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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Séance du jeudi 18 juin 2009

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Laffineur

. Dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse

M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales

Question préalable

M. Bruno Le Roux

M. Guy Geoffroy, , Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, M. Camille de Rocca Serra, M. Michel Vaxès, M. Bruno Le Roux

Discussion générale

M. Michel Vaxès

M. François Rochebloine

M. Sauveur Gandolfi-Scheit

M. Paul Giacobbi

M. Camille de Rocca Serra

M. Simon Renucci

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur

Discussion des articles

Article 1er

Amendements nos 1, 2

Article 2

Vote sur l'ensemble

. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Laffineur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Dispositions relatives au fonctionnement
de la collectivité territoriale de Corse

Discussion d’une proposition de loi
adoptée par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à modifier le mode scrutin de l’élection de l’Assemblée de Corse et certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse, n° 1726.

La parole est à M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Comment concilier deux impératifs en apparence contradictoires : permettre à la diversité et à la richesse de l’opinion corse d’être représentées au sein de l’Assemblée de l’île de Beauté, tout en veillant à ce que celle-ci puisse remplir sa mission et dégager la majorité nécessaire à toute prise de décision ?

J’en suis persuadé, la proposition de loi dont nous allons discuter aujourd’hui et que le Sénat a adoptée à la fin de la de la précédente législature nous permettra de relever ce défi.

C’est au sénateur Nicolas Alfonsi que nous devons ce texte, dont je vais dessiner les contours à la manière de l’inventaire de Prévert, mais avec des chiffres plutôt que des mots.

Cinquante-et-un conseillers siègent à l’Assemblée de Corse.

Dix-neuf listes se sont présentées aux dernières élections de l’Assemblée en 2004.

Sept listes ont pu, grâce au dispositif actuel, se présenter au second tour.

Quatre listes, n’ayant pu se présenter au second tour, ont fusionné avec trois autres.

Dix groupes sont aujourd’hui constitués.

Deux conseillers sont nécessaires pour former un groupe.

Trois groupes sont aujourd’hui composés uniquement de deux membres.

Seize sièges sont détenus par le groupe principal de l’Assemblée.

Le mode de scrutin actuel date de 1991. Il a failli être modifié en conséquence du projet de nouvelle organisation institutionnelle soumis aux électeurs de Corse en 2003. A l’époque, j’avais eu l’honneur d’être rapporteur du projet de loi qui organisait leur consultation, présenté par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur.

Les règles sont simples.

Pour se présenter au second tour, il suffit d’obtenir 5% des suffrages exprimés, alors qu’un résultat de 10% est requis pour les élections aux autres assemblées régionales. Nous autres députés devons même recueillir 12,5% des voix des électeurs inscrits.

Aucun minimum n’est exigé pour fusionner. Dès lors qu’une liste a été candidate au premier tour, elle peut fusionner avec toute liste présente au second tour.

Enfin, une « prime majoritaire » de trois sièges est accordée à la liste qui remporte les élections ce qui, au regard des 51 sièges de l’Assemblée, ne suffira pas à stabiliser la majorité, de quelque bord politique qu’elle soit.

Pour toutes ces raisons, Nicolas Alfonsi a proposé d’instaurer un seuil minimum pour permettre aux listes de fusionner, 5%, et de se présenter au second tour – 7,5% ramenés ensuite à 7% –, et de porter de trois à six la « prime majoritaire ».

Notre commission a réservé un accueil très favorable et ouvert à ce texte, même si certaines questions ont soulevé des débats, fort intéressants du reste.

S’agissant tout d’abord de la consultation de l’Assemblée de Corse sur les propositions de loi comportant des dispositions spécifiques à la Corse, la rédaction de la loi de 2002 n’est pas assez précise. Si elle prévoit que l’Assemblée de Corse est consultée sur les projets et les propositions de loi, elle ne donne aucune indication sur la procédure à suivre, au contraire, par exemple, du texte relatif à la Polynésie, lequel précise que, lorsqu’il s’agit d’une proposition de loi, le Président de l'Assemblée nationale ou le Président du Sénat indique au Haut-commissaire qu’il est tenu de consulter l’Assemblée de Polynésie française. Sans doute le Gouvernement devrait-il apporter les précisions nécessaires.

Pour ce qui est de la « prime majoritaire », au sujet de laquelle j’avais pris la peine de solliciter l’avis des députés et des sénateurs de Corse, nous nous sommes tous accordés pour la porter de six à neuf, améliorant ainsi l’esprit et la lettre de cette proposition de loi.

Reste en débat la question du seuil à partir duquel une liste peut se maintenir au second tour. Certains ont souhaité faire machine arrière en le ramenant de 7 à 5% des suffrages exprimés. J’ai proposé à la commission, qui m’a suivi, de rejeter cet amendement qui sera soumis tout à l’heure à votre sagacité. Notre travail n’est pas, en effet, de détériorer le travail du Sénat, mais de l’améliorer. De surcroît, je crains qu’une telle disposition, qui rendrait identiques le seuil d’accès au second tour et celui permettant à deux listes de fusionner, ne soit source de confusion, voire inconstitutionnel, d’autant plus que l’Assemblée de Corse n’y était pas non plus favorable.

La commission des lois vous propose d’adopter le texte de cette proposition de loi tel qu’il ressort de ses travaux, avec pour seule modification le nombre de sièges constitutifs de la « prime majoritaire ».

Je souhaite qu’à l’issue de ce débat, dont je ne doute ni de la sincérité ni de la richesse, vous suiviez notre position et que ce texte soit ensuite adopté tel quel par le Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. La proposition de loi soumise à votre examen vise à conforter la stabilisation de la vie politique corse en adaptant le fonctionnement de l'Assemblée de Corse. Si des progrès importants ont été réalisés ces dernières années, le suivi de la vie politique montre que nous pouvons encore avancer.

Cette proposition a été adoptée par le Sénat le 13 février 2007 sur une initiative de M. Nicolas Alfonsi. Elle a été approuvée par l'Assemblée de Corse le 16 mars 2009.

Je tiens à saluer le travail remarquable effectué par votre commission et, tout particulièrement, par le rapporteur, en vue de fixer les enjeux du texte : du reste l’énumération, par M. Geoffroy, des chiffres de l’Assemblée de Corse éclairent de façon très précise la situation actuelle et, de ce fait, l’enjeu du texte que nous examinons aujourd'hui.

L'Assemblée de Corse est un acteur majeur de la démocratie locale en Corse. Notre rôle est d’en parfaire le fonctionnement en vue de répondre aux exigences d'une démocratie à la fois efficace et de proximité. Chacun de nous, qui vit au sein de régions possédant de forts particularismes, connaît l’importance du rôle que jouent les relations humaines. Il convient d’être toujours au plus près des attentes de nos concitoyens.

À cette fin, comme l’a rappelé M. le rapporteur, la proposition de loi vise à la fois à garantir la stabilité des majorités – nous avons besoin de majorités pour assurer la visibilité des politiques que nous conduisons – et à mieux articuler le mandat de conseiller à l'Assemblée de Corse et de conseiller exécutif.

En vue de renforcer la stabilité des majorités, il est utile de modifier le mode de désignation des élus de l'Assemblée de Corse.

Du reste – j’ai pu le constater sur place –, une telle modification correspond à une attente de tous les élus et c’est de plus à leur demande que cette perspective a été reprise dans le rapport du comité pour la réforme des collectivités locales présidé par M. Édouard Balladur.

Nul ne le conteste aujourd'hui : le mode de scrutin en vigueur pour les élections régionales garantit la stabilité des majorités tout en assurant la diversité de la représentation au sein des conseils régionaux. Il est donc légitime de s’en inspirer pour la Corse.

Toutefois, l'élection des conseillers de l'Assemblée de Corse doit également respecter les réalités locales en prenant notamment en considération les petites formations, qui sont une des spécificités de la vie politique corse.

À mes yeux, les modifications prévues par la proposition de loi respectent l’équilibre dont vous avez souligné l’importance, monsieur le rapporteur.

