à le comprendre. Nous sommes dans un système totalement désorganisé parce que le modèle sur lequel nous avons fonctionné – un libéralisme à la papa – est complètement dépassé. Il ne correspond plus en rien aux besoins de la médecine d’aujourd’hui et encore moins à ceux de la médecine de demain.

Pour des raisons idéologiques et clientélistes, vous restez cramponnés à un modèle vieux de quarante ans : le médecin de famille tranquillement installé dans son village, capable de soigner toutes les personnes venant le consulter. Aujourd’hui, nous avons des gens en maladie chronique, qui ont besoin d’une prise en charge globale qui tienne compte de leur situation sociale et qui garantisse le respect de leurs droits sur le plan administratif.

M. Philippe Vitel. Il n’y en avait pas avant ?

Mme Marie-Louise Fort. On vient de découvrir la maladie !

M. Jean-Marie Le Guen. La médecine n’est plus inscrite dans une totalité, mais dans une segmentation de spécialités.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Ne poussez pas trop quand même !

M. Jean-Marie Le Guen. Je ne pousse pas ! Ce qui pousse, c’est la crise sanitaire, que certains d’entre nous attendaient dans cinq ans, mais qui se profile de plus en plus rapidement. Non seulement les jeunes refusent de s’inscrire dans le modèle que vous leur proposez, mais les plus âgés sont victimes de burn-out. Vous en connaissez tous, de ces généralistes qui en ont ras le bol de leurs conditions de travail et préfèrent déposer leur plaque. Vous en connaissez tous, sinon tant mieux pour vous ! (Interruptions sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Leonetti. C’est vous qui êtes atteint de burn-out !

M. Jean-Marie Le Guen. En tout cas, c’est la situation que me décrivent les collègues du groupe socialiste qui s’efforcent de conserver une offre de premier recours dans les territoires ruraux ou dans les banlieues.

Après la désertification, le deuxième sujet soulevé dans vos campagnes électorales, c’est celui des dépassements d’honoraires. Et si l’on ne vous en parle pas, c’est que vous devez faire campagne dans certains milieux et pas dans d’autres. (« Caricature ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Beaucoup de nos compatriotes se heurtent à un problème d’accès aux soins.

Évidemment, j’aurai à cœur de vous parler de la crise de l’hôpital public, confronté à une T2A qu’on lui a imposée de façon brutale et technocratique, à une austérité budgétaire qui met en cause son fonctionnement, à la convergence imposée entre les secteurs public et privé…

M. Philippe Vitel. Absolument ! On n’a que trop tardé !

M. Jean-Marie Le Guen. …et qui incite les fonds de pension à se précipiter en France pour racheter les cliniques. Le fond Blackstone a racheté quatre-vingts cliniques privées en France, parce qu’elles réalisent des profits extraordinaires. Voilà le résultat de la politique que vous avez mise en œuvre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Non seulement les cliniques privées taillent des croupières à l’hôpital public, mais en plus, les fonds de pensions viennent les racheter pour faire de l’argent sur le dos de la sécurité sociale ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Vitel. Plus c’est gros, plus ça passe !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Et la Générale de Santé ? C’était à votre époque !

M. Jean-Marie Le Guen. Voilà la réalité à laquelle nous sommes confrontés. Si cela vous plaît, dites-le ! Si vous trouvez normal que la Générale de Santé et Blackstone interviennent et que les financiers internationaux classent les cliniques privées françaises parmi les investissements les plus profitables, dites-le ! Si vous trouvez cela rassurant pour l’avenir de notre système de santé, dites-le franchement ! Cette année, vous avez même été contraints de suspendre pendant un an la convergence tarifaire qui a alimenté une manne considérable. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vous parlez de la Générale de Santé. Elle a au moins le mérite d’être cotée en Bourse. Avez-vous regardé son cours ? Avez-vous noté qu’elle a multiplié la valeur de ses actifs en quelques années ? Voilà le résultat de votre politique !

M. Céleste Lett. On ne s’intéresse pas à la Bourse, nous ! On n’a pas d’actions !

M. Philippe Vitel. On travaille, nous !

M. Jean-Marie Le Guen. C’est cela ! Lisez les journaux alors !

Et les jeunes internes ? Vous les avez choisis comme boucs émissaires de votre politique. Mais devant l’urgence sanitaire, Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports – qui la perçoit peut-être, contrairement à vous, chers collègues de la majorité – a décidé d’installer de force des jeunes internes là où ils manquent. Quelques semaines après le début du mouvement social, nous avons pourtant compris qu’une telle politique ne répondait pas à la situation. Nous avons besoin de ces jeunes médecins pour assurer l’avenir de notre système de santé, et nous devons être capables de comprendre leurs demandes.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Comme vous y allez !

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Arrêtez les violons !

M. Jean-Marie Le Guen. Que demandent-ils ? Non pas plus d’argent – même s’ils sont bien sûr, comme chacun d’entre nous, attentifs à leur situation sociale – ni je ne sais quel monopole, mais seulement la possibilité de dispenser à leurs patients une qualité de soins en rapport avec la formation qu’ils ont reçue.

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Vous allez nous faire pleurer !

M. Jean-Marie Le Guen. Afin de ne pas être trop long, je ne reprendrai pas les éléments de ma démonstration précédente…

M. Philippe Vitel. Surtout pas !

M. Jean Leonetti. On a compris !

M. Michel Terrot. On l’a connu meilleur !

M. Jean-Marie Le Guen. Toujours est-il que les jeunes internes savent que les modèles actuels ne répondent pas à la qualité de soins dont les Français ont besoin. Et cette question ne relève pas de la seule assurance maladie : elle est régalienne. Nous l’affirmons clairement : l’État doit s’en saisir d’urgence. On a organisé un Grenelle de l’environnement : la méthode est intéressante. Il nous faut à présent un Grenelle de la santé.

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. C’est une idée de Claude Allègre !

M. Jean-Marie Le Guen. Il faut un véritable bouleversement de l’organisation de notre système de soins, et c’est au pouvoir politique d’en assumer la responsabilité.

Si par malheur, mes chers collègues, vous ne votez pas cette exception d’irrecevabilité,… (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l’assurance-maladie et les accidents du travail. Vous voulez dire par bonheur !

M. Jean-Marie Le Guen. …nous saisirons le Conseil constitutionnel.

M. Philippe Vitel. C’est cela qui est chronique chez vous !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous lui dirons que la situation de nos comptes sociaux est désormais présentée à la représentation nationale – et de façon malheureusement chronique – avec déloyauté ; qu’il n’est pas normal de traiter les problèmes de trésorerie de la sécurité sociale afin d’y cacher les déficits structurels ; que l’accès aux soins est mis en cause – y compris au regard de sa jurisprudence – par l’instauration de franchises. Nous mettrons aussi en cause la responsabilité de l’État face au droit à la santé. Il est important que le Gouvernement prenne directement en main cette question. C’est ce que vous demandent les internes, madame la ministre…

M. Philippe Vitel. Commencez par les écouter !

M. Jean-Marie Le Guen. Ils ne veulent pas être relégués dans une négociation conventionnelle qui ne les concerne pas forcément de manière directe.

Pour terminer d’un mot (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), je pense que, non seulement dans les jours mais dans les mois qui viennent…

M. Jean Leonetti. Les années ?

M. Jean-Marie Le Guen. Cela ne durera peut-être pas aussi longtemps, monsieur Leonetti, mais la question de la santé sera peut-être la plus importante du quinquennat.

M. Jean Leonetti. Ça, c’est vrai !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous n’avez rien fait pendant cinq ans, et vous abordez aujourd’hui la question de la plus mauvaise des manières. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Vous avez tout juste respecté votre temps de parole, monsieur Le Guen.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l’équilibre général.

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour les recettes et l’équilibre général. Malgré son style flamboyant, que nous connaissons bien, M. Le Guen ne nous a guère convaincus.

M. Philippe Vitel. En l’occurrence, c’était plutôt terne !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Nous sommes néanmoins d’accord sur un point : les dépenses de santé vont augmenter.

M. Christian Paul. C’est un scoop !

Mme Jacqueline Fraysse. C’est normal !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. En effet, madame Fraysse, c’est normal ; mais on a le sentiment que, face à cette évolution qui est peut-être une chance pour notre société, M. Le Guen ne propose aucune mesure pour rendre les dépenses plus efficaces.

M. Christian Paul. On a trois jours pour cela !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Je me réjouis néanmoins, monsieur Le Guen, que vous reconnaissiez qu’il faudra demander des efforts aux Français : vous êtes allé jusqu’à dire qu’il faudrait leur expliquer la nécessité de cotiser davantage et de payer plus pour les complémentaires. Je salue ce courage :…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ce n’est pas ce qu’il a dit !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. …vous commencez peut-être à faire preuve de réalisme !

Toutefois je note que, fidèle à vos habitudes de la précédente législature, vous n’avez pas formulé dans cette exception d’irrecevabilité l’ombre d’une proposition.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Il en est incapable !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Vous vous êtes contenté d’un réquisitoire contre le projet. Le débat de la campagne présidentielle avait d’ailleurs montré que, s’agissant de la santé, les propositions de votre candidate étaient extrêmement minces.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l’assurance vieillesse. Il n’y en avait aucune !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Et pour ce qui concerne votre plaidoyer, la main sur le cœur, en faveur des internes, je vous renvoie aux propositions de Mme Royal sur la remise en cause de la liberté d’installation ou la création de maisons médicales :…

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Eh oui ! Assumez-les !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. …vous nous expliquerez comment vous avez pu changer d’avis en si peu de temps !

Mme Bérengère Poletti. Par démagogie !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Bref, mes chers collègues, il n’y a pas lieu de voter l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Avant de laisser la parole à Roselyne Bachelot, quelques mots pour aller dans le sens du rapporteur.

Vous avez en effet oublié, monsieur Le Guen, de nous donner un mode d’emploi. La situation est difficile : les déficits de l’assurance-maladie, comme ceux du régime général, sont importants. Et même si une politique sincère et efficace nous permettra de les réduire, ils restent, comme nous ne cessons de le répéter, à un niveau inacceptable.

M. Christian Paul. Mais vous l’acceptez !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Nous avons donc la ferme intention de ne pas en rester là. Aussi allons-nous engager, comme le Président de la République nous y a invité, une réflexion sur la protection sociale et l’architecture de son financement : nous en livrerons les conclusions au cours du premier semestre de 2008. Il n’y a pas d’autre voie : notre système est presque à bout de souffle car les dépenses progressent beaucoup plus vite que les recettes, et il nous faut réfléchir sereinement, avec responsabilité, à la façon d’en orchestrer l’avenir.

Le présent PLFSS va dans le bon sens : il permet de réduire les déficits et de maîtriser la dépense, tout en répartissant les efforts entre les différents acteurs de la sécurité sociale. Il montre donc le chemin, me semble-t-il,…

M. Roland Muzeau. Vous n’en êtes donc pas sûr ?

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. …grâce à des mesures structurelles.

Vous parlez, monsieur Le Guen, d’insincérité : je vous réponds crédibilité ! Toutes les dispositions du PLFSS sont crédibles : l’ONDAM l’est – y compris dans le domaine médico-social – comme Mme Bachelot et moi-même l’avons montré. Bien sûr, il sera difficile de l’atteindre : nous ne voulons pas un objectif trop laxiste ou général, mais significatif et réaliste. Je vous rappelle au passage qu’il est notamment rendu accessible par l’instauration des franchises : s’il ne l’était pas, vous seriez fondé à nous objecter l’insincérité, mais en l’occurrence, un tel reproche est sans objet.

On nous a dit tout au long de la semaine dernière que nos prévisions de croissance n’étaient ni justes ni sincères, et on nous le répète aujourd’hui au sujet des hypothèses retenues pour construire ce PLFSS. Je ne m’appuie pas systématiquement sur les économistes, car nous devons avoir nos convictions et nos propres expertises,…

M. Roland Muzeau. Vous vous êtes trompés pendant cinq ans !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. …mais je voudrais tout de même vous dire que la Lettre publiée aujourd’hui par l’OFCE – organisme proche de vous, si je ne m’abuse – table sur un taux de croissance de 2,6 % pour la France en 2008 : notre propre prévision est donc en retrait par rapport à ce chiffre.

M. Jean-Marie Le Guen. Parlez-nous donc des déficits ! L’OFCE prévoit qu’ils atteindront 3,1 % du PIB !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Le ministère des comptes publics a été créé il y a quelques mois : laissez-lui le temps de faire ses preuves, et de vous montrer que vous vous trompez.

Quant à la trésorerie de l’ACOSS, c’est évidemment un sujet qui nous préoccupe – comment pourrait-il en être autrement ? Mais la question posée n’est pas celle des dépenses du passé : c’est celle des structures de financement de la sécurité sociale, de l’exploitation plutôt que du bilan. C’est précisément dans cette voie que nous nous avançons avec courage et détermination.

Enfin, vous avez totalement passé sous silence le fait que nous avions essayé de remettre de l’ordre dans les relations financières entre l’État et la sécurité sociale : Marie-Anne Montchamp a fort bien expliqué ce point tout à l’heure, comme je l’ai moi-même fait à cette tribune.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous en reparlerons !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Si vous voulez être lucide et crédible, faites une description exacte de la situation sans vous cantonner à une seule partie ! N’oubliez pas non plus que lorsque vous étiez au pouvoir, vous n’avez pas réformé la sécurité sociale.

M. Jean-Marie Le Guen. Mais si !

M. Philippe Vitel. Et les retraites ?

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Vous avez surfé sur la vague de la croissance (« Eh oui, la croissance ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche),…

M. Jean-Marie Le Guen. Laissez-nous faire, si vous ne parvenez pas à la créer !

M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. …sans rien changer. Nous essayons, nous, de modifier les choses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Vous vous êtes livré, monsieur Le Guen, à l’exercice obligé de l’exception d’irrecevabilité pour essayer de nous faire croire que le PLFSS est anticonstitutionnel. Je sais les limites de cet exercice. Je dirais pour ma part que vous avez parlé en 3 D : dépit, démagogie et double langage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Le dépit, sans doute, de ne pas être le ministre de la santé de Mme Royal ; la démagogie, puisque vous feignez de défendre un certain nombre de professionnels de santé que vous avez toujours attaqués ; le double langage enfin, dont je prendrai quelques exemples.

Nous avons en effet un problème de démographie médicale : vous avez bien voulu en convenir vous-même. Mais que proposez-vous ? Vous faites mine d’approuver le mouvement des internes, alors que si vous étiez au pouvoir, vous préconiseriez des mesures bien plus dures que celles que nous mettons en œuvre.

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Exactement !

M. Jean-Marie Le Guen et Mme Marisol Touraine. Lesquelles ?

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Nous voulons des mesures qui respectent la liberté d’installation et ouvrent le dialogue avec les jeunes internes,…

M. Jean-Marie Le Guen. Vous les mettez dans la rue !

M. Jean-Marc Ayrault. De quel dialogue parlez-vous, madame ?

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. …ce que vous n’avez jamais fait puisque le dialogue conventionnel s’est toujours déroulé entre syndicats de médecins et l’assurance maladie. Nous voulons pour notre part que les jeunes médecins en soient partie prenante, comme des mesures qui intéressent leur avenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Bref, les problèmes de démographie médicale sont importants, et vous ne les avez pas résolus.

Vous appelez à de nouveaux financements : pourquoi pas ? Ouvrons le débat ! Mais n’oublions pas que notre pays consacre déjà à sa santé 11 % de son PIB, soit le taux le plus élevé de l’OCDE. Certains pays font aussi bien que vous, mais avec des dépenses beaucoup moins élevées. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Pourquoi pas augmenter les dépenses, mais auparavant, réfléchissons à l’efficience de notre système de santé : évitons une politique de gribouilles !

Nous avons, dites-vous, besoin de trouver des financements : d’accord, mais lesquels ? Les ténors du parti socialiste avaient préconisé la TVA sociale avant de la critiquer aujourd’hui :…

M. Jean-Marie Le Guen. Vous parlez d’Éric Besson ?

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. …quel est donc votre langage ? Vous dites tout et le contraire de tout ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous parlez du bouclier sanitaire. J’ai eu raison de lancer le débat sur cette idée qui vient de la gauche, de chez vous, mais je n’entends dans vos rangs qu’un silence assourdissant ! À quel moment le parti socialiste nous a-t-il donné sa position ? Il ne dit rien parce qu’il tient un double langage !

Il sait peut-être que c’est une solution, mais il n’a pas le courage d’assumer ses choix. Vous n’avez pas eu le courage de les assumer, monsieur Le Guen ! Et cela continue : vous faites semblant, vous mettez en avant le dialogue conventionnel mais vous savez bien que vous préconisez des solutions dont les médecins libéraux ne veulent pas et ne voudront jamais ! Vous avez condamné les médecins de famille, condamné l’hospitalisation privée. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Vous avez, une fois de plus, utilisé un double langage.

Mme Catherine Génisson. Ne dites pas de bêtises : qui est revenu sur le médecin référent ?

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Concernant l’hôpital public, c’est vous qui avez préconisé la tarification à l’activité, car vous savez bien que c’est un moyen de gestion moderne.

Mme Catherine Génisson. Nous n’avons jamais dit le contraire !

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Merci, madame Génisson ! Nous proposons de passer à la tarification à l’activité avec des mesures de lissage pendant cinq ans, jusqu’en 2012, pour accompagner ce passage…

M. Henri Nayrou. Nous les attendons !

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. …et vous parlez de mesure brutale ? Oui, monsieur Le Guen, vous pratiquez la démagogie, le dépit et le double langage ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe UMP.

M. Philippe Vitel. Monsieur Le Guen, vous constatiez tout à l’heure, non sans raison, que cette assemblée manquait d’ambiance en ce début d’examen du PLFSS. Nous savions pouvoir compter sur vous pour mettre de l’ambiance, et vous n’avez pas manqué à votre réputation. Mais je suis toujours peiné de voir quelqu’un de votre qualité…

Mme Marisol Touraine. C’est bien de le reconnaître !

M. Philippe Vitel. …se laisser aller à ces excès, ces fantasmes, ces approximations, ces caricatures. Manipulateur de chiffres, toujours de mauvaise foi, vous êtes fidèle à votre rôle d’oiseau de mauvaise augure.

Vous hésitez entre continuité et rupture, rupture et continuité, continuité ou rupture… Nous avons l’une et l’autre et, en réalité, la convergence existe : nous évoluons vers une tarification à l’activité à 100 %, que nous avons peut-être trop tardé à mettre en place. Sur la démographie, les mesures incitatives, il faut écouter les internes. Faut-il croire qu’ils n’intéressent que lorsqu’on parvient à les manipuler ? Nous avons en face de nous des jeunes responsables, qui ont une vision de leur avenir et de la médecine qu’ils souhaitent pour leur pays. Nous, nous les écoutons et nous saurons construire avec eux la médecine de demain.

Après vos constats, à défaut de proposer des solutions, vous brandissez le spectre de la saisine du Conseil constitutionnel. Le groupe UMP ne vous suivra pas dans cette voie et c’est pourquoi il votera contre l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Gérard Bapt. Mes chers collègues, j’ai eu un peu de peine en entendant Mme Bachelot parler de 3 D à propos de Jean-Marie Le Guen, que l’on connaît le plus souvent pour son enthousiasme et pour son dépit… Ce qui ne l’empêche pas d’être très inquiet aujourd’hui pour l’évolution de notre système de santé, et il a raison. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

J’ai cru, madame la ministre, que vous alliez parler de vos propres 3 D. Certes, vous venez d’arriver, mais vous faites partie d’une majorité qui est comptable, pour la sixième année, de la sécurité sociale et de l’évolution de notre système de santé. Vos 3 D s’appellent déficit, dette et découvert.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est moins bon !

M. Gérard Bapt. À propos du déficit, je rappelle à M. le ministre du travail que, lorsqu’il était aux côtés de M. Douste-Blazy, il nous annonçait le retour à l’équilibre pour 2007, la maîtrise médicalisée et la mise en place du dossier médical personnel qui devaient, nous assurait-il, nous permettre d’économiser dès 2007 un milliard d’euros… Vous êtes aussi comptable de cette accumulation de déficits, qui a pour conséquence la dette. J’ai noté que Mme la rapporteure pour avis de la commission des finances a elle-même évoqué la CADES et la CRDS.

Aujourd’hui, vous vous contentez de découverts. Vous augmentez le plafond des capacités d’emprunt de l’ACOSS. Monsieur Bur, vous avez été très courageux de demander au Gouvernement de ne pas persister dans ses erreurs passées. (Rires.) Mais vous m’avez déçu en développant une argumentation erronée pour faire repousser l’exception d’irrecevabilité.

Mais revenons aux découverts, madame la ministre. Vous augmentez également le plafond du FFIPSA. Quant à votre franchise perverse, qui consiste à faire payer les malades, elle rapportera au mieux 800 millions d’euros. Or, cette année, 650 millions sont gaspillés en frais financiers, et l’an prochain ce sera 1,4 milliard si l’on tient compte du FFIPSA et des autres fonds. Pourquoi ? Pour une raison politicienne : vous ne voulez pas agir avant les élections municipales ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Le Guen a raison de parler de crise : crise démographique, crise de la désertification des territoires. D’ailleurs, si certains articles sont apparus à ce sujet dans le PLFSS, c’est que vos propres élus locaux ont sonné le tocsin dans les campagnes pour alerter sur la désertification médicale !

Crise de l’hôpital public, crise de l’accès aux soins. Je me rappelle que les membres de votre majorité ont protesté lorsque nous avons dénoncé les difficultés d’accès aux soins pour les ayants droit à la CMU, difficultés qui se sont confirmées par la suite.

Crise également dans l’organisation générale de la médecine. A propos de l’article sur l’installation, je voudrais vous rappeler, monsieur Xavier Bertrand, qu’après le vote, en 2004, de la loi de M. Douste-Blazy portant réforme de l’assurance maladie, vous avez accompli un tour de France pour expliquer cette loi et vous êtes venu à Toulouse – j’ai ici un petit florilège que je réserve aux cercles médicaux de l’UMP. (Sourires.) Vous remettiez en cause l’installation, le paiement à l’acte, et vous contestiez la façon dont nous-mêmes voulions essayer de mieux réguler la répartition des médecins sur notre territoire et introduire de nouveaux modes de rémunération.

