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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2007-2008

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 3 avril 2008

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Jean-Marie Le Guen

1. Dépôt d’une motion de censure

M. le président

2. Organismes génétiquement modifiés

Discussion des articles (suite)

Article 1er (suite)

Amendements nos 112, 256, 17, 235, 236, 344, 18, 113, 205, 19, 206

Rappels au règlement

M. Jean-François Copé

M. Germinal Peiro

Reprise de la discussion

Amendement no 207

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Brard

3. Modification de l’ordre du jour prioritaire

M. le président

4. Organismes génétiquement modifiés

Discussion des articles (suite)

Article 1er (suite)

Amendements nos 476, 258, 237, 425, 258, 237, 425, 342, 345

Après l’article 1er

Amendements nos 116, 380, 381

Avant l’article 2

Amendements nos 259, 382

Article 2

M. Noël Mamère

M. François Grosdidier

Mme Jacqueline Fraysse

5. Ordre du jour de la prochaine séance


Présidence de M. Jean-Marie Le Guen,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Dépôt d’une motion de censure

M. le président. M. le président de l’Assemblée nationale a reçu à treize heures une motion de censure déposée par MM. Jean-Marc Ayrault, François Hollande et 226 membres de l’Assemblée, en application de l’article 49, alinéa 2, de la Constitution.

Conformément à l’article 153, alinéa 4, du règlement, je donne lecture de ce document.

« Au-delà des enjeux locaux, les Français ont adressé un message clair à l’occasion des élections des 9 et 16 mars derniers. »

M. François Brottes. C’est exact !

M. le président. « Ils ont censuré une politique économique et sociale qui a conduit à la détérioration de leurs conditions de vie. »

M. Germinal Peiro. Absolument !

M. le président. « Ils ont censuré le creusement des inégalités symbolisé par le gaspillage des 15 milliards d’euros du paquet fiscal en faveur des plus fortunés. »

Mme Delphine Batho. Tout à fait !

M. André Chassaigne. C’est vrai !

M. le président. « Ils ont censuré l’avalanche de promesses non tenues depuis dix mois par le Président de la République et le Gouvernement en matière de pouvoir d’achat, de protection sociale, d’environnement ou de logement. »

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas une avalanche, c’est une diarrhée !

M. le président. « Ils n’ont pas été entendus.

« Le chef de l’État, relayé par ses ministres, n’a eu de cesse de confirmer ses orientations et de minimiser sa responsabilité dans la crise de confiance que traverse le pays. Le plan d’austérité qui se met en place par touches successives, via notamment l’annulation massive de crédits publics et la remise en cause de réformes sociales, aurait suffi à justifier cette motion de censure. »

M. François Brottes. Nous aurions préféré que ce soit à M. Laffineur de lire la motion de censure ! (Sourires.)

M. le président. « Mais nous voulons aujourd’hui éclairer les Français sur la dangereuse rupture que sont en train d’opérer le Président de la République et son gouvernement avec le consensus national qui prévalait sur les principes d’indépendance militaire et stratégique de notre pays. »

M. François Brottes. Très bien, monsieur le président !

M. le président. « L’ouverture de négociations sur le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, la compréhension affichée envers la funeste intervention américaine en Irak, le discours prononcé par le chef de l’État devant le Congrès américain, ont posé les jalons d’un alignement atlantiste global dont nous récusons la pertinence et l’opportunité pour notre pays. »

M. André Chassaigne. Très bien !

M. le président. « Cet alignement se confirme dans la décision présidentielle d’accéder à la demande de l’administration américaine de renforcer l’effort de guerre de la France en Afghanistan.

« Ce conflit était, au lendemain des attentats du 11 septembre un acte de légitime défense collective, reconnu par la charte des Nations unies, pour empêcher un conflit de civilisations et mettre fin aux activités d’une organisation terroriste. Aujourd’hui, faute d’avoir su réussir la stabilisation et le développement de l’Afghanistan, la logique militaire a montré ses limites. Le salut de l’Afghanistan passe par une évaluation et par une complète réorientation de la stratégie politique, diplomatique et militaire de la coalition. L’intérêt de la France n’est pas d’ajouter la guerre à la guerre. »

Mme Martine Billard. Non !

M. le président. « Il est d’aider à un règlement global. »

M. Germinal Peiro. Absolument !

M. le président. « Nous nous opposons en premier lieu à la décision présidentielle parce que nous refusons un enlisement dans une guerre sans but et sans fin. Nous refusons d’exposer inutilement la vie des soldats français tant que les leçons de l’échec de la coalition n’auront pas été tirées. Nous refusons que la France supporte en Afghanistan le fardeau de la guerre américaine en Irak alors même qu’elle avait été la première à en dénoncer la nocivité.

« Nous nous opposons en second lieu à cette décision parce qu’elle a peu à voir avec l’Afghanistan et beaucoup avec l’obsession atlantiste du Président de la République… »

M. Jean-Pierre Brard. La formule est pertinente !

M. le président. « …et son projet de réintégrer la France dans le commandement de l’OTAN. En abdiquant son autonomie de décision militaire et stratégique dont tous les présidents de la Ve République ont été les gardiens, en abandonnant son combat pour le multilatéralisme, en oubliant ses ambitions d’un pilier européen de défense, la France perdrait sa liberté de choix dans le monde. »

M. Christian Jacob. Quelles carabistouilles ! Ne mettez pas trop de passion dans votre lecture, monsieur le président !

M. le président. « Elle se retrouverait liée à une doctrine des blocs qu’elle a toujours récusée. »

M. Patrick Ollier. Je trouve que le ton du président est un peu engagé !

M. le président. « Nous nous opposons enfin à cette décision parce qu’elle est le fait d’un homme seul. En annonçant sa décision devant le Parlement britannique alors même que la représentation nationale n’en avait jamais été informée,… »

M. Germinal Peiro. Quel mépris pour la représentation nationale !

M. le président. « …en refusant aux parlementaires le droit de se prononcer par un vote, le chef de l’État et le Gouvernement ont humilié le Parlement et révélé leur conception de la démocratie : un exécutif, des exécutants.

« Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et le groupe de la gauche démocrate et républicaine… »

M. Christian Jacob. Tout ça, ça ne fait pas une majorité !

M. le président. « …demandent à l’Assemblée nationale de censurer le Gouvernement en application de l’article 49, alinéa 2, de la Constitution. » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jean-Pierre Brard. Le Gouvernement est censuré !

M. le président. Je crois que je suis dispensé de lire le nom des signataires de la motion.

M. Jean-Pierre Brard. Non ! Nous voulons voir s’il en manque !

M. le président. Apparemment, monsieur Brard, votre nom ne manque pas !

La motion de censure sera notifiée au Gouvernement et affichée.

Conformément à l’article 153, alinéa premier du Règlement, l’Assemblée prend acte de ce dépôt.

La conférence des présidents a décidé que la discussion et le vote sur cette motion de censure auraient lieu mardi 8 avril, à quinze heures, la séance de questions au Gouvernement étant supprimée.

2

Organismes génétiquement modifiés

Suite de la discussion d’un projet de loi
adopté par le Sénat après déclaration d’urgence

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, relatif aux organismes génétiquement modifiés (nos 719, 746).

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 112 à l’article 1er.

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 112 à l’article 1er.

Article 1er (suite)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 112.

La parole est à M. François Grosdidier, pour le soutenir.

M. François Grosdidier. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, madame la secrétaire d’État chargée de l’écologie, mes chers collègues, il est bien difficile, à propos de politique internationale ou d’OGM, d’échapper à la caricature. Pour ma part, je souhaiterais que nous revenions à l’esprit du Grenelle et je rends hommage au travail effectué par Jean-François Le Grand, qui, au sein du Grenelle, nous avait sortis de la caricature. Je regrette que nous y soyons retombés dès l’article 1er, qui affirme pourtant des principes consensuels.

Vous savez que je suis plus opposé à une rapide mise en culture d’OGM que bien des députés de l’opposition. Au sein de la mission d’information, ils défendaient le 0,9 % ou minimisaient les risques, contre mon avis et avec la majorité des membres. J’ai entendu, au PS, des scientistes ou des productivistes s’exprimer autrement que dans ce débat où ils adoptent une posture politique plus facile.

M. Germinal Peiro. Occupez-vous de l’UMP !

M. François Grosdidier. Je rappelle d’ailleurs que les membres de la mission venus du PS n’avaient pas eu la liberté de voter contre les conclusions de la mission, liberté dont nous disposions, à l’UMP, et dont, à l’époque, Mme la ministre et moi-même avions usé.

M. Jean-Pierre Brard. C’est la liberté de porter une muselière !

M. François Grosdidier. J’en reviens à l’esprit du Grenelle et à la formule « avec ou sans OGM ». Il est vrai que, dans l’absolu, ce n’est pas possible. Mais l’absolu n’est pas de ce monde, sauf dans l’esprit des intégristes de tous bords. Même si nous le votions aujourd’hui, le « sans OGM absolu » ne peut plus être dans un monde où il existe des OGM. Dans l’absolu, même les montagnes et les mers ne peuvent pas les arrêter. Hélas, de part et d’autre, c’est au nom du rien que certains justifient tout, et inversement.

Sortir de la théologie, c’est préférer un « avec ou sans OGM » relatif et effectif, plutôt qu’un « sans OGM » absolu et virtuel, auquel beaucoup d’ailleurs, ici, ne croient pas du tout.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Très bien !

M. François Grosdidier. Il s’agit de jouer sur les taux acceptés ou tolérés – et vous savez que, sur ce point, je suis très en retrait par rapport à certains d’entre vous –, sur des conditions techniques, voire sur le régime de responsabilité, mais pas de définir par la loi un « zéro absolu » que nul ne peut garantir sur cette terre, pas même le pays le plus protégé.

Ne retombons pas dans la théologie dont le Grenelle nous avait fait sortir. Cherchons à concilier le souhaitable et le possible en précisant bien que « cette liberté de consommer et de produire avec ou sans OGM » doit s’exercer « sans que cela nuise à l’intégrité de l’environnement et à la spécificité des cultures traditionnelles et de qualité ».

M. Germinal Peiro. C’est impossible !

M. François Grosdidier. Ce n’est pas ce que j’ai entendu dire à certains d’entre vous !

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 112.

M. Antoine Herth, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Monsieur Grosdidier, je souhaite, pour vous répondre, adopter le ton le moins engagé qui soit, et M. le président m’en donnera acte, car le premier rôle de votre rapporteur est de faciliter l’échange des idées, leur rapprochement, et, si possible, de rendre possible un consensus sur les points forts du projet de loi.

M. Jean-Pierre Brard. Ça se présente mal !

M. Antoine Herth, rapporteur. Comme vous n’êtes pas membre de la commission des affaires économiques – et je ne vous en fais pas le reproche –, les amendements que vous avez déposés l’ont été, de façon automatique, après ceux des membres de cette commission. Ils n’ont donc pu faire, comme ceux adoptés par la commission, l’objet d’un débat sur le fond. D’autre part, j’ai sous les yeux l’amendement tel que vous l’avez déposé : son exposé des motifs tient en cinq lignes. J’ai écouté avec une grande attention ce que vous venez de dire à l’instant et qui m’a paru particulièrement convaincant. La commission a émis un avis négatif, mais je m’exprime maintenant à titre personnel. Vous vous êtes probablement approché autant que faire se peut du point d’équilibre que nous recherchons tous : vous conciliez à la fois le choix de la majorité, indiqué par le Président de la République, la recherche d’une coexistence des cultures avec ou sans OGM, et la nécessité de nous situer dans le cadre des textes européens et dans le cadre de ce qu’il est possible de faire. Cela explique d’ailleurs tout l’intérêt des articles suivants consacrés aux objectifs et au fonctionnement du Haut Conseil, à la nécessité qu’il fasse au Gouvernement des recommandations très précises, lui permettant de prendre des décisions difficiles, compliquées.

M. Jean-Pierre Brard. C’est un peu emberlificoté !

M. Antoine Herth, rapporteur. Certes, si l’on veut se faire plaisir, le plus simple est de dire non. Mais, quand on privilégie la transparence et l’impartialité, il faut que même le non soit expliqué et motivé. C’est dans cette direction que votre amendement nous invite à aller et c’est pourquoi je souhaite, à titre personnel, qu’il soit adopté par l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 112.

M. Jean-Pierre Brard. Le Gouvernement est dans l’embarras !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Le Gouvernement n’est nullement dans l’embarras.

M. Jean-Pierre Brard. Harry Potter, jamais ! (Sourires.)

M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Jamais, en effet.

Je remercie M. le rapporteur d’avoir examiné, dans le cadre de ce débat, la façon dont les choses évoluent. En réalité, cet amendement traduit exactement l’état d’esprit de notre texte. Il s’agit, en effet, de protéger « l’intégrité de l’environnement et la spécificité des cultures traditionnelles et de qualité ».

M. Germinal Peiro. Ce n’est pas possible !

M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Si ce n’est pas possible, la Haute Autorité le dira, mais la loi doit fixer la règle, qui est de ne pas nuire « à l’intégrité de l’environnement et à la spécificité des cultures traditionnelles et de qualité ». Tout est dit : il faut pouvoir consommer et produire sans OGM. Et si, par extraordinaire, un débat s’engage dans quelques années à propos d’une autre production que le maïs, la Haute Autorité devra suivre cette règle : « sans que cela nuise à l’intégrité de l’environnement et à la spécificité des cultures traditionnelles et de qualité ». Nous atteignons là l’équilibre, le compromis qui était souhaité. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement soutient l’amendement de François Grosdidier.

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Je voudrais donner un exemple concret pour illustrer ce que peuvent représenter l’intégrité de l’environnement et la spécificité des cultures traditionnelles et de qualité demandées par M. Grosdidier.

Le 21 novembre 2001, la revue scientifique Nature a publié une étude qui a provoqué beaucoup de remous. Cette étude révélait que le maïs criollo, le maïs traditionnel de l’État d’Oaxaca au Mexique, était contaminé par les gènes du Bt. C’était d’autant plus étonnant que, contrairement à ce que dit M. Debré, le Mexique a déclaré, en 1998, un moratoire sur les cultures de maïs transgénique pour préserver l’extraordinaire biodiversité de cette céréale dont on peut presque dire que le pays est le berceau : une légende indienne ne prétend-elle pas que les dieux ont créé l’homme à partir d’un épi de maïs jaune et blanc ?

Comment une telle contamination par le Bt a-t-elle pu se produire ? Ce n’est pas qu’il y ait eu du maïs cultivé, mais parce qu’en vertu de l’accord ALENA, une sorte de marché commun nord-américain qui a été signé en 1992 entre le Mexique, les États-Unis et le Canada, le Mexique n’a pas pu empêcher l’importation massive de maïs largement subventionné par l’administration de Washington. Or ce maïs menace la production locale car il est vendu deux fois moins cher. Entre 1992 et 2002, le prix du maïs mexicain traditionnel a chuté de 44 %, contraignant de nombreux petits paysans à prendre la route des bidonvilles, avec toutes les incidences sociales et économiques que cela implique.

Voilà pourquoi nous soutenons l’amendement de M. Grosdidier.

M. Noël Mamère. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Annick Le Loch.

Mme Annick Le Loch. Nous partageons l’avis de M. Cochet et nous voterons cet amendement n° 112 de M. Grosdidier car nous pensons qu’il est complémentaire de l’amendement n° 252 qui a été adopté hier soir, même si nous aurions préféré, bien sûr, que notre pays ne produise que des cultures sans OGM.

Compte tenu de l’orientation prise par notre pays d’autoriser les cultures OGM et des risques encourus, notamment parce que les inconnues sont nombreuses et que les conséquences peuvent être irréversibles, nous devons prendre mille précautions.

Je voudrais évoquer quelques-uns de ces risques : dissémination incontrôlable des gènes introduits ; augmentation du risque de résistance avérée des plantes concurrentielles ; apparition de résistance des espèces d’insectes ravageurs – les travaux de l’équipe du professeur Harwood de l’université de Kentucky ont montré que les coccinelles contenaient des traces de bactéries Bt, ce qui prouve que la toxine Bt est transférée au sein même de la chaîne alimentaire à laquelle appartiennent les coccinelles – ; modification durable de la flore microbienne du sol à cause de la sécrétion importante et durable d’insecticides par les racines ; concentration et rémanence de pesticides dangereux et de toxines toxiques dans les sols ; pollution de l’eau et présence d’importants résidus d’herbicides ; résistance aux antibiotiques marqueurs de gènes pouvant conduire à des épidémies incontrôlables ; perte inéluctable de la biodiversité et des écosystèmes accompagnée d’une baisse de la diversité des refuges et des sources de nourritures disponibles dans le milieu ; influence sur les équilibres existant entre les différentes populations, etc. La liste des risques engendrés par ce type de cultures est très longue.

Malgré tout, le fait d’adopter cet amendement est un moindre mal parce qu’il est complémentaire de l’amendement n° 252.

M. le président. La parole est à M. Bernard Debré.

M. Bernard Debré. Les citations de M. Cochet sont intéressantes, mais incomplètes. Devant l’émoi suscité par une publication qui montrait qu’il existait en effet à Oaxaca une possibilité de contamination, plusieurs études ont été diligentées, en 2001, 2002, 2003 et 2004, par des agences internationales indépendantes sur des grains de maïs provenant de champs éloignés de cultures OGM. Sur les 153 750 grains examinés, aucune contamination n’a été relevée. Devant ce constat, la revue Nature a retiré la première publication. (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous allons donc passer au vote sur l’amendement de M. Grosdidier.

M. Yves Cochet. Je souhaite répondre, monsieur le président.

M. le président. C’est votre droit mais dans un débat, pas maintenant.

Je mets aux voix l’amendement n° 112.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 256.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. Le quatrième alinéa de l’article 1er garantit le respect des principes de précaution, de prévention, d’information et de responsabilité dans le cadre de la liberté de consommer et de produire avec ou sans organismes génétiquement modifiés. L’objet de l’amendement n° 256 est d’élargir le champ couvert par cet alinéa à des domaines concernés par les conséquences de la culture OGM, notamment en matière de respect de l’environnement ou de la santé publique. Pour cela, il vous est proposé de faire référence au titre III du livre V du code de l’environnement et aux dispositions relatives aux OGM contenues dans le livre II et VI du code rural.

M. Yves Cochet. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Cet amendement a malheureusement été repoussé par la commission, même s’il s’inscrit dans le droit fil des discussions que nous avons depuis quelques heures maintenant sur cet article 1er. Je vous propose donc de le retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de l’écologie. Le Gouvernement est défavorable. Par définition, la Charte de l’environnement s’applique à tous les textes, dont le code de l’environnement dans son ensemble et le code rural. Il nous semble donc que cette formulation est redondante et peu utile.

M. André Chassaigne. Ah bon ? Je suis redondant ?

M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Eh oui ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Madame la secrétaire d’État, les termes « peu utile » que vous venez d’employer n’excluent pas l’utilité. Je regrette par ailleurs que le rapporteur, sans doute par souci de discrétion, n’ait pas argumenté son rejet de l’amendement, d’autant qu’il nous a démontré tout à l’heure, à l’occasion de l’amendement de M. Grosdidier, qu’il était capable d’avoir des opinions personnelles. Pourquoi refuser à notre excellent collègue André Chassaigne ce que l’on a accordé à M. Grosdidier ?

J’ai peut-être un commencement d’explication : ce matin, M. Copé a réuni les députés UMP pour que l’ordre règne.

M. Christian Jacob. Vous y étiez ?

M. Jean-Pierre Brard. Non, mais j’ai dans votre groupe d’excellents amis qui me renseignent. (Murmures sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Pour que l’ordre règne, vous voulez donner le change aux médias et à l’opinion en faisant croire qu’un vrai débat s’instaure dans vos rangs et que l’UMP est enfin réceptive aux arguments éclairés de ceux qui font exception dans les rangs de l’UMP et qui se nomment M. Grosdidier et M. Le Grand.

M. Jean-Pierre Nicolas. Tout arrive !

M. Jean-Pierre Brard. C’est le début de quelque chose, mais cela reste très modeste.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il faudrait que vos collègues vous expliquent le sujet.

M. Jean-Pierre Brard. Expliquer le sujet à qui ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. À vous !

M. Jean-Pierre Brard. Je suis prêt à tenir avec vous une conférence particulière, si vous voulez, monsieur Ollier.

Monsieur le rapporteur, madame la secrétaire d’État, si vous souhaitez que le débat se poursuive dans de bonnes conditions, il faudrait que vous vous montriez plus ouverts aux amendements de l’opposition.

M. Christian Jacob. Uniquement sur les bons !

M. Jean-Pierre Brard. Le fait de préciser un texte limite, vous le savez bien, les possibilités d’interprétation par la suite et il vaut mieux être redondant qu’insuffisant.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Il faut être également ouverts sur les amendements de la majorité !

M. le président. Nous allons passer au vote sur l’amendement n° 256…

M. François Brottes. Monsieur le président, je demande la parole.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Brottes.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Non, monsieur le président.

M. le président. Monsieur le président de la commission, rassurez-moi, vous ne comptez pas commenter chaque décision du président ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je voulais simplement faire remarquer que lorsque le vote est commencé, on ne peut plus donner la parole.

M. le président. Je vous en prie, monsieur Brottes, vous avez la parole.

M. François Brottes. Je vous remercie, monsieur le président, de m’autoriser à répondre au rapporteur.

Cet amendement vise les garanties que ce texte doit apporter. Et je voudrais en profiter pour bien affirmer notre position.

