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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 9 octobre 2008

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Le Fur

. Grenelle de l’environnement

Suite de la discussion d’un projet de loi de programme

Discussion des articles

Avant l’article 1er

Amendements nos 591, 592, 593, 594, 595, 597, 828, 598

Rappel au règlement

M. François Brottes

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État

Article 1er

M. Jean Dionis du Séjour

M. Jean Lassalle

M. André Chassaigne

Amendements nos 600, 38, 39, 40, 41, 437, 720, 834, 42 rectifié, 740, 603, 607, 824 rectifié, 438, 922, 923 rectifié, 43 rectifié, 721, 44, 604, 609, 1336, 610, 926, 605, 805, 45, 722, 601, 1633 (sous-amendement), 1549 (sous-amendement), 46, 599 rectifié, 1664, 1443, 827, 611, 797, 47 rectifié, 1444

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Grenelle de l’environnement

Suite de la discussion
d’un projet de loi de programme

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (nos 955, 1133, 1125).

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte du Gouvernement, les articles du projet de loi.

Nous commençons par plusieurs amendements portant articles additionnels avant l’article 1er.

Avant l’article 1er

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 591.

La parole est à M. Philippe Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. Madame la secrétaire d’État chargée de l’écologie, monsieur le président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, monsieur le rapporteur, cet amendement portant article additionnel avant l’article 1er rappelle un certain nombre de principes auxquels nous sommes attachés, sur lesquels nous avons d’ailleurs posé des questions lors de la discussion générale sans obtenir malheureusement toutes les réponses attendues.

Le premier alinéa définit la politique de développement durable comme devant « répondre aux besoins du présent, en particulier des plus défavorisés ». En effet, la crise écologique touche d’abord les plus défavorisés, tout comme la crise financière d’ailleurs, les deux sont liées. D’après les chiffres que nous avons, la pauvreté toucherait en France 2 millions d’enfants. Ces enfants vivent dans des familles modestes, des familles qui rencontrent des problèmes de transport parce qu’elles sont allées habiter loin des centre-villes pour trouver des terrains moins chers et qu’elles sont touchées de plein fouet par l’augmentation du prix du pétrole, ou encore des familles qui vivent en ville dans des logements sociaux ou à loyers assez faibles souvent mal isolés.

Il nous paraît important de rappeler au début de cet amendement que ce sont les plus modestes qui sont les plus exposés à la crise écologique. Nous voulons que ces familles puissent exercer leur citoyenneté sans subir une double exclusion.

Le deuxième paragraphe évoque, lui, « un capitalisme créateur d’inégalités, facteur de crises », termes qui ont fait réagir le président Ollier en commission. Lors des questions au Gouvernement, j’ai été surpris d’entendre un de mes collègues lier le capitalisme à la démocratie. C’est complètement faux.

M. Jean-Pierre Brard. Cela se saurait, depuis le temps !

M. Philippe Tourtelier. Le capitalisme violent international n’a aucun lien avec la démocratie.

Mme Pascale Got. C’est même l’inverse !

M. Philippe Tourtelier. Le capitalisme chinois, par exemple, est pour le moins autoritaire. Confondre capitalisme et marché plus ou moins régulé est vraiment une faute conceptuelle, pour reprendre des termes utilisés ce matin.

En écrivant dans notre amendement que « dans le contexte actuel d’un capitalisme créateur d’inégalités, facteur de crises, et de dégradations des équilibres écologiques, l’action de l’État doit permettre », nous voulons souligner que le capitalisme n’est pas la démocratie, qu’il a un effet dévastateur sur les équilibres écologiques, que le marché doit être régulé et qu’une part doit échapper au marché, ce que l’on appelle les biens publics – l’ONU l’a rappelé récemment –, c’est-à-dire, en France, les services publics, la santé, l’éducation. Tous ces biens doivent échapper au marché. Ensuite, on régule le marché. Il faut imposer des règles de façon que la libre concurrence ne serve pas uniquement à enrichir les actionnaires et à provoquer des inégalités.

Le troisième alinéa rappelle que, dans ce contexte, « la redistribution permanente des ressources et des richesses est nécessaire ». En effet, sans redistribution des richesses, nous n’arriverions pas à tenir les objectifs du Grenelle.

Enfin, le quatrième paragraphe souligne qu’il faut tenir compte des échanges internationaux et européens, parce que cette notion est quelque peu absente du texte.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 591.

M. Christian Jacob, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

En effet, un certain nombre de points sont repris ailleurs dans le texte. Nous comprenons bien votre préoccupation, monsieur Tourtelier : vous avez cherché à rassembler plusieurs préoccupations qui sont largement détaillées dans le texte, mais je pense, objectivement, et cela a été l’avis très majoritaire de la commission, qu’il vaut mieux en rester à la rédaction actuelle. Ainsi, vous écrivez que la politique de développement durable ne doit pas « compromettre l’avenir des générations nouvelles » mais j’ai déposé un amendement qui demande de « préserver les nouvelles générations ». Quant à la « triple articulation, économique, écologique et sociale », c’est également le trépied de la définition du développement durable que j’ai souhaité introduire dans le texte. Vous le voyez, la plupart des points que vous évoquez sont satisfaits à d’autres endroits dans le texte.

Je souhaiterais donc, monsieur Tourtelier, que vous retiriez cet amendement.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de l’écologie.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de l’écologie. Mesdames et messieurs les députés, cet amendement se veut une déclaration préalable et un résumé de l’exposé des motifs du projet de loi. Il nous semble à la fois redondant avec le texte même de la loi et avec les compléments qui devraient être apportés par ailleurs par la commission des affaires économiques.

Vous préconisez la triple articulation du développement durable, qui est déjà présente dans le texte et dans les amendements de la commission.

Vous introduisez le souci de l’avenir des générations futures, qui est le fondement même de notre texte et qui est inclus dans un amendement de la commission – je constate que vous opinez.

Vous développez le souci d’une croissance durable, qui est déjà pris en compte dans l’article 1er du projet de loi.

Quant aux préoccupations de régulation renforcée de la production et de la distribution des richesses et la nécessité d’un rôle accru des citoyens dans la décision publique, elles ont été prises en compte dans l’élaboration même du Grenelle, dans la façon dont le processus a été construit. Le Grenelle réalise une gouvernance élargie. Est-il vraiment besoin de le déclarer à nouveau ?

Tout cela, ce sont des aspects consensuels et fidèles au Grenelle, que nous pouvons traiter par ailleurs.

Cependant, d’autres préoccupations font l’objet d’une rédaction qui ne peut pas être, ici, consensuelle. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Ce que nous venons d’entendre est fort intéressant, aussi bien de la part de M. Christian Jacob que de Mme Kosciusko-Morizet.

Christian Jacob est très habile, il n’a pas lu tout le texte ou plutôt il ne veut pas en faire l’exégèse publique – et on comprend pourquoi. Il dit que beaucoup de points sont évoqués par ailleurs. Beaucoup, cela ne veut pas dire tous les points. Il est en retrait sur les propos de M. le Premier ministre qui, hier, dans son discours de quinze heures, a prononcé un gros mot : « le capitalisme », « le système capitaliste ».

L’argumentation de notre collègue Tourtelier est tout à fait claire. Il y a le texte et il y a le contexte et même le socle de notre société. Et le système économique qui fait socle, c’est le système capitaliste, qui génère toutes ces injustices, toutes ces inégalités, toutes ces ruptures.

Madame la secrétaire d’État, vous dites que la distribution des richesses implique la gouvernance élargie, et vous pensez que cela peut être consensuel. Mais pensez-vous qu’en ce moment la crise débouche sur des solutions consensuelles ? Nous sommes au cœur du problème : il n’y a pas d’écologie sans justice sociale, sinon c’est un faux nez, et vous le savez bien.

En rejetant cet amendement, vous portez le fer sur quelque chose d’essentiel : en réalité, vous ne voulez pas remettre en cause ce qui est à la source des ruptures qui compromettent l’avenir de notre société. C’est un amendement très important et le fait que vous le rejetiez sans aller au bout de vos arguments, c’est-à-dire sans avouer que vous rejetez des solutions, à la crise financière comme à la crise environnementale, qui marqueraient évidemment une rupture, est tout à fait symbolique. En réalité – vous me pardonnerez cette expression triviale – idéologiquement, madame la secrétaire d’État, vous êtes plombée, vous êtes entraînée au fond alors qu’il faudrait vous élever pour construire une vision pour le futur qui garantisse l’avenir des générations d’après.

Bref, nous soutenons avec détermination, énergie et enthousiasme l’amendement de notre collègue Tourtelier.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Chacun l’a bien compris, si nous avons déposé cet amendement au tout début du texte, c’est parce que c’est sa place. M. le rapporteur n’en disconviendra pas, lorsqu’on rédige un texte dans lequel on décline des objectifs, parfois des moyens, et dans lequel on fait allusion à la méthode, il est important de définir auparavant les principes au nom desquels on agit. Il nous paraissait donc logique et normal de poser à cet endroit du texte les principes sur la manière dont on abordait non seulement ce débat mais également l’ensemble des éléments qui vont suivre. Sur la méthode, je pense donc qu’on pourrait trouver un accord.

En revanche, ce qui m’intéresse, après ce que vient de dire notre collègue Brard, avec ses mots à lui que je n’ose pas répéter bien que je les approuve totalement, c’est votre argumentation, madame la secrétaire d’État, selon laquelle cet amendement comporterait des éléments qui ne pourraient pas être consensuels. C’est un point important et c’est bien de l’avoir dit ainsi. Ceux qui suivent nos travaux doivent le savoir, nous considérons que si nous ne nous attaquons pas à la racine du mal, qui consiste justement en un système complètement dérégulé, un système libéral qui encourage la spéculation sur les matières premières, qui affame les gens, qui fait que l’environnement et le développement durable ont été très mal traités, si nous n’en faisons pas un préalable avant d’agir, toutes nos décisions derrière ne seront qu’un coup d’épée dans l’eau.

Voilà ce que veut dire cet amendement. Or sur ce point, vous nous dites que nous avons un désaccord politique, que nous ne sommes pas consensuels. Nous en prenons acte, chacun est dans son droit ici de l’affirmer. Mais je crois qu’il est important, pour la suite de nos débats, que chacun comprenne que dès l’instant où votre majorité refuse d’admettre que, dans le contexte actuel, le capitalisme est créateur d’inégalités, qu’il est facteur de crises et de dégradations des équilibres écologiques, que l’action de l’État doit permettre de promouvoir un nouveau modèle de développement, pas seulement pour servir de pompier en cas de crise mais pour être un élément régulateur de stabilisation et de comportements vertueux au fil des années, j’oserai dire au fil de siècles, dès l’instant où vous refusez d’adhérer à cette thèse, nous pensons que nous ne pourrons pas atteindre les objectifs que vous nous assignez.

(L’amendement n° 591 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 592.

La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Cet amendement vise à préciser, avant l’article 1er, que la « politique de développement durable doit permettre de répondre aux besoins du présent, en particulier des plus défavorisés, sans compromettre l’avenir des générations nouvelles ».

Ce que le Grenelle a voulu, et ce que nous voulons tous, c’est préserver l’avenir des générations futures, et nous souhaitons que certaines mesures soient mises en œuvre, tant dans le domaine des transports que dans ceux de l’habitat ou des liens entre l’environnement et la santé. Or, ce sont les plus modestes qui pâtissent aujourd’hui le plus de la politique que vous souhaitez mener.

Prenons l’exemple des transports. L’augmentation du prix du carburant est insupportable pour ceux dont le pouvoir d’achat a dernièrement baissé parce que leurs revenus sont faibles. Vous avez raison de vouloir traiter cette question par le biais de la taxe carbone, que vous remettez d’ailleurs aux calendes grecques, mais il faut en même temps résoudre le problème des plus défavorisés dans notre société.

Quant au coût du logement, il est globalement d’environ 1 200 euros par an et par habitant, soit 4 800 euros pour une famille de quatre personnes. Je vous laisse imaginer ce que représente une augmentation de 25 % pour des gens aux faibles revenus ! Les objectifs que vous vous fixez ont donc beau être bons, si les financements ne suivent pas, ce sont les plus modestes qui vont payer. C’est la même chose pour le trafic ferroviaire. En termes d’environnement, il est plus performant, mais il coûte très cher et certaines personnes ont du mal à payer les billets de train. C’est la même chose aussi pour l’eau : si l’on veut une eau de qualité, cela suppose une augmentation très forte.

Cet amendement vise donc à affirmer que, certes, notre objectif est de préserver l’avenir des générations nouvelles, mais qu’il faut aussi régler la question des plus défavorisés. J’aurais pu développer le thème de l’environnement et de la santé, qui va dans le même sens, mais le groupe socialiste a voulu montrer que ces deux objectifs pouvaient être compatibles et qu’il était possible de les atteindre de manière parallèle et concertée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Jacob, rapporteur. Je partage l’argumentation développée par M. Le Déaut, mais cet amendement est satisfait par la définition du développement durable, que j’ai voulu réaffirmer dès le départ à l’article 1er et qui inclut les trois champs économique, social et environnemental, ainsi que par l’amendement n° 42 rectifié de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Qui peut le plus peut le moins ! C’est un principe de droit !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. Le groupe UMP partage évidemment cet objectif de ne pas compromettre l’avenir des générations futures, de s’adapter aux progrès environnemental et social, et de préserver la santé. Cette préoccupation figure d’ailleurs dans le texte.

Je profite de l’occasion pour réaffirmer, puisque j’ai déjà eu l’occasion de le dire hier soir et ce matin, que l’UMP se place dans la société d’aujourd’hui, marquée par le mondialisme et la régulation que nous demandons tous. Je veux l’affirmer ici haut et fort : allons dans le sens de ce progrès dans le monde avec notre engagement politique, mais sans tout remettre en cause comme vous le voulez, sinon ce n’est même pas la peine de discuter de ce projet de loi ! Nous pouvons tous ensemble adopter une démarche d’économie d’énergie pour le bien-être de tous, tout en préservant les générations futures. C’est important.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Got.

Mme Pascale Got. Puisque nous en sommes au début de l’examen de ce texte, il est bon, en effet, de réaffirmer certaines choses. Il faut rééquilibrer les disparités sociales qui sont criantes et nous devons avoir des garanties en la matière pour l’avenir. Il me semble important de l’affirmer dès maintenant, d’autant que l’aspect social n’est pas prégnant dans ce Grenelle. Il faut cesser de sanctuariser des peuples, des territoires, de fragiliser des individus. Les plus modestes doivent pleinement trouver leur place dans une démarche touchant à la qualité de la vie et à la recherche d’un développement équilibré, ce qui n’est pas forcément actuellement le cas au plus près de chez nous sur certains territoires. Cet amendement a donc une portée à la fois internationale et nationale qu’il convenait de souligner.

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Il est bon, en effet, de préciser les choses avant le début de l’examen des amendements. Nous partageons largement votre préoccupation, mais cet amendement vise à introduire dans le texte une définition qui dépasse largement l’objectif de celui-ci. Vous avez parlé tout à l’heure de capitalisme et de régulation. Je suis un gaulliste convaincu, comme dirait M. Brard, et les gaullistes ont toujours défendu la présence de l’État en tant qu’élément de régulation, de justice sociale et d’équité.

M. Serge Poignant. Absolument !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ils ont toujours voulu que l’État soit fort pour pouvoir lutter contre certaines injustices. Et ce que fait le Président de la République aujourd’hui, en faisant intervenir l’État dans la crise que nous connaissons, va tout à fait dans ce sens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. François Brottes. En privatisant La Poste ? Vous êtes converti au socialisme !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je suis ravi que vous vous soyez convertis au gaullisme !

M. François Brottes. Un peu de respect pour le gaullisme !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Si nous pouvons nous retrouver sur ces thèmes, cela me convient.

L’article 1er stipule que la présente loi doit énoncer les instruments de la « politique mise en œuvre pour lutter contre le changement climatique et s’y adapter, préserver la biodiversité ainsi que les services qui y sont associés et contribuer à un environnement respectueux de la santé ». Voilà de quoi il s’agit ! Il ne s’agit pas de redéfinir la société, je tiens à le dire. Et je ne voudrais pas qu’on laisse penser que ce texte, dont l’objet est de redéfinir des comportements, des manières d’être et de fixer des objectifs – car il s’agit d’une loi d’orientation –, pourrait être l’occasion de redéfinir le développement durable.

M. François Brottes. C’est pourtant ce que dit Mme la secrétaire d’État ! C’est l’enjeu du Grenelle !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Comme l’a très bien dit le rapporteur, le développement durable repose sur un trépied : la politique économique, la politique sociale – les plus défavorisés sont pris en compte par l’État dans le cadre de cette politique sociale, monsieur Le Déaut – et la politique environnementale. C’est le lieu commun de ces trois politiques qui s’appelle le développement durable. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire, avant chaque article, de redéfinir ce que nous sommes en train de faire, car la définition du développement durable répond parfaitement à votre attente et à la nôtre. De plus, la commission a accepté plusieurs amendements qui correspondent à votre démarche, car ils précisent le sens que vous voulez donner à cette définition. Nous pourrions donc nous retrouver sur ces amendements, dont certains d’ailleurs viennent de vos rangs.

(L’amendement n° 592 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 593.

La parole est à M. Philippe Plisson.

M. Philippe Plisson. Dans le triptyque de ce texte, qui est effectivement très environnementaliste, vous oubliez l’aspect social, mais cela va beaucoup plus loin : en fait, vous ne voulez pas admettre que nous sommes au cœur d’un vrai débat de fond et que vous êtes en pleine contradiction. Vous voulez, en effet, nous faire croire que l’on peut changer en profondeur nos comportements, nos valeurs sans remettre en cause les règles qui fondent cette démarche. Or, c’est tout le fonctionnement de notre société qu’il faut remettre en cause ! Dans le contexte actuel, les faits démontrent que le capitalisme sauvage est non seulement facteur d’inégalités sociales, mais aussi responsable des catastrophes financières et écologiques qui accablent la planète. Il faut donc aujourd’hui remettre l’État régulateur au cœur du dispositif pour empêcher la voyoucratie économique malfaisante de mettre à bas les finances, de piller les réserves et de détruire la planète. Et le citoyen doit être placé au centre des débats dont il a été jusqu’à présent écarté. Il ne doit plus être abusé ; il ne doit plus subir ; il doit prendre sa part dans les décisions. Il faut donc remettre en cause complètement le fonctionnement de notre société, et ne pas se contenter de mettre des pansements sur le libéralisme en installant quelques éoliennes ici et là !

M. André Chassaigne. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Jacob, rapporteur. Défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Évidemment, madame la secrétaire d’État, il y a un problème fondamental ! D’ailleurs, M. Poignant a éprouvé le besoin d’intervenir, tellement c’était peu évident, pour dire que le groupe UMP était favorable au progrès et à la régulation, et qu’il ne fallait pas tout remettre en cause. Cela dit avec vous, il peut être tranquille et les privilégiés peuvent dormir sur leurs deux oreilles.

M. Guy Geoffroy. Ça y est ! Vous pourriez changer de discours !

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui, que voulez-vous ! Vous fonctionnez comme des disques rayés dès lors qu’il s’agit de défendre ceux qui ont des coffres bien remplis ! Ce que vous proposez, uniquement par la sémantique, c’est du ripolinage ! Vous verdissez les politiques, mais quand vous grattez elles restent toujours aussi mauvaises ! Nous sommes rassurés parce que le président de la commission nous dit qu’il est un gaulliste convaincu,…

M. Alain Cousin. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Brard. …ce qui est vrai. Je suis d’ailleurs toujours intéressé lorsque Patrick Ollier s’exprime parce qu’il a des valeurs ; il a un socle ! Mais la conviction doit se concrétiser dans les actes, et je trouve qu’il est trop platonique, pas assez pratiquant (Rires), comme Mme Kosciusko-Morizet d’ailleurs, concernant l’écologie.

Madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, vous, vous êtes convaincus, d’autres sont pratiquants : le Président de la République, lui, pratique tous les jours la gesticulation !

M. François Brottes. Plusieurs fois par jour !

M. Jean-Pierre Brard. À Toulon, il affirme que l’on va légiférer avant la fin de l’année sur les parachutes dorés. Entre temps, il a rencontré ses amis et on ne légifère plus !

J’ai beaucoup de considération pour ce que vous dites, monsieur le président de la commission. Vous parliez de trépied, nous faisant penser à la pythie, mais en réalité, c’est votre système qui est inacceptable et qui compromet l’avenir de l’humanité, et cela vous ne voulez pas le voir malgré cette crise financière qui s’aggrave hélas chaque jour !

Madame la secrétaire d’État, vous avez des convictions, effectivement. Vous fûtes d’ailleurs fustigée pour cela lors du débat sur les OGM, et nous en fûmes nous-mêmes fort contrits, mais certainement moins que vous ! Comme Galilée, vous nous dîtes alors : « Et pourtant, j’ai raison ! » Mais vous abdiquâtes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Je suis très gêné que ces amendements soient ainsi rejetés sur des questions de principe. En lisant le texte, je me suis demandé pour quelle raison le préambule n’était pas moins laconique.

En effet, lorsque l’on fait un texte refondateur comme celui-ci, c’est que l’on veut opérer une rupture et l’on commence par les principes. Or, il n’y en a pas en préambule de ce texte. Ceux que nous proposons sont essentiels à la philosophie du texte, et ne contrarieraient pas tout ce que comporte celui-ci. Je ne comprends donc pas que vous refusiez de les inscrire en préambule. Ou plutôt, je ne comprends que trop bien : vous êtes très embarrassés, car vous ne savez ce qu’il faut mettre dans un préambule.

Aux termes de l’article 1er, « la présente loi fixe les objectifs et, à ce titre, définit le cadre d’action et énonce les instruments de la politique mise en œuvre pour lutter contre le changement climatique et s’y adapter ».

Nous sommes d’accord. Mais c’est oublier qu’il ne s’agit pas seulement du changement climatique. Que faites-vous de l’épuisement des ressources naturelles et minières, qui en est totalement indépendant ?

M. François Brottes. La faute en revient au libéralisme !

M. Serge Letchimy. Ce matin, M. Chassaigne a cité un document très intéressant qui montre les limites dans le temps des extractions minières, notamment du pétrole et du charbon.

Par ailleurs, si la biodiversité est menacée, n’est-ce pas dû au comportement de l’homme et aux habitudes d’une société de consommation ultra-libérale qui ne connaît aucune limite dans l’exploitation de l’homme et de la nature ? Au-delà de la question du changement climatique, il faut changer cette culture de la consommation et de la production.

M. François Brottes. Même les Américains l’ont compris !

M. Serge Letchimy. C’est pourquoi je considère que l’amendement est fondamental. Si le Gouvernement le refuse, c’est sans doute qu’il l’embarrasse. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Même si je n’ai pas déposé beaucoup d’amendements portant article additionnel avant l’article 1er, je pense que nos collègues socialistes ont eu raison d’intervenir sur le début du texte. Cela dit, je ne suis pas tout à fait d’accord avec la formulation d’une partie de cet amendement.

Certes, nous partageons tous de nobles objectifs qui tiennent au progrès humain, économique, social et environnemental. Mais, à un tel niveau de généralité, si l’on ne quantifie pas sa pensée, on peut dire à peu près n’importe quoi. Le pseudo-concept de développement durable peut tout contenir. Des entreprises aussi nobles que Total ou Areva prétendent même le mettre en œuvre ! Dans leur cas, on pourrait aussi bien parler d’éco-blanchiment ou de green washing. C’est fréquent et cela marche bien, puisque les gens y croient. C’est pourquoi une certaine phraséologie me gêne.

En outre, l’amendement fait la promotion d’un nouveau modèle de développement fondé sur une croissance qui serait compatible avec tout : l’impératif écologique, la protection sociale, l’innovation, l’aménagement du territoire et la création d’emplois. On bute sur une difficulté intellectuelle. Sans répéter mes propos de ce matin, je pointe ici une sorte de malentendement sur les principes et les grands objectifs. Or, si ceux-ci sont d’emblée mal fondés, les amendements portant sur tel ou tel point de détail, que nous allons passer tant de temps à examiner, manqueront de pertinence, en dépit de leur intérêt ponctuel. Et, pour ma part, si j’ai déposé un amendement – un seul – à cet endroit du texte, ce n’est pas pour définir une croissance qui serait compatible avec tout et son contraire.