Aujourd’hui, ô surprise, vous dites que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est refondateur. En réalité, il n’est pas refondateur, mais bien destructeur de vos tabous ! C’est vous qui mettez aujourd’hui les internes dans la rue, vous qui renvoyez à une discussion conventionnelle. Citez-moi un seul syndicat de médecins libéraux prêt à discuter avec vous de la liberté d’installation : il n’y en a pas un seul, parce que vous fuyez vos responsabilités ! Voilà une raison supplémentaire pour voter l’exception d’irrecevabilité présentée par M. Le Guen.

Il y a au moins un point sur lequel je vous donne acte de votre contrition : après l’avoir critiquée et supprimée en 2004, vous réhabilitez la notion de médecin référent, qui permettait d’économiser 20 millions d’euros par an sur les prescriptions du fait de l’engagement personnel qu’elle impliquait.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche votera l’exception d’irrecevabilité présentée par M. Le Guen. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Jean-Luc Préel. Nous venons d’entendre le plaidoyer excessif, au ton quelque peu véhément, de Jean-Marie Le Guen. Nous avons eu raison de lui proposer d’effectuer un contrôle anti-dopage…

Le groupe Nouveau Centre considère que la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale est un moment important car elle concerne l’ensemble de notre protection sociale. Elle est de surcroît très attendue par les Français dans la mesure où elle touche la santé, la famille et la retraite. Rappelons que nous la devons à une réforme de 1995, et que M. Woerth se trouvait à l’époque aux côtés d’Alain Juppé.

Je regrette néanmoins que ce débat ne porte que sur les dépenses remboursables par le régime général. Il est nécessaire que le Parlement puisse débattre chaque année de la santé dans notre pays, donc de la prévention, de l’éducation à la santé, des soins de ville, des régimes de base et complémentaires, des dépassements d’honoraires, sujets qui touchent tous les Français.

Abordons le plus vite possible le projet de loi lui-même, car c’est lors de l’examen de chaque article que nous obtiendrons les réponses du Gouvernement qui, je l’espère, acceptera quelques amendements qui amélioreront ce texte.

Certains problèmes demeurent. J’ai déjà posé la question en commission sans obtenir de réponse, monsieur le ministre : comment va-t-on financer le déficit de 2007, qui n’était pas prévu ? Que faire de cette ligne de trésorerie de 45 milliards d’euros ? A l’article 9, les prévisions pour 2008 à 2012 montrent une progression de 42 milliards. C’est un vrai problème. Nous aurons l’occasion, l’année prochaine, dit-on, de débattre de nouveaux modes de financements de notre protection sociale.

Pour résoudre les problèmes de démographie dans les professions de santé, il faut proposer des mesures incitatives. L’attribution de bourses à des étudiants en échange d’une installation pendant plusieurs années dans un secteur déficitaire est l’une des réponses, la mise en place des maisons médicales en est une autre.

J’espère, madame la ministre, que vous me répondrez sur un point : les franchises médicales viendront-elles en diminution des dépenses ? Un des articles de ce projet de loi indique qu’elles permettront de réaliser des économies : il s’agit donc bien d’une diminution des dépenses. Mais on lit par ailleurs qu’elles doivent financer les plans cancer et Alzheimer. Qu’en est-il exactement ? Grâce aux franchises, la médecine de ville passera de 2 % à 3,2 %. Mais comment celles-ci pourront-elles financer en ville les médecins, les infirmières, les kinésithérapeutes et les médicaments si elles financent par ailleurs les plans Alzheimer et cancer et les soins palliatifs, qui généreront de lourdes dépenses hospitalières ? J’aimerais connaître l’utilisation réelle de ces franchises.

Pour ma part, je suis favorable à une franchise cautionnée, principe que je défends depuis longtemps et qui présente l’intérêt de responsabiliser les patients tout au long de l’année. Nous aurons l’occasion d’en reparler.

La responsabilisation des acteurs et la liberté d’installation sont des questions importantes. Quant aux agences régionales de santé, elles seront, je l’espère, mises en place l’année prochaine. Je soutiens depuis plusieurs années l’idée d’une régionalisation de la santé qui prenne en compte la prévention, l’éducation à la santé, la médecine de ville et l’hôpital. J’espère que nous pourrons aboutir prochainement sur tous ces points.

Bien entendu, le groupe Nouveau Centre ne votera pas l’exception d’irrecevabilité. Nous souhaitons aborder rapidement la discussion des articles pour obtenir des réponses à nos questions et voir nos amendements acceptés pour améliorer ce texte qui, me semble-t-il, mérite de l’être.

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l’équilibre général. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l’exception d’irrecevabilité.

(L’exception d’irrecevabilité n’est pas adoptée.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, M. Le Guen et M. Bapt ayant parlé de moi tout à l’heure, je souhaite leur répondre.

Je n’ai pas vocation à intervenir sur l’assurance maladie, mais j’ai cru comprendre, monsieur Le Guen, que vous souhaitiez ma présence pendant la discussion des premiers articles…

M. Jean-Marie Le Guen. Pour nous expliquer les comptes de 2007, par exemple…

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Bien sûr, et je vais même vous expliquer autre chose, monsieur Le Guen. Remontons un peu plus loin dans le temps, si vous le voulez bien.

M. Jean-Marie Le Guen. Je sais bien que cela vous gêne !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Ne vous inquiétez pas : je ne parlerai pas de vos propositions, car cela irait très vite ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, je tiens à répondre au ministre !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Monsieur le Guen, vous ne savez pas encore ce que je vais vous dire ! Ne me faites pas un procès d’intention !

M. Jean-Marie Le Guen. J’indique simplement au président que je veux vous répondre !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Calmez-vous ! M. Bapt et vous-même avez évoqué le dossier médical personnel, qui a fait l’objet d’une mission d’information au sein de votre assemblée. J’ai été ministre de la santé de juin 2005 aux premiers mois de 2007 : si les parlementaires souhaitent connaître mon point de vue sur ce dossier, je me tiens à leur entière disposition, et même très désireux de leur répondre.


Tel est mon état d’esprit sur cette question, car j’estime qu’il est important d’aller au fond des choses. Je l’ai déjà dit à certains d’entre vous, et je tiens à le confirmer devant cette assemblée : sur tous les dossiers, plus encore en matière de santé, il faut faire preuve de la plus grande transparence.

Monsieur Le Guen, vous auriez pu mettre en relief l’apport de la réforme de 2004. Heureusement qu’il s’est trouvé une majorité pour voter la réforme de l’assurance maladie, que l’on disait impossible à l’époque, au lendemain des élections régionales !

M. Jean-Marie Le Guen. On le dit toujours !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Le déficit de l’assurance maladie était de 12 milliards d’euros ; s’il a été réduit à 6 milliards, c’est parce qu’il s’est passé quelque chose.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous avez raison : les Français ont payé !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Écoutez-moi, monsieur Le Guen, faute de quoi, je serais tenté de croire que nos arguments vous gênent ! Les Français ont joué le jeu du médecin traitant : c’est une réussite, car c’est devenu un acquis pour notre système de santé. Et ce n’est pas grâce à vous, monsieur Le Guen, mais à nos concitoyens. Par ailleurs, certains disaient que les génériques ne marcheraient jamais.

M. Jean-Marie Le Guen. Qui a dit cela ?

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Mais les Français ont joué le jeu des génériques et en ont fait également un acquis.

M. Pascal Terrasse. Nous n’avons jamais été contre les génériques !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité Par ailleurs, quand nous avons décidé de mettre en place une politique de contrôle des arrêts de travail, vous étiez farouchement contre.

M. Philippe Vitel. C’est vrai !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Assumez-le ! Vous affirmiez que nous ne trouverions rien et que nous stigmatiserions les personnes. Or le renforcement des contrôles nous ont permis de découvrir que 15 % des arrêts de travail de longue durée étaient injustifiés. Oui, nous assumons cette politique de contrôle et, aujourd’hui, la politique voulue par le Président de la République, menée en coordination avec Éric Woerth, veut aller encore plus loin, car j’ai le sentiment que nous ne nous sommes attaqués qu’à la face émergée de l’iceberg. Je l’assume, je le dis, je le pense : si nous voulons renforcer encore la lutte contre les fraudes…

M. Jean-Marie Le Guen. Ah, bravo !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. …c’est parce que la solidarité ne doit pas être détournée au profit de quelques-uns : telle est notre logique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) J’aurais aimé que vous soyez d’accord avec nous sur ce sujet, car la solidarité ne profite pas aux nantis, mais d’abord aux plus démunis ; or, quand certains fraudent, c’est toujours au détriment de ces derniers. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Le déficit de l’assurance maladie a été divisé par deux. À l’époque, nous pensions pouvoir revenir à l’équilibre fin 2007. Je me souviens, pour autant, que vous nous disiez ici, à cette tribune, lors de la réforme de l’assurance maladie, que les années 2005 et 2006 seraient les plus difficiles, et que nous n’arriverions à rien ces années-là.

Posez-vous aussi les bonnes questions sur le dialogue conventionnel, sur l’augmentation du c, par exemple. Vous m’avez reproché d’avoir poussé à l’augmentation du c. Mais en matière de traitement comme en matière de réforme, si la confiance entre l’assurance maladie et les médecins disparaît, cela se paie. Vous qui connaissez bien ce dossier, vous le savez pertinemment : c’est la raison pour laquelle nous organisons la maîtrise médicalisée, qui a porté ses fruits, même si elle a un moment patiné.

S’agissant de la réforme des retraites, là encore, nous l’avons menée sous la précédente législature. Si, aujourd’hui, vous pouvez critiquer la réforme de 2003 ou celle de 2004, c’est tout simplement parce qu’il y a eu réforme ! Quand vous étiez aux affaires – cela commence à remonter assez loin, car cela fait bien longtemps que les Français ne vous ont pas fait confiance lors d’élections nationales…

M. Daniel Mach. Et cela va continuer !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. À l’époque où vous étiez aux affaires, vous avez bénéficié d’une forte croissance, et il vous eût été plus facile de mener des réformes de fond. Rien ni personne ne vous empêchait de mener la réforme des retraites et celle de l’assurance maladie, si ce n’est le manque de courage politique. Le courage vous a manqué, et c’est pour cela que les Français vous ont sanctionnés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Je vous connais par cœur, monsieur Le Guen, et je sais que votre sens de la mesure n’a d’égal que votre talent oratoire – encore que ce ne sont pas forcément ceux qui parlent le plus fort qui parlent le plus juste ! Roselyne Bachelot a parlé tout à l’heure de « dépit » : je crois que la raison profonde en est l’échec de votre parti à l’élection présidentielle. Bien que votre choix se soit porté sur quelqu’un d’autre au début de la campagne, vous avez soutenu Ségolène Royal, et vous avez clairement affirmé qu’il fallait être contre la liberté d’installation. Comme vous vous êtes aperçu qu’une telle position risquait de provoquer des mécontentements, vous lui avez conseillé très rapidement de faire machine arrière. Ayez le courage de vos convictions !

M. Daniel Mach. Il ne l’a pas !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Dites haut et fort que vous êtes contre la liberté d’installation !

Monsieur Bapt, je me suis rendu à Toulouse, et je me souviens des réunions auxquelles j’ai participé. J’ai des convictions et, si j’avais un porte-parole à choisir, je ne crois pas que mon choix s’arrêterait sur vous, malgré tout le respect que j’ai pour vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

En fait, monsieur Le Guen, je sais la véritable raison du dépit qui vous anime : c’est tout simplement que votre candidate n’a pas été choisie par les Français et que vous n’êtes toujours pas devenu ministre de la santé, ce à quoi vous aspirez depuis longtemps ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Daniel Mach. Il est amer !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Voilà pourquoi vos propos n’ont pas fait exception à la règle : pour les Français, ils sont irrecevables ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour une brève intervention.

M. Jean-Marie Le Guen. Je vous en remercie, monsieur le président, et je vous promets que mon intervention sera courte. Je n’aborderai pas les questions personnelles, parce que si quelqu’un, ici, n’est plus ministre de la santé, c’est bien vous, monsieur Bertrand ! Sans doute n’avez-vous pas démontré que la continuité n’était plus suffisamment… montrable au point qu’il eût fallu vous maintenir à cette responsabilité (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)…

Pour la sixième année consécutive, nous allons voter un budget largement déficitaire, supérieur à 10 milliards d’euros. Pourtant, il y a quelques mois, monsieur Bertrand, alors que vous étiez non seulement porte-parole, mais également ministre de la santé, vous nous expliquiez que la réforme était dans les clous et que tout allait bien se passer. Mais entre les propos que vous teniez au mois de mai et ceux d’aujourd’hui, il y a 4 milliards de plus sur l’assurance maladie ! Voilà la réalité ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) J’espère que vous serez là quand nous examinerons les articles concernant l’année 2006 et que nous reviendrons sur les résultats de cette réforme. S’agissant des résultats de 2007, vous devrez nous expliquer la raison de ces 4 milliards d’euros supplémentaires. J’espère aussi que vous nous expliquerez pourquoi, au mois de mai, vous ne vous attendiez pas à être convoqué devant une mission parlementaire au sujet du dossier médical personnel. Vous disiez, à l’époque, que les Français pourraient consulter leur DMP au début du mois de juillet. Tous nos concitoyens s’en souviennent, et nombre d’entre eux ignorent même que le DMP n’existe pas ! Ils ont bien écouté ce que vous leur disiez pendant la campagne électorale !

Il ne s’agit pas d’avoir un débat idéologique sur la liberté d’installation. Vous m’avez reproché de remettre en cause le paiement à l’acte : aujourd’hui, vous-mêmes et votre gouvernement êtes amenés, par pragmatisme, à le remettre également en cause, ainsi que la permanence des soins, et à l’inscrire dans des articles de loi, et ce, parce que vous avez échoué dans la réforme de 2004, tant au plan financier que sur celui de l’organisation des soins. Vous pouvez bien flatter les Français en leur disant qu’ils ont un médecin traitant, mais cela fait une belle jambe à ceux qui n’ont même plus accès aux soins ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. Monsieur Le Guen, vous avez défendu une motion pendant une demi-heure. Je vous ai donné la parole pour une brève intervention. Aussi, veuillez conclure !

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, je vous remercie de m’avoir donné la parole. Mais nous avions déjà voté l’exception d’irrecevabilité quand le ministre a pris la parole. J’ai donc demandé à intervenir dans ce cadre.

M. le président. Je vous ai autorisé à intervenir, monsieur Le Guen, mais dans un temps limité.

Question préalable

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, madame la secrétaire d’État, chers collègues, si, sur le fond, nous ne partageons pas la conception du Gouvernement et les choix politiques qui en découlent, force est de constater que, même en suivant votre logique, ce texte ne résout aucun des problèmes posés, bien au contraire.

Qu'il s'agisse d’une réponse moderne et équilibrée aux besoins de santé de nos concitoyens, de la formation et de la répartition territoriale des médecins, et plus généralement, des soignants – je pense notamment aux infirmières et infirmiers –, de la situation des hôpitaux publics, des pratiques inadmissibles des industries du médicament ou des modalités de financement de la protection sociale avec, en particulier, la création des franchises, mesure-phare de votre texte, dont l'inefficacité n'a d'égal que votre cynisme, rien ne vient corriger les dysfonctionnements dont souffrent professionnels et usagers. Au contraire, ce texte aggrave les inégalités flagrantes d'accès aux soins.

Concernant les modalités de financement, le déficit de l'assurance maladie prévu pour 2007 s'élève à 11,7 milliards d'euros. C'est à la fois beaucoup et peu. C'est beaucoup si l'on se souvient de l'époque, pas si lointaine, puisque c'était en 2004, où le ministre de la santé, M. Douste-Blazy, pour ne pas le nommer…

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Mais si, on peut ! l

Mme Jacqueline Fraysse. …nous promettait l'équilibre à l'horizon 2007, ce qui lui avait d'ailleurs valu le délicieux surnom de « Douste-Blabla » ! (Rires sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Ce n’est pas gentil !

Mme Jacqueline Fraysse. Mais comme le propre de l'horizon est de s'éloigner au fur et à mesure qu’on croit s’en approcher, l'équilibre nous est promis pour 2012 ! Et vous voudriez que l'on vous croie ? Ou du moins que l'on fasse semblant… Mais vous n'y croyez pas vous-même ! D'ailleurs, là n'est pas votre problème, puisque ce déficit et sa présentation catastrophique vous permettent de justifier votre politique de démolition de notre système de solidarité et de privatisation rampante de la sécurité sociale.

Pourtant, en 2007, l’assurance maladie couvrira par ses recettes, plus de 96 % de ses dépenses et ne sera déficitaire qu'à partir du 17 décembre. C'est insuffisant, mais ce n'est pas si mal. Car, mes chers collègues, l'État est dans une situation beaucoup plus délicate, puisque ses recettes prévues pour 2008 ne couvriront pas 85 % de ses dépenses et qu'il sera déficitaire dès le mois de novembre.

Cette situation ne semble pas vous angoisser autant que celle de la protection sociale, puisqu'elle ne vous empêche pas de distribuer des cadeaux fiscaux aux plus riches, tout en continuant à donner des leçons de bonne conduite, économe et « vertueuse », à l'immense majorité de nos concitoyens, patients ou professionnels de santé, qui ne sont pas concernés – ou si peu ! – par vos largesses fiscales.

Personne ne peut croire que les mesures contenues dans ce PLFSS 2008 permettront de répondre aux défis auxquels nous sommes confrontés. Certes, l'État va enfin rembourser une partie de sa dette aux organismes de protection sociale. Ce geste mérite d'être salué. Mais il est regrettable que vous ayez oublié de rembourser, dans le même mouvement, les frais financiers occasionnés par cette dette et supportés par l’assurance maladie, ce qui casse un peu notre enthousiasme. Cela ne m'empêche pas de saluer cette mesure « vertueuse », selon vos propres termes, et un peu plus responsable que précédemment, de la part de l'État.

Je regrette cependant de devoir limiter mes appréciations positives sur ce chapitre à cette seule disposition. Aucune mesure d'envergure, en effet, n'est proposée pour des financements nouveaux, malgré l'augmentation des richesses produites dans notre pays. Avec l'instauration de nouvelles franchises, vous aggravez la charge financière pour nos concitoyens. Vous le faites en maintenant votre inacceptable discours sur la fameuse « responsabilisation» des patients et des soignants, bien sûr, car, mis à part le Président de la République et ses ministres – et encore ! – nous sommes tous des irresponsables !

Vous le faites en sachant que cette charge viendra s’ajouter aux divers forfaits déjà appliqués – sans parler des déremboursements et des dépassements d’honoraires, qui pèsent lourdement sur les familles, particulièrement les plus modestes. Vous le faites en sachant que les 850 millions d’euros attendus ne valent pas le prix payé en termes de santé publique, qu’ils représentent une goutte d’eau à côté des 2,5 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales patronales non compensées encore prévues dans ce PLFSS pour 2008. Vous le faites avec l’objectif de démanteler notre système solidaire, un système où chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins.

J’ai parlé de cynisme : j’ai conscience du poids de ce terme, et je l’assume. Cyniques, vous l’êtes à l’égard des patients autant que des soignants. Quels que soient leurs revenus, les malades les plus gravement atteints devront payer « plein pot » les franchises dès qu’ils dépasseront le plafond de la CMU. Vous ne cessez de répéter que vous épargnez les plus pauvres. Oserais-je vous rappeler que le plafond de la CMU est de 606 euros, et le seuil de pauvreté de 817 euros ?

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l’assurance vieillesse. C’est la gauche qui a fixé ce plafond !

Mme Jacqueline Fraysse. C’est l’équité à la mode libérale : plus je suis malade, plus je paye ! De quoi faire bondir un Président de la République qui s’évertue, justement, à rétablir l’équité – notamment en matière de retraites…

Cynisme aussi, et comble du cynisme, à l’égard des personnes âgées, que vous prétendez protéger alors qu’elles figurent parmi les premières victimes de cette taxe sur la maladie. Vous puisez directement dans la poche des plus fragiles et vous leur affirmez que c’est pour leur bien. Ils manifestent du mécontentement ? C’est parce qu’ils n’ont pas compris votre politique ! Je vous invite à ne pas sous-estimer les capacités de compréhension du bon peuple. Votre aptitude à le tromper commence déjà à trouver ses limites.

Les dépenses de santé augmentent, ce qui est normal au regard du progrès scientifique, de l’amélioration des traitements et de l’allongement de la durée de vie qui en résulte. Vous ne cessez de prétendre que notre pays n’a pas les moyens d’y faire face, mais ce n’est pas la vérité. La vérité, c’est qu’il y a beaucoup d’argent, beaucoup d’argent bien mal réparti, de plus en plus mal réparti. La vérité, c’est que si vous en aviez la volonté, vous trouveriez facilement les moyens financiers pour permettre à chacun de se soigner et de vieillir dans la dignité.

Éric Woerth reprochait tout à l’heure à M. Le Guen de ne pas avoir dit ce qu’il ferait à la place du Gouvernement. Je vais donc faire quelques propositions et livrer quelques pistes de réflexions.

Il y a d’abord la mise en œuvre d’une véritable politique de lutte contre les délocalisations et le chômage : un million de chômeurs en moins, ce sont 2,5 milliards d’euros en plus pour la sécurité sociale. Il y a ensuite la question du niveau des salaires : non seulement leur faiblesse empêche de nombreuses familles de faire face aux besoins élémentaires de la vie – je pense notamment aux dépenses de logement – mais elle prive la protection sociale de ressources importantes. Je rappelle que 1 % de masse salariale supplémentaire représente 2 milliards d’euros pour les caisses de sécurité sociale. Quant aux exonérations de cotisations sociales patronales mises en place pour favoriser les créations d’emploi, force est de constater qu’elles n’ont pas atteint leur objectif. La Cour des comptes elle-même le pointe, mais cela ne vous empêche pas de maintenir et d’amplifier une mesure qui, faute d’avoir un effet positif sur la résorption du chômage, se résume à un cadeau royal et sans aucune contrepartie au grand patronat. Cette année, plus de 32 milliards d’euros seront ainsi délibérément soustraits au financement de la protection sociale.