La modification des seuils vise à les rapprocher du droit commun. Il s'agit en premier lieu du seuil nécessaire pour permettre à une liste de se maintenir au second tour : votre commission propose de le porter de 5 à 7 % des suffrages exprimés au premier tour. Je tiens à rappeler que ce seuil est de 10 % pour l'élection des conseillers régionaux depuis la loi du 11 avril 2003.

Il s'agit également d'instaurer un seuil de 5 % des suffrages exprimés au premier tour pour permettre aux listes de fusionner entre les deux tours. Ce seuil est identique à celui actuellement en vigueur pour l'élection des conseillers régionaux. Ces modifications répondent donc à la fois à un souci de cohérence et à la volonté d’assurer une visibilité certaine.

L'augmentation, quant à elle, de la prime accordée à la liste arrivée en tête vise à renforcer la stabilité tout en respectant l'expression du pluralisme.

Le Sénat a voté une prime de six sièges à la liste arrivée en tête des élections. Votre commission propose de porter cette prime à neuf sièges.

Je rappelle que le dispositif de droit commun consiste en une prime de 25 % pour la liste arrivée en tête. Or le dispositif adopté par votre commission ne représente qu'une prime de 17,5 %, ce qui prouve que vous avez eu, là encore, le souci de respecter la diversité.

L'équilibre entre le besoin de stabilité et le respect de la diversité étant respecté, le Gouvernement est favorable au texte de la proposition de loi.

Si la qualité du débat démocratique dépend de l'existence de majorités stables, dont les électeurs peuvent juger l’action en les sanctionnant ou en les approuvant aux élections suivantes, elle dépend également de la cohérence des institutions démocratiques.

À cet égard, une meilleure articulation du mandat de conseiller exécutif et de conseiller de l'Assemblée de Corse peut améliorer le fonctionnement des institutions.

La démission d'un conseiller de l'Assemblée de Corse élu au conseil exécutif ne doit pas compromettre la continuité de l'action publique. Elle ne doit pas non plus remettre en cause la séparation des pouvoirs.

Un délai d'un mois est donc proposé pour considérer comme démissionnaire un conseiller de l'Assemblée de Corse élu au conseil exécutif, disposition qui se rapproche de celle de la loi organique concernant les parlementaires devenus ministres : prévoir la cohérence des systèmes en les rapprochant autant que faire se peut me paraît répondre au souci de clarification de la vie politique que partagent l’ensemble nos concitoyens. Une différence notable existe toutefois : les députés devenus ministres ne siègent plus au Parlement. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement s’en remettra, sur ce point, à la sagesse de l’Assemblée.

Un délai d'un mois est par ailleurs proposé pour pourvoir à un siège vacant de conseiller exécutif. Les dispositions actuelles ne prévoient aucun délai, ce qui peut être préjudiciable au bon fonctionnement de l'exécutif de l'Assemblée de Corse. Une telle disposition peut renforcer la visibilité et donc le poids de l'exécutif dans les institutions locales. C’est pourquoi le Gouvernement y est favorable.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le rapporteur ayant fort bien exposé les différentes dispositions d’un texte auquel vous avez largement travaillé en commission, je me contenterai de rappeler qu’il est de notre responsabilité à tous d’assurer la stabilité et la pérennité des institutions démocratiques de la Corse. Cette proposition de loi prévoit des moyens utiles pour les renforcer, leur permettant de se rapprocher, monsieur le rapporteur, du chiffre d’or des architectes qui est, pour chaque architecture, la référence en matière de stabilité et d’harmonie.

Je fais toute confiance à votre assemblée pour examiner ces propositions sans a priori, en toute sérénité et dans le respect de l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Question préalable

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, nous examinons ce matin une proposition de loi déposée par Nicolas Alfonsi, sénateur de la Corse, dont chacun connaît ici l’intégrité, le sens de l’intérêt général et la capacité à faire des propositions allant dans le sens de la résolution de problèmes réels : c’est la raison pour laquelle je tiens à souligner, monsieur le rapporteur, que le processus qu’il avait entamé aurait pu suivre un meilleur chemin. Dois-je en effet rappeler que cette proposition a été débattue au Sénat il y a désormais vingt-sept mois, le 13 février 2007 ? Nous sommes au mois de juin 2009, c'est-à-dire dans l’année qui précède le renouvellement de l’Assemblée de Corse, qui aura lieu dans neuf mois, ce qui a suffi, le 2 mars dernier, à Alain Marleix, secrétaire d'État à l’intérieur et aux collectivités territoriales – votre secrétaire d’État, madame la ministre – pour répondre, au Sénat, à M. Nicolas Alfonsi, qu’il n’était pas de bonne manière d’examiner cette proposition, le délai d’un an avant les élections étant entamé. Il a fait une seconde remarque sur laquelle je reviendrai.

M. Paul Giacobbi. Vous parlez d’or.

M. Bruno Le Roux. Je le répète : nous sommes dans l’année qui précède les élections : le secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales l’a lui-même souligné il y a quelques semaines au Sénat.

De plus, nous ne disposons d’aucun avis formel de l’Assemblée de Corse – j’y reviendrai également car ce point n’a rien d’anodin à mes yeux. Vous courez un véritable risque en considérant aujourd'hui que le code général des collectivités territoriales a bien été respecté.

Je n’ai pas vu M. de Rocca Serra sursauter aux propos que vous avez tenus. Pourtant, entendre affirmer du haut de cette tribune que l’assemblée qu’il préside connaît une telle instabilité aurait dû le faire réagir.

M. Camille de Rocca Serra. J’ai réagi !

M. Bruno Le Roux. Je n’en ai pas le sentiment.

Si je me rappelle bien la difficulté que l’Assemblée de Corse a eue pour avancer après le scrutin, il y a six ans, je n’ai pas constaté, depuis, en parcourant la presse corse dont je suis un fervent lecteur – moins que vous : elle ne parvient pas ici quotidiennement –, que l’instabilité serait telle aujourd'hui qu’il serait devenu urgent, si on en croit du moins vos propos, madame la ministre, monsieur le rapporteur, d’examiner cette proposition de loi. Du reste, je vous montrerai que lorsque des problèmes de stabilité se sont réellement posés, les solutions que vous avez proposées ont été totalement différentes de celles que vous formulez aujourd'hui en réformant le mode de scrutin en Corse.

Vous assurez qu’il existe un véritable problème de stabilité. Ce que je vois, ce sont seulement les problèmes que vous avez décrits, à savoir un mode de scrutin qui permet aujourd'hui à tout citoyen éclairé de se présenter en Corse et de jouer le jeu d’accords de second tour, même en l’absence de score minimal, et une possible amélioration des seuils. Ce que je pense, en revanche, c’est que vous prenez un prétexte ne correspondant pas, de façon formelle, à la situation de l’Assemblée de Corse.

La question de la consultation de l’Assemblée, que j’ai évoquée en commençant mon propos, ne me semble pas anodine. Il s’agit d’être précis : la commission des lois du Sénat avait insisté il y a vingt-sept mois sur le fait que la proposition de loi devrait être soumise « pour consultation à l’Assemblée de Corse afin de permettre à cette dernière de s’exprimer sur le changement de son mode d’élection ».

M. Paul Giacobbi. C’est la loi.

M. Bruno Le Roux. Le rapport précisait également qu’« un consensus local est une condition de succès de la réforme. Aussi, après l’adoption du présent texte par le Sénat, ce texte pourrait-il être soumis à l’Assemblée de Corse en attendant d’être éventuellement inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale renouvelée. »

M. Guy Geoffroy, rapporteur. C’est ce qui s’est passé.

M. Bruno Le Roux. Ce n’est pas ce qui s’est passé.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Si.

M. Bruno Le Roux. L’Assemblée de Corse s’est elle-même saisie de la question au cours de la séance du 16 mars 2009 sur proposition d’un des groupes politiques de cette assemblée. En effet, monsieur le président de l’Assemblée de Corse, ce n’est pas vous, me semble-t-il, en tant que président de cette assemblée, mais bien un groupe politique – la Corse dans la République – qui a pris l’initiative de proposer une motion au vote de cette assemblée, sans aucune audition préalable, ce qui aurait été le cas si l’Assemblée nationale avait elle-même soumis cette proposition à l’Assemblée de Corse. En conséquence, à mes yeux, ni l’esprit ni même la lettre de l’article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales n’a été respecté.

