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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Première séance du vendredi 12 décembre 2008

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Catherine Vautrin

1. Communication audiovisuelle et nouveau service public de la télévision

Discussion des articles (suite)

Article 18 (suite)

Amendement no 705 rectifié

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Amendements nos 590 à 597, 581 à 571, 589 à 582, 704, F97, 233, 234, 235, 236, 237, 238, 239, 706, 635, 610, 530 à 552, 559, 560

Mme Aurélie Filippetti

Amendements nos 458, 460, 461, 463, 464, 570, 569, 568, 567, 99, 630, 99, 874 (sous-amendement), 875 (sous-amendement), 877 (sous-amendement), 878 (sous-amendement), 881 (sous-amendement), 882 (sous-amendement), 868 (sous-amendement), 867 (sous-amendement), 869 (sous-amendement), 873 (sous-amendement)

2. Ordre du jour de la prochaine séance


Présidence de Mme Catherine Vautrin,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Communication audiovisuelle
et nouveau service public de la télévision

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. (nos 1209, 1267).

Discussion des articles (suite)

Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 705 rectifié à l’article 18.

Article 18 (suite)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 705 rectifié.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Je pense que la suppression de la publicité en fonction des plages horaires, vingt heures-six heures ou six heures-vingt heures, n’est pas une initiative heureuse. Mon groupe l’a déjà dit.

En effet, un tel découpage horaire fausse la concurrence. Dans la tranche vingt heures-six heures, qui est un créneau commercial, plutôt avec une cible adulte, il n’y aura plus personne en face des chaînes privées, qui ne se priveront pas d’augmenter leurs tarifs. En revanche, la concurrence sera exacerbée dans la tranche entre dix-sept heures et vingt heures. Cela a déjà commencé : les prix des spots publicitaires sont à la hausse après vingt heures, et à la baisse avant.

La première conséquence de ce découpage qui n’est pas heureux, c’est donc de fausser la concurrence. Une telle évolution menace la réalisation de l’objectif de 200 millions d’euros de recettes publicitaires fixé à France Télévisions dans le créneau avant vingt heures. La concurrence est faussée. C’est le premier argument contre l’article 18.

Le second argument est encore plus décisif : un tel découpage va, mécaniquement, surcharger de publicités le créneau entre dix-sept heures et vingt heures, y compris sur les chaînes privées, alors que ce sera le seul créneau disponible pour les chaînes de l’audiovisuel public pour passer de la publicité avec une réelle rentabilité commerciale. Cela aura des incidences sur les programmes de cette tranche horaire familiale. On a ainsi déjà évoqué la suppression de la reprise des titres nationaux sur France 3. Un volume publicitaire excessif dans ce créneau, non seulement sur les chaînes privées mais aussi sur les chaînes publiques, c’est l’inverse de ce qui était recherché, à savoir libérer l’audiovisuel public de la publicité.

Existe-il d’autres chemins ? La réponse est oui.

M. Patrice Martin-Lalande. Des chemins de traverse ! (Sourires.)

M. Jean Dionis du Séjour. Ainsi, le rapporteur a été bien inspiré de rappeler que Radio France était diffusée sans publicités, car il n’y a pas de créneau horaire publicitaire. Une approche différenciée par chaîne était donc possible.

Cet amendement vous propose un chemin…

M. Franck Riester. Centriste !

M. Jean Dionis du Séjour. …constitué de plusieurs étapes : tout d’abord, quel que soit le créneau horaire, la suppression de la publicité durant tous les programmes nationaux de France 3, France 4 et TV 5, et son maintien sur France 2 ; ensuite, à partir du 20 novembre 2011, une suppression totale de publicité, à l’exception des programmes locaux. France 2 serait ainsi dans une situation de concurrence réelle, équitable et non faussée. À cet égard, le découpage proposé par le projet de loi présente donc des défauts majeurs.

Je termine en indiquant qu’un de nos amendements, adopté par la commission mais déclaré irrecevable en application de l’article 40, visait à résoudre le problème de la publicité des produits génériques. Si l’on veut supprimer la publicité, au moins, faisons-le bien, et ne tombons pas dans le travers qui serait de maintenir la distinction entre publicité commerciale et publicité pour les produits génériques. Nous allons avoir un long débat à ce sujet. En effet, le projet de loi maintient la publicité pour les produits génériques. Or je souhaite beaucoup de courage à ceux qui parviendront à faire la distinction, autrement dit à interdire la publicité à France Prunes, mais à l’autoriser pour les pruneaux d’Agen ! C’est un vice majeur dans ce texte de loi. La commission et Jean-François Copé étaient d’accord avec nous sur ce point. C’est à vous, madame la ministre, de lever l’obstacle de l’article 40 pour nous permettre de corriger ce grave défaut.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Kert, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public et le projet de loi sur le service public de la télévision, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 705 rectifié.

M. Christian Kert, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public et le projet de loi sur le service public de la télévision. Un mot, au préalable : madame la ministre, nous sommes ravis de vous voir ici depuis trois semaines. Peut-être aurons-nous le plaisir d’aborder avec vous une quatrième semaine.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Ah oui ? Why not ! (Sourires.)

M. Christian Kert, rapporteur. Nous vous remercions de votre constance.

Monsieur Dionis du Séjour, je tiens à préciser que Jean-François Copé n’avait pas été catégorique, lors des travaux en commission, en ce qui concerne l’autorisation de la publicité des produits génériques.

M. Jean Dionis du Séjour. Ah si !

M. Christian Kert, rapporteur. Il avait indiqué qu’il cherchait à comprendre quelles étaient nos logiques respectives, et il s’était alors rangé à une proposition que vous aviez formulée.

La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement car, quelle que soit la qualité du chemin proposé par notre collègue Jean Dionis du Séjour, il est impossible de remettre en cause ce qui est plus qu’un chemin, mais une véritable autoroute dans la construction de la réforme, c’est-à-dire la suppression de la publicité. Cette suppression nous paraît être le corollaire du bon fonctionnement de ce projet de loi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 705 rectifié.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Avis défavorable, bien sûr, entre autres raisons parce que l’amendement vise à rétablir la notion de « service France 2 » alors qu’elle n’a plus sa place dans le nouveau dispositif. Sur le fond, il n’y a pas de créneau horaire idéal : on peut toujours dire que l’heure précise prévue pour la suppression de la publicité n’est pas la meilleure. Mais je pense que c’est tout à fait significatif de la supprimer le soir, entre vingt heures et six heures du matin. Le déferlement annoncé…

M. Jean Dionis du Séjour. Un déluge, madame la ministre !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. …sur les chaînes privées est tout à fait improbable, compte tenu de la crise du marché publicitaire. De plus, je rappelle que les chaînes privées ne seront nullement obligées d’utiliser toutes les possibilités qui leur sont données.

M. Jean-Marie Le Guen. Bien sûr, vous pensez bien !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Elles auront, elles aussi, des soucis de concurrence, surtout quand le service public sans publicité sera devenu à ce point attractif qu’il attirera massivement les téléspectateurs autour de programmes de qualité.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je soutiens l’amendement défendu par notre collègue Jean Dionis du Séjour.

Quant à la date à laquelle devrait commencer l’application de la suppression de la publicité, il n’y a pas besoin d’aller chercher très loin pour savoir pourquoi celle du 5 janvier a été choisie : il suffit de se référer au Libre blanc de TF1, qui semble être devenu la Bible du Président de la République. Celui-ci a donc pris cette décision unilatérale, sans consulter personne, ce qui a plongé le service public de l’audiovisuel dans de grandes difficultés. Rappelons que son résultat, qui était positif de 29 millions d’euros, est devenu, depuis l’annonce présidentielle, déficitaire à hauteur de 80 millions à 100 millions d’euros. On ne peut pas dire que l’audiovisuel public va commencer l’année dans les meilleures conditions.

Nous, sur les bancs de l’opposition, nous regrettons, tout comme M. Jean Dionis du Séjour, le fait que vous ayez voulu faire une entreprise unique et un guichet unique. Nous n’étions pas contre le principe de l’entreprise unique, mais à condition qu’elle préserve la spécificité et la couleur de chacune des chaînes, ce qui renforce le bouquet culturel qu’offre le service public de l’audiovisuel. Madame la ministre, je vous renvoie à la tribune qu’a publiée, hier, le bureau de la société des journalistes de France 2. De plus, je rappelle que, pour les journalistes, cette réforme est considérée « […] comme une catastrophe programmée. La télévision publique n’aura plus la capacité de résister au pouvoir du Chef de l’État, ni les moyens de vivre ».

Vous avez dit qu’il ne fallait plus parler de France 2. Mais je vous signale qu’elle existe toujours et qu’elle est en charge de produire et de diffuser des documentaires, des films de fiction, des créations audiovisuelles, et aussi d’informer les Français. Vu la situation, voici ce qui est dit à la rédaction de France 2 : « On nous demande de serrer la ceinture. La grande blague, c’est : “On ne sort plus du périph”. On fait des demandes de tournage, et on nous répond : “non” ». Écoutez bien, madame la ministre : « On nous dit de faire appel aux correspondants ou de prendre les images de France 3.


Les économies se font sur les 18 à 20 % du budget de la rédaction qui sont consacrés aux tournages. Pour la Grèce, on est parti un jour trop tard. » Cela signifie que la situation économique gravissime dans laquelle se trouve le service public de l’audiovisuel, et en particulier la première de ses grandes chaînes généralistes, rejaillit sur l’information. Ces économies, la fragilité et la vulnérabilité de ces chaînes depuis les déclarations du Président de la République, portent atteinte au droit à l’information.

Aussi longtemps que ce sera nécessaire, nous répéterons que cette réforme est examinée et votée dans la précipitation, afin d’appliquer la décision unilatérale d’un Président de la République qui a voulu faire un coup politicien et surtout bien servir, bien gaver ses copains de l’audiovisuel privé. Cette bagarre que nous menons sur l’article 18 nous semble absolument nécessaire et vitale pour sauver le service public.

(L’amendement n° 705 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 590 à 597, 581 à 571, 589 à 582, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

La parole est à M. Marcel Rogemont pour défendre l’amendement n° 590.

M. Marcel Rogemont. Mme la ministre nous promet des programmes attractifs, sans publicité. Diable ! Les programmes ne seraient attractifs qu’en l’absence de publicité ? Cela n’est pas courtois pour France Télévisions qui, publicité ou pas, propose des programmes attractifs et fait un travail de qualité. Contrairement à l’idée reçue, il existe une différence entre télévision publique et privée ; elle s’est même accentuée au cours des dernières années. Alors que je n’étais pas a priori très satisfait de la nomination du président Patrick de Carolis – pour des raisons de forme et non de fond –, je reconnais que toute son action a été guidée par la recherche d’une singularité du service public. Force est de constater que des progrès considérables ont été réalisés. Madame la ministre, il faut regarder France Télévisions de temps en temps, pas seulement TF1. Vous verrez la différence ; vous constaterez que la publicité n’empêche pas l’existence de programmes de qualité.

Naturellement, je ne vais défendre l’existence de la publicité sur France Télévisions. La question n’est pas : « pour ou contre la publicité sur France Télévisions ? » Ceux qui posent le débat en ces termes ne sont que de faux vertueux qui dressent un rideau de fumée pour masquer leur réel objectif : transférer la publicité et l’argent qu’elle draine vers des entreprises privées – TF1 et M6 en particulier. Pour compenser cette perte de ressources pour France Télévisions, on lève l’impôt. Dans ce domaine, le Gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre, est expert : il redouble d’imagination pour créer quasiment une nouvelle taxe par semaine.

On ne peut donc pas laisser entendre que la suppression de la publicité sur France Télévisions va apporter la qualité, d’un seul coup, alors qu’avant c’était le désastre. C’est inadmissible, et j’espère que vous ne nous ferez pas ce genre de commentaires en réponse à nos prochains amendements sur le sujet.

Avec les mesures prévues par cet article, on place France Télévisions dans une situation difficile. Comment voulez-vous que le service public puisse concurrencer TF1 et M6 sur le créneau de dix-neuf heures quarante-cinq à vingt heures ? France 3 a déjà supprimé le rappel des titres à dix-neuf heures cinquante-cinq pour disposer d’un espace de publicité. Que va-t-il se passer à partir du 5 janvier ? Les tarifs publicitaires vont baisser juste avant vingt heures et remonter ensuite. Dans ce climat de concurrence exacerbée, France Télévisions ne luttera pas à armes égales.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Rogemont.

M. Marcel Rogemont. J’y reviendrai à l’occasion d’un autre amendement…

M. Patrice Martin-Lalande. Mettez-en un peu de côté !

M. Marcel Rogemont. …mais j’insiste : d’un seul coup, entre dix-neuf heures quarante-cinq et vingt heures, nous allons assister à une concurrence exacerbée entre les télévisions privées et publiques qui nuira au financement de France Télévisions.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche, pour défendre l’amendement n° 591.

M. Patrick Bloche. Depuis hier soir, nous essayons de convaincre nos collègues de la majorité de la nocivité de cette décision unilatérale prise par le Président de la République, il y a presque un an, de supprimer la publicité sur France Télévisions. C’est une mesure anachronique dont les graves conséquences sont amplifiées par la crise financière et la récession économique actuelle.

Dans cette affaire, l’opposition ne défend aucune position idéologique ou dogmatique.

M. Patrice Martin-Lalande. Cela tombe bien : nous non plus !

M. Patrick Bloche. Je pense que le dogmatisme se situe de l’autre côté de l’hémicycle. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gaël Yanno. Les bons d’un côté, les méchants de l’autre !

M. Patrick Bloche. Vous avez fait de la suppression de la publicité sur France Télévisions une sorte de dogme présidentiel, tombé telle une bulle pontificale le 8 janvier 2008. Nous constatons que vous avec beaucoup de mal à le justifier, comme le montrent les interventions de notre collègue Jean Dionis du Séjour pour le Nouveau Centre, ou les déclarations publiques de MM. Édouard Balladur et Gilles Carrez ou d’autres membres du groupe UMP.

Vous êtes constamment sur la défensive, d’autant plus que cette décision n’a pas été prise il y a deux mois mais en janvier 2008, à une époque où personne n’anticipait la crise financière de septembre et la récession économique qui a suivi. Je voudrais vous persuader que notre position n’a rien de dogmatique ou d’idéologique. Ce qui nous obsède – oui cela nous obsède ! – c’est la pérennité du financement de l’audiovisuel public. Nous considérons que lui retirer ses ressources publicitaires en ce moment, c’est le plus mauvais choix que l’on pouvait faire.

M. Patrice Martin-Lalande. Au contraire ! Les recettes publicitaires sont les plus fragiles !

M. Patrick Bloche. Les effets de ce choix que l’on peut même qualifier d’antiéconomique ont été amplifiés par la décision de retenir le 5 janvier 2009 – alors que la commission Copé avait préconisé le 1er septembre 2009 – comme date d’entrée en vigueur de la mesure. Nous avons d’ailleurs défendu plusieurs amendements, hier soir, pour tenter de repousser cette date.

L’amendement que je défends ici vise à prendre une autre dimension du problème : nous n’avons eu aucun réel échange de nature démocratique sur le choix de la tranche horaire – entre vingt heures et six heures du matin – qui sera privée de publicité à partir du 5 janvier prochain. De façon très pertinente, nombre d’entre nous ont fait remarquer que le jeune public est dans les bras de Morphée après vingt heures, et qu’il aurait été plus audacieux de proposer une suppression de la télévision en début de matinée, entre six heures et huit heures trente, au moment où beaucoup d’enfants regardent la télévision avant d’aller à l’école. D’où ces amendements qui visent à bouger les lignes sur les horaires de suppression de la publicité à partir du 5 janvier 2009.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen pour défendre l’amendement n° 592.

M. Jean-Marie Le Guen. Je voudrais revenir sur les principes qui animent cette décision brutale du Président de la République, et le message que vous envoyez à nos concitoyens. Mes collègues ont abordé l’aspect économique, mais sur le plan des valeurs, de l’idéologie, à quoi correspond la suppression de la télévision sur les chaînes publiques ?

M. Christian Kert, rapporteur. De la publicité, pas de la télévision !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. La télévision, nous voulons la conforter, au contraire !

M. Jean-Marie Le Guen. Je ne suis pas le seul à faire ce lapsus ! Cela signifie bien que nombre d’entre nous ont la forte conviction que, au-delà de la publicité, c’est de la télévision publique dont il s’agit.

Qu’est-ce qui fonde ce discours anti-publicitaire du Président de la République ? Dans le domaine culturel, traditionnellement et notamment à gauche, la publicité et les actions commerciales sont considérées avec beaucoup de scrupules et même d’inquiétudes. Est-ce que le Président de la République et votre majorité relaient ce discours, voire cette démagogie anti-publicitaire qui consiste à considérer la publicité comme quelque chose de négatif, comme un poids pesant sur la liberté de création ?

Cette première version est véhiculée par le discours gouvernemental, de façon très étonnante : au nom d’un certain purisme, ce qui relève de l’action de l’État devrait être exempt de toute pression commerciale ; on laisserait aux chaînes privées le monopole de l’utilisation du commerce et de l’argent de la publicité.

Autre version, plus traditionnelle et plus raffinée dans la critique : le refus de la course à l’audimat. Ce discours, plus sophistiqué sur le plan culturel, revient à dire que le problème ne tient pas tant à la présence de la publicité sur les chaînes, qu’à l’audimat.


On préfère, dit-on, des produits culturellement plus aboutis, n’ayant pas vocation à prendre des parts de marché importantes et faisant fi de l’audimat. Ce discours a sa cohérence. Est-ce le vôtre, madame la ministre ? Si la majorité, en tout cas, se montre globalement hostile à la publicité, c’est que sa stratégie est commerciale et économique : elle vise à baisser l’audimat des chaînes publiques afin d’en dégager mécaniquement pour les chaînes privées. On comprend mieux, dès lors, le modèle économique qui vous inspire : la marginalisation du service public au profit du secteur privé.

Bref, ce n’est pas seulement d’un détournement de la manne publicitaire qu’il s’agit,…

Mme la présidente. Merci de conclure.

M. Jean-Marie Le Guen. …mais aussi d’un transfert de l’audience du public vers le privé. Voilà bien, à nos yeux, le point essentiel de votre stratégie pour l’audiovisuel.