De même, vous seriez bien en peine de nous expliquer les effets positifs de l’exonération de cotisations sociales des stocks-options et des actions gratuites, alors que la Cour des comptes évalue à 3 milliards d’euros le manque à gagner pour la protection sociale solidaire – un chiffre que vous contestez : même en admettant qu’on puisse le diviser par deux, vous, vous osez le diviser par dix ! De toute évidence, la situation des plus riches vous préoccupe beaucoup plus que celle des personnes âgées ou handicapées ! Il s’agit donc bien d’un choix politique délibéré, d’un choix de société. Comment expliquer autrement, alors que le Président de la République prétend revaloriser le travail, le refus persistant de taxer les revenus des placements financiers au même taux que les salaires, c’est-à-dire de loger à la même enseigne ceux qui travaillent et ceux qui spéculent ? Une telle mesure permettrait de faire rentrer jusqu’à 18 milliards d’euros dans les caisses de la protection sociale.

Au-delà de ces propositions, qui relèvent d’un souci élémentaire de justice sociale, nous préconisons plus fondamentalement une modernisation de l’assiette de cotisation de la protection sociale. Toujours assise sur les salaires, elle devrait être modulée en fonction de la politique salariale et de l’emploi menée par l’entreprise, afin de favoriser les bonnes pratiques et d’alléger la charge des entreprises qui, plutôt que de spéculer, préfèrent investir, créer des emplois et offrir des salaires décents.

Enfin, dans la même logique, il serait utile de mettre en place une politique de crédit sélective afin de tenir compte de la situation de certaines entreprises, notamment moyennes et petites, en offrant des prêts à taux zéro à celles qui investissent et créent des emplois.

Si toutes ces pistes sérieuses et réalistes étaient explorées avec une réelle volonté constructive, pour moderniser le financement de notre système en conservant son socle solidaire, nul doute que des solutions travaillées dans un cadre démocratique, avec les usagers et les professionnels concernés, utiles et dynamisantes pour tous, permettraient d’avancer. Mais il faut bien constater que ce n’est pas votre objectif. Vous faites le choix d’accentuer le désengagement des moyens socialisés pour la protection sociale, afin de les orienter, dans le cadre d’une logique libérale, vers les assurances privées. Dès lors, le montant des franchises fixées par décret ne devrait pas tarder à augmenter.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. C’est ce que vous voyez dans votre boule de cristal ?

Mme Jacqueline Fraysse. Évidemment, dans un tel système, que l’on peut qualifier d’assurantiel à but lucratif, les hôpitaux publics sont dans le collimateur. Faute de pouvoir leur reprocher d’accueillir tout le monde sans distinction, jour et nuit, dimanches et jours de fête, ils sont accusés de coûter trop cher – ce qui, vous l’aurez compris, les distinguent singulièrement des cliniques privées, qui ne font l’objet d’aucun reproche et se développent rapidement.

La technique mise en œuvre pour démanteler l’hôpital public est la même que celle appliquée à la sécurité sociale : l’asphyxie financière. En 2006, le tour de vis s’est concrétisé par un ONDAM hospitalier fixé à 3,44 %, alors que la Fédération hospitalière de France avait évalué à 4,32 % l’augmentation des moyens nécessaires. Mais dans les faits, cette augmentation n’a été que de 2,8 %, la différence ayant servi à éponger le dérapage d’activité des cliniques privées : la Cour des comptes évalue à 168 millions d’euros la part de l’enveloppe initialement prévue pour les hôpitaux publics qui leur a été transférée. C’est ainsi qu’en 2006, le déficit des hôpitaux publics s’est élevé à 500 millions d’euros. En 2007, la situation tendant à se dégrader, il risque de doubler et d’atteindre le milliard d’euros.

Ce n’est pourtant pas faute d’avoir mobilisé de grands bureaux d’études, grassement payés – car pour cela, l’argent est disponible ! Pour quel résultat ? Dans tous les cas, qu’il s’agisse de l’hôpital Foch de Suresnes, de l’hôpital Max Fourestier de Nanterre ou de celui du Havre, …

M. Daniel Paul. Cinq cents emplois en moins !

Mme Jacqueline Fraysse. …on nous explique doctement que le personnel coûte cher, que pour s’en sortir, l’établissement doit supprimer des emplois. Ainsi, 500 postes vont être supprimés au Havre, dans une région qui affiche déjà une surmortalité supérieure de 12 % à la moyenne nationale. À l’hôpital Foch, les activités de nettoyage et d’hôtellerie ont été transférées au privé, et plus de 350 emplois ont été supprimés : brancardiers, diététiciennes, secrétaires médicales, infirmières et infirmiers, y compris de bloc opératoire, etc.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Et il fonctionne toujours ?

Mme Jacqueline Fraysse. En fait, le seul vrai reproche que l’on peut faire aux nombreuses et très sérieuses études menées pour sauver l’hôpital, c’est qu’elles ne nous expliquent jamais comment faire fonctionner un établissement 24 heures sur vingt-quatre, sans personnel !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Avec les 35 heures, c’est en effet difficile !

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Et pourtant, ils continuent à fonctionner !

Mme Jacqueline Fraysse. Face à cette situation, que propose le Gouvernement dans son PLFSS pour 2008 ? La poursuite consciencieuse et méthodique de l’asphyxie financière de nos hôpitaux publics. Ainsi, malgré le contexte que je viens de décrire, il fixe l’ONDAM hospitalier à 3,2 %, un chiffre dont tout le monde sait qu’il est intenable. Cerise sur le gâteau, il annonce la généralisation accélérée du passage à la tarification à l’activité. Permettez-moi d’abord de m’étonner de cette décision brutale, …

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Pas brutale ! Attendue !

Mme Jacqueline Fraysse. …au moment même où vous redécouvrez les vertus de la rémunération au forfait au point de vouloir l’expérimenter pour la médecine ambulatoire.

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Demandez à la FHF !

Mme Jacqueline Fraysse. Visiblement, vous avez vos raisons que la raison ignore, …

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Elle s’appelle FHF !

Mme Jacqueline Fraysse. …et dont la cohérence ne saute pas aux yeux.

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Écoutez les professionnels !

Mme Jacqueline Fraysse. Alors que l’application de la T2A a entraîné une perte de recettes pour la plupart des hôpitaux publics, aggravant encore un peu plus leur déficit, vous les poussez à développer, voire multiplier les actes les plus rentables, sans considération pour les besoins réels de la population ni pour la répartition de l’offre de soins entre public et privé dans le secteur concerné – ce qui, de surcroît, porte atteinte au libre choix des patients. C’est au point que certaines interventions ne se pratiquent plus dans le public, imposant le recours au privé !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est faux !

Mme Jacqueline Fraysse. Il faut le dire clairement : la T2A instaure une nouvelle façon de gérer les établissements publics de soins, fondée sur la sélection des patients en fonction de la rentabilité financière de leur pathologie.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Non, c’est un mode de gestion responsable !

Mme Jacqueline Fraysse. C’est la règle ordinaire du marché et de la célèbre « concurrence libre et non faussée », comme si la santé – autrement dit, la souffrance, la vie et la mort – pouvait être traitée selon ces critères marchands.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Avez-vous déjà vu des patients non soignés ?

Mme Jacqueline Fraysse. On pouvait pourtant lire dès 2005, dans un rapport de l’IGAS, que le premier effet de la T2A avait été « d’engendrer une dérive non maîtrisée des dépenses de santé ». Quant à la Cour des comptes, dans son dernier rapport sur la sécurité sociale, en septembre 2006, elle remarque que « la T2A comporte intrinsèquement un risque inflationniste important, car elle fait disparaître la régulation budgétaire qui s’appliquait aux établissements sous dotation globale ».

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. La régulation budgétaire, n’est-ce pas exactement ce que vous dénoncez ?

Mme Jacqueline Fraysse. Peut-être ne lisez-vous pas ces rapports…

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Je les respecte.

Mme Jacqueline Fraysse. Mais vous en contestez les conclusions quand elles ne vous conviennent pas.

Ainsi, pris entre les injonctions gouvernementales sur la réduction drastique des coûts et celle d'augmenter leur activité en dépit de l'importante diminution des personnels et la modification, en cours d'exercice, des tarifs des actes sur lesquels ils se sont fondés pour établir leurs budgets, les hôpitaux n'ont plus aucune visibilité financière. Si l'on ajoute à cela la très insuffisante prise en compte des missions spécifiques de l'hôpital public que sont, notamment, la formation des jeunes médecins et des soignants en général, l'accueil des urgences et la continuité des soins, la prise en charge des polypathologies lourdes et coûteuses – je pense au sida, au diabète, au cancer – on peut mesurer le formidable décalage entre les préconisations technocratiques, les véritables « usines à gaz » mises en place et la réalité vécue sur le terrain, tant par les personnels que par les malades et leurs familles. Quel formidable gâchis dans un pays, comme la France, qui dispose d'un tel patrimoine hospitalier et universitaire et d'un tel niveau de formation !

Les graves difficultés liées à cette logique ne se limitent toutefois pas au fonctionnement hospitalier ; elles touchent l'ensemble de l'exercice médical et de l'organisation des soins. En effet, je le répète, la seule loi du marché, ainsi d'ailleurs que le dogme du paiement à l'acte, sont dépassés et se révèlent incapables de répondre aux exigences de la médecine moderne comme aux grands enjeux de santé publique de notre temps. C'est ce qui explique les difficultés dites de la médecine générale.

Croire que cela peut se régler par des mesures autoritaires, concoctées dans le secret des cabinets ministériels,…

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Cela, ce sont des fantasmes !

Mme Jacqueline Fraysse.… par des personnes qui n'ont aucune idée des conditions de vie et d'exercice de terrain de la profession de médecin à notre époque, ce n'est pas seulement faire fausse route et aller à l’échec, c’est mettre en danger la population, particulièrement dans certaines régions.

Les difficultés de la médecine générale commencent avec la formation, donc avec les conditions d'enseignement de cette spécialité qui, pour le moment, n'en a que le nom, puisque vous savez tous, madame la ministre, mes chers collègues, que les enseignants de la filière universitaire en médecine générale ne sont toujours pas reconnus, nommés et rémunérés comme tels à l'heure où nous parlons, et ce malgré les promesses réitérées, malgré la signature, paraît-il, d'un décret non publié à ce jour, alors que l’année universitaire a commencé. Mais, de cela, vous n’en parlez pas !

À quel moment, madame la ministre – et vous aurez compris que je préfère une date à un horizon –,…

M. Guy Teissier. Qu’est-ce que c’est beau ! (Sourires.)

Mme Jacqueline Fraysse. …envisagez-vous de donner aux enseignants de médecine générale un statut qui permette aux internes ayant fait ce choix de bénéficier d'un enseignement spécifique, au même titre que les autres spécialités,…

Mme Catherine Génisson. Très bien !

Mme Jacqueline Fraysse. …et qui permette également – et ce n'est pas un détail – la mise en place de stages d'externat dès le second cycle,…

Mme Catherine Génisson. Absolument !

Mme Jacqueline Fraysse. …afin que les étudiants puissent percevoir plus tôt dans leurs études ce qu'est la médecine générale de ville ? De nombreux médecins et internes attendent des réponses à ces questions précises. Allez-vous maintenir un numerus clausus, manifestement excessif au regard des besoins, puisqu'il ne permet pas de pourvoir tous les postes ? Cette année encore, à l'issue du concours de l'internat, 866 postes de médecine générale sont restés vacants. Ce n’est pas normal. Comme vous le voyez, il faudrait déjà commencer par régler tous ces problèmes qui sont de votre responsabilité directe et qui perdurent au fil des années, avant de prendre des décisions autoritaires.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur, pour l’assurance maladie et les accidents du travail. C’est vous qui avez modifié les études médicales !

Mme Jacqueline Fraysse. C'est d'autant plus nécessaire que vous savez comme moi que moins de 40 % des internes en médecine générale choisiront de s'installer.

Permettez-moi une suggestion. Plutôt que de sembler redécouvrir aujourd'hui les limites du paiement à l'acte pour les médecins libéraux et construire une énième usine à gaz, remettez donc en place pour les médecins généralistes l'option « référent » que vos prédécesseurs, MM Douste-Blazy et Bertrand, ont mis à mal dans le seul but de s'assurer les bonnes grâces des syndicats les plus réactionnaires de la profession médicale.

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Eh oui !

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Ils seront contents de vous entendre !

Mme Jacqueline Fraysse. Cela me conduit à aborder le problème de la démographie médicale. Vous devriez connaître, en femmes et hommes expérimentés que vous êtes, la maxime énoncée par cet humoriste américain : « Pour chaque problème complexe, il existe une solution simple, directe et fausse », et savoir que l’on ne peut pas surmonter les difficultés actuelles dans ce domaine par une seule mesure, aussi bonne soit-elle. La réponse passe forcément par un faisceau de mesures…

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Évidemment, c’est ce qu’on propose !

Mme Jacqueline Fraysse. …à commencer par celles que je viens d'évoquer mais qui, bien sûr, ne suffisent pas.

Permettez-moi également de vous inviter à abandonner la méthode autoritaire qui, certes, caractérise l'action de notre Président, mais risque de trouver assez rapidement ses limites, particulièrement dans cette matière.

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Nous n’avons jamais préconisé la médecine autoritaire !

Mme Jacqueline Fraysse. Les études de médecine sont longues et difficiles. Ces jeunes médecins vont jouer un rôle déterminant dans notre société. Ils sont motivés, savent ce qu'ils veulent et doivent être écoutés.

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. On le sait !

Mme Jacqueline Fraysse. Le fait qu'ils aient dû se mettre en grève pour obtenir la simple promesse de leur présence – somme toute élémentaire – à la table des négociations où l'on parle de leurs conditions de vie et d'exercice professionnel, en dit long sur votre conception de la démocratie !

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Vous ne l’avez jamais prévu !

Mme Jacqueline Fraysse. J’ajoute, madame la ministre, qu’ils souhaitent avoir une voix délibérative, ce qui ne semble pas être acquis pour le moment.

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Vous ne les invitiez même pas !

Mme Jacqueline Fraysse. Madame Bachelot, nous vous avons écoutée…

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Vous n’interrompez jamais les orateurs sans doute !

Mme Jacqueline Fraysse. Je sais que ce que je vous dis vous dérange, mais il faudra bien que vous l’entendiez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vous avez tort de vous priver de la réflexion de ces jeunes,…

Mme Claude Greff. C’est ce que nous proposons et que vous n’avez jamais proposé auparavant !

Mme Jacqueline Fraysse. …car, si vous les écoutiez, vous découvririez des professionnels responsables qui vous expliqueraient dans quelles conditions ils peuvent, ou ne peuvent plus, exercer leur métier correctement au service de leurs patients ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Claude Greff. Vous parlez pour ne rien dire ! Cela ne sert à rien !

Mme Jacqueline Fraysse. Je recommence parce que je constate que vous ne m’écoutez pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous supportez mal que l’on affirme des vérités ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Je reprends : si vous écoutiez ces jeunes médecins, vous découvririez qu’ils sont des professionnels responsables (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)…

M. le président. Laissez conclure Mme Fraysse, puisqu’elle arrive au bout de son propos ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Jacqueline Fraysse. Ils me font perdre du temps, monsieur le président !

M. le président. Je le prends en compte, madame, ne vous inquiétez pas !

Mme Jacqueline Fraysse. Je vous en remercie, monsieur le président !

Ces jeunes médecins vous expliqueraient dans quelles conditions ils peuvent ou non exercer leur métier aujourd’hui pour des raisons professionnelles, personnelles et familiales. Ainsi, par exemple, plusieurs enquêtes ont montré que, pour plus de 30 % d'entre eux, la présence d'un hôpital de proximité était un facteur déterminant dans le choix de leur lieu d'installation. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Domergue. Ah sûrement ! Allez faire un tour de France pour voir !

Mme Jacqueline Fraysse. Ils veulent pouvoir travailler en réseau au sein de maisons médicalisées regroupant plusieurs spécialités et professions paramédicales…

M. Pascal Terrasse. Absolument !

Mme Jacqueline Fraysse. …ce qui est légitime, car nous n’en sommes plus à l'époque où le médecin exerçait son art, seul avec son savoir, son tensiomètre et son stéthoscope ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En Grande-Bretagne, l'État s'est engagé à créer 100 maisons de santé et à embaucher des médecins généralistes pour y travailler. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, je suis très gênée par ce brouhaha !

M. le président. Vous avez tort d’interrompre Mme Fraysse, car je vais lui rajouter du temps de parole ! Poursuivez, madame !

Mme Jacqueline Fraysse. En Grande-Bretagne, l’État s’est engagé à créer 100 maisons de santé et à embaucher des médecins généralistes pour y travailler. Je crains, si vous continuez d’agir de cette façon autoritaire, que les médecins français ne se rendent de l’autre côté de la Manche…

Mme Claude Greff. Ils vont être obligés de nager !

Mme Jacqueline Fraysse. …et que, du coup, on résolve les problèmes de démographie médicale non en France, mais en Grande-Bretagne, ce qui serait tout de même dommage !

Les médecins d'aujourd'hui souhaitent également, bien sûr, la présence d'équipements publics tels que des écoles, des équipements culturels et sportifs, des bureaux de postes et des possibilités d'études pour leurs enfants, ce qui me paraît assez élémentaire.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur, pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Et aussi une voiture, une patinette, une bicyclette…

Mme Jacqueline Fraysse. Le problème de la démographie médicale n'est pas nouveau et ne tombe pas du ciel. Mais si l'on en parle aujourd'hui plus qu'hier, c'est tout simplement parce qu’il s’est aggravé. Rien ne se réglera d'autorité, quelle que soit la mesure prise. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cela passe aussi par une réflexion sur l’aménagement du territoire. Votre politique, dans ce domaine, n’est pas brillante. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Ce PLFSS se caractérise également par l'absence de mesure pour améliorer la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, ainsi que la situation des victimes. La sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles continue, vous le savez, de peser sur les finances de la branche maladie. La seule mesure prise pour réduire ses conséquences budgétaires est un versement a minima de la branche accident du travail-maladie professionnelle vers la branche maladie, ce qui prive cette dernière des ressources légitimes. Les franchises, quant à elles, porteront atteinte au principe de la gratuité des soins pour les victimes d'accidents du travail ou de maladie professionnelles, ce droit à la gratuité n'étant que l'expression de leur droit général à réparation. On reste donc, en matière de prévention, de tarification et de réparation des préjudices d'origine professionnelle très en deçà de ce qu'attendent les victimes et leurs familles.

Il est encore un grand sujet qui nous préoccupe et confirme la légitimité de cette question préalable. Je veux parler des laboratoires pharmaceutiques. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Alors qu'au nom de la maîtrise médicalisée, les injonctions et contraintes en tous genres n'épargnent personne – puisque nous sommes tous coupables de gâchis et de dépenses excessives – on peut affirmer, sans risque de se tromper, que les laboratoires pharmaceutiques, eux, s'en sortent bien. Ni leurs bénéfices colossaux, ni la forte augmentation de la part liée au coût des médicaments dans la dépense des soins de ville ne vous ont conduits à prendre des mesures permettant de corriger ces dysfonctionnements et ces excès.

M. le président. Il faut conclure, madame !

Mme Jacqueline Fraysse. En effet, avec les dispositions de ce PLFSS pour 2008, vous vous attachez, une fois de plus à ne pas trop taxer ces laboratoires.

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Ah, ne pas trop taxer, mais taxer tout de même !

Mme Jacqueline Fraysse. D’ailleurs, ils vous en savent gré, puisque les entreprises du médicament sont les seules, avec le Medef bien sûr, à saluer ce texte qui, partout ailleurs, a réussi faire l’unanimité contre lui, et ce dans des proportions rarement atteintes. Vous prétendez ne pas vouloir décourager les firmes de faire de la recherche, mais vous passez sous silence le fait qu'elles consacrent deux fois plus de moyens à la promotion commerciale qu'aux travaux scientifiques pour l'innovation médicamenteuse.

M. le président. Il faut vraiment conclure, madame ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Céleste Lett. Quelle tolérance !

Mme Jacqueline Fraysse. Par ailleurs, ce texte ne comporte aucune proposition audacieuse pour améliorer les conditions d'élaboration des prix des médicaments, rien pour réformer la procédure d'autorisation de mise sur le marché. Pourtant, madame la ministre, le médicament n'est pas une marchandise comme les autres, il ne peut être traité comme tel.

C'est une charte de bonne conduite qui gère les visiteurs médicaux. Dès la première phrase : « La visite médicale a pour objet principal d'assurer la promotion des médicaments auprès du corps médical et de contribuer au développement des entreprises du médicament », tout est dit !

Ces pratiques rendent nécessaire des dispositions beaucoup plus transparentes.

M. le président. Madame Fraysse, je vois qu’il vous reste quelques pages, je vous demande de conclure.

Mme Jacqueline Fraysse. J’ai terminé, monsieur le président !

M. le président. Je vous ai rajouté du temps de parole, je vous demande donc de conclure immédiatement ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Jacqueline Fraysse. En 1990, les impôts et taxes affectés constituaient une part résiduelle des recettes de l'assurance maladie, plus de 90 % de celle-ci provenant des cotisations.

M. Yves Bur, rapporteur, pour les recettes et l’équilibre général. Cela veut dire que la solidarité est plus large !

Mme Jacqueline Fraysse. En 2006, en revanche, les cotisations sociales représentent moins de 60 % des recettes et les impôts et taxes un peu plus de 30 %. En 1983, les ménages participaient pour environ 28 % au financement du régime général et les entreprises pour 60 %. En 2006, la part des ménages est à peu près la même que celle des entreprises : 43 % environ.