Hier, le Premier ministre aurait dû signaler que nous entrions non dans un cycle de récession qui déboucherait sur une nouvelle « croissance verte », susceptible d’élever notre taux de croissance jusqu’à 3 % ou 5 % du PIB, ce qui se produit en Chine ou en Inde, mais dans un cycle de récession fondamental, dont il n’existe aucun exemple dans l’Histoire. Il tient en effet à un effondrement de ces matières de sustentation de notre société que sont les matières premières. Le choc pétrolier était un problème politique. D’autres crises ont été de nature économique. Mais ce problème lié à la déplétion est inédit, d’autant qu’il se pose pour 6,7 milliards de personnes. D’où la nécessité de réagir avec des critères, des valeurs et des outils intellectuels tout à fait nouveaux.

Il me paraît donc vain de prétendre que l’on va retrouver le chemin de la croissance. Nous en avons certes profité depuis soixante ans, mais elle ne cesse de décroître. Il faut à présent s’adapter. Au lendemain de la convention de Rio, le protocole de Kyoto prévoyait deux politiques pour lutter contre le changement climatique. L’une prévoyait la réduction de l’émission des gaz à effet de serre ; l’autre, une adaptation. La première, en effet, ne suffisait pas : il était déjà trop tard pour penser qu’on pourrait éviter un grand choc climatique. Il en va de même pour ce que j’ai nommé la déplétion : il est trop tard pour croire qu’on évitera une vraie récession. Je le regrette, mais c’est par un aveuglement intellectuel résultant de je ne sais quelle bouillie neuronale que l’on a refusé de voir ce qui arrive actuellement.

Je vous en prie donc, mes chers collègues : sur cette loi à laquelle nous aspirons tous et dont nous reconnaissons que les objectifs sont bons, ne partons avec de mauvais outils législatifs et intellectuels.

M. le président. La parole est à M. Serge Grouard.

M. Serge Grouard. Je remercie Yves Cochet de son propos qui me semble replacer le débat au niveau où il devrait être. Je ne reviendrai que d’un mot sur les quelques interventions qui ont précédé la sienne, car j’ai le souci d’éviter l’amalgame et les contrevérités historiques.

À quoi bon faire porter la responsabilité de la situation environnementale planétaire au système libéral ou capitaliste ? Cela procède d’une vision simpliste de l’Histoire. Que je sache, les systèmes économiques ont été différents d’un pays à l’autre durant tout le XXsiècle. Faut-il revenir à des concepts politiques et idéologiques que certaines peinent malheureusement à abandonner ? La réalité est que nous avons vécu, durant les deux siècles précédents, dans un système productiviste fondé sur la consommation d’une énergie relativement abondante et bon marché.

M. Yves Cochet. Exactement !

M. Serge Grouard. Or ce système est terminé. Eu égard à l’enjeu de notre débat, nous pourrions nous retrouver sur ces fondamentaux, au lieu de chercher toujours à désigner de manière trop facile et trop simple, comme l’opposition aime à le faire, je ne sais quel coupable. C’est un système qui est en cause, ou plutôt des systèmes. L’économie libérale et l’économie dirigée ont produit des désastres écologiques de part et d’autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. André Chassaigne. Nous sommes d’accord.

M. Serge Grouard. Aujourd’hui, nous essayons de changer de cap. L’attente qui existe dans ce domaine mériterait que nous nous retrouvions pour corriger le tir.

M. Cochet l’a dit ce matin et il vient de le répéter. La vraie question est celle-ci : de même que le capitalisme a indéniablement intégré la question sociale au cours du XIXsiècle…

M. Jean-Pierre Brard. Modérément !

M. Serge Grouard. …et s’est progressivement transformé, notre système est-il en mesure d’internaliser la dimension de l’environnement, de l’écologie et du développement durable, ou le modèle tout entier est-il caduc, ce qui nous imposerait d’opérer des modifications en profondeur, voire de passer à d’autres modèles ?

Pour terminer, je rejoindrai le président de la commission. Au-delà du schéma intellectuel et théorique que propose M. Cochet, qui a le mérite d’être cohérent et de dépasser les clivages politiques, il faut nous interroger sur la capacité de notre société à digérer les transformations que nous lui proposons. Quelles que soient les réponses très complexes que nous apporterons, nous allons, grâce au Grenelle de l’environnement, dans la bonne direction. Ces réponses sont-elles suffisantes, assez rapides et conceptuellement satisfaisantes ? Nous verrons. Mais, de grâce, pas de procès en sorcellerie ! Ce serait trop facile, au regard des enjeux fondamentaux qui nous sont proposés. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

(L’amendement n° 593 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 594.

Je donne la parole est à M. Jean Grellier, pour le soutenir mais je lui rappelle que la discussion sur le fond a déjà eu lieu, puisqu’il s’agit d’un amendement de repli.

M. Jean Grellier. Il me semble important d’affirmer que la dimension humaine et sociale est, particulièrement aujourd’hui, une priorité en matière de développement durable.

Le changement de société qu’imposent le développement durable et le respect de l’environnement ne peut être atteint à partir du fonctionnement spontané de l’économie et de la société. La régulation et la redistribution permanente des ressources et des richesses sont nécessaires pour donner une réalité à l’égalité des droits, offrir à chacun les chances de conduire sa vie, réduire les écarts de condition et combattre la pauvreté.

Si nous ne rappelons pas ces valeurs aujourd’hui, nous passerons à côté d’une priorité qui fait l’unanimité. Il faut affirmer le rôle de l’État et de la puissance publique en matière de régulation, à un moment où les inégalités et la pauvreté menacent notre cohésion sociale.

Dans nos permanences, nous voyons de plus en plus de gens en difficulté. Les inégalités progressent. Les associations caritatives interviennent de plus en plus souvent. Le changement de société qu’induit la notion de développement durable doit viser en priorité la lutte contre les inégalités et la pauvreté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Jacob, rapporteur. Je m’exprimerai en même temps sur les amendements suivants.

La rédaction de l’amendement n° 594, qui est un amendement de repli, n’est pas satisfaisante. Celle que nous proposons pour l’article 1er est bien meilleure. Tandis que l’amendement stipule que « le changement de société ne peut être atteint à partir d’un fonctionnement spontané de l’économie et de la société », l’article 1er indique que la présente loi « assure la transition vers une nouvelle économie compétitive dans laquelle le développement se combine avec une réduction des besoins en énergie, en eau et autres ressources naturelles. »

J’ajoute que l’amendement n° 44, déposé sur l’article 1er, définit le développement durable comme ce qui concilie « la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social. »

Autant dire que le texte est complet. L’article 1er ainsi amendé est bien préférable aux rédactions partielles que vous proposez. Nous ne sommes pas opposés à telle ou telle assertion, mais ces amendements, qui reprennent partiellement l’amendement n° 591, non seulement n’ajoutent rien au texte, mais risqueraient de l’appauvrir.

Avis défavorable à cet amendement, comme aux autres amendements portant article additionnel avant l’article 1er, qui sont de la même teneur.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Cet amendement est redondant avec le projet de loi. En outre, je m’interroge sur la méthode qui consiste à déposer un long amendement et à le découper ensuite pour en faire l’objet de plusieurs amendements. Nous avons déjà répondu sur l’ensemble. Les explications données sur l’amendement n° 591 valent aussi pour les suivants.

M. Jean-Pierre Brard. Nous voulions vous offrir une possibilité de repêchage, et vous permettre de revenir à résipiscence.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. C’est très aimable à vous, monsieur Brard.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Depuis le début, ce débat serait idéologique, nous dit-on, et ne viserait qu’à condamner un système économique ; certains, dont le communiste que je suis, persisteraient à fantasmer sur ce que fut « le socialisme réel », lequel a provoqué des dégâts énormes pour l’environnement.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est bien de le dire.

M. André Chassaigne. Ce n’est pas la première fois que je le dis.

M. Guy Geoffroy. C’est tardif.

M. André Chassaigne. Mais ni pour moi, ni pour Jean-Pierre Brard, il ne s’agit de revenir à un système dont la faillite fut évidente et les effets lamentables. Que les choses soient bien claires. Nous pouvons assumer certaines responsabilités et reconnaître que tel système économique n’a pas fonctionné. Nous n’en voulons pas le retour.

Pour autant, nous affirmons que vouloir mettre sur le même plan développement durable – terme qui fait pratiquement l’unanimité à l’exception de M. Cochet – et développement de la compétitivité, cela ne peut pas fonctionner.

M. Yves Cochet. Il a raison.

M. André Chassaigne. Et c’est là l’objet de cette discussion.

Ainsi, depuis une dizaine d’années, la part des salaires dans la valeur ajoutée a diminué de 10 % au profit de celle des actionnaires. C’est le fruit de la recherche de compétitivité, et on en voit les résultats aujourd’hui. C’est sur ce type de partage des richesses que nous voulons revenir, et cela apparaît très bien dans les amendements de nos collègues socialistes, car toujours plus d’argent aux actionnaires plutôt qu’à la qualité de la vie et aux salaires, c’est une catastrophe.

De même, à proposer comme solution un bonus-malus – voire, pire, un malus-malus – ou une taxe verte, en oubliant que le problème ne se pose pas en fin de cycle mais tout au long de la vie d’un produit, de sa fabrication à son recyclage, on passe à côté du problème réel. Sur ce point, le texte a des effets pervers…

M. Jean-Yves Le Déaut. Il a raison.

M. André Chassaigne. …lorsqu’il propose des solutions dont certaines sont intéressantes, certes, mais qui ne portent que sur le produit final et non sur l’ensemble de la chaîne. Et si vous ne le faites pas, permettez-moi de dire sans procès d’intention, c’est que ce n’est pas dans votre culture de toucher à certains privilèges. Rien que pour cela, vous allez à l’échec.

M. Yves Cochet. Excellent.

M. le président. La parole est à M. Philippe Plisson.

M. Philippe Plisson. Je suis en symbiose avec M. Chassaigne – en communion si vous préférez : nous sommes dans l’angélisme hypocrite que pratique le système capitaliste pour berner le peuple et mieux le plumer. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Pour le système libéral, le trader, en être naturellement bon et raisonnable, s’imposera des règles à lui-même. En revanche, l’automobiliste doit être soumis à moult contrôles, radars et gendarmes, pour l’obliger à respecter les règles. Or, les faits récents le prouvent, il faut des radars partout, y compris à la City, pour imposer des règles aux voyous !

M. Jean-Pierre Brard. Quelle allégorie !

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. Cette discussion est franchement surprenante, surréaliste même !

M. Jean-Pierre Brard. Pour vous, le saint-bernard du capitalisme, oui.

M. Serge Poignant. On nous parle de « berner le peuple et mieux le plumer » !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est une discussion de basse-cour !

M. Philippe Plisson. Qui bouche les trous des voyous capitalistes aujourd’hui ?

M. Serge Poignant. Nous travaillons ici sur le Grenelle de l’environnement et nous sommes tous engagés dans une révolution tranquille, avec conviction, humilité et ambition.

On se croirait revenu au temps de la gauche plurielle en entendant cet anticapitalisme sans discernement. Au passage, merci, monsieur Chassaigne, d’avoir reconnu l’échec d’un certain système. Seulement, après l’avoir fait, vous revenez tout de suite à l’anticapitalisme qui a imprégné votre discours pendant des années.

M. Jean-Pierre Brard. Faites donc aussi votre autocritique !

M. André Chassaigne. Il y a un fossé culturel entre nous.

M. Serge Poignant. Puis, il y a les socialistes qui se disent antilibéraux et anticapitalistes, et M. Cochet, qui n’accepte ni le développement durable ni la croissance.

M. Yves Cochet. De toute façon, elle va s’arrêter.

M. Serge Poignant. Mais, monsieur Cochet, au temps de la gauche plurielle, les Verts ont eu des ministres. Vous nous dites que nous ne faisons pas une vraie révolution, mais vous, qu’avez-vous fait ? La vraie révolution, c’est d’entraîner toute une population dans le mouvement. C’est ce qu’a fait le Grenelle de l’environnement.

Alors assez de cet antilibéralisme, de cet anticapitalisme, de ce « protocole de déplétion » que vous voulez imposer au monde.

M. Yves Cochet. Il s’imposera tout seul !

M. Serge Poignant. Revenons au texte. De plus, tout ce que vous avez dit de concret, au-delà de ces positions politiques, que bien évidemment nous ne partageons pas, se trouve dans le texte.

M. Philippe Plisson. Alors, votez nos amendements.

M. Serge Poignant. Le rapporteur et le président de la commission vous l’ont dit. Pourquoi voulez-vous mettre dans le texte autre chose que ce dont il parle. Passons aux choses concrètes. Il fallait avoir cette discussion auparavant, mais ne tombez pas dans la caricature. Nous ne sommes vraiment plus sur la même longueur d’ondes.

(L’amendement n° 594 n’est pas adopté.)

 M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 595.

La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Certains chiffres montrent bien l’importance de cet amendement : ainsi, un enfant meurt de faim dans le monde toutes les cinq secondes. Certes, nous n’en sommes pas directement responsables. Les changements climatiques, les bouleversements économiques provoquent même des guerres, comme au Darfour, et l’on risque de voir survenir des migrations de la pauvreté ou des migrations climatiques.

C’est pourquoi notre amendement tend à faire s’appliquer la politique de développement durable aux échanges commerciaux, pour faire reconnaître le droit à tous les peuples aux biens publics mondiaux tels que l’environnement, l’eau, la santé et la biodiversité.

Je sais bien que la secrétaire d’Etat va me répondre que cela figure déjà à l’article 1er, alinéa 2, dont la dernière phrase affirme la cohérence de cette politique nationale « avec les engagements internationaux de la France ».

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Non, justement !

M. Serge Letchimy. C’est totalement d’autre chose qu’il s’agit. Je vous demande d’anticiper sur un avenir meilleur, non de vous en tenir aux engagements actuels. En effet, nous n’avez pas fait évoluer l’OMC pour faire prendre en compte l’environnement dans les échanges internationaux, ce qui permettrait peut-être d’éviter que l’Europe ne se serve de certains pays d’Afrique comme d’une poubelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Jacob, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Monsieur Letchimy, vous avez cru deviner ce que je répondrai, vous avez perdu.

Certes, sur le fond vous avez raison : Pour trouver des solutions aux problèmes globaux d’environnement, il faut modifier un certain nombre de règles internationales, notamment celles qui concernent le commerce. L’OMC n’a pas été mise en place pour répondre aux enjeux liés à l’environnement.

Cependant, ce que vous préconisez dans cet amendement figure déjà à l’article 10 de la charte de l’environnement, qui a valeur constitutionnelle et régit l’ensemble de notre droit. Il est donc inutile de répéter cette exigence dans chaque projet, et l’amendement est redondant.

De plus, au début du Grenelle de l’environnement, a eu lieu un débat approfondi. Tous les acteurs avaient envie de s’exprimer sur le contexte international, et c’était légitime. Mais nous avons alors choisi de ne pas, de nouveau, donner des leçons au monde avant d’avoir agi chez nous. C’est pourquoi le Grenelle de l’environnement se concentre sur ce qu’il est possible de faire au niveau national.

Pour ces deux raisons, je donne un avis défavorable sur l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. En premier lieu, je salue l’honnêteté d’André Chassaigne qui a reconnu, et c’était plus difficile à faire pour lui que ce ne le serait pour nous, …

M. Jean-Pierre Brard. Faites donc votre autocritique, vous aussi !

M. Jean Dionis du Séjour. …l’échec du socialisme réel dans le domaine de l’environnement.

M. Alain Gest. Pas seulement dans celui-là !

M. Jean Dionis du Séjour. J’ai apprécié l’intervention de M. Grouard. Après tout, nous ne sommes pas ici pour discourir sur les échecs de l’ultralibéralisme ou du socialisme réel. Mais il est intéressant d’analyser les raisons de l’échec dans les pays communistes. D’abord, c’est qu’il n’y avait pas de contre-pouvoirs démocratiques, presse, pouvoirs locaux ou associations.

M. André Chassaigne. C’est vrai !

M. Jean Dionis du Séjour. Il nous faut donc veiller à leur donner un rôle important dans la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. Ensuite, le système a échoué car il était productiviste, centralisé par le Gosplan, dominé par une idéologie de la croissance par l’État. Or l’État, il faut s’en méfier.

Pour ma part, je veux bien faire une autocritique sur le système libéral et ses lacunes. Il est vrai que la régulation a été déficiente. En tant que libéraux, les membres de notre groupe ont toujours affirmé qu’il fallait un régulateur fort, en tout cas sur le modèle européen. Lors de certains votes ici même, à propos de l’électricité par exemple, nous étions assez seuls à vouloir instaurer un régulateur fort.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Non, pas seuls.

M. Jean Dionis du Séjour. Vous aviez plutôt une vision gaulliste, d’un régulateur d’État, tandis que nous étions pour un régulateur indépendant.

M. Jean-Pierre Brard. Indépendant des intérêts du capital !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Pour une vision moderne.

M. Jean Dionis du Séjour. Pour en revenir à l’amendement n° 595, s’il est vrai que l’Organisation mondiale du commerce n’a pas été conçue en tenant compte des tragiques déséquilibres entre Nord et Sud – Mme la secrétaire d’État vient de le reconnaître –, il nous appartient de réparer cette importante lacune. Une telle évolution de la gouvernance pourrait nous inciter à réformer les aides à l’exportation consenties dans le cadre de la politique agricole commune.

Il est donc possible d’agir en matière internationale, et les idées de M. Letchimy me semblent intéressantes.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. L’homme a bien fait un rêve prométhéen : il pourrait toujours commander à la nature.

L’histoire de la disparition de la mer d’Aral en est une bonne illustration. Après qu’un fleuve qui l’alimentait a été détourné pour permettre de développer la culture du coton en Ouzbékistan, la mer d’Aral a disparu. Désormais, il n’y a plus ni mer ni eau pour la culture du coton, mais l’islamisme avance. Heureusement, aujourd’hui, nous en sommes revenus à des conceptions plus équilibrées : l’homme a compris que le productivisme sans limites était destructeur de l’humanité.

Madame la secrétaire d’État, vous avez commencé par donner raison à M. Letchimy, c’était un bon début, pourtant vous n’avez pas poursuivi dans la même voie. L’amendement n° 595 défend le principe selon lequel il n’est pas possible de voter un texte comme ce projet de loi sans qu’il ait des implications en matière de relations internationales. J’ai entendu cette semaine M. Pascal Lamy – de passage à Paris, il a participé à de nombreux forums et débats – tenir un propos cohérent et structuré affirmant qu’il fallait continuer de supprimer les barrières au commerce international. Comme si le fait de les avoir déjà supprimées sans réfléchir n’avait pas produit suffisamment de dégâts ! Au contraire, il ne faut pas supprimer les barrières mais en définir de nouvelles qui constitueront un juste équilibre entre la protection nécessaire et l’ouverture. Or avec l’OMC, telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, les protections n’existent plus. Ainsi, nous nous trouvons régulièrement dans l’obligation de retirer du marché des produits dont on s’aperçoit, alors qu’ils sont déjà en vente, qu’ils ne respectent pas les normes.

Madame la secrétaire d’État, vous voulez que nous balayions devant notre porte avant de le faire devant celles des autres. Je propose pour ma part, dans la continuité des propos de M. Dionis du Séjour, un « samedi communiste » : balayons en même temps devant toutes les portes ! Si vous ne pratiquez pas ainsi, vous rendrez encore plus inégales les conditions de la concurrence économique. Vous imposerez à notre seul pays des normes qui renchériront les conditions de production. Or il faut édicter des normes applicables à tous, non seulement sur le plan environnemental, mais aussi sur le plan social. Alors il sera possible de poser les fondements d’une nouvelle mondialisation.

Madame Kosciusko-Morizet, vous avez renoncé à faire ce choix. Et je vous le dis avec toute la sympathie et la considération que je vous porte : ne vous habituez ni au renoncement ni à l’abnégation qui mène à l’abdication !

M. le président. La parole est à Mme Pascale Got.

Mme Pascale Got. Madame la secrétaire d’État, l’amendement n° 595 ne donne pas de leçon au monde, il répond plutôt à la logique d’une politique nationale articulée avec la politique internationale.

Dans un texte attendu et savamment médiatisé, il n’est pas anodin d’affirmer le principe de la nécessité d’une gouvernance mondiale, d’autant que le projet de loi n’en fait guère mention. M. Letchimy le soulignait déjà hier soir, nous sommes peut-être passés à côté de la portée internationale des questions environnementales ; il serait donc tout à fait justifié d’évoquer le sujet et de poser un principe au début du projet de loi.

(L’amendement n° 595 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 597.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Madame la secrétaire d’État, vous vous demandiez pourquoi les amendements nos 592, 593, 594 et 595 ne faisaient que reprendre, point par point, tous les éléments de l’amendement n° 591 qui a déjà été rejeté. Vous avez vous-même répondu à cette question : tout comme vous, nous ne cherchons que le compromis et espérions le trouver sur l’un des sujets abordés par l’amendement n° 591. Vous avez exprimé presque systématiquement votre désaccord, mais il est utile que vous ayez pu vous expliquer sur chacun des points abordés.

Jean Dionis du Séjour s’est exprimé sur la question de la régulation et je suis en total désaccord avec lui. Comme lui, je connais bien ce sujet, et j’estime que, dans notre droit positif, plutôt que de prôner la vertu et d’imposer aux opérateurs industriels ou économiques un comportement compatible avec le développement durable, les régulateurs veillent seulement à ce que les marchés qui s’ouvrent à la concurrence accueillent des nouveaux opérateurs à la recherche du profit. Ainsi, l’utilisation de l’électricité est-elle favorisée en heure de pointe pour permettre aux petits opérateurs entrants de faire tourner les centrales thermiques dans lesquelles ils ont investi. Une telle politique, absurde en termes de développement durable, montre que la régulation évoquée par Jean Dionis du Séjour n’est pas nécessairement vertueuse – je rejoins les convictions du président Ollier qui ne considère pas la régulation comme la panacée.

Je voudrais remercier notre collègue Serge Grouard pour la tonalité de son intervention. Certes, il n’a pas souhaité que nous entrions dans un débat idéologique, mais je souligne que les socialistes n’ont jamais fait l’apologie des régimes totalitaires qu’il évoquait. La pollution plus le totalitarisme, cela fait beaucoup à la fois ; mais la pollution plus les dividendes, cela donne plus de pollution !

M. Philippe Plisson. Très bien !

M. François Brottes. Notre système économique permet bien sûr de dégager des bénéfices qui sont investis dans la recherche, la formation, les nouveaux outils. Nous y sommes favorables…

M. le président. Mon cher collègue, merci de bien vouloir en venir à la présentation de l’amendement n° 597.

M. François Brottes. Précisément, monsieur le président, j’y viens, en vous remerciant de laisser notre débat se dérouler comme vous le faites.

M. Jean-Pierre Brard. C’est la liberté régulée !

M. François Brottes. Si nous n’avons pas de difficultés particulières avec l’économie réelle, en revanche, l’économie virtuelle nous gêne. Elle génère toujours plus d’argent à partir de l’argent des autres, et toujours plus de dysfonctionnements parce qu’elle cherche le profit à court terme sans tenir compte ni de la stratégie industrielles ni des hommes, ni des produits. Comme nos amendements le demandent, la majorité doit renoncer à l’économie virtuelle – elle en est pourtant encore loin – car la recherche du profit maximum à brève échéance engendre des dysfonctionnements en termes de développement durable.

M. le président. Monsieur Brottes, il faut conclure.

M. François Brottes. L’amendement n° 597 évoque ainsi les axes d’une véritable politique de développement durable comme la maîtrise de la demande de l’énergie ou les transports collectifs pour lesquels nous cherchons toujours un financement.

Le logement durable en fait partie, mais le Gouvernement a l’intention, dans un texte présenté par Mme Boutin, de renoncer à la quote-part obligatoire de logements sociaux dans les villes et une telle perspective nous préoccupe. De même, alors que l’amendement n° 597 défend « une véritable fiscalité écologique », le Gouvernement n’agit qu’en mettant en place un « bonus-malus » qui pénalise les plus pauvres. Et quand nous voulons inscrire dans la loi « la promotion d’une agriculture et d’une sylviculture de qualité », la majorité renonce au « sans OGM », ce qui nous invite à rester extrêmement méfiants.

Voilà pourquoi nous aurions voulu que soient posés fermement, dès le premier article du projet de loi, les grands axes sur lesquels repose une politique du développement durable. C’est l’objet de l’amendement n° 597, son adoption permettrait de fixer un cadre pour la suite de nos débats.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Jacob, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je suis très favorable à l’amendement n° 597 et constate qu’il est étroitement lié à l’amendement n° 595 dont je regrette qu’il n’ait pas été adopté. Pour illustrer le lien entre échanges internationaux et développement durable, je citerai quelques exemples.