M. Patrice Martin-Lalande. On vous a connu plus inspiré, monsieur Le Guen !

Mme la présidente. Merci, monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Nos amendements visent donc à limiter les effets mortifères de vos intentions pour le service public de l’audiovisuel.

Mme la présidente. La parole est à Mme Aurélie Filippetti.

Mme Aurélie Filippetti. On a l’impression que le Gouvernement veut appliquer à France Télévisions, en y supprimant la publicité, la règle de la décroissance tendancielle du taux de profit, que Karl Marx voyait à l’œuvre dans le capitalisme (Murmures sur les bancs du groupe UMP) : c’est quand même un comble que ce soient le Gouvernement et le pouvoir sarkozyste qui l’organisent !

Rappelons que, contrairement à ce que nos collègues de l’UMP ont soutenu avec beaucoup de mauvaise foi, personne ne demandait la suppression de la publicité, et certainement pas nous.

M. Patrice Martin-Lalande. Vous l’avez en partie supprimée en 2000 ! C’était un beau cadeau au privé !

Mme Aurélie Filippetti. En 2000, le Gouvernement de Lionel Jospin a diminué la publicité sur l’ensemble des chaînes : ça, c’était cohérent. Si, comme le suggère l’exposé des motifs du projet de loi, la publicité « clive », pousse à l’audimat et affecte la qualité de la production audiovisuelle, bref, si elle est nocive pour nos concitoyens, c’est sur l’ensemble des chaînes qu’il faut la limiter, ou, comme nous le proposons, l’interdire pendant les émissions destinées aux enfants afin de protéger ceux-ci, notamment du matraquage pour les produits alimentaires.

Il n’est donc pas cohérent de supprimer la publicité sur les seules chaînes de France Télévisions, sinon pour affaiblir structurellement son financement. Le Gouvernement nous reproche de fragiliser France Télévisions en faisant durer les débats, mais l’argument est pour le moins pervers : c’est bien votre projet de loi qui empêchera France Télévisions d’assumer ses missions et de proposer des programmes de qualité, puisqu’elle aura moins d’argent pour le faire.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est faux !

Mme Aurélie Filippetti. Le plan d’affaires pour 2009-2012 révèle d’ailleurs son extrême affaiblissement financier, ce qui ne laisse pas de nous inquiéter pour son avenir. Les économies d’échelle ou les plans sociaux annoncés par un collègue de la majorité ne suffiront pas : on le sait bien, la diminution des ressources affectera la qualité des programmes.

M. Patrice Martin-Lalande. Positivement !

Mme Aurélie Filippetti. On sait aussi que l’État ne compensera pas intégralement les pertes et que le financement ne sera pas pérenne, contrairement à celui de la BBC. La situation financière est donc à la fois instable et anxiogène…

M. Patrice Martin-Lalande. Elle n’a jamais été aussi sûre !

Mme Aurélie Filippetti. …pour les personnels de France Télévisions, c’est-à-dire pour ceux qui ont la charge de faire une télévision publique de qualité.

C’est pourquoi nous estimons que la suppression de la publicité sur les chaînes du service public est non seulement injuste mais aussi périlleuse du point de vue économique et culturel.

Mme la présidente. Je pense que notre assemblée est éclairée sur les quatre amendements suivants.

M. Patrice Martin-Lalande. Elle est même éblouie !

M. Marcel Rogemont. Madame la présidente !

Mme la présidente. Rapidement, monsieur Rogemont…

M. Marcel Rogemont. Juste un mot, madame la présidente, car je veux souligner un point essentiel.

Nous sommes favorables à la suppression de la publicité présidentielle – le Président de la République étant omniprésent sur France Télévisions, entre autres –, car cela permettrait de dégager du temps pour des émissions culturelles.

Selon Le Figaro du 11 décembre, le Président ose ainsi une métaphore royaliste :…

M. Pierre Lequiller. Vous voulez dire de Ségolène Royal ? (Sourires.)

M. Patrice Martin-Lalande. Quel est le rapport avec les amendements ?

M. Marcel Rogemont. …« Les Français adorent quand je suis avec Carla dans le carrosse mais en même temps ils ont guillotiné le roi. » Le Président Sarkozy n’aime pas La Princesse de Clèves, mais s’imagine volontiers à la télévision, à bord d’un carrosse, pour saluer la piétaille ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Marie Le Guen. Voilà une belle idée de série pour TF1 !

M. Marcel Rogemont. Pourriez-vous, mesdames et messieurs les huissiers, transmettre cet article à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement ? (À la demande de M. Rogemont, l’article est transmis à M. le secrétaire d’État.)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Je l’ai déjà lu !

M. Marcel Rogemont. Pourquoi ne pas plutôt s’attaquer au temps de parole du Président de la République, qui bénéficie d’une sempiternelle publicité dans les médias ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Cela n’a rien à voir avec le débat.

M. Marcel Rogemont. Si, madame la ministre.

Nous aurions préféré que l’on propose une réduction de la durée des écrans publicitaires – de six minutes à cinq, par exemple –, plutôt qu’une suppression entre 20 heures et six heures du matin, laquelle est une erreur économique. C’est la concurrence avec TF1 et M6, entre autres, qui motive que l’on s’en prenne aux ressources publicitaires de France Télévisions.

Il conviendrait enfin de préciser, comme l’a suggéré M. Dionis du Séjour, ce que l’on entend par « messages publicitaires autres que ceux pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique ». Ce sera le brie de Meaux pour le président Copé et le pruneau d’Agen pour d’autres ! Même sans nom de marques, les messages d’information qui remplaceront les spots publicitaires risquent fort d’écorner la vertu – si tant est qu’il y en a une – de la suppression de la publicité.

Mme la présidente. Merci, monsieur Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Mais, je le répète, si l’on pouvait supprimer la publicité présidentielle, ce serait une bonne chose.

Mme la présidente. Nous pouvons considérer, je pense, que M. Rogemont a défendu les amendements nos 594 à 597…

M. Patrick Bloche. Madame la présidente !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Nous souhaitons nous exprimer sur tous les amendements jusqu’au n° 582, à savoir sur l’ensemble de la liasse qui a été distribuée.

Mme la présidente. C’est moi qui appelle les amendements, monsieur Bloche ; en l’occurrence, ceux qui sont en discussion pour l’instant vont jusqu’à l’amendement n° 597.

M. Patrick Bloche. La liasse que nous avons entre les mains comprend tous les amendements jusqu’au n° 582, madame la présidente. Pour la bonne organisation de nos débats, je vous propose donc d’éviter tout rappel au règlement fondé sur l’article 58-1 et de discuter des amendements de cette liasse.

M. Benoist Apparu. En somme, vous allez faire de l’obstruction d’une autre manière !

M. Patrick Bloche. Mon pauvre ami, vous n’avez rien compris.

Mme la présidente. Monsieur Bloche, veuillez poursuivre.

M. Benoist Apparu. Pour qui se prend-il ? On a parfaitement compris qu’il voulait faire de l’obstruction !

M. Patrick Bloche. Je vous propose, disais-je, que M. Le Guen, Mme Filippetti et moi-même nous exprimions sur les amendements jusqu’au n° 582.

Mme la présidente. Allez-y, monsieur Bloche.

M. Patrick Bloche. Merci, madame la présidente.

Sans remonter à Mathusalem, après 1981, le Président Mitterrand et le ministre de la communication, Georges Fillioud, ont libéré les ondes, ce qui a permis, outre l’essor des radios libres, de couper le cordon ombilical entre le pouvoir exécutif et la direction de l’audiovisuel public, cordon que vous avec d’ailleurs recousu avec les articles 8 et 9 du présent texte. Et depuis 1988, les socialistes n’ont jamais non plus proposé dans leur programme, que ce soit pour les élections législatives ou présidentielles, la suppression totale de la publicité dans l’audiovisuel public.

Sur ce sujet nous n’avons pas, contrairement à vous et au Président de la République, de position dogmatique ou nostalgique – puisque la nostalgie de la télévision en noir et blanc, des Dossiers de l’écran ou de Thierry la Fronde semble avoir inspiré l’annonce du 8 janvier dernier.

M. Noël Mamère. Rintintin, c’était bien aussi ! (Sourires.)

M. Patrick Bloche. Notre seule obsession, dont témoignent toutes nos interventions, est d’assurer un financement pérenne à l’audiovisuel public.

En 2000, alors que Catherine Tasca était ministre de la culture et de la communication du Gouvernement de Lionel Jospin, nous avions ainsi voté, dans la dernière grande réforme de l’audiovisuel français, une disposition visant non à supprimer la publicité, mais en réduire la durée à huit minutes par heure, pour le public comme pour le privé.


Mes chers collègues de la majorité, sortez de cette position dogmatique, n’ayez, comme nous, qu’une obsession, à savoir le financement pérenne de l’audiovisuel public, et abordez la question de la réduction éventuelle et progressive de la publicité sur France Télévisions à l’aune de son financement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur Karoutchi, comme j’imagine que vous avez participé à la réunion des députés UMP, j’aurais souhaité savoir si les propos prêtés à Nicolas Sarkozy et rapportés dans la presse au sujet du carrosse sont exacts, car la vision qu’a le Président de la République de lui-même nous inquiète quelque peu. Quant à la seconde partie de sa phrase concernant la guillotine, nous avons été choqués par cette perspective. Est-il possible d’envisager le rapport au pouvoir de cette façon et quelles conséquences cela aurait-il sur le fonctionnement de l’audiovisuel public ?

Vous aurez noté que, tout à coup, subrepticement, sortant de son carrosse, le Président de la République a décidé qu’il nommerait lui-même le président de France Télévisions, alors que la commission Copé avait envisagé qu’il soit nommé par le CSA. Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, que nous sollicitions vos lumières, car nous aimerions savoir dans quel contexte culturel le Président de la République, dont M. Rogemont me dit à l’instant que c’est un nouveau royaliste (Sourires), exerce son mandat.

Les amendements que nous vous présentons sont en rapport avec le modèle économique que vous nous proposez pour France Télévisions. Tout à l’heure, j’ai interrogé Mme la ministre sur le modèle culturel et son rapport à la publicité, mais elle ne veut pas allonger les débats. Pourtant, moins elle nous répond et plus nous sommes tentés de l’interpeller. Si le Gouvernement répondait à nos questions, nous perdrions moins de temps à les réitérer. M. Karoutchi, qui a une grande expérience des relations parlementaires, pourrait peut-être conseiller à sa collègue de répondre de temps en temps aux parlementaires de l’opposition, ce qui les laisserait cois.

Aussi, madame la ministre, pourquoi accordez-vous tant de crédit à un discours anti-publicitaire un peu simpliste, question qui motive les amendements que nous vous présentons ?

Mme la présidente. Monsieur Le Guen, veuillez conclure.

M. Jean-Marie Le Guen. C’est ce que je vais faire, madame la présidente.

Alors que notre pays est dans une situation financière catastrophique, qui peut croire que le budget de la France peut se permettre de dépenser 450 millions d’euros supplémentaires pour répondre aux caprices anti-publicitaires de la majorité ? Pouvez-vous vous engager à ce que le budget de France Télévisions ne sera jamais en déficit ?

M. Benoist Apparu. Sans rapport avec l’amendement !

Mme la présidente. La parole est à Mme Aurélie Filippetti.

Mme Aurélie Filippetti. Notre amendement vise à déplacer l’horaire de la coupure de la publicité qui doit intervenir le 1er janvier prochain. En effet, la fixation de l’interruption de la publicité à vingt heures a des effets de seuil extrêmement nocifs sur la fixation des prix des publicités avant et après cette heure.

Depuis l’annonce du Président de la République, on a déjà constaté que les recettes de France Télévisions se sont effondrées et que TF1 a commencé à baisser ses tarifs publicitaires sur la plage horaire avant vingt heures et ainsi fait du dumping pour capter le marché publicitaire à ce moment-là. En revanche, après vingt heures, les chaînes privées comme TF1 et M6 se retrouvant en situation d’oligopole, elles peuvent augmenter leurs tarifs, ce qui leur permet de financer ce dumping qu’elles exercent avant vingt heures.

Ainsi, France Télévisions est condamnée à la double peine puisque non seulement elle perdra les recettes publicitaires de la plage horaire après vingt heures mais, de surcroît, elle verra ses recettes publicitaires avant vingt heures diminuer du fait de la concurrence et du dumping sur les prix pratiqués par les chaînes privées.

Voilà pourquoi nous estimons que la compensation de 450 millions d’euros fixée par l’État est insuffisante, cette somme ayant été décidée alors que les recettes publicitaires avaient déjà baissé en raison de l’anticipation par les acteurs du marché publicitaire des mesures annoncées par le Président de la République.

J’ajoute que ceux qui bénéficieront le plus de cette nouvelle manne publicitaire, n’en déplaise à M. Martin Bouygues qui versait hier, dans le journal Les Échos, des larmes de crocodile, c’est bien TF1 qui va capter 60 % du marché publicitaire qui allait auparavant au service public, c’est-à-dire 327 millions d’euros, contre 55 % actuellement, et M6, qui devrait engranger 127 millions d’euros et porter sa part à 25 %. Quant à Canal +, il devrait capter 5 %.

On le voit, ces mesures sont loin d’être anodines et dictées par un objectif d’éducation populaire et de meilleure qualité des programmes, comme le prétend l’exposé des motifs du projet de loi. Votre objectif fondamental est exclusivement économique et programmé dans le Livre blanc de TF1 qui a été remis au Président de la République en décembre 2007. Il s’agit de permettre de renflouer les caisses publicitaires de TF1, en tout cas de les faire grossir encore, au détriment du service public de la télévision.

En conclusion, je citerai Nicolas Sarkozy qui déclarait, en février 2007, dans L’Express : Je préfère un petit peu plus de publicité sur les chaînes publiques pour financer des programmes de qualité.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements.

M. Marcel Rogemont. Le rapporteur pourrait commenter les propos de Nicolas Sarkozy !

M. Christian Kert, rapporteur. La commission est très défavorable à ces amendements.

La publicité doit être supprimée à partir de vingt heures ; tel est le postulat de départ, tant des travaux de la commission Copé, que du texte. Toutes les variantes qui nous sont proposées n’entrent pas dans cette logique.

Certains orateurs ont dit qu’ils avaient des obsessions.

M. Noël Mamère. L’obsession du service public !

M. Christian Kert, rapporteur. En effet, ils sont obsédés par le fait que les chaînes privées vont recevoir une manne extraordinaire de publicité. Aussi, je leur suggère de se faire communiquer le chiffre d’affaires publicitaire de 2008 et les prévisions pour 2009.

M. Marcel Rogemont. Vous cherchez la vertu dans les problèmes de circonstance ! Mais cela n’a rien à voir avec le problème de fond !

Mme la présidente. Seul M. le rapporteur a la parole !

M. Christian Kert, rapporteur. Ils verront que leurs obsessions peuvent s’épuiser.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Le Gouvernement est très défavorable à ces amendements.

D’abord, je ne vois pas très bien le rapport qu’il y a entre le temps de parole du Président de la République sur les ondes et un article paru dans Le Figaro où il se livre à une analyse psychologique et sociologique assez fine de la société française.

Je souhaite féliciter M. Bloche car, après trois semaines de présence et cinquante-cinq heures de débat, il a trouvé une nouvelle appellation pour l’annonce du Président de la République du 8 janvier dernier, celle de « bulle pontificale », ce qui m’a plongée dans une profonde admiration.

Certains estiment qu’on diabolise la publicité. Pour ma part, je me permettrai de citer les propos de Michel Françaix en date du 20 mai 1999 : « J’en viens à la diminution de la publicité. Nous, nous préférons prévoir des programmes pour les téléspectateurs que de la publicité pour les consommateurs. Évidemment, on pourra toujours dire que c’est trop peu, la réduction prévue. Personnellement, c’est ce que je pense. Quoi qu’il en soit, cette réduction représente tout de même une avancée considérable pour les téléspectateurs. Elle permettra de diffuser des programmes meilleurs et moins dépendants du chef de la publicité d’habitude assis sur les épaules du chef de programmes. C’est un changement de mentalités. »

Pour notre part, nous portons un changement de mentalités. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n’est plus la droite bling-bling !

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Démanteler le service public pour faire des cadeaux au secteur privé, voilà en effet un beau changement de mentalités !

Le président de la société Bouygues, M. Martin Bouygues, n’est même pas content des cadeaux que vous lui faites puisqu’il en demande encore un peu plus.

M. Jean-Marie Le Guen. Quel ingrat ! (Sourires.)

M. Noël Mamère. Dans le journal Les Échos, il se plaint d’être maltraité et il explique qu’il verrait d’un très mauvais œil l’introduction d’un nouvel opérateur dans le champ de la téléphonie portable. M. Bouygues peut exiger tout ce qu’il veut puisqu’il a maintenant à son service quelqu’un qui n’est pas dans un carrosse mais dans une sorte d’alcôve et qui attend de lui les ordres. Effectivement, nous sommes face à un grand changement de mentalités.

Oui, monsieur le rapporteur, nous avons une obsession, celle du service public. Quand nous protégeons le service public de l’éducation, celui des hôpitaux publics, le service public du logement c’est-à-dire tout ce qui a trait au logement social, celui du service public de l’énergie, celui de l’audiovisuel, nous avons une obsession. Nous considérons que ce qui est payé par les Français leur appartient et ne doit pas être chapardé par des opérateurs privés ni par ceux qui sont cotés au CAC 40 – la société Bouygues par exemple.

Comme l’a dit Mme Filippetti, TF1 se plaint alors qu’elle bénéficie d’un effet d’aubaine. Mais, c’est vrai, les crocodiles sont toujours enclins à verser de grosses larmes.


Ainsi, la société Bouygues ose se plaindre, alors même qu’elle va bénéficier d’un effet d’aubaine grâce au doublement des écrans publicitaires et au passage de l’heure d’horloge à l’heure glissante. Dans ces conditions, TF1 se retrouvera en position ultradominante sur le marché publicitaire.

Quant à la publicité sur le service public, vous généralisez le principe du guichet et de l’entreprise uniques. Avec les horaires que vous fixez, on verra beaucoup de publicité en matinée – heure à laquelle les enfants regardent nombreux la télévision. Or les enfants, consommateurs très exigeants, réclameront de surconsommer auprès de leurs parents, pourtant nombreux à ne pas même pouvoir boucler leurs fins de mois. Vous attiserez ainsi le désir de consommation en période de crise : c’est mauvais pour les enfants. C’est pourquoi nous avons toujours demandé la création d’une chaîne de l’enfance et de la jeunesse sans publicité aucune.