Ce texte ne fait donc que poursuivre le travail entrepris depuis quelques années par les fossoyeurs de l'assurance-maladie…

M. Yves Bur, rapporteur, pour les recettes et l’équilibre général. Oh là, là !

Mme Jacqueline Fraysse. …ceux qui, sournoisement, installent dans la population française l’idée que la santé est un commerce comme les autres, que les franchises médicales sont à l'assurance maladie ce que les franchises sont pour les assurances automobiles,…

Mme Claude Greff. C’est trop long ! On s’endort !

Mme Jacqueline Fraysse. …qu'elles ne coûtent pas plus cher qu'un abonnement au téléphone portable ; ceux qui brandissent le déficit de l'assurance-maladie pour affirmer que la solidarité est obsolète et financièrement intenable ; ceux qui culpabilisent les assurés, les profiteurs et ferment les yeux sur les dépassements d'honoraires et ceux qui appliquent à la sécurité sociale des objectifs de rentabilité.

Ce texte constitue un pas de plus vers une sortie de l’assurance maladie solidaire, en laissant sur le bord de la route les personnes âgées, les malades, les handicapés, les accidentés du travail.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Cela fait vingt ans que vous nous annoncez la même catastrophe !

Mme Jacqueline Fraysse. C’est pourquoi nous ne jugeons pas nécessaire de l’examiner. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Maxime Gremetz. Vous vouliez des propositions ? En voilà !

M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur la question préalable.

La parole est à M. Jean-Marie Rolland, pour le groupe de l’UMP.

M. Jean-Marie Rolland. Monsieur le président, madame la ministre, les Français attendent de leurs représentants qu’ils travaillent à leur proposer les meilleurs soins possibles au meilleur coût, sur chaque point de notre territoire. Or, ce soir, madame Fraysse, nous avons entendu les mêmes arguments, les mêmes rengaines, la même absence de solutions, les mêmes mots — et celui de « cynisme » n’était sûrement pas le plus élégant.

Pourtant, les questions auxquelles nous avons à répondre sont nombreuses. Comment offrir les meilleurs soins ? Comment faire profiter tous nos compatriotes des formidables progrès scientifiques, de toutes les techniques médicales, chirurgicales ? Comment financer ces progrès ? Comment relever ce formidable défi qui permet à chacun d’entre nous de gagner, chaque année, trois mois d’espérance de vie, avec un extraordinaire allongement de l’espérance de vie depuis un siècle ? Comment éviter les disparités territoriales ? Comment améliorer la prévention, développer la santé publique ? Comment mieux organiser notre système de santé, notre parcours de soins ?

Vous le savez, et nous allons le voir tout au long de ce débat, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale apporte des solutions, conforte la réforme de l’organisation du système de soins, en ville comme à l’hôpital. De nombreux chantiers sont ouverts. Des dispositifs sont proposés pour favoriser une meilleure répartition des médecins de toutes spécialités sur l’ensemble du territoire. Sur le plan strictement financier, il offre des recettes ciblées, couplées au renforcement de la lutte contre la fraude. Il propose des relations financières assainies entre l’État et la sécurité sociale.

Je pourrais continuer longtemps, mais je pense, madame Fraysse, que ce débat doit être digne, responsable, qu’il doit rappeler à tous les Français le sens de la sécurité sociale, qui est de s’adapter, d’évoluer en permanence, de vivre. Vos arguments, madame, ne répondent pas aux attentes des Français. Nous aurons le temps de le prouver, tout au long de ce débat, au cours duquel nous examinerons près de 600 amendements. Pour toutes ces raisons, le groupe de l’UMP rejette la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Nauche, pour le groupe SRC.

M. Philippe Nauche. Notre collègue Jacqueline Fraysse a bien expliqué ce qu’elle pensait du texte qui nous est proposé aujourd’hui, dont sa défense de la question préalable a bien souligné le caractère à la fois injuste et dangereux. Il est injuste, en effet, car il va aggraver certaines inégalités : inégalité de l’accès aux soins, avec l’instauration des nouvelles franchises, pénalisation et culpabilisation des patients. Quid des 5 millions de Français qui ne bénéficient pas de la couverture complémentaire, leurs ressources étant légèrement supérieures au plafond de la CMU ? Si, pour certains de nos concitoyens − en particulier ceux qui ont bénéficié des cadeaux fiscaux de la majorité −, 50 euros ne représentent pas grand-chose, cela en représente beaucoup pour la plupart de nos concitoyens modestes, surtout avec les modalités d’application que vous avez prévues.

Aucune réponse n’est apportée pour l’accès aux soins des zones déficitaires et le problème de la désertification médicale n’est pas pris en considération : c’est pourtant une vraie question de santé publique. Il n’y a pas de responsabilisation de l’ensemble des acteurs. Par exemple, rien de concret n’apparaît dans votre texte sur une quelconque forme de régulation des dépassements d’honoraires qui, aujourd’hui, rendent l’accès aux soins plus difficile pour nombre de nos concitoyens. Je passerai sur la revalorisation des pensions de retraite, insuffisante malgré les grands et beaux discours du Président de la République, sur la faible revalorisation des prestations familiales, sur la modulation de l’allocation de rentrée scolaire, qui, pour certains de nos concitoyens, va se traduire par des diminutions.

On note aussi un manque de clarté sur les convergences tarifaires entre public et privé, dont Mme Fraysse nous a démontré qu’elles étaient absurdes. Il n’y a rien sur le fait que l’assurance maladie prenne indûment en charge certaines pathologies qui devraient l’être au titre des accidents du travail ou des maladies professionnelles.

Mais ce projet est également dangereux, car le Gouvernement continue de n’appliquer que des règles de maîtrise comptable, alors même que l’échec de la réforme de 2004 est désormais avéré. Ce ne sont pas les explications à la fois embarrassées et un peu agacées de M. Bertrand qui changeront quoi que ce soit. Rien n’est prévu pour faire face aux besoins de financement des retraites et les mesures que, dans vos articles 32 et 33, vous prévoyez pour la démographie médicale n’apportent pas de réponse adaptée, car c’est un vrai problème d’aménagement du territoire qui ne concerne pas que les professionnels de santé.

L’hypothèse de croissance sur laquelle repose votre projet ne sera probablement pas tenue. Les recettes ne seront donc probablement pas à la hauteur de ce que vous prévoyez.

Enfin, notre système de santé a souvent caracolé en tête des classements internationaux en matière d’efficacité. Mais l’efficacité ne reposait pas sur des questions de technique médicale, car, en la matière, nous ne sommes ni meilleurs ni plus mauvais que la plupart des pays industrialisés : elle dépendait de l’accessibilité du système pour tous et de la solidarité. Aujourd’hui, en mettant en place les franchises médicales, vous changez complètement la nature de l’assurance maladie. Nous rentrons dans un système de malus. Les malades vont en quelque sorte payer un malus d’assurance maladie. Vous ne résolvez pas les problèmes de dépassement d’honoraires. Là encore, c’est une diminution de l’accès aux soins. Quel que soit son montant, la franchise constitue un mécanisme qui est mis en place pour, demain, poursuivre et accentuer la privatisation de la sécurité sociale et le passage à un système assurantiel.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, soutiendra la question préalable de notre collègue Jacqueline Fraysse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe GDR.

M. Daniel Paul. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans son intervention, Mme Fraysse a évoqué plusieurs centres hospitaliers qui, en raison de déficits extrêmement importants, sont depuis quelques semaines sous les feux de l’actualité. Elle a notamment cité l’exemple du Havre. Je voudrais expliciter auprès de nos collègues la situation particulière de ce centre, ce qui appuiera parfaitement l’explication de vote du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

La région havraise est l’une des plus sous-médicalisées de France. De ce point de vue, la Haute-Normandie et la Picardie battent des records. C’est une des régions où les pathologies, le taux de cancer, les maladies respiratoires, sont les plus lourds. C’est aussi l’un des endroits où la démographie médicale est la plus inquiétante, où l’on manque de plus en plus de médecins. Dans mon quartier, par exemple, qui compte 15 000 habitants, alors que, il y a quelques années, on trouvait une maison médicale avec une douzaine de praticiens, dont six médecins généralistes, des ophtalmologistes, des infirmières, il ne reste aujourd’hui que deux médecins.

M. Franck Gilard. Que fait le maire du Havre ?

M. Daniel Paul. C’est également au Havre qu’on trouve le plus grand hôpital général de France non universitaire : plus de 4 000 employés, plus de 2 000 lits, six implantations différentes à travers la ville. C’est dans cet hôpital que l’on constate un déficit de 70 à 80 médecins, d’après les besoins recensés par l’établissement. C’est aussi dans cet hôpital que le rapport Debrosse, du nom du conseiller à la santé que votre prédécesseur a dépêché au Havre il y a quelques mois et qui vous a remis ses conclusions il y a quelques semaines, a estimé le déficit à 23 millions d’euros, considérant que, si la tendance se confirmait, nous atteindrions 70 millions d’euros de déficit à la fin de la décennie.

Il faudra nous expliquer, madame la ministre, comment, dans ces conditions, on peut applique la tarification à l’activité. Dès lors qu’il manque tant de médecins, il est évident que le nombre d’actes ne peut pas suffire. Il est également clair que les interventions que l’hôpital fait dans le cadre de ses responsabilités de santé publique devraient être beaucoup mieux prises en compte. Les missions d’intérêt général et des activités de soins — les MIGAC — n’étant pas couvertes de façon suffisante, il faut ponctionner sur d’autres dépenses pour assurer celles qui relèvent du secteur hospitalier.

Évidemment, il y a des cliniques privées. Il existe même un beau projet d’hôpital privé, dit de l’Estuaire, avec plus de 400 lits. La concurrence s’installe, mais cet hôpital privé n’est pas soumis aux mêmes règles que l’hôpital public. Si vous appliquez à celui-ci la T2A à 100 % dès l’année prochaine, dans les conditions que je viens de décrire, il risque d’être encore plus en difficulté.

M. le président. Monsieur Paul, veuillez conclure, car vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Daniel Paul. Enfin, madame la ministre, ne serait-il pas normal que tous les investissements en matériel moderne, nécessaires à une plus grande efficacité de la bataille pour la santé publique, soient consacrés à l’hôpital public plutôt qu’aux établissements privés ? Ce serait un signe qui serait donné, d’une part, aux médecins de l’hôpital public et, d’autre part, à la communauté médicale et, plus largement, à l’ensemble de la communauté havraise, de l’attachement que le Gouvernement pourrait montrer à l’égard de l’hôpital public. Ce n’est pas ce que vous faites, et c’est la raison pour laquelle la communauté médicale est obligée de se dresser contre les décisions qui sont prises d’implanter certains instruments dans le privé plutôt que dans le public. C’est sur cela que nous jugerons, madame la ministre, l’intervention que vous ferez à cet égard. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Claude Leteurtre. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous parlons du budget de la sécurité sociale, mais c’est la santé qui est au cœur de nos débats. En la matière, il faut peut-être faire preuve d’un peu d’optimisme. Puisque nous avons décliné les lettres, je voudrais, à mon tour, décliner la lettre c, comme constat. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale dresse en effet un constat de la situation actuelle, due à l’héritage de mesures prises en 2004. Cela montre bien les limites de l’exercice. Mme Fraysse a rappelé une réalité importante : le financement de la sécurité sociale est assuré jusqu’au 17 décembre, c’est-à-dire à 97 %. Quand on rapporte cela au budget général, on est en droit de penser qu’il est sans doute possible d’atteindre l’équilibre sans trop de difficultés. Je n’oublie pas ce que disait tout à l’heure le président Méhaignerie : 11 % du PIB est affecté à la santé. Il devient donc difficile d’augmenter ces dépenses. Ce projet de loi constitue à la fois un jalon et un départ.

Si l’on continue à décliner la lettre c, on peut dire qu’on trouve dans ce projet de loi des accès de courage et de sincérité. Le courage, c’est de rembourser la dette de l’État à la CADES. Au moins, on sait où l’on en est.

Mme Jacqueline Fraysse. Ce n’est pas du courage !

Mme Catherine Génisson. Un particulier qui ne rembourse pas ses dettes, on le met en prison !

M. Claude Leteurtre. Le courage, c’est aussi de prévoir un budget en faveur des personnes âgées et d’augmenter considérablement ce secteur.

Un autre acte de courage, paradoxalement, est d’avoir posé concrètement et de manière définitive le problème de la désertification rurale et de la démographie médicale. La méthode est sans doute contestable, mais elle a au moins le mérite de chercher à résoudre le problème. C’est important. Il faut continuer, sachant que la solution passe par le dialogue.

Un mot peut être décliné, celui de confiance. Je crois qu’il faut faire confiance aux professionnels, et je vais vous donner deux exemples, madame la ministre.

Mme Catherine Génisson. Il faut faire confiance aux citoyens également.

M. Claude Leteurtre. Le premier concerne l’hôpital. L’hôpital veut bien remplir sa mission et les structures hospitalières sont favorables à la T2A. Mais cette T2A, nous le savons, s’est mise en place de manière calamiteuse parce qu’elle n’avait pas été préparée. Vouloir afficher le principe de la convergence à long terme est raisonnable, mais il faut partir sur des bases claires. Nous ne pouvons pas annoncer que nous allons faire 50 % de la convergence en 2009 si nous n’avons pas défini concrètement tous les éléments et si nous n’avons fait toute la clarté sur les missions de l’hôpital public. Donc, faisons confiance à l’hôpital, mais ne le brusquons pas.

Mme Catherine Génisson. Très bien !

M. Claude Leteurtre. J’en viens à mon second exemple, qui concerne les professionnels. Si nous ne pouvons pas augmenter les recettes, nous pouvons fiscaliser – c’est la voix qu’a évoquée Jean-Marie Le Guen mais ce n’est pas obligatoirement la meilleure –, nous pouvons également essayer de voir s’il n’est pas possible de mieux organiser les soins. Nous connaissons tous le syndrome du sang contaminé et le coût que cela a représenté pour l’économie de la France. Eh bien, je suis frappé par ce qui se passe avec l’épidémie de Creutzfeld-Jacob. Alors que nous en avons parlé il y a six ans, sait-on combien il y a aujourd’hui de malades atteints de la maladie de Creutzfeld-Jacob ? A-t-on évalué le coût de la mesure ? Concrètement, après avoir inscrit le principe de précaution dans la Constitution, ne pourrait-on pas maintenant réfléchir au principe de l’évaluation ? Il faut faire une évaluation du coût et faire confiance aux professionnels pour balayer un certain nombre de gestes inutiles et coûteux. Je crois qu’une telle approche permettrait de réaliser beaucoup de progrès. C’est pour cela qu’il faut continuer à examiner ce PLFSS. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Madame Fraysse, nous sommes évidemment satisfaits, mes collègues du Gouvernement et moi-même, que votre proposition de question préalable n’ait pas été adoptée par l’Assemblée nationale. Mais je voudrais revenir sur un certain nombre d’affirmations qui me paraissent étranges.

D’abord, vous semblez considérer que le déficit de l’assurance maladie n’est pas si élevé et qu’on peut continuer à le creuser impunément, c'est-à-dire à faire payer nos dépenses d’assurance maladie par nos enfants. (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Mme Jacqueline Fraysse. Non, je n’ai pas dit cela !

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Ce propos vient évidemment « tamponner » curieusement les dires de vos collègues de l’opposition.

Vous critiquez un système de franchise destiné à trouver des financements nouveaux pour des dépenses nouvelles.

Mme Jacqueline Fraysse. Ça oui !

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Vous avez sans doute oublié que vous étiez à l’origine, il y a quelques années, du forfait hospitalier.

Mme Catherine Génisson. Le forfait hospitalier concernait des dépenses d’hospitalité, pas des dépenses de soins.

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Vous critiquez la T2A. Pourtant, vos amis dans l’opposition, les socialistes, préconisent depuis très longtemps cette tarification à l’activité. Je signale par ailleurs qu’évidemment, les spécificités de l’hôpital public seront respectées puisque les budgets des MIGAC, des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation,…

M. Daniel Paul. Allez-vous les augmenter ?

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. …ainsi que les budgets des MERI, des missions enseignement, recherche, innovation, seront protégés. La démarche T2A est une démarche progressive, qui verra son aboutissement en 2012. Il est faux de prétendre qu’on pourrait sélectionner les patients à travers cette procédure car que la tarification est accompagnée, vous le savez bien, d’un concept de comorbidité associée – vous connaissez trop bien l’hôpital pour ignorer cela, madame le docteur Fraysse.

Enfin, vos propos sur la démographie médicale sont assez incohérents. Vous trouvez par exemple que le numerus clausus est trop élevé. Il est prévu cette année que 7 100 étudiants soient admis en deuxième année, c’est un minimum. Ce chiffre nous permettra de retrouver un rythme normal de démographie médicale, compatible avec nos besoins, environ en 2025. En attendant, nous allons traverser un désert démographique.

M. Lionnel Luca. La faute à qui ?

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Cela est dû à l’insuffisance du nombre des étudiants en médecine au début des années quatre-vingt-dix. Vous êtes responsables de la pauvreté de ces générations médicales. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Jacqueline Fraysse. Cela fait tout de même quelques années que vous êtes au pouvoir !

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Il faut tout de même être un peu cohérent.

Quand vous dites qu’il n’y a pas assez de médecins à l’hôpital, vous devriez reconnaître que nous subissons déjà les effets induits de l’insuffisance du nombre d’étudiants admis en deuxième année de médecine.

Il faut résoudre ces problèmes de démographie médicale, mais pas par les mesures autoritaires que vous avez toujours préconisées à gauche. Au contraire. Nous avons réaffirmé, nous, la liberté d’installation, et nous voulons introduire les jeunes dans le dialogue conventionnel. Les jeunes n’ont jamais été appelés à participer à la discussion quand vous étiez aux affaires. Nous, nous voulons que les jeunes soient réintroduits dans ce dialogue conventionnel et qu’ils aient une voie délibérative. Rien ne se fera sans eux et c’est sans doute cela qui est profondément nouveau. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Mme Jacqueline Fraysse. Je n’ai pas eu la réponse sur les enseignements de médecine générale.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, nous entamons aujourd'hui la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

Il s'agit d'un moment majeur de l'année parlementaire puisque nous sommes appelés à nous prononcer sur la somme considérable de 422 milliards d'euros. Nous devons regarder si les dépenses concernant la santé, la retraite, la famille, correspondent aux besoins, aux priorités. Nous devons veiller au financement de ce budget, et à sa répartition, sachant qu'il dépend beaucoup de l'emploi et qu’il pèse sur le coût du travail, donc sur l'économie du pays.

Après les réformes des retraites en 2003 et de l'assurance maladie en 2004, le Gouvernement s'était engagé à obtenir l'équilibre des comptes sociaux en 2007. Les déficits 2003-2004 et les déficits prévisionnels 2005-2006, soit 50 milliards, avaient été confiés à la CADES en prolongeant sa durée de vie de trois ans par année de déficit, ce que nous avions jugé alors inacceptable. Rien n'était prévu pour le déficit 2007. Or celui-ci, si l'on tient compte du FFIPSA, atteindra les 15 milliards d'euros. Comment sera-t-il financé ? Rien ne semble prévu en dehors d'une autorisation d'emprunt – il s’agit de l’ article 24 – de 47 milliards d’euros, dont 36 milliards pour le régime général et 8,4 milliards pour le régime agricole, entraînant des frais financiers proches de 2 milliards. Est-ce raisonnable ?

Dans vos discours, mesdames, messieurs les ministres, vous expliquez qu'il n'est pas acceptable de reporter la charge du financement sur nos enfants. C'est à chaque génération de financer ses propres dépenses. Dans ces conditions, pourquoi ne proposez-vous pas un relèvement de la CRDS ?

M. Pascal Terrasse. Après les élections !

M. Jean-Luc Préel. D'autant que l'article 8, qui reprend les prévisions de recettes et de dépenses 2008-2012 calculées sur des bases très optimistes – croissance entre 2,5 % et 3 %, masse salariale entre 4,5 et 5 %, inflation à 1,6 %, ONDAM à 1,5 % –, aboutit à un déficit cumulé de 42 milliards supplémentaires pour le régime général et de 15,8 milliards pour le FFIPSA.

Il y a le feu au lac. Si nous voulons préserver notre protection sociale, des mesures volontaristes s'imposent : obtenir l'efficience, responsabiliser tous les acteurs, obtenir l'équilibre des comptes sociaux en adaptant dépenses et recettes. Il est nécessaire de trouver de nouvelles recettes. À ce titre, le Nouveau Centre approuve la taxation des stock-options. C’est un premier pas. Une réflexion est prévue en 2008. Espérons qu’elle aboutisse.

Je voudrais saluer, monsieur le ministre du budget, l'effort de l'État qui, dans un souci de transparence louable, paie une partie de ses dettes en 2007 – 5,1 milliards – et qui s'engage à financer les exonérations de cotisations pour les heures supplémentaires, les recettes fiscales transférées passant ainsi de 21 à 27 milliards d'euros.

Cependant l'État ne peut s'empêcher de proposer – c’est à l’article 16 – la non-compensation de certaines exonérations de cotisations sociales. N'est-il pourtant pas prévu par la loi que toutes les exonérations de cotisations sociales doivent être compensées ? Il semblerait que la dette résiduelle soit encore de l'ordre de 3 milliards.

Mais l'essentiel de ce projet de loi concerne l'assurance maladie.

La réforme « Juppé » permet au Parlement de se prononcer sur les dépenses sociales du pays, ce qui constitue un progrès indéniable. Mais ne sont concernées que les dépenses remboursables par le régime général. Il conviendrait de les recadrer dans les dépenses de santé du pays – régime de base, assurances complémentaires, dépenses de prévention et d'éducation à la santé –, d'autant que, hélas ! nombre de nos concitoyens rencontrent beaucoup de difficultés pour avoir accès à des médecins de secteur 1, surtout dans certaines régions, et sont confrontés à des dépassements d'honoraires souvent importants, plus ou moins remboursés selon les complémentaires.

C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre est très attaché à un débat annuel sur la santé définissant les priorités nationales à partir des besoins régionaux et veillant à l'égal accès de tous à des soins de qualité. J'espère qu'une prochaine réforme le permettra.