« La promotion d’une agriculture et d’une sylviculture de qualité respectant l’environnement et contribuant à l’entretien de l’espace rural », réclamée par l’amendement n° 597, dépend évidemment de la nature de nos échanges internationaux. Si la France abandonne la production de protéines et considère que, pour l’alimentation animale, elle doit s’approvisionner en Afrique du Sud, ce choix aura des conséquences en termes de développement durable dans le pays exportateur. Si l’on peut appliquer la théorie des avantages comparatifs de Riccardo sur le plan des coûts relatifs, il faut aussi compter avec les conséquences environnementales.

Autre exemple : même si l’on veut appliquer le principe « pollueur-payeur », il faut compter avec le décideur pollueur qui fera le choix de déplacer sa production dans un pays du monde aux règles moins contraignantes. À nouveau, les conséquences sur le développement durable au niveau international dépendent de choix faits dans notre pays.

Il est impossible de discuter du développement durable en France sans tenir compte des échanges internationaux. Penser qu’il est envisageable, en ce domaine, d’ériger des murs autour de notre pays relève de l’hypocrisie. Nous le savons tous ici – et je le dis sans volonté polémique.

Si les choix de gestion de nos forêts sont compatibles avec le développement durable, quel sens cela a-t-il de choisir d’importer, pour nos chantiers, des bois exotiques dont l’exploitation détruit totalement des écosystèmes étrangers ?

Ne vous cachez pas la réalité : le monde est interdépendant ! Si nous sommes honnêtes, nous ne pouvons pas faire croire que nous pourrions nous contenter de régler les questions de développement durable dans notre seul pays !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Monsieur Chassaigne, vous mélangez tout.

Nous n’avons pas besoin de voter un article de loi redondant avec la Charte de l’environnement pour nous intéresser à ce qui se passe hors de nos frontières.

Pour prendre l’exemple de la filière bois que vous venez d’évoquer, la France s’est déjà engagée à ce que les collectivités publiques nationales n’achètent que des bois écocertifiés. Les instances européennes travaillent actuellement sur une procédure FLEGT, qui devrait aboutir au cours de la présidence française et au terme de laquelle il ne sera plus vendu aux consommateurs européens – y compris aux particuliers – que des bois écocertifiés.

Cette action est bien réelle et, pour la mener, nous n’avons pas besoin d’adopter des articles de loi champignons qui ne font que reprendre la Charte de l’environnement.

M. André Chassaigne. Mais ce genre de raisonnement pourrait s’appliquer à tous les articles du projet de loi !

M. le président. La parole est à M. Philippe Martin.

M. Philippe Martin. Après l’excellente intervention de François Brottes, je souhaiterais dire à ceux de nos collègues qui, comme Serge Poignant, craignent que ces amendements ne soient destinés à gagner du temps (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),

M. Serge Poignant. Je n’ai pas dit cela !

M. Philippe Martin. …qu’ils ont au contraire pour objet de faire gagner l’environnement. En effet, il n’est pas inutile qu’avant d’entrer dans le vif du sujet, nous puissions avoir ce débat préalable, qui nous permet de rappeler, dans la droite ligne du discours prononcé hier par le ministre d’État, qu’un changement lourd, profond, de mentalité est nécessaire. Car je suis de ceux qui pensent que si la traduction législative du Grenelle est satisfaisante, celui-ci aura un impact à l’échelle mondiale. La France doit montrer la voie.

M. Serge Poignant. C’est ce que nous disons !

M. Philippe Martin. À ce propos, on peut se demander si la crise financière que nous traversons actuellement est un malheur ou une chance pour ce texte. Certains, y compris dans les rangs de la majorité, ont déclaré hier qu’il convenait de le remiser au placard, précisément parce que la situation économique actuelle est trop grave pour que l’on se préoccupe de tels sujets. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Gest. Pas « certains » : un seul !

M. Philippe Martin. Ils sont minoritaires, c’est vrai. Mais la question n’est pas illégitime, compte tenu des préoccupations actuelles des Français.

D’autres, en revanche, et c’est notre cas, estiment que la situation actuelle est une chance. Je regrette, du reste, qu’hier, le ministre d’État n’ait pas fait le lien entre les événements économiques et le texte que nous examinons. Quoi qu’il en soit, il ne faut pas que ce projet de loi passe en catimini et soit examiné à la va-vite, au prétexte que la crise internationale est grave et qu’elle pourrait réduire nos ambitions.

M. Guy Geoffroy. Nous sommes bien d’accord !

M. Philippe Martin. Ce texte doit participer de l’ambition de notre pays en faveur d’une croissance d’un type nouveau, créant des emplois nouveaux…

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. C’était le sujet de mon discours, mais il vous a manifestement moins intéressé que celui du ministre d’État. Je le déplore !

M. Philippe Martin. Dont acte, madame la secrétaire d’État. En tout état de cause, les deux crises sont liées et les dégâts dont on accuse le socialisme réel ne doivent pas masquer ceux, bien réels, qu’a provoqués le libéralisme actuel. Si 98 % des accidents climatiques ont lieu dans des pays pauvres, c’est bien parce que les pays riches ont souvent érigé des barrières pour se protéger des catastrophes. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

Quant au bois, madame la secrétaire d’État, nous étions ensemble au sommet du climat à Bali, dans un pays qui en exporte des quantités très importantes vers les pays riches, lesquels continuent de payer à très bas prix les salariés des industries forestières. Pour l’instant, ces pays n’ont pas d’autres ressources, mais il nous faut tenter de trouver avec eux des solutions alternatives.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Philippe Martin. Ce débat doit nous permettre de mettre, sinon en accusation, du moins face à ses responsabilités un système capitaliste et libéral qui, jusqu’à présent, s’est fiché des ressources naturelles, qu’il a épuisées plus que d’autres.

Encore une fois, notre propos n’est pas de retarder la discussion, mais d’aider le Gouvernement à faire de la traduction législative du Grenelle le phare de la défense de l’environnement à l’échelle de la planète.

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, qui s’efforcera d’être concis.

M. Yves Cochet. Vous aurez remarqué, monsieur le président, que je n’interviens pas sur chaque amendement. J’en ai d’ailleurs moi-même déposé très peu, notamment avant l’article 1er. Il y a quatre ans et demi, lors de l’examen du projet de loi d’orientation sur l’énergie, mes amendements remplissaient une feuille jaune entière, recto et verso : j’avais tenté de faire une autre loi d’orientation sur l’énergie. Évidemment, aucun de ces amendements n’a été adopté, et cet aveuglement nous a conduits à l’impasse énergétique où nous sommes aujourd’hui.

Mais j’en viens à notre débat. Tout d’abord, je remercie M. Grouard d’avoir souligné que ce qui importe, c’est la vague elle-même, et non l’écume. Peu importe en effet le système : économie dirigiste, capitalisme d’État, soviétisme planifié ou libéralisme débridé. M. Dionis du Séjour, qui tient des propos fort intéressants, se dit partisan d’un capitalisme régulé, soit. Mais la régulation des marchés, notamment financiers, n’empêche en rien l’économie réelle d’être totalement productiviste ! La régulation consiste uniquement à fixer des règles du jeu pour qu’il n’y ait pas trop de tricheurs dans l’économie virtuelle. Tout cela est dérisoire ! Le véritable enjeu, lorsque l’on parle d’écologie ou d’écosphère, c’est de savoir ce que nous faisons de la matière et de l’énergie. Voilà la base de la vie ! Encore une fois, le fait que les marchés soient plus ou moins régulés ne changera rien à la situation actuelle.

Par ailleurs, on parle beaucoup de la mondialisation, mais nous allons vers une démondialisation. En effet, la relocalisation des activités économiques ne sera pas le fruit d’un volontarisme politique : elle est inéluctable. M. Guillaume Sarkozy, par exemple – le frère –, possédait, voilà encore trois ans, les Filatures de Picardie, qu’il a été obligé de fermer en raison de la concurrence chinoise. Eh bien, il pourra bientôt les rouvrir, car on implantera de nouveau des filatures en France, précisément parce que le commerce mondial va se contracter.

Les pays riches, ceux de l’OCDE, sont – tous les chiffres le montrent – les grands prédateurs mondiaux des ressources naturelles de la planète : pétrole, bois, et j’en passe. Peu importe que ce bois soit écocertifié, madame la secrétaire d’État, s’il est importé de Bali, comme l’a indiqué M. Martin ! Plutôt que de l’importer, il faut faire en sorte d’utiliser la forêt européenne. Mes amis écolos se disent partisans du commerce équitable mais, dans la mesure où les produits viennent de loin, ce commerce, même équitable, a un impact environnemental très important. À la limite, l’importation équitable de perches du Nil provenant de Tanzanie ne m’intéresse pas : le processus de prédation reste le même.

Encore une fois, l’équité ou la régulation sont de faux problèmes. Qu’on le veuille ou non, nous allons vers la déplétion : c’est un phénomène géologique. Le seul qui ait correctement analysé la situation, c’est Jean-Claude Milner, qui, dans un magnifique article paru hier dans Libération, nous explique que la crise actuelle est due à une déconnexion totale entre les matières premières et l’économie. Revenons aux matières premières, qui sont les premières de toutes les matières !

M. André Chassaigne. Très bien !

(L’amendement n° 597 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 828 et 598, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l’amendement n° 828.

M. Yves Cochet. Nous souhaitons que l’on retienne l’indicateur à mon sens le plus pertinent en matière d’écologie – et qui ne figure pas dans le projet de loi, comme si la science écologique n’avait pas progressé depuis 1986 –, l’empreinte écologique. Celle-ci doit être au fondement de tout raisonnement quantitatif et qualitatif dans le cadre, non pas d’une politique de développement durable – car je n’aime guère cette expression –, mais d’une politique écologique pour la France, l’Europe et le monde.

Qu’est-ce que l’empreinte écologique ? Elle se définit comme la surface de terre et d’eau dont chacun a besoin pour produire les ressources qu’il consomme et pour absorber ses déchets compte tenu des technologies en cours. Elle se mesure en hectares – ce qui est plus compréhensible que le calcul du PIB – et permet d’établir des comparaisons, puisque, je l’ai dit ce matin, il s’agit d’un concept à la fois sectoriel, territorial et fractal. Par exemple, on peut mesurer l’empreinte écologique d’une ville, d’une région, d’un pays, voire de la planète entière.

Ainsi, en 2003, l’empreinte écologique de la planète, c’est-à-dire l’impact de l’humanité sur la biosphère, était de 2,2 hectares par personne, alors que la biocapacité totale, c’est-à-dire la surface totale de zones biologiquement productives pour répondre à nos besoins, n’était que de 1,8 hectare par personne. Et encore, je ne parle là que de l’espèce humaine : si l’on prend en compte les autres espèces faunistiques et floristiques, la biocapacité de la Terre est moindre. Cela signifie que son mode de vie actuel conduit l’humanité à utiliser 1,25 Terre. Ce n’est évidemment pas soutenable !

C’est pourquoi une décroissance de l’empreinte écologique est nécessaire. Ce concept est à la fois un outil et un objectif, une valeur et un moyen. J’y reviendrai.

M. le président. La parole est à M. Philippe Tourtelier, pour soutenir l’amendement n° 598.

M. Philippe Tourtelier. Cet amendement débute ainsi : « La présente loi fixe des principes préalables. » On s’aperçoit en effet, depuis le début de nos travaux, que cette question des principes vous gêne : aucun d’entre eux ne figure au début du projet de loi, qui commence par un titre consacré à la « lutte contre le changement climatique ». Or si l’on ne pose pas des principes clairs, la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement va droit à l’échec.

Tout d’abord, je rappelle, monsieur le président de la commission, que M. le ministre a bien indiqué qu’il fallait redéfinir la société, et je suis parfaitement d’accord avec lui sur ce point. C’est pourquoi nous proposons de redéfinir les modes de fonctionnement individuels et collectifs.

S’agissant, ensuite, du débat sur le capitalisme, je rappelle que la crise financière actuelle était prévisible. En effet, seulement 3 % des échanges financiers quotidiens correspondent à l’économie réelle : à un moment, cela explose forcément. Quant à l’économie réelle, elle pose – nous sommes d’accord avec M. Cochet – le problème des matières premières. Mais ce sur quoi nous voulons insister, c’est que, du point de vue des principes, la réussite du Grenelle est incompatible avec la politique néolibérale que vous menez, et c’est ce qui vous gêne.

Monsieur le président de la commission, en tant que gaulliste, vous êtes partisan d’un État fort. Mais comment l’État peut-il être fort avec moins de fonctionnaires, moins d’impôt et une politique fiscale inique ? De Gaulle ne partageait pas ces positions.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous n’allez tout de même pas m’expliquer le gaullisme !

M. Philippe Tourtelier. Je ne doute pas de vos convictions, monsieur le président de la commission, mais force est de constater, lorsque l’on entend un certain nombre de vos collègues, que le gaullisme a été complètement absorbé par le néolibéralisme.

Par ailleurs, je vous rappelle que, pour établir un véritable développement durable, il ne suffit pas de poser l’articulation des trois piliers. Encore faut-il étudier leur pondération, et c’est ce qui nous distingue politiquement. Vous pouvez toujours invoquer une analyse en termes de développement durable, cela ne mange pas de pain. Nous, nous attendons des actes. Lorsque l’on parle de croissance – et je me méfie certainement autant de ce terme qu’Yves Cochet de celui de développement – lorsque l’on parle, disais-je, de croissance dans les domaines de la santé et de l’éducation, cela ne me dérange absolument pas, car il s’agit de développement.

Encore une fois, nous attendons des actes : remise en cause du paquet fiscal afin de réorienter les sommes qui y sont consacrées vers des emplois non délocalisables liés au développement durable, application des principes de précaution et de prévention aux infrastructures de transport, analyse des grands projets publics à l’aune de leur coût en carbone. S’agit-il d’une application de l’empreinte écologique ? La question mérite d’être approfondie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Jacob, rapporteur. Défavorable. Je me suis expliqué tout à l’heure.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Philippe Plisson.

M. Philippe Plisson. Je constate que vous défendez toujours la même logique libérale, ce qui constitue entre nous une ligne de fracture infranchissable. Quelle est l’aune à laquelle nous devons nous référer pour analyser la situation et faire des choix sur les projets ? Et finalement, quels objectifs devons-nous privilégier ? Le coût, la rentabilité, l’impact environnemental, l’impact social ? Pour nous, l’environnement et le social sont les critères qui doivent prévaloir et présider au choix des projets. Or, c’est en vous plaçant exactement à l’inverse de cette position que vous prenez toutes vos décisions.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Ces deux amendements, que je soutiens, me paraissent constituer une forme de structuration du comportement que nous devrions adopter. Nous avons tous mené au fil des ans une réflexion personnelle et évolué dans notre prise de conscience par rapport à l’écologie – même si pour certains, comme Yves Cochet, cette prise de conscience ne date pas d’hier – et aujourd’hui, nous avons le réflexe de nous interroger au quotidien sur nos comportements, sur les conséquences que peut avoir chacun de nos gestes sur la consommation d’énergie, sur les déchets et sur l’environnement en général. Cette évolution, qui peut résulter de l’influence de nos enfants, s’exerçant parfois par le biais d’un simple regard réprobateur ou étonné de leur part, ne s’est effectuée qu’à un niveau individuel.

Aujourd’hui, ces deux amendements me paraissent susceptibles d’opérer une structuration à un autre niveau, celui du choix des politiques publiques : cette nouvelle approche serait inscrite dans la loi et créerait de ce fait une forme d’obligation. Il s’agit là d’une forme de révolution culturelle dont nous pouvons difficilement nous passer si nous voulons que la préoccupation écologique interpelle chacun d’entre nous de façon mécanique.

(L’amendement n° 828 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 598 n’est pas adopté.)

M. François Brottes. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58, alinéa 3 de notre règlement.

Nous vous avons écoutée avec la plus grande attention, madame la secrétaire d’État, en particulier lorsque vous avez eu l’amabilité de nous préciser un certain nombre de chiffres relatifs à votre budget.

Le problème est qu’au moment où nous nous apprêtons à entamer l’examen de l’article 1er, nous ne trouvons pas trace dans la loi de finances des annonces que vous avez faites. Ainsi, les dépenses d’investissement concernant la mission « Écologie, développement et aménagement durable » baissent de 11 % entre 2008 et 2009 en autorisations d’engagement, et de 9,8 % en crédits de paiement sur la même période. Quant aux dépenses d’intervention, elles diminuent également…

M. le président. Si vous voulez une suspension de séance, je vais vous l’accorder, monsieur Brottes, mais les chiffres que vous énumérez ont tendance à sortir du cadre d’un rappel au règlement.

M. François Brottes. Si je souhaite une suspension de séance, monsieur le président, c’est pour permettre à notre groupe de mettre en regard les chiffres annoncés par Mme la secrétaire d’État avec ce que l’on connaît de la loi de finances.

Ce n’est pas de la mauvaise volonté de notre part, mais il se trouve que les « bleus », autrement dit les arbitrages définitifs relatifs au MEDAD, n’ont pas été mis à notre disposition. Or, la moindre des choses est bien de vérifier que les chiffres avancés par Mme la secrétaire d’État trouvent une traduction réelle dans la loi de finances, ce que plusieurs exemples semblent contredire au premier abord. Si je peux en donner encore un sans trop vous lasser, monsieur le président, les emplois ont également diminué de 6 %. Afin de ne pas mettre en doute indûment les propos de Mme Kosciusko-Morizet, nous souhaitons analyser l’ensemble des chiffres à notre disposition en espérant que Mme la secrétaire d’État pourra nous donner des explications complémentaires à l’issue de la suspension de séance.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Une suspension de séance n’est pas forcément nécessaire : je suis d’ores et déjà en mesure de vous donner des précisions sur les chiffres que nous avons évoqués depuis ce matin.

J’ai indiqué que le Gouvernement avait l’intention de mobiliser 19 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 7,3 milliards d’euros de crédits de paiements sur les trois années 2009 à 2011. S’il peut y avoir un décalage entre ces chiffres et ceux dont vous disposez, c’est qu’un certain nombre de moyens passent par l’ADEME.

En ce qui concerne la loi de finances pour 2009, je vous confirme que 13 des 24 mesures concernent directement le Grenelle, notamment l’éco-prêt à taux zéro, l’extension du crédit d’impôt « développement durable », les avantages supplémentaires dans le cadre des dispositifs TEPA et PTZ – c’est ce que l’on appelle le « verdissement » des dispositifs existants.

Par ailleurs, l’enveloppe du programme « Biodiversité » a augmenté entre 25 % et 30 % en 2008 – il se peut que j’aie uniquement mentionné le chiffre de 30 % ce matin –, notamment en raison de la mise en place des parcs nationaux de la Réunion et de la Guyane. Il y a un effort de rattrapage en faveur de la biodiversité : 132 millions d’euros supplémentaires sur la période 2009-2011, dont 11 % de plus dès 2009 – année où 22 millions d’euros supplémentaires seront budgétés, ce qui apparaît clairement dans les documents.

Enfin, je vous confirme que l’État mettra progressivement 400 millions d’euros supplémentaires par an sur l’effort accompli pour la rénovation du réseau – une somme bel et bien budgétée.

Je vous laisse le soin de me préciser quels chiffres vous posent problème ou vous font défaut, monsieur Brottes. De mon côté, tout me paraît clair.

M. le président. Renoncez-vous à votre demande de suspension de séance, monsieur Brottes ?

M. François Brottes. Au titre V, les dépenses diminuent au moins de 10 %. Au titre VI, on constate une baisse de 2 % des dépenses d’intervention. Les dépenses de personnels diminuent également de 2 %. Enfin, les plafonds d’emplois baissent de 6 %. On ne comprend pas très bien comment ces chiffres peuvent correspondre à ceux que nous a donnés Mme la secrétaire d’État.

Je maintiens donc ma demande de suspension de séance de cinq minutes, ne serait-ce que pour obtenir une explication du Gouvernement sur l’intervention de l’ADEME, au sujet de laquelle je reconnais que nous ne sommes pas parfaitement informés.

M. le président. Je vous accorde une suspension de cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 1er

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, inscrit sur l’article 1er.

M. Jean Dionis du Séjour. Le groupe du Nouveau Centre souhaite revenir ici sur la question fondamentale de la gouvernance à moyen et long termes. Si ce texte, en effet, nécessite sa mise en place, c’est qu’il ne fait que transcrire l’essentiel des 273 engagements du Grenelle de l’environnement, engagements hétérogènes quant à leur nature, leurs échéances et leurs objectifs, forcément datés puisque le Grenelle s’est déroulé d’août à décembre 2007.

Il s’agit certes d’objectifs quantifiés, ce qu’il faut saluer ; il n’empêche que, dès la promulgation de la loi, ils vont être soumis à la pression des événements. Je pense notamment aux événements financiers et budgétaires, tels que ceux que nous connaissons actuellement, mais aussi aux événements géopolitiques : n’est-ce pas la guerre du Kippour en 1973 et, plus tard, le deuxième choc pétrolier consécutif à la révolution iranienne de 1979 qui ont fait évoluer la politique énergétique française en nous incitant à développer nos ressources électronucléaires ? Ce que seront les événements géopolitiques de demain, on l’ignore ; ce qu’on sait en revanche, c’est qu’il s’en produira, de même qu’il se produira des événements technologiques – je pense en particulier aux progrès qui s’accomplissent chaque jour en matière de motorisation, notamment sur les voitures électriques.

Tous ces changements vont rapidement rendre caducs les objectifs du Grenelle de 2007, et si nous n’y remédions pas, le Grenelle va vieillir prématurément jusqu’à perdre son sens.

La question de la gouvernance est donc centrale, en dépit de quoi le projet de loi est, sur le sujet, relativement faible, se bornant à trois éléments. Il affirme d’abord, à l’alinéa 2 de l’article 1er, la place centrale de l’État : « L’État élaborera la stratégie nationale de développement. », est-il écrit, tandis que le rôle marginal du Parlement est confirmé par cette mention floue à l’alinéa 3 : « Le Gouvernement rend compte chaque année au Parlement ». Le fait-il par une loi ou un rapport ? Le texte n’en dit rien, ce qui prouve bien le peu d’importance accordée en la matière à la représentation nationale. Enfin, il est mentionné, à l’alinéa 4 de l’article 43, que les instances publiques ayant un rôle d’observation et d’évaluation devront associer les parties prenantes au Grenelle, ce qui est tout aussi vague. Or, si l’on veut que notre démarche soit sérieuse et que ce texte ait toute la force requise, il faut instaurer une gouvernance à moyen et long termes.

Le Nouveau Centre fait à cette fin trois propositions, à propos desquelles je voudrais d’ailleurs, monsieur le président, exprimer le mécontentement de mon groupe quant à la manière dont il a été fait usage de l’article 40, afin que vous vous en fassiez l’écho auprès de la commission des finances. Notre amendement proposant d’instaurer une haute autorité scientifique s’est ainsi vu déclarer irrecevable, ce qui n’a pourtant pas été le cas pour le comité des parties prenantes du Grenelle. C’est pour le moins arbitraire, et nous souhaitons un peu plus de logique dans l’application de l’article 40.

Nous proposons donc l’instauration d’une conférence des parties prenantes du Grenelle de l’environnement, qui ne soit ni une association ni un comité. Nous proposons également, sur chaque enjeu majeur du Grenelle, la mise en place d’une autorité scientifique : comme le rappelait Yves Cochet ce matin, nous avons besoin de boussoles scientifiques. Enfin, il faut réinstaller le Parlement dans son rôle. Pour cela – et nous avons eu, madame la secrétaire d’État, une discussion intéressante à ce sujet avec vos services –, nous demandons que, tous les trois ans, le Parlement soit saisi d’une loi d’exécution du Grenelle. Nous voulons une loi triennale et non un rapport Théodule.

Voilà les trois propositions qui font l’objet de nos amendements. Si ceux qui touchaient à la haute autorité scientifique n’ont pas été retenus, le groupe centriste demandera pour les autres des scrutins publics tant il est convaincu que nous sommes là au cœur du débat.

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Étant non inscrit, c’est la première fois que je prends la parole et je vous suis très reconnaissant, monsieur le président, d’avoir accepté de me la donner.

Je commencerai par une citation – de moi : « Pendant que tu dissertes du monde des spéculateurs, tes campagnes meurent dans le silence des agneaux. » (Sourires.)

Je salue l’exercice difficile auquel se sont livré Jean-Louis Borloo et Nathalie Kosciusko-Morizet. Pour avoir essayé moi-même à plusieurs reprises de concilier, certes dans un cadre beaucoup plus restreint des intérêts divergents et contradictoires, je ne peux que saluer ce qu’ils ont réussi à faire avec ce texte de loi. Mais je ne partage pas votre bonheur. Je suis malheureux.