Vous prétendez vouloir débarrasser l’audiovisuel public de la dictature de l’audimat et, dans le même temps, vous maintenez en matinée des écrans publicitaires qui feront des programmes de cette plage horaire autant de pièges à consommateurs. Vous déformez ainsi la question des programmes pour enfants – sans parler des placements de produits.

En outre, la distinction – très bien vue par les responsables de France Télévisions – entre période nocturne, de 20 heures à 6 heures, et période diurne de 6 heures à 20 heures, offre un beau gâteau au secteur privé qui ne manquera pas de s’en gaver.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est un gâteau européen : il existe une directive en la matière !

M. Noël Mamère. Or, cette distinction produira une publicité résiduelle sur le service public. Comme l’a indiqué hier M. Mathus, la suppression à 18 heures 55 des titres des émissions régionales sur France 3 entraînera un effet de dumping, tant on peut diffuser beaucoup de publicité entre 18 heures et 20 heures.

Toutes ces dispositions, bricolées pour répondre aux exigences que le Président de la République a formulées le 8 janvier 2008 afin de servir les intérêts du secteur privé, vont brouiller les cartes dans l’audiovisuel public, dont la situation sera pour le moins bancale puisque d’un côté, on supprime la publicité par souci prétendument éthique et l’on change de logiciel mais, de l’autre, on autorise la publicité le matin – une tranche horaire qui devrait précisément en être exempte. De surcroît, avec le guichet unique, vous concoctez une sorte de brouet dans lequel nul ne reconnaîtra plus l’identité des chaînes. Que de contradictions ! C’est bel et bien une certaine schizophrénie qui marque cette loi de complaisance, préparée dans la précipitation.

Mme Marie-Anne Montchamp. Si vous saviez vraiment ce qu’est la schizophrénie, vous n’en parleriez pas comme cela !

M. Noël Mamère. Pardonnez-moi de vous le dire, monsieur le rapporteur, mais on n’adapte pas une loi inscrite dans la durée aux circonstances économiques d’un moment précis.

(Les amendements nos 590 à 597, 581 à 571 et 589 à 582 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 704.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Il s’agit d’une proposition simple consistant à maintenir la publicité sur France entre 2009 et 2011, ce qui permettrait à la régie publicitaire de France Télévisions de lutter à armes égales et toute la journée avec le secteur privé, et d’éviter l’effet de dumping entre 18 et 20 heures, ainsi que la hausse de prix sans concurrence après 20 heures. C’est seulement le 30 novembre 2011 que la publicité serait supprimée sur l’ensemble des chaînes publiques.

Pourquoi parler de rigidité en la matière ? Vous avez fixé un objectif ; outre la grave faute de calendrier que nous avons déjà déplorée, la voie choisie ne garantit pas – je suis prudent – les 200 millions d’euros de recettes pour France Télévisions. Ce montant a été estimé en juin 2008 ; depuis, la crise a eu lieu, et le marché publicitaire s’est effondré. Nul ne saurait aujourd’hui nous affirmer, les yeux dans les yeux, que France Télévisions réalisera 200 millions d’euros de recettes publicitaires avec le seul créneau extérieur à la tranche de 20 heures à 6 heures ! Nous proposons donc de placer le service public à armes égales avec les chaînes privées en empruntant une voie qui, de surcroît, respecte davantage la vie familiale. En effet, charger de publicité la tranche de 18 à 20 heures n’affecte pas seulement l’équité entre secteurs public et privé, mais a également trait à des questions sociétales. En acceptant cette proposition, vous pourriez, tout en conservant votre objectif, faire preuve de souplesse !

M. Noël Mamère. Exact !

M. Jean Dionis du Séjour. Je ne comprends pas pourquoi, madame la ministre, vous n’acceptez pas une telle réactivité – alors que cet amendement est typique de ceux que l’on a coutume d’adopter dans notre hémicycle !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. Avis défavorable. Nous avons eu cette discussion lors de l’examen de l’amendement n° 705.

Vous ne pouvez pas, monsieur Dionis du Séjour, prétendre comme cela que la tranche de 8 heures à 20 heures sera lourdement chargée de publicité.

M. Noël Mamère. Bien sûr que si !

M. Jean Dionis du Séjour. Elle en sera bourrée !

M. Benoist Apparu. Non, puisque le temps de publicité par heure ne change pas !

M. Christian Kert, rapporteur. En effet, les temps de publicité par heure seront respectés. Peut-être y aura-t-il davantage de publicité qu’aujourd’hui, et c’est tant mieux – cela fera vivre avant vingt heures. En tout état de cause, on ne peut affirmer de la sorte qu’il y aura trop de publicité avant vingt heures.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Outre que cet amendement maintient France 2 dans la loi, c’est-à-dire qu’il préserve son existence juridique, pourtant appelée à disparaître même si la chaîne conservera toute son identité, il n’a pas grand sens, puisqu’il vise à maintenir la publicité sur la chaîne qui en diffuse déjà le plus.

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. La réponse de Mme la ministre est curieuse : maintenir France 2 « dans la loi », nous dit-elle. La loi, nous la faisons ! Les remarques de M. Dionis du Séjour sont tout à fait pertinentes : il suffit d’écrire dans la loi que nous maintenons la publicité sur France 2 pendant un certain temps. À moins que la loi ne soit faite à l’extérieur du Parlement, ce que l’on finit par penser…

Tout à l’heure, monsieur le rapporteur, nous allons aborder les temps de publicité, le passage de l’heure glissante à l’heure d’horloge et d’autres dispositions qui, vous le savez bien, conduiront à concentrer au maximum la publicité entre 19 heures 30 et 20 heures 30 sur les chaînes privées, et juste avant 20 heures sur les chaînes publiques. Il va de soi que la concurrence sera rude. À ce titre, je le répète, les remarques de M. Dionis du Séjour sont tout à fait pertinentes, puisque la concurrence exacerbée sur ce créneau horaire risque de mettre à mal les recettes publicitaires attendues de France Télévisions.

Je rappelle que nous prônons depuis des lustres la création de chaînes dédiées à la jeunesse et sans publicité. Puisque France Télévisions détient des participations dans Gulli, supprimons donc la publicité sur cette chaîne « jeunesse » ! Voilà une mesure bien plus importante que la suppression de la publicité sur France Télévisions entre vingt heures et six heures ! En effet, la publicité est beaucoup plus destructive pour les enfants que pour des adultes regardant un film en deuxième partie de soirée.

La proposition de M. Dionis du Séjour est donc progressiste, et correspond à une vision pragmatique de l’économie de la télévision en général, et de la télévision publique en particulier. Ne faisons pas d’idéologie !

M. Patrick Balkany. Cela vous va bien !

M. Marcel Rogemont. Refusons les positions autoritaires sur le fonctionnement de l’économie. C’est un socialiste qui vous le dit à vous, supposés chantres du libéralisme économique : vous commettez là une grave erreur économique, dont France Télévisions sortira éclopée !

(L’amendement n° 704 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 97, 233, 234, 235, 236, 237, 238, 239 et 706, et d’un amendement n° 635, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Christian Kert pour défendre l’amendement n° 97.

M. Christian Kert, rapporteur. Cet amendement, comme les suivants, précise que la publicité demeurera autorisée sur l’ensemble des 24 décrochages régionaux et des 43 décrochages locaux de France 3, afin de satisfaire à une préoccupation économique qui se manifeste dans la région et sur laquelle la commission s’est prononcée à l’unanimité.

Mme la présidente. M. Didier Mathus n’est pas là pour défendre l’amendement 233 ni M. Michel Françaix pour défendre l’amendement 234.

La parole est à M. Marcel Rogemont pour soutenir l’amendement n° 235.

M. Marcel Rogemont. N’y avait-il vraiment pas mieux à faire que de demander en urgence aux Français de payer 450 millions d’euros pour le seul plaisir de supprimer la publicité sur France Télévisions ? Je constate que certains de nos collègues, en face de moi, sont éberlués par la triste réalité que je leur rappelle et que produira la décision à laquelle ils vont concourir. Vous êtes dubitatifs, je le vois bien !

M. Pierre Lequiller. Pas du tout : nous sommes déterminés !

M. Marcel Rogemont. Cet amendement montre à quel point la publicité doit être conservée sur les programmes régionaux et locaux de France 3.

Cela étant, l’exception faite à France 3 nous contraint à nous interroger : le peu d’espace publicitaire qui sera accordé à ses sociétés ne sera-t-il pas le prélude à sa privatisation progressive, comme par appartements ? N’est-on pas en train de dissocier France 3 de France Télévisions par cette économie particulière ?

M. Patrice Martin-Lalande. L’entreprise unique est la meilleure garantie du contraire !

M. Marcel Rogemont. J’ai même entendu certains collègues assis sur les bancs du groupe UMP envisager la création, in fine, de sept sociétés autour de France 3, afin de les donner en pâture à des investisseurs publics ou privés.

Quoi qu’il en soit, le maintien de la publicité sur France 3 est au cœur du financement de la télévision régionale et locale. J’espère que cette disposition favorable sera intégrée au plan d’affaires que le Gouvernement – c’est-à-dire vous-même, madame la ministre – négocie avec France Télévisions, et au sujet duquel vous refusez toujours de me répondre. Nous vous avons pourtant plusieurs fois interrogée sur les 700 millions d’économies demandés à France Télévisions entre 2009 et 2012 : qu’est-ce que c’est que cette histoire ?


Pourquoi demander à France Télévisions d’économiser 700 millions entre 2009 et 2012, au moment où vous lui garantissez 450 millions ? Au final, vous allez gagner de l’argent !

Si je vous pose cette question, c’est que, derrière votre décision de faire des économies, c’est France 3 qu’on attaque. La présence de France 3 sur l’ensemble du territoire de notre République a nécessairement un coût important, car c’est le service public de la télévision qui emploie le plus grand nombre de personnes. D’ailleurs, la majorité des personnels de France Télévisions travaillent aujourd’hui pour la société France 3. Il s’agit de son financement, qui met en cause votre dogme sur la publicité…

M. Patrice Martin-Lalande. Nous ne sommes pas dogmatiques pour deux sous !

M. Marcel Rogemont. Pour apaiser mes craintes, j’aimerais que Mme la ministre nous donne l’assurance que France 3 restera dans le groupe France Télévisions, en conservant les missions qui sont actuellement les siennes.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Rogemont !

M. Marcel Rogemont. Enfin, je veux savoir, madame la ministre, si, oui ou non, vous négociez un plan de 700 millions d’économies, dans le cadre du plan d’affaires pour France Télévisions, entre 2009 et 2012. Ne pouvant me satisfaire d’articles de presse, je veux avoir une réponse de votre part.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l’amendement n° 236.

M. Patrick Bloche. Le débat que nous avons est important et je le relie à l’amendement n° 704 de notre collègue Dionis du Séjour, qui a été repoussé par la majorité de notre assemblée. J’y vois, là aussi, une approche dogmatique. Je vous remercie, madame la ministre d’avoir souligné un effort d’imagination de ma part, mais, après tout, qui se voit roi peut se voir pape !

En l’occurrence, le dogme a un sens pour l’église catholique…

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai !

M. Patrick Bloche. …et c’est son choix.

Mais, s’agissant de la République, de nos institutions, de nos lois et règlements, cela pose problème. Et d’autant plus lorsque ce dogme s’applique au paysage audiovisuel français, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il est en continuel mouvement : l’explosion des chaînes de la TNT, le fait qu’elles gagnent toujours de l’audience et que, parallèlement, nombre de nos concitoyens, jeunes et moins jeunes, sont amenés à rechercher toujours plus de contenus d’images et de son sur Internet montrent que, par rapport à la réalité du paysage audiovisuel français, notamment dans sa dimension économique, le dogme n’y a pas sa place.

Nous devrions avoir en mémoire les échanges que nous avons eus au sein de la commission Copé. À un stade de notre réflexion, nous nous étions posé la question suivante : faut-il supprimer la publicité de manière brutale, ou, comme le gouvernement Jospin en avait fait le choix en 2000, prévoir des étapes – financement à la clé – qui auraient conduit de huit minutes à sept minutes, puis à six ?

L’amendement de notre collègue Dionis du Séjour était pertinent en ce qu’il reprenait un élément de réflexion de la commission Copé. Pourquoi supprimer la publicité, même – et « seulement », si j’ose dire – après vingt heures, à partir du 5 janvier 2009, sur toutes les chaînes de l’audiovisuel public ? Pourquoi ne pas faire le choix d’une phase expérimentale, le financement de l’audiovisuel public, qui est notre obsession, restant garanti ?

Puisqu’il y aura toujours de la publicité sur les programmes régionaux de France 3, nous avons souhaité le préciser dans cet amendement. C’est le moment de dire à toutes celles et ceux qui font quotidiennement France 3 combien leurs préoccupations sont présentes à notre esprit. Car cette chaîne de l’audiovisuel public est assurément dans le collimateur de ceux qui veulent démanteler l’audiovisuel public. Vous avez décidé que l’audiovisuel public devait faire des économies d’échelle. Nous en connaissons maintenant le prix, car les chiffres figurent dans la presse : 6 % par an, 700 millions d’euros dans les quatre prochaines années, soit 175 millions par an. France 3 sera sans doute la première chaîne de France Télévisions à être dans le collimateur. Car sa vente par appartements tente trop d’apprentis sorciers, dont beaucoup, malheureusement, appartiennent à la majorité ou défendent des intérêts financiers et médiatiques bien référencés.

Notre amendement est un signe fort : à toutes celles et ceux qui font quotidiennement France 3, nous disons : Oui, nous sommes à vos côtés et nous défendrons la chaîne des régions, cette chaîne qui doit continuer à faire de l’information nationale et qui est la chaîne préférée des Français. Oui à l’identité de France 3, oui à la pérennité de France 3, que nous devons assurer avec toute l’énergie et toute la volonté souhaitables !

Mme la présidente. M. Christian Paul n’est pas présent pour soutenir l’amendement n° 237. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l’amendement n° 238.

Mme Aurélie Filippetti. J’en reviens à ce qu’a dit M. le rapporteur sur la diminution des ressources publicitaires et sur la crise que traverserait, de ce fait, la télévision, et notamment la télévision privée. Apparemment, nous n’avons pas le droit de critiquer l’influence délétère que certaines grandes chaînes privées, liées, de surcroît, à des groupes industriels, font peser sur notre assemblée. C’est à l’évidence un crime de lèse-Assemblée que de parler du Livre blanc de TF1 dans notre débat sur l’audiovisuel, auquel, pourtant, il n’est pas étranger !

Je voudrais rappeler quelques chiffres relatifs au marché publicitaire. Contrairement à ce qui a été dit par le rapporteur, aujourd’hui, ce marché n’est pas en crise. Cette année, malgré la crise économique, il devrait croître de 1 %, grâce notamment à l’Internet. Selon le groupe Havas Media France, il y a un ralentissement de la croissance, mais pas d’effondrement. Par conséquent, ce qu’affirme M. Bouygues sur l’effondrement du marché publicitaire est contredit par les chiffres.

Certes, la légère progression que j’ai mentionnée est liée à la croissance d’Internet, mais la télévision maintient une croissance positive de ses recettes publicitaires : + 0,6 % pour 2008.

M. Patrice Martin-Lalande. Grâce à la TNT ! Pas aux chaînes généralistes !

Mme Aurélie Filippetti. Le plus inquiétant, c’est que la répartition se fait au détriment de France Télévisions, qui subit déjà une très forte baisse de ses budgets publicitaires, suite à l’annonce de la suppression, en janvier 2009, de la publicité après vingt heures sur les chaînes publiques.

Force est de constater que, pour les chaînes privées, la TNT et l’Internet, la croissance du marché publicitaire est réelle et ce, malgré la crise économique. On peut imaginer ce qu’il en sera après la crise… Par contre, avant même le décret présidentiel annoncé, les ressources de France Télévisions ont chuté. L’annonce faite à la hâte par le Président de la République en janvier dernier a été une annonce économique irresponsable, dont les effets se sont fait sentir presque immédiatement. Ce n’est pas de bonne politique, de bonne gestion ni de bonne gouvernance que de lancer des annonces si brutales, avec des conséquences concrètes pour le financement d’un service public aussi important que celui de la radio et de la télévision.

Je ne peux que rejoindre les propos de Dionis du Séjour : une telle réforme se prépare à l’avance. C’est aussi ce que disait Édouard Balladur, qu’on ne peut soupçonner d’être un révolutionnaire ! On s’y prend à l’avance, on se laisse le temps et, comme le disait Dionis du Séjour, 2011 aurait été une bonne échéance. Maintenir les recettes publicitaires de France 2 au moins jusqu’en 2011 aurait été le minimum minimorum !

Non, il n’y a pas de crise de l’approvisionnement publicitaire sur les chaînes privées. En revanche, et je tiens à le dire dans cet hémicycle, car ce n’est pas étranger à nos débats, c’est la presse écrite qui subit un lourd recul des investissements publicitaires, avec une baisse de 3,6 % en 2008 et de 4,4 % au cours de ces trois derniers mois. C’est la presse écrite qui est touchée par le recul de la publicité, et certainement pas TF1, M6 et les grands groupes amis du Président de la République.

Mme la présidente. Mme Karamanli n’est pas présente pour défendre l’amendement n° 239.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour pour défendre l’amendement n° 706.

M. Jean Dionis du Séjour. Je vous propose une honnête transaction, madame la présidente. Je retire cet amendement si je peux prendre la parole sur l’amendement n° 635.

(L’amendement n° 706 est retiré.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. Favorable, puisque tous ces amendements sont identiques à l’amendement n° 97 de la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mathus, pour soutenir l’amendement n° 635.

M. Didier Mathus. Cet amendement porte sur le même sujet, mais en l’élargissant à RFO. Nos collègues ultramarins sont très sensibles à cette question, car la publicité sur RFO est un vecteur économique très important pour nos concitoyens de l’outre-mer.