L'article majeur de la loi de financement concerne donc l'ONDAM, c'est-à-dire les dépenses remboursables par le régime général.

Depuis des années, il est systématiquement sous-estimé tout en étant présenté chaque année comme réaliste. Il est donc dépassé et réactualisé l'année suivante. Est-ce sérieux ? Ainsi, l'ONDAM 2007, présenté l’année dernière par Xavier Bertrand, à 144,8 milliards, sera-t-il dépassé de 3 milliards, soit une augmentation réelle de 4,2 % par rapport à 2006, malgré les mesures décidées après l'alerte. Pour 2008, vous nous proposez 152,1 milliards, soit une hausse de 2,8 %. Sur quelles bases médicales ce chiffre a-t-il été proposé ?

L'ONDAM n'est toujours pas médicalisé. Il s'agit d'un ONDAM économique. Sera-t-il tenu ? Nous l'espérons, pour limiter le déficit. Cependant, les travaux du Haut conseil de l'assurance maladie montrent que, depuis trente ans, les dépenses croissent de 2 % au moins au-delà du PIB. Il ne faudrait pas oublier non plus que les dépenses de santé ne se perdent pas dans un puits sans fond, qu'elles servent à soigner et qu'elles participent aussi à la croissance. Tout doit cependant être fait pour aboutir à l'efficience en responsabilisant équitablement l'ensemble des acteurs.

Il est probable que l'ONDAM proposé sera dépassé et que le comité d'alerte aura à intervenir car si vous affichez un ONDAM de ville en progression identique à celui de l'hôpital – plus 3,2 % – c'est en intégrant ce que vous appelez l'effet franchise.

En réalité, l'ONDAM ville n'est qu'à plus 2 %. La franchise n'est pas une recette supplémentaire, mais une moindre dépense permettant de financer les soins palliatifs, le plan cancer, le plan Alzheimer, qui seront pour beaucoup des dépenses hospitalières. Cet effet franchise ne permettra pas de financer les professionnels de santé de ville ou leurs prescriptions.

Les franchises médicales posent par ailleurs un vrai problème. Quel est leur but ? Celui-ci n'est pas clair et a varié. À l'origine, il s'agissait de responsabiliser le patient, puis de diminuer les dépenses du régime général, enfin de financer des dépenses nouvelles.

Vont-elles responsabiliser le patient ? Probablement pas. Les exemples étrangers le démontrent. Beaucoup de personnes en seront exonérées. Une fois le plafond de 50 euros dépassé, le frein n'existera plus. N'y aura-t-il pas alors un souhait de rattrapage ?

Les 850 millions d'économie espérés devraient permettre, à enveloppe constante, de financer le plan cancer, les soins palliatifs, la maladie d'Alzheimer. Certes, cette somme n'est pas négligeable, mais il ne faudrait pas laisser croire qu'elle sera à la hauteur des besoins de financement de ces plans tout à fait nécessaires. En effet, 15 millions de personnes seront exonérées de franchise, essentiellement les CMU et les enfants, mais les malades souffrant de pathologie graves, lourdes, invalidantes, sida, cancer, hépatites graves, sclérose en plaques, ne le seraient pas. Pourquoi ?

Toutefois, lorsque l’on se reporte à l’article 19, on constate que, dans la construction de l’ONDAM, vous envisagez 2 milliards d’économies et parmi celles-ci, on retrouve les franchises pour 850 millions. Où est la vérité ? Économies permettant de diminuer l’ONDAM ou financement des plans ? Les deux présentations sont incompatibles.

En réalité, si les complémentaires peuvent rembourser ces franchises, il s’agira d’un transfert du régime de base vers les complémentaires qui se traduira par une augmentation des cotisations d’autant plus élevée que ces contrats ne bénéficieront pas des avantages fiscaux liés aux contrats responsables. Beaucoup de complémentaires ne rembourseront pas les franchises, qui resteront donc à la charge des patients.

Au Nouveau Centre, nous défendons le principe de la franchise cautionnée qui a été expérimentée dans la région parisienne, qui fonctionne bien et responsabilise le patient tout au long de l’année.

La démographie médicale, d’ailleurs la démographie de toutes les professions de santé, est un réel problème qui ne peut trouver sa solution dans la remise en cause de la liberté d’installation.

Certes, il existe de grandes inégalités quant à la répartition des professionnels sur le territoire, mais il ne faudrait pas démotiver les étudiants alors que les postes d’interne en médecine générale ne sont déjà pas tous pourvus – 500 cette année. Des mesures incitatives ont été mises en place récemment. Elles sont peut-être insuffisantes, mais leur impact n’est pas évalué.

Au Nouveau Centre, nous proposons un ensemble de mesures :

Au niveau de la formation, un numerus clausus régional par spécialité prenant en compte les besoins dans dix ans ;

Un stage effectif de médecine générale au cours des études : trois mois en ville, trois mois à la campagne ;

L’aide à la création de maisons de santé regroupant les professionnels ;

Les bourses finançant les études contre un engagement à s’installer dans les zones départementales déficitaires ;

L’accentuation des mesures incitatives et leur évaluation ;

Envisager des rémunérations différenciées non seulement en plus, mais aussi en moins, selon le lieu d’installation.

Toutefois, nous souhaitons maintenir la liberté d’installation et de conventionnement.

Le texte de loi prévoit, par ailleurs, une expérimentation de nouveaux modes de rémunération et un conventionnement individualisé.

Il est souhaitable de faire évoluer la rémunération. La seule rémunération à l’acte ne répond plus à la réalité. Une rémunération mixte, comme dans la plupart des pays, tenant compte des taches administratives, du traitement des dossiers, des maladies chroniques, est souhaitable. Elle existe déjà en partie.

Il est nécessaire, par ailleurs, de tenir compte de l’implication dans la prévention et l’éducation à la santé, dans la formation continue et l’évaluation des pratiques.

Le but doit être l’amélioration de la qualité des soins. C’est pourquoi, si des accords locaux sont possibles, ils doivent tenir compte d’une convention nationale définissant les principes essentiels, négociée entre les syndicats et l’UNCAM, tenant compte des recommandations de la Haute autorité de santé.

Quant aux mesures conventionnelles, dans la mesure où elles ont été négociées et actées entre les syndicats professionnels et le tout puissant directeur de l’UNCAM, il est curieux qu’elles ne puissent s’appliquer immédiatement ou à la date convenue dans l’accord. Le Gouvernement estimerait-il que le directeur de l’UNCAM n’est pas responsable ?

Quant aux hôpitaux, vous proposez de passer la T2A à 100 %. Nous sommes d’accord pour que la dotation financière corresponde à l’activité réelle et qu’à terme, nous aboutissions à une rémunération identique pour une même pathologie entre le public et le privé. Cependant, la T2A a, entre autres, un effet inflationniste et un effet restructurant mettant en difficulté les établissements qui, tout en rendant de grands services, ont une activité moindre.

Pour éviter l’effet inflationniste, des mesures ont été prises : baisse des tarifs lorsque l’activité augmente, contrats d’objectifs avec des plafonds d’activité vidant la T2A de son sens premier. Jean-François Mattei n’avait-il pas annoncé que chaque service, chaque pôle, chaque établissement allait construire son budget à partir de son activité réelle ?

De nombreuses questions se posent, je n’en reprendrai que quelques-unes.

Quelle sera la part des MIGAC dans le budget hospitalier en 2008 ?

Les tarifs vont-ils baisser de 3 % ?

Le coefficient de correction permettra-t-il de rebaser les établissements en déficit ?

Quelles mesures allez-vous prendre pour éviter la sélection des malades ? En effet, les hospitalisations longues en médecine, comme les soins palliatifs, sont mal pris en compte. Il en est de même de la réanimation dont les tarifs sont sous évalués.

Les mesures décidées en cours d’année par le ministère de la santé seront-elles intégralement financées ? Je pense également aux revalorisations salariales décidées par le ministre de la fonction publique.

Certaines contraintes réglementaires comme celles concernant les achats seront-elles allégées ?

Les hôpitaux concourent grandement à la qualité des soins, à l’accueil des malades. Les responsables et le personnel ont besoin de signes clairs leur témoignant de la confiance du Gouvernement. J’espère que la mission confiée à M. Larcher permettra d’aboutir à des propositions concrètes qui seront rapidement prises en compte concernant les missions de l’hôpital, le fonctionnement en réseau, la responsabilisation des acteurs, la valorisation des activités.

Nous avons la chance d’avoir un double réseau d’établissements permettant l’émulation, la qualité, le libre choix, mais il est très fragile.

La loi de financement concerne aussi la branche vieillesse. Après la réforme de 1993 concernant les salariés du privé, la réforme de 2003 concernant les fonctionnaires, vous devez prochainement modifier les régimes spéciaux.

Nous souhaitons une réelle équité entre les Français. Le Nouveau Centre préconise la gestion du régime de base par les partenaires sociaux responsabilisés, l’évolution vers un système par points, la mise en extinction des régimes spéciaux, l’harmonisation progressive avec le régime général pour ceux qui sont actuellement en activité.

Un rendez-vous est prévu en 2008 pour faire le point de nos retraites soumises à de fortes contraintes démographiques.

Le déficit 2007 est de 4,6 milliards pour la retraite de base du régime général, lié en grande partie aux départs anticipés. Le déficit 2008 devrait être légèrement inférieur.

Je voudrais attirer votre attention sur la très faible revalorisation des retraites en 2008 – l, l % –, ce qui va être très difficile à faire accepter par les retraités même si un rendez-vous est prévu en cours d’année.

Reste à régler les problèmes de la pénibilité et de l’employabilité des seniors.

Pour la famille, nous notons la modulation de l’allocation de rentrée scolaire en fonction de l’âge de l’enfant. C’est une bonne chose.

En conclusion, après les réformes de l’assurance maladie et de la retraite, l’équilibre avait été annoncé en 2007. Nous en sommes hélas loin ! Rien ne semble prévu pour le financement de ce déficit, ce qui n’est pas acceptable. De nombreuses mesures méritent discussion et amendements. Plusieurs de nos amendements – seize – ont été retenus en commission. Je souhaite, mesdames, messieurs les ministres, que vous en acceptiez d’autres au cours des débats pour améliorer ce texte qui nous paraît perfectible.

Notre but commun est de sauvegarder et d’améliorer notre protection sociale fondée sur la solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Gaudron.

M. Gérard Gaudron. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la sécurité sociale est au cœur de notre contrat social et constitue l’un des rouages essentiels de notre pacte républicain. Elle est le principal garant de la justice sociale et de la solidarité que les Français privilégient. Le devoir du Gouvernement et de la représentation nationale est donc de la sauvegarder et de la pérenniser, notamment en l’adaptant aux réalités d’aujourd’hui et, surtout, à celles que nous entrevoyons pour demain.

A l’occasion de ce premier PLFSS de la législature, nous voulons préparer l’avenir en ayant un langage de vérité. Les comptes de la sécurité sociale demeurent toujours préoccupants et, après une phase de rémission, c’est un déficit de 11,7 milliards d’euros pour le régime général qui est attendu pour 2007. Le PLFSS doit ramener ce déficit à 8,9 milliards en 2008, mais celui-ci devrait encore faire l’objet d’une analyse et de propositions pour le réduire de manière significative et régulière dans l’avenir.

Le Gouvernement fait donc preuve de courage et de réalisme en nous présentant ce projet de cohérence, en faisant le choix de la clarification sans rien éluder.

L’assainissement de la dette de l’État envers le régime général de la sécurité sociale ne peut que retenir notre attention. D’un montant de 5,1 milliards d’euros, cette dette a été apurée début octobre. Grâce à cette opération, les charges d’intérêt du régime général diminueront d’au moins 200 millions d’euros en 2008. Le Gouvernement a ainsi tenu ses engagements et donné un ballon d’oxygène à la sécurité sociale.

Le PLFSS pour 2008 prévoit d’améliorer la répartition des professionnels de santé sur le territoire, mais la formulation du texte a été perçue au départ comme un germe de remise en cause du principe de libre installation des médecins.

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Ce qui était faux !

M. Gérard Gaudron. Madame la ministre de la santé, vous avez rappelé devant la représentation nationale le principe de la liberté d’installation des médecins et nous vous soutiendrons dans votre projet d’ouvrir un dialogue conventionnel avec les internes en privilégiant peut-être aussi la création des maisons médicales.

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Certainement !

M. Gérard Gaudron. Le Président Sarkozy l’a d’ailleurs rappelé en déclarant : « Ouvrir des négociations, c’est quand même tout le contraire d’une démarche coercitive ».

En ce qui concerne les personnes âgées, l’une des principales innovations concerne la mise en œuvre du plan Alzheimer, souhaité par le Président de la République, dont le détail sera présenté le 2 novembre.

La maladie d’Alzheimer est un drame épouvantable pour les personnes qui en sont atteintes, pour leur famille et pour ceux qui les aident au quotidien.

Les franchises nécessaires à la survie de notre système, portant essentiellement sur des excès en particulier dans les transports, permettront de consacrer 850 millions d’euros à une meilleure prise en charge des soins.

Les plus fragiles bénéficieront cependant de garanties et certains de nos concitoyens, comme ceux qui sont victimes d’affections de longue durée, souhaiteraient être exonérés de ces franchises. Voilà qui est de nature à rassurer les associations qui nous ont fait part de leurs inquiétudes. Nous veillerons à ce que les 850 millions soient bien affectés aux chantiers sanitaires définis par le Président de la République : la lutte contre la maladie d’Alzeimer et le cancer, et les soins palliatifs.

Le PLFSS prévoit la création de places supplémentaires, notamment dans les maisons de retraite et en ce qui concerne les services de soins infirmiers à domicile. C’est une avancée considérable pour ceux qui attendent des places depuis des années. Les élus locaux que nous sommes pour la plupart ne peuvent que s’en féliciter.

Les personnes handicapées vont, elles aussi, bénéficier d’un effort important avec 410 millions d’euros de mesures nouvelles, notamment à travers l’extension de la prestation de compensation du handicap aux enfants. Là encore, cela répond à une véritable attente des familles.

Enfin, la branche famille verra une augmentation de 50 euros par mois de la PAJE pour environ 60 000 familles aux revenus modestes. Dans le même temps, l’allocation de rentrée scolaire pourra être modulée en fonction de l’âge de l’enfant, tandis que la majoration des allocations familiales interviendra dès quatorze ans, au lieu de seize ans actuellement.

La question des fraudes aux prestations sociales, notamment aux allocations familiales, doit trouver une réponse appropriée par le biais de la responsabilisation. La CNAF finalisera pour décembre 2007 la mise en place d’un répertoire national qui permettra d’éviter de multiples affiliations dans plusieurs caisses. C’est une mesure de justice sociale attendue par les Français.

Mes chers collègues, à l’occasion de la présentation de ce premier PLFSS, il faut porter notre attention sur l’avenir. Les problématiques relatives à la réforme de notre système de santé ne manquent pas. Elles vont du vieillissement démographique à l’accroissement du nombre de personnes souffrant d’affections de longue durée – et il faut prendre en compte les remarques du président Méhaignerie.

C’est pourquoi nous réaffirmons notre volonté de sauvegarder notre système de solidarité qui garantit à tous l’accès à des soins de qualité, des soins égalitaires pour tous qui permettent de bien vieillir. Le PLFSS pour 2008 va dans le bon sens, même s’il nous faudra probablement payer plus. Il nous permettra de préparer l’avenir, et non de le subir, grâce à une politique courageuse et ambitieuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. L’état catastrophique, et durable depuis cinq ans, des comptes du régime général de la sécurité sociale,…

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Ça commence doucement !

M. Pascal Terrasse. …et en particulier de l’assurance maladie, semble bizarrement à la fois tétaniser les observateurs, qui ne savent plus à quel scénario se vouer, et libérer certains responsables politiques, en particulier ceux qui aspirent depuis des lustres à une réduction du socle des régimes de base. Pour les uns, on aurait tout essayé ou tout tenté ; pour les autres, l’heure est à la privatisation.

A la place qui est la mienne, je voudrais, dans un contexte morose, faire trois séries d’observations : sur l’état de la situation, sur l’analyse qui peut être faite, sur les voies du progrès imaginables.

Premièrement, dans mon rôle d’opposant, je ne crois pas faire preuve d’une très grande subjectivité en rappelant à nos actuels dirigeants que, en 2004 et en 2006, ils faisaient, la main sur le cœur, des déclarations presque enflammées sur l’imminent retour à l’équilibre des comptes. Sur ce point, je vous renvoie aux éclairants comptes rendus du Journal officiel.

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Citez-les donc !

M. Pascal Terrasse. Il n’est pas de bon ton, surtout quand on parle de santé, de tirer sur des ambulances.

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Jolie formule !

M. Pascal Terrasse. Mais il faut bien convenir que, avec le recul, les objectifs démesurés assignés notamment au dossier médical personnel, lors de la réforme de 2004, ou la véritable usine à gaz du médecin traitant font sourire tout le monde – sauf peut-être les assurés sociaux et les praticiens ! Force est de constater que ces graves échecs obscurcissent totalement les quelques évolutions, notamment vertueuses, telles que la création de la Haute autorité de santé, dont je reconnais la pertinence, même si cette institution peine encore à prendre son envol.

Quoi qu’il en soit, quand le Premier ministre parle de faillite, je crains qu’il ne soit dans le vrai. Pour une rupture, c’en est une, comme nous le confirme l’annexe B du PLFSS. En effet, le déficit de la branche maladie devrait rester supérieur à 4 milliards par an et celui du régime général, à 8,5 milliards jusqu’en 2011 inclus, même avec une croissance de 2,5 % et une progression de la masse salariale de 4,4 %, prévisions qui ne sont pas particulièrement pessimistes. À cette aune, les engagements pris par le ministre d’alors, demeuré aux affaires, sont affectés d’un fort coefficient de doute.

Deuxièmement, quelle analyse peut-on faire de ce PLFSS ? Une des questions les plus débattues est de savoir si la croissance a priori inexorable des dépenses de santé est une bonne ou une mauvaise chose.

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Une bonne ! (Sourires.)

M. Pascal Terrasse. Je ferai volontiers miennes certaines analyses pertinentes à ce sujet.

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Péché d’orgueil !

M. Pascal Terrasse. C’est probablement un atout pour le pays, à condition qu’elles soient bien utilisées. Je reviendrai sur quelques propositions qui me paraissent fondées, mais il me semble qu’il faut éviter un double écueil typiquement français.

Le premier est le syndrome budgétaire consistant à ne voir dans la santé que des coûts, voire des gaspillages, en adoptant une vision uniforme d’un secteur pourtant particulièrement disparate. À cette aune, la notion, par exemple, de besoins de santé non satisfaits est totalement évacuée, au mépris de toute logique, tandis que les discours enflammés sur la société de l’innovation, de la recherche et de la connaissance demeurent parfaitement incantatoires, face à la concurrence des États-Unis ou des nations émergentes.

Le second écueil, à l’opposé, est la cécité sociale tendant à nier que le déséquilibre durable des comptes, s’il n’est pas traité, finit par peser toujours sur les mêmes, en l’occurrence les assurés modestes et les classes moyennes. Sous l’effet d’économies aveugles, les premiers renoncent aux soins, tandis que les seconds, lassés de payer plus pour recevoir moins, se détournent des systèmes collectifs. Tel est le danger des franchises, pour ne pas parler de leur impact social régressif et de l’extrême complexité de ce système au regard de son rendement.

Je considère pour ma part, comme beaucoup d’autres, que les facteurs de progression des dépenses de santé sont irrésistibles. Il s’agit en effet du progrès technique, mais aussi du vieillissement de la population, car, contrairement à ce que prétendent certaines affirmations péremptoires, je vois mal comment l’allongement de la durée de vie pourrait ne pas avoir de conséquences sur la consommation de médicaments. Notre pays doit sans doute progresser en matière de débat citoyen sur l’agencement des différentes catégories de dépenses publiques. En effet, puisqu’il est question de la richesse nationale, il n’est pas anormal que la société débatte de l’ordre de ses priorités du moment. De même, en matière de santé, il faut scruter plus attentivement le poids respectif des secteurs concernés et examiner leurs interactions.

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Toujours des généralités ! Mais que proposez-vous ?

M. Pascal Terrasse. Je citerai à titre d’exemple l’état encore très embryonnaire de nos moyens d’information et d’éducation à la santé, sans parler du sinistre durable de notre santé scolaire, dont il est rarement question.

Quelles sont les voies de progrès imaginables, dans un tel contexte ? On ne s’étonnera pas que je commence par rappeler l’importance stratégique, pour tous nos régimes sociaux, d’une croissance moins souffreteuse que celle que nous connaissons aujourd’hui. Certains économistes ont pu critiquer le gouvernement de Michel Rocard ou celui de Lionel Jospin, coupables, à leurs yeux, de n’avoir pas suffisamment orienté les excédents de la croissance vers des réserves destinées aux régimes sociaux, en prévision de périodes plus difficiles. De fait, les résultats qu’ils avaient obtenus font aujourd’hui figures d’eldorado. Commençons donc par mettre en place une politique économique de relance et une approche rigoureuse des finances publiques ! Hélas, le « paquet fiscal » voté cet été me paraît totalement contradictoire avec ces objectifs de base.

Une autre voie de consolidation des recettes réside dans la rationalisation, pour ne pas dire la moralisation des multiples mécanismes d’exonération. Sur ce point, je ne peux que renvoyer à l’excellent rapport annuel de la Cour des comptes, dont rien n’annonce qu’il sera suivi d’effet par le Gouvernement, si l’on en croit les mesurettes qu’il prévoit de prendre en matière de taxation des stock-options.

Sur le système de santé lui-même, je n’ai pas de remède miracle à proposer. Ma conviction, acquise de longue date, est que nous devons revoir ce système dans ses fondements, en commençant par la médecine de première intention, de première ligne. Des médecins généralistes enfin rémunérés sur une autre base, jouant pleinement leur rôle de santé publique, et une politique de prévention massive, autant de pistes qui peuvent sembler éculées, mais sur lesquelles notre pays fait du surplace depuis de nombreuses années.