Mme Le Loch a indiqué tout à l’heure que le groupe socialiste votait l’amendement de M. Grosdidier parce qu’il était complémentaire de l’amendement n° 252 qui a été adopté hier. Je tiens à préciser à ce moment du débat, pour que cela figure au compte rendu du Journal officiel, qu’en aucun cas cet amendement ne pourra se substituer à l’amendement n° 252. Je m’explique : l’amendement n° 252, qui permet que les OGM ne s’entremêlent pas sur toute une partie du territoire concernée par les parcs naturels, les AOC, vise à la fois la production, la culture mais aussi la commercialisation des OGM, alors que l’amendement de M. Grosdidier ne vise pas la commercialisation par exemple. Donc, s’il s’agit bien d’un amendement de cohérence par rapport à celui qui a été voté cette nuit, en aucun cas il ne pourra être invoqué demain qu’il se substitue à l’amendement n° 252. Je fais un procès d’intention, j’en conviens, et je suis prêt à admettre que je me trompe, mais je préfère que les choses soient claires sur ce point.

M. Germinal Peiro. Parfait !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 256.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 17 et 235.

La parole est à Mme Frédérique Massat, pour soutenir l’amendement n° 235.

Mme Frédérique Massat. Voilà l’un des rares amendements de l’opposition que la commission a bien voulu accepter. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Brottes. C’est même l’exception.

Mme Frédérique Massat. Il propose d’ajouter le mot « participation » au quatrième alinéa de l’article 1er.

Ce mot est inscrit dans l’article 7 de la Charte de l’environnement. Il fait de plus référence à la convention dont nous avons longuement parlé hier, la convention d’Aarhus, qui a été modifiée en décembre 2006 pour préciser que la participation du public concernant les OGM doit être effective et précoce avant de prendre des décisions autorisant ou non la dissémination volontaire d’OGM.

L’oubli de ce mot tant dans le projet de loi initial que dans le texte adopté par le Sénat, pourtant fortement amendé – mais est-ce vraiment un oubli ? – nous inquiète. Heureusement, cet amendement a été accepté par la commission et je souhaite qu’il soit adopté par l’ensemble de l’Assemblée.

Ce projet de loi, nous l’avons dit, est le premier texte législatif du Grenelle de l’environnement. L’oubli de ce mot « participation » reflète quand même un certain état d’esprit, qui augure mal des futurs textes qui découleront du Grenelle de l’environnement. À aucun moment, il ne fait état de la participation du citoyen. C’est inquiétant dans un texte qui parle de démocratie écologique et qui traite d’un sujet aussi important que les OGM. J’espère que nous allons réparer cette erreur dès aujourd’hui.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission a adopté cet amendement, car il faut réparer un oubli. Dans le projet de loi débattu en 2006 figurait bien la notion de participation, dans le droit fil de la directive européenne 2001/18. Entre temps, cette directive a été transposée par voie de décret et la notion de participation n’apparaît plus suffisamment clairement. M. Brard me pardonnera si la position personnelle que je prends ne concerne pas un amendement du groupe GDR, mais je me rattraperai ! Je vous renvoie à mes propos sur la tenue d’un essai à l’INRA de Colmar, que j’ai eu la chance de visiter, qui illustre parfaitement cette idée de participation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie. Favorable. Je rejoins les arguments du rapporteur et je m’en veux que le texte du Gouvernement ait omis ces mots qui s’imposaient.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous sommes là pour améliorer le texte !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 17 et 235.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 236.

La parole est à M. Germinal Peiro, pour le soutenir.

M. Germinal Peiro. Cet amendement vise à insérer, dans l’alinéa 4 de l’article 1er, après les mots : « d’information », les mots : «, de développement durable ». En effet, le développement durable est aujourd’hui un principe constitutionnel énoncé à l’article 6 de la Charte de l’environnement. Le développement des OGM doit concilier la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social. Vous le savez, nous sommes opposés à la généralisation à grande échelle des cultures de plantes génétiquement modifiées, car cela porterait atteinte à l’économie de notre pays, notamment à l’agriculture conventionnelle, sous label et biologique. Une telle généralisation aurait en outre des conséquences sociales puisque des conflits ne manqueraient pas d’éclater – nous y reviendrons à l’occasion de l’examen du chapitre sur la responsabilité. De toute évidence, une partie des habitants de notre territoire seraient lésés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Cet amendement a été repoussé par la commission. En effet, les grands textes auxquels vous faites référence, monsieur Peiro, s’imposent à l’ensemble de notre législation. Il n’est donc pas utile de les rappeler dans ce texte, d’autant que, pour donner suite au Grenelle de l’environnement, le Gouvernement travaille à un autre projet de loi, plus général et plus fondateur, où pourra être rappelée cette nécessité de rechercher le développement durable. Je vous suggère donc de retirer cet amendement. A défaut, j’y serai défavorable.

M. Germinal Peiro. Je le maintiens !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement. Nous n’allons pas réécrire la Charte de l’environnement dans ce texte de loi sur les OGM ! Pour l’amendement précédent c’était un peu différent, parce que la participation réclame des procédures particulières, mais nous sommes là sur un concept général qui alourdirait le texte, vous en conviendrez.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 236.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 344.

La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.

M. François Brottes. Cet amendement est de même nature que celui sur la participation adopté tout à l’heure, avec l’avis favorable de la commission et du Gouvernement. Il vise a substituer, dans l’alinéa 4 de l’article 1er, au mot : « responsabilité », le mot : « réparation ».

M. Jean-Pierre Brard. Cela n’est pas du tout pareil !

M. François Brottes. En effet ! Notre Constitution reconnaît désormais le principe de réparation. Lorsqu’une faute est commise et qu’un préjudice est constaté, il y a forcément une responsabilité. Nul n’est besoin d’évoquer la notion de responsabilité puisque, de fait, il y a un coupable. En revanche, il est beaucoup plus important de veiller à ce qu’il y ait réparation. Voilà pourquoi il nous semble fondamental de remplacer le mot « responsabilité » par celui de « réparation ». Si cela nous était refusé, cela pourrait laisser entendre – pour l’instant cela n’est qu’un procès d’intention, mais au ministre et au rapporteur de me démontrer l’inverse ! – qu’en matière d’OGM, la réparation n’est pas possible. C’est donc un amendement très important.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Je ne doute pas de l’importance de cet amendement, mais la commission l’a jugé inopportun à cet endroit du texte. Nous avons en effet choisi d’examiner celui-ci dans un sens précis : d’abord, les principes ; ensuite, l’outil de conseil du Gouvernement, à savoir le Haut conseil des biotechnologies, les règles et les sanctions qui découlent de leur non-respect ; sans oublier – c’est l’objet de cet amendement – la réparation de dommages éventuels liés à la dissémination d’organismes génétiquement modifiés, réparation obéissant à des règles que nous avons d’ailleurs tenu à préciser dans un amendement ultérieur de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie. Je ne comprends vraiment pas votre point de vue, monsieur Brottes. La responsabilité, c’est beaucoup mieux et beaucoup plus complet que la réparation !

M. Germinal Peiro. Ce n’est pas pareil !

Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie. L’une des critiques formulées pendant des années en France, et dans d’autres pays d’Europe d’ailleurs, à l’encontre de notre système de régulation des OGM ou de notre défaut d’encadrement de ces derniers d’ailleurs, était justement l’absence de mise en place d’un régime de responsabilité. J’ai envie de vous retourner votre argument : on ne prévoit que la réparation, on se rend éventuellement compte un jour qu’elle n’est pas possible et le mal est fait ! La responsabilité, c’est beaucoup plus fort, beaucoup plus complet. C’est l’obligation de prévoir avant de mettre en culture, de s’assurer éventuellement. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Je veux revenir sur ce principe de réparation, que connaît d’ailleurs très bien Mme la ministre. Il y a trois ans, lors du débat sur la Charte de l’environnement, nous avions dit, par une sorte d’extrémisme écolo – j’ose à peine y croire ! –, que le principe de réparation ne pouvait être assimilé à l’un des grands principes du sommet de Rio de 1992, à savoir le principe pollueur-payeur, selon lequel lorsqu’un dommage est constaté et que la responsabilité est clairement établie il doit y avoir une réparation proportionnelle au dommage. Mme la secrétaire d’État, qui était à l’époque députée, nous avait alors dit que mieux valait faire figurer, dans la Charte de l’environnement, le droit à la réparation d’un dommage plutôt que le principe pollueur-payeur. La réparation du dommage n’était pas forcément proportionnelle sur le plan financier, sans compter qu’il peut aussi y avoir un dommage moral – perte de clientèle ou d’un label, etc –, mais le responsable du dommage devait « participer » – c’est le mot qui figure dans la Charte – à sa réparation. On est donc passé du principe pollueur-payeur, qui me semblait meilleur parce qu’il y avait une notion de proportionnalité, à celui de participation à la réparation, qui était déjà moins proportionnel, mais il faut évidemment qu’il y ait réparation ! C’est pourquoi je soutiendrai cet amendement.

Mais peut-être Mme la secrétaire d’État, qui avait à l’époque fait usage de subtiles arguties…

Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie. C’étaient plutôt des arguments !

M. Yves Cochet. …pour soutenir le remplacement du principe pollueur-payeur par celui de réparation, peut-elle nous dire exactement ce que serait la réparation dans ce texte sur les OGM ! Elle nous invite à ne pas recopier la Charte de l’environnement dans le projet de loi, mais celui-ci reprend pourtant plusieurs des principes énoncés dans la Charte. Pourquoi pas celui de réparation ?

M. Noël Mamère. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Madame la secrétaire d’État, j’avais cru hier que vous étiez devenue indocile et que l’esprit de liberté vous avait conquise. Hélas, cette indocilité n’aura été qu’éphémère ! Je vois d’ailleurs Bernard Debré qui écoute avec attention et m’approuve… Vous avez une parfaite maîtrise de notre langue. Vous savez ce que signifient les mots. À propos de l’amendement précédent, vous avez préconisé d’éviter les notions trop globales et d’ajouter des éléments au texte pour en préciser le sens. Or, c’est justement ce que propose notre collègue ! En effet, « responsabilité » est un principe qui n’est guère précis. Êtes-vous toujours responsables au Gouvernement ? Il serait excessif de l’affirmer (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), sinon les Français l’auraient déjà remarqué ! En revanche, si l’on dit, par exemple à propos du chômage, qu’il faut « réparer » les dégâts dont on est responsable, on voit tout de suite de quoi il peut s’agir. Sans faire d’étymologie, réparer une chose, c’est la remettre en état autant que faire se peut. Rappelez-vous nos grands-mères avec leurs paires de chaussettes ! Elles bouchaient les trous comme elles pouvaient. Elles remettaient la chaussette en état. C’est de cela qu’il s’agit. Vous êtes prise, madame la secrétaire d’État, en flagrant délit de mauvaise foi. Votre indocilité d’hier vous a valu quelques réprimandes et, après avoir été reprise en main lors de la réunion de ce matin, vous voilà rentrée dans le rang. C’est une raison supplémentaire de voter cet amendement. J’espère que, comme la nuit dernière, il y aura une majorité dans cette assemblée pour en rester au sens des mots et aller aussi loin que possible afin que le texte ne se réduise pas à un chapelet de bonnes intentions, mais comporte une série de dispositions concrètes.

M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 344, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. Jean-Pierre Brard. Peut-être Mme la secrétaire d’État va-t-elle nous parler de la réunion de ce matin !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Peut-être M. Brard a-t-il eu des mots un peu durs à l’égard de Mme la secrétaire d’État. Pour ma part, je voudrais être plus constructif.

M. Christian Jacob. Ce ne sera pas difficile !

M. François Brottes. Quant à vous, monsieur Jacob, vous contribuez peu à rendre le débat constructif, mais tant pis : j’admets et je respecte votre point de vue, qui est constant, depuis que vous siégez sur les bancs de la majorité.

M. Jean-Pierre Brard. M. Jacob est homme de conviction !

M. François Brottes. Pour autant, j’ai entendu la déclaration de Mme la secrétaire d’État et je suis prêt à prendre ses remarques en compte. En effet, je répète que la responsabilité découle automatiquement des principes du code civil, comme vient de le rappeler brillamment M. Brard. Je vous renvoie aux articles 1382 et suivants du code, qui disposent que tout fait qui cause un dommage engage la responsabilité de celui qui l’a causé. Donc acte, mais cela ne signifie par pour autant que toute personne responsable soit tenue à réparer.

M. Germinal Peiro. En effet !

M. François Brottes. Mme la secrétaire d’État jugeant important que le mot « responsabilité » figure dans l’article, nous pouvons déposer un sous-amendement ou corriger l’amendement, ce à quoi le président de la commission et Mme la secrétaire d’État, qui nous écoutent avec attention (Sourires), seront certainement favorables.

M. Germinal Peiro. Bien sûr !

M. François Brottes. Pour faire droit aux remarques de Mme la secrétaire d’État, je propose donc de remplacer, dans l’amendement n° 344, le mot « substituer » par le mot : « ajouter ».

La correction permettra en outre d’apaiser une préoccupation commune à tous les groupes. Désormais, l’auteur d’une faute, qui aura porté préjudice à autrui, sera amené à la réparer, conformément à un des principes de la Charte de l’environnement, avec laquelle nous sommes en totale cohérence.

Il serait dramatique que le mot « réparation » ne figure pas dans l’article à côté du mot « responsabilité ». J’espère que le rapporteur et la secrétaire d’État seront favorables à notre proposition.

M. Germinal Peiro. Très bien !

M. Jean-Pierre Brard. Quel esprit de synthèse dans le groupe socialiste !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Martin. Le président de la commission hésite !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Non, mais la proposition de M. Brottes est délicate. L’équilibre du texte et les objectifs qu’il se fixe sont suffisamment complexes pour qu’on évite de les compliquer encore.

Je comprends très bien que M. Brottes veuille convaincre l’Assemblée de voter les amendements qu’il a déposés. C’est légitime et je le félicite de la pugnacité avec laquelle il les défend. Mais nous essayons, pour faire une bonne loi, de réaliser une construction cohérente.

La responsabilité induit certes la réparation, mais cette notion sera évoquée plus loin, dans le chapitre II, à l’article 5. Certes, on peut anticiper à chaque article des notions qui seront évoquées par la suite, voire y faire figurer, pour plus de clarté, des pans entiers de la Constitution, au prix de redondances. Mais permettez-nous, pour éclairer le débat, de rappeler que la précision que vous voulez introduire n’est pas nécessaire. Nous statuerons au chapitre II, article 5, sur un amendement qui traite de la réparation. Vous le savez, d’ailleurs, monsieur Brottes, puisque, lorsque la commission s’est prononcée à son sujet, vous étiez présent. Je ne sais plus d’ailleurs, quelle était votre position sur cet amendement.

M. Noël Mamère. Nous sommes favorables au principe de la réparation !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous n’étiez pas présent, monsieur Mamère ! Je m’adresse à ceux qui ont assisté à nos travaux.

M. Jean Leonetti. M. Mamère n’assiste jamais aux réunions de la commission ! (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous avons voté un amendement qui traite de la réparation. Considérant que la notion de responsabilité doit être présente dans le texte, nous voulons en effet, fidèles à cette logique, que celle de réparation y figure également.

M. Jean Mallot. Alors, votez l’amendement !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Le texte prévoit l’ensemble des mesures qui seront prises par la suite, de manière que, le principe de réparation étant affirmé, celle-ci puisse être organisée. Telle est notre proposition. À quoi bon revenir sur cette question à chaque article ?

Je vous renvoie à nos débats en commission. La majorité répond à votre attente, dans un souci de bon sens, puisqu’elle souhaite que, si risque il y a, celui-ci puisse être identifié, imputé à un responsable et qu’il donne lieu à réparation. J’espère que sa volonté est partagée par tous dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Alors, votez l’amendement !

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro.

M. Germinal Peiro. De toute évidence, la démonstration du président de la commission invite tous nos collègues à voter l’amendement. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Il n’a cessé de répéter, en effet, que, au-delà du principe de responsabilité, celui de réparation s’impose de fait. Je pense toutefois qu’il vaudrait mieux que ce principe soit exprimé.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques des affaires économiques. C’est le cas !

M. François Brottes. Non ! Pas à cet endroit du texte !

M. Germinal Peiro. Dans l’article 1er, nous fixons les principes de base du texte, et vous savez qu’il en est un au sujet duquel nous sommes en désaccord total : le fameux « avec ou sans organisme génétiquement modifié ».

Je crois que celui de la réparation doit être inscrit dès l’article 1er. Chacun a en tête nombre d’exemples dans lesquels il peut y avoir responsabilité sans réparation. Les deux termes, sans s’opposer, sont très différents l’un de l’autre et le premier peut aller sans le second.

Mme Martine Billard. Absolument !

M. Germinal Peiro. Nous voulons que les principes soient posés clairement dès l’article 1er. Comme vous l’avez indiqué vous-même, monsieur le président de la commission, il n’y a aucune différence entre votre point de vue et le nôtre : la responsabilité va de pair avec la réparation. Si les choses sont claires dans votre esprit, elles doivent l’être également dans le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. François Brottes. C’est parfaitement expliqué !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il ne s’agit pas de mon esprit, mais de la lettre du texte !

M. le président. Chacun a bien compris la correction proposée par M. Brottes, mais je rappelle sa rédaction, pour plus de clarté.

L’amendement n° 344 rectifié propose d’insérer, à l’alinéa 4 de l’article 1er, après les mots : « d’information », les mots : «, de réparation ».

Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l’amendement n° 344 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L’amendement n° 344 rectifié est n’est pas adopté.

Je suis saisi d’un amendement n° 18.

Il s’agit d’un amendement rédactionnel…

M. Antoine Herth, rapporteur. En effet !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement ?

Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18.

(L’amendement est adopté.)

M le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 113 et 205.

La parole est à M. François Grosdidier, pour soutenir l’amendement n° 113.

M. François Grosdidier. L’amendement a pour objet de préciser que le respect des trois piliers du développement durable s’impose en matière d’OGM. Les problèmes posés par les contaminations des cultures doivent être analysés au regard des questions non seulement environnementales et sanitaires, mais aussi socio-économiques. On l’a souvent souligné : la valeur ajoutée de notre agriculture résulte dans sa diversité et dans sa qualité au moins autant que dans sa quantité. Les impacts économiques, qui ne sont pas négligeables, ne doivent pas être occultés.

M. le président. Voulez-vous prendre la parole, monsieur Cochet, pour soutenir l’amendement n° 205 ?

M. Yves Cochet. Bien sûr, monsieur le président ! Je fais mien l’argumentaire de M. Grosdidier fondé sur le respect des critères environnementaux, sociaux et économiques du développement durable, mais je tiens également à répondre à M. Bernard Debré, qui n’est pas allé jusqu’au bout de l’information qu’il nous a donnée tout à l’heure sur l’article de Nature qu’il a mentionné.

En 2002, l’année qui a suivi sa publication, le conseil de rédaction de la revue a exigé des auteurs de l’article qu’ils se rétractent, ce qu’ils ont naturellement refusé de faire. D’où la publication d’une note éditoriale tout à fait inhabituelle. C’est même un cas unique, puisque, en 133 ans d’existence, c’était la première fois que le conseil éditorial de cette revue scientifique tout à fait estimable désavouait des auteurs qu’elle avait été publiés un an plus tôt. Tel est le résultat de l’opération de lobbying menée par Monsanto – qui était encore une fois en cause – auprès de Nature !

Il suffit de regarder la dernière page de ce magazine pour s’en persuader. Qui paie les annonces de recrutement ? Ce sont, pour 80 %, des entreprises scientifiques, notamment biotechnologiques, qui versent entre 2000 et 10 000 dollars par annonce. Parmi elles figurent Monsanto. Tout s’explique !

M. Jean-Charles Taugourdeau. N’importe quoi !

M. Bertrand Pancher. C’est de l’obscurantisme !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Cette explication n’a rien à voir avec l’amendement !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Tout à l’heure, monsieur Grosdidier, nous avons réussi à nous rapprocher sur un amendement, mais ce sera plus difficile sur l’amendement n° 113, qui a été repoussé par la commission. Vous faites partie de la majorité. Vous connaissez à ce titre le travail qu’elle a accompli pour faire adopter la Charte de l’environnement. Mme la secrétaire d’État, qui a été très active sur ce sujet, et M. Martial Saddier, rapporteur pour avis de la Charte, vous le confirmeront. Vous savez également quelles discussions l’ont entourée et quels principes ont été gravés dans le marbre de la Constitution. Il est évident que le développement durable fait référence aux trois piliers que vous avez cités ; leur mention, dans l’article 1er, serait donc redondante.

Quant à vous, monsieur Cochet, vous avez compris que mon argumentation valait également pour l’amendement n° 205. Ne prenez pas une pointe d’humour comme une marque d’agressivité, mais je m’étonne que le journal Nature n’ait pas fait référence, dans son sous-titre, à ces principes, qui sont fort louables. (Sourires.)

Mme Martine Billard. Que fait le Président de la République ? (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement ?

Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie. L’argumentaire de M. Grosdidier soulève un point important qui a été abondamment discuté au cours du Grenelle de l’environnement. Le point de vue de la science n’est pas le seul à considérer en matière d’OGM, puisqu’il ne saurait épuiser le sujet. C’est pourquoi, dans le Haut conseil des biotechnologies, nous avons souhaité introduire, conformément à l’avis du Grenelle de l’environnement, un comité dit « de la société civile ».

Sa création est consécutive à la forte contestation qui s’est élevée à l’encontre des instances préexistantes, comme la commission du génie génétique et surtout celle du génie biomoléculaire, auxquelles on reprochait leur regard exclusivement scientifique, sur un sujet qu’il ne permet pas d’embrasser totalement.