Le projet qui consiste à supprimer la publicité sur les antennes de RFO peut entraîner de réels dommages économiques. Nous souhaitons donc maintenir la publicité sur les canaux ultramarins de RFO, comme sur les canaux régionaux.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. Bien que nous ayons donné un avis favorable aux amendements précédents, nous émettons un avis défavorable à celui-ci, car il concerne l’outre-mer. Or nous aborderons cette question en examinant l’amendement n° 523, que présentera Mme la ministre, et qui propose une solution équilibrée pour la publicité sur RFO. Nous vous demandons donc de reporter le débat.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Favorable à l’amendement n° 97.

Il y a environ 500 annonceurs en France qui sont présents uniquement sur les décrochages régionaux, et très souvent couplés avec la presse écrite. Il importe donc de maintenir cette forme de publicité.

En revanche, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 635. RFO, qui est une chaîne locale, n’est pas concernée par la suppression de la publicité.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Ce sujet nous tient à cœur. Comme l’a dit Aurélie Filippetti, la chaîne la plus vulnérable, dans le contexte créé par ce projet, c’est France 3. Le service public de l’audiovisuel est aujourd’hui fragilisé. Dois-je rappeler qu’avant l’annonce subite du Président de la République sur la suppression de la publicité, France Télévisions enregistrait un résultat excédentaire de 29 millions d’euros, alors que le déficit prévu sera de 80 à 90 millions d’euros ? On ne peut pas dire que France Télévisions va aborder cette nouvelle période dans les meilleures conditions !


Parmi les chaînes qui composent France Télévisions, France 3 est effectivement la plus fragilisée. Nous l’avons répété à plusieurs reprises, mais il n’est pas inutile de le dire une nouvelle fois : placé sous la sujétion politique du Président de la République et de sa majorité et sous-financé, le service public fonctionnera mal. Dès lors, il se trouvera, dans quelques mois, des bons esprits pour proposer de réduire son périmètre et de vendre France 3 à la découpe, comme on le faisait pour les appartements.

M. Patrice Martin-Lalande. L’entreprise unique est la meilleure garantie !

M. Noël Mamère. Cette chaîne sera alors vendue à la presse quotidienne régionale qui n’attend que cela ! Nous avons déjà entendu ici des députés de la majorité nous expliquer que le « 19/20 » faisait doublon avec le journal de vingt heures de France 2. France 3 est donc déjà dans le collimateur d’un certain nombre de responsables. Cette suppression de la publicité sur France 3, comme sur RFO, ainsi que vient de le défendre très judicieusement notre collègue Mathus, est une manière d’accélérer encore un petit peu plus la chute de ces chaînes.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est faux !

M. Noël Mamère. C’est une atteinte au principe démocratique selon lequel un service public doit avoir les moyens de sa vocation et de ses fonctions – la connaissance, la culture, l’information – et doit contribuer à éclairer l’opinion. Il est constitutif des éléments d’une démocratie. Ce texte donnera donc naissance à un service public au rabais et qui le sera encore plus – un service public en low cost – avec France 3 et RFO. Nous savons que France 3 est aujourd’hui un réseau extrêmement bien maillé. Il participe d’ailleurs – nous ne le disons pas assez – à la production audiovisuelle. De grands centres de production de cette chaîne se trouvent, par exemple, en Aquitaine, en Midi-Pyrénées, dans le Nord-Pas-de-Calais, et participent très activement à la création audiovisuelle. Ils ont même permis de faire connaître des talents du cinéma français qui ont commencé leur carrière sur les écrans de télévision en participant à des fictions et à des magazines.

Nous savons très bien aussi que diminuer la publicité sur le réseau local est franchement prendre les gens pour des imbéciles et faire quelques cadeaux supplémentaires à ceux qui se plaignent aujourd’hui d’être si mal traités ! Je pense à la société Bouygues. Aurélie Filippetti a dit, voici quelques instants,…

M. Marcel Rogemont. Excellemment !

M. Noël Mamère. … que parler de grands groupes était un crime de « lèse-Assemblée ». Je voudrais revenir, une fois de plus, sur un point – et je regrette de ne pas avoir été suivi par tous mes collègues de gauche et de ne pas l’avoir non plus été lors de la loi « Tasca-Trautmann » – il est impensable et inacceptable, au plan démocratique, qu’un grand groupe, qui répond à des commandes publiques, puisse détenir la majorité du capital d’une chaîne privée ! Je mets qui que ce soit au défi d’avoir vu un reportage critique sur TF1 concernant Bouygues Télécom, les opérateurs télécom et les antennes mobiles, comme je mets qui que ce soit au défi de suivre un documentaire sur l’eau sur M6. On n’y verra jamais le documentaire diffusé récemment sur Arte, qui explique comment Suez et les grands groupes français essaient de privatiser l’eau dans des pays comme l’Inde et des continents comme l’Amérique latine ! C’est impossible quand il y a des intérêts conjugués ! Cela s’appelle des conflits d’intérêt ! Cela s’appelle une atteinte au pluralisme !

Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur Mamère.

M. Noël Mamère. Dois-je rappeler, pour terminer, que la société Bouygues n’est pas que TF1 et Bouygues Télécom, mais que c’est aussi Bouygues Immobilier ? C’est beaucoup pour faire pression sur les élus !

(Les amendements identiques nos 97, 235, 236 et 238 sont adoptés.)

(L’amendement n° 635 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de vingt-six amendements, nos 610, 530 à 552, 559 et 560, pouvant faire l’objet d’une présentation commune.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Les décrochages régionaux de France 3 pourront, fort heureusement, bénéficier de ressources publicitaires. C’est une bonne nouvelle.

Dans les exceptions à la suppression de la publicité à partir de vingt heures et jusqu’à six heures du matin à compter du 5 janvier 2009, tel que le prévoit le projet de loi, figurent les messages publicitaires pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique.

Nous avons eu ce débat en commission – je pense que M. le rapporteur y reviendra – et avons considéré que l’écriture du projet de loi était, ô combien, imprécise. Qu’entend-on, en effet, par « biens et services d’appellation générique » ?

On dit très souvent que les lois sont longues, bavardes et mal rédigées. Elles le sont d’ailleurs de plus en plus mal parce que ce gouvernement déclare, hélas, l’urgence sur trop de projets. Nous sommes, en conséquence, malheureusement amenés à examiner et à adopter des textes qui ne bénéficient pas d’une élaboration législative que l’on qualifie parfois, certes, de longue, mais qui, dans bien des domaines – et dans celui-là notamment – a toute sa pertinence. Nous écrivons la loi dans cet hémicycle et nous avons la mission de bien l’écrire. J’ai vécu des débats sur des textes où l’urgence n’était pas déclarée, et qui avaient alors fait l’objet de plusieurs lectures, donc d’échanges avec le Sénat, avant que le couperet de la convocation de la commission mixte paritaire ne tombe. Cette élaboration législative savait s’inscrire dans un rythme visant avant tout à bien écrire la loi. Actuellement, nous écrivons mal la loi. Ce sera une source de contentieux évident.

Nous avons souhaité, à travers un certain nombre d’amendements – sans doute, ne serons-nous d’ailleurs pas amenés, madame la présidente, à tous les défendre – à prendre en compte l’attachement de nos concitoyens à un certain nombre de produits. Sont-ils d’appellation générique ? Souvent, notamment quand ils sont liés à la gastronomie, ils font figure de symboles d’une région, d’un « pays » dont les habitants sont sincèrement les défenseurs. Aussi devons-nous pouvoir préciser ce qu’est l’appellation générique.

Nombre de producteurs qui pensent qu’ils pourront continuer à faire de la publicité pour leurs produits risquent, au final, d’être déçus parce que la loi aura été mal écrite.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Madame la présidente, pour régler quelques questions d’organisation, je souhaiterais réunir mon groupe. Je vous demande, en conséquence, une suspension de séance de quinze minutes.


Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures dix, est reprise à onze heures trente.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Je suis saisie d’un amendement n° 530.

La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. La suspension a été un peu courte, madame la présidente, car la réunion du groupe a duré un peu plus longtemps que prévu.


Je reviens à l’article 18 et à son alinéa 12, qui supprime la publicité pour les chaînes de France Télévisions de vingt heures à six heures du matin à compter du 5 janvier 2009 à l’exception des messages publicitaires « pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique ». Nous souhaiterions une définition un peu plus précise. Cette appellation générique peut-elle être confondue avec des publicités collectives ou des messages d’intérêt général ? Nous avons bien compris que certains députés de l’UMP suggéraient que, de façon à ne pas concurrencer les chaînes privées, les chaînes publiques se contentent de diffuser entre vingt heures trente et vingt-et-une heures des messages du type « lavez-vous les dents » ou « brossez-vous les chaussures », c’est-à-dire des messages hautement intéressants qui détourneront les gens de France Télévisions sur ce créneau. Ainsi, contrairement à ce qu’affirme Mme la ministre, de belles émissions ne commenceront pas à vingt heures trente sur France Télévisions.

Toujours est-il que nous attendons des précisions sur cette notion d’« appellation générique ». Élu d’Ille-et-Vilaine, premier département laitier de France, je souhaite, par le présent amendement, appeler l’attention de nos collègues sur les produits laitiers.

Je présenterai en même temps l’amendement n° 543, madame la présidente, pour faire gagner du temps à notre assemblée (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.). Cet amendement précise que ces produits génériques peuvent être des « produits piscicoles tels le bar de ligne ».

M. Benoist Apparu. Très important !

M. Marcel Rogemont. Il faudrait d’ailleurs peut-être retirer cet amendement, car le bar de ligne ne se cultivant pas, ce n’est pas, en réalité, un produit piscicole.

Puisque nous sommes en train de légiférer sur la publicité, notamment sur France 3, pourquoi n’allons-nous pas plus loin ? J’ai avec moi un article du journal La Croix, qui n’est pas à proprement parler un journal « gauchiste », comme dirait le Président Sarkozy – tous ceux qui ne sont pas à l’UMP seraient « gauchistes » –, et qui pose la question : La publicité pour les enfants est-elle nocive ? La réponse est : oui, car elle présente la consommation comme un dû. Cet article signale par exemple que les familles modestes ont beaucoup de mal à résister aux demandes de leurs enfants, car les parents ont le sentiment de ne pas remplir leur devoir s’ils s’y opposent, et c’est ainsi que ces familles sont poussées à une consommation excessive. Si la question de la publicité doit être centrale dans une loi sur l’audiovisuel, il faut donc que cette dernière s’intéresse avant tout à la publicité visant les enfants. Et cela ne concerne pas seulement France Télévisions.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Madame la ministre, légiférons donc sur la publicité, oui, notamment sur celle qui s’adresse aux enfants !

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mathus, pour défendre l’amendement n° 531.

M. Didier Mathus. Cette notion de produits génériques est non seulement imprécise, mais également désuète. Certains d’entre vous se rappellent peut-être les premières publicités télévisées de la fin des années 1960 : « On a toujours besoin de petits pois chez soi ».

M. Jean Dionis du Séjour. Des petits pois génériques !

M. Didier Mathus. Ce rappel me permet de souligner le côté ringard de ce projet de loi,…

M. Noël Mamère. Exactement !

M. Didier Mathus. …qui essaie, au fond, de réinventer la télévision des années soixante, avec son charme, sûrement, mais aussi ses grandes lacunes et insuffisances. C’est tout sauf une vision contemporaine de la télévision !

En déclinant, avec humour et légèreté, différents produits d’appellation générique, nous plaçons la majorité et le Gouvernement devant l’aspect saugrenu de ce texte, saugrenu notamment en raison de ses contradictions. En effet, en même temps que vous dites : « pas de publicité », vous autorisez le placement de produits génériques. Nous souhaitons vous mettre face à vos contradictions.

Madame la présidente, je propose à notre ami Jean Dionis du Séjour de défendre le prochain amendement, car il a également des convictions sur les produits génériques.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour défendre l’amendement n° 532.

M. Jean Dionis du Séjour. Je remercie Didier Mathus et le groupe socialiste pour ce crédit de parole.

Je revendique, comme contribution décisive à ce débat, le fait d’avoir posé le problème des produits génériques en commission. En prévoyant de maintenir la publicité sur les produits d’appellation générique, ce projet de loi ouvre une brèche énorme, dans laquelle s’engouffreront toutes les interprofessions, toutes les AOC, tous les territoires. Je suis sûr que Franck Riester défendra la publicité pour le brie de Meaux, Benoît Apparu la publicité pour le champagne…

M. Benoist Apparu. Vous oubliez loi Evin !

M. Jean Dionis du Séjour. …, Aurélie Filippetti la publicité pour les croix de Lorraine,…

M. Benoist Apparu. Très bonne idée !

M. Jean Dionis du Séjour. …et je pourrais moi-même défendre la publicité pour les pruneaux d’Agen. Quoi de plus générique en effet ? Madame la ministre, vous allez autoriser la publicité pour les pruneaux tout en interdisant celle pour Maître Prunille ! Au-delà du gag, il faut que vous nous disiez quelque chose de solide. Si vous croyez à votre loi, quelles qu’en soient les motivation profondes – et il y a débat sur ces motivations, pour dire les choses gentiment –, alors il ne faut pas ouvrir cette porte.

En commission, après un long débat, nous avions adopté un amendement supprimant la publicité pour les produits génériques. J’aimerais que vous l’attestiez, monsieur le rapporteur. Jean-François Copé, du haut de son magistère moral et politique,…

M. Noël Mamère. Ça, c’est une attaque !

M. Jean Dionis du Séjour. …était intervenu pour dire que je tenais des propos raisonnables. Or l’amendement a été refusé au titre de l’article 40, ce que je trouve douteux. Quoi qu’il en soit, il est à présent de votre responsabilité de le reprendre, madame la ministre, sinon ce texte sera une passoire. Je vous conseille vivement de le faire, dans la logique même de votre loi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour défendre l’amendement n° 533.

Mme Aurélie Filippetti. Monsieur Dionis du Séjour, je pourrais également défendre la publicité pour les mirabelles de Lorraine ! (Sourires.)

Il y a une grande hypocrisie dans cette affaire : pourquoi les produits génériques auraient droit à la publicité et non les produits de marque ? La relance de l’économie passe beaucoup par l’économie des marques ; la disposition ne se justifie donc pas d’un point de vue économique.

Comme l’a dit Didier Mathus, il s’agit au fond du retour à un certain ordre moral, à une vision de l’éducation des masses par la télévision, par le biais de messages d’éducation du peuple comme on en voyait dans les années soixante-dix, une vision un peu datée. D’autant que, paradoxalement, vous autorisez le placement de produits dans les émissions télévisées, alors que l’on sait que, notamment dans des émissions destinées à la jeunesse, c’est extrêmement nocif. Monique Dagnaud, sociologue au Centre d’étude des mouvements sociaux, a remis un rapport en 2002, traitant de la publicité pour les enfants, et dans lequel on peut lire : « Je constate que les enfants regardent surtout les chaînes commerciales, c’est-à-dire TF1 et M6. Je propose donc que le service public ait une politique plus offensive en direction des enfants. De plus, une chaîne gratuite et sans publicité lancée à l’occasion du numérique hertzien serait la bienvenue. »

M. Marcel Rogemont. Exactement !

Mme Aurélie Filippetti. Si nous sommes soucieux de l’éducation des jeunes et des enfants, il faudrait interdire la publicité ainsi que le placement de produits sur toutes les chaînes dans les émissions pour la jeunesse. Mme Dagnaud écrit également : « Je propose enfin que l’on ne puisse pas faire de publicité pour les produits liés aux programmes diffusés. »

Il y a donc une énorme contradiction dans ce projet de loi, entre un certain retour à l’ordre moral…

M. Patrice Martin-Lalande. N’importe quoi !

Mme Aurélie Filippetti. …– nous avons même entendu plusieurs de nos collègues proposer que la publicité soit remplacée par des programmes d’éducation citoyenne – et le maintien de la publicité pour les produits génériques, à l’exclusion des marques. Tout cela n’a aucun sens, aucune cohérence, et montre les lacunes de ce texte, que nous n’avons cessé de dénoncer.

Mme la présidente. Leurs auteurs m’informent que les amendements nos 534 à 552 ainsi que 559 et 560 sont défendus.

Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?

M. Christian Kert, rapporteur. Je voudrais rappeler le contenu de notre discussion en commission. Il a été question de supprimer la disposition visant à autoriser la publicité pour les biens sous appellation générique, dont les vingt-six amendements en discussion donnent quelques exemples, comme les produits laitiers ou le veau.


Quand notre commission a examiné l’amendement visant à supprimer l’autorisation de diffuser des spots publicitaires pour les produits génériques, j’ai exprimé des doutes sur son opportunité. Leur maintien est en effet de nature à informer les consommateurs sur certains produits – laitages, fruits, viande – qui présentent un intérêt de santé publique, notamment en matière de lutte contre l’obésité. Il permettra en outre à certaines filières de communiquer, ce qui est précieux dans un contexte comme celui de la crise aviaire.

Quant aux arguments qui ont été avancés,...

M. Jean Dionis du Séjour. Et entendus !

M. Christian Kert, rapporteur. …certains m’ont paru décalés. M. Dionis du Séjour a cité l’exemple des vins d’Alsace, alors que la publicité pour ces produits demeure interdite par la loi Evin.

M. Jean Dionis du Séjour. Prenez l’exemple des pruneaux d’Agen, si vous préférez !

M. Christian Kert, rapporteur. C’est donc contre mon avis que la commission s’est prononcée en faveur de ce dispositif, puisque M. Copé s’est laissé convaincre de son utilité, sinon de sa nécessité.

M. Jean Dionis du Séjour. Oui !

M. Christian Kert, rapporteur. Entre-temps, en vertu de l’application des articles 92 et 98 de notre règlement, la proposition a été déclarée irrecevable au motif qu’elle tendait à appauvrir France Télévisions, en lui retirant la possibilité d’engranger des recettes publicitaires sur certains produits.

M. Jean Dionis du Séjour. Alors, le projet de loi n’a plus aucun sens !

M. Christian Kert, rapporteur. La décision, qui nous a été notifiée par M. Migaud, est logique, incontestable et conforme à la jurisprudence constante qui concerne l’application de l’article 40 de la Constitution, dont France Télévisions, en tant qu’organisme public, relève manifestement. En conséquence, les amendements en discussion me paraissent sans objet, et il serait raisonnable de les retirer.