Patrick Ollier parlait tout à l’heure du rôle que le général de Gaulle avait redonné à l’État. Or, depuis trente ans, ce rôle s’est affaibli jusqu’à disparaître, condamnant l’égalité des chances ainsi qu’une certaine idée de notre pays et de ses campagnes.

Aujourd’hui, l’État n’intervient plus dans nos campagnes que pour émettre des directives, des textes, toujours plus contraignants. Ces campagnes, qui représentent 70 % de notre territoire, n’ont pourtant pas démérité, pour la plupart ; la nature y est restée exceptionnellement belle ! Mais de plus en plus souvent, hélas !, nos communes perdent leurs agriculteurs, leurs artisans – elles n’ont plus d’avenir.

Je crains que ce texte sur le Grenelle ne soit qu’une couche de feuilles supplémentaires qui s’abatte sur nous, et nous empêche plus encore de respirer, de faire le moindre projet.

Je serai bref, et ne prendrai que deux exemples : le Grenelle de l’environnement a supprimé le projet de liaison autoroutière entre Pau et Oloron – elle était pourtant prête, et devait se substituer à la tragique RN134 qui voit, chaque dimanche matin, agoniser des jeunes de vingt ans qui rentraient seulement chez eux. Dans le même temps, on supprime la maternité : les femmes qui auront encore le courage de vivre dans ces régions devront faire deux heures de route pour aller accoucher à Pau. C’est dur à vivre.

Je suis aussi abasourdi par l’évolution du vocabulaire ; j’ai fait le pari que, pendant ces huit jours, nous allions employer au moins un million de fois les mots « développement durable » – ils sont très à la mode, mais concrètement, que nous apportent-ils ? J’aimerais le savoir.

J’aurais aimé une démarche ambitieuse pour nos territoires, pour nos campagnes, pour nos villages. Nous parlerons, certainement, des villes et des banlieues ; nous débattrons de grands principes qui ne se traduiront jamais dans les faits ; comme on ne pourra pas tout réaliser, j’ai bien peur qu’on ne se rabatte une fois de plus sur la contrainte, et que celle-ci ne pénalise une fois de plus nos campagnes.

Je vous en dirai un peu plus à propos d’un autre article ; pour le moment, je propose simplement d’élever Nicolas Hulot au rang de père de la Nation, et même, profitant des bonnes relations qu’entretient le Président de la République avec le pape, de le canoniser. (Sourires.) Il serait en effet prudent de le mettre à l’abri de la justice, qui risque de lui demander un jour des comptes : car c’est bien l’argent des grands spéculateurs les plus pollueurs qu’il blanchit, ou verdit, dans sa fondation !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Dans tout projet de loi, l’article premier pose les fondations ; on peut donc d’ores et déjà se demander si, ici, ou d’ailleurs dans l’ensemble du texte, des réponses sont apportées aux questions posées par le Grenelle de l’environnement.

Plusieurs intervenants ont, ce matin, prétendu que ces travaux étaient strictement respectés. Chacun sait ici que ce n’est pas le cas : il y a des annonces tonitruantes sans aucune modalité d’application – nous y reviendrons ; il y a des mesures dont la portée est limitée et qui, dès lors, s’éloignent des consensus du Grenelle ; il y a des réformes, nombreuses, dont le financement n’est pas même envisagé ; il y a des projets, nombreux aussi, qui sont simplement voués à être sans cesse à l’étude.

Vous tenez à affirmer dès l’article 1er que le développement durable doit être concilié avec la compétitivité. Je ne partage pas votre idéologie : je crois au contraire, je l’ai déjà dit, qu’il y a le plus souvent contradiction entre les deux, et que ce parti pris empêche de répondre aux grandes questions environnementales.

Cet article confine l’État à un rôle de définition de la stratégie ; il se borne à annoncer des objectifs, sans qu’il soit prévu qu’il s’assure de leur réalisation. Le principe d’évaluation est un principe de base : il n’apparaît pas. Il y a donc des objectifs, il y a des formes de concertation avec les acteurs du Grenelle – collectivités territoriales, associations, syndicats – mais ils ne participent pas vraiment au processus en terme de modes de gouvernance. Dans les faits, ce grand principe du Grenelle n’apparaît pas.

M. Jean Dionis du Séjour. Il a raison !

M. André Chassaigne. Il apparaissait, dans la loi sur les OGM, à propos du haut conseil des biotechnologies qui était, lui, une avancée, et s’appuyait sur ce mode de gouvernance. Mais il n’apparaît pas ici, et je crois que c’est d’une extrême gravité.

S’agissant, d’autre part, du compte rendu de la mise en œuvre de cette stratégie, il est dit qu’il sera fait au Parlement, mais aucune modalité précise n’est prévue. Y aura-t-il un comité de suivi, un comité scientifique, une loi d’orientation annuelle ? Rien n’est précisé.

Je suis donc inquiet : la rédaction de cet article 1er écarte des principes de base, des principes fondamentaux du Grenelle de l’environnement.

Faut-il alors voter cet article ? Si je vous donne les raisons qui m’empêcheraient de le voter en l’état, vous allez dire que mon vote est décidé d’avance !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Dites toujours !

M. André Chassaigne. J’en donnerai trois.

La première, nous l’avons déjà discutée : il aurait fallu intégrer l’idée qu’il est nécessaire d’adopter un nouveau mode de développement. Cela n’apparaît nulle part et c’est d’une extrême gravité.

La deuxième, c’est qu’il faut un vrai suivi, concerté, de la politique environnementale menée par l’État. Cela n’apparaît pas non plus.

La troisième, c’est que cet article ne dégage pas d’axes clairs pour élaborer un financement solide et juste de la mise en œuvre des mesures.

Je ne dis pas, bien sûr, que l’article 1er soit une coquille vide. Ce ne serait pas vrai. Mais il y manque des principes fondamentaux, et cela nous empêchera très probablement de le voter.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 600.

La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Si nous mettons en œuvre le Grenelle de l’environnement, si nous nous fixons un certain nombre d’objectifs, il faut encore que nos concitoyens se les approprient. Aujourd’hui, même si nous constatons des évolutions au Parlement, certains de nos concitoyens doutent encore de la réalité du changement climatique. Au-delà, Serge Letchimy l’a dit tout à l’heure, les ressources s’épuisent, et nous avons dilapidé en cinq ou six générations une grande partie des ressources naturelles de la planète, tandis que la population mondiale croissait de façon très importante.

Notre débat ne porte donc pas seulement sur notre modèle économique – un large débat a eu lieu sur ce point. J’ai écouté avec attention la démonstration de M. Grouard tout à l’heure ; il n’empêche que, si M. Bush a refusé l’application du protocole de Kyôto, c’est en prétendant que l’intérêt économique des États-Unis était en jeu. Pour certains, l’intérêt économique prime donc la préservation des ressources de la planète.

Le changement climatique, il faut le dire de manière très forte, est une question majeure – en un siècle, les variations de la température moyenne mondiale n’ont jamais été aussi importantes qu’aujourd’hui. Si, comme le prévoient certains experts, nous dépassons les deux degrés d’augmentation, les conséquences pourraient être identiques à celles de la fonte des glaces après la dernière glaciation, il y a de cela quinze mille ans !

Cela nous concerne tous : ce problème que nous traitons au niveau français, il est en réalité mondial.

De plus, ce que nous faisons aujourd’hui, nous le faisons pour des siècles : l’inertie des océans, qui emmagasinent une partie de cette chaleur nouvelle, fait que même si nous réagissons aujourd’hui, les conséquences du réchauffement climatique se feront sentir pendant des siècles.

C’est pourquoi – et je pense que Mme la ministre acceptera cet amendement, car nous avons écrit cela ensemble, en tant que rapporteure et président de la mission sur l’effet de serre – si nous voulons donner des objectifs, si nous voulons que les Français s’approprient cette question, il faut commencer par proclamer que le changement climatique est le défi majeur du XXIe siècle. Nous ne sommes pas en désaccord sur ce point.

Il ne s’agit pas d’affoler nos compatriotes, mais au contraire de les informer et de faire preuve de pédagogie. L’humanité doit comprendre, dans sa conscience collective, qu’elle est confrontée à un monde fini et à un monde qui se dégrade ! Les objectifs fixés sont de bons objectifs, mais il faut indiquer au début de ce texte que le changement climatique est le défi majeur. N’attendons pas, comme pour la crise financière, d’être dans le mur pour essayer de réagir !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Jacob, rapporteur. La présentation est brillante. Mais la commission a rejeté l’amendement – non parce qu’il serait mal fondé, mais à cause de son caractère trop restrictif. D’autres sujets, tels que la biodiversité, le lien entre santé et environnement ou encore la préservation des paysages, sont tout aussi importants.

Nous adopterons, sans doute, plus tard, un autre amendement qui rassemble mieux l’ensemble des thèmes. Il a d’ailleurs été déposé par le groupe socialiste et repris par la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. « La lutte contre le changement climatique est placée au premier rang des priorités » : c’est la première phrase de l’article 2. Par ailleurs, la notion d’urgence écologique fera l’objet d’un amendement 38 qui, je crois, a été retenu par la commission. Il me semble donc que l’intention qui préside à l’amendement est déjà satisfaite dans le texte.

J’ajoute, en tant qu’ancienne rapporteure de la mission sur l’effet de serre, qu’il ne faut pas oublier les autres enjeux. Le congrès mondial de l’Union internationale de conservation de la nature se termine en ce moment à Barcelone. La biodiversité est peut-être moins médiatique, mais c’est une cause tout aussi importante, un phénomène tout aussi irréversible, que le changement climatique. J’ajoute que la lutte contre le changement climatique me semble être à sa juste place au début de l’article 2, plutôt que dans l’article 1er.

Mais je voudrais redire ici, une fois encore, combien la commission a bien travaillé.

Monsieur Chassaigne, j’ai grand plaisir à vous annoncer que je crois vos trois conditions satisfaites : vous allez donc pouvoir voter le texte, et ce sera un juste retour de l’histoire parlementaire – vous voyez à quoi je fais allusion ! (Sourires)

Je prends votre première condition : le nouveau modèle de développement. Eh bien, nous allons discuter dans un instant des amendements nos 38 à 42, qui vous donnent satisfaction. L’amendement n° 41, par exemple, parle, justement, d’un « nouveau modèle de développement durable ». Il y a aussi le progrès social – c’est l’objet de l’amendement n° 44, qui, je crois, a été accepté par la commission. Bref, votre première condition va être satisfaite dans un instant par les amendements de la commission.

Votre deuxième condition, c’est le comité de suivi. Or, l’amendement n° 45 de la commission, qui viendra un peu plus loin, prévoit que « l’État assure le suivi de la mise en œuvre de cette stratégie au sein d’un comité associant les personnes mentionnées ci-dessus. »

Enfin, votre troisième condition, c’est le financement solide et juste. Or, je vous redis ici, solennellement, que les chiffres que j’ai cités tout à l’heure à la tribune sont de vrais chiffres, et qu’un tableau vous sera communiqué d’ici lundi, en réponse à la sollicitation de François Brottes.

Vous le voyez, monsieur Chassaigne, nous allons pouvoir, dans les heures qui suivent, satisfaire, j’allais dire tous vous désirs, non : vos trois désirs, ceux que vous avez exprimés ici publiquement, les trois conditions que vous mettiez au vote de ce texte. Je m’en réjouis d’avance avec vous.

M. André Chassaigne. J’ai trois désirs parmi d’autres !Et, vous savez que je n’achète pas un âne dans un sac ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Je me rallierais volontiers à l’amendement de M. Le Déaut et des membres du groupe socialiste s’ils acceptaient un sous-amendement, qui consiste en un petit ajout.

En effet, dire que le changement climatique constitue « le » défi majeur du XXIsiècle, cela implique une sorte d’unicité.

Pour ne pas être hémiplégique, je propose d’ajouter les mots : « la déplétion des matières premières ». Ainsi, nous insérerions, avant l’alinéa 1, la phrase suivante : « Le changement climatique et la déplétion des matières premières constituent le défi majeur du XXIsiècle ».

Pourquoi ? On peut très bien lutter contre le changement climatique au moyen des politiques dites de « réduction » et « d’adaptation » – ce sont les deux mots du protocole de Kyôto – et ne pas bien saisir ce que c’est que la déplétion des matières premières. (Mouvements divers.)

Par exemple, certains croient, peut-être d’ailleurs sur les bancs de la majorité – et Mme la secrétaire d’État le croit peut-être elle-même –, qu’il est possible de développer ce qu’on appelle la capture et séquestration du carbone, qui est désignée sous le sigle anglais de CSS. Dans ce cas-là, on ne s’occuperait pas du tout de la déplétion des matières premières, et l’on prétendrait lutter contre le changement climatique par la séquestration du carbone.

Mais il y a, dans le monde, mille projets de centrales thermiques au charbon, dont quatre seulement prévoient l’utilisation de la capture et séquestration du carbone. Or, on ne fait pas une centrale thermique au charbon pour cinq ans, mais plutôt pour trente ou quarante ans. En outre, la capture et séquestration du carbone n’en est qu’au stade expérimental, avec peut-être un prototype à Lacq, projet qui serait conduit par Total. Alors, vous pensez bien que tout cela nous renvoie à un avenir plus ou moins éloigné…

Voilà pourquoi il est important d’ajouter dans le texte que « le changement climatique et la déplétion des matières premières constituent le défi majeur du XXIsiècle ». Si l’on ne fait pas référence à la déplétion des matières premières, on loupe la moitié de l’enjeu.

D’autant plus que le changement climatique se mesure en décennies, alors que le pic de Hubbert, lui, se mesure en années. Il ne s’agit donc pas du tout de s’inscrire dans un projet de société rêvée pour 2050. Non, c’est un compte à rebours qui a commencé !

C’est pourquoi je propose à mes camarades socialistes d’accepter mon sous-amendement.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il n’y a pas de camarades ici, il n’y a que des députés de la nation !

M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement, n° 1591, présenté par M. Yves Cochet, et ainsi rédigé :

« À l’alinéa 2 de l’amendement n° 600, substituer au mot : “constitue”, les mots : “et la déplétion des matières premières constituent”. »

Il me semble, cher collègue, que le mot « déplétion » est un néologisme…

M. Yves Cochet. Pas du tout !

M. Serge Grouard. C’est un anglicisme !

(Le sous-amendement n° 1591, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 600 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 38.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Jacob, rapporteur. Cet amendement a été adopté à l’unanimité par la commission, mais c’est le groupe socialiste qui en a pris l’initiative. Je laisse donc à M. Plisson le soin de le défendre.

M. le président. La parole est à M. Philippe Plisson.

M. Philippe Plisson. Je voudrais tout d’abord dire à Mme la secrétaire d’État que nous avons pris acte de sa proposition de tableau financier.

Par cet amendement, nous entendons raviver la conscience de l’urgence écologique, pour mieux justifier toutes les décisions qu’il conviendra de prendre en son nom. On m’objectera que la notion d’urgence est implicite dans le projet de loi,…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce n’est pas ce que nous disons, au contraire, puisque nous avons adopté l’amendement en commission !

M. Philippe Plisson. …mais nous croyons qu’il vaut mieux l’y faire figurer explicitement.

(L’amendement n° 38, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 39.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Jacob, rapporteur. Cet amendement a également été adopté à l’unanimité par la commission, au terme d’un débat lancé par notre collègue Dionis du Séjour. Je lui laisse donc le soin de le défendre.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Je remercie le rapporteur pour sa courtoisie.

J’ai déjà expliqué en quoi, plus globalement, ce débat sur la gouvernance nous semblait central. Cet amendement s’inscrit dans le prolongement de mon intervention sur l’article 1er.

M. le président. La parole est à M. Philippe Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. Cet amendement reflète bien la prise de conscience du fait que le temps est une dimension importante du problème. L’amendement précédent, qui faisait référence à la notion d’urgence, est important en ce qu’il fixe des délais. S’il est bon que ayons adopté cet amendement à l’unanimité, je pense, par contre, que le projet de loi pèche en ce qu’il ne fixe pas de délais.

Le présent amendement rejoint cette question : des délais doivent être reliés à des autorisations de programme.

(L’amendement n° 39, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 40.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Jacob, rapporteur. Je laisse au président de notre commission le soin de le défendre.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je pense que cet amendement fera lui aussi consensus, car nous sommes en train de fixer des objectifs, et il paraîtrait anormal que, parmi eux, on ne fasse pas référence à la relation de cause à effet qui existe entre les problèmes d’environnement et les problèmes de santé. L’amendement souligne donc que contribuer à un environnement respectueux de la santé est un objectif qu’il faut se fixer.

En outre, la préservation des paysages est un objectif tellement évident qu’il n’a pas été inscrit dans le texte. C’est un autre oubli qu’il fallait également réparer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Je voudrais préciser deux points.

Les questions de santé environnementale ont fait l’objet de beaucoup de débats dans le Grenelle de l’environnement. Un atelier y était entièrement consacré. Mais pour l’essentiel, elles ont été renvoyées au nouveau Plan national santé-environnement, qui sera mis en consultation autour du 15 octobre. C’est la raison pour laquelle vous trouvez relativement peu de santé environnementale dans le Grenelle I. Il y en aura un peu dans le Grenelle II, et surtout, beaucoup de mesures non législatives seront mises en œuvre progressivement dans le cadre du deuxième Plan national santé-environnement.

Cela étant, je suis naturellement favorable à cet amendement, qui suit tout à fait l’esprit du Grenelle, dont la santé environnementale faisait, je le redis, partie intégrante.

Je suis d’autant plus favorable à cet amendement qu’il évoque les paysages, dont je reconnais ici, publiquement, que c’était une lacune du Grenelle. Il est vrai que le tour de table était constitué d’une manière qui n’était pas forcément propice à un débat sur le sujet. On a parlé de la trame verte et bleue, mais assez peu du paysage. Or, cela fait partie des sujets que nous devrons aborder par la suite. Le Grenelle de l’environnement est un processus. Il n’a pas de terme, même avec ces lois. C’est une très bonne chose que ce sujet soit ici rappelé et mis en avant.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je voudrais que soit précisé un point d’ordre sémantique. Mme la secrétaire d’État parle de « santé environnementale », quand le texte de l’amendement parle de santé tout court.

Je me souviens du débat que nous avions eu il y a quelques années sur la Charte de l’environnement, et Mme la secrétaire d’État s’en souvient elle aussi parfaitement, puisqu’elle était rapporteure de ce texte. J’avais, à l’époque, interrogé le ministre pour savoir si la question de la santé était concernée par le texte. Il m’avait été répondu qu’il concernait la dégradation de l’environnement et non pas celle de la santé.

J’ai objectivement plaisir à constater que la santé est ici visée comme un élément important. Mais vous parlez, madame la secrétaire d’État, de « santé environnementale ». Je voulais juste savoir, pour qu’on se comprenne bien, quelle est la différence entre la santé environnementale et la santé tout court.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Ce que l’on a appelé la santé environnementale, et qui faisait l’objet, je le répète, d’un atelier du Grenelle, ce sont les interactions entre l’environnement et la santé. C’est la santé envisagée du point de vue de l’impact que l’environnement a sur elle : pollution et santé, qualité de l’air intérieur et santé, particules et santé…

M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti.

Mme Aurélie Filippetti. On ne peut que souscrire à l’objectif de préserver la santé des humains. Par contre, la mise en parallèle de la santé et des paysages m’inspire de fortes réserves. Et notamment, je ne voudrais pas que cet amendement soit un moyen détourné d’attaquer une nouvelle fois l’énergie éolienne, sous le prétexte de préserver les paysages. L’énergie éolienne est absolument indispensable à notre pays, comme à la lutte contre le changement climatique.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Madame la députée, vous cherchez là de mauvaises pensées derrière une formulation qui est très claire, et à laquelle, je le crois, chacun peut adhérer. Mettre en valeur les paysages, cela peut être, par exemple – et cela a été discuté dans le Grenelle de l’environnement, même si cela n’apparaît pas dans le Grenelle I –, réformer ou adapter notre droit en ce qui concerne l’affichage ou les abords des villes, un droit qui peut, à maints égards, paraître daté, et qui surtout est inégalement appliqué.

Il y a beaucoup de choses différentes que l’on peut mettre derrière cet objectif. En tout cas, il me semble que nous pouvons tous y adhérer. Vous l’avez compris, il n’est pas dans mon esprit de remettre en cause le développement des énergies renouvelables, au contraire. Ce n’est pas l’esprit du Grenelle.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission, grand défenseur de l’éolien comme chacun sait… (Sourires.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je suis étonné, madame Filippetti, que, dès qu’un amendement traite d’un sujet, on veuille l’interpréter par rapport à un autre sujet.

Certains ici connaissent mon parcours. J’ai été président du parc national des Écrins pendant une dizaine d’années. J’ai été président de la conférence des présidents de parcs nationaux pendant des années, quand j’étais député d’une circonscription de haute montagne. À ce titre, je me suis battu, madame, pendant près de quinze ans pour défendre des paysages.

J’ai donc du mal à imaginer que l’on puisse transposer dans la loi les ambitions du Grenelle de l’environnement sans qu’il y ait une seule allusion à la défense des paysages dans notre pays.

M. Serge Grouard. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Alors, interprétez cela comme vous voulez, à travers des obsessions qui sont les vôtres mais pas les miennes. Mais ce qui pour moi est certain, c’est que si l’on sort de cette discussion sans même avoir songé à protéger les paysages en France, alors on aura manqué une grande partie de ce qui conditionne la réussite de cette fantastique opération qu’est le Grenelle de l’environnement.

Voilà simplement pourquoi, eu égard à ce que je viens de dire, et à ce que j’ai fait jusqu’à présent, je souhaite que les paysages soient pris en compte dans ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(L’amendement n° 40 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 41, 437, 720 et 834, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 41, 437 et 720 sont identiques.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 41.

M. Christian Jacob, rapporteur. Cet amendement a fait l’objet d’un large consensus, puisqu’il a été déposé par des députés UMP, des députés socialistes et des députés communistes. Mis à part M. Cochet, qui a préféré, quant à lui, déposer un autre amendement, les différents groupes se sont donc retrouvés.

L’alinéa 1 de l’article évoque « la transition vers une nouvelle économie compétitive dans laquelle le développement se combine avec une réduction des besoins en énergie, en eau et autres ressources naturelles ». Cette rédaction peut paraître ambiguë, dans la mesure où elle peut laisser croire que l’économie, avant ce texte, n’avait pas vocation à se combiner avec ces objectifs, alors que c’est au contraire la première de ses vocations. C’est pourquoi nous avons préféré parler de « modèle de développement durable qui respecte l’environnement et se combine avec une diminution des consommations ».

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l’amendement n° 720.

M. Bertrand Pancher. Comme l’a rappelé notre rapporteur, plusieurs députés de notre groupe ont signé cet amendement afin de souligner dès l’article 1er que nous nous engageons en direction d’un nouveau modèle de société, qui ne s’oppose évidemment pas à l’économie de marché et au progrès, mais conjugue développement économique et préservation des ressources.

Nous pouvons poursuivre notre développement si nous stoppons cette course effrénée à la consommation d’énergie, d’eau et de ressources naturelles et si nous nous instaurons plus de justice dans la répartition des matières premières entre pays riches et pays pauvres.

Notre économie de marché doit être fortement régulée, ainsi que l’ont d’ailleurs souhaité nombre de penseurs libéraux, et intégrer à la fois l’aspect social et l’aspect environnemental. Dans le terme « développement durable », nous n’oublions ni le mot « développement », ni le mot « durable ».

Nous devons envisager le développement durable avec optimisme et confiance. Il y sept milliards d’individus sur notre planète ; on ne va pas les tuer ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous croyons en l’avenir, nous croyons en l’homme, en sa capacité à s’organiser et à modeler son avenir. Mais à cela, il y a deux conditions : la première est que nos actions reposent sur les grandes valeurs de justice, de générosité, de respect, de dépassement, d’engagement ; la seconde est que nous soyons conscients que jamais nous n’obtiendrons un monde parfait. La quête du monde parfait sur terre s’appelle l’idéologie, et dans ce domaine, nous avons déjà donné ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l’amendement n° 834.

M. Yves Cochet. Comme l’a fait remarquer le rapporteur, j’ai voulu introduire – sans doute en pure perte, mais les générations futures s’en souviendront, puisque ce sera au Journal officiel – la réduction de l’empreinte écologique. À dessein, je n’ai pas utilisé le mot « décroissance » car il fait peur.