Le Haut conseil, dont la composition et le fonctionnement sont bien connus, apporte au problème une meilleure réponse que l’ajout de termes qui, placés à cet endroit du texte, en alourdiraient inutilement la rédaction.

Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Pour compléter ce que nous disait tout à l’heure M. Yves Cochet, je voudrais informer M. Debré, qui ne le sait peut-être pas, que Monsanto est actionnaire de la revue Nature.

Quant à la grande société d’assurance française Axa, elle est actionnaire du groupe Monsanto. Monsieur Debré, il faudrait que vous vous demandiez, avec vos amis de l’UMP, pourquoi Axa, tout comme les autres assurances françaises, refuse d’assurer les risques de contamination liés aux OGM. J’y vois un paradoxe qu’il est utile de souligner devant la représentation nationale.

M. Germinal Peiro. C’est une excellente question !

M. Noël Mamère. Madame la secrétaire d’État, j’ai bien entendu vos propos sur le Haut conseil des biotechnologies. Mais pourquoi, alors que vous prétendez que les décisions ne doivent pas appartenir aux scientifiques, votre projet de loi exige-t-il que cet organisme soit présidé par l’un d’entre eux ?

Nous aurons l’occasion de revenir sur ce qui devait être une Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés et qui, au Sénat, a été ravalé à un rang subalterne pour devenir un Haut conseil des biotechnologies n’émettant plus d’avis mais seulement des recommandations et auquel la société civile n’est pas particulièrement associée.

Puisque l’amendement n° 205 traite des règles à respecter, et que nous débattons de la contamination, je voudrais évoquer une affaire dont nous avons parlé ici hier. Elle n’a pas éclaté de l’autre coté de l’Atlantique, ni au Brésil, ni ailleurs, mais en France, dans les Deux-Sèvres. Des cultures de maïs biologique ont été contaminées par une parcelle plantée de maïs transgénique située à 25 kilomètres, soit bien au-delà des distances de sécurité fixées par ce projet de loi.

M. Christian Jacob. Une plainte est déposée !

M. Noël Mamère. Fort heureusement, les deux agriculteurs biologiques concernés ont porté plainte devant le tribunal administratif, suivis, fort heureusement, par la région Poitou-Charentes, qui, avec d’autres institutions, s’est portée partie civile.

Voilà bien la preuve que nous avons raison d’être aussi attentifs aux mots qui définissent la responsabilité. Je voudrais rappeler à Mme la secrétaire d’État que la responsabilité n’apporte pas forcément la réparation. L’un de ses grands prédécesseurs, M. Robert Badinter, le sait parfaitement et il connaît très bien le droit et l’article 1382 du code civil consacré à la responsabilité. Ainsi, pour les cas d’accidents automobiles, une loi spécifique a été votée par le Parlement pour que de la responsabilité découle automatiquement une réparation.

Mme la secrétaire d'État chargée de l’écologie. Monsieur le député, M. Badinter était opposé à la Charte de l’environnement. Vous avez de bien curieuses références !

M. le président. La parole est à M. Bernard Debré.

M. Bernard Debré. Je ne voudrais pas en rajouter dans la polémique, mais je précise que, scientifiquement, nous sommes confrontés à deux cas différents. Une première étude a été retirée alors qu’une seconde a été publiée par de nombreux organismes scientifiques. Cette dernière étude, validée par les scientifiques, est incontestable, et, si vous la refusez, c’est parce qu’elle vous gêne. Vous dites que Monsanto fait de la publicité dans la revue Nature et participe à son tour de table. Mais ceux qui y participent sont nombreux. Dans tous les domaines scientifiques et sur toute la planète, Nature est la revue princeps, mais, quand cela vous arrange, vous la mettez en cause. Vous ne contestez pas les résultats scientifiques, mais vous mettez en doute, ce qui est encore plus grave, la revue elle-même. Monsieur Cochet, c’est une manipulation de l’information !

M. Bertrand Pancher. Parfaitement !

M. Philippe Martin. C’est un expert qui nous parle de manipulation !

M. Bernard Debré. La revue Nature intéresse tout particulièrement les chercheurs ou les médecins comme moi, parce qu’elle nous permet de valider nos publications. Il est extraordinairement difficile, je vous l’assure, d’être publié dans cette revue. Les articles soumis doivent être absolument irréprochables. C’est bien le cas de l’article que vous évoquez et cela vous gêne. Vous en êtes donc réduit à inventer des arguties inacceptables qui vont jeter l’opprobre sur tous les articles scientifiques. Désormais, par exemple, tout article sur un antibiotique se verrait opposer l’argument selon lequel la revue dans laquelle il est publié aurait pu, éventuellement, être sponsorisée par telle ou telle firme scientifique ! De grâce, cessez de jeter l’opprobre, par votre suspicion, sur la première revue scientifique au monde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 113 et 205.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°19.

Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. Antoine Herth, rapporteur. En effet !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l’amendement ?

Mme la secrétaire d'État chargée de l’écologie. Le Gouvernement y est favorable.

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Je veux bien croire que passer du terme « prescriptions » au terme « dispositions » soit une modification rédactionnelle, mais je m’interroge sur le sens de cette référence aux dispositions communautaires dans l’alinéa 4 de l’article 1er du projet de loi. En effet, dans la mesure où tout le projet de loi qui nous est soumis transpose la directive européenne, il peut paraître superfétatoire de faire référence aux dispositions communautaires. Quand le Sénat a ajouté au texte initial du Gouvernement : « dans le respect des prescriptions communautaires » – ce que le rapporteur veut transformer en écrivant : « dans le respect des dispositions communautaires » –, il y avait donc bien un sens implicite. Puisque l’alinéa 4 de l’article 1er énonce la « liberté de consommer et de produire avec ou sans organisme génétiquement modifié », la modification du Sénat a peut-être pour objectif de définir implicitement le « sans OGM » en se référant au règlement européen. Pourtant, ce dernier ne définit pas le « sans OGM », mais seulement un seuil d’étiquetage à 0,9 % d’OGM. Je souhaite donc que M. le rapporteur ou Mme la secrétaire d’État éclaire l’Assemblée nationale sur la référence aux dispositions communautaires que comporte cet alinéa.

M. le président. M. le rapporteur souhaite-t-il nous éclairer ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Madame Batho, vous nous posez deux questions. Vous demandez d’abord s’il s’agit bien d’un amendement rédactionnel : tel est bien le cas. Le Sénat avait introduit l’expression « prescriptions communautaires », faisant ainsi, je vous le concède, un choix politique qui lui appartient. L’amendement de la commission ne touche pas à ce choix et, pour répondre à votre seconde question, nous nous plaçons bien dans le cadre du droit européen qui s’impose, de fait, à tous les états membres.

M. Noël Mamère. Mais pas du tout !

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission propose de modifier le terme « prescriptions » afin d’homogénéiser le vocabulaire utilisé dans l’ensemble du projet de loi lorsqu’il est fait référence à la réglementation européenne. Cette modification purement rédactionnelle ne change pas le sens du texte issu du Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le rapporteur, il y a tout de même un petit problème. La prescription communautaire, cela n’a jamais été la liberté de produire au seuil de 0,9 %. Il s’agit là d’un seuil d’étiquetage qui pourrait éventuellement, dans une interprétation très extensive, concerner la liberté de consommer mais en aucun cas celle de produire. Le seuil d’étiquetage ne porte ni sur les semences ni sur les récoltes. Écrire « selon les prescriptions communautaires » ne permet pas de tenir le raisonnement que vous semblez accepter. L’argument est irrecevable et une modification rédactionnelle n’y change rien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 206.

La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.

M. Noël Mamère. L’amendement n° 207 qui sera examiné après celui-ci sera défendu par Mme Billard ; elle reviendra sur le sujet qu’elle vient d’évoquer. En effet, monsieur le rapporteur, la référence permanente aux normes européennes ne vaut rien puisqu’il n’y a pas de prescriptions particulières. Vous confondez le seuil d’étiquetage et le seuil de détection. Vous le savez, puisque vous avez travaillé pour nous présenter votre rapport, il existe un principe dit de subsidiarité qui peut s’appliquer à la fixation du seuil de détection. Comme le montre l’exemple allemand que nous vous donnerons tout à l’heure, les instances européennes ne refusent pas systématiquement qu’il soit appliqué en ce domaine.

L’amendement n° 206 est très important puisqu’il fait référence à la fois au quatrième considérant de la directive européenne que nous sommes chargés de transposer en droit français, mais aussi au Conseil européen du 12 mars 2001. Celui-ci précisait bien que des contaminations à caractère irréversible étaient possibles. Or, dans le projet de loi qui nous est soumis, article après article, jamais il n’est fait référence à l’irréversibilité de la contamination.

Mme Delphine Batho. C’est juste !

M. Noël Mamère. Pourtant, nous en avons la preuve, dans un certain nombre de pays, des cultures conventionnelles sont devenus impossibles, comme celle du colza au Canada, du soja dans plusieurs régions de l’Argentine. Contrairement à ce que nous disait M. Debré tout à l’heure, des variétés de maïs mexicain sont aujourd’hui contaminées de manière irréversible et d’autres exemples pourraient être cités.

Je pense en particulier à des pays où le passage à l’agriculture intensive se fait de manière brutale sous des régimes policiers, comme au Paraguay. Des hommes, déjà victimes d’injustice sociale sont alors condamnés à une terrible injustice environnementale. Cette espèce de double peine se cache derrière le projet de loi OGM.

Nous devons être sensibles à la condition sociale de ceux qui sont les victimes de ce projet de loi. Nous ne débattons pas simplement de questions économiques ou agricoles. À ce propos, je regrette l’absence parmi nous du ministre de l’agriculture. Nous demanderons qu’il soit présent avant la fin de ce débat, car il a des réponses à nous apporter sur un sujet qui concerne l’avenir des agriculteurs autant que l’avenir de l’agriculture et du système de consommation que nous voulons mettre en place.

Le sujet que nous traitons n’est pas réservé à quelques spécialistes, il remet en cause la société dans laquelle nous voulons vivre et nous incite à faire le choix fondamental de savoir si c’est la société qui décide ce qu’elle veut pour elle-même, pour son avenir et pour ses enfants, ou si ce sont quelques semenciers à la recherche du profit, aidés par des politiques, qui le décident à sa place.

L’amendement n° 206 a pour vocation d’introduire dans le projet de loi OGM la question de l’irréversibilité, mais aussi, parce qu’elles en découlent, les questions de la responsabilité et de la réparation. La coexistence va être légalisée alors que nous savons qu’elle est impossible et que les deux libertés sont inconciliables.

Les Verts sont heureux que la conférence des présidents ait accepté que se tienne mardi prochain un vote solennel. Chacun prendra ainsi ses responsabilités devant la société et devant ses enfants. Car, en votant ce texte, mes chers collègues, vous prendrez la responsabilité d’apporter la misère (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et la pénurie à des paysans dont les terres ont été contaminées de manière irréversible ; vous porterez préjudice à une agriculture de qualité qui fait l’une des forces de notre pays !

M. Richard Mallié. Monsieur Mamère, assez de provocations !

M. Noël Mamère. Posez donc la question à votre président, M. Sarkozy, qui veut faire entrer la gastronomie française dans le patrimoine de l’humanité. Comment se réclamer du patrimoine de l’humanité quand on prend le risque de polluer l’ensemble de l’agriculture française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Claude Gatignol. Il ne faut pas confondre obligation de moyens et obligation de résultats !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Monsieur Mamère, une série d’amendements que nous allons bientôt examiner abordent les sujets que vous venez d’évoquer. Nous aurons donc largement le temps de faire le tour de la question.

Vous citez les considérants de la directive européenne, je les ai lus attentivement et ils sont fort nombreux puisqu’on en compte près d’une quarantaine. On y trouve, excusez l’expression, à boire et à manger, et chacun en tirera ce qui l’intéresse ou ce qui lui fait plaisir.

Mais ils n’ont aucune valeur juridique. Il ne convient donc pas d’en tirer les conclusions dans une législation nationale. C’est pourquoi la commission a rejeté cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Debré.

M. Bernard Debré. Monsieur Mamère, vous avez dit deux choses totalement inacceptables – et vous savez l’amitié que je vous porte. (Sourires.) Tout d’abord, vous avez déclaré qu’un certain nombre de politiques étaient payés par Monsanto,…

M. Noël Mamère. Je n’ai pas dit cela !

M. Bernard Debré. …se trouvaient sous sa dépendance. Nous serions ainsi stipendiés. C’est outrageant et antidémocratique, car on ne peut pas exprimer une opinion opposée à la vôtre sans être payé par quelqu’un.

M. Noël Mamère. Arrêtez !

M. Bernard Debré. Cela me rappelle furieusement l’URSS (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), où un dissident était forcément payé par les États-Unis. Si nous sommes favorables à ce texte, c’est parce que nous sommes payés par Monsanto.

Ensuite, vous avez dit – et cela me choque profondément en tant que citoyen – « votre Président ». Mais le Président de la République française est celui de l’ensemble des Français. C’est donc aussi le vôtre, monsieur Mamère, à moins que vous n’ayez changé de nationalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Le rapporteur a indiqué qu’il y avait « à boire et à manger » dans la directive européenne du 12 mars 2001.

M. Yves Cochet. C’est grave !

M. François Brottes. La formule est quelque peu triviale et je ne me permettrai certainement pas de l’employer à propos de son rapport, dont je salue la qualité. Ainsi, je rappelle que, à la page 37, il est écrit : « L’absence de garantie de réversibilité pose effectivement un problème. »

Mme Martine Billard. Eh oui !

M. François Brottes. Il est vrai que les rapports sont volumineux, même si celui-ci ne comporte pas la directive, comme le règlement de notre assemblée l’impose.

M. Germinal Peiro. Exact !

M. François Brottes. Mais peu importe, monsieur le président de la commission, je sais que vous êtes en principe très vigilant sur ces questions.

Quoi qu’il en soit, notre rapporteur ne peut se souvenir de tout. Il est donc important de lui rappeler, à ce stade du débat, qu’il nous a indiqué qu’il n’existait aucune garantie de réversibilité. Cependant, son refus d’introduire cette précision dans le texte est cohérent avec son rejet, tout à l’heure, de l’amendement qui visait à inscrire, à l’article 1er, la réparation comme un principe de base.

En tout état de cause, nous devons peut-être, nous, parlementaires, prendre conscience, tant qu’il en est encore temps, de ce que nous invite à penser le rapporteur quand il écrit que l’absence de garantie de réversibilité pose problème.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour une brève intervention.

M. Noël Mamère. Il n’est pas du tout dans mon intention, monsieur le président, de vouloir faire durer les débats (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), mais je souhaiterais répondre au professeur Debré – qui dit avoir beaucoup d’amitié pour moi, et je ne vois pas pourquoi je n’en aurais pas pour lui.

Je vais vous citer le numéro du 3 avril du quotidien Sud-Ouest, dans lequel le sénateur Le Grand s’est expliqué : « Quand je dis que des parlementaires ont été actionnés, je ne veux pas dire soudoyés ! Je veux simplement dire que, lors du débat au Sénat, les lobbyistes pro-OGM étaient intervenus massivement. Je reproche à mes collègues d’avoir cédé à leur seul avis, privilégiant une approche économique de court terme au détriment de l’intérêt de la société à moyen et long terme. »

M. Bernard Debré. Ce n’est pas ce que vous avez dit !

M. Noël Mamère. Et le journaliste d’ajouter : « Luc Esprit – peut-être certains d’entre vous le connaissent-ils bien –, coordinateur d’Orama, l’association des grandes cultures, qualifie les déclarations du sénateur Le Grand “d’opération d’intoxication”. Les actions qui ont été menées, dit-il, “relèvent d’un lobbying actif mais traditionnel”, bien éloigné de la “pression”, selon lui “terrifiante”, exercée par les ONG écologistes ! »

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est vrai !

M. Jean-François Copé. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé, pour un rappel au règlement.

M. Jean-François Copé. J’ai entendu une nouvelle fois l’opposition, en l’occurrence M. Mamère, nous resservir M. Le Grand. Laissez-moi vous dire ce que j’en pense, monsieur Mamère, puisque je n’ai pas encore eu l’occasion de le faire directement. Je suis profondément choqué par les propos que M. Le Grand a tenus et je regrette que vous les repreniez à votre compte. Ce sujet est en effet suffisamment important pour que nous soyons capables d’en débattre dans la sérénité et le respect mutuel. Le seul fait que l’on puisse soupçonner des députés d’être « actionnés » est profondément choquant.

Quelle est la réalité ? Le Gouvernement a le courage d’aborder, pour la première fois, dans cet hémicycle, ce débat essentiel, et il le fait dans la transparence, en ayant à cœur d’entendre chacune des parties en présence.

Par ailleurs, je n’accepte pas que l’on fasse à qui que ce soit le procès de ne pas vouloir appliquer pleinement le principe de précaution.

M. Germinal Peiro. C’est votre opinion !

M. Jean-François Copé. Notre vocation est naturellement de veiller à la sécurité, à la santé et à la protection de nos concitoyens, y compris dans le domaine alimentaire.

M. Noël Mamère. Ce n’est pas dans le projet de loi !

M. Jean-François Copé. Nous en avons fait la démonstration avec la décision qui a été prise concernant le Mon 810 de Monsanto.

Enfin – et j’insiste sur ce point –, notre responsabilité d’hommes et de femmes politiques est aussi de préparer l’avenir.

M. Noël Mamère. Justement !

M. Jean-François Copé. Or cette question doit être étudiée sous toutes ses formes. Si nous demandons à des chercheurs de travailler sur les organismes génétiquement modifiés, ce n’est pas, contrairement à ce que j’entends ici ou là, pour empoisonner les gens, mais pour préparer l’avenir, lorsque nous devrons faire face à la raréfaction de l’eau dans les pays du Sud. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous devons être au croisement de la communauté scientifique et de toutes celles et ceux qui travaillent pour la santé et la protection de nos concitoyens. C’est notre responsabilité que de préparer l’avenir ensemble en ayant un débat serein.

Je regrette, monsieur Mamère, que vous ayez, une nouvelle fois, repris à votre compte les propos du sénateur Le Grand, qui sont, je le répète, indignes du débat démocratique de haut niveau que nous voulons avoir ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Martin. Vous n’avez pas participé au débat !

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro, pour un rappel au règlement, qui, je l’espère, sera moins long que celui du président Copé (Sourires.)

M. Jean-François Copé. Mon intervention a été aussi longue que celle de M. Mamère !

M. Germinal Peiro. Nous travaillons sur ce texte depuis plusieurs heures. Il est clair que nous avons des désaccords profonds, mais nous avons essayé de nous respecter, car chacun a le droit d’exprimer son opinion.

M. Christian Jacob. Merci !

M. Germinal Peiro. Ne me remerciez pas : c’est un droit.

M. Christian Jacob. C’est la première fois que vous le reconnaissez !

M. Germinal Peiro. En revanche, il faut veiller, monsieur le président, à ce que personne ne cherche à dicter son opinion aux autres. Or M. Copé, qui vient d’arriver, nous dit : « Je n’accepte pas ». Mais il n’a pas à décider à notre place ! Ce n’est pas le président du groupe UMP qui s’exprime ici, mais le collègue Copé.

M. Jean-François Copé. Vous passez votre temps à distinguer les gentils et les méchants !

M. Germinal Peiro. Vous intervenez au même titre que nous tous. Vous pouvez exprimer votre opinion, c’est votre droit le plus absolu, et nous défendrons cette liberté jusqu’au bout, mais vous n’avez pas à nous dicter les nôtres.

M. Jean-François Copé. Ce que je n’accepte pas, ce sont les procès d’intention !

M. Germinal Peiro. Là est la différence entre la démocratie et les autres régimes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Reprise de la discussion

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 206.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 207.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Au préalable, je voudrais faire remarquer à notre collègue Copé qu’il est facile de donner des leçons de morale à l’opposition, après avoir expliqué que les parlementaires opposés à cette loi étaient contre les recherches scientifiques. Nous avons dit, dès le début de l’examen du texte, que nous étions contre les cultures d’OGM en plein champ, mais pas en laboratoire. Or vous faites systématiquement l’amalgame. Contrairement à ce que vous prétendez, ce n’est pas nous qui jouons sur les peurs, mais vous. Encore une fois, nous sommes pour les recherches en milieu confiné, car elles ne présentent pas de risques.

J’en viens à l’amendement n° 207. L’alinéa 4 de l’article 1er évoque la « liberté de consommer et de produire ». Or la directive européenne ne parle que d’un taux d’étiquetage, fixé à 0,9 % au maximum ; aucun texte ne fait référence à un taux pour les aliments produits et les semences. L’intergroupe du Grenelle de l’environnement a indiqué, dans ses sept principes, que, « concernant les seuils, il y a consensus sur le fait que le seuil de 0,9 % pour l’étiquetage des produits n’a pas de fondement scientifique ». Ce seuil a en effet été défini à une époque où les instruments ne permettaient pas la détection d’une valeur inférieure à 0,9 %. Et l’intergroupe ajoute : « Il y a accord pour que ce seuil ne s’applique pas aux semences et il y a débat pour savoir s’il faut l’appliquer aux récoltes. » Il y a donc bien trois sujets différents.

L’amendement n° 207 propose donc que, pour la production, le taux soit fondé sur la définition des services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes dans sa note n° 2004-113.