M. Jean Dionis du Séjour. Répondez sur le fond !

M. Christian Kert, rapporteur. La rédaction de l’article 18 du projet de loi est explicite : France Télévisions pourra continuer à diffuser des messages publicitaires « pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique » – comme les produits laitiers ou le sucre, puisque seule la publicité commerciale pour les marques est supprimée.

J’ajoute que la très grande précision de certaines formulations ne relève pas du rôle imparti au législateur. Est-il utile de mentionner dans la loi que la publicité pour les artichauts de Bretagne ou la volaille de Bresse sera autorisée ?

Enfin, c’est faire beaucoup d’honneur aux appellations génériques que d’invoquer à leur sujet je ne sais quelle nostalgie des sixties ou de l’ordre moral, qui ne me semble pas inscrite dans l’esprit du texte.

Avis défavorable.

M. Franck Riester. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. L’adoption à l’unanimité de l’amendement de la commission autorisant la publicité régionale sur France 3, chaîne de service public sans laquelle l’offre audiovisuelle notamment en matière d’information ou de débats serait déséquilibrée, aurait pu nous amener à émettre le même vote concernant la publicité pour les produits génériques.

Certes, je n’ignore pas la difficulté de les définir, mais nous savons tous de quelle manière ils sont utilisés par le service public : les spots qui leur sont consacrés, généralement très courts, n’interviennent pas dans le cadre des écrans publicitaires classiques, mais juste avant une émission, parce qu’ils relèvent de l’intérêt général.

Si, toutefois, je n’ai pas soutenu à titre personnel les propositions qui se sont élevées dans notre groupe, visant à remplacer la publicité diffusée sur France Télévisions par de la publicité d’intérêt général,...

M. Jean Dionis du Séjour. Il ne s’agit pas de cela !

M. Frédéric Lefebvre. …c’est parce que tout l’intérêt de la réforme vise à libérer France Télévisions de la pression de la publicité…

M. Patrick Bloche. De quelle pression parlez-vous ? C’est un fantasme !

M. Frédéric Lefebvre. …pour pouvoir faire de la contre-programmation ou diffuser des programmes d’information plus tôt, ce qui relève du service public.

C’est pourquoi je ne comprends pas l’attitude du groupe socialiste, dont les amendements ne feraient qu’appauvrir France Télévisions. Puisque cette société le demande, assurons-lui plutôt le moyen de percevoir de manière souple et libre des recettes pérennes, en diffusant des messages conformes à l’intérêt général.

Si je me félicite que les députés socialistes aient renoncé à défendre certains amendements, qui n’avaient d’autre but que de ralentir nos débats, je ne comprends pas qu’ils s’enferment dans une attitude dont France Télévisions ne pourrait que pâtir. (Protestations sur les bancs du groupe SRC et NC.) C’est son intérêt qui doit nous guider.

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. En entendant M. Lefebvre défendre avec tant de chaleur la publicité pour les appellations génériques, je me demande si son but n’est pas, une fois de plus, de retarder le début des émissions en première partie de soirée, prévu à vingt heures vingt ou à vingt heures trente. En effet, pour ne pas trop gêner TF1 ou M6, il faut absolument prévoir quelques spots. Quand bien même on s’abriterait derrière la protection des intérêts financiers de France Télévisions, la promotion des artichauts de Bretagne ou des pruneaux d’Agen n’a pas d’autre but que permettre indirectement aux chaînes privées de diffuser des spots publicitaires.

M. Patrice Martin-Lalande. Affabulation !

M. Frédéric Lefebvre. De toute façon, France Télévisions décidera !

M. Marcel Rogemont. Dès lors qu’on ne précise pas ce qu’est une appellation générique, on verra fleurir de multiples messages en lieu et place de la publicité.

M. Jean Dionis du Séjour. On ouvre grand la porte !

M. Marcel Rogemont. À terme, vous verrez que France Télévisions ne changera pas sa grille de programmes.

C’était peut-être amusant, il y a longtemps, d’entendre avant Thierry la fronde :« On a toujours besoin de petits pois chez soi. » Mais reconnaissez que les appellations génériques commencent à dater. En outre, c’est une notion imprécise, ce que nous avons pointé par ces amendements rédigés dans une intention humoristique, qui ne vous a pas échappé. Ils visaient plutôt à donner des idées aux annonceurs qui pourraient éventuellement s’adresser à France Télévisions. Ainsi, monsieur Lefebvre, nos propositions ne visaient qu’à augmenter les recettes publicitaires de France Télévisions.

M. Frédéric Lefebvre. Donc, finalement, vous êtes pour la publicité pour les appellations génériques ? C’est une bonne nouvelle !

M. Marcel Rogemont. À aucun moment, monsieur le rapporteur, les amendements nos 610, 530 à 552, 559 et 560 ne sont réellement tombés sous le coup de l’article 40. C’est seulement le cas de la proposition faite en commission par M. Dionis du Séjour, dont le bien-fondé a cependant été reconnu par tous les groupes.

M. Jean Dionis du Séjour. Par M. Copé lui-même !

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Je suggère donc à Mme la ministre de lever le gage et faire ainsi droit à sa proposition.

M. Jean Dionis du Séjour. Le Gouvernement n’a qu’à la reprendre ! Un peu d’audace, madame la ministre !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 610, 530 à 552, 559 et 560 ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. La notion de produits présentés sous leur appellation générique ne présente guère de difficulté. Elle est d’ailleurs ancienne : elle figure notamment dans le cahier des charges de Radio France ou les décrets de 1992. C’est tout simplement le terme commun par lequel on désigne un produit ou un service, en dehors de la marque qui les commercialise.

L’intérêt objectif de France Télévisions est de conserver la possibilité de faire de la publicité pour ce type de produits, ce qui, à mon sens, ne pose aucun problème. Quant à l’idée que le Gouvernement puisse acheter des espaces publicitaires pour le mouton ou l’artichaut, à seule fin de favoriser TF1, elle me paraît vraiment extravagante.

M. Jean Dionis du Séjour. Vous verrez ce qui va arriver !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Ces amendements sont le type même des amendements d’obstruction,…

M. Jean Dionis du Séjour. Répondez plutôt sur le fond !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. …qui déclinent à l’infini tous les produits : « beurre », « lait pasteurisé », « fromage de vache », « de chèvre », « de brebis », « produits ovins »...

M. Marcel Rogemont. Un peu d’humour !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Justement : si j’ai beaucoup ri à la mention « agneau de pré-salé », quelle tristesse j’ai ressentie en constatant que les crustacés ne figuraient pas dans vos propositions ! Comment comprendre une telle omission ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(Les amendements nos 610, 530 à 552, 559 et 560, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements identiques, nos 458, 460, 461, 463 et 464.

La parole est à M. Didier Mathus, pour soutenir l’amendement n° 458.

M. Didier Mathus. La suppression totale de la publicité sur France Télévisions coïncidera, selon le projet de loi, avec l’extinction, en 2011, de la diffusion en mode analogique. L’amendement n° 458 vise à supprimer cette échéance.

Le Gouvernement et la majorité nous proposent de faire un saut dans l’inconnu – chacun en convient, même sur vos bancs. Cette démarche lourde de danger pour la télévision publique manque aussi de pragmatisme. En effet, le projet de loi construit un nouveau modèle économique pour la télévision puisque les recettes publicitaires de France Télévisions seront transférées aux opérateurs privés qui bénéficieront d’aménagements des règles de diffusion de la publicité. Le texte prévoit ainsi l’autorisation d’une seconde coupure, le placement de produit, le passage à l’heure glissante. Dans ce cadre, il me semble très dangereux de décider dès aujourd’hui, alors que nous traversons une crise économique d’une exceptionnelle gravité, d’aller jusqu’au bout de cette réforme.

Certes, il s’agit d’une idée fixe du Président de la République. On a d’ailleurs compris hier qu’elle était télécommandée (Sourires). Le Livre blanc de TF1 a été rendu public hier sur Internet, par exemple sur le site de Télérama. Mes chers collègues, je vous recommande de le consulter. Le groupe Bouygues, dont Laurent Solly, ancien bras droit de M. Sarkozy à l’Élysée, est le directeur adjoint, avait, dès le mois de décembre 2007, suggéré d’adopter une telle réforme. Toutefois, la représentation nationale n’a pas à se précipiter dans l’inconnu,…

M. Patrice Martin-Lalande. Mais non !

M. Didier Mathus. …en décidant, dès aujourd’hui, que, quoi qu’il arrive, la publicité sera définitivement et totalement supprimée dans trois ans sur France Télévisions – y compris avant vingt heures –, alors que personne ne sait ce que sera le paysage économique à cette échéance.

Nous sommes opposés à la réforme, mais notre proposition pragmatique – il s’agit d’une sorte d’amendement de repli – nous éviterait d’inscrire dans le marbre de la loi un engagement pour 2011. À cette échéance, la majorité sera normalement la même qu’aujourd’hui ; elle pourra donc juger, en tenant compte de la situation, si la suppression totale de la publicité pour France Télévisions est économiquement viable.

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rogemont, pour défendre l’amendement n° 460.

M. Marcel Rogemont. Avant de présenter mon amendement, je veux préciser à Mme la ministre que nous n’avions jamais dit que le Gouvernement ferait de la publicité pour les artichauts. La publicité pour les produits « présentés sous leur appellation générique » sera, évidemment, le fait des filières professionnelles ou des regroupements de marques qui voudront nous inciter à boire du lait ou à manger du sucre. On retrouvera donc ces « vices » de la publicité, dont vous souhaitiez dispenser France Télévisions !

L’amendement n° 460 est identique à celui que vient de présenter M. Mathus. Sur cette réforme, aucune réelle étude d’impact n’a été menée. Le manque à gagner de France Télévisions a été fixé à 435 millions, puis à 800 millions d’euros de moins, mais nous n’avons aucun élément sérieux à ce sujet, ni d’ailleurs en ce qui concerne l’impact des nouvelles taxes.

Les arguments de la majorité évoluent ainsi au gré des circonstances. Le 8 janvier 2008, lorsque le Président de la République a décidé, de façon autoritaire, de mettre en œuvre cette réforme, la crise économique, pourtant naissante, n’entrait pas du tout dans votre argumentation. Mais, aujourd’hui, vous défendez l’idée que, dans un contexte de crise, votre réforme garantirait les revenus de France Télévisions. En fait, soudainement, tous les arguments sont bons pour parer de vertu la suppression de la publicité sur France Télévisions.

Hier, Martin Bouygues confiait aux Échos qu’avec la crise il ne pensait pas voir progresser les recettes publicitaires de TF1. Certes, mais si France Télévisions avait été présente sur le marché de la publicité, les recettes de la chaîne privée n’auraient pas été les mêmes et son chiffre d’affaires aurait diminué. La réforme que vous voulez nous faire adopter est donc d’autant plus utile pour TF1 – et d’autant plus perverse – …

M. Patrice Martin-Lalande. Mais bien sûr !

M. Marcel Rogemont. …que nous traversons une crise.

Avant de supprimer totalement la publicité sur France Télévisions, nous devons nous fixer un rendez-vous. Le Parlement pourra alors prendre une décision, en tenant compte des résultats de la première phase de la réforme. Le faire aujourd’hui serait prématuré. Depuis l’annonce du Président de la République, il y a moins d’un an, le contexte économique a déjà été bouleversé : comment pourrions-nous prendre aujourd’hui une décision qui s’appliquera dans trois ans ?

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l’amendement n° 461.

M. Patrick Bloche. Il s’agit d’un amendement essentiel pour le financement et l’avenir de l’audiovisuel public.

Nous n’examinons pas tous les jours des projets de loi consacrés à l’avenir de l’audiovisuel – heureusement d’ailleurs –, mais ce texte ne trace une perspective que pour les trois prochaines années. Cela est d’autant plus insensé que la durée du contrat d’objectifs et de moyens et celle du mandat du président de France Télévisions sont fixées à cinq ans. L’un des problèmes majeurs de ce projet de loi réside bien dans le fait que l’État ne s’est engagé dans une compensation à l’euro près de la perte des recettes publicitaires que pour les trois années à venir. Or trois ans, ce n’est rien ! Qu’en sera-t-il ensuite ?

Ensuite, précisément, le projet de loi prévoit la suppression totale de la publicité sur France Télévisons. Mes chers collègues de la majorité, avec cet amendement nous vous offrons la possibilité de donner du temps au temps – comme le disait un ancien Président de la République. Vous êtes majoritaires et vous voterez cette réforme, mais acceptez au moins d’entendre un appel à la prudence la plus élémentaire ! À l’heure actuelle, on ne sait pas si les taxes sur le chiffre d’affaires des fournisseurs d’accès et des opérateurs télécoms seront validées par le Conseil constitutionnel. On ne sait pas non plus comment France Télévisions économisera 6 % par an, soit 700 millions d’euros dans les quatre prochaines années – 175 millions d’euros par an. L’incertitude règne donc quant au financement de France Télévisions en 2011, et vous voulez que, dès aujourd’hui, la loi prévoie la suppression totale et inexorable de la publicité sur le service public ! Comment France Télévisions assumera-t-elle ses missions ? Comment les financera-t-elle ? Nous n’avons aucune visibilité à ce sujet.

Hier soir, une belle unanimité nous a tous réunis sur le financement de la création cinématographique et audiovisuelle. Or, avec l’avenir de l’audiovisuel public, c’est bien cela qui est aussi en jeu à ce moment de nos débats. Chers collègues de la majorité, je vous incite donc à la prudence. Votez cet amendement avec nous !

Mme la présidente. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l’amendement n° 463

Mme Aurélie Filippetti. Madame la ministre, je m’étonne de votre réponse incomplète à la question que vous a posée Marcel Rogemont.

Il soulignait que l’autorisation de la publicité pour des produits désignés sous leur appellation générique permet, fort commodément, d’empêcher les programmes de soirée du service public de commencer plus tôt que ceux des chaînes privées. Il ne fallait pas que téléspectateurs soient tentés de commencer leur soirée sur France Télévisions et d’y rester. L’objectif serait même de les renvoyer, le plus possible, vers les chaînes privées. Madame la ministre, cette mesure peut-elle se justifier autrement ? En fait, je ne vois pas quelle autre raison aurait pu pousser le Gouvernement à autoriser ce type de publicité.

Nos amendements visent à supprimer la dernière phrase de l’alinéa 12 de l’article 18 du projet de loi. Selon Aristote, la principale qualité d’un homme politique devrait être la prévoyance. Or cette vertu ne caractérise guère les dispositions que nous examinons. L’extinction totale de la publicité est décidée à partir de 2011, sans qu’aucune garantie ne soit apportée sur le financement de France Télévisions à partir de cette date.


Certes, une compensation est prévue pour les trois prochaines années – à l’euro près, nous dit-on, alors que ces 450 millions représentent déjà un manque à gagner pour France Télévisions. Mais que se passera-t-il après 2011 ? La situation de nos finances publiques ; dont le déficit s’élève à 4 % du PIB, est si catastrophique que le Premier ministre a annoncé le retour à l’équilibre budgétaire pour 2014. Dès lors, comment pouvez-vous annoncer la suppression totale de la publicité sur les chaînes publiques en 2011, sans prendre aucun engagement quant à la pérennité budgétaire de France Télévisions et aux compensations financières qui lui seront accordées ? Votre projet est d’autant plus inquiétant que, je le répète, la situation des finances publiques de notre pays est tellement dégradée qu’il est hypothétique d’envisager un financement de France Télévisions à la hauteur de ses besoins, qui s’élèvent actuellement à 1 ou 1,2 milliard d’euros.

Parce qu’il est impossible de prévoir quel sera le financement de France Télévisions à partir de 2011, nous demandons la suppression de la dernière phrase de l’alinéa 12 de l’article 18.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement n° 464.

Mme Sandrine Mazetier. La suppression de la publicité de marques sur les chaînes publiques aura un impact non seulement sur l’audiovisuel public, mais aussi sur l’ensemble de l’activité économique. Je pense notamment au projet de loi de modernisation de l’économie, dont nous avons longuement discuté avant l’été : en autorisant exclusivement la publicité pour les produits génériques sur les chaînes publiques, on donne un nouveau coup de pouce aux hard discounters. Or, derrière la publicité de marques, il y a des entreprises, donc des intérêts économiques et des salariés à défendre.

Par ailleurs, si la filière des produits laitiers, par exemple, est suffisamment organisée pour mener des campagnes publicitaires de qualité, ce n’est pas le cas de toutes les filières de produits génériques. On risque donc d’assister à un retour de la réclame, c’est-à-dire de messages publicitaires indigents et régressifs. Pourquoi pénaliser ainsi les marques, qui perdront l’audience dont elles bénéficiaient en faisant de la publicité en prime time sur France 2 ou France 3, par exemple ?

J’ajoute que, dans une situation de crise économique, le premier réflexe des annonceurs consiste à réduire leurs investissements publicitaires. Le secteur de la publicité, qui est important, notamment dans toutes les grandes métropoles, subira donc également les conséquences de votre décision. Il est d’ailleurs regrettable que celle-ci n’ait fait l’objet d’aucune étude d’impact, alors qu’elle aura, dès le mois de janvier, des conséquences désastreuses non seulement sur l’audiovisuel public, mais aussi sur l’ensemble du secteur économique. On imagine mal, par exemple, une campagne publicitaire en faveur d’un produit générique comme l’automobile. Or le rôle des marques de voiture françaises est important pour l’emploi dans ce pays. Et je ne parle pas des réalisateurs de cinéma, qui sont nombreux à avoir démarré dans la publicité, ni des intermittents du spectacle qui travaillent dans ce secteur.

Je souhaiterais que vous mesuriez bien les conséquences des décisions que vous vous apprêtez à prendre, car je n’ai pas le sentiment qu’elles aient été anticipées.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Christian Kert, rapporteur. En citant Aristote à propos de la publicité sur France Télévisions, Mme Filippetti nous a démontré combien la pensée de ce grand philosophe est universelle. Il veille d’ailleurs sur nos débats, puisqu’il est représenté sur la tapisserie de L’École d’Athènes. C’est en tout cas une belle leçon !