Ce débat, bien qu’il ne respecte pas le code général des collectivités territoriales, a toutefois permis de révéler le fait qu’il n’y a aujourd'hui aucun consensus sur cette question – telle fut la seconde remarque de M. Alain Marleix devant le Sénat, que j’ai évoquée au début de mon intervention. Je le répète : c’est d’une telle absence de consensus, jointe au fait que nous sommes à moins d’un an du renouvellement général, que le secrétaire d’État a, devant les sénateurs, tiré la conclusion logique que le texte ne pouvait pas venir aujourd'hui en discussion. Qu’est-ce qui justifie, entre les propos du secrétaire d’État le 26 mars dernier devant le Sénat et les propos que vous tenez aujourd'hui devant l’Assemblée nationale, madame la ministre, un tel changement de position, contraire à deux éléments majeurs ? Du reste, la consultation de l’Assemblée de Corse se justifierait d’autant plus que vous modifiez, monsieur le rapporteur, sur un point important et de façon substantielle le texte du Sénat – texte sur lequel s’est exprimée l’Assemblée de Corse à l’invitation d’un de ses groupes politiques – : il s’agit de la prime à la liste arrivée en tête. L’amendement que vous proposez à ce sujet est lui-même porteur d’une nouvelle consultation de l’Assemblée de Corse.

Nous voyons donc bien que, sur la forme, les usages ne sont en rien respectés.

La prime accordée à la liste majoritaire est actuellement de trois sièges. Le Sénat propose de la porter à six sièges et votre amendement à neuf. On peut toujours justifier les primes à la majorité, elles varient beaucoup d’une assemblée à l’autre et il vous est même arrivé, monsieur le rapporteur, de vouloir réduire la prime à néant. Le président de la commission des lois du Sénat avait d’ailleurs parlé, à ce sujet, de « déprime ».

M. Paul Giacobbi. C’est une subprime !

M. Bruno Le Roux. Ainsi, le 21 février 2007, quand il a fallu tenter de sauver ceux que la majorité pensait être ses amis en Polynésie, la prime a été supprimée et il a été question d’un relèvement du seuil au-delà duquel une liste peut se maintenir au second tour.

Depuis quelques années, votre conception des primes et des seuils est à géométrie variable et dépend uniquement de vos intérêts électoraux immédiats.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Il ne faut peut-être pas renverser les fronts ! C’est plutôt l’inverse !

M. Bruno Le Roux. Les conditions ne me paraissent donc pas réunies pour que nous allions plus loin. Même si cette discussion est nécessaire, si la question des primes et des seuils se pose depuis six ans, vous encourez un risque en nous faisant délibérer dans ces conditions : vous ne respectez pas les règles de consultation de l’Assemblée de Corse ni nos propres règles puisque la présente discussion ne précède que de neuf mois le renouvellement de l’Assemblée de Corse.

C’est la raison pour laquelle le groupe SRC ne participera pas au vote sur le présent texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je n’entrerai pas dans le détail de l’argumentaire de Bruno Le Roux, les orateurs en auront le loisir au moment des explications de vote sur la question préalable. Je souhaite toutefois faire part à l’Assemblée de mon trouble. Cette proposition comprend deux articles et la commission a examiné trois dispositions.

La première concerne la prime accordée à la liste majoritaire. Je rappelle, et le rapport en fait foi, que tous les membres de la commission, y compris M. Le Roux, ont trouvé opportun de porter cette prime de six à neuf sièges.

La seconde disposition, qui concerne les rapports entre l’Assemblée de Corse et le conseil exécutif corse, n’a pas suscité de remarque particulière, au point que je n’en ai pas fait état dans le rapport.

La commission, enfin, a discuté du seuil qu’une liste doit franchir pour se maintenir au second tour. M. Le Roux et ses collègues ont présenté un amendement, repoussé par la commission, visant à ramener de 7 % à 5 % ledit seuil. Je dirai ultérieurement ce que j’en pense.

Si la commission avait accepté ces trois modifications, l’accord eût été unanime. Je me demande, dans ces conditions, si l’argumentaire de M. Le Roux, qui vient de soutenir que nous n’avons pas à délibérer, aurait vu si peu que ce soit le jour. Il aurait en effet été d’accord avec nous sur tous les points !

On nous suspecte de vouloir manipuler les seuils à des fins qui ont peu à voir avec la neutralité à laquelle doit s’astreindre le législateur en la matière. Mais c’est exactement l’inverse, et si M. Le Roux avait eu satisfaction en commission et si l’Assemblée lui donne satisfaction tout à l’heure, il regrettera sûrement son argumentaire.

C’est donc, d’une certaine manière, par l’absurde que je voudrais que l’Assemblée repoussât cette question préalable. Si tous les députés se mettaient d’accord sur la disposition qui nous divise, tous voteraient le texte, à l’exception peut-être des communistes qui ont exprimé des réticences pour d’autres raisons. Aussi la question préalable ne me paraît-elle pas vraiment fondée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. L’intervention de M. Le Roux m’a rappelé certains débats auxquels j’ai participé dans cet hémicycle. Franchement, monsieur Le Roux, pourquoi vouloir toujours reporter les réformes, conserver les choses en l’état, même lorsque l’on peut dégager un consensus pour moderniser les dispositions en vigueur ? Ce n’est pas une bonne façon de faire de la politique ; ce n’est pas ce qu’attendent nos concitoyens. Vous faites montre d’un conservatisme, au sens étymologique du terme, qui n’a pas sa place dans un monde qui bouge ; d’autant plus que sur ce texte un consensus est possible.

Je me souviens bien de mon premier voyage en Corse en tant que ministre de l’intérieur. Tous mes interlocuteurs, sans exception, m’ont fait part de leur désir de changer le système actuel. Tous les élus ne considéraient donc pas, comme vous semblez le penser aujourd’hui, que la situation était parfaite et qu’il convenait de la maintenir en l’état pour les prochaines élections. Nous en tirons donc simplement les conséquences. Certaines procédures, il est vrai, ont pris du temps, mais elles étaient nécessaires.

Vous rejetez plusieurs dispositions ; or votre groupe au Sénat n’a pas manifesté, lui, d’opposition au moment de voter le texte. Il conviendrait donc que vous harmonisiez vos positions. Certes, la commission propose des modifications qui n’étaient pas celles que votre groupe au Sénat avait, non pas acceptées, mais en tout cas sur lesquelles il s’était abstenu. Cela signifie-t-il donc que vous déniez à l’Assemblée nationale le droit d’amender le texte ? Il ne me semble pas qu’une telle conception corresponde à la manière dont doit fonctionner un Parlement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Camille de Rocca Serra.

M. Camille de Rocca Serra. Je souhaite répondre à M. Le Roux, qui m’a interpellé. D’abord, en ce qui concerne la saisine de l’Assemblée, aucune modalité réglementaire ne permet de la définir.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. C’est bien le problème.

M. Camille de Rocca Serra. Selon la commission des lois du Sénat, une saisine aurait dû avoir lieu.

Le texte une fois adopté par une très large majorité au Sénat, il a été transmis à l’Assemblée au début de la présente législature.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Et même à la fin de la précédente !

M. Camille de Rocca Serra. Il fallait obtenir un avis de l’Assemblée de Corse, qui a été rendu sous une forme ou sous une autre. Il faut garder à l’esprit que les motions votées par l’Assemblée de Corse ont une valeur puisqu’elles sont transmises par le président du Conseil exécutif au Gouvernement. Le Premier ministre a donc été destinataire de cette motion.