Au reste, à la page 22 de son rapport, M. Herth précise bien que l’« on ne peut que constater que la réglementation communautaire reste lacunaire ». Et il poursuit : « Face à cette situation, certains États membres ont pris l’initiative de fixer des seuils transitoires qui oscillent entre 0,01 % et 0,9 %. » Rien ne nous empêche donc de fixer un seuil inférieur à 0,9 %. Le fait de vouloir maintenir à tout prix le seuil de 0,9 % pour les semences et les produits finis est une manière d’imposer les OGM sur l’ensemble du territoire national.

Tout à l’heure, l’un de nos collègues nous a dit qu’il fallait cesser de réclamer des cultures sans OGM, car il y en a déjà partout et il faut en prendre acte. Est-ce à dire que, d’une manière générale, il faut se contenter de prendre acte qu’une pollution existe, sans se soucier de prévention ?

Par ailleurs, que se passera-t-il quand on constatera que le seuil de 0,9 % a malheureusement été dépassé en un endroit donné du territoire ? Rien n’exclut que cela puisse arriver en France, et j’ai bien peur que cela ne nous conduise alors à rehausser le seuil à 2 %, comme s’il n’y avait rien d’autre à faire que de hausser les épaules avec fatalisme. C’est en tout cas l’hypothèse la plus probable, car elle s’inscrit dans la dynamique engendrée par ce que nous nous apprêtons à admettre, à savoir que « produire sans OGM » peut tout aussi bien signifier « produire avec 0,9 % d’OGM ».

Afin de prévenir cette dérive, il convient d’abaisser le seuil de 0,9 %. Tel est le sens de notre amendement, qui propose de faire référence, pour la capacité à produire sans OGM, à la définition qu’en donne la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Votre exposé des motifs a le mérite de la clarté, madame Billard, et il ne me semble pas utile de vous répondre en reprenant l’ensemble de ce qui figure dans mon rapport à ce sujet. La difficulté en la matière est que l’on se trouve à cheval sur deux sujets voisins qui, sur le plan juridique, relèvent de compétences européennes distinctes.

Le seuil de 0,9 % a été fixé à l’issue de débats intenses au Parlement européen qui, saisi d’une proposition de la Commission retenant un taux de 1 %, a fini par ramener celui-ci à 0,9 %. La recherche d’un accord sur la détermination d’un seuil était principalement motivée par la volonté de disposer d’un taux de référence en matière d’obligation d’étiquetage afin de pouvoir alerter les consommateurs, que l’on sait inquiets de la présence éventuelle d’OGM dans les aliments. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Le taux retenu a été mûrement pesé et réfléchi en raison des conséquences qu’il comporte, lesquelles doivent faire l’objet d’un examen attentif. La première de ces conséquences est que, dans un marché européen unifié, il est souhaitable de pouvoir se référer à des règles uniques d’étiquetage des produits. Au sein de ce marché, les entreprises agro-alimentaires françaises sont très actives dans de nombreux domaines, notamment dans le secteur des produits biologiques, des produits de qualité que nous souhaitons tous voir se développer. Cette filière a, elle aussi, intérêt à pouvoir se référer à des règles admises par l’ensemble des États de l’Union si elle veut accéder dans les meilleures conditions non seulement au marché national, mais aussi et surtout au marché européen.

Vous évoquez la possibilité de fixer des taux différents par application du principe de subsidiarité. Pour ma part, je me suis rendu à Bruxelles et j’ai largement consulté la documentation disponible sur cette question, notamment le rapport présenté par M. Le Déaut et M. Ménard. Dès lors que vous fixez un taux, vous devez vous l’appliquer en en acceptant toutes les conséquences – que vous ne sauriez, en revanche, chercher à imposer aux tiers. S’il est indiqué dans les conclusions du Grenelle de l’environnement qu’il serait souhaitable de ramener le seuil de 0,9 % à un taux inférieur, il est tout aussi clairement indiqué que ceux qui choisiraient de retenir un taux zéro devraient en assumer les conséquences. Je suis désolé, mais l’esprit et la lettre du droit européen sont très clairs sur ce point : il n’est pas possible, que ce soit en France ou dans un autre État européen, de fixer un taux différent et de le rendre opposable aux tiers. (« Ils l’ont pourtant fait en Allemagne ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Je veux également souligner que le Gouvernement et les différents partis politiques sont actuellement tous favorables au développement de l’agriculture biologique et de la consommation du bio, que ce soit dans les filières courtes – de type AMAP ou marchés du samedi – ou dans les filières longues, comme les cantines scolaires. Si nous voulons mettre en œuvre cette orientation, ce n’est pas en imposant à la filière bio et aux appellations d’origine des systèmes de contrôle extrêmement stricts tendant au zéro OGM que nous y parviendrons, alors que, dans le même temps, nos voisins européens pourraient continuer à faire du bio et des produits IGP ou AOP se contentant de répondre aux règles européennes, c’est-à-dire de respecter le seuil plus souple de 0,9 % Cela reviendrait à nous tirer une balle dans le pied !

M. Yves Cochet. Incroyable !

M. Antoine Herth, rapporteur. Le fond du problème est là. Puisque M. Brard m’a invité à exprimer un avis personnel, je vais en exposer un à l’intention spéciale du groupe GDR…

M. Jean-Pierre Brard. Merci pour ce traitement particulier ! (Sourires.)

M. Antoine Herth, rapporteur. Mon avis de citoyen européen est qu’il existe un décalage entre l’opinion publique européenne et le droit européen, mais que notre hémicycle n’est pas le lieu pour tenter d’y remédier. Il faudra probablement ouvrir ce débat à l’occasion de la campagne européenne. Grâce à l’adoption du traité de Lisbonne et à la condition que l’ensemble des États européens nous suivent, le Parlement européen devrait être doté d’un pouvoir de codécision beaucoup plus important que par le passé, ce qui lui permettra de faire pression de manière plus efficace sur la future Commission européenne pour faire évoluer les choses – en l’occurrence, une directive européenne qui remonte à 2001 – et se rapprocher de ce que les citoyens européens, notamment français, sont en droit d’attendre d’un droit européen s’appliquant à la régulation des marchés. À défaut, nous risquerions de mettre nos filières en difficulté. Je vous ferai, au cours du débat, des propositions de nature à faire quelques pas dans la bonne direction, c’est-à-dire celle d’une amélioration du cadre européen.

Dans l’immédiat, la commission a repoussé l’amendement n° 207, pour l’ensemble des raisons que je viens d’évoquer.

M. le président. Je rappelle aux différents groupes que, pour intervenir sur les amendements, il est souhaitable que chacun d’eux désigne à l’avance l’orateur qui prendra la parole – car je ne peux évidemment pas autoriser un nombre d’interventions illimité sur chaque amendement.

M. Jean Gaubert. C’est de la censure !

M. le président. C’est simplement l’application du règlement, monsieur Gaubert.

Deux orateurs sont inscrits, M. Tourtelier et M. Mamère.

M. Jean-Pierre Brard. J’avais demandé la parole avant !

M. le président. Mettez-vous d’accord avec votre collègue, puisque vous faites partie du même groupe ! Monsieur Mamère, souhaitez-vous renoncer à votre prise de parole au profit de M. Brard ?

M. Noël Mamère. Non, monsieur le président.

M. le président. Dans ce cas, c’est vous qui aurez la parole après M. Tourtelier.

Vous avez la parole, monsieur Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. Si, comme M. le rapporteur, j’estime qu’il faut faire évoluer le droit européen, je n’en tire pas la même conclusion que lui : à cet égard, il me semble qu’adopter cet amendement serait un signal fort. La question du seuil est absolument essentielle, mais il convient de souligner qu’il s’agit d’un seuil d’étiquetage, et non d’un seuil relatif à la santé. Or, tout l’intérêt de l’indication d’un seuil sur l’étiquetage réside dans l’information du consommateur sur le risque sanitaire qu’il encourt. Le seuil de 0,9 % n’a donc aucun sens dans le cadre de ce dont nous discutons actuellement.

L’existence de ce seuil ne facilitera pas le travail des instituteurs dans les dix ans à venir, quand ils auront à faire la différence entre « sans » et « avec ». Aujourd’hui, la distinction a encore un sens : dire qu’un produit est sans OGM signifie qu’il n’en contient pas ; pour un taux de 0,8 %, le produit contient un peu d’OGM ; à 0,9 %, il y en a suffisamment pour que l’on estime nécessaire d’en informer le consommateur. Libre à chacun de faire son choix en conséquence, comme il le ferait en fonction du taux d’alcool d’une boisson.

Dans dix ans, ce ne sera plus la même chose. Un produit dit « sans OGM » pourra en contenir 0,8 %, et aux élèves qui, déconcertés par ce paradoxe, demanderont à leur instituteur comment s’appelle un produit ne contenant réellement pas d’OGM, il devra leur répondre : « Mes pauvres petits, cela n’existe plus ! » Telle est la triste réalité que vous vous apprêtez à introduire avec votre seuil de 0,9 %. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. M. le rapporteur a, selon nous, proféré quelques contrevérités, ou tout du moins commis des erreurs dans l’analyse qu’il a faite du règlement européen.

Mme Delphine Batho. Tout à fait !

M. Noël Mamère. L’Allemagne a fixé le seuil de détection à 0,1 % – ce qui, vous en conviendrez, est très éloigné de 0,9 % – sans que la Commission l’ait pour autant rappelée à l’ordre. Le seuil de 0,9 %, issu d’un compromis politique, n’est jamais qu’un seuil d’étiquetage. Il ne correspond en rien au seuil de détection défini par la DGCCRF, selon laquelle un produit ne peut être considéré comme sans OGM qu’à la condition d’en contenir moins de 0,01 % !

Conserver, comme vous le proposez, un seuil de 0,9 %, implique des conséquences très importantes en matière de responsabilité et de réparation du préjudice. On peut même se demander si cela ne vide pas de son sens le concept de contamination fortuite qui figure par ailleurs dans votre loi. À partir de quel seuil admettra-t-on qu’il y a contamination fortuite : 0,01 %, 0,1 %, ou davantage ?

M. François Brottes. C’est une question importante !

M. Noël Mamère. C’est effectivement une question très importante à plusieurs égards, et qui me fournit l’occasion de revenir sur des propositions formulées non seulement par les Verts, mais aussi par un grand nombre de personnes attachées à l’écologie, au développement durable et au respect de l’environnement. Je veux parler des notions de criminalité écologique et de responsabilité écologique, malheureusement absentes de votre projet de loi, madame la secrétaire d’État. À l’occasion du procès de l’Erika, les juges ont ouvert une première porte en donnant une valeur juridique aux notions de criminalité écologique et de préjudice écologique. Force est de constater que le projet de loi qui nous est soumis ne fait aucune place à ces concepts.

Le seuil de 0,9 % retenu pour l’étiquetage représente une garantie factice qui n’a pour vocation que de faire plaisir aux semenciers, sans constituer en aucune manière une avancée en direction de la reconnaissance des notions de délinquance écologique et de préjudice écologique. N’en déplaise à notre collègue Christian Jacob, les délinquants ne sont pas toujours du côté que l’on croit. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Les vrais voyous, pour reprendre votre expression, sont ceux qui prennent la responsabilité de contaminer les cultures de manière irréversible, tandis que les justes sont ceux qui tentent de les en empêcher ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Jacob. Pour ce qui est des vrais voyous, vous les connaissez bien ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Debré.

M. Bernard Debré. Je tiens à souligner l’épouvantable dialectique utilisée par nos collègues. (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) D’abord, il est question d’une « dissémination » volontaire, et non d’une culture en plein champ.

M. Claude Gatignol. Il est bon de le rappeler !

M. Bernard Debré. Le terme employé jette déjà l’opprobre. Ensuite, ils parlent de contamination comme s’il s’agissait d’une maladie. Enfin, M. Mamère vient de nous traiter de criminels écologiques.

Monsieur Mamère, faut-il rappeler une fois encore que l’OMS, qui procède à des études depuis une douzaine d’années, depuis que les OGM ont commencé à être cultivés, n’a constaté aucune pathologie ? (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Noël Mamère. Avant Tchernobyl, que disait l’OMS ?

M. Bernard Debré. Vous, vous partez du présupposé qu’il y a une pathologie et que nous sommes les pourvoyeurs de cette pathologie. Vous allez bientôt nous expliquer que l’OMS est payée par Monsanto…

M. Germinal Peiro. Ce n’est pas loin d’être vrai !

M. Bernard Debré. …et que plus personne n’est libre.

Les termes que vous utilisez ne sont pas acceptables, monsieur Mamère. Nous ne sommes pas des criminels. Les 20 millions de cultivateurs dans le monde qui sèment des OGM ne sont pas des criminels. Les 114 millions d’hectares actuellement cultivés – 680 millions sur onze ans – ne relèvent pas de la délinquance écologique. Certes, le principe de précaution est intéressant. Mais quelle est la limite ? On peut tout de même faire un bilan au bout de douze ans. L’OMS l’a fait et a constaté qu’il n’y avait pas de pathologies.

Or, à cause de la dialectique que vous utilisez, nous recevons des mails épouvantables dont les auteurs nous rendent responsables de certains cancers ou de pathologies à venir. C’est vous qui mettez cela dans la tête des gens alors qu’il n’y a, pour l’instant, aucune pathologie.

M. François Brottes. Pour l’instant !

M. Bernard Debré. Cela fait onze ans qu’il n’y en a pas. L’OMS l’a constaté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Alors cessez d’utiliser ces termes inacceptables ! Cessez de prétendre que nous serions des criminels et vous des anges !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. Noël Mamère. Pesticides, amiante : circulez, il n’y a rien à voir ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Debré. Mais il n’y a aucune relation !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 207.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, comme vous avez accepté tout à l’heure que Noël Mamère préempte mon droit d’expression, je m’exprime non plus sur l’amendement mais sur le déroulement des débats à la suite de l’intervention de Jean-François Copé, qui a effectué un passage dans l’hémicycle à la vitesse d’une étoile filante dans son rôle de serre-file du groupe UMP. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le propos de M. Copé était fort intéressant. Il nous a rappelé que, depuis le début de la discussion, vous n’avez jamais répondu à la question de fond, à savoir pourquoi mener ce combat en faveur des OGM alors que ceux-ci ne sont pas nécessaires pour satisfaire les besoins alimentaires de la planète ? Stigmatiser, diaboliser, invectiver comme l’a fait tout à l’heure M. Copé n’avance à rien. En outre, il ne faut pas manquer d’audace pour appeler les pays du Sud à la rescousse pour nous culpabiliser. De quoi relèvent en effet les difficultés de ces derniers ? Pour une part, du pillage dont ils ont été l’objet, en particulier du fait de grandes sociétés comme la United Fruit ou quelques autres.

Notre rapporteur a touché du doigt le sujet dont nous devrions débattre. Vous avez dit avec beaucoup de pertinence, monsieur Herth, qu’il y a contradiction entre le droit européen et l’opinion publique. Si cette dernière devait être écoutée, c’est à nous d’en décider, nous qui avons des décisions de caractère politique à prendre.

M. Antoine Herth, rapporteur. Que faites-vous de l’Europe ?

M. Jean-Pierre Brard. À Valmy, nous étions seuls contre toute l’Europe coalisée !

M. François Grosdidier. M. Brard y était ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Être seuls aujourd’hui face aux institutions européennes devrait-il être rédhibitoire ? Bien sûr que non ! Après la démarche malheureuse qui a débouché sur la directive de 2001, nous nous honorerions en faisant marche arrière.

M. Bernard Debré. Nous n’arrêtons pas de faire marche arrière !

M. Jean-Pierre Brard. La France se grandirait en disant aux pays de l’Union européenne : « Arrêtons là et reprenons tout depuis le début parce que le débat dans l’opinion publique a progressé. » En tout état de cause, et de façon plus générale, on ne peut pas construire l’Europe sans l’adhésion des citoyens. Or c’est précisément ce que vous êtes en train de faire. Le sujet n’est pourtant pas banal. C’est un vrai sujet de société. Monsieur le rapporteur, le pouvoir politique se grandit toujours quand il sait remettre les compteurs à zéro sur des questions clefs.

Monsieur le président, j’en resterai là. J’aurais voulu intervenir sur d’autres points, mais vous ne m’avez pas donné la parole en temps opportun, tout à l’heure.

M. le président. Eh oui, monsieur Brard, dura lex, sed lex !

Mes chers collègues, M. le Président me fait savoir qu’il va réunir la Conférence des présidents à dix-sept heures.

Les membres de la Conférence des présidents ou leurs représentants sont donc invités à se rendre au salon Delacroix.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Modification de l’ordre du jour prioritaire

M. le président. J’informe l’Assemblée qu’à la suite de la réunion de la Conférence des présidents, l’ordre du jour prioritaire est ainsi modifié :

Les séances du vendredi 4 avril sont supprimées ;

La discussion du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés se poursuivra le lundi 7 avril, à seize heures et à vingt et une heures trente.

4

Organismes génétiquement modifiés

Reprise de la discussion d’un projet de loi
adopté par le Sénat après déclaration d’urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, relatif aux organismes génétiquement modifiés (nos 719, 746).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Nous poursuivons la discussion de l’article 1er.

Article 1er (suite)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 476, 258, 237 et 425, pouvant être soumis à une discussion commune.

J’indique d’ores et déjà que, sur le vote de l’amendement n° 476, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l’amendement n° 476.

M. Yves Cochet. La directive européenne 2001/18 instaure une obligation d’étiquetage, imposant de signaler la présence d’OGM dans un produit si celle-ci est supérieure à 0,9 %. Elle ne précise pas, en revanche, à quel produit peut s’appliquer la mention « sans OGM ».

Mais les services administratifs de l’État ont eu la bonne idée de spécifier en 2004 à quels produits pouvait s’appliquer cette mention, dans une note d’information de la DGCCRF, signée de son directeur général de l’époque, M. Guillaume Cerruti, et qui tente en six alinéas relativement techniques de définir ce qu’est un produit sans OGM.

Or ce n’est pas à l’administration de faire la loi. La loi et le droit s’écrivent ici, d’une main tremblante mais ici, et c’est aux représentants politiques de la nation de définir les critères qui font qu’un produit peut prétendre à l’appellation « sans OGM ».

Nous avons donc repris dans notre amendement une bonne partie des dispositions techniques proposées il y a déjà quatre ans par la DGCCRF, en accentuant leur portée juridique et en les clarifiant. Vous vous êtes, en effet, sans doute aperçus, si vous l’avez lue, que, par un souci de précision qui honore ses rédacteurs, la note de la DGCCRF était à la fois très technique, donc difficilement compréhensible par le grand public, et peu juridique.

Notre amendement propose donc de rajouter à la fin de l’article 1er six alinéas qui transposent ces dispositions sur les produits réputés sans OGM, de manière à leur conférer une valeur légale. Ils précisent que la mention « sans OGM » signifie absence d’OGM : comme le disait fort bien M. Tourtelier tout à l’heure, il ne faut en effet pas induire les gens en erreur.

On est désormais en mesure de détecter la présence d’OGM jusqu’à 0,1 %, et ce seuil scientifique doit servir à déterminer ce qu’est un produit sans OGM. C’est ce qu’a fait l’Allemagne, grande nation démocratique de l’Union européenne, en inscrivant dans la loi ce seuil de détectabilité de 0,1 % pour l’absence d’OGM. C’est ce que nous proposons à notre tour, dans un amendement assez long mais qui a le mérite de préciser la notion de produit sans OGM.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Monsieur Cochet, votre amendement n’a pas été examiné par la commission, et je m’exprime donc à titre personnel.

Il s’agit d’un amendement extrêmement intéressant qui pourrait un jour servir de fondement à une définition non plus comme vous le proposez du « sans OGM » mais du « non OGM ». Au-delà de la simple question de sémantique, cela implique en effet une nouvelle façon de définir les cahiers des charges, tant pour ce qui concerne l’information du consommateur que pour la mise en conformité avec la réglementation européenne.

J’émets malgré tout un avis défavorable en me fondant sur les propos qu’a tenus tout à l’heure M. Mamère et sur lesquels j’aimerais revenir. Vous avez prétendu, monsieur Mamère, que nous étions responsables de ce taux de 0,9 %, notamment lorsque nous avons discuté avec Mme Billard de l’interprétation possible de la réglementation européenne sur ce sujet-là. Mais les choses sont différentes : nous ne fixons pas ce taux-là.

En tant que rapporteur, je constate qu’une réglementation fait référence à un taux de 0,9 %. Il ne nous appartient pas, ici, de fixer un taux, et je vais m’en expliquer.

Nous ne pouvons pas fixer valablement une référence non-OGM. D’une part, parce que, d’un point de vue économique et social, nous avons besoin d’une sérieuse expertise sur le sujet.

M. Yves Cochet. Vous n’allez pas contredire la DGCCRF !

M. Antoine Herth, rapporteur. La question doit donc être posée au Haut conseil des biotechnologies créé par ce texte de loi.

D’autre part, vous l’avez souligné à maintes reprises, il faut au minimum être en accord et transparent avec les associations de consommateurs. Je vous signale que le Conseil national de la consommation a été chargé de mener une réflexion sur ce thème.

Vous m’avez parlé de la situation en Allemagne. J’ai moi-même étudié les dispositions récentes prises par le Parlement et le gouvernement allemands sur ce sujet, en particulier sur l’étiquetage des produits animaux. Mais les associations de consommateurs allemandes ont-elles été consultées sur ces dispositions selon lesquelles il est possible d’étiqueter une viande sans OGM – ou non-OGM, je n’ai pas la traduction exacte du terme allemand ? En effet, une viande de bœuf issue d’une vache amenée à l’abattoir à l’âge de cinq ans peut simplement obtenir le label, la reconnaissance sans OGM si l’animal s’est abstenu de consommer des OGM pendant les trois derniers mois de sa vie. Voilà la règle allemande ! J’imagine que les associations de consommateurs allemandes ont accepté cette règle.