La commission est défavorable à ces amendements. En revanche, elle est favorable aux amendements nos 100 et 101, que nous avons déposés avec le président Copé et Michel Herbillon et que nous examinerons dans quelques instants. Ces amendements prévoient un dispositif à deux étages. Il s’agit, tout d’abord, d’instituer une clause de rendez-vous début 2011, soit six mois avant la mise en œuvre de la seconde étape de la réforme ; le moment sera en effet politiquement propice à une réflexion sur ce point. Un rapport sera alors remis au Parlement, dont les auteurs bénéficieront d’un recul suffisant pour dresser un bilan des incidences de la réduction de la publicité non seulement sur l’économie du secteur audiovisuel et sur les comptes de France Télévisions, mais aussi sur le contenu des programmes et sur le public. Je précise que ce rapport pourra proposer les mesures législatives nécessaires, qu’il nous appartiendra d’examiner le cas échéant.

Ensuite, afin de disposer d’une évaluation objective et incontestable de la réforme de France Télévisions, l’amendement n° 101 prévoit de confier au CSA, après consultation notamment de l’autorité de régulation professionnelle de la publicité, le soin d’évaluer l’impact de cette réforme sur l’évolution du marché publicitaire et la situation des autres chaînes de télévision.

Sur la base de ces deux rapports distincts, nous pourrons, dans l’esprit de nos nouvelles prérogatives constitutionnelles – il est important de le souligner –, évaluer cette réforme et en contrôler les modalités de mise en œuvre. Ces amendements ultérieurs me semblent donc répondre à un certain nombre des préoccupations de l’opposition.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Avis également défavorable. J’ai noté certaines contradictions dans les interventions des orateurs de l’opposition, notamment en ce qui concerne les produits génériques, dont on dit tantôt que leur publicité sera très abondante et que son caractère ennuyeux détournera les téléspectateurs vers les chaînes privées, tantôt qu’elle sera limitée car peu intéressante pour les annonceurs, ce qui est effectivement probable. On peut imaginer, par exemple, qu’il y aura de la publicité pour les huîtres avant Noël, mais les occasions ne seront pas si fréquentes.

Par ailleurs, je rappelle à Marcel Rogemont, qui a évoqué une compensation de 435 millions d’euros, que celle-ci s’élève bien à 450 millions.

M. Marcel Rogemont. Bien sûr !

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. En ce qui concerne les 800 millions d’euros de pertes de recettes publicitaires après 2011, je rappelle que, le parrainage ainsi que la publicité sur les décrochages locaux et sur Internet étant maintenus, il ne faudra éventuellement trouver que 200 millions au moment de l’extinction du signal analogique.

Enfin, les amendements qu’a évoqués M. le rapporteur sont importants, car ils prévoient une clause de rendez-vous intéressante et pertinente.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. M. le rapporteur nous dit en quelque sorte : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Car notre proposition a le mérite de la simplicité. En 2011, sauf circonstances imprévisibles, la majorité sera la même qu’aujourd’hui. En vous proposant de supprimer la dernière phrase de l’alinéa 12 de l’article 18, qui prévoit la suppression totale de la publicité en 2011, nous vous laissons donc la liberté d’arbitrer comme bon vous semblera. C’est une mesure de bon sens. Pourtant, le rapporteur préfère à notre amendement un système très complexe, qui s’appuie sur un énième rapport – une dizaine au moins sont déjà prévus pour ce seul projet de loi. Encore une fois, notre proposition est beaucoup plus simple et je ne comprends pas pourquoi vous y êtes défavorables.

Par ailleurs, madame la ministre, on sait d’ores et déjà que les recettes des publicités qui pourront être diffusées dans la journée n’atteindront pas le montant requis. Il est en effet impossible que France Télévisions puisse mobiliser 300 millions d’euros de recettes publicitaires avant vingt heures, puisque TF1 et M6 ont déjà fait baisser les prix.

Enfin, il est assez piquant de voir M. Lefebvre nous faire le numéro du père noble, en plaidant en faveur du maintien de la publicité pour les produits génériques, au motif qu’elle fournirait des recettes à France Télévisions. C’est l’hôpital qui se moque de la charité ! D’un côté, on supprime au total 800 millions d’euros de recettes de publicité pour France Télévisions et, de l’autre, on nous explique qu’il faut maintenir la promotion des produits génériques. En écoutant notre collègue défendre, la main sur le cœur, les recettes publicitaires de France Télévisions, je pensais à ces vers de la Légende des siècles :

« Cet homme marchait pur loin des sentiers obliques,

Vêtu de probité candide et de lin blanc »

En vérité, nous savons, grâce à ses multiples déclarations, que l’objectif de M. Lefebvre, qu’il affiche clairement, est bien de diminuer les moyens de la télévision publique et d’augmenter ceux des opérateurs privés.

(Les amendements identiques nos 458, 460, 461, 463 et 464 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 570.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche. Je le ferai sans excès, madame la présidente, pour le bon déroulement de nos travaux.

Mme la présidente. Je vous sais gré de garder le sens de la mesure, monsieur Bloche.

M. Patrick Bloche. Je vous remercie de le reconnaître et je salue la manière dont vous présidez cette séance, madame la présidente.

Nous refusons la décision de supprimer totalement la publicité sur France Télévisions à l’extinction du signal analogique, décision que nous jugeons tout aussi dogmatique que le choix de la date du 5 janvier 2009 pour la suppression de la publicité après vingt heures. Pourquoi, en effet, avoir retenu cette date ? C’est un choix aussi arbitraire que la décision de l’ancien Président de la République, Jacques Chirac, de commémorer la fin de la guerre en Algérie le 5 décembre, alors qu’une majorité de Français ainsi que l’association la plus représentative des anciens combattants en Algérie, Tunisie et Maroc, la FNACA, plaidaient en faveur du 19 mars, la date du cessez-le-feu convenant mieux à la commémoration, par la collectivité nationale, de ceux qui ont eu vingt ans dans les Aurès. Nous avions d’ailleurs fait voter en première lecture à l’Assemblée une proposition de loi en ce sens.


Le Président de la République a décidé, comme s’il faisait usage d’un pouvoir régalien hérité de notre passé monarchique, qu’à partir du moment où il inaugurait un mémorial sur le quai Branly un 5 décembre, cette date devait devenir celle de la commémoration de la fin de la guerre d’Algérie.

Il me semble que retenir la date du 5 janvier 2009 comme point de départ de l’arrêt de la publicité sur France Télévisions procède de la même démarche. Au parti socialiste, nous n’aimons pas les positions dogmatiques (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrice Martin-Lalande. Nous vous décernons le grand prix de l’humour, monsieur Bloche !

M. Patrick Bloche. Nous sommes attachés à la prise en compte de la réalité du monde dans lequel nous vivons, en l’occurrence la réalité d’un paysage audiovisuel français en mouvement continuel. Nous ne votons pas une loi sur l’audiovisuel chaque année. Dès lors, pourquoi vouloir tout figer à la date du 5 janvier 2009 ? N’est-ce pas l’expression d’un dogme que de retenir sans raison cette date plutôt qu’une autre, que de décider la mise en place d’une première phase lors de laquelle la publicité sera supprimée entre vingt heures et six heures du matin, avant de faire l’objet d’une suppression totale ?

Si elles sont sans fondement, ces décisions ne sont pas sans conséquences en termes de financement, bien au contraire. Le risque le plus évident est que les ressources publicitaires censées persister dans la journée lors de la première phase – de 2009 à 2011 –, se révèlent très insuffisantes pour assurer l’équilibre financier attendu. Comme elles ont déjà commencé à le faire, les chaînes privées vont en effet se livrer à un dumping sur le prix des annonces publicitaires diffusées dans la journée, afin de pouvoir augmenter les prix des annonces en soirée et de profiter ainsi pleinement de l’effet d’aubaine constitué par le transfert des ressources publicitaires du public vers le privé.

Avec la série d’amendements que nous examinons actuellement, nous voulons tenter de convaincre la majorité de renoncer à imposer des positions dogmatiques en un domaine où il convient de légiférer en fonction de deux objectifs essentiels : d’une part, les conditions dans lesquelles l’audiovisuel public remplit ses missions de service public, notamment en matière de création ; d’autre part, les moyens d’assurer un financement pérenne de l’audiovisuel public français.

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 569.

La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Je veux d’abord faire une remarque d’ordre général sur le déroulement de nos débats. Je constate qu’à part le fait d’avoir obtenu la rédaction de trois ou quatre rapports, l’examen de ce texte en séance n’aura permis d’y apporter aucune modification.

M. Christian Kert, rapporteur. Nous avons adopté certains amendements !

M. Marcel Rogemont. Je le reconnais : vous, monsieur le rapporteur, n’avez pas d’oreilles de cochon et savez écouter proprement les propositions que nous vous faisons. Nous n’en regrettons que davantage que vous fassiez preuve d’une telle parcimonie lorsqu’il s’agit de les accepter. Vous nous demandez en fait d’accepter ce texte en un seul bloc, sans rien y changer. Pourquoi ? Tout simplement parce que le Président de la République en a décidé ainsi.

M. Jean Dionis du Séjour. Quelle rigidité !

M. Marcel Rogemont. Comme le dit notre collègue Dionis du Séjour, vous faites preuve d’une rigidité surprenante, dont les conséquences antiéconomiques ne vous arrêtent même pas. Ce que nous proposons pour notre part avec cette série d’amendements, c’est l’introduction d’une progressivité dans votre démarche. En refusant cette progressivité, vous éreintez le budget de la République,…

M. Patrice Martin-Lalande. C’est faux !

M. Marcel Rogemont. …déjà bien mal en point. À cet égard, les 15 milliards d’euros que vous avez distribués aux plus riches d’entre nous n’ont certainement pas amélioré la situation – quand j’évoque les plus riches d’entre nous, je veux parler des Français en général, pas des députés, encore que certains ici présents puissent se sentir visés.

Vous avez même refusé que soit établi, avant l’échéance du délai de trois ans au terme duquel la publicité sera complètement supprimée, un bilan permettant de décider si les conditions financières permettent effectivement de passer à cette dernière phase.

M. Patrice Martin-Lalande. Bien sûr que nous pourrons le faire !

M. Marcel Rogemont. Les 450 millions d’euros de compensation dont vous parlez…

M. Patrice Martin-Lalande. Nous ne sommes plus à en parler : nous les avons votés en loi de finances !

M. Marcel Rogemont. …ne sont tout de même pas négligeables, et pourraient par exemple servir à financer les retraites ou les hôpitaux. N’y avait-il pas d’autre priorité que celle consistant à les affecter à la compensation de la suppression de la publicité sur France Télévisions ?

M. Patrice Martin-Lalande. C’est voté !

M. Marcel Rogemont. Mais quand le Président de la République a décidé de faire plaisir à ses amis de TF1 et que les dîners au Fouquet’s ne suffisent plus, rien n’est trop beau ! Nous vous demandons instamment d’assortir la mise en œuvre de votre projet de mesures de progressivité. Ne soyez pas autistes, essayez de comprendre que ce serait une erreur économique de refuser. Comme plusieurs orateurs l’ont expliqué, la tranche d’horaire précédant vingt heures sera extrêmement concurrentielle et il est évident que les chaînes privées, notamment TF1 et M6, vont casser les prix sur cette tranche pour tuer France Télévisions. De grâce, pas d’oreilles de cochon, mais de la progressivité !

Mme la présidente. Chacun aura bien noté que votre département, l’Ille-et-Vilaine, était une zone de forte production porcine, d’où l’expression qui semble vous être chère, monsieur Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Ma circonscription compte effectivement plus de porcs que d’habitants !

M. Yves Jégo, secrétaire d’État. Tout s’explique !

Mme la présidente. En dépit de l’affection que vous leur portez, les cochons ne voteront jamais pour vous, monsieur Rogemont !

Je suis saisie d’un amendement n° 568.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Je veux insister sur l’inanité économique des mesures qui vont être mises en œuvre si l’alinéa 12 de l’article 18 est voté sans modification.

Nous lisons aujourd’hui dans la presse que l’équipementier automobile Faurecia, filiale de PSA Peugeot Citroën, va supprimer 1 215 emplois en France. Dans ce qui nous a été présenté la semaine dernière comme un plan de relance, on nous annonçait des mesures destinées à soutenir la branche automobile, un secteur économique important, notamment pour le nombre de personnes employées. Au moment même où vous annoncez des primes à la casse, où des mesures de chômage technique sont déjà mises en œuvre et où des plans sociaux massifs sont annoncés par les constructeurs automobiles et leurs sous-traitants, par pur caprice présidentiel, vous vous apprêtez à supprimer la possibilité pour les marques automobiles de faire de la publicité sur les chaînes publiques.

Une telle mesure est complètement injustifiable ! Non seulement vous allez priver de visibilité publicitaire un secteur d’activité qui a plus que jamais besoin d’être soutenu, mais vous allez du même coup priver l’audiovisuel public des ressources correspondantes. Or nous savons bien que ce manque à gagner ne pourra jamais être compensé et que l’espace libéré par la suppression de la publicité ne bénéficiera d’aucun financement de nature à permettre le développement de nouveaux programmes. Du point de vue économique, tout cela est totalement irrationnel !

Que le Président de la République ait eu, le 8 janvier dernier, l’idée saugrenue d’imposer brutalement la suppression de la publicité sur l’audiovisuel public, on peut le comprendre,…

M. Patrice Martin-Lalande. Un peu de respect pour la fonction présidentielle, s’il vous plaît !

Mme Sandrine Mazetier. …dans la mesure où il s’agissait d’un effet d’annonce – au demeurant parfaitement réussi, puisque cette décision a suscité énormément de débats.

Entre-temps, la situation économique est devenue d’une telle gravité que les parlementaires ont désormais le devoir de revenir sur ce caprice présidentiel. Ce coup de communication va en effet coûter très cher, non seulement à l’audiovisuel public – ce qui justifierait déjà que nous nous élevions contre –, mais aussi à tous les contribuables français et à tous les secteurs d’activité économique. Pour ces raisons, mes chers collègues, je vous demande de voter les amendements à l’article 18 que nous avons présentés. En tout état de cause, ne votez pas l’article 18, qui représente une catastrophe industrielle et économique pour tous les Français.

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 567.

La parole est à Mme Aurélie Filippetti.

Mme Aurélie Filippetti. Comme vient de le dire notre collègue Sandrine Mazetier, le projet de loi dont nous débattons n’a d’autre origine qu’un caprice présidentiel – encore que le terme « caprice » soit un peu trop gentil pour désigner la décision prise face à la pression de certains groupes industriels, dont les précédents dirigeants avaient osé affirmer qu’ils voyaient essentiellement dans les téléspectateurs « le temps de cerveau disponible » représenté par chacun d’eux.

La suppression de la publicité sur les chaînes publiques à compter du 5 janvier prochain a été décrétée par pur dogmatisme, sans tenir compte de l’avis du service public audiovisuel ni des droits du Parlement – ce dont même le président du Sénat s’est étonné. Il n’y avait aucune nécessité de supprimer aussi brutalement la publicité et de mettre ainsi en cause la pérennité du financement de France Télévisions et de Radio France.

M. le rapporteur nous a indiqué qu’il allait demander la rédaction d’un rapport. Mais quand on sait que le rapport de la commission Copé envisageait une suppression de la publicité à compter de septembre 2009, on comprend à quel point les rapports comptent peu lorsque le pouvoir a l’intention de prendre une décision. Ce n’est donc pas l’établissement d’un rapport que nous demandons, mais l’engagement de revenir sur la suppression de la publicité, qui aurait pour effet d’empêcher France Télévisions d’assurer le financement de programmes de qualité dans les années à venir. Notre unique souci est de garder vivants les feux coruscants du service public de la télévision, dans la nuit intellectuelle que veulent nous imposer les dirigeants des grands groupes audiovisuels et industriels (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Les amendements nos 566, 565, 564 et 563 sont défendus.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Christian Kert, rapporteur. Je veux commencer par dire à notre collègue Patrick Bloche que le parallèle qu’il a établi entre la date du 5 décembre et celle du 5 janvier ne me paraît pas justifiée. La date du 5 décembre marque en effet la commémoration d’événements douloureux pour la France, alors que la date du 5 janvier doit marquer le point de départ d’une très belle aventure (Exclamations sur les bancs du groupe SRC – « Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)


Donc avis défavorable, non pas par volonté de dire non, mais parce qu’on pourrait invoquer les mêmes raisons pour revenir sur le dispositif prévu et, surtout, parce que accepter ces amendements reviendrait à différer encore et toujours la suppression totale de la publicité sur les chaînes de France Télévisions et à changer les modalités simples et légitimes qui figurent dans le rapport de la commission pour la nouvelle télévision publique. Comme tel n’est pas le sentiment général, nous ne pouvons accepter ces amendements qui visent, non pas à améliorer le texte, mais à le transformer fondamentalement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Avis défavorable. Je suis toujours surprise d’entendre cette défense et illustration de la publicité, que nous apprécions d’ailleurs nous aussi. Michel Françaix était davantage dans une culture que je pensais, jusqu’à ces derniers jours, plus profondément la vôtre lorsqu’il disait, en 1999, que la réduction de la publicité, dont il regrettait qu’elle ne soit pas plus forte, permettrait de diffuser de meilleurs programmes parce que moins soumis au chef de la publicité qui est d’habitude assis sur les épaules du chef des programmes, épaules qu’il écrase, bien sûr. Cette position était forte et très bien exprimée.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Dans cette affaire, comme dans beaucoup d’autres, d’ailleurs, tout est relatif. Ainsi, pour la carotte, c’est le lapin qui est l’incarnation du mal. (Sourires.) Il faut donc toujours essayer de prendre un peu de distance, la vérité d’un moment n’est pas nécessairement celle de l’autre. Je tiens à défendre notre collègue Françaix. Dans la loi d’août 2000, nous avions tous en effet la conviction qu’il fallait limiter la pression de la publicité sur les programmes de France 2, en particulier. Mais, je le rappelle, à ce moment-là, le poids de la publicité dans le budget de France Télévisions, c’était plus de 50 %. La loi d’août 2000 a ramené cette proportion à 35 %. Cela nous avait semblé correspondre à une sorte d’équilibre. Je reste convaincu qu’il faut un peu de publicité pour une chaîne populaire à vocation généraliste. C’est une vibration avec la société et cela assure une ressource autonome et indépendante du pouvoir politique.

La question est bien là. J’en reviens à la relativité, madame la ministre : nous sommes convaincus que vous n’avez pas envie de faire du bien à la télévision publique et que vous avez monté tout ce dispositif pour la soumettre et la mettre aux ordres du Président de la République, dans la perspective de l’élection présidentielle de 2012.