Enfin, s’agissant de la gouvernance, qui passionne tous les élus et si faiblement les Français, je crains que la mise en place des agences régionales de santé ne se traduise, comme d’habitude, par une complication supplémentaire, faute d’une remise à plat de l’organisation générale.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Terrasse.

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Laissez-lui quelques minutes, monsieur le président, puisqu’il fait des propositions ! (Sourires.)

M. Pascal Terrasse. Merci, madame la ministre. Rien ne sert de régionaliser la complexité, de refuser en somme de mettre enfin au carré les dispositifs nationaux. Je ne citerai qu’un exemple.

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Non ! Donnez-en plusieurs ! (Sourires.)

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. C’est intéressant, en effet ! Puis, un député socialiste qui présente des propositions, c’est une espèce en voie de disparition ! (Sourires.)

M. Pascal Terrasse. La politique du médicament est aujourd’hui éclatée entre quatre, sinon cinq centres de décision, ce qui n’est pas sérieux.

Financer la santé, comme tout grand secteur d’activité, n’a de sens que dans un cadre économique précis et en fonction d’objectifs clairs. Je pense, comme beaucoup de nos collègues, qu’on ne peut arrêter l’eau avec les mains, et que nos dépenses vont continuer de croître à un rythme soutenu, ce dont on ne saurait ni se réjouir ni se désoler. Tout dépend du sens et du contenu de ces évolutions. Mais une chose est certaine : si la France ne voit pas son économie redémarrer sur des bases saines, et si les fondations du système de santé, en particulier la prévention, ne font pas l’objet d’une très forte remise à niveau, nous sommes mal partis. Dans ces conditions, les perdants seront une fois encore les plus exposés : ce seront ceux qui renoncent aujourd’hui aux soins.

D’ailleurs, s’il est une différence entre la droite et la gauche, si souvent caricaturée, comme elle vient encore de l’être par le Gouvernement, c’est que nous refusons résolument les perspectives de privatisation de notre système de santé. Régler les problèmes de financement de la protection sociale passe inévitablement par une réorganisation totale de ce système. En la matière, certains pays ont su tenir compte des avis de l’opposition.

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Encore faut-il qu’elle en ait !

M. Pascal Terrasse. Nous en avons, monsieur le ministre. Je viens d’ailleurs d’énoncer quelques propositions. Vous le sauriez si vous m’aviez écouté. Alors, un peu de décence !

Nous sommes prêts à aller plus loin. Il faut des états généraux de la santé…

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Vous nous avez annoncé des propositions. Où sont-elles ?

M. Pascal Terrasse. …qui seront aussi ceux de la protection sociale. Le Gouvernement est-il prêt à travailler avec l’opposition ? Nous avons des projets, et je vous annonce d’ores et déjà que nous formulerons des propositions dans quelques semaines.

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Pas possible ! (Sourires.)

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Nous en sommes très heureux ! (Sourires.)

M. Pascal Terrasse. Dans ce cas, il ne faudra pas les repousser, comme vous le faites d’habitude. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Le PLFSS, c’est maintenant ! Vos propositions arrivent toujours trop tard !

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Économiquement inefficaces, socialement injustes et contraires aux principes fondateurs de la sécurité sociale, les nouvelles franchises, mesure phare de ce projet de loi, sont dénoncées de toutes parts. Des pétitions circulent et les sondages confirment l’opposition radicale des Français à cette proposition. D’ailleurs, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a déposé un amendement visant à supprimer l’article 35 du texte, qui institue ces nouvelles franchises sur les médicaments et les actes paramédicaux. Ces franchises s’ajoutent à celles de 2004 et au déremboursement de centaines de médicaments, décisions présentées à l’époque comme devant assurer pour 2007 le retour à l’équilibre de l’assurance maladie.

Le résultat est devant nous : les dépenses de soins ont continué leur progression et les malades ont payé plus pour se soigner. Nous savons – et le Gouvernement ne l’ignore pas – que ce n’est pas la multiplication des franchises qui résorbera le déficit de la sécurité sociale ou de l’assurance maladie. Il le sait d’autant mieux que la justification des nouvelles franchises qu’il propose a changé en cours de route : depuis l’annonce présidentielle faite à Dax le 1er août, elles ne sont plus destinées à combler le déficit, mais à financer la lutte contre la maladie d’Alzheimer et le cancer, ainsi que le développement des soins palliatifs. Notons au passage que ce n’est plus la solidarité nationale qui finance les grandes priorités publiques. Désormais, les malades paient pour les malades. La maladie devient une pénalité.

Face à l’inefficacité avérée du système des franchises, il est naturel de se demander si leur objectif principal n’est pas d’ouvrir la voie à une privatisation du financement de la santé. Dorénavant, se soigner coûtera donc un peu plus cher. Les inégalités sociales et territoriales d’accès aux soins s’alourdiront. Et il est à craindre que les plus modestes hésitent plus souvent encore à se soigner, au risque de laisser se développer des pathologies plus lourdes qui, en fin de compte, coûteront plus cher à la sécurité sociale.

Tout l’aspect préventif de la politique de santé est ainsi menacé. Certes, des exonérations sont prévues, notamment pour les titulaires de la CMU complémentaire. Mais qu’en sera-t-il de ceux qui, du fait d’un effet de seuil, n’en bénéficient pas ? À cet égard, j’insiste, une fois de plus, sur la situation des titulaires du minimum vieillesse et de l’allocation aux adultes handicapés de la Réunion non éligibles, à quelques dizaines d’euros près, à la CMU. Il est incompréhensible qu’on mégote depuis des années sur une mesure qui faciliterait tant la vie de personnes vulnérables, alors qu’il suffirait, pour leur ouvrir la CMU complémentaire, de ne pas tenir compte, dans leurs ressources, du taux du forfait logement. De façon générale, dans le département de la Réunion, où les médicaments sont déjà 30 % plus chers, les franchises proposées auront des conséquences particulièrement lourdes.

J’ajoute qu’elles sont contraires aux principes fondateurs de la sécurité sociale. Répétons le premier d’entre eux : « Chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. » Il importe de ne pas oublier ce sage précepte, au moment où l’on annonce, pour l’après-mars 2008, une grande réforme sur le financement de la santé.

Les causes du déficit de la sécurité sociale sont connues et archiconnues. Elles sont structurelles : vieillissement de la population, besoins grandissants de soins, mais aussi croissance économique trop faible. Face à ces raisons profondes et massives, l’idée que la solution consisterait à responsabiliser les citoyens est à la fois fausse et déplacée : fausse, car elle ne touche pas à la réalité du problème et s’inscrit seulement dans le registre de la communication ; déplacée, car cette prétendue responsabilisation traduit une volonté de culpabiliser les assurés sociaux.

N’oublions pas que plus de la moitié des dépenses de santé sont imputables à un faible pourcentage de malades : ceux qui arrivent en fin de vie. N’oublions pas non plus que les recettes qui devraient aller à l’assurance-maladie, par exemple les taxes sur l’alcool et le tabac, ne lui reviennent pas en totalité.

M. le président. Il faut conclure, madame.

Mme Huguette Bello. N’oublions pas, enfin, que, comme le suggère Philippe Séguin lui-même, une taxation non symbolique des stock-options pourrait, pourvu qu’on en ait la volonté politique, augmenter sérieusement les recettes de la sécurité sociale.

Personne ne le conteste : le système de santé français, envié de tous, est l’un des meilleurs du monde. D’ailleurs, dans l’Europe idéale que cherche à composer par l’imagination un sociologue britannique, que retiendrait-il de la France ? Son système de santé !

La responsabilité politique d’aujourd’hui, c’est de garder l’esprit de ce système : une solidarité généreuse fondée sur la justice et sur l’égalité. Cette responsabilité doit être d’abord celle du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Depuis de trop nombreuses années, à chaque exercice budgétaire, le constat est le même : nous éprouvons les pires difficultés à réduire les déficits de notre régime de sécurité sociale, qui doit prévoir chaque année des augmentations non négligeables, tout en s’efforçant de diminuer le coût du régime général. Je rappelle que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit 402 milliards d’euros de dépenses pour l’ensemble des régimes obligatoires de base alors les recettes nettes prévues par le budget de l’État pour 2008 s’élèvent à 230 milliards d’euros. Il n’est donc pas possible, ni envisageable, au regard de ces chiffres, que l’État compense le déficit des régimes sociaux. Pour que nous nous en sortions, un effort collectif est indispensable.

Nos concitoyens souhaitent par ailleurs obtenir des réponses précises sur des problématiques, elles aussi précises, comme le traitement du cancer, la maladie d’Alzheimer, le développement des soins palliatifs ou le financement des petites retraites. Il nous faut donc mettre en place une meilleure gestion et plus de responsabilisation, ce qui est bien l’objectif de ce texte.

J’aborderai deux sujets qui me tiennent à cœur : la maladie d’Alzheimer, d’une part, et la démographie médicale, qui fait polémique, d’autre part.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Très bien !

Mme Bérengère Poletti. Dans certains établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, jusqu’à 80 % des personnes placées sont atteintes de démences sans que ces EHPAD disposent réellement de structures adaptées. En raison du vieillissement de la population, ce problème va s’amplifier. À ce jour, environ 800 000 personnes sont déjà atteintes et les projections à cinq ans sont alarmantes.

La maladie d’Alzheimer touche le malade mais aussi les aidants, qui sont épuisés et parfois incapables de s’en sortir seuls. Je me réjouis donc que ce projet de loi mette l’accent sur la prise en charge spécifique des malades, tant à domicile qu’en établissements, sans négliger d’agir en termes de recherche, de formation et d’accompagnements humains de ces personnes et de leurs familles.

Le PLFSS permet de renforcer les structures d’hébergement et les accueils de jour, mais aussi la prise en charge de la dépendance dans les établissements, notamment avec la création de 7 500 places nouvelles,

Je me réjouis également, que ce projet de loi accentue l’effort en direction des services de soins infirmiers à domicile, afin d’y permettre le maintien des malades le plus longtemps possible. Ce texte prévoit aussi la prise en charge des frais de transport vers les accueils de jour, mesure demandée par les aidants.

Le PLFSS propose donc un ensemble de mesures attendues et significatives.

Dans un cadre extrêmement contraint, on ne peut imaginer des dépenses nouvelles sans contrepartie. C’est l’esprit des franchises, qui ne sont pas une surprise puisque le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a toujours évoqué, avant, pendant et après la campagne, leur instauration afin de financer les chantiers prioritaires de santé publique. Cependant, mes chers collègues, je souhaite relever que près de dix millions de personnes devraient en être exonérées,…

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. 15 millions de personnes en réalité.

Mme Bérengère Poletti. …notamment les bénéficiaires de la CMU – nos concitoyens souhaitent d’ailleurs que soient faites des propositions visant à responsabiliser ces bénéficiaires de la CMU.

M. Nicolas Dhuicq. Exactement !

Mme Bérengère Poletti. Si cette responsabilisation ne peut pas être financière, nous devons imaginer ensemble des solutions novatrices leur imposant, à eux aussi, de comprendre combien nous devons nous sentir collectivement responsables de ces dépenses d’assurance maladie.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Très bien !

Mme Bérengère Poletti. Seconde question que je souhaitais aborder, celle de la répartition des professionnels de santé sur le territoire. Je veux vous féliciter, madame la ministre, d’avoir eu le courage d’aborder ce problème crucial qui risque de nous sauter au visage dans les dix années à venir.

J’habite dans un département dans lequel cette problématique est extrêmement vive, si bien que l’accès aux soins s’en trouve déséquilibré et qu’il est mis en danger par les perspectives futures.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Voilà la réalité !

M. Jacques Desallangre. Trouvez plutôt du travail aux habitants des Ardennes !

Mme Bérengère Poletti. Dès que des responsabilités politiques m’ont été confiées, je me suis impliquée tant au niveau local que législatif afin de trouver des solutions qui répondent aux besoins vitaux de nos concitoyens.

Depuis 2002, un grand nombre de mesures d’incitation ont été mises en place comme, par exemple, le relèvement du numerus clausus, des dispositions fiscales, des aides à l’installation en zones déficitaires. Mais quelle peut être l’utilité de toutes ces mesures si les nouveaux médecins, que nous formons en plus grand nombre, s’installe dans des territoires qui ne manquent pas de professionnels ? Nous n’en sortirons jamais. Aussi, madame la ministre, je plaide à vos côtés et aux côtés du Président de la République pour que nous tenions, aux nouveaux étudiants qui vont s’engager dans la noble carrière de la médecine, le langage de la vérité, celui de la réalité du terrain.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Très bien !

Mme Bérengère Poletti. Bravo, madame la ministre, pour avoir permis que se tienne ce débat si important pour la parfaite information de nos concitoyens. Bien entendu, sur ce sujet aussi, la concertation doit être privilégiée. Il était temps d’en parler et il est temps d’agir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Simon Renucci.

M. Simon Renucci. Mesdames et monsieur les ministres, mes chers collègues, avec un déficit de près de 12 milliards d’euros pour l’année 2007, c’est peu dire que d’avancer que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 se présente mal.

Six ans après votre premier PLFSS, j’aurais aimé vous dire que je m’étais trompé à l’époque, j’aurais voulu reconnaître que les efforts que vous aviez demandés aux Français, et en particulier aux malades et aux retraités étaient enfin récompensés. J’avais fait le rêve qu’au bout de six ans, notre système de solidarité serait sauvegardé et renforcé.

Mais à l’heure où nous débattons, alors que les déficits cumulés dépassent les 50 milliards d’euros, soit plus de 300 milliards de francs, vous vous apprêtez à imposer de nouvelles franchises médicales ce qui signifie que vous augmentez les taxes sur les malades

Mes chers collègues, de plus en plus de gens ne se soignent plus et, phénomène nouveau, de plus en plus de retraités basculent dans la pauvreté tandis que les familles elles-mêmes s’appauvrissent. Il est temps d’ériger la réduction de la pauvreté en priorité nationale.

À ce sujet, et puisque je m’attacherai à commenter vos seules propositions pour la branche famille, j’espérais que vous tiendriez les engagements pris en 2005 concernant des enfants pauvres. J’avais à l’époque en tant que parlementaire, mais aussi comme pédiatre, beaucoup apprécié le rapport de Martin Hirsch et les pistes qu’il présentait. Je regrette qu’aucune des mesures significatives de ce rapport ne soit inscrite, ni même retenue dans le cadre de nos débats.

Vous l’aurez compris, mesdames et monsieur les ministres, nous avons désormais quelques doutes lorsque nous sommes confrontés à des effets d’annonces, d’autant que certaines réalités concrètes sont peu favorables aux Français, et en l’occurrence aux familles.

Ainsi, d’après son annexe 9, le PLFSS 2008 comporte, pour la branche famille, seulement 35 millions d’euros de dépenses nouvelles, mais 130 millions d’euros d’économie.

Ces économies résultent de deux mesures : d’abord la création d’un âge unique de 14 ans, au lieu de deux aujourd’hui, pour la majoration des allocations familiales, soit une économie de 80 millions d’euros ; ensuite, l’ouverture d’un droit d’option entre la prestation de compensation du handicap et les compléments d’allocation d’éducation de l’enfant handicapé.

La première de ces mesures nous renvoie à l’article 59 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui introduit le principe d’une modulation de l’allocation de rentrée scolaire en fonction de l’âge des enfants. Je rappelle que l’allocation de rentrée scolaire, l’ARS, est une prestation attribuée, sous condition de ressources, à toute famille ayant, à charge, un ou des enfants de 6 à 18 ans. Actuellement, son montant de 272,57 reste identique, quel que soit l’âge des enfants scolarisés.

Lors de l’audition, à l’Assemblée nationale, des ministres en charge du PLFSS, le 11 octobre dernier, j’avais eu le sentiment que M. Xavier Bertand – je suis presque certain qu’il s’agissait de lui – avait esquivé la question sur le chiffrage de cette mesure. L’annexe 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale nous donne la réponse, il y est précisé que « les mesures dont l’impact est neutre sur les soldes par branche ne figurent pas dans le tableau sur l’impact des mesures nouvelles 2008 ». Or, la modulation par âge de l’ARS n’est pas présentée dans ce tableau. J’en déduis, que cette mesure sera mise en œuvre à coût nul, par redéploiement entre classes d’âge et se traduira donc par une diminution du montant de l’allocation pour des millions de familles et d’élèves. Convenons qu’une telle économie, faite sur le dos des familles, peut surprendre en cette période !

Peut-on d’ailleurs vraiment parler d’une politique familiale quand le texte se contente d’évoquer cet aspect dans deux articles qui ont pour seul objectif la rigueur et la volonté de faire des économies ?

La seconde mesure relative aux droits d’option entre la prestation de compensation du handicap et le complément d’allocation d’éducation de l’enfant handicapé renvoie à l’article 60 du PLFSS. La loi prévoit que les bénéficiaires de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé peuvent cumuler cette dernière avec la prestation de compensation.

Mais si, comme vous le souhaitez, l’entrée dans le dispositif de compensation du handicap reste liée à l’attribution de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, il y aura, pour les adultes une compensation attribuée en dehors de toute référence à un taux d’incapacité, en application d’une des avancées de la loi de 2005, et pour l’enfant, une compensation, toujours liée à un taux d’incapacité. Or, non seulement cette mesure n’a pas fait l’objet de concertation préalable avec les associations de personnes handicapées, mais elle apparaît comme discriminatoire et elle est en contradiction avec l’esprit même de loi de février 2005.

Pour finir, je voudrais dire un mot des maisons départementales du handicap. La Caisse nationale des allocations familiales évalue que cette mesure équivaut à une dépense supplémentaire de 130 millions d’euros à la charge de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Quel sera l’impact financier de cette mesure pour les départements ? Mesdames et monsieur les ministres, les départements attendent votre réponse. Nous ne doutons pas que cette situation soit délicate, elle nous convie tous à beaucoup d’humilité, et je sais que vous allez répondre avec une très grande franchise.

J’ajoute, puisque, ce soir, il a beaucoup été question de la lettre d, que pour nous, le d qui compte pour réussir dans la vie, c’est aussi celui du mot doute. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. En 2003, le déficit était de 12 milliards d’euros. Il sera de 11 milliards d’euros en 2008. Ce PLFSS s’inscrit bien dans la continuité de budgets qui creusent le déficit de la sécurité sociale, alors qu’il ne faut pas oublier que de 1998 à 2001 notre régime était excédentaire.

Depuis l’arrivée de la droite au pouvoir en 2002, les réformes s’enchaînent et se ressemblent, et le trou du budget de la sécurité sociale reste constant tandis que la couverture sociale de nos concitoyens ne cesse de se réduire. Vos plans se sont bornés à toujours moins rembourser les dépenses de santé, à en laisser une part croissante à la charge du patient, rompant ainsi avec le principe d’égalité d’accès aux soins et l’idée même de solidarité. Progressivement, à cause de votre ticket modérateur, de votre forfait hospitalier, de votre forfait non remboursé par acte, et de la baisse du taux de remboursement des médicaments, une part croissante de notre population est exclue des soins. Et demain, à cette liste, s’ajouteront vos franchises médicales, soit la ponction de 50 euros pour la totalité des 45 millions de patients qui ne bénéficient pas de la CMU. Savez-vous donc ce que représente pour une famille modeste la somme de 50 euros multipliée par le nombre de personnes qui la composent ? Vous ne voyez, en réalité, que les 850 millions d’euros d’économies que vous ferez sur le dos des familles.

Vous n’apportez aucune solution, car vous ne vous posez pas les bonnes questions. Vous centrez vos réflexions sur la limitation des dépenses, en prenant le risque d’une dégradation de l’accès aux soins pour tous, sans jamais penser à réformer les recettes.

Depuis des années et sous les différents gouvernements de gauche ou de droite, je plaide pour une réforme globale de l’assiette des cotisations. La définition d’une assiette plus juste, assise sur la richesse et non sur les seuls salaires, permettrait une diminution des taux et une augmentation des recettes. Il est aujourd’hui absurde de fonder, comme au sortir de la Seconde guerre mondiale, le financement de notre régime sur le seul facteur travail, alors que sa part ne cesse de régresser dans la création globale de richesses par la nation. Il faut mettre équitablement à contribution l’ensemble des revenus du travail et du capital. Ainsi, les entreprises participeraient à hauteur de leur réelle capacité contributive et non, comme c’est le cas aujourd’hui, proportionnellement à leur seule masse salariale. Ce n’est qu’une fois assurée la pérennité du financement de la sécurité sociale, qu’il sera possible d’améliorer l’accès aux soins.

Or, paradoxalement, votre seule action sur les recettes consiste à multiplier les exonérations sans réelle contrepartie. Comment comptez-vous combler le déficit lorsque vous consentez plus de 20 milliards d’euros d’exonérations par an, soit près de deux fois le montant de ce déficit ? Selon la Cour des comptes, sur 22 milliards d’euros d’exonérations d’aide à l’emploi, plus de 2 milliards ne sont pas compensés. Par ailleurs, 7 milliards d’euros d’exonérations portent sur certaines rémunérations dont 3 milliards pour les stock-options. L’exonération sur les salaires affectés coûte 2,5 milliards d’euros, les indemnités de départ, 3,5 milliards, et les cotisations allégées sur le patrimoine représentent une perte de 1 milliard d’euros. Voilà donc plus de 13 milliards d’euros qui font défaut à notre régime de sécurité sociale !

Encore une fois, le président Séguin vous a mis en garde, mais sans succès, puisque la première mesure que vous avez prise a précisément consisté à rajouter une dose d’exonérations sur les heures supplémentaires, qui devrait coûter plus de 5 milliards. Votre première réforme pour combler le déficit devrait donc conduire à la supprimer, car son efficacité n’est pas prouvée.