Je pense vraiment que nous pouvons, nous, parlementaires exprimer des inquiétudes et relayer les attentes de nos concitoyens. Nos associations de consommateurs doivent prendre le temps de consulter leurs adhérents et faire une proposition dans le cadre du Conseil national de la consommation pour définir ce que, nous, en France, attendons d’un label, d’un signe de reconnaissance ou d’une étiquette allant dans le sens d’une absence d’OGM, ce qui suppose également l’existence de cahiers des charges qui garantissent une transparence afin que ce label soit accepté et acceptable par le consommateur français.

Pour toutes ces raisons, je demande à l’Assemblée de repousser l’amendement.

M. Yves Cochet. On ne va pas pouvoir voter la loi sans définir la notion de « sans OGM » !

M. le président. Je souhaite que chaque orateur s’exprime de la façon la plus concise possible pour défendre les amendements, dans l’esprit qui a présidé lors de la Conférence des présidents.

La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 258.

M. André Chassaigne. Pourquoi s’accroche-t-on à ce seuil de 0,9 % ? Le rapporteur l’a plus ou moins dit, le fond du problème est tout simplement que, si le verrou du 0,9 % saute, il n’y a plus de coexistence possible.

Une étude scientifique portant sur le maïs a été réalisée par un chercheur de l’INRA, Antoine Messéan, intitulée « La faisabilité de la coexistence chez le maïs : leçons tirées des études de flux de gènes et de la modélisation ». L’INRA a travaillé dans le cadre du projet européen SIGMEA. Les conclusions sont très claires : si l’on veut parler de coexistence, il faut un seuil de 0,9 %. Sinon, inutile pour nous de revenir lundi, prenons nos affaires et rentrons chez nous : il n’y a pas de coexistence possible ! (Sourires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il ne faut pas élever des rideaux de fumée ! Le fond du problème est là !

Cette étude scientifique est très révélatrice, et je vous en lis un extrait :

« De façon globale, les différents résultats obtenus montrent que les risques sont gradués suivant le contexte cultural et surtout le seuil de présence d'OGM toléré. Dans de nombreuses situations, et tant que l'adoption des OGM reste limitée, la coexistence est techniquement faisable pour satisfaire des seuils même inférieurs au seuil réglementaire de 0,9 % en adoptant des mesures comme des décalages de semis ou des distances d'isolement limitées. En cas de très grande densité de maïs, la mise en œuvre de distances d'isolement même faibles n'est pas facile et la séparation géographique entre cultures OGM et cultures conventionnelles apparaît être la solution techniquement et économiquement raisonnable. Enfin, pour les filières telles que l'agriculture biologique ou des usages spécifiques comme la semoulerie, qui revendiquent une quasi-absence ou une absence totale d'OGM dans leurs productions, la coexistence à l'échelle locale est en revanche techniquement impossible. »

Il est bien évident que ce seuil de 0,9 % décidé au niveau européen n’est pas un taux complètement artificiel. Il est l’outil, le levier, je pourrais dire l’artifice qui permet de parler de coexistence. Et si l’on fait sauter ce seuil – ce que vous ne voulez pas faire, et pour cause –, on ne pourra plus parler de coexistence selon cette analyse scientifique sur le maïs.

M. Jean-Yves Le Déaut. M. Chassaigne a raison !

M. André Chassaigne. Je précise que l’Union européenne n’est pas accrochée mordicus à ce niveau de 0,9 % qui a été choisi à partir de différentes considérations, notamment scientifiques. Lors d’un vote consultatif, le 29 mars 2007, le Parlement européen a majoritairement demandé que le seuil de présence d’OGM dans les produits issus de l’agriculture biologique soit abaissé à 0,1 %, seuil de détectabilité.

Pour résumer, 0,9 % est un seuil que je qualifierai de négatif, puisqu’il revient à dire qu’à partir de 0,9 % il y a présence d’OGM. L’amendement que je présente, avec un étiquetage que je qualifierai de positif, est différent : il prévoit tout simplement que, pour que figure la mention « sans OGM », il ne faut pas d’OGM. Cet étiquetage permettrait aux consommateurs d’être réellement informés sur ce qu’ils mangent. C’est une question de vérité !

Le seuil de 0,9 % a été voté, vous l’avez voulu. Cela n’empêche cependant pas de décider d’un étiquetage différent basé sur l’absence de traces d’OGM.

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho pour soutenir l’amendement n° 237.

Mme Delphine Batho. Je pense d’abord que notre assemblée doit prendre acte de ce que nous a dit le rapporteur tout à l’heure, c’est-à-dire qu’il y a bien une volonté politique du Sénat, insidieuse et non dite, de définir dans l’article 1er le « sans OGM » comme avec moins de 0,9 % d’OGM, en se référant aux dispositions communautaires.

Alors que cet article 1er doit proclamer la liberté de cultiver et de consommer sans OGM, il dit strictement le contraire et assassine en catimini l’agriculture biologique et tous ceux, ils sont nombreux, qui voudraient se prévaloir auprès des consommateurs du label « sans OGM ».

Monsieur le rapporteur, vous ne répondez pas aux nombreuses questions qui ont été posées ou aux rappels de mes collègues sur la réglementation européenne. Vous nous dites qu’il faut rediscuter de la réglementation européenne, qu’il faut consulter les associations de consommateurs. En attendant, l’article 1er du projet de loi, tel qu’il sera écrit si nous le votons en l’état, sans que notre amendement soit adopté, inscrira dans le droit français qu’un produit peut être étiqueté sans OGM alors qu’il en contient.

Mardi soir, dans la discussion générale, Mme la secrétaire d’État nous a dit, je l’ai noté car c’est important, que le Sénat n’a pas épuisé le débat sur les seuils d’étiquetage, et que nous sommes donc tout à fait fondés à revoir cette rédaction.

Pour prolonger le discours de ma collègue Martine Billard tout à l’heure, je rappelle que ce que la réglementation européenne énonce, c’est une obligation d’étiquetage des produits qui comportent des OGM. Et que ce n’est que par exception ou par dérogation que la réglementation européenne dit que, lorsqu’il y a moins de 0,9 % d’OGM, l’étiquetage n’est pas obligatoire. En aucun cas, cette réglementation signifie qu’avec 0,8 %, 0,5 % ou 0,2 %, le produit peut se prévaloir d’être « sans OGM ».

Je voudrais citer un passage de cette fameuse note de la DGCCRF qui, monsieur le rapporteur, n’est pas du tout en contradiction avec la réglementation en vigueur européenne, laquelle est même visée dans cette note :

« Lorsqu'un opérateur indique qu'un produit destiné au consommateur final ou à l'utilisateur final ne contient pas d'OGM au moyen de mentions du type “ sans OGM ”, “ non-OGM ” ou “ PCR négatif ”, sa démarche doit répondre à plusieurs exigences :

« 1°La présence de toute trace d'OGM doit être exclue. En d'autres termes, le seuil à retenir dans ce cas est la limite de détection à l'analyse et nullement la limite de quantification ou encore le seuil de présence fortuite de 0,9 %. »

C’est en vertu de cette note que deux agriculteurs des Deux-Sèvres, Christian et Julien Veillat, dont le maïs a été contaminé par des OGM à hauteur de 0,8 % – pas au-dessus de 0,9 % ! – ont vu leur récolte déclassée et ont subi un préjudice moral et économique !

Si nous n’inscrivons pas dans la loi la définition du « sans OGM », d’une part, on trompera les consommateurs – puisque des produits étiquetés « sans OGM » pourront en contenir, ce qui pose un grave problème –, d’autre part, on ne pourra pas indemniser les agriculteurs « bio » victimes des disséminations et des contaminations. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 237, je suis saisi par le groupe socialiste, radical et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean Gaubert, pour défendre l’amendement n° 425.

M. Jean Gaubert. Cet amendement n’est pas tout à fait le même. Il n’aurait d’ailleurs pas dû être présenté en discussion commune avec ceux qui viennent d’être soutenus dans la mesure où il est un amendement de repli pour le cas où celui défendu par Delphine Batho ne serait pas adopté.

J’adhère totalement aux propos de Delphine Batho, mais l’amendement n° 425 propose la solution retenue par les Allemands : l’obligation d’étiquetage au-dessus de 0,9 % et la possibilité d’étiquetage sans OGM au-dessous de 0,1 %.

Je voudrais revenir sur une affirmation du professeur Debré.

M. Christian Jacob. Du député Debré !

M. Jean Gaubert. Soit.

M. Christian Jacob. Excellent professeur par ailleurs !

M. Jean Gaubert. Tout à fait, et je le dis à dessein !

Selon lui, après onze ans, il n’y a pas de pathologie. Tout autre député, non scientifique et non médecin, qui nous l’aurait dit aurait pu être taxé d’ignorance.

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !

M. Bernard Debré. Mais c’est l’OMS qui le dit !

Monsieur Debré, l’amiante était utilisée depuis au moins les années quarante et, au début des années quatre-vingt, on ne parlait pas encore des pathologies liées à ce matériau.

M. Marc Laffineur et M. Claude Gatignol. Mais si !

M. Jean Gaubert. Aujourd’hui, on les connaît.

Les pesticides sont apparus dans les années cinquante-cinq à soixante, et il a fallu, là encore, attendre les années quatre-vingt pour commencer à en mesurer les dégâts sanitaires. Il en est de même des PCB ! Arguer du fait que cela fait onze ans qu’on utilise les OGM et qu’on n’a rien relevé en matière sanitaire pour prétendre qu’ils ne posent aucun problème, cela me paraît un peu court dans la bouche d’une personne qui devrait être bien informée.

M. Bernard Debré. Il ne s’agit pas des mêmes produits !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 258, 237 et 425 ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Défavorable.

Monsieur Chassaigne, vous avez brillamment évoqué un vrai sujet.

M. Jean-Pierre Brard. Comme toujours !

M. Antoine Herth, rapporteur. Telle est la raison pour laquelle, je le répète, nous avons besoin du Haut conseil des biotechnologies, qui sera un lieu d’expertises indépendantes et transparentes. En effet, la réponse aux questions que vous avez posées peut varier selon le type d’organisme génétiquement modifié qu’on examine : le maïs, exemple le plus souvent cité du fait que le Gouvernement a récemment pris des dispositions en vue d’introduire une clause de sauvegarde à l’encontre d’une de ses variétés, le MON 810, ou, demain – pourquoi pas ? – d’autres espèces comme la pomme de terre ou la betterave. Peut-être, en effet, nos chercheurs produiront-ils des traits génétiques pour lesquels la question de la dissémination se posera différemment sur le plan technique, et il conviendra alors de fixer des références différentes. Vous faites bien d’ouvrir le débat mais, je le répète à l’ensemble de mes collègues ici présents, c’est la raison pour laquelle nous souhaitons la création du Haut conseil des biotechnologies, qui pourra conseiller avec précision le Gouvernement dans ce domaine.

Madame Batho et monsieur Gaubert, vous évoquez de nouveau la question de l’étiquetage. Je voudrais simplement vous rappeler que la DGCCRF n’est pas compétente en matière de code rural ou de code de l’environnement : son point de vue est celui du code de la consommation. En conséquence, elle traite de la question de l’étiquetage sous un angle qui lui est propre : celui des mentions susceptibles d’être assimilées à des mentions valorisantes.

M. Jean-Yves Le Déaut. C’est au Parlement de le faire, pas à la DGCCRF !

M. Antoine Herth, rapporteur. Elle s’appuie donc sur l’état du droit de la consommation. En effet, dès lors qu’il s’agit de valoriser les efforts qu’un producteur a librement choisi d’inscrire dans le cahier des charges et en l’absence d’un avis du Haut conseil des biotechnologies, qui n’existe pas encore, ou des conclusions définitives, non encore rendues, du Conseil national de la consommation, dont les avis sont plus nuancés, elle a décidé d’adopter une position extrême, c’est-à-dire de retenir un seuil qui correspond aux capacités scientifiques actuelles de détection des traces d’OGM. Cette attitude prudente a pour origine l’absence de débat avec les partenaires sociaux sur le sujet.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous demande de repousser ces amendements : nous avons en effet besoin de poursuivre, toujours dans l’esprit du Grenelle de l’environnement, le débat à ciel ouvert…

M. Jean-Yves Le Déaut. Au Parlement, nous sommes à ciel ouvert !

M. Antoine Herth, rapporteur. …avec l’ensemble des parties prenantes.

Mme Delphine Batho. Alors, à quoi a servi le Grenelle de l’environnement ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 476, 258, 237 et 425.

M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Défavorable.

La question de savoir ce qu’on veut faire du Haut conseil des biotechnologies est primordiale. Sa mission, faut-il le rappeler, sera, compte tenu de sa composition plurielle et de son mode de saisine, d’éclairer les pouvoirs publics lorsque ceux-ci auront à prendre des dispositions au cas par cas. En effet, il ne saurait y avoir de règle absolue : sinon, aurions-nous saisi le Conseil national de la consommation, dont je rappelle qu’il est, lui aussi, une autorité indépendante et plurielle ?

Ce Conseil doit rendre, en avril, un premier avis, qui pourra être différent de celui de la DGCCRF, qui s’est prononcée en s’appuyant sur le droit en vigueur. La question de l’étiquetage et celle du seuil, qui nous concerne aujourd’hui, peuvent donc être dissociées. Il s’agit d’en prendre acte !

La vraie question est de savoir si, oui ou non, nous nous satisferons de l’avis du Conseil national de la consommation, car il faudra prendre en compte non seulement les taux d’OGM, mais également le respect des cahiers des charges, dont les méthodologies varient selon les cas – vous le savez pertinemment. Il me paraîtrait donc plus logique d’aller, avec cet avis, devant le Haut conseil des biotechnologies, dont la mission particulière sera précisément de se prononcer sur ces questions. Il n’appartient donc pas au projet de loi de figer quoi que ce soit en la matière, notamment sur le plan de l’étiquetage – conforme ou non à une norme définie au plan européen. Ce que fait le projet de loi, c’est de créer l’instrument – le Haut conseil des biotechnologies – qui nous fournira un avis éclairé.

De grâce ! Ayez confiance dans les outils dont vous appelez vous-mêmes de vos vœux la création, à savoir des autorités d’expertise indépendantes, impartiales et plurielles ! Laissez-les donc se prononcer ! Je le répète, la question du taux n’est pas la seule : il ne faut pas oublier les questions relatives aux cahiers des charges, qui sont tout aussi cruciales. Nous sommes de bonne foi, au sein d’une démocratie ouverte : les larges possibilités de saisine du Haut conseil que prévoit le texte en sont la preuve. Je vous assure qu’il sera saisi en tout état de cause !

M. le président. La parole est à M. Bernard Debré.

M. Bernard Debré. Monsieur Chassaigne, lorsque vous citez une étude, il faut aller jusqu’au bout !

M. André Chassaigne. C’est ce que j’ai fait !

M. Bernard Debré. Mais non ! Car vous auriez dû citer les chiffres de l’étude d’Antoine Messéan sur la pollinisation ! Si la pollinisation d’un épi de maïs produit 25 millions de gamètes, il n’en reste plus qu’un au mètre carré cinquante mètres plus loin ! C’est la raison pour laquelle la distance de cinquante mètres a été retenue et qu’il convient de relativiser vos propos – je vous renvoie à l’étude de M. Messéan pour plus de détails.

Monsieur Gaubert, il ne faut pas confondre les produits chimiques, les produits minéraux et les polypeptides qui, entièrement séparés en peptides au cours de la digestion, sont inoffensifs. C’est bien de vouloir me donner une leçon de sciences naturelles, mais encore faut-il ne pas mélanger les torchons et les serviettes…

M. Jean-Pierre Brard. C’est trivial !

M. Bernard Debré. …en confondant l’amiante, les PCB et les polypeptides : ce n’est pas la même chose. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Yves Cochet a posé une vraie question, même si je ne suis pas favorable à la totalité de son amendement – je dirai pourquoi.

Monsieur le ministre d’État, nous sommes aujourd’hui réunis pour voter une loi fondatrice sur les biotechnologies : or vous voulez la limiter à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés, alors que ce qui intéresse nos concitoyens, c’est de savoir en toute liberté s’ils consomment ou non de tels organismes. Pour cela, il convient de leur fournir des indicateurs fiables. Vous avez retenu le seuil de 0,9 %, qui résulte d’un accord politique au plan européen et qui ne correspond pas à un seuil de toxicité : en effet, qui consommerait un produit annonçant un tel taux de toxicité !

M. Bernard Debré. On ne traite pas là d’organismes toxiques !

M. Jean-Yves Le Déaut. Il est évident, en revanche, qu’une fois ce seuil d’étiquetage fixé, deux solutions s’offrent à nous : soit convenir qu’un produit qui n’atteint pas ce seuil est réputé « sans OGM » – c’est ce que vous voulez, mais sans le dire –, soit fixer un seuil au-dessous duquel le produit serait déclaré explicitement « sans OGM », mais cela implique de définir ce qu’est un produit « sans OGM ».

C’est la raison pour laquelle je ne comprends pas la position du rapporteur et celle du ministre d’État, qui renvoient tous deux le traitement de cette question au Haut conseil des biotechnologies. En effet, à moins qu’on n’amende les missions du Haut conseil, celui-ci « rend un avis sur chaque demande d’agrément, déclaration ou demande d’autorisation en vue de l’utilisation confinée ou de la dissémination volontaire », mais ne rend pas d’avis sur la définition du « sans OGM » dans l’alimentation.

Mme Delphine Batho. Très bonne remarque !

M. Jean-Yves Le Déaut. Or, Delphine Batho l’a rappelé aujourd’hui et, fort de mon expérience parlementaire, je l’avais fait en défendant la motion de renvoi en commission : lorsqu’on veut botter en touche, on renvoie à une commission qui donnera son avis, alors que la représentation nationale est aujourd’hui réunie pour traiter cette question.

Comme l’indique du reste la note de la DGCCRF, aucune disposition communautaire ne vient réglementer l’utilisation de la mention « sans OGM », alors qu’il faudrait une définition du « sans OGM »,…

M. Yves Cochet. Évidemment !

M. Jean-Yves Le Déaut. …faute de quoi n’importe quelle définition pourra s’imposer, y compris celle qui s’appuierait sur un seuil inférieur à 0,9 %.

Selon la DGCCRF – je ne citerai pas le même passage que Mme Batho –, « aucun OGM, produit dérivé d’OGM ou produit obtenu à l’aide d’OGM (acides aminés, vitamines, etc.) ne doit avoir été utilisé à un quelconque stade de l’élaboration du produit ». Or je suis défavorable à une telle mesure. Pourquoi ? Prenons l’exemple de la fabrication du fromage : la première étape consiste à faire coaguler le lait. On recourait traditionnellement à de la caillette de veau fœtal jusqu’à ce qu’on s’aperçoive que son emploi pouvait se révéler dangereux. On a alors mis au point, grâce à des micro-organismes génétiquement modifiés, de la chymosine, laquelle est utilisée aujourd’hui par toute l’industrie fromagère. Si jamais on suivait la DGCRFF, plus aucun fromage ne pourrait être étiqueté « biologique sans OGM » du fait de l’utilisation de la chymosine génétiquement modifiée. Avons-nous débattu de cette question au Parlement ? Non ! C’est une aberration qu’aujourd’hui une administration de la République française ait pu écrire cela. Vous dites que le Conseil national de l’alimentation nous donnera son avis dans quelque temps ; je le veux bien, mais voilà dix ans qu’il aurait dû le faire !

Monsieur le ministre d’État, je tiens à le dire avec beaucoup de solennité, nous ne pouvons pas nous séparer sans que vous ayez défini le seuil d’étiquetage. Nous sommes du reste plusieurs à penser qu’à partir du moment où il ne s’agit pas d’alimentation, 0,9 % est un seuil politique susceptible de faire consensus, mais à condition de définir ce qu’est un produit « sans OGM », ce que vous refusez de faire. La mention « sans OGM » n’est pas définie aujourd’hui, ou plutôt l’est très mal par l’administration française alors même que le Parlement n’a pas été consulté ! Vous avez aujourd’hui la chance, monsieur le ministre d’État, de pouvoir consulter les parlementaires, dont certains sont même d’éminents professeurs, qui peuvent du reste se tromper. Ce qu’a fait M. Debré. J’ai lu l’étude SIGMEA, que M. André Chassaigne, a très bien développée : cette étude révèle en effet que les contaminations sur le maïs – il en serait différemment du colza – sont variables en fonction de la distance. Mais, monsieur Debré, à cent mètres, la contamination serait de l’ordre de 0,01 % ! Or, si la pollinisation produit 25 millions de gamètes, au taux de 0,01 %, cela ne fait pas un gamète au mètre carré à cinquante mètres, mais bien 2 500 à cent mètres : ce n’est pas la même chose ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il s’agissait seulement de démontrer l’erreur commise par M. Debré.