À douze heures cinquante, à l’heure où nous nous apprêtons tous à aller prendre un sandwich au jambon avec quelques cucurbitacées, j’en resterai là. Mais je rappellerai qu’il est parfaitement faux de dire que nous sommes des défenseurs absolus de la publicité. Nous pensons simplement qu’il faut moduler la publicité, l’interdire même dans certains cas. Nous avons souvent évoqué à ce titre les programmes destinés aux enfants et à la jeunesse, auxquels nous tenons beaucoup. Mais nous considérons que cette vision standardisée, homogénéisée, formatée, dans laquelle on met tout le monde sur le même plan, cette sorte de vision soviétique de la télévision publique (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP) est une vraie dérive de l’UMP.

M. Patrice Martin-Lalande. Quel gag !

(Les amendements nos 570, 569, 568, 567, 566, 565, 564 et 563, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 99 et 630.

La parole est à M. le rapporteur pour présenter l’amendement n° 99.

M. Christian Kert, rapporteur. Peut-être pourrions-nous laisser à M. Mathus le soin de le défendre ?

Mme la présidente. Qui souhaite défendre l’amendement n° 630 ? Monsieur Mathus ? Monsieur Rogemont ?

M. Christian Kert, rapporteur. Je vais le faire, madame la présidente, si nos collègues ne sont pas prêts.

Mme la présidente. Chacun aura remarqué le geste du rapporteur…

M. Christian Kert, rapporteur. Ces amendements visent à confirmer que la suppression de la publicité sur les services de France Télévisions ne concerne pas ce qu’on appelle les campagnes d’intérêt général. Ils apportent donc une précision de nature quasi rédactionnelle, l’intention explicite du Gouvernement dans l’exposé des motifs de son projet de loi étant bien de permettre à France Télévisions de continuer à diffuser des messages d’intérêt général. Ces messages ne sont pas juridiquement regardés comme des messages publicitaires bien qu’ils puissent être insérés dans des séquences publicitaires. C’est le cas des campagnes des organisations caritatives et des campagnes d’information des administrations.

Outre les facilités que les chaînes accordent de leur propre chef aux associations pour permettre l’accès à leur antenne, une circulaire du Premier ministre du 30 novembre 2005 prévoit que toute campagne qualifiée par le Premier ministre de grande cause nationale doit être diffusée gratuitement par les chaînes publiques. Il est légitime de maintenir ce dispositif.

Madame la ministre, on pourrait peut-être en profiter pour noter au passage les résultats que peuvent obtenir les formules comme « Alerte enlèvement », que l’ensemble des chaînes ont accepté de diffuser. La procédure a porté ses fruits presque immédiatement dans une affaire très récente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Avis favorable. Comme l’a souligné le rapporteur, la procédure « Alerte enlèvement » a eu, une fois encore, des effets extrêmement rapides dans une affaire qui aurait pu être tragique.

(Les amendements identiques nos 99 et 630 sont adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 523 rectifié.

Cet amendement fait l’objet d’une série de sous-amendements.

La parole est à M. Yves Jégo, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, pour présenter l’amendement.

M. Yves Jégo, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Cet amendement vise à assurer l’épanouissement de la diversité télévisuelle dans les territoires d’outre-mer. Vous avez voté, il y a quelques jours, la mise en place de la TNT outre-mer qui devrait permettre, à partir de 2010, de bénéficier, dans chacun des territoires, de services qui existent depuis 2005 en métropole. Je veux parler d’une offre télévisuelle élargie et gratuite. Dans cette perspective, il faut susciter la création de chaînes locales, de chaînes de la diversité, de chaînes qui permettent à chacun des territoires de valoriser une offre locale. Pour ce faire, il faut, au nom de ce pluralisme, libérer les parts de marché publicitaire qui sont aujourd’hui « trustées » par RFO.

Je note d’ailleurs que ces parts sont très faibles puisque RFO n’a que 7 % de son budget en publicité, ce qui est extrêmement faible par rapport au ratio habituel. D’autres chaînes pourront ainsi être créées et RFO sera comme les autres chaînes publiques en métropole. Il n’y a pas de raison particulière que nous voulions un service public en métropole libéré des contraintes du marché publicitaire et du diktat de l’audimat, et qu’outre-mer nous laissions ce poids peser sur la chaîne publique. Le Gouvernement souhaite une chaîne publique de qualité. RFO, une fois libérée de ce boulet, pourra en effet se redéployer dans de bonnes conditions. Nous voulons également une offre diversifiée.

Tel est l’objet de cet amendement qui précise que la fin de la publicité interviendra au moment où la TNT montera en puissance et, en tout état de cause, au plus tard en 2011. Cette date, annoncée dès aujourd’hui, permettra à RFO de préparer son avenir et de faire les efforts de rationalisation indispensables dans sa gestion pour économiser, chaque année, une part des 7 %, afin d’arriver en 2011 avec un budget ne dépendant plus de ce petit morceau de marché publicitaire. Cela garantira à nos compatriotes ultra-marins, non seulement la diversité des chaînes, mais aussi un service public de grande qualité auquel nous aspirons tous pour l’outre-mer aussi.

Mme Marie-Anne Montchamp. Très bien !

Mme la présidente. Je suis saisie d’un sous-amendement n° 874.

La parole est à M. Didier Mathus.

M. Didier Mathus. Madame la présidente, je trouve qu’il n’est pas raisonnable d’engager à douze heures cinquante-cinq le débat sur la publicité sur RFO. Nous aurions souhaité l’aborder sereinement en début de séance cet après midi.

Mme la présidente. Monsieur Mathus, vous avez pu juger toute la matinée combien j’ai essayé de répondre aux demandes des uns et des autres. Mais nous avons commencé maintenant la discussion sur l’amendement. Je vous propose donc de défendre vos sous-amendements.

M. Patrick Bloche. Cela signifie que nous déjeunerons à quatorze heures !

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Il est surprenant qu’un amendement gouvernemental tenant à supprimer la publicité sur RFO arrive en séance sans avoir été examiné par la commission. Subrepticement, le Gouvernement fait une fois encore des cadeaux à ses petits copains. En l’occurrence, bien sûr, il ne s’agit pas de Martin Bouygues – je ne citerai pas ici les noms des personnes concernées. Des chaînes privées, déjà en place dans certains départements ultra-marins, souhaitent en effet récupérer les recettes publicitaires de RFO.

Mme la présidente. Monsieur Rogemont, à la lecture de l’amendement, vous pouvez noter qu’il a été déposé le 24 novembre. Or nous sommes aujourd’hui le 12 décembre.

M. Marcel Rogemont. Certes, mais il n’a pas été examiné en commission. Nous n’avons pas été en mesure de débattre de la question.

M. Patrice Martin-Lalande. Cette question a été soulevée en commission !

M. Marcel Rogemont. Certes, monsieur Martin-Lalande, mais nous n’avons pas débattu d’un amendement visant à supprimer la publicité sur RFO.

Victorin Lurel s’est déjà exprimé sur ce sujet. Il avait expliqué que le président Patrick de Carolis lui avait assuré, le 4 novembre dernier, qu’il n’était pas question de supprimer la publicité sur RFO. Il est vrai que ce n’est pas M. de Carolis qui fait la loi : c’est Martin Bouygues.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture. Oh !

M. Patrice Martin-Lalande. C’est nul !

M. Marcel Rogemont. C’est la réalité ! L’engagement du président de France Télévisions n’a donc pas été tenu.

La suppression de la publicité sur RFO va en outre entraîner la suppression de 65 emplois, ce qui n’est pas neutre pour les territoires d’outre-mer. Le ministre Jégo nous dit que la publicité ne représente que 18 ou 20 millions : mais c’est un petit argument. Je tiens, moi, à souligner qu’il n’y a pas de position claire du Gouvernement. Elle change sans cesse. C’est bien pour cela que, dans nos amendements précédents, nous demandions un nouveau débat avant de prendre la décision de supprimer définitivement la publicité en 2011. Nous ne savons pas dans quel environnement se décide la loi.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Voilà toutes les raisons pour lesquelles je ne souhaite pas que la suppression de la publicité s’applique à la Martinique.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche, pour défendre le sous-amendement n° 875.

M. Patrick Bloche. Nous abordons un sujet qui est loin d’être secondaire et sur lequel je souhaite m’attarder, malgré mon état d’hypoglycémie avancée.

Vous prétendez que l’amendement du Gouvernement n’a pas été déposé à la dernière minute, puisqu’il a été déposé le 24 novembre. Mais, madame la présidente, le 24 novembre, c’est la veille du 25.

M. Michel Herbillon. C’est le seul point sur lequel nous serons d’accord !

M. Patrick Bloche. Or le 25 novembre, c’est le jour où nous avons commencé le débat sur l’audiovisuel. Nous avons donc entamé nos discussions, alors que le Gouvernement venait de déposer sur son texte un amendement auquel ne s’appliquait pas l’article 88 et qui modifiait de façon substantielle le projet de loi, faisant surtout peser de graves menaces sur RFO.

M. Frédéric Lefebvre. Victorin Lurel a quand même eu le temps de déposer une dizaine de sous-amendements !

M. Patrick Bloche. C’est donc un mauvais coup fait à la représentation nationale. D’autant qu’il me semble me souvenir que la commission Copé s’était montrée unanime à vouloir le maintien de la publicité sur RFO, comme sur les antennes régionales de France 3.

Or pourquoi ce qui vaut pour les antennes régionales de France 3 ne vaudrait pas pour RFO, surtout quand on sait que la publicité sur RFO représente près de 19 millions d’euros de ressources, mais aussi 65 emplois ?

Ce qui se passe outre-mer n’est donc pas très joli. On veut contenter quelques Flosse locaux, qui souhaitent avoir la mainmise sur les médias locaux ou récupérer de la publicité, grâce à cet amendement qui témoigne une nouvelle fois du peu de cas que le Gouvernement et la majorité font de RFO.

C’est un mauvais signe envoyé à nos concitoyens ultramarins. Nous avons dit tout à l’heure l’attachement des Français à France 3 ; nos devons prendre conscience de l’attachement légitime de nos concitoyens ultramarins pour RFO, et il serait souhaitable pour eux que vous choisissiez nos sous-amendements plutôt que l’amendement du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mathus, pour défendre le sous-amendement n° 877.

M. Didier Mathus. J’insiste sur le fait que le Gouvernement avance masqué, puisque cette disposition ne figurait pas dans le projet de loi initial et qu’elle n’a pas été débattue par la commission.

Tous les acteurs du dossier considéraient pourtant légitime et naturel le maintien de la publicité sur RFO, notamment à cause des 65 emplois qu’elle représente, ce qui est économiquement important à l’échelle de ces territoires.

Ne tournons donc pas autour du pot, qui, en l’occurrence, est un pot de confiture : celui qui contient les 18 millions d’euros de recettes publicitaires de RFO, sur lesquelles lorgnent des groupes privés et non des moindres – je veux parler du groupe France-Antilles et du groupe Hersant.

On veut faire cadeau de ces 18 millions au groupe Hersant et procéder à ce que Victorin Lurel nomme la « flossisation » de l’outre-mer, en inféodant aux collectivités territoriales les Télé Pays que regroupe aujourd’hui RFO.

Cet amendement est donc une mauvaise action, et nos sous-amendements entendent éviter le pire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour défendre le sous-amendement n° 878.

Mme Aurélie Filippetti. Voici donc un nouveau coup, porté cette fois-ci à RFO par cet amendement du Gouvernement, qui n’a d’autre but que de servir les intérêts du groupe Hersant, propriétaire du groupe France-Antilles, car rien ne justifie autrement la suppression, annoncée le 24 novembre, de la publicité sur RFO.

M. Patrice Martin-Lalande. Comment développer d’autres télévisions locales si la publicité est monopolisée par une seule chaîne ?

Mme Aurélie Filippetti. Le groupe socialiste à l’Assemblée nationale a mené une dizaine d’auditions sur RFO, contrairement à la commission Copé, qui ne s’en est jamais souciée. De même, la commission spéciale n’a jamais examiné la question de la suppression de la publicité sur RFO. Nous avons donc affaire à un procédé d’autant plus inacceptable que, d’après le président du groupe France Télévisions et le directeur général de RFO, l’État actionnaire s’était engagé à conserver la publicité sur RFO au moins dans l’immédiat, notamment en raison des 65 salariés affectés à la publicité, celle-ci représentant de plus 18,6 millions d’euros de recettes, qui vont devoir être compensés par l’État.

Comme le rappelait Victorin Lurel, les antennes de RFO vont être abandonnées à leur sort et devenir entièrement dépendantes du parrainage des collectivités locales. Quant aux groupes de presse privés, souvent en situation de monopole, ils vont bénéficier de l’exclusivité du marché publicitaire dans ces régions.

C’est pour toute ces raisons que nous nous opposons avec la plus grande fermeté à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour défendre le sous-amendement n° 881.

Mme Sandrine Mazetier. Les députés ne sont pas à la disposition des ministres, et si M. Jégo n’a que quelques minutes à accorder au sort de RFO entre treize heures et treize heures trente…

Mme la présidente. Madame Mazetier, c’est moi qui ai pris la décision de continuer nos débats. Il était douze heures quarante-cinq, et je ne vois pas à quel titre j’aurais levé la séance. M. le ministre ne m’a strictement rien demandé.

Mme Sandrine Mazetier. Madame la présidente, il était douze heures cinquante-cinq quand nous avons entamé la discussion de cet amendement.

Mme la présidente. Il était douze heures quarante-cinq, et j’ai pris mes responsabilités en décidant de poursuivre les débats. Vous avez la parole.

Mme Sandrine Mazetier. Permettez-moi dans ce cas d’évoquer l’insoutenable légèreté dont fait preuve le Gouvernement dans cette affaire. Nous avions déjà constaté, depuis le début de l’examen de ce projet de loi, avec quelle légèreté Mme Albanel considérait le sort de l’audiovisuel public, jugeant que l’impact de la suppression de la publicité à partir du 5 janvier prochain n’avait pas à être anticipé.

Aujourd’hui, c’est M. Jégo qui vient tranquillement, entre treize heures et treize heures trente, mettre au chômage 65 personnes, donner la main à des groupes privés et entériner la « flossisation » de l’audiovisuel public outre-mer. Et tout cela le plus tranquillement du monde, comme si cela n’avait aucune importance.

Si nous avions des doutes sur l’objectif de l’amendement Jégo, l’exposé des motifs nous éclaire parfaitement quant à ses bénéficiaires, puisque il conditionne la suppression de la publicité par l’existence dans les collectivités concernées de chaînes privées, à qui semble dès lors revenir le bénéfice des 7 % de ressources publicitaires de RFO.

Nous ne voulons pas outre-mer d’un audiovisuel inféodé, et nous nous opposerons avec énergie et détermination à cet amendement insupportable, plein de mépris pour les salariés de RFO et l’ensemble de la société ultramarine.

Dans un communiqué, Victorin Lurel s’étonne du silence de Patrick de Carolis et de Yves Garnier, directeur général de RFO, qui, lors de leurs auditions par le groupe socialiste, avaient affirmé que l’État actionnaire était d’accord avec France Télévisions pour conserver la publicité sur RFO dans l’immédiat, notamment en raison de la présence de 65 collaborateurs spécifiquement affectés à cette tâche. M. Yves Garnier, directeur général de RFO, auditionné par le groupe de travail socialiste sur RFO, a confirmé cet accord le 7 novembre, soit quinze jours avant le dépôt de cet amendement.

Mais, de facto, ce sont 18,6 millions d’euros de ressources qui vont être supprimées pour France Télévisions et RFO, et nous ne trouvons pas cela anodin ou sans importance. Aussi n’entendons-nous pas nous taire sur cette mise à mort de RFO.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche, pour défendre le sous-amendement n° 882.

M. Patrick Bloche. Il s’agit d’un sous-amendement de repli qui entend limiter la casse en repoussant l’échéance funeste à laquelle l’amendement n° 523 rectifié entend retirer à RFO 19 millions d’euros de ressources publicitaires et 65 emplois liés à cette manne publicitaire.

Je répète que l’amendement n° 523 rectifié a été déposé au dernier moment, qu’il n’a fait l’objet d’aucun examen préalable par la commission et que, durant les deux mois au cours desquels nous avons participé aux travaux de la commission Copé, à aucun moment la suppression de la publicité sur RFO n’a été évoquée.

Ces 19 millions d’euros de recettes publicitaires en moins témoignent bien de l’inconstance du Gouvernement qui, dans cette affaire, joue une fois encore aux apprentis sorciers avec sa majorité.


En tout cas, cela se traduit par une fragilisation de RFO, douloureusement ressentie par nos concitoyens ultramarins : M. Victorin Lurel, avec le talent et la fougue qu’on lui connaît, a voulu se faire l’avocat de ces préoccupations. Que l’intérêt général est peu présent dans l’amendement du Gouvernement, mais que les intérêts particuliers y sont présents !

Parce que nous sommes attachés à l’article XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, à la liberté de la communication, à l’indépendance et au pluralisme des médias, il nous appartient de nous y opposer, à nous qui ne représentons pas un département mais la nation tout entière, dont la France ultramarine fait partie. L’indépendance, le pluralisme, la liberté de communication se doivent d’être protégés dans ces terres certes lointaines géographiquement, mais qui nous sont si proches puisque ce sont des terres françaises !

Et il y a, là-bas, des intérêts financiers, des intérêts médiatiques, qui saisissent l’opportunité de ce projet de loi pour accentuer leur mainmise. Quelle aubaine que ces dix-neuf millions d’euros de ressources publicitaires qui seront ainsi transférés de RFO vers des médias locaux privés ! Ils sont à l’image des 450 millions d’euros de ressources publicitaires qui iront, en métropole, du public vers le privé : on retrouve chaque fois la même logique. Où est l’intérêt général ? Il n’est nulle part ; il ne s’agit que de servir des intérêts privés.

M. Patrice Martin-Lalande. Le pluralisme n’est pas un intérêt privé !

M. Patrick Bloche. Cela confirme que, le 8 janvier 2008, le Président de la République, lorsqu’il a fait son ô combien inopportune déclaration sur la suppression de la publicité sur les chaînes de France Télévisions, pensait d’abord à Martin Bouygues – et aujourd’hui, le Gouvernement nous confirme que cela vaut aussi pour l’outre-mer. Cet amendement, déposé au dernier moment, à la veille du commencement des débats parlementaires,…

M. Patrice Martin-Lalande. Il a été déposé il y a dix-huit jours !

M. Patrick Bloche. …n’est pas, cette fois, fait pour M. Bouygues mais pour d’autres amis, ceux du groupe France-Antilles, qui pourra récupérer des ressources publicitaires actuellement versées à RFO.