Que signifie la « réduction de l’empreinte écologique » ? C’est une notion bien plus précise que celle de « développement durable », qui se résume en vérité à des arbitrages entre l’économique, le social et l’écologie. J’ai, comme certains d’entre vous, l’habitude de ces arbitrages : à tous les coups, le résultat est défavorable à l’écologie, à l’environnement !

Monsieur Pancher, vous dites que « notre économie de marché doit être fortement régulée ». Essayons d’être rationnels, voire simplement raisonnables. Le fait que le marché soit régulé n’a rien à voir avec le productivisme, l’extraction forcenée des matières premières et la pollution. La régulation des marchés n’est nullement l’alpha et l’oméga du développement durable.

Je vais citer quelques chiffres. La superficie moyenne sur laquelle chaque habitant de la planète laisse son empreinte est de 2,2 hectares. Aux États-Unis, c’est 9,6 hectares ; en Chine, 1,6 hectare. On nous dit aujourd’hui que la Chine est le premier pollueur. Mais non ! Si l’on ne retient pas le chiffre par habitant, le calcul n’a aucun sens. D’un point de vue éthique et politique, ce qui compte est la consommation, la production, l’impact écologique par tête. Sinon, cela signifierait que certains « sont plus égaux que d’autres », comme disait George Orwell.

Je veux faire converger dans l’équité les empreintes écologiques des habitants des différents pays de la planète. Pour le moment, celle d’un Chinois est à peu près cinq fois moindre que celle d’un Américain. Celle d’un habitant de la Fédération de Russie est de 4,4 hectares environ, du Brésil 2,2 hectares, de l’Allemagne 4,5 hectares, de la France 5,6 hectares. M. Chirac lui-même avait dit à Johannesburg : « Si tous les habitants de la planète vivaient comme les Français, il faudrait trois planètes. »

La réduction de l’empreinte écologique est à la fois un véritable objectif éthique et un indicateur très précis, alors que le développement durable est un concept mou.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Jacob, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement de M. Pancher, qui est identique au sien, et défavorable à celui de M. Cochet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement de la commission et défavorable à celui de M. Cochet.

M. le président. La parole est à M. Serge Grouard.

M. Serge Grouard. Je voudrais revenir sur l’amendement qui évoque un « nouveau modèle ». Au regard de la discussion que nous avons eue en début d’après-midi, l’expression me semble susceptible de satisfaire un certain nombre de remarques sur les systèmes productivistes.

Je pense par ailleurs que M. Cochet a raison de défendre la réduction de l’empreinte écologique.

M. Yves Cochet. Merci !

M. Serge Grouard. Je propose, moi aussi, de faire référence dans ce texte fondateur à l’empreinte écologique, même si, conceptuellement, je crains que cela ne soit pas satisfaisant, car c’est quelque peu délicat. Je dépose à cet effet un sous-amendement ainsi rédigé : « un nouveau modèle de développement durable qui respecte l’environnement et se combine avec une réduction de l’empreinte écologique ».

Il s’agit, d’un côté, de faire référence à cette logique de développement durable qui ne satisfait pas M. Cochet – je comprends son raisonnement – et, de l’autre, de le combiner avec la réduction de l’empreinte écologique. Les deux concepts sont passablement divergents, mais je crois possible de les combiner. Nous ne savons pas de quoi l’avenir sera fait, et pour ma part je me garderai d’être pessimiste.

M. le président. M. Grouard vient de proposer un sous-amendement visant à rédiger ainsi l’amendement n° 41 : « un nouveau modèle de développement durable qui respecte l’environnement et se combine avec une réduction de l’empreinte écologique. »

La parole est à M. François Brottes, qui désire également présenter un sous-amendement.

M. François Brottes. Nous avons bien compris qu’il s’agissait d’un nouveau modèle de développement durable et c’est pourquoi nous étions cosignataires de l’amendement n° 41, ce qui n’a pu vous échapper.

Le rapporteur a fait remarquer, à juste titre, que, s’il est adopté les amendements suivants tomberont. Or, la disparition de l’un d’entre eux nous chagrine, car, comme l’a dit M. Pancher – même si je suis moins en accord avec la fin de son intervention –, « nous croyons en l’homme ».

L’homme reste en effet absent de la formulation de l’amendement. On trouve la dimension environnementale, la dimension économique avec la diminution des consommations, mais pas la dimension du progrès social. Pour nous, le progrès social consiste à ce que chacun puisse manger à sa faim, accéder à l’éducation, vivre en bonne santé. Pour nous, cela doit faire partie intégrante de ce nouveau modèle de développement durable.

Nous croyons nous aussi en l’homme – j’espère que cette philosophie est largement partagée dans cet hémicycle – et nous proposons d’ajouter, après les mots : « qui respecte », les mots : « le progrès social ».

M. le président.Je suis donc saisi de deux sous-amendements, nos 1627 et 1626, présentés respectivement par M. Grouard et par M. Brottes.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Jacob, rapporteur. Je suis très réservé sur l’un comme sur l’autre. Le premier ajoute la notion d’« empreinte écologique », le second celle de « progrès social », mais il leur manque à tous deux la dimension économique.

La définition du développement durable, telle qu’elle figure à l’article 6 de la Charte de l’environnement, associe progrès social, environnement et développement économique. C’est pourquoi nous étions tombés d’accord sur les termes « un nouveau modèle de développement durable », associant les trois notions. Les redéfinir n’aurait pas de sens et ferait perdre de sa force au texte. À tout prendre, mieux vaudrait reproduire la définition de la Charte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Le sous-amendement qui vise à intégrer la notion de progrès social me semble redondant, car le développement durable repose justement sur l’équilibre entre les trois piliers.

Le concept de réduction de l’empreinte écologique est intéressant, et fonde d’ailleurs la déclaration du Président Chirac : « Si tout le monde vivait comme un Européen ; il faudrait trois planètes, comme un Américain, il faudrait cinq planètes. » Mais, tel qu’il a été développé par le WWF, il fait problème, le mode de calcul ayant été contesté. Il paraît difficile d’inscrire ce concept dans la loi sans le préciser, et difficile de le préciser sans donner matière à controverse.

C’est la raison pour laquelle je suis défavorable aux deux sous-amendements.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Que le concept d’empreinte écologique soit fort intéressant, je n’en disconviens pas. Pour autant, mon rôle de président de la commission est de veiller à la lisibilité des textes que nous votons. Or, la notion d’empreinte écologique n’a été définie par aucun texte législatif.

M. Yves Cochet. Raison de plus !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Même si des organismes de réflexion, des think tanks, se sont penchés sur la question, elle n’a pas d’existence juridique. Je vous suggère donc que nous prenions le temps de définir l’empreinte écologique afin de pouvoir y faire référence ultérieurement.

Je pense par ailleurs, comme Mme la secrétaire d’État et M. le rapporteur, que la référence au progrès social est redondante, car il est inclus dans le champ du développement durable. De plus, la rédaction est peu lisible.

C’est pourquoi je demande le retrait ou, à défaut, le rejet de ces sous-amendements.

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. En tant qu’homme de compromis, je suis favorable au sous-amendement de M. Grouard. Son texte ne me paraît pas contradictoire et n’enlève rien à l’équilibre de l’ensemble.

Cela dit, je me permets de faire remarquer à Mme la secrétaire d’État que le concept d’empreinte écologique n’est pas la propriété intellectuelle de WWF. Cette expression appartient à tout le monde, un peu comme le sigle PIB. En aucun cas elle n’a été forgée par le WWF.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Si !

M. Yves Cochet. Non, madame la secrétaire d’État : la paternité en revient à William Rees et Mathis Wackernagel qui, en 1992, ont publié des articles sur l’ecological footprint dans la revue américaine Proceedings of the National academy of science. Cela dit, le WWF, sur son site web, popularise cette notion, sur laquelle les travaux scientifiques se poursuivent, comme d’ailleurs sur le PIB !

Avec l’introduction dans le projet de loi du principe du renversement de la charge de la preuve, madame la secrétaire d’État, vous serez en mesure de comparer les projets d’urbanisme ou d’aménagement selon leur « plus ou moins bien disant » écologique. Mais quels outils de mesure et d’évaluation mettrez-vous en œuvre, dans votre ministère, pour comparer ce qui est bien ou mal d’un point de vue écologique ?

Selon moi, la meilleure réponse est l’empreinte écologique. Inscrivez-la donc dans la loi ! S’il vous faut une définition, laissez-moi quelques instants pour vous la fournir : il suffit de consulter un site web. Elle est très précise et présente l’avantage d’être quantitative, loin de tout « baratin » sur le « progrès » ou les grands principes, par ailleurs estimables… Inscrire dans la loi cet instrument de mesure, d’évaluation et de comparaison des politiques publiques et privées représenterait une grande avancée.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Nous venons d’avoir, avec le président Ollier, cette discussion en aparté. Un amendement de la commission propose, en effet, le principe de l’inversion de la charge de la preuve pour les grandes infrastructures. Il s’agit de montrer que la solution retenue est celle qui a le plus faible impact écologique. On pourrait, en effet, dire que l’on retiendra le projet d’infrastructure qui présente la moindre « empreinte écologique ». Mais ce qui pourrait se concevoir à l’échelle d’un projet se conçoit plus difficilement au plan d’un pays. Selon nous, calculer l’empreinte écologique d’un pays risque d’être très compliqué.

Je ne vais pas ouvrir une polémique sur le fait de savoir qui a inventé l’ecological footprint, mais au sein du monde de l’écologie, les débats sont très vifs sur la méthodologie – nettement plus vifs que sur le PIB !

Pour ne rien vous cacher, monsieur Cochet, nous avons lancé un travail au ministère sur ce sujet, qui pourrait déboucher sur un amendement pour la loi Grenelle II, ce qui nous laissera le temps nécessaire de bien définir la notion d’empreinte écologique.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Pour nous, le progrès social est fondamental. Mme la secrétaire d’État et M. le président de la commission nous assurent qu’il est inclus dans la notion de développement durable. Je ne leur ferai pas l’affront de leur faire observer que l’environnement aussi… S’ils voulaient être cohérents, ils s’en tiendraient à l’expression « un nouveau modèle de développement durable » et supprimeraient les mots « qui respecte l’environnement et se combine avec une diminution des consommations » !

Nous estimons que l’homme doit être au cœur du développement durable. J’entends bien le propos du président de la commission, qui nous a fait remarquer, fort courtoisement selon son habitude, que la rédaction de notre sous-amendement n’était pas satisfaisante. Pour faire droit à sa revendication, permettez-moi, monsieur le président, de vous faire part d’une rédaction plus conforme à la rigueur législative. Je vous donne lecture du sous-amendement rectifié :

Après les mots : « un nouveau modèle de développement durable », insérer les mots : « au service du progrès social » – le reste sans changement.

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. Je partage l’avis de Mme la secrétaire d’État et du président Ollier. En ces matières nous devons rester prudents, surtout lorsque nous entendons M. Cochet opposer « empreinte écologique » et « développement durable » et qualifier la référence au progrès de « baratin » !

Je suis d’accord pour parler d’impact écologique, voire d’empreinte écologique, mais en aucun cas pour opposer ces notions à celle de développement durable, que M. Cochet, pour sa part, refuse !

M. Yves Cochet. C’est un procès d’intention !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Le concept d’empreinte écologique n’est pas encore bien défini. Il est en effet difficile de se mettre d’accord sur l’impact de la construction d’une infrastructure, de la déforestation, du développement industriel ou de la consommation des ressources naturelles. Pour avoir lu les mêmes revues que M. Cochet, j’ai pu constater qu’il y a un grand débat au niveau international sur la définition de l’empreinte écologique.

La loi doit être compréhensible par tous. Nos concitoyens nous reprochent de légiférer entre nous, avec des mots compliqués, qu’ils ne comprennent pas ! Or, ils comprennent ce que signifie « la réduction des consommations ». Ils savent que réduire la consommation revient à être économe et à ne pas dilapider les ressources.

M. Serge Poignant. Tout à fait !

M. Jean-Yves Le Déaut. Vous m’avez, monsieur Cochet, expliqué la signification du mot « déplétion ». La réduction des consommations…

M. Yves Cochet. …translate la déplétion !

M. Jean-Yves Le Déaut. C’est bien compliqué. Personne ne comprendra ! (Sourires.)

Tout cela pour dire, monsieur Grouard, qu’il ne faut pas parler prématurément d’empreinte écologique.

(Le sous-amendement n° 1626, tel qu’il vient d’être rectifié, n’est pas adopté.)

(Le sous-amendement n° 1627 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 41 et 720 sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, les amendements n°s 834, 602, 924 et 525 tombent.

Je suis saisi de deux amendements, nos 42 rectifié et 740, pouvant être soumis à une discussion commune.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements nos42 rectifié et 740, qui font l’objet d’une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le premier.

M. Christian Jacob. rapporteur. Je laisse à M. Reynès le soin de le défendre.

M. le président. La parole est à M. Bernard Reynès.

M. Bernard Reynès. Il s’agit de souligner la nécessité de ne pas compromettre l’avenir des plus démunis et d’affirmer le principe d’une solidarité intergénérationnelle.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour soutenir l’amendement n° 740.

M. Jean-Yves Le Déaut. Que signifie la croissance durable ? M. Cochet préconise d’aller vers la décroissance…

M. Yves Cochet. Elle est là !

M. Jean-Yves Le Déaut. Quant à nous, nous avons la conviction que l’on peut créer des emplois, comme nos concitoyens nous le demandent, tout en respectant l’environnement, et même grâce au respect de l’environnement.

M. Serge Poignant. Bien sûr !

M. Jean-Yves Le Déaut. Sans emploi et sans salaire, on vit mal. Il faut une croissance bien répartie, qui ne dilapide pas les ressources de la planète. Or, c’est possible : investir dans l’éolien, les pompes à chaleur, la filière thermique, le photovoltaïque, l’exploitation de la biomasse de deuxième génération peut aboutir à créer 450 000 emplois en cinq ans, selon l’ADEME.

Dans cet amendement, nous avons préféré supprimer le mot « durable » – puisque, comme le disait M. Lassalle tout à l’heure, nous n’allons cesser de l’utiliser dans nos débats –, pour indiquer simplement qu’« elle assure la croissance » tout en préservant les générations futures.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements, qui se distinguent uniquement par l’adjectif « durable » ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Nous préférons l’amendement de la commission. À vrai dire, monsieur Le Déaut, je ne comprends pas très bien pourquoi vous tenez absolument à supprimer le mot « durable », sinon pour complaire à M. Lassalle, qui n’est pourtant plus là… (Sourires.) Il me semble que l’expression « croissance durable » peut être entendue par toutes les oreilles. (Mêmes mouvements.)

Avis favorable à l’amendement n° 42 rectifié, donc, et défavorable à l’amendement n° 740.

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Je suis entre la thrombose cérébrale et l’amusement intellectuel ! (Rires.) Je crois rêver ! J’ai eu quelques échanges dialectiques avec M. Tourtelier au sujet du développement durable, défini par Mme Brundtland il y a vingt-deux ans. Mais le mot de « croissance » a un sens très précis : il désigne la croissance du PIB ! On me dit que le PIB est un indicateur bien plus fondé, scientifiquement et économiquement, que l’empreinte écologique : c’est un frein à l’entendement ! Quand on prétend s’en tirer avec la croissance du PIB, c’est que l’on ne comprend pas le monde réel ! Mais il y a des gens pour le croire : la majorité de la population en est persuadée, ou, du moins, la majorité des décideurs économiques et politiques. Voilà d’ailleurs pourquoi ils ne comprennent pas ce qui se passe actuellement, ni en ce qui concerne l’environnement, ni en ce qui concerne la crise financière.

Quoi qu’il en soit, « croissance durable » renvoie à une croissance qui durera jusqu’en 2100, en 2300 ou en 2500 ! (« Non ! » sur quelques bancs du groupe UMP.) Mais si ! « Durable » signifie « pour toujours » ! À moins que les mots n’aient plus de sens et que l’on dise n’importe quoi – ce qui, je vous le concède, arrive parfois dans cette Assemblée…

Pour parler de « croissance durable », il faut, comme le disait M. Ollier ce matin à mon sujet, « ne pas aller bien dans sa tête »… C’est absolument impossible ! La croissance suppose nécessairement la croissance de l’entropie, sauf à remettre en cause les lois élémentaires de la physique. Eh bien non ! Vous ne pourrez pas, sous peine de mort (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP), continuer à extraire de l’énergie et des matières premières de basse entropie et en faire de l’entropie généralisée selon le mode de vie occidental. C’est impossible, en raison de la finitude du monde ! Le monde n’est pas infini, et vous voulez une croissance durable !

Savez-vous seulement ce que c’est qu’un taux ?

M. Jean Dionis du Séjour. Quoi ?

M. Yves Cochet. Un taux de croissance ?

MM. Jean Dionis du Séjour et Yves Vandewalle. Oui, on sait !

M. Yves Cochet. Par exemple, 0,1 %, 1 %...

M. Jean Dionis du Séjour. Jusque-là, on suit ! (Rires sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP.)

M. Yves Cochet. Eh bien, un taux durable donne une fonction exponentielle à l’infini ! C’est-à-dire une stupidité, qui n’existe pas dans le monde réel ! On ne peut pas, dans ce Parlement, voter un amendement qui est une aberration mentale ! Quand j’entends le Gouvernement déclarer qu’il lui est favorable, je me demande où nous sommes, madame la ministre !

M. Le Déaut, qui a un peu compris de quoi il retourne, défend l’idée d’une certaine forme de croissance, mais il supprime le mot « durable », car il sait bien, lui, ce qu’est une fonction exponentielle ! (Sourires.) Il mentionne précisément les emplois verts, l’économie positive, les énergies renouvelables, les pompes à chaleur ; sur tout cela, on peut négocier ; mais son amendement est beaucoup plus intéressant.

Personnellement, je n’y crois pas, car il s’agit tout de même de la croissance, c’est-à-dire de la croissance du PIB. Nous sommes déjà en récession, et vous croyez que la croissance va revenir ? Voyons, ouvrons les yeux !

M. le président. Merci de bien vouloir conclure, mon cher collègue.

M. Yves Cochet. Je suis à court d’arguments face à un tel aveuglement intellectuel sur le monde réel.

M. Alain Gest. C’est Apocalypse Now !

M. Yves Cochet. De grâce, madame la ministre, pas la croissance durable !

(L’amendement n° 42 rectifié est adopté.)

MM. André Chassaigne et Yves Cochet. Oh non !

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 740 tombe.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 603.

La parole est à M. Jean-Jack Queyranne.

M. Jean-Jack Queyranne. Cet amendement à l’article 1er porte sur un principe fondamental : celui qui régit l’appréciation des projets publics. « Tous les grands projets publics seront désormais appréciés en intégrant leur coût pour le climat et leur coût pour la biodiversité. » Ce principe consiste à mesurer l’effet sur l’environnement des grandes décisions que les collectivités publiques et l’État sont appelés à prendre. Cette orientation fondamentale doit guider la conduite et l’évaluation des projets portés ou encadrés réglementairement par la puissance publique.

J’ajoute que cette phrase est extraite du discours prononcé par le Président de la République le 25 octobre 2007 à l’Élysée. Il détaillait ensuite les propositions que concrétiseront les différents amendements, notamment celui qui a été adopté par la commission. Mais il me semble important d’inscrire dans le texte une affirmation de principe, naturellement porteuse de conséquences pour tous les projets réalisés dans notre pays.

La prise en considération du coût pour le climat et pour la biodiversité est donc essentielle ; elle exprime bien la volonté de rupture écologique concrétisée par le Grenelle de l’environnement et reprise au plus haut niveau de l’État. Placé sous un tel patronage, cet amendement, qui sera décliné en dispositions précises au cours de notre débat, me semble pouvoir être adopté à l’unanimité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Jacob, rapporteur. Monsieur Queyranne, nous avons satisfait votre amendement en reprenant point par point le discours du Président de la République dans plusieurs amendements, sur l’inversion de la charge de la preuve, sur les transports – dont nous demandons que soit évalué le coût en carbone –, sur les trames verte et bleue, en prenant en considération la notion de biodiversité. Nous nous sommes donc inspirés de cette phrase très forte du Président de la République pour la traduire sur le plan législatif, par des amendements que la commission a très majoritairement adoptés. Voilà pourquoi, plutôt que de repousser votre amendement, je vous demande de le retirer au profit de ceux de la commission.

M. Alain Gest. C’est plus sage !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Monsieur le rapporteur, nous saluons votre volonté de tenir compte de ce que l’on pourrait appeler le service écologique de la nature. Mais vous indiquez avoir apporté des réponses ponctuelles à cette question – sur le transport ou sur l’inversion de la charge de la preuve, par exemple. La proposition de notre collègue Queyranne est très différente : il s’agit de poser un principe. Que ferez-vous demain, si vous avez oublié un cas de figure ? Il peut s’agir d’édifier un barrage, de construire une autoroute, un bâtiment à un endroit donné, en souterrain ou en aérien : autant de situations où vous serez amenés à analyser un projet en fonction de cet amendement.

Mais votre proposition est réductrice : vous vous limiterez aux projets qui figureront dans le texte, et face à un projet qui n’y figurerait pas, vous serez dépourvus de tout outil juridique permettant de défendre ce principe fondamental. Ce que vous dépenserez pour réparer des dégâts pèsera beaucoup plus que vous ne l’imaginiez ; et le coût écologique devra bien être intégré, tôt ou tard, dans le budget des collectivités locales. C’est d’autant plus important que ce principe ne concerne pas seulement l’État, mais aussi les collectivités, dont les communes, ainsi que le secteur privé, puisque vous privilégiez les partenariats public-privé et les concessions de service public. Cet effet est donc bien plus transversal et bien plus profond que vous ne le pensez.

La proposition de notre collègue Queyranne est par conséquent meilleure que la vôtre, car elle recouvrira vos amendements distincts et dispersés.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Voilà une fois encore un débat fort intéressant, qui mérite que l’on s’y attarde. Cet amendement part d’une bonne intention ; le discours du Président de la République, puissant et riche, comportait d’autres propositions aussi fortes que celle dont il est question. Nous sommes d’accord, monsieur Queyranne : des moyens doivent permettre de traduire concrètement la volonté qu’il a exprimée.

Vous choisissez d’inscrire dans la loi la volonté elle-même ; on peut le comprendre. Mais je vous le demande : que signifie « apprécier en intégrant leur coût » en termes législatifs – puisqu’il ne s’agit plus ici du discours du Président, mais de faire la loi ? Comment apprécier ? Par le marché public, l’appel d’offres, le cahier des charges ? Quant au coût pour le climat, comment est-il défini ? S’agissant du coût pour la biodiversité, cela serait peut-être un peu plus facile, mais ce n’est pas certain.

En somme, la commission – et je souhaite que le rapporteur nous précise sa position – préfère traduire cette intention, excellente puisque ces objectifs ont été fixés par le Président de la République lui-même, par un dispositif législatif immédiatement efficace, qui repose notamment sur l’inversion de la charge de la preuve et sur les transports, comme Christian Jacob vient de le rappeler. Nous partageons naturellement les objectifs fixés par le Président de la République, mais il s’agit là d’un choix de méthode. Comment intégrer ces objectifs à la loi, puisqu’il s’agit de faire la loi et non de voter sur des intentions ?

Je souhaiterais onc que vous retiriez votre amendement, sous bénéfice des explications du rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jack Queyranne.

M. Jean-Jack Queyranne. L’article 1er pose des principes que les articles suivants déclinent sur le plan législatif, au cas par cas. Comme le soulignait notre collègue Letchimy, il s’agit ici d’un principe général qui, ayant force de loi, aura naturellement vocation à guider les décisions des collectivités et de l’État s’agissant des marchés ou des délégations de service public.

C’est très important : si des projets d’autoroute, par exemple, font l’objet de contestations, ce principe, dans l’hypothèse où l’amendement serait voté, sera l’un des éléments de la décision publique. Dans le cas contraire, puisque vous nous renvoyez à des dispositions législatives d’application, en cas de contestation devant le juge administratif, seuls les éléments précis figurant au cahier des charges, selon le règlement ou la loi d’application, seront pris en considération. C’est l’objet même d’une loi d’orientation que de poser des principes généraux ; sinon, pourquoi faire une loi d’orientation au lieu de passer immédiatement au « Grenelle II » ?

Puisque des projets autoroutiers, ferroviaires, ou relatifs à tel ou tel équipement énergétique, donnent matière à contestation, posons ce principe. Aux yeux de nos concitoyens, il s’agit d’un critère fondamental des décisions, qui doit permettre de les justifier.

Monsieur Ollier, Monsieur Jacob, je ne mets pas en doute votre intention de recourir par la suite à des procédures ; mais avant les procédures, il faut poser les principes !