Ainsi que l’a rappelé M. Le Roux, c’est grâce à l’initiative d’un élu de gauche – lui-même porteur de la proposition de loi de son père –, Nicolas Alfonsi, qui s’était présenté sur la liste menée par Émile Zuccarelli, que certains élus de l’Assemblée de Corse ont soumis à leurs collègues le texte voté par le Sénat. Une large majorité de l’Assemblée de Corse l’a approuvé.

Nous devons nous montrer capables d’unanimité pour tout ce qui concerne les intérêts de la France. S’il suffit que se dégage une majorité pour mettre une politique en œuvre, l’on ne peut toutefois parler de majorités larges en Corse étant donné l’atomisation provoquée par le mode de scrutin.

Depuis que le Sénat a adopté ce texte, nous avons dépassé le délai d’un an à cause de la lenteur de certaines procédures et d’un ordre du jour de l’Assemblée particulièrement chargé. Le besoin de stabilité ne doit pas s’apprécier uniquement, monsieur Le Roux, en fonction du renversement ou non de la majorité. Il est assez confortable de dégager des majorités très relatives – ce que j’appelle la plus forte minorité –, dépendant de nos comportements assez atypiques, qui évoluent au gré du vent. Mais je ne pense pas que cette formule identitaire permette à la Corse d’avancer. La Corse a besoin, certes, de capitaines, mais elle a aussi besoin d’équipages capables de faire progresser le navire. L’atomisation est une réalité et il faut retrouver une cohérence, une lisibilité politiques en Corse.

J’aurais souhaité que nous trouvions un consensus ici. On dit en Corse que la parole vaut les écrits. Avec Paul Giacobbi, nous avons des discussions permanentes depuis trois mois. M. Giacobbi était assez proche d’Émile Zuccarelli pour aller jusqu’à souhaiter le droit commun. Le seul obstacle était le seuil d’accès au second tour. Pour le reste, j’avais compris que nous étions d’accord pour fixer à 5 % le seuil de fusion des listes et que la prime de neuf sièges accordée à la majorité ne dérangeait personne.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Au contraire !

M. Camille de Rocca Serra. Il y a donc un simple désaccord car je n’avais pas moi-même demandé que l’on porte à neuf sièges la prime pour la liste majoritaire. L’Assemblée de Corse a en effet entériné le nombre de six sièges retenu par le Sénat et je suis lié par la motion votée à l’Assemblée de Corse. Toutefois, je comprends qu’un amendement apporte une amélioration et je m’en tiendrai donc à la décision de la commission des lois.

Nous devons abandonner certaines postures et servir la Corse car en servant la Corse nous servons aussi la République. C’est pourquoi je vous demande de rejeter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Monsieur de Rocca Serra, il ne vous aura pas échappé que la gauche est diverse. Vous me permettrez donc d’ajouter quelques arguments à l’exposé de notre collègue Le Roux pour défendre sa question préalable que, personnellement, je voterai sur le fondement d’arguments qui me sont propres.

Je défendrai l’amendement visant à ramener de 7 % à 5 % le seuil d’accessibilité au second tour.

Ce texte, dites-vous, devrait assurer une meilleure stabilité politique de l’Assemblée de Corse. Or on n’a pas eu à déplorer de crise institutionnelle dans cette région depuis 1992 ; les institutions ont fonctionné. Aussi votre motivation affichée suscite-t-elle notre curiosité et nous conduit-elle à rechercher les raisons profondes de votre volonté de modifier le mode de scrutin.

Déjà, Patrice Gélard, rapporteur au Sénat, a rappelé que ce texte était destiné à assurer une majorité stable. Je dis que non : ce n’est pas cela, la motivation de fond. Ce n’est pas ce que vous avez souhaité, avec la majorité de votre sensibilité en Corse. Ce n’est pas une majorité stable. C’est une majorité absolue bien que minoritaire dans l’opinion publique.

Je veux l’illustrer par les dernières péripéties, dont mes collègues corses parleraient sans doute mieux que moi. Je veux parler de la proposition d’adoption de la délibération concernant le PADDUC, le projet de plan d'aménagement et de développement durable. Tout le monde s’attendait à ce que la discussion se tienne lundi dernier. Or la délibération a été retirée de l’ordre du jour à la dernière minute, pour la simple raison que les partisans de ce projet étaient minoritaires dans l’assemblée. Ils le sont aussi probablement dans l’opinion. En tout cas, nous en prenons le pari. Et qui pourrait trancher ? L’opinion publique corse, c’est-à-dire l’ensemble des Corses, sur un projet qui engage leur avenir de façon durable.

Il eût été possible de poursuivre la discussion sur ce sujet. Mes collègues communistes de l’Assemblée de Corse l’ont proposé. Même le débat a été refusé. Et pour quelle raison ce texte a-t-il été retiré de l’ordre du jour ? Parce qu’il était, je le répète, minoritaire dans l’Assemblée.

En renvoyant son examen après la réforme du mode de scrutin, vous vous garantissez deux choses. D’une part, assurer à une majorité relative la possibilité d’être absolue dans l’Assemblée de Corse. D’autre part, assurer la possibilité de faire adopter, bien qu’il soit minoritaire, le texte sur l’aménagement et le développement durable de la Corse.

Voilà ce que je crois, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues. C’est la raison pour laquelle je soutiendrai cette question préalable. Je le ferai aussi pour les raisons évoquées par mon collègue Le Roux. C’est vrai qu’on ne modifie pas un mode de scrutin dans l’année qui précède l’élection. Le Premier ministre l’a dit lui-même. Vous-même, madame la ministre, avez approuvé ses propos. Nous-mêmes les avons approuvés.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Michel Vaxès. Je vois que vous vous impatientez, monsieur le président. J’aurai en effet l’occasion de m’exprimer à nouveau dans un instant, lors de la discussion générale.

Vous l’aurez compris, le groupe GDR soutiendra la question préalable du groupe SRC.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe SRC.

M. Bruno Le Roux. Cette explication de vote me permet de répondre à M. le rapporteur et à Mme la ministre.

Je dirai à M. le rapporteur que je me suis bien gardé d’entrer dans le débat de fond, sur lequel, s’il était tenu dans des conditions acceptables, nous pourrions éventuellement nous mettre d’accord, qu’il s’agisse du seuil ou de la prime pour la liste arrivée en tête. J’ai limité mon intervention aux conditions dans lesquelles nous sommes amenés à débattre.

Car si vous pensez, madame la ministre, que j’ai un petit problème, il n’est rien à côté de celui que vous avez aujourd’hui en développant la position du Gouvernement. Moi, je me fonde uniquement sur sa position précédente, celle dont j’avais connaissance quand je suis arrivé en séance.

Je souhaite la rappeler. Le Gouvernement, par la voix du secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales, disait ceci : « D’autre part, il s’agit de parvenir à un consensus au sein de l’Assemblée de Corse. Or une motion relative à cette proposition a été adoptée le 16 mars dernier par vingt-neuf voix contre deux, vingt élus n’ayant cependant pas pris part au vote puisqu’ils ont quitté l’Assemblée pour manifester leur opposition. Tout en notant l’existence d’une majorité, il me semble difficile, dans ces conditions, de conclure à un véritable consensus. »

Plus loin : « Par ailleurs, il convient de signaler que toute modification du régime électoral de l’Assemblée de Corse – la sixième depuis 1982 – ne peut intervenir moins d’un an avant le renouvellement de cette dernière, conformément à la tradition républicaine. »

Cette position, que je fais mienne, est la seule position du Gouvernement que je connaissais en entrant ce matin en séance. C’est sur la foi de cette position du Gouvernement que j’ai défendu cette question préalable.

Je n’ai pas dit qu’il n’y avait pas d’urgence. Mais enfin, madame la ministre, vous êtes là depuis deux ans, et le Président de la République était ministre de l’intérieur avant vous. Le problème est connu depuis 2004. Que n’avez-vous pris le temps d’ouvrir des consultations et de régler ce problème dans des délais normaux ?