Les hommes sont déjà inégaux face à la maladie, en raison notamment d’un fort déterminisme social. Or vos franchises médicales vont encore accroître l’inégalité devant les soins. Pour l’ensemble des pathologies, l’état de santé des populations modestes est moins bon que celui des plus aisés et l’accès aux soins des premiers va encore se dégrader, car la contrainte financière sera de plus en plus forte. Vous pensez « responsabiliser le patient » en lui faisant payer sa santé – ou plutôt sa maladie –, comme si les malades étaient irresponsables et avaient la volonté de dépenser sans limite sur le compte de la « sécu ». M. Préel évoquait ainsi un éventuel « rattrapage », une fois les cinquante euros de la franchise consommés. C’est oublier que les prescripteurs ne sont pas les patients, mais les médecins et que, jusqu’à preuve du contraire, ceux-ci prescrivent selon les besoins des malades. En réalité, votre objectif est uniquement de ponctionner le plus grand nombre, sans vous soucier des conséquences en termes d’accès aux soins.

La qualité et la rapidité de l’accès aux soins sont aussi déterminées par la démographie médicale et par l’homogénéité de la répartition géographique des médecins. L’absence de réelle organisation de la médecine libérale montre aujourd’hui ses limites, car les disparités régionales sont criantes. La Picardie est, à cet égard, l’une des régions les moins bien loties. En effet, l’Aisne compte trois fois moins de médecins pour 100 000 habitants que Paris, alors que leur rémunération moyenne y est supérieure de 13 % à celle de leurs confrères d’Île-de-France. Il est flagrant que, malgré leur coût très élevé – ainsi que l’a souligné le rapport de la Cour des comptes –, les mesures incitatives à l’installation n’ont pas fait la preuve de leur efficacité.

Il est donc temps de préconiser des solutions qui conjugueraient la modification du numerus clausus, anticipant ainsi la baisse de la démographie médicale, et sa régionalisation, qui permettrait de lutter contre les déserts médicaux. Certaines politiques incitatives pourraient être poursuivies et amplifiées, mais uniquement dans la mesure où elles ont prouvé leur efficacité. De toute façon, elles ne suffiront pas. Mme Fraysse a évoqué ce sujet tout à l’heure et vous ne lui avez pas répondu, madame la ministre.

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Je n’avais pas à lui répondre !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Je n’aborderai donc pas, faute de temps, la politique du médicament et la T2A. Vous avez parlé d’un virage à négocier de manière déterminée, madame la ministre. Prenez garde qu’il ne vous conduise pas dans le mur, car vous persistez à ne regarder que dans une seule direction, et ce n’est pas la bonne.

Mme Jacqueline Fraysse. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale du quinquennat est un texte majeur non seulement parce qu’il porte, comme chaque année, sur des dépenses bien supérieures à la loi de finances, mais aussi et surtout parce qu’il doit faire face à une dégradation préoccupante des comptes sociaux, à laquelle on pouvait d’ailleurs s’attendre depuis le déclenchement, le 29 mai 2007, de la procédure d’alerte sur l’évolution de l’ONDAM.

Cette dégradation est malheureusement structurelle, à en juger par les projections pluriannuelles contenues à l’annexe B du projet de loi. Ainsi, malgré un scénario économique relativement optimiste prévoyant une croissance annuelle de 2,5 % et une progression de la masse salariale de 4,4 % – qualifiée par le texte d’hypothèse basse –, le déficit du régime général devrait atteindre encore 7,6 milliards d’euros à l’horizon 2012. D’ici là, les déficits cumulés, toutes branches confondues, durant la période 2008-2012 s’élèveront à plus de 42 milliards d’euros. Or il devient de plus en plus difficile d’assurer le financement de ces déficits puisque, d’une part, le coût du travail est déjà très lourdement pénalisé par le poids des charges sociales et que, d’autre part, l’endettement des générations futures est relativement important, la dette sociale portée par la CADES s’élevant à plus de 100 milliards d’euros.

Le Gouvernement a parfaitement saisi la gravité de la situation, puisque son projet de loi comporte plusieurs mesures structurelles. Je tiens à saluer en premier lieu la décision qui consiste à instaurer une franchise de 50 centimes sur les actes paramédicaux et les boîtes de médicaments et de 2 euros par transport en ambulance, dans la limite de 50 euros par an. Cette décision courageuse, annoncée avec la plus grande clarté lors de la campagne présidentielle, permet de trouver des ressources nouvelles pour l’assurance maladie, sans peser trop lourdement sur les assurés sociaux. Certains ont brandi le spectre d’une remise en cause des fondements de la sécurité sociale. Il faut raison garder, car on sait que ces franchises correspondent à une dépense maximale de quatre euros par mois,…

M. Gérard Bapt. Ce n’est pas écrit !

M. Dominique Tian.… dont sont en outre exonérés les bénéficiaires de la CMU, les femmes enceintes et les mineurs.

Au reste, il faut ne pas perdre de vue que notre système d’assurance maladie est l’un des plus équitables des pays développés puisque, comme l’a rappelé le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, les régimes obligatoires remboursent 76 % des dépenses globales de santé.

Outre la franchise, ce texte instaure des mécanismes vertueux, tels que le financement intégral des hôpitaux à l’activité dès 2008, les mesures de maintien en activité des seniors et le renforcement de la lutte contre les abus et la fraude sociale. Il restaure des relations financières saines entre les organismes de sécurité sociale et l’État, grâce à l’apurement de la dette de ce dernier pour un montant supérieur à 5 milliards d’euros.

Néanmoins, plusieurs dispositions de ce texte pourraient être affinées. S’agissant de l’article 10, qui vise à dissuader les mises à la retraite à l’initiative de l’employeur, le mécanisme proposé pénalise de manière beaucoup trop uniforme toute mise à la retraite. Il serait peut-être plus judicieux de prévoir des pénalités dégressives en fonction de l’âge auquel interviennent les mises à la retraite. Il serait également opportun de régler dès à présent la question de l’utilisation du compte épargne-temps, notamment l’accumulation des droits dans les trois fonctions publiques. De même, le PLFSS 2008 devrait fournir l’occasion de revenir à une situation plus équitable envers le travail peu qualifié, qui, depuis la loi TEPA, est pénalisé par la non-prise en compte des temps de pause dans l’assiette des allégements Fillon.

L’article 13, présenté comme devant favoriser l’intégration de personnes exerçant de petites activités économiques, mérite de voir ses conséquences sérieusement évaluées s’agissant d’une procédure dérogatoire d’affiliation au régime général, d’autant qu’une expérimentation sur cinq ans équivaut quasiment à une pérennisation.

Quant à l’article 23, qui fixe l’autorisation de plafonds de trésorerie pour le régime général à un niveau historique – 36 milliards d’euros –, il suscite de nombreuses questions. Il ne s’agit plus d’un déficit de trésorerie, mais manifestement d’une possibilité supplémentaire d’augmenter la dette sociale hors des mécanismes vertueux instaurés par la loi organique de 2005.

M. Gérard Bapt. Eh oui !

M. Dominique Tian. En outre, il faut être conscient des conséquences d’une telle mesure en termes de frais de trésorerie, à l’heure où l’on observe de grandes tensions sur les marchés des taux d’intérêt. En 2007, les frais financiers au titre de la branche maladie se sont élevés à quelque 670 millions d’euros, soit bien davantage que les 440 millions que rapporte la contribution forfaitaire de 1 euro.

Par ailleurs, l’instauration de la T2A à l’hôpital dès 2008 ne doit pas, comme le propose l’article 42, être amoindrie par l’abandon de la convergence tarifaire entre les établissements de santé des secteurs public et privé.

Enfin, les diverses mesures de lutte contre la fraude pourraient être utilement complétées, notamment par un renforcement de la coopération entre l’assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires ou par l’obligation pour les bénéficiaires de la CMU d’accepter la délivrance de médicaments génériques.

Mme Catherine Lemorton. Comme pour les autres !

M. Dominique Tian. Tout à fait, ni plus ni moins que les autres.

En conclusion, en dépit de ces quelques suggestions d’amélioration du texte, je reprendrai l’image utilisée par Éric Woerth qui, en présentant ce texte devant la commission des comptes de la sécurité sociale, avait souligné la nécessité, face aux dérapages des comptes, de « contre-braquer » avant de pouvoir accélérer les réformes. Vous pourrez toujours compter sur notre appui dans cette tâche difficile, mais essentielle pour sauvegarder l’un des piliers fondamentaux de notre pacte social. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mon temps de parole étant limité à cinq minutes, je ne reviendrai pas sur les problèmes de déficit que j’ai évoqués lors des explications de vote sur l’exception d’irrecevabilité, sinon pour répondre à M. Bertrand. Celui-ci a affirmé que si le déficit de l’assurance maladie avait été divisé par deux entre 2004 et 2006, c’était grâce à la réforme de 2004. Or un rapport de la Cour des comptes a montré que les deux tiers de cette diminution étaient dus à des recettes nouvelles provenant des assurés et des patients, le tiers restant étant représenté par les économies réalisées sur les indemnités journalières et par les génériques, dont l’utilisation a ralenti la progression des dépenses pharmaceutiques. Au plan de la maîtrise médicalisée proprement dite, la réforme de 2004 est donc un échec, dont témoigne encore le dérapage de 50 % par rapport au déficit prévu en 2006.

Pour la première fois depuis que des gouvernements de droite présentent un projet de loi de financement de la sécurité sociale devant le Parlement, il n’est pas possible, malgré les recettes nouvelles trouvées année après année auprès des assurés et des patients, d’obtenir l’équilibre ou même la stabilisation du déficit, ni de répondre aux besoins existants en matière de santé sans entreprendre des réformes structurelles. Ces réformes, vous avez eu le mérite de les évoquer, madame la ministre. Mais les besoins actuels se font sentir tous les jours et ils ne sont pas liés uniquement aux déserts médicaux ou aux difficultés d’accès aux soins dues aux inégalités financières. Ainsi, lors de la dernière réunion de l’OPEPS, notre collègue Jean Bardet, qui présentait un rapport sur la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux, indiquait que, pour parvenir aux 140 unités neuro-vasculaires prévues, contre 58 actuellement, il fallait consacrer 150 millions d’euros par an – les hôpitaux disposant déjà de plateaux techniques élaborés, puisqu’ils sont capables de réaliser des thrombolyses dans les premières heures suivant un accident vasculaire cérébral.

Vous avez cité d’autres besoins qui seraient satisfaits par le produit de la franchise, soit 850 millions d’euros : le cancer, Alzheimer, les soins palliatifs. Au-delà du paradoxe selon lequel les malades paient pour les malades, comment croire qu’il s’agit d’autre chose que d’une nouvelle recette ? On se rappelle en effet que, pendant la campagne présidentielle, M. Sarkozy – dont M. Bertrand était le porte-parole – avait indiqué que le montant de la franchise dépendrait de l’ampleur du déficit et que la franchise pourrait même être supprimée le jour où le déficit aurait disparu.

M. Arnaud Montebourg. On s’en souvient !

M. Gérard Bapt. Aujourd’hui, on s’aperçoit qu’il s’agit bien d’une nouvelle franchise qui s’ajoute à d’autres déremboursements.

M. Arnaud Montebourg. À chaque problème une franchise !

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Les socialistes nous ont montré la voie, avec le forfait hospitalier !

M. Arnaud Montebourg. Vous leur faites une concurrence déloyale !

M. Gérard Bapt. Mais on constate que, dans tous les pays européens comparables aux nôtres, le corps social est résistant à la notion de franchise. Les sondages persistent ainsi à montrer que les Français sont farouchement attachés au principe de solidarité et d’universalité de la sécurité sociale, dont les principes avaient été posés à la Libération. Au reste, l’éditorial signé par M. Kessler dans l’hebdomadaire Challenges est intéressant à cet égard.

M. Arnaud Montebourg. Très intéressant, en effet !

M. Gérard Bapt. M. Kessler estime en effet que le mérite de Nicolas Sarkozy est de commencer à démanteler le système de protection sociale mis en place par le programme du Conseil national de la Résistance.

M. Lionnel Luca. M. Kessler n’est pas le porte-parole de Nicolas Sarkozy !

M. Gérard Bapt. Peut-être se trompe-t-il, en effet, en lui prêtant de telles intentions. Mais, lorsque le Président de la République présente le débat que vous voulez lancer sur le financement de la santé, madame la ministre, il pose la question suivante : qu’est-ce qui doit être financé par la solidarité nationale et qu’est-ce qui doit relever de la responsabilité individuelle, c’est-à-dire d’une assurance complémentaire privée ?

Certes, il s’agit d’une question, mais M. Kessler y répond de la même façon qu’au début des années 90, lorsqu’il interpellait le gouvernement de l’époque pour réclamer la définition d’un nouveau panier de soins, c’est-à-dire la distinction entre ce qui relève de l’assurance maladie obligatoire et ce qui relève de l’assurance privée.

Pour notre part, madame la ministre, nous défendons un système de protection basé sur les principes d’universalité et de solidarité, – n’en déplaise à M. Kessler qui les juge sans doute archaïques –, un système prévu pour prendre en charge tous les malades et toutes les maladies lors de sa mise en place par le Conseil national de la résistance, à laquelle un certain Charles de Gaulle, alors président du Conseil, avait pris part. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Arnaud Montebourg. Nous attendons une réponse, madame la ministre !

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Vous l’aurez à la fin de la discussion générale !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Mesdames les ministres, les chiffres du déficit des comptes sociaux que vous nous demandez d’entériner sont une preuve supplémentaire de la faillite de la politique UMP de culpabilisation des assurés sociaux et de restriction des droits, une politique que vous mettez en œuvre depuis les lois de 2003 et 2004, tant dans la branche maladie que dans la branche vieillesse. Alors que la loi Douste-Blazy était censée ramener les comptes de l’assurance maladie à l’équilibre pour 2007, les déficits n’ont cessé de se creuser. Vous qui aimez tant évoquer le passé, vous ne m’en voudrez pas de mentionner les conséquences de l’action de votre précédent gouvernement. Ainsi pour 2007, le déficit s’établit à 11,7 milliards d’euros alors qu’il était prévu à 8 milliards d’euros pour le régime général – sans parler des autres régimes, notamment le régime agricole, qui devient un puits sans fond.

Vous restez dans l’irresponsabilité en refusant toute nouvelle recette significative – pas plus de 2 milliards d’euros prévus –, laissant le déficit prévisionnel à 9 milliards pour 2008, quand vous faites voter 15 milliards de cadeaux fiscaux en juillet. Au lieu d’engranger 3 milliards d’euros en mettant en œuvre les propositions de la Cour des comptes consistant à taxer les stock-options – des propositions que j’ai moi-même reprises au nom des Verts au cours des cinq dernières années, notamment sous forme d’amendements au PLFSS –, vous ne proposez qu’une mesurette de taxation des stock-options à 2,5 %, étant précisé que vous n’hésitez pas, dans le même temps, à porter à 7,5 % la CSG sur les préretraites.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. C’est 2,5 % plus 2,5 % ! Vous auriez dû lire l’amendement, madame !

Mme Martine Billard. Avec la multiplication des franchises médicales non remboursées, particulièrement injustes socialement, ce sont les assurés – et surtout les malades – qui paieront. Ces 50 euros « seulement », comme vous l’avez dit, madame, se cumulent avec une autre franchise de 50 euros ; à cette somme qui atteint déjà 100 euros, il convient d’ajouter les autres franchises, ainsi que les déremboursements, dont la liste s’allonge sans arrêt, et les dépassements d’honoraires, qui deviennent la règle dans toutes les spécialités – dépassements contre lesquels vous n’avez pas l’intention de lutter, puisqu’ils ne grèvent pas le budget de l’assurance maladie, mais seulement celui des malades.

M. Arnaud Montebourg. Les dépassements représentent 2 milliards !

Mme Martine Billard. Le rapport de l’IGAS d’avril dernier a pourtant clairement montré que ces dépassements constituent une entrave à l’égalité dans l’accès aux soins. Subissant déjà les dépassements d’honoraires, les malades en ALD, les personnes handicapées ou dépendantes, les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles sont censées être « responsabilisées » par ces franchises médicales, alors que, dans leur immense majorité, elles ne sont responsables en rien de leur maladie. Pire, si on prend le cas de l’amiante, les divers responsables n’ont toujours pas été traduits en justice. Quant aux personnes atteintes par la maladie d’Alzheimer, elles ne seront même pas exonérées d’une franchise censée permettre de lutter contre cette maladie, et sont donc deux fois victimes.

L’état des déficits ne doit pas être le prétexte pour n’adopter que des raisonnements comptables qui aboutiront finalement à un démantèlement de la sécurité sociale suivi d’un transfert aux assureurs privés. Nous ne sauverons pas l’assurance maladie sans un changement de notre système de santé. Il faut penser « santé pour tous » et non « accès aux soins pour quelques-uns ».

L’envolée des dépenses de santé est certes due en partie au vieillissement de la population, mais pas uniquement. Les maladies infectieuses ne sont plus la première cause de mortalité, désormais attribuée aux maladies chroniques comme les maladies cardiovasculaires et les cancers. Entre 1994 et 2004, la hausse du nombre d’ALD a été de 73,5 %. Les progressions les plus fortes concernent les cancers, notamment d’origine environnementale – résultant, par exemple, de l’exposition à des substances dangereuses – et le diabète. Les ALD représentent 60 % des dépenses de santé.

La solution n’est pas de punir les victimes en les faisant payer toujours plus, mais d’agir à la source des pathologies. La prévention, ce n’est pas que le dépistage et les messages d’information adressés aux assurés, mais aussi la réduction des risques sanitaires en amont, avec une politique active de protection de l’environnement et de la santé au travail. Il s’agit d’agir pour une meilleure nutrition en réduisant les teneurs en sucre, sels et graisses sursaturées dans les produits alimentaires – au lieu de se contenter de quelques messages en marge des spots publicitaires –, de diminuer l’usage nocif des pesticides, d’améliorer les conditions de travail pour faire baisser les troubles musculo-squelettiques ou les dépressions. Or, à voir les coupes claires effectuées par le Gouvernement dans les propositions du groupe de travail sur la santé du Grenelle de l’environnement, la seule politique de nature à rééquilibrer les comptes sociaux tout en améliorant la santé des Français n’est malheureusement toujours pas d’actualité.

Pour réduire intelligemment les dépenses de santé, il faudrait lutter énergiquement – beaucoup plus qu’à l’heure actuelle – contre la surconsommation de médicaments et encadrer les pratiques des laboratoires pharmaceutiques, dont les représentants médicaux poussent toujours plus à la consommation. Ainsi, les bases de données constituées à partir de statistiques de consommation de médicaments fournies par les pharmacies permettent aux laboratoires d’inciter localement à la consommation de populations ciblées. Or, contrairement à ce que l’on a pu entendre, les laboratoires ne sont pas à plaindre : avec 15 % de bénéfices nets annuels, ils préfèrent rémunérer largement leurs actionnaires plutôt qu’investir dans la recherche, Ils ne seront pourtant que faiblement mis à contribution dans ce PLFSS. Il devient urgent de revoir toute la procédure de négociation du prix des médicaments ainsi que la notion de service médical rendu. Rien ne justifie le remboursement de molécules sans utilité supplémentaire ou complémentaire par rapport aux précédentes.

Si nous subissons l’échec patent de la loi Douste-Blazy de 2004 en termes économiques, nous sommes également dans l’impasse sur les questions de démocratie sanitaire. Les associations de victimes ou de malades, qui représentent les usagers du système de santé, ne disposent que d’une représentation limitée, puisqu’elles n’ont qu’un strapontin à la CNAMTS et sont exclues de l’UNCAM. Il y a pourtant urgence à réunir tous les acteurs concernés – Gouvernement et représentants des associations de santé, mais aussi associations de malades, représentants des usagers de la santé et syndicats – dans une négociation sur la santé que les députés Verts appellent de leurs vœux. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons reconstruire un programme de santé qui préserve la sécurité sociale pour tous, que nous pourrons éviter une privatisation de la médecine au moyen de la définition d’un panier de soins ou de la prise en charge par les assurances privées, privatisation qui contraindrait les personnes disposant des plus faibles revenus à se contenter d’une couverture extrêmement réduite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Arnaud Montebourg. Nous aimerions que Mme la ministre nous réponde, au moins sur les dépassements d’honoraires !

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Je vous répète que je répondrai à la fin de la discussion générale !

M. Arnaud Montebourg. Pourquoi pas dès maintenant ?

M. le président. Pour l’heure, monsieur Montebourg, nous sommes dans la discussion générale.

M. Arnaud Montebourg. Un ministre peut s’exprimer quand il le veut !

M. le président. C’est sa liberté !

M. Lionnel Luca. En tout cas, M. Montebourg n’a pas la liberté de présider !

M. le président. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tel Sisyphe roulant son rocher, le législateur serait-il condamné à cette tâche sans fin consistant à concilier équilibre des comptes sociaux et santé pour tous sans jamais trouver la solution ? En cinquante ans, la part des dépenses sociales dans le PIB a été multipliée par trois. Aujourd’hui, les dépenses de santé représentent près de 200 milliards d’euros, soit plus de 3 000 euros par habitant. Depuis 2003-2004, le législateur, conscient des difficultés financières, a tenté, en vain, de rectifier l’orientation déficitaire.

Cet après-midi, madame la ministre, on a évoqué un budget de continuité ou de rupture. Je pense pour ma part qu’il est fondé à la fois sur les deux principes : la continuité dans la protection de l’individu, mais aussi la rupture avec l’immobilisme et le conservatisme. Ce budget se fixe comme objectif de rompre avec les déficits tout en préservant les qualités de notre système ; son action ne pourra toutefois être couronnée de succès que s’il est également accompagné de nouvelles orientations.

Au-delà des mesures existantes, le projet actuel se propose d’aller plus loin en instaurant une logique d’efficacité, notamment au moyen de la présentation des programmes de qualité et d’efficience. Pour cela, il se fixe cinq objectifs : assurer la viabilité des régimes, veiller à l’équité du prélèvement social, concilier au mieux protection sociale et emploi, simplifier les procédures de financement, améliorer l’efficience du système – ce qui est possible grâce à l’excellente mesure consistant à confier à un seul responsable la gestion de l’ensemble des comptes publics, ce qui rend inutiles de nombreux transferts de responsabilités entre les uns et les autres.