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Je veux dire au Gouvernement, à la commission et à M. le président Ollier que je soutiens entièrement l’amendement de M. Queyranne. Cet amendement de principe, puisqu’il reprend les principes énoncés par le Président de la République, propose ce que l’on appelle parfois l’internalisation des coûts externes, pour au moins deux externalités : le climat et la biodiversité.

Comment calculer ces coûts ? Je ne vais pas vous refaire le coup de l’empreinte, puisque cette question est hélas reportée… Mais certaines personnalités éminentes ont tenté de faire ce calcul ; vous connaissez par exemple le rapport Stern, qui, il y a deux ans et demi, s’est proposé d’évaluer le coût éventuel de l’absence d’action contre le changement climatique. Eh bien, sa conclusion est qu’agir maintenant contre le changement climatique est bien moins coûteux que de ne rien faire, car, à long terme, l’inaction entraînera des coûts très élevés. Et l’on ne peut pas reprocher à cet ancien économiste en chef de la Banque mondiale et conseiller du gouvernement britannique de ne pas savoir calculer… Il serait donc intéressant d’utiliser les outils qu’il a mis au point.

Nous pouvons encore penser au marché du carbone, car dans quelques années le carbone remplacera peut-être l’euro comme valeur générale de l’économie. Pourquoi pas ? Ce n’est pas plus bête et cela a même un fondement plus réel.

Enfin, dernier problème : la biodiversité. Posons la question de manière poétique : quel est le coût de la disparition des bonobos en Afrique ou du pique-prune en Picardie ? Mystère !

Tout cela pour dire que je soutiens l’amendement de M. Queyranne.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Jacob. rapporteur. Certes, monsieur Queyranne, la rédaction que vous proposez est la transcription d’une partie du discours du Président de la République, mais notre rédaction en propose une traduction législative bien plus forte.

Quand vous écrivez : « Tous les grands projets publics seront désormais appréciés en intégrant leur coût pour le climat et leur coût pour la biodiversité », nous inversons carrément la charge de la preuve et posons une définition beaucoup plus claire : « Pour les décisions publiques susceptibles d’avoir une incidence significative sur l’environnement, les procédures de décision seront révisées pour privilégier les solutions respectueuses de l’environnement en apportant la preuve qu’une décision plus favorable à l’environnement est impossible à un coût raisonnable. ».

Ainsi s’agissant de la construction d’un barrage ou d’une autoroute qu’évoquait M. Letchimy, la rédaction que vous proposez permet certes d’apprécier leurs coûts pour l’environnement, mais en aucun cas elle n’emporte l’obligation d’en apporter une preuve, contrairement à notre amendement.

Je suis donc désolé de vous demander de retirer votre amendement, monsieur Queyranne, car j’aurais préféré que vous reconnaissiez vous-même qu’il est satisfait par celui de la commission …

(L’amendement n° 603 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 607.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Cet amendement concerne une question importante, l’étude d’impact. Certes, celle-ci sera traitée dans la réforme de notre règlement. Reste que nous débattons d’une loi d’orientation ambitieuse, qui sera suivie d’un projet de loi beaucoup plus normatif, le Grenelle II, et que nous ne disposons toujours pas d’études mesurant l’impact de ces textes dans leurs domaines d’application sur l’ensemble du territoire, ce qui nous aurait permis de nourrir nos réflexions et nos propositions.

Pourtant, il fut un temps où toute loi d’orientation, qu’elle concerne l’agriculture, la forêt ou encore l’énergie, était accompagnée d’une étude d’impact fournie au Parlement par le Gouvernement. Cela faisait en quelque sorte partie de ses obligations. Je me souviens même d’une fois où, sous un gouvernement socialiste, l’opposition de droite avait crié au scandale parce que la publication d’une étude d’impact relative à une loi d’orientation agricole avait tardé. Elle avait raison, comme nous avons raison aujourd’hui, car une étude d’impact permet de comprendre comment sera appliqué un texte donné et quelle en seront les conséquences.

Nous proposons par cet amendement qu’une étude générale d’impact de l’ensemble des mesures législatives et réglementaires engendrées par l’application de ce texte et des suivants soit fournie par le Gouvernement. J’ose espérer que le rapporteur, dont la fonction est aussi de mesurer l’impact des textes dont il est saisi, sera favorable à cette disposition. Une telle grille de lecture et d’analyse lui aurait d’ailleurs facilité grandement la tâche alors que de nombreux amendements n’ont pas encore été traités…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Jacob, rapporteur. Comme une étude d’impact sera bientôt disponible, la commission n’a pas jugé bon d’adopter votre amendement, monsieur Brottes. Le Gouvernement, dans sa réponse, vous précisera le délai de sa publication.

Mais sur le fond, nous nous accordons sur l’importance des études d’impact, qui constituent d’ailleurs l’un des éléments de la réforme de notre règlement, dans le prolongement de la révision constitutionnelle.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. L’objet de l’amendement est légitime : il correspond à la directive européenne « Plans et programmes ». Et je vous précise que nous avons effectué une étude d’impact, qui sera mise à votre disposition dans les prochains jours.

En revanche, soyons clairs, à ce stade, une telle étude ne peut comporter le détail de mesures législatives et réglementaires se rapportant au Grenelle II, aux décrets ou au projet de loi de finances qui suivront le vote du Grenelle I. Vous le comprendrez, je pense.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Le groupe Nouveau Centre soutient cette demande légitime. C’est une procédure désormais inscrite dans la Constitution, et nous nous honorerions à anticiper l’application de la réforme.

Par ailleurs, des évaluations chiffrées existent déjà. Mme la ministre elle-même a évoqué 17 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 7 milliards en crédits de paiement. Et si notre collègue François Brottes acceptait que l’étude ne concerne que le Grenelle I, nous voterions son amendement : de bon sens, il est dans le droit fil de la directive européenne et de la Constitution.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je précise que mon amendement ne concerne que les objectifs définis dans le Grenelle I. Mais il n’échappe à personne que le Grenelle I a un lien de cohérence avec le Grenelle II…

Pour ce qui est de la réforme constitutionnelle, je ne vois pas pourquoi nous devrions attendre sa mise en application alors que c’est une pratique qui existe déjà.

Je propose donc que nous votions cette disposition lors de la présente lecture et que nous la supprimions en deuxième lecture, quand l’étude d’impact, bientôt disponible, nous aura été distribuée. Cela me paraît une proposition simple et loyale.

(L’amendement n° 607 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements, nos 824 rectifié, 438, 922, 923 rectifié, 43 rectifié et 721, pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements nos 43 rectifié et 721 sont identiques.

La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l’amendement n° 824 rectifié.

M. Yves Cochet. Dans le texte initial du Gouvernement, – un des derniers à être discuté avant la réforme de notre règlement –, le principe de l’inversion de la charge de la preuve est absent, alors qu’il s’agit d’un principe tout à fait fondamental, énoncé par le Président de la République lui-même dans son discours du 25 octobre 2007.

Nous proposons par cet amendement, sur lequel certains membres de la majorité nous rejoignent, une rédaction plus claire, plus compacte et plus compréhensible que celle de la commission qui se contente de traduire, par obligation, la volonté du Président de la République, tout en enlevant à la disposition toute portée opérationnelle.

M. Christian Jacob, rapporteur. Procès d’intention !

M. Yves Cochet. Je ne fais que mesurer l’impact des deux amendements, monsieur le rapporteur !

M. le président. La parole est à M. François Vannson, pour soutenir l’amendement n° 438.

M. François Vannson. Cet amendement a pour objet de faire de la préservation de l’environnement un des principes structurants de l’action publique. Ce message a une grande portée, notamment auprès des collectivités territoriales.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir les amendements nos 922 et 923 rectifié.

M. André Chassaigne. Je retire l’amendement n° 923 rectifié, qui comporte une erreur. Même si l’amendement n° 922 est moins précis, il permet d’introduire de façon claire le principe d’inversion de la charge de la preuve.

(L’amendement n° 923 rectifié est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant, pour soutenir l’amendement n° 43 rectifié.

M. Serge Poignant. M. le rapporteur a déjà tout dit de l’introduction du principe de l’inversion de la charge de la preuve. Cette idée a fait l’objet de nombreuses discussions en commission, et la rédaction qui opère la meilleure synthèse est celle du présent amendement, qui traduit dans la loi l’un des engagements du Grenelle.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n° 721.

M. Guy Geoffroy. Cet amendement est presque identique au précédent, je n’en dirai donc pas plus.

Je souligne seulement, en parfait accord avec la commission et son rapporteur, que nous avons souhaité privilégier cette rédaction car elle formule de façon claire et positive un principe auquel nous sommes tous très attachés. Cela ne diminue en rien la valeur des autres propositions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Christian Jacob, rapporteur. Un débat très riche et très intéressant a eu lieu en commission sur ce sujet.

Je propose à l’Assemblée d’adopter l’amendement n° 43 rectifié de la commission, présenté par Serge Poignant, qui a le mérite d’obliger à la modification des procédures de décision, ce qui n’est pas le cas des autres amendements qui, à l’exception de celui de M. Vannson, se contentent de poser le principe. J’ajoute que l’amendement n° 43 rectifié a fait l’objet d’un vote très majoritaire en commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Le Gouvernement est très favorable à l’amendement n° 43 rectifié. À titre personnel, je trouve qu’il constitue une avancée substantielle.

Lors des débats sur la Charte de l’environnement, nous avions longuement évoqué la notion de renversement de la charge de la preuve, s’agissant notamment du principe de précaution. C’est une notion centrale en matière de développement durable.

Par le passé, l’écologie était une petite planète qui tournait autour de l’économie. Or nous sommes en train de faire la « révolution copernicienne », pour reprendre l’expression de M. le ministre d’État, mettant l’écologie au cœur des choses. C’est une grande idée qui a vu le jour dans la Charte de l’environnement qui est ici validée, et qui plus est dans un amendement d’initiative parlementaire.

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Il m’était rarement arrivé de me trouver à ce point en adéquation avec M. Cochet, mais cette fois ci, je serai plus proche de l’amendement de la commission car je constate que, sur le terrain, on ne fait plus rien. Ou bien c’est le projet qui n’est pas autorité, ou bien ce sont les citoyens eux-mêmes qui n’en veulent pas… Il n’est que de regarder ce qui se passe avec la ligne ferroviaire Lyon-Turin que tout le monde appelle pourtant de ses vœux. Bien qu’étant presque financée, elle ne peut pas être réalisée parce que le désordre et la panique règnent dans la vallée d’Aoste, comme jadis dans la vallée d’Aspe.

Ce n’est pas vers une législation encore plus corsetée qu’il faut aller, mais plutôt vers le dialogue. Il est temps de réapprendre à parler, à expliquer les choses par l’intermédiaire de « facilitateurs » qui auraient justement pour mission de faciliter la discussion, car on se rend compte que tout projet d’autoroute ou de TGV est devenu impossible. Je préfère les facilitateurs à des « facilitateurs » que pour des textes qui sont tranchés dans le vif.

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Je salue l’initiative de l’Assemblée. Je constate, sur tous les bancs, une évolution sérieuse, très intéressante et fondamentale.

Monsieur Lassalle, on n’a jamais encore cherché à réformer les études d’impact. Et comme ce sont ceux qui élaborent les projets qui réalisent en même temps les études d’impact, on se doute qu’elles sont rarement à leur détriment… Voilà pourquoi je salue les initiatives tant de notre rapporteur que des députés des différents groupes.

Cela dit, la proposition de M. Cochet est certainement la plus intéressante : en effet, elle est plus claire que l’amendement n° 43 rectifié qui introduit le mot « susceptibles », qui peut être interprété de bien des manières. « Pour les décisions publiques susceptibles d’avoir une incidence significative sur l’environnement, les procédures de décision seront révisées ». Cela paraît évident ; mais à quel niveau sera apprécié cette susceptibilité ?

En outre, M. Cochet pose deux principes. Premièrement, il indique que l’impact environnemental doit être évalué et pris en compte de façon systématique. Deuxièmement, il précise que la loi introduit le principe du renversement de la charge de la preuve en cas d’impacts potentiels ou avérés sur l’environnement, ce qui me semble bien plus clair.

Cette position de principe conduira le Grenelle 2 à revisiter les procédures de décision, ce qui ouvre une porte, contrairement à la proposition de M. Jacob pour qui ce sont les décisions publiques qui seront susceptibles d’avoir une incidence significative sur l’environnement.

L’amendement n° 43 rectifié ne s’attaque qu’aux procédures de décision qui seront revisitées. Du reste, cela correspond à une philosophie qui est la vôtre. Ce n’est pas la révolution que l’on aurait souhaitée, mais une rupture car, tout en étant face à une situation qu’on qualifie d’importante et d’urgente, on prend des mesures à long terme, au risque d’être rattrapés, qu’on le veuille ou non, par les lobbies.

M. Yves Cochet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. On a rejeté tout à l’heure l’amendement de Queyranne, le président de la commission nous expliquant, à juste titre, que les projets seront appréciés. Encore faudrait-il savoir ce que cela signifie du point de vue de la loi. L’amendement n° 43 rectifié fait état de « décisions publiques susceptibles » et de « coût raisonnable ». Qu’est-ce que cela signifie ? Comment apprécier ce « coût raisonnable » ?

Nous allons au-devant de sérieuses difficultés d’application. Ce texte fera naître bien des contentieux, car un coût pourra être raisonnable pour certains et pas pour d’autres. Comment arbitrera-t-on ces différends ?

M. François Brottes. Très juste !

(L’amendement n° 824 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Vannson, retirez-vous l’amendement n° 438 ?

M. François Vannson. Oui, monsieur le président.

(L’amendement n° 438 est retiré.)

M. le président. Monsieur Chassaigne, retirez-vous l’amendement n° 922 ?

M. André Chassaigne. Oui, monsieur le président.

(L’amendement n° 922 est retiré.)

(Les amendements identiques nos 43 rectifié et 721 sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 44.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Jacob, rapporteur. Cet amendement vise à introduire à l’article 1er la définition de développement durable, conformément à l’article 6 de la Charte de l’environnement. Il nous semble que c’est l’endroit le plus opportun.

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 44.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Favorable.

(L’amendement n° 44 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 604.

La parole est à M. Philippe Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. Cet amendement rejoint un peu notre discussion sur l’étude d’impact des lois, mais en élargissant le propos.

Comme je l’ai dit en défendant l’exception d’irrecevabilité et comme l’a rappelé le rapporteur du comité économique, social et environnemental, il y a une demande forte pour savoir quels seront l’impact et la répartition des charges des objectifs définis dans le Grenelle de l’environnement sur les différentes catégories que sont l’État, les collectivités territoriales, les ménages et les entreprises.

Pour commencer, il est important de savoir si l’on va assister, une fois de plus, à un désengagement de l’État et à un alourdissement des charges des collectivités territoriales. Sinon, on aura beau jeu de dire que l’État baisse les impôts alors que les collectivités locales, qui ne savent pas gérer, augmentent les leurs ! Mieux vaut savoir où l’on va…

Ensuite, quelle sera la charge, pour les entreprises, des différents procédés qui sont suggérés ? Maintient-on leur capacité de créer des richesses ? Leur laisse-t-on les moyens d’aller vers l’éco-conception, des cycles plus vertueux, de s’adapter ?

Enfin, quelle sera la part portée pour les ménages ? Sera-t-elle portée par le consommateur avec des taxes uniforme, très souvent injustes, ou bien une part sera-t-elle portée par le contribuable ? Avec quelle fiscalité ? Peut-on imaginé un impôt progressif plus juste ? Rappelons qu’aucune mobilisation nationale n’est possible, même sur l’environnement, sans justice fiscale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Jacob, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable car onvoit difficilement comment on peut annexer à la loi de finances – sachant que la loi de finances pour 2009 est votée le 31 décembre 2008 ! – un rapport qui fera état des dépenses des ménages pour la réalisation des objectifs du Grenelle. Il est impossible d’évaluer, un an à l’avance, les efforts faits par chaque ménage, de même que par les entreprises.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je trouve cet amendement extrêmement important. Nous sommes nombreux ici à regretter que le présent projet de loi ne présente pas d’axes financiers clairs sur sa mise en œuvre. Voilà pourquoi je propose le sous-amendement suivant : après les mots : « Chaque année, un rapport » supprimer les mots : «, annexé au projet de loi de finances, ». Ce qui répondrait à l’argument très pertinent avancé par M. le rapporteur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Christian Jacob, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Même avis.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 604 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 609 et 1336.

La parole est à M. Philippe Tourtelier, pour soutenir l’amendement n° 609.

M. Philippe Tourtelier. Cet amendement ne devrait pas poser de problème sur le fond.

La rédaction du deuxième alinéa de l’article 1er ne rend pas compte de la procédure suivie depuis le Grenelle de l’environnement. Chacun ici s’est félicité de la première phase du Grenelle, notamment celle qui a permis de réunir, dans les tables rondes et les comités opérationnels, l’ensemble des acteurs, mais aussi les élus. Il conviendrait de respecter le quatrième pilier du développement durable, celui de la gouvernance.

Il ne s’agit pas de siffler la fin de la partie, l’État élaborant la stratégie nationale, mais de permettre la poursuite d’un dialogue constructif entre les cinq parties et de pérenniser la logique de consensus expérimentée dans le cadre du Grenelle.

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l’amendement n° 1336.

M. Yves Cochet. Le Grenelle a instauré, et tout le monde s’en est félicité, un nouveau type de gouvernance qui repose sur une certaine forme de démocratie consultative, sinon participative. Certains acteurs de la société d’ordinaire délaissés, comme les associations, s’y sont trouvés associés.

Bien entendu, cette démarche présente un petit risque : une société vivante n’est pas unitaire, elle est faite de pouvoirs, de contre-pouvoirs, de conflits, de compromis, de consensus. Cela va parfois bien, parfois mal Je citerai deux exemples, qui plairont à M. Chassaigne et M. Gest.

L’URSS avait une vision unitaire du pouvoir, détenu par le seul parti. Que vous soyez association, syndicat, particulier, entreprise ou autre, c’était le parti qui vous disait comment faire. Les conflits étaient absents de ce schéma, mais une société ne peut fonctionner ainsi, comme en témoigne l’exemple de Solidarnosc en 1981 en Pologne. « Si tous les gars du monde… » Malheureusement, ce n’est pas ainsi que cela marche. La société est vivante, ouverte, comme dirait sir Karl Popper, n’est-ce pas, monsieur Dionis du Séjour,…

M. Jean Dionis du Séjour. Un grand épistémologue.

M. Yves Cochet. Elle est le théâtre de conflits qu’il convient de résoudre.

Mon deuxième exemple plaira peut-être moins à mes collègues de la majorité : c’est celui du ministère de l’agriculture, d’une certaine manière cogéré avec la FNSEA depuis quarante ans, sauf peut-être à l’époque de Louis le Pensec. On ne peut que constater aujourd’hui les dérives et les effets pervers d’un tel système. À chacun son rôle : il y a le Gouvernement, il y a le Parlement, mais il y a aussi les forces vives de notre société.

Bien sûr, j’approuve la démarche du Grenelle, mais il faut trouver le bon équilibre afin que la société ne devienne ni stalinienne, ni collaboratrice – je prononce des gros mots à dessein –, d’où l’amendement n° 1336. D’où la proposition d’un comité de suivi associant les parties prenantes du Grenelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Christian Jacob, rapporteur. Nous avons adopté en commission un amendement n° 5 qui répond largement aux préoccupations de nos collègues : « L’État assure le suivi de la mise en œuvre de cette stratégie au sein d’un comité associant les personnes mentionnées ci-dessus ». Ce qui répond aux préoccupations des uns et des autres.

M. Bertrand Pancher. C’est clair.

M. Serge Poignant. Absolument !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Il est essentiel de pérenniser le mode de gouvernance instauré par le Grenelle dans l’intérêt même du texte. Sur le fond, je suis d’accord avec nos collègues socialistes. Vous avez su pour la première fois, monsieur le ministre, rassembler l’ensemble des parties prenantes, en particulier les grandes ONG de protection de l’environnement.

Je suis prêt, monsieur le rapporteur, à me rallier à votre amendement si vous acceptez de le sous-amender en rédigeant ainsi la fin de l’alinéa 2, après le mot « comité » : « pérennisant la conférence des parties prenantes du Grenelle de l’environnement ».

M. Christian Jacob, rapporteur. Pourquoi pas ?

M. le président. Nous en reparlerons au moment d’examiner l’amendement n° 45.

La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. J’entends des propos surréalistes ! Le Grenelle I a instauré un nouveau mode de gouvernance. Bien sûr, la question de la structuration de cette gouvernance se pose mais, Mme la secrétaire d’État l’a clairement exprimé, il y sera répondu par la loi organique sur la composition du Conseil économique, social et environnemental ainsi que par les prochains décrets sur les conseils économiques et sociaux régionaux ou sur le futur Conseil national du développement durable. De surcroît, des communiqués seront régulièrement transmis à l’Assemblée nationale et au Gouvernement.

L’amendement de la commission me semble excellent et de nature à tous nous rassurer.

M. le président. La parole est à M. Serge Grouard.

M. Serge Grouard. Je suis d’accord avec M. Pancher et son amendement n° 722, qui vient plus tard, est identique au 45.

Par ailleurs, le Grenelle I a permis de réunir différents acteurs économiques, sociaux, qui ont fini par s’entendre. Cette première étape a pris du temps, mais elle était nécessaire.

Peut-être conviendrait-il aujourd’hui de renforcer la dimension scientifique des travaux, « d’objectiver » certains débats et de reprendre certaines questions qui prêtaient encore à discussion comme l’empreinte écologique. Il faudrait également actualiser régulièrement nos connaissances.

Enfin, pourquoi ne pas rédiger une sorte de livre blanc de l’environnement, à l’instar du livre blanc de la défense, que j’ai longuement suivi, afin de disposer de bases d’analyse renforcées et objectives, particulièrement nécessaires dans un domaine où les données scientifiques ne cessent d’évoluer.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité d’assurer un suivi. À ce propos, et je dois vous en féliciter, reconnaissons que les COMOP ont bien travaillé. Mais peut-être n’aurait-il pas fallu dans le texte le distinguer de la stratégie.

Permettez-moi de vous proposer un sous-amendement à l’amendement 45 : « L’État élabore la stratégie nationale de développement durable et son suivi… ».

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je rejoins les propos de notre collègues Le Déaut : nous sommes tous d’accord, reste à trouver le moyen de le formuler, mais en respectant l’ordre d’examen des amendements, sous peine de nous prendre les pieds dans le tapis… L’objectif est double : assurer le suivi – nous en sommes tous d’accord – tout en marquant qu’il ne s’agit pas d’un suivi ex nihilo, mais bien le prolongement, par la pérennisation, de tout le travail engagé à travers la démarche du Grenelle. Tel est l’objectif des amendements identiques n° 45 de la commission et n° 722 que nous avons présenté, sur lequel, grâce au sous-amendement n° 1549 de M. Dionis de Séjour, nous pourrions tous tomber d’accord – ce qui permettrait à notre collègue de retirer son amendement n° 805. Je pense que nos collègues socialistes pourraient alors nous rejoindre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Nous sommes tous d’accord sur le fond, mais il vaut mieux, pour respecter la langue française, inscrire dans la même phrase l’élaboration et le suivi de la stratégie si nous voulons les mettre sur le même plan. Inscrire le suivi seulement dans l’amendement n° 45 donnerait l’impression d’un rattrapage in extremis. Il s’agit donc d’une question à la fois rédactionnelle et juridique.

M. le président. Attendons d’en être à l’amendement n° 45…

(Les amendements identiques nos 609 et 1336 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 610.

La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Je suis heureux que la commission reconnaisse l’importance de la question de la biodiversité ajoutée à la notion de développement durable. C’est d’autant plus important depuis la signature de la convention sur la biodiversité. Mme la secrétaire d’État a du reste été très honnête et très claire lorsqu’elle a reconnu que la biodiversité était le parent pauvre du budget de la nation et qu’elle méritait à ce titre une attention particulière, sous forme à la fois d’un ajout dans le projet de loi et d’une politique nationale de la biodiversité en concertation et en collaboration avec les collectivités locales, déclinant une stratégie de la biodiversité sur le plan local, c’est-à-dire régional.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Jacob, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Même avis.

(L’amendement n° 610 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 926.

La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je le retire, monsieur le président.

(L’amendement n° 926 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 605.

La parole est à Mme Pascale Got.

Mme Pascale Got. Cet amendement concerne la formation.

La notion d’éducation au développement durable peut en effet servir à la réalisation des objectifs du Grenelle de l’environnement, notamment en matière d’éducation à un véritable changement des comportements. Or nous avons la chance d’avoir des acteurs civils qui peuvent y contribuer.