C’est pour cela que, sur la base de la position qui a été exprimée au Sénat par le secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales, je vous demande mes chers collègues, de dire qu’il n’y a pas lieu à débattre maintenant, et que nous devrons reprendre ce débat dans un cadre plus normal, plus républicain.

(La question préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant de vous faire part de notre analyse sur le fond de ce texte, je voudrais commencer par un préalable indispensable.

Dès la semaine dernière, nous avons demandé au Premier ministre et au président de notre assemblée le report de l’examen de ce texte tendant à modifier le mode de scrutin de l’Assemblée de Corse.

En effet, contrairement à ce que prévoit la loi du 22 janvier 2002, l’Assemblée de Corse n’a pas été formellement saisie de cette proposition de loi.

Pour mémoire, l’article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales dispose que « l’Assemblée de Corse est consultée sur les projets et les propositions de loi ou de décret comportant des dispositions spécifiques à la Corse ».

Or l’Assemblée de Corse a seulement adopté une motion – même pas accompagnée du texte de la proposition de loi – présentée par un élu de la même sensibilité politique que l’auteur de la proposition, le 16 mars 2009, par vingt-neuf voix contre deux, mais vingt élus n’ont pas pris part au vote puisqu’ils ont quitté l’Assemblée pour manifester leur opposition à ce qu’ils ont considéré à juste titre comme une « parodie de consultation ».

En tout état de cause, force est de constater que la procédure d’usage n’a pas été respectée et que, contrairement aux dispositions de l’article L. 4422-16, l’Assemblée de Corse n’a pas été formellement saisie.

Ce passage en force témoigne du mépris de l’institution et de ses élus et ne saurait en aucun cas se substituer à la procédure de consultation prévue par cet article du code général des collectivités territoriales.

Du reste, je voudrais rappeler que la discussion de cette proposition de loi au Sénat, il y a deux ans, était déjà le fruit d’un passage en force puisque la collectivité territoriale n’avait pas été consultée, ni même saisie d’une motion. Pour seule justification, le rapporteur, M. Patrice Gélard, affirmait, de manière erronée, mais avec un aplomb déconcertant, à la page 22 de son rapport : « La consultation de l’Assemblée de Corse sur la modification envisagée de son mode de scrutin, qui n’est pas légalement obligatoire s’agissant d’un dispositif issu d’une proposition de loi, apparaît cependant nécessaire. »

Un peu plus loin, page 30, je cite toujours : « Par ailleurs, votre commission estime que la consultation de l’Assemblée de Corse sur une modification de son propre mode de scrutin sera rapidement nécessaire, bien que cette consultation ne soit pas juridiquement obligatoire sur un texte d’initiative parlementaire ».

Cette affirmation selon laquelle l’Assemblée de Corse n’est pas obligatoirement consultée sur les propositions de loi comportant des dispositions spécifiques à la Corse est absolument fausse. Il suffit, pour le vérifier, de lire l’article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales, article que les ministres ont d’ailleurs cité.

Les sénateurs étaient donc hors la loi quand ils ont examiné cette proposition. Ils n’étaient même pas dans la situation où nous sommes aujourd’hui, même si l’on peut discuter – et je l’ai fait – des conditions dans lesquelles a été examinée la motion. Ils étaient dans une situation où ils n’avaient pas à discuter de ce texte avant que l’assemblée territoriale ait donné son avis.

Le Gouvernement en avait d’ailleurs bien conscience, puisque, par la voix de son ministre, M. Brice Hortefeux, lors de la séance publique du 13 février 2007, il reconnaissait que ce texte « exige, en effet, une très large concertation avec tous les acteurs concernés, en particulier l’Assemblée de Corse ».

Et il ajoutait : « C’est aussi ce que prévoit la loi, puisque l’article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales dispose que " l’assemblée de Corse est consultée sur les projets et propositions de loi [...] comportant des dispositions spécifiques à la Corse ". Ce sera au prochain Gouvernement de mener ce travail. »

Ajoutons que le secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales, M. Alain Marleix, en réponse à une question orale du sénateur Alfonsi, a affirmé, le 31 mars dernier, qu’une des conditions nécessaires pour donner suite à la proposition de loi n’était manifestement pas remplie : celle de trouver un consensus au sein de l’Assemblée de Corse. Il a lui-même reconnu que la motion avait été adoptée dans des conditions insatisfaisantes. C’est le Gouvernement qui parle !

Manifestement, les conditions ne sont pas remplies pour que nous puissions examiner ce texte.

Premièrement, la collectivité territoriale de Corse n’a pas été formellement consultée. Les conditions dans lesquelles son avis a été rendu sont en effet contestables et contestées.

Deuxièmement, le consensus, posé comme une condition par le secrétaire d’État Alain Marleix, n’a pas été trouvé. Car un consensus, ce n’est pas une majorité.

Néanmoins, puisque vous avez décidé d’examiner ce texte au mépris de l’expression démocratique des élus de Corse, j’en viens maintenant à quelques appréciations sur le fond.

La proposition de loi modifie le mode de scrutin pour l’élection des membres de l’Assemblée de Corse par un rehaussement des seuils et par une augmentation de la prime en sièges pour la liste arrivée en tête.

Ainsi, pour accéder au second tour de l’élection territoriale, une liste de candidats devra obtenir 7 % des suffrages exprimés au premier tour, contre 5 % actuellement. Pour fusionner entre le premier et le second tour, une liste devra recueillir 5 % des suffrages. La proposition de loi, amendée en commission la semaine dernière, prévoit enfin que la prime sera triplée pour passer de trois à neuf sièges – et non plus à six – en faveur de la liste arrivée en tête. Il s’agit là d’une augmentation d’autant plus injustifiable que le rehaussement des seuils a, lui, été maintenu. Autrement dit, on a un effet cumulatif : rehaussement des seuils et augmentation de la prime, tout cela pour atteindre les objectifs dont je parlais tout à l’heure. Le texte issu de l’examen en commission est à nos yeux pire encore que le texte initial.

L’objectif visé est, en fait, d’écarter les petites formations politiques afin d’ouvrir encore plus largement la voie à la bipolarisation. En augmentant le seuil qui permettra le maintien au second tour de l’élection à l’Assemblée de Corse, en créant un seuil pour les fusions de listes au second tour et, enfin, en accroissant la prime majoritaire, ces dispositions battent en brèche le pluralisme.

Adoptée en l’état, cette loi tuerait la diversité en remettant en cause l’esprit du statut particulier que la loi de 2002 avait donné à la Corse. Et elle n’aboutirait à rien d’autre qu’à assurer l’hégémonie d’une seule composante. C’est bien l’objectif que vous poursuivez, et le retrait de l’ordre du jour, lundi dernier, de la délibération relative au plan d’aménagement durable en est la parfaite illustration.

Par ailleurs, l’auteur de la proposition de loi explique que, si « l’absence de seuil pour fusionner pouvait se justifier il y a vingt ans pour voir émerger des sensibilités politiques nouvelles, cette cause a aujourd’hui disparu et il est, dès lors, indispensable de porter à 5 % la possibilité offerte à des listes pour pouvoir fusionner. »

Autrement dit, il y a vingt ans, le pluralisme était une nécessité ; aujourd’hui, il appartiendrait aux vestiges de l'histoire. Vaste problème donc, que ce pluralisme, qui mériterait un débat à lui seul.

Pour notre part, c'est une constante, nous ne nous arrangeons pas avec la démocratie, tantôt parce qu'il faudrait favoriser l'apparition de petites formations, tantôt parce qu'il faudrait les faire disparaître. Quand la démocratie souffre de médiocres arrangements, elle n'est déjà plus tout à fait la démocratie.