Permettez, monsieur le rapporteur, madame la ministre, monsieur le ministre, que nous repoussions à 2015 une perspective aussi funeste !

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rogemont, pour soutenir le sous-amendement n° 868.

M. Marcel Rogemont. Je vais poursuivre un instant l’argumentation de mon collègue et ami Patrick Bloche, tant il est vrai que le changement de pied du Gouvernement sur RFO témoigne, une fois de plus – tout comme la décision du Président de la République le 8 janvier 2008, prise après un repas avec Alain Minc – qu’il suffit d’un coup de téléphone ou d’une rencontre pour qu’immédiatement l’économie de l’audiovisuel change du tout au tout. Hier, c’était le Livre blanc de TF1 qui arrivait sur le bureau de M. Sarkozy – lequel avait, il est vrai, envoyé à TF1 l’un de ses collaborateurs directs afin, probablement, que le lien entre cette chaîne et l’Élysée se fasse dans le meilleur esprit. Un autre jour, il suffit qu’un autre ami téléphone – vu l’importance du sujet, peut-être n’a-t-il téléphoné qu’à M. Jégo, et encore ! – et un amendement surgit qui bouleverse l’architecture prévue : supprimer la publicité sur les chaînes nationales, mais la conserver sur les chaînes locales. Nous n’étions d’ailleurs pas d’accord avec cette architecture dont vous nous vantez les mérites. Mais voilà que l’on supprime aussi la publicité sur RFO, qui est le France 3 ultra-marin ! Un tel traitement n’est pas correct.

Le président Charles de Gaulle disait : « la politique de la France ne se fait pas à la corbeille ». Là, pardon, mais nous avons des corbeilles de décisions, toutes prises en faveur d’intérêts financiers privés – de toute façon, les contribuables paieront !

Pourquoi la commission Copé n’a-t-elle procédé à aucune audition concernant RFO ? Tout simplement parce que tout le monde pensait que l’affaire était réglée, qu’on ne changerait rien au statut de RFO, et que dès lors entamer le débat n’était pas utile.

Je souhaite que le rapporteur de la commission spéciale, que son vice-président, que Mme la ministre s’expriment sur un point. Vous proposez la suppression de la publicité sur France Télévisions, et vous versez en compensation 450 millions d’euros. Nous avons demandé que cette compensation soit intégrale – je ne reprends pas ici ce débat : vous avez dit 450 millions et ils sont là.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est une compensation intégrale !

M. Marcel Rogemont. Mais vous supprimez maintenant la publicité sur RFO, ce qui revient à ôter à France Télévisions 18,6 millions d’euros de ressources publicitaires supplémentaires. Dès lors, il est normal que nous vous demandions une compensation intégrale de cette somme. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, les 450 millions doivent devenir 468,6 millions, de façon à ce que la compensation due à la perte de publicité sur RFO soit intégrale.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Marcel Rogemont. Nous vous le demandons, car le Gouvernement ne doit pas prendre encore des décisions qui entravent le financement normal de France Télévisions !

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mathus, pour soutenir le sous-amendement n° 867.

M. Didier Mathus. J’y insiste : il y a dans le projet de loi une forme de tromperie. On nous a parlé de 450 millions d’euros, et l’amendement du Gouvernement porte cette somme à 468 millions d’euros. Notre sous-amendement propose que le Gouvernement indique de quelle manière il entend trouver ces 18,6 millions d’euros supplémentaires, qui devront compenser la disparition des recettes supplémentaires de RFO.

Je pourrais intervenir longuement, je ne le ferai pas. Mais ce n’est pas une façon normale de légiférer ! Les intérêts particuliers sont ici extrêmement présents ; face à de tels sujets, on s’interroge sur le sens de l’intérêt général qui préside aux décisions de certains membres du Gouvernement !

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir le sous-amendement n° 869.

Mme Sandrine Mazetier. Encore une fois, on supprime subrepticement des ressources de l’audiovisuel public ; elles passent à la trappe ! Ce ne sont plus désormais 450 millions de recettes qui doivent être compensés, mais 468,6 millions – et après tout, il faudrait arrondir ce chiffre à 469 millions, voire 470 millions.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture, et M. Patrice Martin-Lalande. C’est en 2011, pas maintenant ! Il faut apprendre à compter.

Mme Sandrine Mazetier. J’arrête là : tout cela n’est vraiment pas drôle. Alors que nombre de nos concitoyens sont à la rue, qu’un grand nombre d’entre eux sont totalement stressés, que les restaurants perdent des recettes, que les achats de Noël montrent que les Français se serrent la ceinture, que les plans sociaux se multiplient, est-ce le moment de demander aux contribuables de dépenser 470 millions d’euros en 2009 pour compenser les pertes de recettes publicitaires de l’audiovisuel public ?

Vous croyez vraiment que cette somme ne peut servir à rien d’autre ? Il y avait il y a quelque temps un mouvement sur le prix de l’essence en Guyane. N’y a-t-il rien d’autre à faire de l’argent public en Guyane, monsieur le secrétaire d’État, que de le donner à France-Antilles ? N’y a-t-il pas d’autres urgences – rien d’autre, vraiment ?

Voulez-vous que nos collègues socialistes qui représentent ces territoires vous proposent des idées, puisque vous semblez en manquer ?

M. Christian Kert, rapporteur. Aujourd’hui, effectivement, nous aimerions les voir !

Mme Sandrine Mazetier. Tous les journaux de ce matin évoquent le climat social, et la situation en Grèce, qui pourrait bien être contagieuse. La Guyane flambait il n’y a pas si longtemps. Voulez-vous que le mouvement reprenne ? Est-ce cela, votre politique ? Le caractère indécent et irresponsable des décisions que vous prenez nous étonne, nous indigne, nous scandalise !

Monsieur le ministre, je vous propose de retirer cet amendement…

M. Frédéric Lefebvre. Retirez plutôt les vôtres !

Mme Sandrine Mazetier. …car il est absolument irresponsable dans la période actuelle compte tenu non seulement de la situation dans l’ensemble de notre république, mais aussi, spécifiquement, de la situation outre-mer. Le retrait de cet amendement serait à votre honneur, et cela vous changerait !

Mme la présidente. Sur le vote de l’amendement n° 523 rectifié, je suis saisie par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir le sous-amendement n° 873.

M. Patrick Bloche. Nous nous battons pied à pied contre un mauvais amendement tombé, cela a déjà été dit, comme un cheveu dans la soupe.

M. Patrice Martin-Lalande. Il a été déposé il y a dix-huit jours, bien avant les vôtres !

M. Patrick Bloche. Il est arrivé à la veille des débats parlementaires, alors que les échanges, au sein de la commission Copé puis de la commission spéciale, avaient toujours tablé sur le maintien de la publicité sur RFO : il n’y a eu aucun débat sur ce point.

M. Patrice Martin-Lalande. On en a parlé en commission spéciale !

M. Patrick Bloche. L’amendement du Gouvernement a été déposé le 24 novembre, c’est-à-dire la veille du début des débats parlementaires. Ses conséquences sont lourdes : des intérêts privés, très bien identifiés, sont généreusement servis. Comme l’ont expliqué mes collègues avec beaucoup de talent, ce sont dix-neuf millions d’euros qui sont en jeu, et qui ne viendront pas abonder le budget de RFO.

Vous avez parlé de compensation à l’euro près – pour trois ans seulement, il est vrai, et ensuite vos successeurs aviseront. Mais aujourd’hui, la facture de la compensation s’alourdit, le 12 décembre, à treize heures trente, en une demi-heure, de dix-neuf millions d’euros !

Mme Mazetier avait raison de demander, avec le talent et la passion qui la caractérisent, s’il n’y avait pas d’autres usages possibles pour ces dix-neuf millions d’euros ! Elle a, à juste titre, évoqué le prix du carburant en Guyane. Nous avons vu nos compatriotes guyanais manifester avec beaucoup d’énergie contre le prix du carburant dans ce département – prix inacceptable, compte tenu du niveau de vie dans ce territoire.


Et je n’oublie pas les suppressions d’emplois qu’une telle décision va entraîner. Nous souhaiterions à ce propos que le Gouvernement, et notamment M. Jégo, manifeste au moins quelque sollicitude pour les soixante-cinq emplois qui devraient être supprimés. Le Gouvernement a montré si peu d’attention envers les salariés de la régie publicitaire de France Télévisions qu’on imagine qu’il manifestera un peu d’affection pour ces soixante-cinq personnes dont l’emploi va être supprimé. Le sous-amendement n° 873 a justement pour objet de préciser que « dans les six mois suivant l’entrée en vigueur de cette mesure, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur la situation professionnelle des agents affectés à la régie publicitaire de Réseau France Outre-mer ».

Nous connaissons ici, nous l’évoquons souvent dans cet hémicycle, la situation de l’emploi outre-mer. Si la situation se dégrade dans la France tout entière, c’est encore plus vrai outre-mer. Soixante-cinq emplois, ce n’est pas rien. Le moindre des choses serait, si cette funeste mesure était approuvée, que le Parlement soit informé de la manière dont seront reclassés professionnellement ces soixante-cinq agents qui sont actuellement affectés à la recherche de ressources publicitaires pour RFO.

Nous espérons, dans le cas où le Gouvernement maintiendrait son projet si terrible pour le devenir de RFO, qu’il retiendra quelques-uns de nos sous-amendements, parce qu’ils nous semblent légitimes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. Je tiens d’abord à préciser que l’amendement du Gouvernement a été examiné en commission lors de la réunion qu’elle a tenue en vertu de l’article 88. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Didier Mathus. Non, il n’a pas été examiné !

M. Christian Kert, rapporteur. Si.

En outre, le thème de la publicité sur RFO avait été abordé par M. Lurel notamment, présent ce jour-là, à l’occasion d’un amendement présenté par notre collègue Patrice Martin-Lalande. Devant nos hésitations, M. Lalande avait accepté de retirer son amendement, en indiquant qu’il relancerait le débat en séance publique, ce que le Gouvernement a pris l’initiative de faire.

En ce qui concerne le dépôt de l’amendement du Gouvernement, je vous rappelle, chers collègues du groupe socialiste, que la plupart de vos amendements ont été déposés quelques minutes seulement avant la fin du délai de dépôt des amendements, ce qui nous met tous dans une situation d’égalité en ce domaine.

J’ai été sensible aux propos de Patrick Bloche sur la défense du pluralisme des médias. Mais je ne vois pas pourquoi nous porterions forcément atteinte à des chaînes autres que celle de RFO au seul prétexte qu’il s’agit de chaînes privées.

Je voudrais dire quelques mots sur l’amendement du Gouvernement. La commission a donné un avis favorable, parce qu’elle a retenu deux aspects, que vous-mêmes n’avez absolument pas pris en compte dans votre analyse : on dirait que vous n’avez lu que vos propres sous-amendements mais jamais l’amendement.

D’une part, la progressivité de la mesure. C’est important. La date fixée pour la réforme, madame Mazetier, est celle du 30 novembre 2011 au plus tard, et elle sera appliquée collectivité par collectivité.

M. Marcel Rogemont. Et la compensation ?

M. Christian Kert, rapporteur. Ne cherchez surtout pas l’argent que vous vouliez que nous cherchions. Nous n’en avons pas besoin pour l’instant.

D’autre part, le caractère équilibré du dispositif. La suppression de la publicité n’interviendra en effet dans chaque collectivité d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie que sous réserve de l’existence d’une offre de télévision privée diffusée par voie hertzienne, terrestre et en clair. Ces quelques clauses de sauvegarde permettent d’affirmer que la disposition proposée par le Gouvernement n’est pas aussi attentatoire que vous le dites aux libertés des médias dans les départements et territoires d’outre-mer.

M. Marcel Rogemont. Elle l’est quand même !

M. Christian Kert, rapporteur. Je voudrais ajouter un dernier point, madame la présidente, avec votre autorisation. Plusieurs orateurs ont fait référence à la présence supposée de collègues parlementaires socialistes représentant les territoires d’outre-mer. J’ai pour ma part le plaisir de souligner la présence d’un représentant du monde ultramarin aujourd’hui dans cet hémicycle, celle de député UMP Alfred Almont. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. Ici, nous représentons aussi les ultramarins !

M. Christian Kert, rapporteur. Conscient de l’importance de ce débat, il est présent ce matin et sera encore là cet après-midi pour défendre l’un de ses amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yves Jégo, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement sur ces sous-amendements est défavorable. Il n’y a pas de problème d’emplois : les soixante-cinq salariés concernés, sur les 1 450 employés de RFO, seront reconvertis dans le cadre de la fusion notamment de RFO dans la nouvelle entité.

S’agissant de l’aspect budgétaire, la mesure représente 7 % des 260 millions de budget de RFO. Compte tenu de la progressivité de la réforme qui vous est proposée, la rationalisation des moyens permettra de faire face sans aucune difficulté.

Enfin, je le répète, il n’y a pas de raison particulière que les ultramarins soient privés d’une chaîne publique de qualité. Nous sommes attachés à RFO, nous sommes attachés à ses programmes, nous sommes attachés à la qualité de ses productions, nous sommes attachés à sa présence, et c’est pour cela que nous souhaitons qu’elle soit traitée comme France Télévisions et qu’elle puisse, de ce fait, être libérée des contraintes du marché, du diktat du capital et du poids de l’audimat qui l’empêchent d’avancer dans des conditions normales. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Si, en plus, cela permet la diversité télévisuelle, nous ne pouvons que nous en réjouir. Autant de raisons de voter l’amendement du Gouvernement et de repousser les sous-amendements.

J’aurais aimé avoir un débat avec M. Lurel sur ces questions. Je crois que nous ne sommes pas si loin que cela l’un de l’autre mais je comprends l’attitude de l’opposition, qui est fidèle à elle-même depuis le début de nos travaux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp.

Mme Marie-Anne Montchamp. Madame la présidente, mes chers collègues, je souhaite que vous ne vous mépreniez sur mes propos, qui ne concernent pas l’amendement sur lequel nous allons nous prononcer dans un instant mais les conditions dans lesquelles se déroulent nos débats.

Dans plusieurs interventions, des substantifs ont été utilisés à plusieurs reprises à l’adresse des députés de la majorité tels que « schizophrènes », « autistes », que sais-je encore… Je sais qu’il n’est pas d’usage dans notre hémicycle de recourir à des noms d’oiseaux, je sais que le débat peut-être vif et que ces métaphores ont l’avantage de nous rapprocher de nos compatriotes atteints des maladies psychiques les plus lourdes, mais je pense qu’il pourrait être utile que, dans la suite des débats, nous évitions d’utiliser ces métaphores. Elles n’apportent pas grand-chose à la passion des uns et à l’engagement des autres, et le fait de ne pas les employer nous éviterait d’être mal compris de certains de nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Nous avons quand même appris une nouvelle extraordinaire il y a quelques instants : M. Jégo se déclare tout de go contre le diktat du capital ! C’est d’autant plus intéressant d’entendre cela dans la bouche d’un représentant du Gouvernement que le Président de la République, au cours d’une discussion avec les parlementaires qu’il avait invités à l’Élysée, répondant à François Baroin, nous a qualifiés de « gauchistes » parce que nous combattions ce projet qui est un projet funeste pour l’audiovisuel public.

Tout ceci se joue à front renversé, mais vous n’êtes pas à un amalgame près puisque vous avez un Président de la République qui a réveillé les mânes de Jaurès, de Blum, tout cela pour surfer sur les émotions et sur les faits divers. Il a même demandé que l’on lise la lettre de Guy Môquet, en oubliant de contextualiser les conditions dans lesquelles celui-ci a été assassiné : il a été assassiné d’abord parce qu’il était communiste, plus que parce qu’il était résistant – souvenons-nous des fusillés de Chateaubriant.

Les raccourcis ne vous ont donc jamais inquiétés, et maintenant, voilà que vous êtes devenu un pourfendeur du capital. C’est quand même une drôle de surprise pour nous.

Mais alors, dans ces conditions, vous ne devriez pas faire de cadeau à la société France Antilles. C’est pourtant ce que vous êtes en train de faire en supprimant la publicité sur RFO. Vous avez fait des cadeaux à TF 1, vous faites des cadeaux à l’audiovisuel privé, vous êtes bien dans la voie qui a été ouverte par le Président Chirac en 1986 dans sa période thatchérienne – Mme Thatcher n’avait pas osé aller aussi loin – quand il a privatisé TF 1, qui était la locomotive du service public de l’époque et qui a été vendue à la société Bouygues. Nous sommes dans la poursuite logique de ce qui a été commencé en 1986 : vous continuez de démanteler le service public au profit des sociétés privées.

Quant à notre collègue rapporteur, je comprends que, sous le coup de la fatigue ou de l’irritation, il s’en prenne à nos collègues ultramarins qui ne seraient pas présents, mais je lui conseille de balayer devant sa porte et de demander au président de la commission spéciale d’être présent.

M. Christian Kert, rapporteur. J’ai simplement voulu signaler la présence de celui qui était là !

M. Noël Mamère. Peut-être, mais quand on salue les uns, c’est en général pour mieux débiner les autres. Nous ne sommes pas dupes de votre procédé et je pense que vous auriez pu demander à votre président de commission spéciale d’être présent pour appuyer sur son petit bouton au moment du vote de l’article 8, l’article qui consistait à autoriser le Président de la République à nommer et à révoquer les responsables de l’audiovisuel public.

Arrêtez donc avec vos indignations sélectives, continuons l’examen du projet comme nous le faisons, rejetons les amendements qui sont proposés par le Gouvernement et la majorité qui contribuent à appauvrir encore un peu plus la chaîne RFO, qui n’a pas besoin de cela.

(Les sous-amendements nos 874 à 879, 881, 882, 868, 867, 869 et 873, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’amendement n° 523 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

(L’amendement n° 523 rectifié est adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance. Celle-ci aura lieu cet après-midi à quinze heures trente parce que j’ai bien noté que certains avaient besoin d’un peu de temps pour se sustenter.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures quarante-cinq.)