Je tiens du reste à souligner que les représentants de l’éducation nationale ont été exclus du dispositif de concertation, alors que plusieurs réseaux sont déjà en place, notamment École et nature et le Comité français pour l’éducation à l’environnement vers un développement durable. Les régions, d’ailleurs, ne s’y sont pas trompées puisqu’elles ont permis de corriger partiellement cette carence en créant un comité opérationnel, qui ne s’intéresse qu’au milieu scolaire. En revanche le réseau éducatif ne figure toujours pas dans le comité opérationnel n° 24. Il est donc important que, notamment, le réseau École et nature, qui rassemble plus de 1 000 personnes et 860 associations et qui œuvre sur l’ensemble de notre territoire pour une sensibilisation et une information à la nature et à l’environnement, puisse devenir un acteur responsable en participant à une décision collective.

L’amendement n° 605 vise donc, en les intégrant, à permettre aux associations et organisations non gouvernementales d’éducation à l’environnement de participer à l’élaboration de la stratégie nationale de développement durable et de contribuer ainsi, au sein comme en dehors de l’école, à faire que le Grenelle ne se réduise pas à une simple déclaration d’intention en matière de formation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Jacob, rapporteur. Spontanément, j’aurais tendance à être favorable à cet amendement, car je suis d’accord sur le fond, mais, en y réfléchissant, je deviens très prudent. Cet amendement ne serait-il pas réducteur ? La protection de l’environnement répond à un thème général. Si vous ajoutez « éducation » à « protection », il faudra dès lors – c’est une question juridique – que dans le statut des associations concernées figurent à la fois la protection et l’éducation. Que fera-t-on alors d’une association qui se consacre à la prévention ? Loin d’en ajouter, cet amendement pourrait aboutir à écarter des ONG qui font du bon travail !

C’est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir le retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Je partage l’avis très nuancé de la commission.

En effet, nous pérennisons actuellement un dispositif : il est donc très important qu’il puisse être opérationnel. Ne prenons pas dès lors le risque, vraiment dangereux, d’introduire un luxe de précisions qui, par le fait même, exclut ce qui a été oublié, d’autant que nous ne pouvons pas être suspectés d’avoir cherché à exclure qui que ce soit du Grenelle de l’environnement.

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Monsieur le ministre, j’avais fait le pari, devant Mme la secrétaire d’État, que nous réussirions à prononcer les mots « développement durable » un million de fois durant le débat : je pense que nous sommes prêts d’y arriver ! Mais lorsque l’émotion sera plus ou moins retombée et que nous reviendrons sur cet amendement, du reste excellent sur le fond, nous nous demanderons s’il ne faut pas également sensibiliser nos enfants à ce qu’était l’histoire de nos campagnes – j’entends une histoire plus générale. On leur apprend aujourd’hui des tas de concepts très nouveaux, mais on oublie de leur enseigner ce qu’a été durant des siècles, voire des millénaires, leur propre histoire. C’est la raison pour laquelle ils vont tous vers l’idée dominante et peu heureuse qui nous est imposée en provenance des grandes cités. Les langues régionales, monsieur le président, vous le savez, restent un sujet tabou. Pourquoi, à la suite du Grenelle de l’environnement, n’enseignerait-on pas les langues régionales ? Ce serait également une bonne manière de sensibiliser nos enfants à ce qu’a véritablement été notre environnement, lequel, sur 70 % de notre territoire, est resté absolument merveilleux.

M. le président. Vous savez trouver les mots pour me séduire, mon cher collègue.

La parole est à M. Philippe Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. Comme M. le rapporteur l’a noté, je constate avec satisfaction que nous sommes d’accord sur le fond.

En revanche, afin de répondre à l’argument du ministre selon lequel l’amendement n° 605 risquerait d’exclure certaines associations, je soulignerai que cet amendement n’aurait pas été déposé si, dans la pratique, nous ne constations pas que les associations d’éducation sont de fait exclues.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Ce n’est pas vrai.

M. Philippe Tourtelier. Elles ne figurent pas dans le COMOP n° 24 ! Si vous nous donnez l’assurance que les associations d’éducation qui ont été citées figureront dans le COMOP n° 24 et pourront y jouer un rôle, alors l’amendement sera satisfait.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Monsieur le député, conformément à un accord passé avec les associations, celles-ci figurent dans le COMOP n° 34 sur l’éducation à l’environnement. Elles y sont strictement à leur place. Le dispositif fonctionne donc bien.

M. le président. Madame Got, retirez-vous l’amendement n° 605 ?

Mme Pascale Got. Je le maintiens, monsieur le président.

(L’amendement n° 605 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement, rédactionnel, n° 1380.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. En effet, monsieur le président.

(L’amendement n° 1380, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 805, 45, 722 et 601, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos  45 et 722 sont identiques.

L’amendement n° 45 fait l’objet de deux sous-amendements, nos 1633 et 1549.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour soutenir l’amendement n° 805.

Sur le vote de cet amendement, je vous indique que j’ai été saisi par le groupe Nouveau Centre d’une demande de scrutin public.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, j’ai une bonne nouvelle à vous annoncer. Comme l’a expliqué Guy Geoffroy, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement n° 1633, qui fait manifestement consensus, je retire l’amendement n° 805, ce qui nous permet de faire à la fois l’économie d’une discussion et d’un scrutin public. (Sourires.)

(L’amendement n° 805 est retiré.)

M. le président. L’amendement n° 45 de la commission a déjà été largement évoqué, monsieur le rapporteur…

M. Christian Jacob, rapporteur. En effet, monsieur le président. Je considère que j’ai déjà défendu cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour soutenir le sous-amendement n° 1633.

Je tiens à préciser que l’adoption de cet amendement ferait tomber le sous-amendement n° 1549.

M. Jean Dionis du Séjour. Je reprends l’avis exprimé par MM. Gagnaire, Le Déaut, Poignant et Vannson : il est très important de pérenniser au niveaau du suivi le tour de table qui a fait le Grenelle de l’environnement. Je pense notamment à la place qui y a été donnée dans la décision aux grandes associations de protection de l’environnement. Tel est l’objectif de ce sous-amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Jacob, rapporteur. Favorable. Nous avons en effet déjà eu l’occasion de nous exprimer sur ce sous-amendement qui vise à pérenniser la conférence avec les parties prenantes du Grenelle de l’environnement, ce qui s’inscrit dans la logique du mouvement tel qu’il a été initié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Favorable.

(Le sous-amendement n° 1633 est adopté.)

M. le président. En conséquence, le sous-amendement n° 1549 tombe.

(L’amendement n° 45, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 722 et 601 tombent.

Je suis saisi d’un amendement n° 46 de la commission.

M. Christian Jacob, rapporteur. Je propose que M. Letchimy le présente.

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Je tiens tout d’abord à remercier la commission d’avoir repris cet amendement avec un avis favorable de son président, de son rapporteur et de tous les groupes de l’Assemblée.

Pour tout l’outre-mer, il s’agit en effet d’un moment très important. La réforme constitutionnelle de 2003, vous le savez, permet aux collectivités d’outre-mer de décider des adaptations des lois et règlements si elles y ont été habilitées par la loi.

L’occasion nous est donnée non seulement d’afficher la richesse de l’outre-mer, très importante à la fois sur l’ensemble caribéen et mondial puisqu’elle représente 80 % de la biodiversité française et 8 % de la biodiversité mondiale, mais aussi de marquer une rupture, de créer une nouvelle forme d’organisation de la vie, une nouvelle manière de concevoir le développement ou encore la culture du risque. Faire face au risque, pour reprendre ce dernier point, ne consiste pas seulement à venir réparer les dégâts ; c’est aussi avoir une politique, une stratégie la plus adaptée qui soit à la population et sous-tendue par le sens de la responsabilité et du développement.

Ensuite, en ce qui concerne la biodiversité, ce texte n’innove pas seulement d’un point de vue esthétique, mais il la prend en compte dans le cadre du développement local. C’est une manière de faciliter la sortie d’une société de consommation, une société où le développement n’est pas encore au rendez-vous puisqu’on compte 25 % de chômeurs et un mal-développement certain. Afin que ce texte constitue l’innovation que nous souhaitons, il faut se donner la possibilité d’inscrire la responsabilité et le développement dans un cadre juridique et institutionnel précis.

En ce sens, une expérimentation au titre du développement durable nous permettra d’expérimenter – j’insiste sur ce terme – une idée qui nous est chère : aller vers plus de développement dans la responsabilité et la dignité. Ce doit être le cas, par exemple, en matière de politique du risque, de réglementation thermique, d’habitat, de réglementation sismique, de politique locale de la biodiversité, de politique du paysage, de politique territoriale de développement durable.

Voilà pourquoi, mes cchs collègues, je vous demande de voter cet amendement. En outre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, je souhaite que vous acceptiez une rectification consistant à introduire, après le mot « départements », le mot « régions » que l’amendement n’évoque pas puisqu’il ne fait allusion qu’aux départements et aux collectivités d’outre-mer. Ce sous-amendement vise donc à lever toute ambiguïté.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Jacob, rapporteur. Je partage les propos de M. Letchimy, la commission ayant même adopté cet amendement à l’unanimité. Et pour lever toute ambiguïté, nous approuvons l’ajout du mot « régions ».

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Favorable.

M. Jean Lassalle. Très bien !

(L’amendement n° 46 est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

M. Jean Lassalle. Champagne !

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Je souhaite m’assurer que le sous-amendement de M. Letchimy, approuvé tant par la commission que par le Gouvernement, a bien été voté afin que son adoption figure au Journal officiel.

M. le président. Les mots ont un sens, monsieur le ministre d’État, et si j’ai bien entendu la précision de M. Letchimy sur la nécessité de prendre en compte les régions, je ne l’ai pas interprétée comme une rectification ni comme un sous-amendement. Je ne l’ai donc pas mis au voix. Nous aurons de toute façon l’occasion d’y revenir en seconde lecture.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Pardonnez-moi, monsieur le président, mais nous avons pris un engagement très clair vis-à-vis de M. Letchimy et des signataires de cet amendement – dont je suis d’ailleurs, je vous le rappelle, ainsi que le rapporteur Jacob. M. Letchimy a clairement dit qu’il souhaitait apporter à son amendement une précision ; je lui ai alors demandé, me tournant vers lui, s’il voulait que ce soit par le biais d’un sous-amendement et il m’a répondu par l’affirmative.

Que ce soit en sous-amendant l’amendement ou en le rectifiant – je n’y vois pas d’inconvénient –, il importe que le mot « régions » soit ajouté comme l’a demandé M. Letchimy.

M. Alain Gest. Parfaitement !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Nous pouvons nous mettre d’accord sur une rectification, d’ailleurs acquise à l’unanimité du peuple souverain représenté par les députés qui siègent dans cet hémicycle. (Applaudissements sur de très nombreux bancs.)

Mme Christiane Taubira. Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes ! (Sourires.)

M. le président. Je ne note pas d’opposition à cette rectification qui aurait dû être précisée plus explicitement,…

M. Patrick Ollier, président de la commission. Mais cela a été fait !

M. le président.… par écrit, sinon oralement. Nous sommes aux limites des usages… Toutefois, vu l’unanimité que suscite cette proposition, je vais considérer que l’amendement n° 46 a été adopté ainsi rectifié. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob, rapporteur. Bravo, monsieur le président !

M. Alain Gest. Votre souplesse est sagesse !

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 599 rectifié.

La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Cet amendement, pour tenir compte de l’urgence écologique, vise à créer une commission internationale sur l’océan Arctique « qui donne des avis et formule des recommandations à la communauté internationale ».

Ce sujet a été abordé par plusieurs de nos collègues dans la discussion générale et notamment par notre collègue Paul au moment de l’exception d’irrecevabilité. L’océan Arctique joue un rôle important dans la régulation du climat et ce sont en fin de compte les deux pôles qui garantissent l’équilibre entre la chaleur équatoriale et le froid des deux régions polaires. La situation diffère d’un pôle à l’autre puisque le pôle Sud est un continent surmonté d’une épaisseur de 2,5 kilomètres de glace alors que le pôle Nord est une mer de glace qui fond un peu plus chaque année, et dont l’épaisseur n’atteint d’ailleurs plus que 2,70 mètres.

Une étude parue dans la revue Science a montré que la fonte annuelle de la calotte glaciaire groënlandaise est passée, entre 1996 et 2000 – je ne dispose pas des dernières données mais on sait que l’année 2007 constitue un record –, de 90 à 220 kilomètres carrés.

Les courants marins sont également concernés par les évolutions climatiques. Ils sont mus par des différences de températures – l’eau froide étant plus dense que l’eau chaude – et de salinité – l’eau salée étant plus dense que l’eau douce – entre les diverses couches de l’océan. Il existe un certain nombre de courants que nous avions étudiés dans le rapport sur le changement climatique et dont j’ai parlé ici dans le rapport sur l’Antarctique il y a quinze ans,…

M. Alain Gest. Cela ne nous rajeunit pas !

M. Jean-Yves Le Déaut.… et qui avait donné lieu au moratoire sur l’Antarctique. C qui ne nous rajeunit pas, en effet !

Une attitude cynique consisterait à penser que la disparition, à terme, du Gulf Stream – qui modifierait les courants actuels – compenserait, en Europe occidentale, le réchauffement climatique. Il n’en est rien puisque, en effet, on observerait des accumulations de chaleur dans d’autres régions du globe plus perturbatrices encore. C’est ce que les scientifiques appellent une « surprise climatique ».

M. Éric Diard. Une bien mauvaise surprise !

M. Jean-Yves Le Déaut. Si jamais nous continuons dans ce sens, en effet, nous verrons fondre ce qui constitue l’équilibre climatique mondial.

En 2007, le record de fonte de la banquise a été atteint. L’Union européenne va aborder cette question à Monaco, en novembre 2008, lors d’une réunion à laquelle vous prendrez une part importante, monsieur le ministre d’État. Vous souhaitez la création d’un observatoire scientifique. C’est une bonne chose ; malheureusement, cette proposition nous apparaît insuffisante au vu de l’état fort préoccupant de l’océan arctique, état confirmé par tous les experts. Si certains d’entre eux estiment que le réchauffement climatique est moins important qu’on ne le dit, tous, en revanche, j’insiste, s’accordent sur l’état de l’océan arctique.

Des députés européens, Diane Wallis, Michel Rocard et quelques autres, quel que soit leur groupe politique d’appartenance, ont déposé une proposition de résolution commune sur la gouvernance arctique, votée hier soir à la quasi-unanimité – 597 voix pour, 21 contre et 41 abstentions.

On nous reproche de nous occuper d’un problème qui se passe ailleurs que chez nous. Or nous sommes bien chez nous puisque la région arctique se situe au-delà des eaux territoriales des États riverains, soit au-delà de 12 milles nautiques – les 200 milles correspondant à la zone économique exclusive. Autrement dit, si l’Arctique fond, nous serons en haute mer, donc chez nous.

Du reste, l’Union européenne est partie prenante grâce au Danemark qui, via le Groenland, fait partie des cinq États bordant l’océan Arctique.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Nous sommes bien d’accord !

M. Jean-Yves Le Déaut. Il ne s’agit donc pas d’entamer les prérogatives des États souverains.

Les Russes ont revendiqué une part du plateau continental, il y a quelques années, au titre de l’article 76 de la Charte des Nations unies et voudraient ainsi accroître le territoire de la zone continentale, donc celui de la Russie. Nous ne nous mêlons pas de cette affaire, car il revient aux Nations unies de l’établir.

Par conséquent, monsieur le ministre d’État, tout en approuvant votre idée de création d’un observatoire scientifique international, nous souhaitons rendre possible la réalisation d’études d’impact concernant tout développement sur cette zone, comme nous l’avons fait avec succès grâce à un moratoire international sur l’Antarctique il y a quelques années.

M. André Chassaigne. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Poignant pour soutenir un nouvel amendement qu’il vient de déposer. (Murmures.)

M. André Chassaigne. Ah bon ?

M. Yves Cochet. C’est nouveau !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Vous voulez dire un sous-amendement, monsieur le président ?

M. le président. J’ai bien parlé d’un amendement. Les délais pour présenter des amendements ont été rouverts puisque la commission en a elle-même déposé deux sur l’article 1er. La règle veut donc qu’à partir du moment où la commission a usé de cette faculté, tout un chacun puisse déposer des amendements.

M. Patrick Ollier, président de la commission. C’est exact.

M. Serge Grouard. Ça, ce n’est pas une bonne idée…

M. François Brottes. Je vais donc pouvoir en déposer quelques centaines de plus ! (Sourires.)

M. le président. Nous allons vous distribuer le texte de l’amendement n° 1664de M. Poignant.

La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. J’avais initialement l’intention de proposer un sous-amendement – j’en ai d’ailleurs parlé à Jean-Yves Le Déaut – à l’amendement n° 599 rectifié. Si évidemment le ministre d’État est disposé à l’accepter tel quel, je me rangerai à son avis. Reste que le premier paragraphe prête à interrogation. Quant au second paragraphe, il dispose que « la France demande la création immédiate d’une commission scientifique internationale ».

Quand j’ai souhaité déposer mon sous-amendement, on m’a fait valoir qu’il ne pourrait s’agir que d’un nouvel amendement. S’il le souhaite, Jean-Yves Le Déaut peut le cosigner. Il vise simplement à insérer, après l’alinéa 2, l’alinéa suivant : « Considérant que la région arctique joue un rôle central dans l’équilibre global du climat de la planète – je partage tout à fait sur ce point l’avis de mon collègue –, la France soutiendra la création d’une commission scientifique internationale sur l’Arctique. »

M. Jean-Yves Le Déaut. Pas scientifique, mais internationale !

M. Serge Poignant. C’est bien cela, internationale.

M. Jean-Yves Le Déaut. Pas scientifique !

M. Serge Poignant. Le mot figure pourtant dans votre amendement…

M. le président. Nous allons le distribuer et vous le présenterez une fois que vos collègues en auront pris connaissance et le débat reprenant ainsi son cours normal.

M. Serge Grouard. Mais pourquoi donc ne s’agit-il pas d’un sous-amendement ?

M. le président. Un sous-amendement doit s’inscrire dans un amendement ; il peut ajouter un mot, en retirer un mais non récrire l’ensemble, auquel cas seul un amendement est possible. Et M. Poignant est fondé à présenté celui-ci du fait de la réouverture des délais de dépôt.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je ne vois pas pourquoi M. Poignant ne pourrait pas sous-amender l’amendement de M. Le Déaut puisqu’il ne fait que proposer la suppression de quelques mots.

M. le président. Laissons notre collègue défendre son amendement ; ainsi les choses seront plus claires.

Cet amendement, n°°1664, se retrouve en discussion commune avec l’amendement n° 599 rectifié de M. Jean-Yves Le Déaut.

La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. Si le ministre accepte l’amendement de M. Le Déaut, je me rangerai à son avis. Toutefois, dans le cas où l’amendement de M. Le Déaut serait jugé trop précis, trop impératif, je propose que la France reconnaisse l’importance de l’Arctique dans l’équilibre global de la planète et qu’elle soutienne la création d’une commission scientifique internationale, comme le souhaitait M. Le Déaut dans son amendement. À défaut de pouvoir sous-amender l’amendement n° 599 rectifié, je propose cet amendement n° 1664, que M. Le Déaut pourrait, s’il le souhaite, cosigner.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements, nos 599 rectifié et 1664 ?

M. Christian Jacob, rapporteur. La rédaction de Serge Poignant me convient parfaitement. Je propose que ce soit un amendement commun de Jean-Yves Le Déaut et de Serge Poignant.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je suis quand même un peu frustré. En effet, je trouve très ennuyeux que l’on supprime toute référence à l’institution d’une zone internationale. Jean-Yves Le Déaut l’a très bien expliqué, on a le droit de se mêler de cette affaire sans porter préjudice, sans faire de l’ingérence, en stipulant clairement dans une loi française quel est le droit en cette matière pour le sol, le sous-sol, etc. Il faut éviter de tomber dans la provocation, ce que nous risquerions de faire en adoptant une rédaction par trop réductrice – même si, monsieur Poignant, votre amendement n’est pas un contresens. Je crois qu’il faut faire attention de ne pas passer du tout au presque rien qui pourrait ressembler à une provocation aux yeux d’autres pays.

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. L’amendement Le Déaut a davantage ma faveur que l’amendement Poignant, plus concis, certes, mais moins clair : comme le disait excellemment François Brottes à l’instant, le mérite de l’amendement de M. Le Déaut est de parler d’une zone internationale.

On pourrait presque dire que c’est un amendement anti-russe. En effet, voici deux ou trois ans, les Russes ont planté une sorte de drapeau, en disant : voilà, le pôle nord est à nous. Pourquoi ? Dionis du Séjour le sait peut-être : parce qu’ils ont une la théorie des ressources du sous-sol totalement différente de la nôtre. Cette théorie de l’origine du pétrole, que l’on appelle abiotique, est différente de celle partagée par l’immense majorité des géologues, notamment en ce qui concerne les ressources fossiles et les hydrocarbures. Pour nous, le pétrole provient de la décomposition de forêts primaires et de dinosaures il y a cent millions d’années ; de ce fait, on ne peut en trouver que dans les zones sédimentaires. Le pôle Nord n’étant pas une zone sédimentaire, il n’y a donc aucune chance que l’on puisse y trouve du pétrole. Mais la théorie abiotique affirme que le pétrole peut se former par une sorte de remontée depuis le manteau jusqu’à la croûte, un peu comme une sorte de volcan. Ce serait une sorte de chimie purement non organique qui donnerait des molécules hydrocarbonées.

Cette idée est totalement marginale dans la communauté scientifique, mais les Russes y croient encore. Ils ont donc planté un drapeau, en se disant qu’ainsi, ils auraient le droit de forer. Les puits seront secs mais ils auront le droit de saccager un territoire pour rien.

M. Jean Lassalle. C’est vrai.

M. Yves Cochet. L’amendement de M. Le Déaut permet de ne pas saccager la zone, surtout qu’il n’y a rien en dessous.

M. André Chassaigne. Donc, M. Poignant est la voix de Moscou ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Alain Gest.

M. Alain Gest. Voilà typiquement le débat qu’on aurait pu éviter.

M. Jean Lassalle. Ce n’est pas le seul !

M. Alain Gest. En effet, sur l’esprit, nous sommes tous d’accord, je n’ai vu personne manifester contre la brillante explication de M. Le Déaut et je suis ravi, comme à chaque fois, d’entendre M. Cochet nous raconter l’histoire de la création du pétrole. (Sourires.)

Le seul point qui semble poser problème, c’est de savoir si l’amendement de M. Le Déaut introduit une ingérence dans le texte. J’aimerais à ce propos connaître l’avis du Gouvernement. Si le Gouvernement, qui a en charge les problèmes internationaux, donnait un avis positif sur l’amendement de Jean-Yves Le Déaut, cela simplifierait les choses et raccourcirait le débat.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il faudrait que le ministre réponde globalement car si, sur le fond, je suis tout à fait d’accord avec les perspectives dessinées par M. Le Déaut, je préfère personnellement l’amendement de M. Poignant au sien. En effet, j’y relève non seulement le risque d’ingérence, comme M. Gest l’indiquait à l’instant, mais même une injonction au Gouvernement, clairement inconstitutionnelle. Un amendement ne peut pas préciser le contenu d’un traité que l’on souhaite voir signé par la France. La rédaction de l’amendement n° 599 rectifié introduit, à l’évidence, une injonction de nature inconstitutionnellee.

M. André Chassaigne. C’est pareil avec l’amendement de M. Poignant.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Pas du tout. L’amendement n° 1664 soutient la création d’une commission, tandis que l’amendement n° 599 rectifié parle d’un traité qui « instituera une zone internationale ».

M. François Brottes. C’est vrai. Mais il suffirait d’écrire « pourra instituer ».

M. André Chassaigne. L’amendement de M. Poignant dit « la France soutiendra ».

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. L’Assemblée n’a pas vocation à faire de l’ingérence, nous ne sommes pas ici dans une discussion sur un traité international. Elle n’a pas non plus à donner injonction au Gouvernement : c’est inconstitutionnel.

Nous pourrions nous mettre d’accord sur l’amendement de M. Poignant, qui permet d’arriver au même résultat. M. Le Déaut pourrait le cosigner. Ainsi, nous ferions, comme cela s’est déjà produit sur de nombreux amendements, de la coproduction unanime et consensuelle dans cet hémicycle.