Notre position, comme celle des élus communistes de la collectivité territoriale de Corse, est de proposer, à l'opposé de cette démarche, un mode de scrutin qui permette l'expression de toute la diversité. Nous sommes donc favorables, et vous le savez, à l'instauration d'un mode de scrutin proportionnel avec une assemblée composée de soixante et un membres. Lorsque l’on ajoute une prime de neuf, il faut en tirer toutes les conséquences pour créer les conditions d’existence de cette pluralité. Or celle-ci n’existera pas, contrairement à ce que vous avez dit, madame la ministre, et nous le vérifierons à la prochaine élection de l’Assemblée de Corse.

Pour éviter que les électeurs ne se sentent floués après un scrutin, il faut, en Corse peut-être plus que partout ailleurs, changer de pratiques politiques et oxygéner les institutions par un apport conséquent de participation citoyenne, de transparence et de démocratie. Cette proposition de loi nous éloigne de cette exigence, elle bafoue les principes républicains, notamment celui qui consiste à ne pas modifier un mode de scrutin dans l'année qui précède l'organisation d’une élection. En effet, plus celle-ci se rapproche dans le temps, plus il devient difficile d'intenter un recours et, le cas échéant, de faire trancher le litige dans les délais.

Nous voterons donc contre cette proposition de loi si elle devait demeurer en l'état, c'est-à-dire si nos amendements n'étaient pas adoptés – moins celui que la commission a retoqué au titre de l’article 40 de la Constitution, pour excès de dépense, ce qui n’est pas dans nos habitudes, monsieur le rapporteur.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Ce n’est pas moi qui l’ai retoqué !

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, le débat que nous avons aujourd'hui sur la réforme du mode de scrutin de l'Assemblée de Corse résonne d'un écho particulier alors que s'annonce désormais la réforme, tant de fois reportée, de nos collectivités locales. À ce sujet, je noterai que si nous examinons ce matin une proposition de loi adoptée voilà plus de deux ans par nos collègues sénateurs, réformer le mode de scrutin pour l'Assemblée de Corse, afin de permettre d’y dégager des majorités claires et cohérentes, figurait également au nombre des propositions formulées par le comité Balladur pour la réforme des collectivités locales.

En 1982, face à la spécificité des difficultés et des enjeux auxquels l'île était confrontée, le Gouvernement et le législateur d'alors avaient souhaité en faire une collectivité au statut particulier, aux structures et prérogatives sensiblement différentes de celles observables sur le continent. Ils avaient également fait le choix, hautement symbolique, de donner à son organe délibérant un titre inédit dans le paysage de nos institutions locales en en faisant l'Assemblée de Corse.

Depuis cette date, plusieurs lois, en 1991 puis en 2002, ont conforté cette tendance en renforçant progressivement les compétences de la collectivité de Corse. Le statut Joxe de 1991 est, pour sa part, également venu enraciner l'originalité de ses structures en distinguant organiquement l’assemblée locale, élue au suffrage universel, de l'exécutif élu en son sein, et en prévoyant, à travers le mécanisme de la motion de défiance constructive, une possibilité pour l'Assemblée de Corse de mettre en cause la responsabilité politique du Conseil exécutif de la collectivité.

Afin de permettre à cette institution de bénéficier de l'assise politique la plus large possible, la loi Joxe avait aussi déterminé, pour l'élection de l'Assemblée de Corse, un mode de scrutin particulièrement favorable aux petites listes en permettant à chacune de celles ayant recueilli plus de 5 % des suffrages de se maintenir au second tour, et en ouvrant à toutes les autres la possibilité de fusionner avec une liste présente au second tour.

Bien que se fondant sur une intention indéniablement louable, ce mode de scrutin n'a pas été sans poser des difficultés dans le fonctionnement quotidien de l'Assemblée de Corse. En effet, plutôt que de garantir ou de conforter le pluralisme politique de l'île, il a eu pour effet la multiplication, sans doute artificielle, de ces petites listes, et a ainsi contribué à un spectaculaire émiettement du spectre politique local.

Ainsi, sur la base d'un mode de scrutin inchangé depuis 1991, dix-neuf listes se sont présentées en 2004 pour siéger à l'Assemblée de Corse ; sept d'entre elles, ayant recueilli plus de 5 % des suffrages exprimés se sont maintenues, quatre autres, n'étant pas parvenues à franchir ce seuil, ont choisi de fusionner avec l'une des listes présentes au second tour. Sur la base de ces élections, les cinquante et un conseillers qui composent l'Assemblée de Corse ont pu former pas moins de dix groupes politiques différents, dont trois comptent seulement deux membres alors que le groupe numériquement le plus important n'en compte que seize.

Une telle fragmentation a des conséquences directes sur la bonne administration de la collectivité. Faute, le plus souvent, de majorités stables et cohérentes à l'issue des élections locales, les grandes décisions doivent être prises sur la base de majorités de circonstance, les difficultés à les réunir constituant autant d'encouragements à l'immobilisme.

Le fait d'être vue comme un terrain d'expérimentation institutionnelle permanente a sans doute porté préjudice à la Corse. C'est peut-être là une des raisons qui ont amené nos concitoyens corses à se prononcer contre le nouveau statut qui leur était soumis en 2003, lors d'une consultation locale. La réforme alors proposée du mode de scrutin pour l'Assemblée locale figure incontestablement au rang des victimes collatérales de cette consultation.

Cette réforme reste pourtant aujourd'hui nécessaire. Je retiendrai que c'est à l'occasion de l'examen d'un texte d'origine parlementaire que nous avons aujourd'hui ce débat. Mais il faut également souligner que, le 16 mars dernier, l'Assemblée de Corse elle-même a émis, par vingt-neuf voix contre deux, un avis favorable au texte adopté par le Sénat, même si un certain nombre de ses membres avaient quitté l’Assemblée, comme cela a été rappelé tout à l’heure.

Le texte dont nous discutons à présent propose de modifier à la marge le mode de scrutin. L'élection des membres de l'Assemblée de Corse continuera à prendre la forme d'un scrutin de liste à deux tours, mais la prime en sièges accordée à la liste ayant recueilli le plus de suffrages sera sensiblement augmentée. Afin de limiter aux seules listes véritablement représentatives l'accès au second tour du scrutin, il est également proposé de porter de 5 % à 7 % des suffrages exprimés le seuil permettant à une liste de se maintenir. Enfin, et alors qu'à l'heure actuelle toutes les listes, y compris celles ayant recueilli une part infime des suffrages, disposent de la possibilité de fusionner avec une liste présente au second tour, un seuil minimal serait fixé en deçà duquel aucune fusion ne saurait être admise.

Cette proposition de loi est également l'occasion d'introduire dans le code général des collectivités territoriales plusieurs aménagements d'ordre technique, permettant notamment de faciliter la constitution du Conseil exécutif de Corse, et qui font, je le crois, consensus entre nous.

Je tiens à rappeler ici l'attachement des parlementaires du Nouveau Centre au principe du pluralisme politique, condition essentielle de la vitalité du débat démocratique. Je souligne que si cette proposition de loi vise à faciliter la constitution de majorités claires à l'Assemblée de Corse, elle n'entravera nullement le pluralisme de l'île mais lui permettra au contraire de s'exprimer dans un cadre plus pérenne.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Très bien !

M. François Rochebloine. En effet, tout en permettant de rapprocher le mode de scrutin pour l'Assemblée de Corse des modalités de droit commun, elle n'en reste pas moins fidèle à la démarche qui avait amené le législateur à ériger la Corse en collectivité à statut particulier.

Porter de trois à neuf le nombre de sièges attribués à la liste arrivée en tête revient à fixer une prime majoritaire de l’ordre de 18 % des sièges, alors que cette prime représente 25 % des sièges à pourvoir lors des élections régionales. De même, le seuil de maintien au second tour, qui serait désormais fixé à 7 %, resterait inférieur au seuil de droit commun, qui est de 10 %.

Mes chers collègues, les députés du Nouveau Centre retiennent de cette proposition de loi une initiative qui permettra, tout en pérennisant le pluralisme de la vie politique locale, de faciliter le fonctionnement et la gouvernance de la collectivité territoriale de Corse. C'est pourquoi ils apporteront leur soutien à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Sauveur Gandolfi-Scheit.