M. Bernard Debré. Pour ce maïs-là, mais il y en a d’autres !

M. André Chassaigne. M. Debré pense sans doute qu’il n’y a qu’un seul épi de maïs par champ !

M. Jean-Yves Le Déaut. Je suis d’accord pour reconnaître que le nombre des gamètes diminue avec la distance – c’est du reste tout à fait logique – et qu’on doit tolérer une certaine coexistence entre les cultures. Toutefois si, selon vous, le seuil du « sans OGM » doit être 0,9 %, il faut le dire clairement. Nous avons l’impression, monsieur le ministre d’État, que vous faites le grand écart ou que vous bottez en touche, de peur d’aborder cette question qui est pourtant primordiale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Je souhaite tout d’abord souligner qu’il ne revient pas à la DGCCRF de faire la loi et de définir urbi et orbi ce qu’est un « sans OGM », mais à nous-mêmes. C’est pourquoi je n’ai pas réalisé un « copié-collé » de la note de la DGCCRF, d’ailleurs beaucoup plus longue que mon amendement. Je constate que le ministre et peut-être, semble-t-il, une majorité de députés – j’espère pourtant que ce n’est pas le cas – sont en train contredire une note jusqu’à présent interne de la DGCCFR. Sauf mention contraire, vous affirmez donc, officiellement, que cette note n’a plus aucune valeur. Or, pour les consommateurs qui s’informent, cette note existe et ils doivent savoir quelle en est la valeur. Vous allez donc nous répondre sur le fait de savoir si elle est encore ou non valide. Pour ma part, je propose d’en garder le meilleur sur le plan juridique pour le faire passer dans la loi.

Je remarque ensuite qu’on ne cesse de nous dire que le projet, et nous le regrettons, implique la liberté de produire « avec ou sans » OGM. Pour ce qui est du mot « avec », au moins disposons-nous du cadre européen, qui prévoit l’étiquetage des produits comportant plus de 0,9 % d’OGM. Nous avons donc une petite définition des produits « avec OGM », une définition plutôt commerciale, relevant du marketing, de l’étiquetage… mais au moins existe-t-elle.

Cependant, nous ne savons pas ce que sont les produits « sans OGM », mentionnés dès l’article 1er du texte. Nous allons donc légiférer sur une notion dont nous ne connaissons que la moitié de la définition. C’est pourquoi je propose de la compléter à des fins d’intégrité à la fois juridique et politique. Si l’on sait à peu près ce qu’est un produit « avec OGM », je propose, par le biais de mon amendement, de définir ce qu’est un produit « sans OGM ». Il n’est pas question ici de seuil, mais simplement d’une méthode de détection scientifique.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Je rappellerai à M. Debré, qui m’avait sans doute écouté de travers, que je n’ai pas cherché à donner un cours de sciences naturelles ni un cours de chimie, bien au contraire. Je me suis placé dans la position du citoyen qui fait le bilan de tout ce qu’il a entendu dans la première partie de sa vie à propos de toutes les innovations présentées comme fantastiques et dont on a découvert beaucoup plus tard qu’elles comportaient aussi des risques et des dangers.

M. Bernard Debré. Vous faites un amalgame !

M. Jean Gaubert. C’est ainsi que j’ai pu citer l’amiante, évoqué les pesticides, ainsi que les PCB, que je vous ai dit que ce n’est pas parce qu’en onze ans on n’a pas relevé de pathologies qu’on n’aurait pas pu en découvrir. J’ajoute un autre exemple : on a utilisé pendant longtemps les antibiotiques, dans les élevages, avant qu’on ne parle de l’antibio-résistance.

J’ai donc voulu signifier qu’en tant que citoyen on m’avait tellement « baladé » à propos d’innovations dont on n’avait pas mesuré les risques,…

M. Bernard Debré. Ce sont des amalgames, monsieur Gaubert !

M. Jean Gaubert. …que j’estime aujourd’hui nécessaire de se montrer plus prudent.

Quant à vous, monsieur le ministre d’État, pendant que je vous écoutais, je me demandais si j’avais vraiment en face de moi le ministre de l’environnement ou bien celui des sports (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), tant votre propension à botter en touche fait ici merveille.

M. Bernard Debré. Oh non !

M. Jean Gaubert. La différence avec le rugby, c’est que, lorsqu’on botte en touche, c’est plutôt pour progresser, alors qu’ici j’ai le sentiment que c’est plutôt pour régresser.

M. Christian Jacob. Nous vous avons connu mieux inspiré, monsieur Gaubert !

M. Bernard Debré. Épargnez-nous ce genre d’attaques personnelles !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur Gaubert, vos appréciations sportives ne s’imposent pas dans un débat que nous souhaitons courtois et serein.

M. Bernard Debré. Eh oui !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur Le Déaut, vous avez dit des choses importantes – en tout cas, vous les avez jugées telles – lorsque vous avez apprécié les compétences du Haut conseil des biotechnologies. En effet, nous souhaitons que cette loi soit équilibrée, efficace et, grâce au dispositif que nous avons prévu, qu’elle satisfasse – non d’emblée, dès l’article 1er, mais tout au long du texte – des exigences que nous partageons pour apporter des réponses à nos doutes, à notre questionnement et sur les démarches d’évaluation.

Or vous soutenez que le Haut conseil n’y répond pas. Mais si ! Le rapporteur l’a dit, le ministre l’a rappelé, et je vais vous le répéter, monsieur Le Déaut.

Vous avez fondé votre démonstration sur un alinéa qui définit les compétences du Haut conseil, mais vous avez oublié tout le reste.

M. Jean-Yves Le Déaut. Non !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Quand nous affirmons que le Haut conseil est compétent pour prendre en charge l’ensemble du questionnement sur lequel je ne reviendrai pas…

M. Jean-Yves Le Déaut. Où est-ce écrit ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je vais vous le dire. Vous avez lu l’alinéa 2 de l’article 2 – article fondateur – : « Le Haut conseil des biotechnologies a pour mission d’éclairer le Gouvernement sur toutes questions intéressant les organismes génétiquement modifiés et de formuler des avis en matière d’évaluation des risques et des bénéfices pour l’environnement et la santé publique en cas d’utilisation confinée ou de dissémination volontaire […]. »

Je vais tâcher de bien expliquer à tous ceux qui sont ici que ce Haut conseil répond parfaitement aux interrogations des uns et des autres ; il est l’instrument adapté. Vous auriez pu lire plus avant, monsieur Le Déaut, l’alinéa selon lequel le Haut conseil « peut se saisir d’office ». On ne lui demande pas que quelqu’un lève la main : il se saisit d’office. Je poursuis la lecture du texte : « ou à la demande des associations de défense des consommateurs ». C’est-à-dire qu’il se saisit lui-même et si, d’aventure, il n’est pas assez vigilant, les associations de défense des consommateurs peuvent le saisir.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Tout à fait !

M. Jean-Yves Le Déaut. Elles peuvent certes le saisir, mais « de toute question intéressant son domaine de compétence ».

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. En effet, mais l’on vient de voir que son domaine de compétence est extrêmement large !

M. André Chassaigne. Mais non !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce domaine est total dans les matières concernées par le texte, qui ajoute que le Haut conseil peut « proposer toutes mesures de nature à préserver l’environnement et la santé publique en cas de risque ». Ensuite, vous l’avez rappelé, il « rend un avis sur chaque demande d’agrément […] ».

Je ne voudrais pas qu’on laisse penser à l’Assemblée qu’on ne va pas répondre aux attentes qui se sont manifestées sur tous les bancs. Ce Haut conseil, monsieur Le Déaut…

M. Jean-Yves Le Déaut. Il est bien…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je vous remercie de le dire, mais j’aurais préféré que vous le précisiez au micro. Ce Haut conseil répond parfaitement à toutes les interrogations…

M. André Chassaigne. Ce n’est pas son rôle !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Mais si, c’est son rôle ! Et c’est nous, législateurs, monsieur Chassaigne, qui le lui fixons.

Je souhaite que nous avancions dans le débat, justement pour mieux préciser, si nécessaire, le rôle de ce Haut conseil. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je souhaite m’adresser à M. le ministre d’État. En effet, si le président de la commission des affaires économiques joue un rôle essentiel à l’Assemblée, ce n’est pas sa parole qui va compter pour éclairer les juges dans leurs arbitrages.

J’ai bien compris que ni le Gouvernement, à ce stade, ni le rapporteur n’étaient favorables aux amendements que nous proposons. Nous le regrettons car nous considérons qu’il est très important qu’il n’y ait pas confusion entre le seuil d’étiquetage et le seuil qui permet de définir les produits avec ou sans OGM. Je souhaite que M. le ministre d’État nous dise clairement qu’en aucun cas ce texte ne considère que tous les produits comportant moins de 0,9 % d’OGM sont considérés comme « sans OGM ».

Il est important que M. le ministre d’État nous le précise pour que l’on sache qu’on n’a pas là une borne définitive.

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.

M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Je vais vous répondre, monsieur Brottes, en commençant par citer la note de la DGCCRF, mentionnée à de nombreuses reprises, mais de façon inexacte.

M. François Brottes et M. Jean-Yves Le Déaut. Ah bon ?

M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. La DGCCRF écrit : « Le seuil à retenir dans ce cas est la limite de détection à l’analyse et nullement la limite de quantification ou encore le seuil de présence fortuite de 0,9 %. »

Cette note de la DGCCRF ouvre un débat mais permet, quoi qu’il arrive, de tout savoir. Que sont les produits « avec OGM » ? Qu’est-ce que la détection fortuite ou occasionnelle ? Quel est le seuil de détection, ce seuil devant être apprécié produit par produit ? Sur ces questions, le texte ne prend pas position, et ne rend évidemment pas automatique, si telle est votre question, monsieur Brottes, la présence de 0,9 % d’OGM et le seuil de détection à l’analyse. Les choses sont parfaitement claires.

Mme Lagarde a saisi le Conseil national de la consommation, autorité indépendante. Il s’agit de savoir si son rapport sera transmis au Haut conseil que nous devrions créer ensemble cette nuit ou demain. Je trouverais pour ma part cette transmission préférable sans du tout préjuger de ce que va dire le Conseil national de la consommation. Car enfin, nous nous trouvons dans un pays pourvu de règles ; il existe des autorités indépendantes ! Le Conseil national de la consommation a justement été saisi.

J’insiste : il n’y a évidemment pas d’automaticité entre la présence de 0,9 % d’OGM dans un produit et le seuil de détection. Il s’agit d’un sujet complexe. D’ailleurs, le mot même de la DGCCRF, si vous lisez bien, est celui de « trace ». Quelle est la définition de la trace ? La réponse est donc qu’il n’y a pas d’automaticité. Je vous confirme que le débat est ouvert avec des autorités indépendantes et vous disposerez, comme nous, des éléments souhaités.

M. André Chassaigne. Et la limite de détection ?

M. Jean-Yves Le Déaut. Qui va légiférer ?

M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. C’est l’exécutif qui décidera ou non de saisir le Parlement en fonction de l’avis éclairé du Haut conseil. Dites-moi sinon quelle serait l’utilité de créer un Haut conseil des biotechnologies chargé de réfléchir sur l’ensemble des questions intéressant les OGM, une matière particulièrement complexe ? C’est Gribouille, cette histoire !

M. André Chassaigne. Pas du tout !

M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Franchement, quel que soit le taux que vous reteniez, vous ne pouvez pas l’arrêter aujourd’hui d’une manière générale, éternelle ! Cela n’aurait vraiment pas de sens !

C’est pourquoi le texte donne la bonne méthode en instituant le Haut conseil des biotechnologies. Je puis vous assurer, monsieur Brottes, que, dès son installation, la première saisine du Haut conseil par le Gouvernement concernera votre question et le rapport rendu par le Conseil national des consommateurs vous sera communiqué. On ne peut se montrer plus clair, transparent, positif, ouvert et précautionneux ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Bravo !

M. André Chassaigne. Je parie que vous ne le ferez pas !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l’amendement n° 476.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L’amendement n° 476 n’est pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 258.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l’amendement n° 237.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L’amendement n° 237 n’est pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 425.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 342.

La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.

M. François Brottes. Il est très important que cet amendement de M. Montebourg soit défendu,…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Hier, M. Montebourg nous donnait des leçons, mais aujourd’hui, il n’est pas là !

M. François Brottes. …et ce d’autant plus que, une fois n’est pas coutume, cet amendement vise à rendre service au Gouvernement.

Il s’agit de donner au ministre les moyens d’aller au bout de sa politique, y compris en matière de clause de sauvegarde, par exemple. Nous l’avons vu, dans cet article 1er, il est sans cesse question de la commercialisation, laquelle peut être – et c’est souvent le cas – la conséquence, ou plutôt le prolongement des importations, notamment de semences.

Nous proposons ici que le Gouvernement puisse, par décret en Conseil d’État, soumettre à des conditions spécifiques, restreindre ou interdire tout ou partie des importations d’organismes génétiquement modifiés destinés, dans notre pays, à la commercialisation.

C’est donc clairement un amendement de cohérence par rapport à toutes les dispositions qui précèdent. Nous considérons que, sans cette disposition législative, le Gouvernement aura beaucoup de mal à mettre en œuvre ces interdictions ou ces restrictions. Je crois que c’est très important, en responsabilité – et il me semble que nous pouvons tous nous rassembler pour soutenir cette proposition. Car si cet amendement n’était pas adopté, le Gouvernement serait dépourvu de moyen d’agir.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Aujourd’hui, les décisions se prennent sur la base de considérations liées à la santé et à l’environnement. De ce fait, nous n’avons pas à nous prononcer sur ce point. Mais je pense que M. le ministre va nous donner plus d’explications. Il a fait un certain nombre de déclarations sur ce sujet, notamment en ce qui concerne la clause de sauvegarde que vous avez évoquée, monsieur Brottes, et sur laquelle nous travaillons.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire . J’ai un peu de mal à voir comment cette proposition s’insère dans les dispositifs communautaires. Je serais reconnaissant aux signataires de cet amendement de bien vouloir me l’expliquer. Il se peut que j’aie quelques difficultés intellectuelles. Quoi qu’il en soit, j’ai beaucoup de mal à comprendre.

Je vois bien ce qu’on peut faire pour influencer le Conseil européen. Je vois bien ce qu’on peut faire pour la Commission. C’est d’ailleurs ce que nous essayons de faire en créant cette autorité, les clauses de sauvegarde devant être justifiées, validées. Bon, c’est tout un travail. Tout cela, je vois bien. Je vois bien ce qu’on peut faire sur la trace, sur le seuil de détection, ce qui est un travail complémentaire que nous allons effectuer. Nous avons déconnecté le seuil de 0,9 % du reste. Tout cela, je vois bien.

Mais là, je ne vois pas comment un décret en Conseil d’État pourrait avoir la moindre influence dans ce domaine. Très sincèrement, je ne vois pas. Je ne peux donc pas être favorable à un tel amendement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Debré.

M. Bernard Debré. Je trouve que cet amendement est tout à fait en cohérence avec ce que disait M. Chassaigne. Il nous disait hier, je crois, qu’en Argentine, 100 % du soja cultivé était du soja OGM. Ces agriculteurs argentins, d’après ce que nous dit M. Mamère, sont donc tous des criminels.

M. Noël Mamère. Ça n’a rien à voir !

M. Bernard Debré. Et vous avez dit, monsieur Chassaigne, qu’il fallait, évidemment, ne plus importer de soja OGM, pour permettre aux agriculteurs argentins de revenir à la culture du soja non-OGM.

M. André Chassaigne. Bien sûr !

M. Bernard Debré. Mais c’est très intéressant, ce que vous nous dites là, monsieur Chassaigne : c’est qu’il y a donc une réversibilité des cultures !

M. André Chassaigne. Ça n’a rien à voir !

M. Bernard Debré. Depuis des heures, des jours, des semaines, vous nous dites qu’une fois qu’on a fait le choix de la culture OGM, il n’y a plus de réversibilité. Et voilà que vous nous demandez de ne plus importer de soja au motif que, justement, il pourrait y avoir une réversibilité puisque l’on aiderait ainsi les agriculteurs argentins à ne plus être des criminels écologiques. Il y a là une incohérence complète.

M. André Chassaigne. Ce que vous dites ne tient pas debout ! Ça n’a rien à voir !

M. Bernard Debré. Il y a réversibilité ou pas ? Monsieur Chassaigne, il y a quand même là une ambiguïté !

M. André Chassaigne. Vous connaissez bien la médecine, mais vous ne connaissez absolument pas l’agriculture et ses conséquences sur l’environnement !

M. Bernard Debré. Quoi qu’il en soit, cet amendement n’est pas à adopter.

M. le président. La parole est à M. Philippe Martin.

M. Philippe Martin. Pour rebondir sur les propos excellents de François Brottes à propos des clauses de sauvegarde, je voudrais revenir un instant sur ce qui s’est passé hier, lorsque notre assemblée a adopté, de manière tout à fait démocratique, l’amendement n° 252, qui précise que les plantes transgéniques ne peuvent être cultivées que dans le respect des filières de production qualifiées sans organismes génétiquement modifiés.

Cet amendement a été adopté de la manière la plus démocratique qui soit. Nous avons beaucoup interrogé le ministre pour savoir s’il demanderait une seconde délibération sur cet amendement. Nous n’avons pas la réponse.

M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Je n’étais pas là !

M. Philippe Martin. Mais aujourd’hui, le président de l’AGPM, M. Christophe Terrain, s’est exprimé en marge du congrès de l’AGPM. Je le connais bien, parce que c’est un Gersois et qu’il était récemment candidat aux élections municipales, à Riscle. Nous pouvions choisir entre les options « avec Terrain » et « sans Terrain » : nous avons choisi « sans Terrain ».

Eh bien, M. Terrain, président de l’AGPM, vient de déclarer ceci à propos de cet amendement, qui a été adopté de manière démocratique : «  Avec cet amendement, on peut faire une interprétation très exhaustive, mettre des restrictions, voire des interdictions de productions commerciales OGM dans toutes les zones AOC, comme par exemple dans tout le département de la Dordogne qui est en AOC Noix du Périgord. » Et il ajoute, et cela nous renvoie à ce que nous a dit M. Copé tout à l’heure : « Nous allons demander aux sénateurs de modifier le texte de loi en deuxième lecture pour revenir à la rédaction initiale. »

Lorsqu’on lit une déclaration de ce genre, on n’est effectivement pas très loin de se poser la question de savoir si les sénateurs font leur travail en toute liberté ou si ce sont des responsables de coopératives ou d’associations qui tiennent leur plume. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Debré Et quand les étudiants nous demandent de retirer un texte ?

M. Philippe Martin. Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, et sur la proposition qu’a faite excellemment Delphine Batho, nous allons constituer un comité de défense et de soutien à cet amendement n° 252.

M. Christian Jacob. Faites-nous une bonne grève de la faim !

M. Philippe Martin. Et nous allons faire en sorte que les responsables d’AOC, que les chefs de cuisine, que tous ceux qui ont envie que les produits de qualité perdurent dans notre pays puissent être préservés. Nous ne ferons pas en sorte que cet amendement soit récrit en catimini. Nous allons le défendre dans la clarté, et avec toute la force de nos convictions, pour que les OGM ne soient pas cultivés dans ces zones de production de qualité, et pour qu’on ne revienne pas en arrière. Oui, il y a désormais un comité de défense de l’amendement n° 252 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Bernard Debré. Vous ne pouvez pas dire cela ! Vous restreignez le droit d’amendement du Sénat ! C’est vous qui êtes antidémocratique !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Et quel rapport, monsieur le président, avec l’amendement en discussion ?

M. le président. Si vous voulez prendre la parole, monsieur le président de la commission, vous pouvez le faire. Mais, comme vous le savez, il est difficile au président de séance d’intervenir sur le contenu du débat. Ce serait une exagération de sa part. La parole étant libre, notre collègue dit ce qu’il souhaite dire.

Je mets aux voix l'amendement n° 342.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 345.

La parole est à M. Germinal Peiro, pour le soutenir.

M. Germinal Peiro. Nous devrions facilement trouver une position unanime sur cet amendement. Il s’agit, en fait, de défendre les semences de variétés végétales dont la consommation est autorisée, et d’autoriser la vente de ces semences entre agriculteurs ou à des jardiniers amateurs, sans qu’elles soient soumises à une inscription obligatoire dans un catalogue ou registre officiel, sauf en ce qui concerne les variétés hybrides ou génétiquement modifiées.

Autrement dit, il s’agit de permettre de vendre librement des produits qui ne sont pas sous la coupe de firmes qui veulent à toute force percevoir des royalties. Souvenez-vous, mes chers collègues, de l’incident qui s’est produit par rapport aux traitements utilisés dans l’agriculture biologique. On s’était retrouvé dans un cas de figure absolument incroyable : le purin d’ortie était interdit à la vente !

Cet amendement vise à éviter des cas de figure analogues.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Son objet est beaucoup plus large que celui du projet de loi, lequel porte sur les organismes génétiquement modifiés. En outre, il présente un caractère particulièrement technique. Nos débats portent sur le trait génétique, qui peut en effet se retrouver dans diverses variétés, mais il n’appartient pas à la loi de se pencher sur des sujets tels que celui abordé par cet amendement. La disposition proposée est clairement d’ordre réglementaire. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. À vrai dire, la réglementation actuelle prévoit que les semences doivent appartenir à une variété inscrite à un catalogue, ce qui permet d’identifier les caractéristiques de la variété. Cette réglementation vise à protéger les utilisateurs contre des allégations de qualité non fondées, ou contre la transmission de parasites, ou de maladies des plantes, à des semences.

En ce qui concerne les variétés anciennes destinées aux jardiniers amateurs, la réglementation communautaire en cours de publication permettra une extension au niveau européen du dispositif français. Bien évidemment, pour ces variétés, les conditions d’inscription sont allégées par rapport aux variétés classiques. Ce qui est proposé me paraît quelque peu superflu.

M. André Chassaigne. Cette réponse relève un peu de la langue de bois.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Cet amendement n’est absolument pas anodin, puisqu’il vise à défendre ce que l’on appelle les semences fermières. Nous savons que des associations et des paysans ont été lourdement condamnés par les tribunaux pour avoir vendu ces semences fermières.