Les mesures ambitieuses comprennent notamment le développement des génériques, la généralisation de la T2A dans les hôpitaux publics, la réduction très équilibrée des niches sociales par une taxation des stock-options, la lutte contre les fraudeurs, l’application d’une franchise juste, assortie d’un seuil, dans deux secteurs actuellement à la dérive – les médicaments et les transports – et une meilleure répartition des médecins sur le territoire, préparée dans un esprit de dialogue avec les jeunes praticiens.

La modernisation de l’offre de soins par la mise au point d’un contrat-type élaboré par 1’UNCAM, le développement complémentaire des médecines douces, la promotion de la santé des femmes, la poursuite de la convergence tarifaire intersectorielle, et la recherche systématique de la meilleure solution qualitative, de même que la prévention, le dépistage, et l’éducation à la santé, sont autant de pistes à développer.

Enfin, à l’heure du Grenelle de l’environnement, il serait paradoxal que le monde de la santé soit le seul à ne pas se préoccuper de développement durable en initiant de nouvelles avancées dans ce domaine. Je connais d’ailleurs l’intérêt que porte Mme la ministre à ces sujets. La création d’une agence de la recherche et du développement durable en santé pourrait répondre à cette préoccupation.

« Les magnifiques ambitions font faire les grandes choses » disait Victor Hugo. En contribuant à sauvegarder notre système de santé et en le rendant plus efficace, madame la ministre, vous assurez le présent et l’avenir de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Pinville.

Mme Martine Pinville. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous examinons a pour ambition de ramener le déficit actuel, s’élevant à 14 milliards d’euros pour 2007, à 9 milliards d’euros en 2008.

Permettez-moi d’abord d’établir le constat d’un double échec : celui des réformes des retraites de 2003 et des réformes de l’assurance maladie de 2004, en dépit des sacrifices demandés. Aucun des défis lancés à notre société – concilier efficacité économique, solidarité et réponse aux besoins de santé et de prévoyance – n’a été relevé. Dans les faits, avec les franchises médicales et le durcissement des conditions d’accès à la retraite, vous poursuivez dans la même voie.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale présente deux caractéristiques majeures : une remise en cause du principe de solidarité fondateur de notre système même de sécurité sociale, et une fragilisation de la qualité de prise en charge de l’ensemble des assurés sociaux.

Les nouvelles franchises médicales, outre le fait qu’elles seront sans doute aussi inefficaces que celles instaurées par la réforme Douste-Blazy, reposent sur la pénalisation des assurés sociaux par une réduction des remboursements ; leur mise en place n’a pas été justifiée comme une mesure de responsabilisation des malades ou un moyen de combler les déficits, mais comme un levier de ressources nouvelles pour financer la lutte contre le cancer, le plan Alzheimer, ou le développement des soins palliatifs. En fait, il s’agit purement et simplement de nouveaux déremboursements qui pénalisent une fois de plus les plus modestes et remettent en cause le principe même de solidarité sur lequel est fondé notre système de sécurité sociale.

Dans le même sens, comment ne pas s’inquiéter de la part croissante des exonérations de cotisations sociales non compensées par l’État dans ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui le déficit de la sécurité sociale ?

Ne nous leurrons pas, un manque à gagner demeure pour les comptes de la sécurité sociale entre le montant de la compensation par l’État et celui des exonérations patronales en faveur des employeurs au titre des « aides pour l’emploi », qui constituent autant de cotisations non perçues par les URSSAF.

En la matière, ne devrions-nous pas nous poser les bonnes questions ? Ainsi, toutes ces exonérations sont-elles destinées à favoriser un emploi stable et correctement rémunéré ? Nous pouvons très sérieusement en douter et émettre par expérience quelques réserves.

Dans tous les cas, cette situation est préjudiciable pour les comptes sociaux et pour le budget de l’État. Comment donc, au nom du principe de solidarité, adopter des franchises, qui pénalisent les assurés sociaux, notamment les plus faibles, et continuer à accorder des exonérations de charges, pas toujours compensées par l’État, qui n’assume pas ainsi ses devoirs ?

L’autre point qui me tient tout particulièrement à cœur porte sur l’égalité dans l’accès aux soins et, plus généralement, sur la qualité de la prise en charge des assurés sociaux, quelles que soient leurs conditions sociales et leur localisation géographique dans l’ensemble des quartiers et dans tous les cantons ruraux, même les plus éloignés.

Aujourd’hui, c’est un constat partagé par tous et qui est sous les feux de l’actualité. Nous voyons en effet se multiplier les difficultés d’accès aux soins dans bon nombre de territoires. Absence de médecins généralistes, difficulté de la permanence de soins, le soir ou le week-end, engorgement des urgences, délais d’attente inacceptables pour certains spécialistes : la liste est longue des lieux et temps où l’accès à la prise en charge médicale des patients n’est pas assurée dans des conditions au moins satisfaisantes. N’est-ce pas à l’État, qui définit les objectifs de la politique de santé publique, de garantir l’accès effectif des assurés sociaux sur l’ensemble du territoire?

M. Christian Paul. Eh oui !

Mme Martine Pinville. Le temps des vaines incantations en la matière est révolu. Face à cette situation de pénurie de l’offre de soins, il y a urgence à trouver des solutions et à définir un schéma d’organisation sanitaire par territoire pour la médecine de premier recours. Devant l’échec des politiques d’incitation en milieu rural, la tentation d’adopter des mesures coercitives est grande. Méfions-nous des solutions simplistes qui doivent tout régler. Certes, nous pouvons obliger tel ou tel jeune professionnel de santé à s’installer dans un quartier prioritaire ou dans un canton rural. Mais, dans le même temps, nous condamnons un ou plusieurs services de l’hôpital de proximité le plus proche et souvent, à moyen terme, toute la structure.

Les pistes de travail sont nombreuses et doivent être complémentaires. Il est indispensable que chaque assuré social puisse avoir accès, dans de bonnes conditions, aux soins de premiers recours, à une permanence de soins la nuit et le week-end, et à un service d’urgence dans un délai raisonnable. Parallèlement, les hôpitaux de proximité devront être renforcés et modernisés, pour répondre aux besoins de soins des populations concernées.

Voilà toutes les raisons pour lesquelles le projet de loi que vous nous proposez n’est pas bon. C’est un projet d’attente qui ne propose pas les véritables réformes dont nous avons besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Rolland.

M. Jean-Marie Rolland. Monsieur le président, mesdames les ministres, j’interviendrai sur les problèmes de sélection, de formation des étudiants en médecine, de démographie et de permanence des soins. Nombre d’orateurs ont déjà abordé ces sujets, mais certains de nos territoires, notamment ruraux, connaissent une grave crise démographique s’agissant des professionnels de santé. Ainsi, le nombre de médecins exerçant la médecine générale en secteur 1 a diminué dans nos territoires. Ils ne sont pas remplacés lorsqu’ils partent à la retraite. Et, dans certaines zones, la permanence de soins est devenue un parcours du combattant. Les vocations sont taries. Le résultat de l’examen classant national, le grand amphi au cours duquel les nouveaux internes choisissent leur spécialité, montre que la spécialité de médecine générale est peu choisie ou choisie par défaut. C’est ainsi que 12 000 médecins généralistes n’exerceraient pas leur profession aujourd’hui en France. L’image dégradée, le mode de sélection des étudiants en PCEM1, les conditions d’exercice, surtout lorsque celui-ci est solitaire, n’attirent plus les jeunes générations, qui privilégient leur vie familiale ou personnelle.

Tout cela doit nous conduire à des gestes forts où chaque acteur doit prendre ses responsabilités : faire connaître le métier aux étudiants en médecine, multiplier les stages auprès des praticiens, faire intervenir ceux-ci à la faculté, partager le temps d’internat en deux parties égales, une moitié à l’hôpital et l’autre sur le terrain, améliorer les conditions d’exercice en favorisant les regroupements professionnels, maison de santé, maison de garde. Mais il faut aussi que tout le monde joue le jeu : la faculté, en ouvrant ses portes aux médecins de ville, en rappelant l’intérêt d’une médecine globale, humaniste où l’examen clinique est privilégié sur les examens techniques, la profession médicale, les syndicats, le conseil de l’Ordre qui doivent prendre leurs responsabilités. Je pense à des mesures simples : favoriser les remplacements, faire mieux connaître la possibilité d’exercer en plusieurs lieux. L’assurance maladie, quant à elle, doit se fixer l’objectif de perfectionner le parcours de santé en valorisant la médecine de famille. Il n’est pas normal que l’avenant n° 20 de la convention médicale ne soit pas appliqué entièrement. Je me plais à penser que, si l’assurance maladie mettait autant d’énergie à réaliser cet objectif de favoriser le parcours de soins qu’elle en a mis à mettre en place les délégués à l’assurance maladie, nous avancerions grandement sur ce point.

S’agissant du numerus clausus, il faudra sans doute le régionaliser. Nous aurons, je l’espère, l’occasion de l’envisager dans le cadre des agences régionales de santé, par exemple.

Voilà quelques pistes, sans doute trop rapidement survolées. Mais, vous le savez, mes chers collègues, l’attente de nos compatriotes est très forte. Il ne faut donc se priver d’aucune piste, d’aucune expérience, d’aucune réussite. L’égalité de l’accès aux soins est un élément important du pacte républicain et je souhaite ardemment que ce projet de loi de financement de l’assurance maladie y participe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Madame la ministre, alors que vous venez aujourd’hui défendre votre projet de loi devant la représentation nationale, tant le bilan de votre action que le contenu de ce texte nous invitent à la défiance et au scepticisme. Les comptes du régime général accuseront cette année, en effet, un déficit abyssal de 11,7 milliards d’euros, un niveau proche du triste record de 13,2 milliards atteint en 2004.

M. Christian Paul. Où est M. Bertrand ?

M. Michel Issindou. Après l’épisode excédentaire de 1999 à 2001, le retour aux affaires de la droite a coïncidé avec une dégradation continue de la situation financière de la sécurité sociale. Malheureusement pour vous, ces chiffres sont incontestables !

Si ces résultats déplorables sont en partie imputables à une croissance économique que vous n’avez pas su stimuler, ils signent également l’échec des politiques sociales engagées depuis 2003 et en particulier celui de la réforme des retraites mise en œuvre par celui qui conduit actuellement votre gouvernement.

Aucune amélioration n’est malheureusement à attendre du PLFSS 2008, qui ne règle en rien les problèmes structurels plombant les comptes sociaux et qui porte donc en germe un nouveau dérapage des déficits, que vous estimez à 8,9 milliards d’euros. Alors que la situation exige des transformations d’ampleur, vous ne nous prévoyez que des retouches homéopathiques.

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. C’est excellent, l’homéopathie !

M. Michel Issindou. Le vieillissement démographique et le coût toujours croissant de la prise en charge des pathologies lourdes légitimaient, sans attendre, des mesures de fond visant à la rationalisation et la réorientation de la dépense maladie. Tel n’est, hélas, pas le cas. En effet, selon le Haut conseil de la santé, les ALD, les affections de longue durée, représentent aujourd’hui 60 % des remboursements de santé et elles en représenteront 70 % en 2015.

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Tout à fait !

M. Michel Issindou. Malgré l’importance des sommes consacrées au dispositif ALD, plus d’un million de ceux qui en sont bénéficiaires doivent s’acquitter de restes à charge atteignant plus de 600 euros et cela indifféremment de leur niveau de revenu. Ces inégalités, conjuguées au poids financier de ce dispositif, rendent urgente sa réforme afin d’en améliorer l’efficacité. Les pistes de travail concernent notamment la redéfinition du périmètre des ALD et la refonte globale du dispositif pour y intégrer une démarche préventive. Privilégiant les réformes médiatiques aux réformes essentielles, vous n’avez pas souhaité, pour l’heure, vous attaquer à ce chantier nécessaire.

Votre projet de loi ne contribuera pas non plus à réguler les dépenses de remboursements de médicaments. Il est ainsi rappelé par votre gouvernement que, dans notre pays, 90 % des consultations se terminent par une prescription médicamenteuse, soit le double du taux observé en Europe. Les effets pervers de cette frénésie de l’ordonnance sont connus : la consommation de médicaments qui se marient mal entraîne plus de 100 000 hospitalisations par an. Ce constat négatif appelle des mesures sérieuses visant à une plus grande responsabilisation des médecins et des patients dans leurs pratiques de prescription et de consommation.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Très bien ! C’est l’objet des franchises !

M. Michel Issindou. Face à cet enjeu majeur, vous proposez pour principale réponse l’instauration d’une taxe franchise de 50 centimes par boîte de médicaments. Faire évoluer les comportements en la matière nous semble réclamer des actions plus sérieuses !

Plus préoccupante encore est la situation largement déficitaire du régime vieillesse. Les hypothèses de croissance fantaisistes retenues en 2003 annonçaient, dès l’origine, les défauts de financement aujourd’hui constatés. Plutôt que de préparer une remise à plat du système dans sa globalité, en concertation avec les partenaires sociaux, votre gouvernement s’emploie à mystifier l’opinion en laissant croire que les difficultés actuelles trouveront leur solution dans la suppression des régimes spéciaux dont on sait qu’ils ne représentent que 6 % des pensions versées.

Faute de s’attaquer aux problèmes de fond, il est d’ores et déjà annoncé que le Gouvernement échouera dans sa tentative de maîtrise des déficits.

Ce pronostic est d’autant plus aisé que les objectifs globaux que vous avez fixés en matière de dépenses sont irréalistes. En ce qui concerne les dépenses hospitalières, les organisations professionnelles concernées soulignaient en juillet 2007 que l’augmentation de l’ONDAM hospitalier ne saurait valablement être inférieure à 3,5 %. En fixant cette progression à 3,2 %, votre gouvernement intensifie la contrainte budgétaire pesant sur les établissements publics de santé et les encourage à camoufler leurs déficits au mépris des règles comptables les plus élémentaires, comme le fait notamment remarquer la Cour des comptes. Si la généralisation de ces pratiques vous aide à sauvegarder les apparences en rognant sur les chiffres, elle reporte les charges sur l’avenir et compromet d’autant le retour à l’équilibre que vous promettez.

Enfin, que dire du financement de ce projet de loi ? Qu’il marque la poursuite de l’injustice qui caractérise la politique de votre gouvernement. Dans la droite ligne des 14 milliards de cadeaux fiscaux…

M. Christian Paul. 15 milliards !

M. Michel Issindou. …que vous avez accordés aux plus nantis, en juillet dernier, vous instaurez un système de franchises qui contribuera à faire financer les dépenses de santé par les plus modestes et surtout les plus malades. C’est là, non pas comme vous semblez le faire croire une ressource miracle, mais le début d’un détricotage de la couverture sociale. Et quand bien même l’effort de responsabilisation justifierait aujourd’hui d’associer les assurés à la prise en charge des coûts, il est des solutions moins inégalitaires pour y parvenir.

Confrontés à des réactions indignées et critiqués par la Cour des comptes, vous considérez aujourd’hui d’autres possibilités de financement et acceptez le principe d’un impôt sur les revenus annexes des salariés. Il va sans dire que cette conversion s’opère à contrecoeur tant votre équipe est attachée au maintien des privilèges dont bénéficient la minorité de détenteurs de stock-options.

M. le président. Il faut conclure !

M. Michel Issindou. Les recettes de 400 millions d’euros issues de la taxation à laquelle vous avez finalement consenti sont sans commune mesure avec les 3 milliards d’euros que l’on pouvait légitimement escompter après la lecture de rapports rédigés par des gens bien intentionnés.

Madame la ministre, vous êtes bien placée pour savoir que, lorsque l’on souhaite contenir les dépenses et optimiser les recettes, les moyens existent. Durant ces cinq années, l’incapacité de votre gouvernement à ramener les comptes à l’équilibre apparaît donc suspecte. Elle est un aveu d’insuffisance, tout autant peut-être qu’un calcul politique destiné à montrer que notre système de protection sociale, quoique généreux, ne serait pas financièrement soutenable. Fort de ce diagnostic, vous êtes résolue à administrer à la sécurité sociale un remède miracle qui a pour principaux ingrédients les déremboursements et les privatisations. Les franchises aujourd’hui instaurées sont un premier pas inquiétant dans cette direction.

M. le président. Conclure ne consiste pas à commencer une nouvelle démonstration.

M. Michel Issindou. Je conclus, monsieur le président.

Vous pourriez, madame la ministre, encore alourdir la fiscalité, en commençant bien sûr par les taxes les moins progressives.

Votre empressement à trouver des moyens de financement inégalitaires et votre réticence à faire financer le déficit par les plus prospères confirment aujourd’hui plus que jamais l’adage populaire selon lequel mieux vaut être riche et bien portant que pauvre et malade.

Madame la ministre, à l’aune de votre bilan et de votre projet de loi, les députés socialistes s’interrogent sur les garanties crédibles que vous pourriez aujourd’hui apporter à tous les Français, légitimement préoccupés par l’affaiblissement des principes de solidarité et de justice qui fondent le système de protection sociale auquel ils sont tant attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Selon un autre adage, monsieur Issindou, lorsqu’on a dépassé l’heure, ce n’est plus l’heure.

La parole est à Mme Michèle Delaunay, dernier orateur à intervenir ce soir.

Mme Michèle Delaunay. Monsieur le président, mesdames les ministres, le médecin que je suis sait, comme tous ici, combien une extrême rigueur dans la gestion de la sécurité sociale est nécessaire. Le pays en a conscience et y est prêt, mais sous certaines conditions, dont nous ne trouvons pas trace dans le projet de loi qui nous est présenté.

Quelles sont ces conditions ? Tout d’abord un contexte d’équité sociale et budgétaire. Or le paquet fiscal qui a été adopté en juillet va tout au contraire.

La deuxième condition consiste en l’équité territoriale dans l’accès et la permanence des soins. Mais vous avez suspendu les mesures qui pouvaient peut-être – même mal – y contribuer.

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. De quelles mesures parlez-vous ?

Mme Michèle Delaunay. Du conventionnement modulable, dont le Président de la République a dit à Bordeaux qu’il la réévaluerait dans trois ans et qu’elle ne toucherait en aucun cas les actuelles générations d’étudiants. Vous l’avez entendu comme moi, nous étions assises côte à côte…

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Vous confondez deux choses différentes !

Mme Michèle Delaunay. Il faut aussi que l’effort nécessaire soit partagé, proportionné aux revenus et inversement proportionnel aux besoins. Tout au contraire, les franchises médicales fragilisent les plus pauvres et les plus vulnérables, et vont les écarter des soins alors même que ce sont eux qui en ont le plus besoin.

Cet effort doit être expliqué de manière précise et sincère, en donnant par exemple à connaître le coût des traitements et des soins induits par les maladies graves pour lesquelles la solidarité doit être pleinement engagée. S’abriter derrière le prétexte que les franchises serviront à financer la maladie d’Alzheimer et les cancers n’est pas une explication. En réalité, ces franchises serviront à combler, très partiellement, le déficit de la sécurité sociale, point à la ligne.

L’effort doit également être évalué, à tous les niveaux, qu’il s’agisse des nouvelles conventions mises en place alors même que l’on n’a pas encore apprécié l’effet des précédentes ou des traitements proposés une fois leur autorisation de mise sur le marché obtenue. Cette évaluation des soins et des pratiques doit être permanente.

Il faut encore que cet effort soit juste. Madame la ministre, si vous voulez être un tant soit peu crédible, vous ne pourrez pas faire l’économie d’une réglementation des dépassements d’honoraires.

Tout cela ne doit pas s’inscrire dans une perspective strictement budgétaire. Je pense comme vous, pour les bien connaître, qu’il faut revoir les ALD. Quand on sait ce que pèsent ces maladies, il importe de les revoir au bénéfice des patients, en améliorant notamment leur parcours de soins par une gestion personnalisée.

Il va sans dire que l’effort demandé doit s’intégrer dans une politique de santé publique. Vous avez parlé de prévention ; je n’ai pour ma part vu dans le texte aucune mesure de prévention, pas plus qu’il n’y est question de dépistage.

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. C’est faux !

Mme Michèle Delaunay. Permettez-moi de vous dire que les coûts de la santé ne sont pas là où l’on croit. Par exemple, le déficit en médecins scolaires – 1 200 pour 1,2 millions d’étudiants – …

Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Cela ne relève pas du PLFSS !

Mme Michèle Delaunay. Oh que si ! Les carences non soignées dans l’enfance se payent lourdement par la suite.

Enfin, pour affronter les défis du xxie siècle, ceux notamment de la santé et de l’allongement de la vie, il nous faut proposer aux Français un nouveau modèle de société. C’est un fait scientifique que les sociétés les plus justes et les moins inégalitaires sont celles qui se portent le mieux. Si nous ne pratiquons pas cette plus grande justice et cette plus grande égalité, nous irons, pardonnez-moi l’expression, droit dans le mur, dans le domaine qui nous occupe, c’est-à-dire celui du coût de la santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance

2

Ordre du jour
des prochaines séances

M. le président. Mercredi 24 octobre 2007, à neuf heures trente, première séance publique :

Discussion de la proposition de loi, n° 296, de MM. François Sauvadet, Charles de Courson et Jean-Christophe Lagarde et les membres du groupe Nouveau Centre relative au pluralisme et à l’indépendance des partis politiques :

Rapport, n° 304, de M. Jean-Christophe Lagarde, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement.

Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, n° 284 :

Rapport, n° 295, de MM. Yves Bur, Jean-Pierre Door, Denis Jacquat et Hervé Féron, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales :

Tome I de M. Yves Bur : Recettes et équilibre général ;

Tome II de M. Jean-Pierre Door : Assurance maladie et accidents du travail ;

Tome III de M. Hervé Féron : Famille ;

Tome IV de M. Denis Jacquat : Assurance vieillesse ;

Tome V de MM. Yves Bur, Jean-Pierre Door, Denis Jacquat et Hervé Féron : Tableau comparatif et amendements non adoptés par la commission.

Avis, no 303, de Mme Marie-Anne Montchamp, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 24 octobre 2007, à une heure quarante.)