M. Jean Dionis du Séjour. Unité nationale.

M. Bertrand Pancher. C’est bien dit.

M. le président. La parole est à M. Serge Grouard.

M. Serge Grouard. Le premier paragraphe de l’amendement n° 599 rectifié me semble poser un certain nombre de questions au regard du droit international public dans la mesure où il s’inscrit dans le régime de la haute mer et en fait référence à la troisième convention sur le droit de la mer de Montego Bay de 1982. En termes de droit international, et pas seulement de droit interne, on ne peut rédiger ainsi le premier paragraphe.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Pardonnez-moi un commentaire d’ingénieur : ces amendements auraient, je crois, plus leur place dans le titre Ier – « Lutte contre le changement climatique » – que dans l’article 1er.

M. Serge Poignant. C’est vrai !

M. Jean Dionis du Séjour. Ainsi placés, ils posent un réel problème d’hétérogénéité législative. Il serait plus logique d’en discuter après l’alinéa 6 de l’article 2.

Cela dit, je préfère l’amendement Poignant. Plus modeste, il me semble néanmoins plus conforme au droit interne et au droit international.

M. le président. Pour le moment, ces amendements ont été déposés sur l’article 1er.

La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Nous n’avons pas discuté ensemble de cet amendement de M. Poignant. J’observe simplement que la résolution qui a été votée hier traite exactement de la même question. Par ailleurs, c’est précisément parce que nous ne touchons pas aux limites territoriales qu’il n’y a pas d’incidence sur le droit international. Nous ne sommes pas dans la zone des États en limite territoriale, mais dans une zone qui se trouve dans une mer qui risque de disparaître.

Je veux bien me rallier à l’amendement de M. Poignant mais je le trouve quand même très réducteur : il ne parle plus de « zone internationale », ce qui est quand même important et ce que nous avions fait sur l’Antarctique, mais seulement de « commission scientifique internationale ». Nous sommes d’accord avec la commission scientifique internationale, mais nous aimerions connaître l’avis du ministre. Il faudrait discuter pour trouver un terrain d’accord de façon que ce travail du Parlement débouche sur une initiative qui soit visible aux niveaux européen et international. Nous l’avons fait pour l’Antarctique et cela a donné lieu ensuite à un moratoire. Nous ne voulons pas nous substituer aux prérogatives du Gouvernement. Mais le mieux serait que nous parvenions à nous mettre d’accord sur un amendement à l’article 1er.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. C’est une forme d’amendement « Jacky Bonnemain ». Plusieurs membres de l’association Robin des Bois portent fortement cette revendication depuis longtemps et à juste titre.

Nous sommes engagés dans ce débat, vous avez eu la gentillesse de le reconnaître. Nous assurons aujourd’hui la présidence de l’Union. Ce débat, qui aura lieu à Monaco dans quelques semaines, constituera un des grands événements de la présidence française. Il est sans doute utile, et l’endroit choisi, à l’article 1er, est probablement approprié, d’ouvrir la perspective de l’Arctique ; mais donner d’ores et déjà un mandat impératif de négociation, alors que nous présidons l’Union aujourd’hui, me paraît maladroit, inadapté et pas très productif, même si, je le répète, il me paraît indispensable de donner un signal. Nous aurons quatre lectures de ce texte, à moins que nous parvenions à un vote conforme plus rapidement ; laissons si vous voulez bien, se dérouler la présidence de l’Union et, dans un premier temps, retenons l’amendement de M. Poignant. Cela me semble préférable.

M. le président. Monsieur Le Déaut, vous retirez l’amendement n° 599 rectifié au profit de l’amendement n° 1664 ?

M. Jean-Yves Le Déaut. Je veux bien me ranger à l’avis du Gouvernement pour montrer l’unanimité de l’Assemblée, mais cela ne me satisfait pas pleinement. J’espère que, à Monaco, nous pourrons donner notre avis, de même que notre collègue Gaudin qui suit ces questions au Sénat pour l’Office parlementaire et que les députés du Parlement européen.

Je ne comprends pas très bien pourquoi M. Poignant ne pouvait pas déposer de sous-amendement à mon amendement, puisqu’il ne fait que supprimer des parties de mon amendement. Mais je veux bien cosigner son amendement.

M. le président. Donc, vous retirez votre amendement ?

M. Jean-Yves Le Déaut. Oui, monsieur le président.

(L’amendement n° 599 rectifié est retiré.)

(L’amendement n° 1664 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1443.

Sur le vote de cet amendement, je suis saisi par le groupe Nouveau Centre d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous avions dit que le débat sur la gouvernance était, pour nous, un débat central parce que nous voulons le succès dans le temps du Grenelle. Le Parlement a adopté à l’unanimité le premier volet qui créait un comité de suivi pérennisant la conférence des parties prenantes du Grenelle. Nous avions déposé un amendement sur la « boussole scientifique », l’expertise scientifique, qui intéressait, je crois, beaucoup de monde, malheureusement il est tombé, mais nous sommes patients, nous y reviendrons en deuxième lecture. Nous abordons maintenant le troisième volet.


L’alinéa 3 de l’article 1er est très vague, et ultra-doux… Il dispose en effet que le Gouvernement « rend compte » chaque année au Parlement de la mise en œuvre de la stratégie nationale de développement durable. Mais que faut-il entendre par « rend compte » ? Devra-t-il remettre un rapport, faire une communication ? Je crains que cela ne soit pas grand-chose ! Sur un sujet aussi stratégique, aussi prioritaire, la loi doit donner des précisions sur le suivi de l’exécution et la mise à jour des objectifs. Nous avons eu un débat avec les services du ministère. Au début, nous étions partis pour une loi annuelle, mais le ministère nous a convaincus que cela serait beaucoup trop lourd. Nous vous proposons là une loi d’exécution de la mise en œuvre du Grenelle tous les trois ans. Si n’adoptons pas une telle disposition, les arbitrages sur les correctifs dus à nos erreurs, à nos insuffisances de réalisation, ou rendus nécessaires par la modification de nos objectifs compte tenus des événements extérieurs qui percutent le Grenelle, auront lieu ailleurs qu’au Parlement. Or nous devons nous en saisir pour assurer la réussite du Grenelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Jacob, rapporteur. Défavorable. Le président de la commission sera plus à même de développer cette argumentation, mais il y a là clairement une injonction au Gouvernement qui serait obligé de soumettre une loi au Parlement tous les trois ans, ce qui n’est pas dans nos pouvoirs. En outre, c’est quand même bien le Parlement qui assure le contrôle de l’exécution de la loi ! C’est son rôle.

M. Alain Gest. Absolument !

M. Christian Jacob, rapporteur. Telles sont les deux raisons pour lesquelles je ne peux qu’être défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Je veux dire à M. Dionis du Séjour qu’il a entièrement raison sur les problèmes de suivi. Ce que nous faisons nécessite en effet des adaptations, de toute nature d’ailleurs, pas nécessairement législatives. Mais, de surcroît depuis la réforme de la Constitution, tant que nous sommes dans le cadre de la loi le suivi est assuré par le Parlement, et j’espère qu’il aura lieu plus souvent que tous les trois ans. Pour le reste, le Gouvernement, ou le Parlement, avec la quasi-égalité dans la maîtrise de l’ordre du jour, peut se saisir de toute évolution législative. En instaurant l’obligation que vous préconisez, nous risquerions de compliquer le débat.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je souhaiterais que M. Dionis du Séjour retire son amendement. Je connais son souci de voir la loi bien exécutée, mais nous venons de modifier la Constitution et notre commission, dont il est vice-président, vient d’élaborer sept rapports d’exécution de la loi – il est bien placé pour le savoir puisqu’il en a fait un. Nous sommes dans la logique d’un pouvoir que nous exerçons déjà mais qui nous est confirmé par la Constitution, et s’il en est un qui est renforcé, c’est bien celui du contrôle de l’exécution. Nous ne pouvons demander au Gouvernement de faire une loi sur l’exécution alors que nous nous sommes approprié ce pouvoir que la Constitution nous a confirmé.

M. le président. M. Dionis du Séjour est sensible à cet argument semble-t-il !

M. Jean Dionis du Séjour. Bien que je mesure le chemin restant à accomplir, je suis en effet sensible à l’argument du président Ollier sur les nouvelles opportunités qu’offre la Constitution. Donc, je retire cet amendement.

(L’amendement n° 1443 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 827.

C’est un débat que nous avons déjà eu plusieurs fois dans la journée, monsieur Cochet !

M. Yves Cochet. Oui, mais M. le ministre d’État n’y a pas assisté et je voudrais y revenir en quelques mots. Vous savez, monsieur le président, quelle a été ma sobriété en matière de dépôt d’amendements !

Cet amendement vise à remplacer les mots « développement durable » par les mots « réduction de l’empreinte écologique », qui me semblent plus précis.

Un Américain du Nord a une empreinte de l’ordre de 9,5 hectares, mais sa biocapacité est de 5,8 hectares. Autrement dit, il a une dette écologique de 3,7 hectares par personne. L’empreinte moyenne d’un habitant de l’Union européenne – nous sommes 450 millions – est de 4,8 hectares, soit deux fois moins que celle d’un Américain, mais la biocapacité de cet européen n’est que de 2,2 hectares. Il a donc une dette écologique de 2,6 hectares. En revanche, un Américain du Sud impacte sur 2 hectares seulement alors qu’il dispose d’une biocapacité de 5,4 hectares. Il a donc un crédit écologique de 3,4 hectares. Et il en est de même pour les habitants des pays africains.

Bref, les pays riches sont beaucoup plus prédateurs de ressources naturelles que les pays pauvres. Est-ce à dire que leurs habitants sont plus heureux ? Je ne le crois pas. L’an dernier, ce que l’on appelle le Global overshoot day, c’est-à-dire le jour du dépassement global, était encore le 6 octobre. Cette année, c’est le 23 septembre. Autrement dit, plus ça va et plus l’overshoot, le dépassement de la biocapacité de la terre est fort. C’est pourquoi je propose à nouveau – ce sera sans doute la dernière fois ! – de substituer cet outil conceptuel et opérationnel magnifique qu’est l’empreinte écologique au flou du développement durable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Jacob, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Cette notion, comme celle de bilan de carbone d’ailleurs, n’est pas extrêmement précisée et nous avons décidé, dans le cadre de la réforme, de saisir le nouveau Conseil économique, social et environnemental d’un travail sémantique et technique sur ces points. Je propose que l’on en reste à des concepts maîtrisés.

M. Alain Gest. C’est sage !

M. Yves Cochet. Mais c’est très maîtrisé !

(L’amendement n° 827 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 611 et 797, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Le Parlement a pour mission l’évaluation des politiques publiques, et la nouvelle Constitution n’y change rien, heureusement ! Nous avons d’excellents administrateurs dans cette maison, mais ils ne peuvent maîtriser parfaitement les conséquences résultant de la mise en œuvre de tel ou tel curseur, pour l’isolation des bâtiments ou la consommation des différents carburants, par exemple. C’est d’ailleurs normal, car c’est extrêmement technique. Or, il est un lieu d’expertise dont tout le monde reconnaît la compétence en la matière, c’est l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. La pluridisciplinarité de cet organisme, sa capacité à réaliser une analyse transversale devraient nous permettre d’avoir un « droit de tirage », si je puis dire, sur cette compétence, sans que nous ayons à demander l’autorisation à qui que ce soit. Le Parlement aurait ainsi un terrain d’expertise à sa disposition. Certains collègues disent que rien ne nous empêche aujourd’hui de saisir l’ADEME. C’est vrai, mais l’Agence peut avoir trop de travail ; elle peut avoir, en face de cette demande, une exigence de contractualisation avec des financements. Pour assurer notre mission de contrôle et de suivi des politiques publiques, nous devons disposer d’un outil d’évaluation. Sinon, cela signifie que l’on prive le Parlement de sa capacité d’expertise.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Jacob, rapporteur. Défavorable. Il y a confusion des genres. L’ADEME est un outil d’action. On le voit notamment dans les programmes de dépollution ou en matière de tri sélectif. On ne peut demander à une même agence, qui est l’un des bras armés de la politique publique, de faire à la fois de l’évaluation et de l’action. Cela me paraît ambigu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Ce que dit M. le rapporteur est d’autant plus vrai que l’ADEME joue un rôle opérateur de plus en plus important. Par exemple, elle gère le financement des démonstrateurs. Elle doit pouvoir être contrôlée également par la Cour des comptes et le Parlement. Ce n’est pas simplement un outil d’expertise ; c’est aussi un outil de l’action publique. En revanche, tout ce que vous avez dit de ses qualités est parfaitement vrai : c’est un outil qui nous est très envié. Nous venons d’ailleurs de signer une convention pour créer, avec l’ADEME, une ADEME de Russie. Cela dit, jamais aucun gouvernement ne s’est opposé à ce que des éléments techniques d’information ou d’expertise soient communiqués à la demande du Parlement ou d’un tiers.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Cela se fait !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Mais c’est un outil opérationnel et il ne faut pas mélanger les genres !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je crois que M. le rapporteur n’a pas compris mon amendement. Il ne s’agit évidemment pas de donner à l’ADEME un rôle d’évaluation, car c’est au Parlement de faire cette évaluation, mais nous avons besoin d’un outil d’expertise. Imaginons que nous auditionnions, en commission, des opérateurs dans le domaine de l’isolation, du chauffage électrique ou du chauffage tout court, pour savoir si les perspectives dans lesquelles nous nous inscrivons pour définir la norme dans les textes sont les bonnes ou pas. Ces différents opérateurs défendent leur bout de gras, et c’est normal, mais nous n’avons pas forcément la capacité, nous et nos administrateurs, de savoir si ce qui est dit au plan technique est juste ou pertinent. Voilà pourquoi nous vous proposons de nous permettre, de droit, de demander à l’ADEME et à ses experts de contribuer à l’analyse de cette audition des opérateurs pour nous donner leur point de vue technique au moment où nous cherchons à évaluer et à expertiser. Ils n’auront pas à évaluer à la place des parlementaires ; ils joueront un rôle d’expertise lorsque nous le leur demanderons. C’est tout ! En effet, M. le ministre ne me contredira pas, cet organisme est indépendant des différents lobbies qui existent aujourd’hui sur ce marché extrêmement convoité dans lequel tout expert privé est lié, peu ou prou, à un opérateur. Nous avons besoin d’une expertise indépendante que nous n’avons pas en interne, et ce n’est pas un reproche : on ne peut être expert en tout au Parlement ! En revanche, puisque nous avons la chance d’avoir un outil que différents pays nous envient, autant qu’il puisse être mis à la disposition du Parlement lorsque celui-ci veut exécuter sa mission de contrôle et d’évaluation, sachant que c’est bien lui qui l’accomplit. Avec cette précision, peut-être pourrez-vous partager mon point de vue, monsieur le rapporteur. Sinon, vous me décevrez beaucoup !

M. le président. Monsieur le rapporteur, l’enjeu est considérable ! (Sourires.)

M. Christian Jacob, rapporteur. En effet, cela m’ennuierait beaucoup de vous décevoir, monsieur Brottes ! J’entends bien les qualités que vous attribuez à l’ADEME – j’ai moi-même utilisé ses services pour établir mon rapport –, mais la rédaction de votre amendement pose problème, car il y est question de « sa mission d’évaluation des politiques publiques ». Laissons à l’ADEME son rôle d’opérateur ! Nous avons la possibilité de l’auditionner et de lui demander des informations chaque fois que nous le souhaitons. La rédaction que vous proposez créerait une confusion, car elle enferme l’Agence dans son rôle d’évaluation alors qu’elle est opérateur.

M. François Brottes. Mais non ! C’est de la mission d’évaluation du Parlement qu’il est question dans l’amendement !

(Les amendement nos 611 et n° 797, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements de la commission, nos 47 rectifié et 1444, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. Ces deux amendements reposent sur les mêmes principes : l’affectation des recettes fiscales et non fiscales, et la neutralité pour les finances publiques.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Jacob, rapporteur. Cet amendement s’explique par sa rédaction même : « L’État veille à ce que les ressources fiscales ou non fiscales liées à la mise en œuvre de la présente loi soient affectées à la réalisation des objectifs qu’elle a fixés. »

Nous entendons indiquer clairement que toutes les ressources liées à la mise en place de la loi seront affectées aux causes environnementales visées par celle-ci. On ne peut laisser dire que ce texte servira à alimenter telle politique ou à abonder les caisses de l’État pour une autre cause, ou encore que c’est une machine à distribuer des subventions. Restons sur le principe du Grenelle !

M. André Chassaigne. Ce n’est pas la première phrase de l’amendement qui pose problème, mais la seconde !

M. Christian Jacob, rapporteur. « Cette mise en œuvre doit respecter un principe de neutralité fiscale pour les finances publiques » N’est-ce pas une évidence ?

M. le président. Voulez-vous nous confirmer que l’adoption de l’amendement n° 47 rectifié ferait tomber l’amendement n° 1444 ?

M. Christian Jacob, rapporteur. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. L’amendement n° 47 rectifié pose un vrai problème, bien qu’il ne s’écarte pas réellement de la philosophie de la loi de finances initiale. Celle-ci, prévoit effectivement, sur trois ans, une affectation de fait des ressources fiscales et non fiscales – même si celle-ci doit être votée chaque année par le Parlement. Nous nous retrouvons donc sur certains principes. Pour autant, je ne crois pas que l’Assemblée puisse adopter un tel amendement.

Par ailleurs, qu’en sera-t-il des quotas d’émission ? Je comprends votre état d’esprit, et même je le partage, mais comment parler de neutralité globale ?

M. Patrick Ollier, président de la commission. L’amendement n° 1444 est mieux rédigé.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Sur les quotas d’émission, il n’est pas plus clair. Vous imaginez bien, monsieur le rapporteur, que j’approuve les principes que vous défendez, mais la rédaction de ces amendements appelle à être retravaillée.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est juste.

M. le président. Retirez-vous l’amendement n° 47 rectifié, monsieur le rapporteur ?

M. Christian Jacob, rapporteur. J’avais anticipé les difficultés que soulève l’amendement n° 47 rectifié, et déposé un amendement de repli, n° 1444. Celui-ci dispose que l’État étudiera les modalités selon lesquelles les ressources fiscales ou non fiscales liées à la mise en œuvre de la présente loi pourront être affectées à la réalisation des objectifs qu’elle a fixés. N’est-ce pas une évidence ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. C’est la deuxième phrase de l’amendement qui pose problème : « Cette mise en œuvre doit respecter un principe de neutralité pour les finances publiques ».

M. Christian Jacob, rapporteur. Dans ce cas, monsieur le président, je suis prêt à rectifier l’amendement n° 1444 en supprimant la seconde phrase.

M. le président. Je vous suggère de retirer l’amendement n° 47 rectifié, pour que nous débattions sur l’amendement n° 1444 ainsi rectifié.

M. Christian Jacob, rapporteur. J’accepte.

(L’amendement n° 47 rectifié est retiré.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 1444 rectifié ? À vrai dire, il ne me semble pas très respectueux des grands principes budgétaires…

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. En effet ! Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Philippe Tourtelier.

M. Philippe Tourtelier. Je me félicite que le rapporteur ait retiré la deuxième phrase de l’amendement n° 1444, à défaut de l’avoir retiré tout entier. En tout cas, il est intéressant que nous terminions la discussion sur les points sur lesquels nous l’avions commencée. La deuxième phrase…

M. le président. Elle est retirée !

M. Philippe Tourtelier. Je tiens à expliquer pourquoi le rapporteur a eu raison de le faire ! (Sourires.) Nous avions commencé la discussion en évoquant ce qui nous séparait dans nos convictions et nos principes. Or la deuxième phrase de l’amendement délivrait un message extrêmement négatif. Que disait-elle ? Que l’État ne consentirait aucun effort, bien qu’il y ait urgence, mais qu’il l’imposerait aux autres, au nom du principe de neutralité fiscale. Tout à l’heure, vous avez refusé le principe d’une étude d’impact sur les collectivités territoriales, les ménages et les entreprises. En outre, tout l’après-midi, nous avons vu que vous étiez encore prisonnier du dogme néolibéral selon lequel il faut baisser les impôts. Je vous rappelle qu’il s’agit en fait de contributions, qui correspondent à des valeurs ! Tout à l’heure, on nous a sommés d’abandonner l’idéologie, pour revenir à des valeurs de justice. Mais qu’est-ce que la justice ? Le bouclier fiscal ? C’est au contraire une injustice notoire ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vous rappelle que votre critique porte sur une phrase qui a été retirée de l’amendement !

M. Philippe Tourtelier. Je pense que mon intervention fait avancer les débats, puisqu’elle permet de faire le point sur ceux qui se sont déjà déroulés.

M. le président. J’en doute !

M. Philippe Tourtelier. Quand on parle du niveau des prélèvements obligatoires, on reste dans le quantitatif. Si l’on examine leur répartition, on aborde la question de la justice. Si l’on réfléchit sur les usages, on est dans le qualitatif. Tous nos débats ont montré qu’il faut abandonner le principe de la neutralité fiscale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. J’avais déposé un amendement libellé dans les mêmes termes que le n° 1444 rectifié, et il n’avait pas été déclaré recevable ! Comment fonctionne donc notre Assemblée, pour que le même amendement que le mien, déposé par la majorité, puisse arriver en discussion ?

Voici l’argument que j’avais développé : si l’on accorde un milliard de plus à la recherche, il est évident que c’est parce que le Gouvernement l’a décidé. C’est pourquoi, monsieur Jacob, je vous conseille de retirer votre amendement : c’est au Parlement de contrôler le Gouvernement. S’il veut qu’une politique soit menée, c’est à lui à l’indiquer, autrement que par le biais d’une mesure sur l’affectation des ressources fiscales et non fiscales.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Résumons la philosophie du Gouvernement : il veut bien commander la musique, mais surtout pas payer les pipeaux !

M. Yves Cochet. Belle image !

M. François Brottes. Nous terminons en fanfare ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Alain Gest.

M. Alain Gest. Cet amendement, qui est loin d’être neutre, mériterait d’être examiné plus longuement. C’est pourquoi je suis partisan d’écouter la proposition de M. le ministre. Il serait en effet dommage d’entrer en contradiction avec les propos de Mme la secrétaire d’État, qui a clairement indiqué que les mesures décidées dans le cadre de la loi n’entraîneraient pas d’augmentation de la fiscalité. Or la deuxième phrase de l’amendement ne dit rien d’autre. Prenons le temps de la réflexion. Le ministre a rappelé qu’il y aurait quatre lectures de ce texte ; nous aurions tout à gagner à étudier ce point plus calmement.

M. le président. Monsieur le rapporteur, je vous suggèrerais de retirer l’amendement n° 1444 rectifié, qui est contraire à une règle élémentaire de finances publiques.

M. Christian Jacob, rapporteur. Le vrai problème est de faire accepter ce projet de loi à nos concitoyens. Or la question du financement a été évoquée à plusieurs reprises. Certaines suspicions s’étant manifestées, il ne me semble pas inutile de rappeler quelques principes, comme Mme la secrétaire d’État l’a fait elle-même. On sait, par exemple, que la taxe sur les poids lourds sera affectée à l’AFITF.

J’entends l’argument de M. Gest. Je suis prêt à rediscuter sur ce point. Mais il faut tenir bon si nous voulons être cohérents. Pour mener une politique dynamique en matière de développement durable, il faut s’en donner les moyens et être clair sur l’affectation des financements. C’est ce à quoi visait cet amendement. Cela dit, je ne suis pas sourd aux arguments du ministre et de M. Gest…

M. le président. L’amendement est-il retiré ?

M. Christian Jacob, rapporteur. Un instant, monsieur le président ! Je pense réellement que l’amendement n° 1444 rectifié répond à la préoccupation de M. Gest. Dans le cadre de la navette, nous aurons l’occasion d’enrichir ou de modifier cette rédaction.

M. le président. Je prends acte que l’amendement n’est pas retiré.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Je suggère au rapporteur de retirer cet amendement pour deux raisons. Tout d’abord, il heurte ce principe de base de nos finances publiques : la non-affectation des recettes fiscales. Il ne résiste donc pas à l’analyse. D’autre part, je croyais avoir compris certaines choses, à l’issue des deux premiers jours de débat : Mme la secrétaire d’État a parlé d’une étude d’impact et de 19 milliards d’euros d’autorisations de programme et 7 milliards d’autorisations d’engagement. Cet amendement vient tout brouiller.

M. le président. Souhaitez-vous à présent retirer votre amendement, monsieur le rapporteur ?

M. Christian Jacob, rapporteur. Oui, monsieur le président.

(L’amendement n° 1444 rectifié est retiré.)

(L’article 1er, modifié par les amendements adoptés, est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :

Suite du projet de la loi sur la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quinze.)