L’idée n’est pas de ressortir le catalogue des semences enregistrées, mais au contraire que le législateur permette à ces semences fermières d’être exploitées et échangées, ce qui contribue à la biodiversité, pour lutter contre le monopole que vous êtes en train d’encourager avec les semences génétiques.

Celles-ci, en outre, s’appuient sur le brevetage et entraînent donc le versement d’une redevance à l’entreprise qui les a brevetées.

Il convient de souligner ce paradoxe, qui est un signe de ce vers quoi nous allons. D’une part, vous refusez – parce que la commission s’est prononcée contre, et que le ministre ne sait pas réellement répondre – la reconnaissance de ces semences et de leur utilisation. Je pense en particulier à une association qui a été lourdement condamnée, à plusieurs reprises, pour défendre ces semences fermières, l’association Kokopelli, que nous devrions encourager pour sa contribution à la biodiversité. D’autre part, il est intéressant de constater que, de l’autre côté du cercle arctique, en Norvège, on vient de construire un bunker pour y conserver, éventuellement pendant plusieurs dizaines d’années, toutes les semences qui risquent de disparaître.

Vous m’entendez bien, monsieur le ministre. Au moment même où un pays de l’Union européenne est en train de sanctuariser des semences qui sont menacées, notamment par les organismes génétiquement manipulés, ici, à l’Assemblée nationale, la majorité et le Gouvernement refusent de reconnaître la qualité de ces semences fermières, qui participent à la biodiversité.

Mon collègue Germinal Peiro a eu raison d’évoquer l’affaire du purin d’ortie, qui a donné lieu, pendant plusieurs mois, à des menaces sur ceux qui en utilisaient et en distribuaient. Si le Conseil d’État et le tribunal administratif ont fini par reculer sur ce sujet, nous nous trouvons quand même dans une impasse avec les semences fermières, que Kokopelli et d’autres défendent. Ceux-là continueront de se battre pour préserver l’existence de ces semences et, surtout, pour pouvoir les utiliser.

Puisque le Gouvernement défend l’idée de la coexistence, il ne peut que répondre positivement à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Je suis plutôt pour la protection des semences fermières, et c’est pourquoi je considère qu’elles doivent être inscrites dans un catalogue officiel, dont c’est précisément la vocation.

M. Noël Mamère. Qui a la main sur le catalogue officiel ?

M. Jean-Charles Taugourdeau. Trop de viroses et de bactérioses peuvent être transmises par les semences, qui doivent passer par un circuit obligé et être soumises à des contrôles, faute desquels les conséquences pourraient être bien plus graves que la dissémination d’OGM.

M. André Chassaigne. C’est surtout une question d’intérêts économiques !

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.

M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Cet amendement, que je considère comme un amendement d’appel, recouvre en fait deux sujets : d’une part, le prix de l’inscription au catalogue, dont nous avons pu voir avec l’association Kokopelli qu’il est sans doute trop élevé ; d’autre part, la création d’un troisième régime, intermédiaire entre celui des professionnels inscrits au catalogue et celui de l’échange de moins de 50 grammes, qui est libre et ouvert. Au Sénat, le Gouvernement s’est engagé, par la voix de Nathalie Kosciusko-Morizet, à étudier avant la deuxième lecture les voies et moyens pour résoudre ce problème indiscutable, auquel je ne suis pas convaincu que l’amendement réponde. Le Gouvernement a engagé une réflexion sur un régime intermédiaire permettant de préserver les semences anciennes, qui ont une valeur patrimoniale mais qui présentent un risque, et il vous fera part de ses conclusions.

M. André Chassaigne. Puis-je répondre au Gouvernement, monsieur le président ?

M. le président. Non, un de vos collègues l’a déjà fait.

M. André Chassaigne. Vous êtes bien sévère !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Non, le président est juste !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 345.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Nous passons aux amendements portant articles additionnels après l’article 1er.

Après l’article 1er

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 116.

La parole est à M. François Grosdidier, pour le soutenir.

M. François Grosdidier. Cet amendement, que j’ai déposé avec M. Le Nay et M. Remiller, tend à préciser que l’État encourage, organise et assure le financement de la recherche scientifique fondamentale en ce qui concerne notamment le fonctionnement des écosystèmes, l’écotoxicologie et l’épidémiologie. En effet, dans ces domaines essentiels pour nous éclairer sur les grands enjeux, notre pays est de plus en plus déficitaire. Le développement de la recherche fondamentale est une garantie indispensable de la sécurité sanitaire et environnementale en matière d’OGM.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Votre amendement, monsieur Grosdidier, traite de la recherche, en faveur de laquelle le Sénat a tenu à renforcer le texte. Moi-même, j’ai souhaité donner les moyens à nos chercheurs d’aller au bout de leur travail en toute indépendance, qui est une condition de la réussite. Ils doivent se sentir libre d’explorer les pistes scientifiques qui leur paraissent les plus prometteuses ou les plus pertinentes, dans le cadre des orientations fixées par le Parlement à travers le budget.

À l’article 11bis, notre collègue sénateur Jean Bizet avait prévu un dispositif qui, expertisé par nos services, a paru peu efficace. À mon tour, je proposerai un dispositif alternatif sur lequel l’Assemblée nationale se prononcera. D’ores et déjà, la commission l’a adopté, de même qu’un amendement de M. Le Déaut concernant le financement de la recherche publique.

Par ailleurs, j’ai visité l’Institut moléculaire des plantes de Strasbourg, qui est adossé à l’Université Louis-Pasteur. Cet établissement très réputé s’est vu décerner deux prix européens pour ses avancées en matière de recherche fondamentale, ce qui est assez exceptionnel pour être signalé. J’y ai rencontré le directeur, le directeur-adjoint et de nombreux chercheurs, qui m’ont tenu des propos difficiles à comprendre pour qui n’appartient pas au milieu de la recherche : dès lors qu’un chercheur quitte son laboratoire pour faire un travail d’expertise, il ne publie plus, dans Nature, par exemple, et ses travaux sont moins reconnus et sa carrière progresse moins. Or nous avons besoin d’experts. C’est pourquoi je me suis attaché à chercher des moyens de valoriser le travail d’expertise que les chercheurs acceptent après appel d’offres.

Dans la suite de la discussion, nous aurons également un débat avec M. Chassaigne sur le mode de recrutement de nos experts, qui doivent se sentir libres de tout engagement. Mais tous ces sujets intervenant plus loin dans le texte, je vous suggère, monsieur Grosdidier, de retirer votre amendement. Si vous en décidiez autrement, je serais contraint de confirmer l’avis défavorable de la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Le Gouvernement souhaite lui aussi le retrait de l’amendement.

Nous disposons déjà de plusieurs éléments : d’abord, un texte fondamental avec les conclusions du Grenelle de l’environnement, qui définissent précisément les domaines dans lesquels il convient de soutenir la recherche ; ensuite, la mission permanente « recherche » du ministère de l’environnement, qui n’existait pas auparavant pour des raisons de répartition des crédits. Je comprends parfaitement l’amendement, mais le texte fondateur, l’article 11bis et les engagements budgétaires qui ont été pris forment un tout cohérent. Il serait dommage que cet amendement soit source de discorde, alors qu’une autre proposition très importante du même auteur sur la sauvegarde des cultures traditionnelles a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. L’amendement de M. Grosdidier va dans le bon sens et complète – je le dis sans vanité – notre amendement à l’article 11 bis. Peut-être y aurait-il plus sa place ? Par ailleurs, l’article L. 531-5 du code de l’environnement ne me semble pas approprié pour insérer une disposition relative à la recherche, car celle-ci risque d’avoir un faible impact sur le budget de la recherche. En outre, M. le ministre vient de le dire, à la suite du Grenelle de l’environnement, a été créé un comité permanent « environnement-recherche », qui est présidé par Mme Guillou et dont je suis membre désigné par l’Assemblée nationale. Enfin, Mme Pécresse brille par son absence dans ce débat.

M. Noël Mamère. Avec M. Barnier !

M. Christian Jacob. Le Gouvernement est présent !

M. Jean-Yves Le Déaut. Qu’elle vienne au moins quand on parle de recherche ! Nous assistons tout de même à un changement de cap important. Alors qu’en 2006 c’était le ministre de la recherche qui défendait le texte sur les OGM, aujourd’hui, c’est le ministre de l’environnement. Cela paraît logique. Mais, alors que de nombreux parlementaires de toutes sensibilités – André Chassaigne, Bernard Debré et même Noël Mamère – ont défendu la recherche fondamentale sur ces sujets compliqués, il serait intéressant que la ministre de la recherche puisse venir aux côtés du ministre de l’environnement pour en discuter.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 116.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. André Chassaigne. Il n’y a aucune solidarité dans la majorité !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 380.

La parole est à Mme Delphine Batho, pour le soutenir.

Mme Delphine Batho. Avec cet amendement, nous souhaitons qu’il y ait un avant et un après l’adoption de ce projet de loi. Dans la discussion générale, de nombreux collègues ont insisté sur le fait que notre pays a tardé à transcrire la directive européenne de 2001 sur les OGM. Dans l’intervalle, les actes de fauchage volontaire se sont multipliés sur le territoire. Ces actes sont des délits.

M. Bernard Debré. Du vandalisme !

Mme Delphine Batho. Les personnes en cause ont d’ailleurs déclaré par écrit qu’elles avaient conscience de commettre un délit, mais qu’elles considéraient qu’il s’agissait d’un acte politique.

M. Pierre Cardo. C’est ce que disent les voyous dans les cités !

Mme Delphine Batho. Ces formes d’actions peuvent, certes, susciter la controverse. Le groupe socialiste, pour sa part, distingue entre les actes de fauchage commis contre des cultures commerciales, qui comportent des risques, et ceux commis contre des cultures de recherche.

En tout état de cause, on ne peut pas nier que ces campagnes de fauchage aient contribué à exercer un droit d’alerte de la société et à attirer l’attention des pouvoirs publics sur une situation propice à une dissémination et sur les risques potentiels.

Cette situation de dissémination et les risques potentiels ont finalement été reconnus par l’État et le Gouvernement a activé la clause de sauvegarde.

Il y a environ une vingtaine de procédures en cours contre les faucheurs volontaires. Nous pensons, compte tenu de l’adoption de ce texte et du fait qu’il n’existait pas, à l’époque, de cadre juridique, qu’il convient d’éteindre les poursuites engagées.

M. Christian Jacob. Certainement pas !

Mme Delphine Batho. Je trouve curieux que des poursuites judiciaires vigoureuses aient été engagées sur ces actes, alors que nous avons tous connu, dans nos départements agricoles, des saccages de préfecture. Je me souviens de la destruction d’un abattoir dont les dégâts avaient été pris en charge par le préfet du département.

Je me souviens d’actes ayant entraîné des blessés parmi les CRS. Il n’y a pourtant pas eu de poursuites judiciaires engagées. Je trouve donc particulièrement curieuse cette politique de « deux poids, deux mesures ». Il me semblerait fondé, au regard du texte que nous sommes en train de discuter et du cadre juridique que nous sommes en train de créer, de décider l’extinction des poursuites en cours.

M. Germinal Peiro et M. Noël Mamère. Très bien !

M. Christian Jacob. C’est inacceptable !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l’amendement ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Je voudrais, avant d’indiquer la position de la commission, exprimer une opinion personnelle.

Je vous remercie, madame Batho, du ton parfaitement serein et posé avec lequel vous avez défendu cet amendement. Je suis alsacien. Dans ma région, nous sommes réputés légitimistes comme certains autres Français, et particulièrement attachés à ce que les choses soient bien droites, bien claires. Ces actes de fauchage nous ont particulièrement choqués dans le passé et ont froissé nos convictions. Votre amendement aurait pu, sans votre explication posée et votre ton serein, apparaître comme une provocation.

La commission a émis un avis défavorable et, disant cela, je ne me livre pas non plus à une provocation. Cet amendement portant article additionnel après l’article 1er arrive avant que nous n’ayons examiné l’ensemble du texte. Il me paraît, de ce point de vue, incohérent de statuer sur ce sujet.

Le texte mettra en place, je le répète, un Haut conseil – instance d’expertise – qui définira les principes, les règles de responsabilité, de coexistence éventuelle entre les cultures qu’il convient de respecter et les sanctions appliquées en cas de non-respect de ces règles, tant pour les exploitants que pour d’éventuels manifestants – j’emploie un terme très neutre – qui souhaiteraient exprimer une opinion en détruisant des cultures.

Voyons cela, s’il faut le voir, de façon globale, après avoir étudié l’ensemble du dispositif, les règles, les sanctions. Nous pourrons avoir ce débat plus tard.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Je retiens l’expression de M. le rapporteur : « Voyons cela de façon globale ».

Diverses considérations entrent en jeu, qui vont de l’honneur de l’action militante à l’opportunité des poursuites, aux grâces individuelles et aux projets d’amnistie dont le Parlement peut être périodiquement saisi, dans la sérénité. Des dates anniversaires existent. Mais ce n’est pas la position du Président de la République, vous le savez.

Le débat peut être ouvert de manière globale, comme l’a dit le rapporteur. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je vais expliquer sur un ton aussi apaisé que celui de Mme Batho pourquoi je soutiens l’amendement.

Je ne m’exprime pas ici en tant que faucheur volontaire, mais en tant que représentant du peuple.

Je suis un faucheur volontaire qui a pris ses responsabilités, qui a agi à mains nues, au grand jour, …

M. Richard Mallié. Vous avez l’habitude d’être dans l’illégalité !

M. Noël Mamère. …qui a volontairement demandé à comparaître devant la justice et qui a été condamné lourdement comme beaucoup d’autres faucheurs volontaires par une justice qui cherche à criminaliser l’action menée par des militants – hommes et femmes – voulant alerter l’opinion sur les dangers de cultures souvent clandestines et qui contribuent éventuellement à la contamination d’autres parcelles, de manière irréversible.

Plutôt que de les condamner et de les affubler de noms comme celui de voyous, qui ne correspondent ni à leur esprit ni à leur action, vous devriez les remercier. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

En effet, les faucheurs volontaires ont agi depuis 1996 pour lutter contre ce vide juridique qui a été fort bien été décrit par M. le ministre d’État dès le début de l’examen du projet de loi.

S’il n’y avait pas eu les actions courageuses de ces « Justes modernes » (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), il y aurait, aujourd’hui, beaucoup plus d’hectares plantés en OGM dans notre pays.

M. Pierre Cardo. Quelle modestie !

M. Christian Jacob. Cette comparaison est odieuse !

M. Noël Mamère. Et peut-être – M. le ministre d’État voudra-t-il le reconnaître devant la représentation nationale ? – n’y aurait-il pas eu de Grenelle de l’environnement si nous n’avions pas contribué à alerter l’opinion sur les dangers de ce type d’agriculture et de dérive scientiste. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Jacob. C’est le Président de la République qui l’a décidé !

M. Richard Mallié. Si M. Mamère n’existait pas, il faudrait l’inventer !

M. Noël Mamère. Les juges, après, avoir lourdement condamné les faucheurs volontaires ont commencé à évoluer et, jusqu’à nouvel ordre, ce ne sont pas les représentants du peuple qui fixent le droit, mais les juges.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Non ! C’est nous ! Les juges appliquent la loi !

M. Noël Mamère. Les juges le fixent aussi par la jurisprudence. Je fais référence, monsieur le président de la commission, à des arrêts de la Cour de cassation ou du tribunal administratif. Le juge fixe le droit et nous, nous en fixons le cadre, ce qui n’est pas tout à fait pareil.

Les juges, à la veille du Grenelle de l’environnement, ont, en deux circonstances et dans deux tribunaux, refusé de juger les faucheurs volontaires, au motif, d’une part, qu’il y avait doute et que, d’autre part, il y avait un Grenelle de l’environnement dont on ne connaissait pas encore les conclusions.

José Bové, l’un des plus connus des faucheurs volontaires, l’un de ceux qui ont créé l’association des faucheurs volontaires, reçu en tant que tel par Mme Kosciusko-Morizet à la veille du Grenelle de l’environnement – ce qui implique d’ailleurs une forme de reconnaissance de la part de l’exécutif –, avait été convoqué par le parquet. Mais Mme la garde des sceaux, à la veille du Grenelle de l’environnement, a fait injonction au parquet de ne pas convoquer le militant José Bové.

Je voudrais rappeler que les juges, à l’occasion du procès de l’Erika, ont reconnu le préjudice écologique.

Monsieur Debré, lorsque je parle de criminalité écologique, c’est parce que je crois qu’il est temps dans notre droit de reconnaître la notion de délinquance écologique et de criminalité écologique. Nous savons qu’il existe des degrés entre les infractions, les délits et les crimes, et qu’un certain nombre d’actions entraînant la destruction de l’environnement méritent d’être qualifiées de crimes et certaines de délits.

Je ne vais pas souffler sur les braises, en parlant d’indignations sélectives. Mais il est important de rappeler, comme Mme Batho l’a fait tout à l’heure avec beaucoup de précision et de calme, que nous avons connu des gros bras de syndicats qui ne se sont pas contentés de porter seulement atteinte à la propriété privée. Que dire, par exemple, des auteurs des 12 millions d’euros de dégâts commis à Fougères – défendus dans cette enceinte par un député d’en face, qui a traité les faucheurs volontaires de « voyous ».

M. Christian Jacob. Je l’assume et je le revendique !

M. Noël Mamère. Il faudrait qu’il ait un peu de mémoire.

Que je sache, les gros bras de la FNSEA qui ont saccagé les bureaux d’une ministre de la République – Mme Voynet, lorsqu’elle était à l’environnement – n’ont jamais été poursuivis.

M. Christian Jacob. C’est faux !

M. Noël Mamère. Nous demandons une amnistie pour ces hommes et ces femmes qui veulent simplement que la Constitution soit appliquée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous avons été réunis en congrès à Versailles par le Président de la République, M. Chirac, pour introduire la Charte de l’environnement dans notre Constitution. L’article 1er de la Charte de l’environnement précise : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. »

Si nous avons droit à un environnement sain, nous voulons le défendre, car c’est un bien commun, une propriété collective. Les voyous sont ceux qui portent atteinte à cet environnement et risquent de l’empoisonner. Ils ne méritent pas d’être amnistiés, à l’inverse de nous, qui méritons cette amnistie.

M. le président. La parole est à M. Philippe Martin.

M. Philippe Martin. Je voudrais adopter le ton de notre collègue Delphine Batho car, si nous pouvons avoir des désaccords, nous manifestons aussi la volonté de retrouver le chemin de la sérénité sur ce dossier trop agité.

Dans mon département du Gers, des maires ne savaient quoi répondre à leurs administrés lorsqu’ils les interrogeaient sur le point de savoir si des parcelles d’OGM étaient cultivées sur leurs communes. J’ai connu cette forme de violence qu’a pu constituer la contamination de parcelles d’agriculture biologique par des OGM disséminés. C’est également une forme de violence pour ceux qui n’avaient pas décidé de cultiver des OGM.

Je connaissais les menaces de fauchage dans mon département et je ne les approuvais pas. J’ai donc essayé de trouver une formule démocratique permettant aux citoyens de s’exprimer. Dans mon département, qui compte 170 000 habitants, 16 000 Gersois et Gersoises ont signé une pétition pour demander l’organisation d’un référendum citoyen sur cette question, car ils voulaient savoir ce qui allait se passer sur leur territoire. Cela fait cinq ans que de tribunal administratif en cour d’appel administrative, de cour d’appel administrative en Conseil d’État, l’État empêche les citoyens qui le désirent de manifester leur avis sur cette question.

L’État a fermé toutes les portes démocratiques qui permettaient aux citoyens de s’exprimer.

M. Germinal Peiro. M. Martin a raison !

M. Philippe Martin. Il ne s’agit pas d’excuser le fauchage volontaire, mais de l’expliquer. Lorsque l’on ne permet pas aux citoyens de s’exprimer sur une question, il n’est pas anormal qu’ils aillent un peu plus loin pour tenter d’éveiller la conscience de tous.

Comme l’a dit Noël Mamère et en reprenant la distinction que Delphine Batho a faite, la plupart des interventions sont le fait de gens sincères, qui ont pris des risques et qui sont aujourd’hui condamnés à des amendes ou à payer des dommages et intérêts importants, au regard de leurs ressources personnelles, souvent très faibles.

Monsieur Jacob, avant d’être parlementaire, j’ai été préfet pendant plusieurs années et dans différents départements. J’ai vu certains de vos amis casser, sans qu’il leur soit fait quoi que ce soit, parce que les ministres de l’intérieur nous demandaient de ne rien faire. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je ne souhaite pas entrer dans cette polémique, mais ne venez pas me chatouiller là-dessus, parce que je pourrais vous apporter des témoignages.

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Faites donc !

M. Philippe Martin. Non, parce que l’on retrouverait le frère de M. Debré parmi ces ministres.

Alors, je souhaite que, dans un souci d’apaisement, le Gouvernement prenne, sous une forme ou une autre, des initiatives de nature à ramener la sérénité parmi des citoyens qui ont fait leur devoir de lanceurs d’alerte, et qui méritent d’être entendus. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Marc Laffineur. Non !

M. le président. La parole est à M. Bernard Debré.

M. Bernard Debré. « Lanceurs d’alerte » : cette expression est pour le moins inadéquate !

Notre débat a retrouvé un peu de sérénité, chers collègues, après les mots un peu durs de M. Mamère…

M. Noël Mamère. Pas du tout !

M. Bernard Debré. Nous ne devons pas avoir la même notion de la sérénité, monsieur Mamère.

J’ai trouvé pour le moins choquant que vous ayez plaidé pour votre auto-amnistie !