M. Sauveur Gandolfi-Scheit. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi du sénateur Alfonsi, tendant à modifier certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse, me donne aujourd'hui l'occasion d'aborder une question qui m'a toujours préoccupé. Les différents mandats que j'ai exercés pendant plus de vingt ans, au sein de l'Assemblée de Corse et en tant que conseiller exécutif, m'ont permis de prendre toute la mesure des difficultés inhérentes à la gouvernance en Corse.

Depuis 1982, notre île a connu des évolutions institutionnelles très importantes. Sans en reprendre les grandes phases, qui ont été rappelées par Mme la ministre et M. le rapporteur, il convient de bien comprendre que la Corse a toujours été confrontée à des difficultés institutionnelles majeures. Il serait sans doute exagéré d'imputer à ce seul fait le relatif retard qu'accuse notre île par rapport au continent, mais il ne faut certainement pas le minimiser.

En voulant adapter les institutions aux spécificités corses, bien réelles, le législateur a construit au fil du temps un meccano institutionnel complexe et illisible. L'enfer est pavé de bonnes intentions, dit-on, et aujourd'hui force est de reconnaître que ce système n'a que trop duré. La Corse ne peut s'offrir le luxe d'attendre encore pour régler ses problèmes de gouvernance.

Permettez-moi de vous livrer brièvement quelques remarques générales qui dépeignent bien la situation politique sur l’île.

En 2004, dix-neuf listes se disputaient la région au premier tour et sept listes se sont maintenues au second tour, dont trois étaient issues de fusions. Pire, ces sept listes ont donné naissance à dix groupes à l'Assemblée de Corse ! Voici la preuve, s'il en fallait une, que les listes ainsi constituées ne sont souvent que des listes de circonstance sans cohérence.

On assiste à un émiettement dévastateur de la classe politique corse, et cette multiplication des candidats ne rime pas avec foisonnement des idées. Qui n'a pas constaté que l'absence de seuil de fusion a pu être, par le passé, propice aux épopées solitaires d'hommes politiques mus par des motivations quelque peu éloignées de la défense de l'intérêt général ?

La prime offerte à la liste arrivée en tête au second tour est clairement insuffisante. L'obtention de trois sièges supplémentaires n'est pas en mesure d'offrir à l'Assemblée de Corse une majorité stable. La conséquence est simple : les décisions sont prises au plus petit commun dénominateur. Or, comme vous le savez tous, la collectivité territoriale a la charge de compétences étendues. Il faut sortir de cet immobilisme dévastateur pour tous les Corses, en instaurant une prime majoritaire raisonnablement suffisante pour assurer à la fois une majorité et une bonne représentativité de l'Assemblée de Corse.

Par ailleurs, depuis le statut Joxe de 1991, imposé contre l'avis de la majorité des élus corses, le bicéphalisme qui résulte de la coexistence de l'Assemblée de Corse et du Conseil exécutif conduit à une confusion pour l'ensemble des citoyens.

Tout comme le préconise le rapport Balladur, la modification du mode de scrutin a le mérite de traiter un mal profond. Cette proposition de loi représente également une voie centrale, consensuelle et acceptable pour tous ceux qui ont comme seule ambition de répondre aux besoins de la Corse.

La Corse n'a pas besoin de voir perdurer des batailles de personnes qui ne se démarquent pas d'un point de vue idéologique.

Enfin, je suis convaincu que cette proposition de loi permettra à la majorité élue en 2010 d'affronter avec les meilleurs atouts les problèmes rencontrés par la Corse. Il faut, en effet, pouvoir prendre des décisions fortes et courageuses pour accélérer encore le développement économique de l'île.

Il faut tout autant penser à l'action de la région en matière d'aménagement du territoire afin d'assurer un développement insulaire harmonieux. Il faut aussi intervenir pour permettre à la culture de vivre et de se développer par-delà les frontières.

Tout ceci ne doit surtout pas nous faire oublier qu'il est urgent et nécessaire de redéfinir les conditions de mise en oeuvre de la continuité territoriale. Cette continuité, prévue par les textes depuis trente-cinq ans déjà et dont, je le rappelle, le but premier était de gommer les handicaps de l'insularité en alignant le kilomètre maritime et aérien sur le ferroviaire, n'a jamais été, ou peu, appliquée.

Toutes ces questions majeures, ne pourront être réglées sans cette nécessaire refonte du mode de scrutin. Le mode de gouvernance de la collectivité territoriale de Corse, du fait de l'étendue des compétences qu'elle détient, se doit d'être efficace. La majorité qui émergera au lendemain des élections territoriales de 2010 devra être, non une majorité de gestion, comme on l'entend souvent, mais une majorité d'ambition, courageuse et résolument tournée vers l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au risque de vous surprendre, je n'ai aucun talent ni même aucun goût pour les techniques électorales. La seule chose que je sache de ce domaine à part et fort délicat de la cuisine (Sourires), c’est qu'il faut faire très simple sur la base de recettes éprouvées et qu'il est très vain de vouloir rattraper le plat au dernier moment par l'adjonction de quelque sauce juste avant de servir.

M. Michel Piron. Tout est dans l’assiette !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Ça ne manque pas de sel !

M. Paul Giacobbi. Qu'il faille un mode de scrutin qui donne à l’Assemblée de Corse tout à la fois une majorité et une convenable représentation de toutes les sensibilités est une évidence. C'est la raison pour laquelle j'avais approuvé, en son temps, l'initiative prise par Nicolas Alfonsi, dont la proposition a été votée au Sénat le 13 février 2007.

Cette modification, qui intervenait en temps utile, a été mise au frais pendant plus de deux ans jusqu'à ce que, très récemment, elle ressurgisse par miracle à quelques mois des élections et nous soit présentée de surcroît avec des modifications substantielles, sur lesquelles s’exprimera avec plus de pertinence que je ne pourrais le faire mon collègue et ami Simon Renucci.

Ce qui aurait pu être une mesure sage et raisonnable, acceptée par beaucoup sinon par tous, prend toute l'apparence d'une tentative de sauvetage politique de dernière minute. C'est à tout le moins maladroit quel que soit le fond des choses.

Sur la forme – même sachant bien qu’ici les formes juridiques sont abandonnées –, je rappelle que, selon le code général des collectivités territoriales, « l'Assemblée de Corse est consultée sur les projets et les propositions de loi ou de décret comportant des dispositions spécifiques à la Corse. Elle dispose d'un délai d'un mois pour rendre son avis. Les avis relatifs aux propositions de loi sont transmis par le président du conseil exécutif au Premier ministre ainsi qu'aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. »

Je sais bien qu'une motion déposée par un groupe de l'Assemblée de Corse proposait une modification du mode de scrutin et que celle-ci a été adoptée par l'Assemblée dans la foulée, mais cette procédure – je n'ai pas dit cette manœuvre – n'a évidemment rien à voir, ni dans les formes, ni dans les délais, avec ce que prévoit le code général des collectivités territoriales.

Il est facile de me rétorquer, sur le plan du formalisme juridique, qu'une loi n'a pas à en respecter une autre et que la présente proposition peut déroger par elle-même au texte législatif précité du code général des collectivités territoriales, qui n’a pas une valeur supérieure à celui que nous allons voter sur le plan de la hiérarchie des normes juridiques.

Je ne suis pas certain cependant que le Conseil constitutionnel, qui nous donne ces temps derniers de plus en plus de preuves de sa créativité intuitive et de sa propension à la législation prétorienne, ne sera pas amené à censurer une loi qui déroge sur un point précis à une règle de procédure qui lui était imposée par un texte législatif précédent et dont il aurait fallu, à tout le moins, justifier que l'on y déroge.

Que pourrait-on avancer pour justifier une telle dérogation ? Il n'y aurait guère que l'urgence, c'est-à-dire la proximité des élections, mais le Sénat s'est prononcé il y a plus de deux ans, de telle sorte qu'il n'y a urgence que parce que cette affaire n'a pas été suivie sérieusement, ni par les uns, ni par les autres.