M. Christian Jacob. En effet !

M. Alain Gest. C’est indécent !

M. Bernard Debré. Il eût été préférable que d’autres parlent à votre place. Cela aurait été plus digne. (« En effet ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Jacob. Plus délicat !

M. Bernard Debré. Mais il est vrai qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même !

M. Noël Mamère. En tant que dangereux délinquant, j’ai payé ma dette !

M. Richard Mallié. On peut en effet parler de délinquance !

M. Bernard Debré. Nous recevons des lettres d’une violence inouïe.

Permettez-moi de vous en citer quelques passages : « Je vous souhaite de découvrir que votre cancer aura été provoqué par des OGM et d’en souffrir longtemps ». Voilà le genre de prose que j’ai reçu pour avoir osé m’opposer aux Verts et aux faucheurs volontaires.

Autre extrait : « Je souhaiterais savoir combien Monsanto vous a payé pour l’intervention que vous avez faite hier à l’Assemblée ». C’est violent, monsieur Mamère.

M. Noël Mamère. Voulez-vous que je vous lise ce qu’on m’adresse ?

M. Philippe Martin. Nous recevons tous ce genre de courrier, dans l’autre sens !

M. Bernard Debré. Je poursuis : « Nous connaissons la faiblesse du porte-monnaie : mettre en danger la santé publique pour quelques billets revient à vous abaisser au rang de Monsanto lui-même. Vous voilà un escroc immoral, avide de fric. »

M. Philippe Martin. Nous recevons aussi des lettres d’insulte !

M. Bernard Debré. Vous prétendez aussi que l’action des faucheurs volontaires n’a pas eu d’effet. Puis-je vous rappeler – alors qu’il n’y a toujours pas, et vous le reconnaissez vous-même, de maladies provoquées par les OGM – qu’à la suite de leur action, un agriculteur s’est suicidé ? ( « Ce n’est pas vrai ! » entend-on d’une tribune du public. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Christian Jacob. Il faut faire évacuer la tribune !

M. Bernard Debré. Vous rendez-vous compte, monsieur Mamère, des dégâts que vous provoquez ? Vous exercez une telle pression sur la base d’arguments faux que vous contribuez à l’instauration d’un climat de haine contre ceux qui essaient de défendre ce à quoi ils croient. Et j’ai reçu des centaines de lettres haineuses !

M. Germinal Peiro. Nous en recevons aussi !

M. Bernard Debré. Et vous osez dire qu’il n’y a pas de lobby anti-OGM ? Nous faisons l’objet d’une pression terrifiante. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Nous venons encore de la voir à l’œuvre. Et vous voudriez que, dans un grand élan de générosité, nous prononcions votre amnistie, vous qui avez été l’un des instigateurs de cette haine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Noël Mamère. Je ne demande rien pour moi !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 380.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 381.

La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Déaut. Cet amendement était destiné à clarifier la législation en définissant le seuil « sans OGM ». Compte tenu que nous avons déjà eu cette discussion, cet amendement est quelque peu provocateur. Je l’ai déposé en sachant que M. le ministre le refuserait, mais j’aurais pu lui indiquer ensuite que telle était l’interprétation de la DGCCRF – administration, qui, du reste, fait du bon travail. Mais, de mon point de vue, elle a outrepassé ses pouvoirs en posant sa propre définition du « sans OGM ».

Cela dit, comme nous en avons parlé, je retire mon amendement !

M. le président. L'amendement n° 381 est retiré.

Nous en venons aux amendements portant sur l’intitulé du chapitre Ier, avant l’article 2.

Avant l’article 2

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 259.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. Il s’agit par cet amendement de conserver la notion de développement dans l’intitulé de la structure garante de l’évaluation des OGM et des biotechnologies en général. En effet, compte tenu de la rapidité avec laquelle se diffusent les innovations techniques dans le domaine des biotechnologies, cette structure va donc jouer un rôle d'expertise essentiel en matière d'orientation et d'ouverture sur l'ensemble des problématiques liées au « développement » et aux conséquences de leur utilisation sur l'environnement, la santé, les structures agricoles et les écosystèmes. Il existe d’autres voies que les OGM, qui sont en cours d’étude et dont il faut tenir compte.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable car cet amendement constitue une remise en cause de l’indépendance du Haut conseil des biotechnologies. En changeant son intitulé en Haut conseil « sur le développement » des biotechnologies, on interfère sur son champ d’action en indiquant une direction à suivre. Or le Haut conseil doit pouvoir, en toute liberté, statuer sur ces sujets et émettre son avis à la demande du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 259.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 382.

La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je souhaite substituer aux mots « le Haut conseil » les mots « la Haute autorité » et, ce faisant, rétablir le texte initial du Gouvernement.

Les instances qui émettent des avis en vue d’améliorer la législation sont nombreuses : le Comité consultatif national d’éthique est une autorité indépendante, et dans le domaine du nucléaire, la direction de la sûreté nucléaire et de la radioprotection est devenue l’Autorité de sûreté nucléaire. Il n’est pas souhaitable que le domaine des biotechnologies soit le seul à ne pas avoir une autorité, mais un conseil. Et ce d’autant que M. le ministre et M. le président de la commission ont indiqué tout à l’heure avec beaucoup de force qu’ils voulaient donner beaucoup de force à cette structure.

Pour ma part, j’estime que l’appellation « Haute autorité » est plus appropriée que celle de « Haut conseil ».

Mme Delphine Batho. Tout à fait !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Antoine Herth, rapporteur. Avis défavorable. Nous avons souhaité conserver l’appellation du Sénat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Le Gouvernement avait, en effet, initialement retenu l’intitulé de « Haute autorité ». Puis, le débat a eu lieu au Sénat, et l’on nous a fait observer que le Grenelle avait affirmé la nécessité, sur de tels sujets, de laisser la responsabilité à l’autorité politique : pluralité des avis scientifique d’un côté, décision politique de l’autre. Nous ne souhaitons pas créer une Haute autorité juridictionnelle qui se substituerait à la décision politique, le Sénat nous ayant convaincus sur ce point. Le Haut conseil sera indépendant, mais il ne se verra pas déléguer une autorité politique, d’autant qu’il faudra prendre des décisions sur les seuils de détection, notamment. C’est la raison pour laquelle il est plus raisonnable de s’en tenir à l’intitulé adopté par le Sénat.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je comprends votre argumentation, monsieur le ministre, et loin de nous l’intention de vouloir créer une autorité indépendante en un domaine où les décisions relèvent du domaine régalien. Ayant eu l’honneur de préparer la loi sur la sûreté nucléaire, je rappelle que l’Autorité de sûreté nucléaire n’a pas de fonctions régaliennes…

M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Si !

M. Jean-Yves Le Déaut. La gestion de l’état de crise ou la définition des normes restent du domaine de l’État. On aurait donc pu faire de même dans le domaine des biotechnologies.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. J’espère encore pouvoir m’exprimer sans susciter la haine ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Les arguments de M. Debré sont indignes, car nous sommes tous exposés et, quoi que nous fassions, nous recevons des lettres du même type que celles qu’il a reçues. Quant à l’amnistie, je ne l’ai jamais demandée pour moi, mais pour les faucheurs volontaires.

M. Christian Jacob. Ce n’est pas ce que avez dit tout à l’heure !

M. Noël Mamère. J’assume pleinement mes responsabilités de représentant du peuple désobéissant, et je me passe volontiers des commentaires de M. le président de la commission. J’assume mes actes et je n’ai pas besoin de votre avis.

S’agissant de la Haute autorité, il ne s’agit pas simplement d’un changement de nom comme a tenté de l’expliquer M. le ministre d’État, en rabotant la portée de ce changement de vocabulaire ! En effet, ce changement va plus loin, car il ne s’agit pas d’être conforme au Grenelle de l’environnement. La notion d’autorité implique un certain nombre de pouvoirs que ce Haut conseil n’a plus et c’est bien au périmètre de cette institution qu’il faudra être attentif, lors de la discussion de l’article 2. Vous voulez, en effet, limiter la part de la société civile – que vous appeliez le comité éthique, civil et social dans la première mouture – qui ne donnera que des recommandations, sans voix délibérative. Vous prétendez aussi que le Haut conseil devra être présidé par un scientifique aux compétences reconnues, ce qui est contradictoire avec les propos de Mme la secrétaire d’État, selon lesquels il ne revient pas aux scientifiques de décider, mais au politique. Le Sénat a voulu reculer, et nous attendons de vous, monsieur le ministre d’État, que vous agissiez de toute votre autorité pour redonner plus de poids à la Haute autorité, laquelle doit s’occuper de l’ensemble des biotechnologies, pas seulement des OGM et des PGM, les plantes génétiquement manipulées.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission. S’agissant de ce problème, je suis en partie responsable de ce qui est arrivé. Avant d’aborder ce texte, nous avons discuté avec nos collègues sénateurs pour essayer de trouver des lignes de convergence, dans un esprit constructif. La loi doit correspondre à la vocation des instruments que l’on crée – c’est ce que le Grenelle de l’environnement nous a appris.

En l’espèce, le Grenelle souhaite que le Haut conseil émette des avis et des recommandations, sans transfert d’autorité de l’État, contrairement à l’AMF, l’Autorité des marchés financiers, ou à l’ARCEP, par exemple. Dès lors, l’appellation de « Haut conseil » semble la mieux adaptée, la vocation de cette instance étant de conseiller et non de décider. Il ne s’agit nullement, monsieur Le Déaut, de limiter les responsabilités du Haut conseil ou de l’affaiblir, mais de l’inscrire dans un cadre juridique qui corresponde à sa vocation. C’est la raison pour laquelle on ne peut l’appeler « autorité ».

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.

M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Pardonnez-moi, monsieur le président, mais le sujet n’est pas anodin et j’ai lu et entendu de nombreuses contrevérités.

Si nous voulons avoir des avis pluriels, sérieux et responsables, il ne faut pas leur faire dire des débuts de décisions politiques. C’est essentiel. Nous avons bien vu l’embarras de l’autorité provisoire : le choix des mots a pu donner le sentiment à certains scientifiques qu’ils avaient pris part à une décision politique. Il me paraît donc fondamental, pour assurer une véritable liberté de regard, alliant profondeur et responsabilité, de bien distinguer les avis du Haut conseil des décisions politiques.

Cela est d’ailleurs spécifié dans les conclusions du Grenelle de l’environnement : la Haute autorité, est-il précisé, devra rendre des avis « sans se substituer à la décision politique ». La précaution est essentielle car, si on laisse entendre que cette instance peut décider à la place du politique, je vous garantis que la liberté de ses membres et la qualité de leurs avis en seront entachées.

Je vous demande, en toute bonne foi, de nous suivre sur ce point. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 382.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 2

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 2.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Nous espérons que les amendements déposés à l’article 2 seront acceptés par le Gouvernement et ne seront pas combattus par la majorité.

Nous constatons d’abord un affaiblissement du rôle de la Haute autorité, qui s’intitule désormais « Haut conseil des biotechnologies ». Le terme « autorité » induisait un réel pouvoir de décision que cette instance n’a plus, puisqu’elle rendra de simples avis.

Il est utile de rappeler ici le fonctionnement de la Haute autorité tel qu’il était prévu dans le projet initial. Elle comportait un « comité scientifique », compétent à la fois en matière d’utilisation confinée des OGM et de dissémination volontaire de plantes génétiquement modifiées en plein champ, et un « comité économique, éthique et social », qui rendait des avis sur la seule dissémination. Elle se fondait, en outre, sur les avis rendus par un collège réunissant les présidents des deux comités et son président.

Dans le Haut conseil des biotechnologies, le comité économique, éthique et social s’appelle désormais « comité de la société civile ». Et, chose importante, ses attributions sont revues à la baisse. Alors qu’il était prévu qu’il puisse donner des avis au même titre que le comité scientifique, il ne peut désormais formuler que des recommandations, transmises ensuite au ministre compétent.

D’autre part, le Haut conseil ne sera plus compétent pour élaborer les méthodes d’évaluation des risques environnementaux des PGM et ses modalités de saisine sont restreintes. Souvenez-vous, monsieur le ministre : le projet de loi initial que vous avez présenté au Sénat prévoyait que toute personne pouvait saisir la Haute autorité. Actuellement, les associations de consommateurs ou de protection de l’environnement et certains syndicats sont les seuls à pouvoir le faire. C’est une limitation très nette et nous nous y opposons, comme nous nous battons, dans la perspective de la réforme constitutionnelle, pour ouvrir la saisine du Conseil constitutionnel à tout Français.

Enfin, précisons que nos collègues sénateurs ont placé en dehors du champ de compétence du Haut conseil la surveillance des plantes génétiquement modifiées, qu’ils ont confiée à un comité de surveillance biologique du territoire, lequel vient remplacer le comité de biovigilance. Créé en 1998, ce dernier était l’organe officiel de surveillance des cultures transgéniques mais, en l’absence de décrets d’application fixant son organisation et ses missions, il est toujours resté provisoire. Il ne remplissait donc pas ses missions et l’on a bien vu ce que cela donnait. Les faucheurs volontaires ont donc eu bien raison de s’engouffrer dans cette brèche pour servir d’éveilleurs de conscience et de lanceurs d’alerte alors même que les pouvoirs publics ne s’étaient pas organisés pour encadrer les cultures génétiquement modifiées et les disséminations en plein champ. Il s’agit donc bien de « Justes » et non pas de « voyous ».

De plus, sur proposition du rapporteur du Sénat, M. Bizet – qui n’est pas allé dans la nuance, c’est le moins que l’on puisse dire –, les sénateurs ont adopté un amendement établissant une hiérarchie, toujours présente dans ce texte, entre l’avis des scientifiques et les simples recommandations du comité de la société civile. « Les deux n’ont pas la même légitimité » a-t-il dit : n’est-il pas incroyable d’entendre de tels propos de la part d’un représentant du peuple ? J’ajoute qu’un amendement précise que le président du Haut conseil sera « un scientifique choisi en fonction de ses compétences ». Contrairement à ce que nous disait Mme la secrétaire d’État, cela revient tout simplement à redonner la prééminence à la science par rapport à la société civile. Pour notre part, tout au long de l’article 2, nous nous battrons pour redonner toute leur place aux citoyens, et donc à la démocratie participative, sur ce sujet très important qui engage l’avenir de nos enfants.

M. le président. La parole est à M. François Grosdidier.

M. François Grosdidier. Avec l’article 2, nous arrivons à l’acte fondamental de cette loi. Celle-ci n’a pas pour but d’autoriser ou non la culture des OGM ou de fixer un taux de dissémination ou d’acceptabilité, mais de créer une institution, que tout le monde appelait de ses vœux, pour éclairer l’autorité publique, qui prendra alors ses décisions en toute responsabilité devant l’ensemble de la société.

« Haute autorité » ou « Haut conseil » : ne nous battons pas sur la sémantique. Une autorité a un pouvoir réglementaire et un conseil éclaire et la future instance doit éclairer. Le problème n’est pas là : il touche aux moyens, à la représentativité, à l’indépendance et à la transparence. Sur tous ces sujets, nous devrons avoir des garanties à travers diverses dispositions.

Autant j’ai accueilli avec enthousiasme le projet de loi gouvernemental et la création du Haut conseil, autant, je dois le dire en toute sincérité, j’ai du mal à comprendre le mouvement qui s’est dessiné au Sénat. Il ne manquera pas d’affecter l’indépendance et la transparence du conseil, et je le déplore. Je serai donc très attentif à nos débats et aux amendements qui seront adoptés ou pas afin de déterminer si, en toute conscience, moi qui ai voté l’article 1er, je peux voter l’article 2.

Certes, les modifications adoptées par le Sénat peuvent se justifier techniquement, mais je ne vois pas où était la nécessité de restreindre le droit de saisine. Je ne vois pas non plus pourquoi, alors que le Gouvernement avait prévu une instance ouverte, le Sénat a établi des cloisonnements entre les scientifiques et la société civile – il nous faudra les supprimer. Je ne vois pas pourquoi la nomination du président devrait être subordonnée à l’avis de la commission des affaires économiques du Sénat et de l’Assemblée nationale. Je sais que cette dernière comporte de nombreux membres – et je souhaite d’ailleurs les rejoindre comme j’en ai fait la demande – mais je me demande si cette nomination n’aurait pas plutôt dû être soumise à la commission en charge de la recherche et de la santé.

Dans ce débat, il est fait procès d’intention sur procès d’intention, certains dénoncent des influences. Mais nous sommes tous sous influence, chers collègues, et moi le premier : je suis toujours sensible aux intérêts économiques des diverses entités dont dépendent l’emploi et la prospérité dans ma circonscription. Il est de notre devoir de nous en extraire. Toutefois, il est normal que ces intérêts s’expriment, en premier lieu au sein des commissions des affaires économiques. Peut-être la réforme institutionnelle créera-t-elle une commission de l’environnement et donnera un autre rôle aux commissions. Mais, en l’état actuel des choses, cette disposition introduite par le Sénat n’est pas souhaitable : elle ne peut qu’entretenir une suspicion, que nous voulons tous éliminer.

Je ne vois pas pourquoi non plus les communications des membres du Haut conseil devraient obligatoirement passer par le président de cette instance. Les avis ne seront pas tout blancs ou tout noirs, ils seront gris et il important que tous les éléments de la controverse puissent être versés au débat public. Pourquoi instaurer un filtre alors qu’est affirmé le principe de transparence de l’information ? Certains disent qu’il s’agira d’une simple règle de courtoisie mais la question se pose néanmoins.

Je pourrais encore entrer dans d’autres détails comme l’élaboration des méthodes d’évaluation. Mais je m’arrêterai là.

Avec l’article 2, nous entrons dans le vif du sujet après nous être égarés pendant des heures et des heures sur la question des taux d’acceptabilité et de l’autorisation des OGM. Pour cet acte fondamental, j’aimerais que nous en revenions le plus possible au texte initial, qui me paraît beaucoup plus clair et net que la version sénatoriale qui nous est soumise.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. L’article 2 vise à établir un Haut conseil des biotechnologies chargé d’éclairer le Gouvernement sur les organismes génétiquement modifiés et de formuler des avis. Il pose la question essentielle de la finalité des OGM et de leur contrôle démocratique.

De tout temps, l’intelligence humaine s’est appliquée à améliorer les semences à partir de ce que lui offrait la nature, en l’accompagnant. Mais, aujourd’hui, avec les OGM, nous touchons à ce que les plantes et les animaux ont de plus intime : les gènes. Il ne s’agit donc plus seulement d’accompagner la nature, mais de forcer son évolution dans un sens ou dans un autre. Le saut qualitatif ainsi réalisé et les conséquences à en attendre, tant sur la vie des hommes, leur alimentation, leur santé, leurs rapports socio-économiques que sur leur environnement planétaire, la nature et son évolution, interrogent l’humanité tout entière et posent un véritable problème de société.

Comme toute nouvelle conquête scientifique, la transgénèse peut être utilisée pour le meilleur comme pour le pire. Si cette technique mise au service de l’humanité peut constituer un progrès réel – son apport est d’ailleurs déjà important, notamment dans le domaine pharmaceutique –, elle peut aussi être source d’un véritable désastre d’autant plus grave qu’il risque d’être irréversible. C’est déjà le cas dans son utilisation agricole par les grandes firmes internationales, dont le seul objectif est le profit maximum et à court terme.

L’exemple de Monsanto a montré comment les manipulations génétiques sur des plantes peuvent entraîner domination économique, pollution environnementale et véritable déviance de la nature. C’est pourquoi, à chaque étape, deux questions doivent êtres posées : pour quoi faire et au service de qui ? Qui répond à cette première question, autrement dit quel contrôle démocratique ?

Nous sommes bien au cœur du sujet de cet article 2 qui, à mes yeux, est essentiel. C’est ce déficit de connaissances et de contrôle citoyen laissant les intérêts privés gérer seuls le monde qui conduit à produire massivement des OGM dont, à l’évidence, à cette étape, nous n’avons pas besoin. En aurons-nous besoin demain, quand la planète comptera 9 milliards d’habitants, pour améliorer les qualités nutritionnelles d’un produit, pour élargir les possibilités de culture dans les milieux hostiles, par exemple ? À ce jour, nous n’en avons pas la certitude.

C’est pourquoi, tout en refusant la dissémination, il faut poursuivre la recherche sur les organismes génétiquement modifiés. C’est une nécessité pour mieux connaître les conséquences des OGM sur la santé des animaux et des hommes, pour ne pas hypothéquer l’avenir, pour opposer face à l’expertise des groupes privés une expertise publique et indépendante.

La recherche fondamentale sur les OGM doit donc être maintenue et encouragée dès lors qu’il s’agit d’une recherche publique faite au nom des générations futures et non pour enrichir les actionnaires de quelques grands groupes privés.

Si nous voulons faire des choix dans le sens de l’intérêt général, le contrôle citoyen sur les OGM doit être au cœur de la démarche. La démocratie est le meilleur garde-fou contre les dérives éventuelles. C’est pourquoi nous avons déposé plusieurs amendements visant à renforcer l’efficacité du Haut conseil des biotechnologies, notamment en élargissant sa saisine, en garantissant son indépendance, en permettant une nomination moins arbitraire de ses membres et en refusant que la parole de la société civile soit assujettie à celle des scientifiques. De ce point de vue, je rejoins les observations formulées par Noël Mamère.

Le sort que vous réserverez à ces amendements sera un bon indicateur de votre conception de la place et du rôle des citoyens dans la maîtrise de leur avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Mme Frédérique Massat et M. Noël Mamère. Très bien !

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

5

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, relatif aux organismes génétiquement modifiés.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)