Dans ces conditions, il me semble que le débat de ce jour comportera, quelle que soit son issue qui ne fait d'ailleurs aucun doute, plus d'inconvénients que d'avantages.

Je ne parle pas ici en termes partisans ; je ne l’ai d’ailleurs jamais fait, et vous le savez bien, s’agissant de la Corse. Je m'interroge très sincèrement sur l'intérêt général qui s'attache à cette affaire, sur les raisons d’une telle précipitation, et je demande à chacun ici de bien réfléchir avant de se prononcer. Pour ma part, je ne prendrai pas part au vote. (M. Simon Renucci applaudit.)

M. Gérard Voisin. C’est facile !

M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra.

M. Camille de Rocca Serra. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, vous comprendrez que ne partage pas le propos de mon collègue Paul Giacobbi, d’autant que j’avais cru comprendre qu’il était comme moi favorable à une modification rapide du mode de scrutin. C’est du moins ce qu’il avait laissé entendre sur une radio locale, lors d’une émission où nous débattions ensemble. En outre, dans le cadre du comité Balladur, cette proposition avait fait l’objet d’un large consensus. Je déplore qu’en Corse, mais c’est peut-être inhérent à cette région, le consensus ne soit que de façade et cède vite le pas aux postures, au détriment, hélas, des progrès nécessaires à notre île.

L'Assemblée de Corse, « matrice » politique de l'île, est élue au suffrage universel depuis 1982 et constitue l'organe délibérant de la collectivité territoriale de Corse depuis l'adoption du statut Joxe et son entrée en vigueur en 1992.

Pendant longtemps, la Corse fut marquée par un bipolarisme scindant l'île en deux camps politiques distincts, l'un acquis au radicalisme de gauche, l'autre fédérant les sensibilités gaullistes, libérales et radicales ; un jeu politique que seule l'émergence de la mouvance nationaliste est venue modifier pendant les années 70.

On a voulu conférer à la première assemblée de 1982 la représentativité la plus exhaustive possible du corps électoral, d’où un mode de scrutin proportionnel intégral par lequel toute liste candidate a pu avoir un élu, fixant ainsi le seuil d'éligibilité à 1,64 %. Si l'ouverture de l'éventail politique a pu se comprendre à l'époque, ce serait faire preuve de mauvaise foi que de ne pas en constater aujourd'hui, après plusieurs mandatures, les effets pervers.

Le mode de scrutin que nous connaissons actuellement a été institué en 1992. Depuis lors, l'élection compte deux tours : un seuil d'accès au second tour est établi à 5 % et une prime de trois sièges est accordée pour la liste arrivée en tête au premier tour. Au lieu d'encourager le rassemblement de femmes et d'hommes sur des idées et un projet commun à bâtir pour la Corse, ce mode de scrutin conduit à la balkanisation du paysage politique par le biais de la prolifération des listes.

L'absence de seuil de fusion contribue au détournement du suffrage des électeurs en incitant des candidats peu représentatifs à mener une liste avant d'être élus sur une autre ayant passé le premier tour. Je considère que c'est là une façon de tromper l'électeur qui, soit d'un tour à l'autre, soit ensuite, lors de la composition de la majorité, se voit imposer des choix qu'il n'avait pourtant pas validés.

M. Sauveur Gandolfi-Scheit. Absolument !

M. Camille de Rocca Serra. Ce système électoral inverse la logique initiale escomptée. Au lieu de voir s'agréger des hommes et des femmes sur des listes dans le cadre de projets et de visions autour d'un leader, les diverses échéances électorales nous ont montré qu’au contraire, beaucoup de listes sont constituées pour la seule raison de permettre à leur tête de liste d'avoir une tribune et de se positionner politiquement. De plus, du point de vue doctrinal, ces listes se trouvent contraintes à se distinguer et à créer ainsi, au sein des courants politiques, des dissensions, des différenciations élaborées dans le seul but de justifier leur candidature. Il s'agit d'un véritable mercato qui se fait avant, qui se poursuit pendant et qui se concrétise après l'élection. Le système électoral doit être modifié afin de proposer aux électeurs une offre politique lisible et transparente.

La prolifération inéluctable des listes peut se vérifier mathématiquement. Alors qu'en 1984, on comptait 610 candidats répartis sur dix listes, les dernières échéances territoriales de 2004 ont vu concourir 969 candidats répartis sur dix-neuf listes ! Il en va de même pour la multiplication des groupes politiques. Alors que sept listes étaient présentes au second tour en 2004, l'hémicycle compte actuellement une dizaine de groupes politiques, deux à droite, deux nationalistes et la demi-douzaine restante à gauche, à droite et ailleurs. Ainsi, c'est bien le mode de scrutin qui produit l'émiettement du spectre politique constaté en Corse, et non l'inverse. Le Sénat a montré que cette pyramide était conduite à s’élargir sur sa base. Qu’en serait-il donc la prochaine fois ?

Autre conséquence, l'éclatement des listes d'un tour à l'autre ou lors de la composition de la majorité. Notre collègue Paul Giacobbi a, en 2004, conduit une liste d'ouverture qui a obtenu sept élus, que l'on retrouve aujourd'hui dans quatre groupes politiques différents, de l'opposition ou de la majorité.

Notre assemblée compte cinquante et un sièges et dix groupes politiques différents ainsi qu'une majorité relative – que j’ai l’honneur de présider – qui varie entre vingt et vingt-deux conseillers. Cet état de fait place les petits groupes politiques issus de la dislocation de listes idéologiquement invertébrées en position de force lors de la recherche de majorité. Est-il conforme à l'esprit de la démocratie de voir des groupes minoritaires, voire ultra-minoritaires, détenir la clé d'un scrutin ? Il s'agit là d'une situation préjudiciable pour une majorité relative, qui doit fonder son action sur le compromis et les arrangements, tantôt sollicitant la bienveillante responsabilité des uns, tantôt cédant au diktat politique des autres, dans le seul but d'obtenir leur abstention !

Le mode de scrutin actuel produit, je le répète, un paysage politique émietté qui ne permet pas de dégager des majorités claires en mesure d'appliquer le programme – si tant est qu'il y en ait un – pour lequel elles ont été élues.

Or le citoyen a besoin de lisibilité et de cohérence. Il a besoin de savoir quelle politique va être mise en œuvre lors du vote. Il a besoin de savoir qui est responsable de l'action publique engagée. Il a besoin d'une majorité qui gouverne et assume sa politique, et non d'une minorité qui, au mieux, doit se contenter de gérer. C’est cela aussi la démocratie, cher collègue Vaxès.

Je vous le dis sans complexe : le mode de scrutin actuel permet à la droite de se maintenir aux affaires depuis un quart de siècle avec une majorité relative ou une minorité absolue. Loin de tout argument électoraliste, je veux rendre possible la constitution de majorités d'idées et de projets en mesure de construire l'avenir de la Corse dans la stabilité et la transparence. Je ne considère pas que nous avons déjà gagné les élections et que ce mode de scrutin nous servirait. Il servira la Corse quelle que soit la majorité qui sortira des urnes, parce que ce sont les électeurs qui décideront.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Très bien !

M. Camille de Rocca Serra. Ce mode de scrutin permettra de conforter l’avenir de la Corse.

M. Michel Piron. Très bien !

M. Camille de Rocca Serra. Les aménagements proposés vont dans le sens d'une rationalisation du mode de scrutin qui permettrait de cliver le paysage politique – condition sine qua non à la confrontation d'idées et de projets devant les électeurs – et de dégager des majorités en mesure de mener des politiques ambitieuses et d'en être responsables devant les citoyens.

Alors que la Corse est la collectivité territoriale la plus décentralisée de la République et qu'à ce titre elle dispose de compétences élargies au premier rang desquelles on trouve l'adaptation de dispositions législatives et réglementaires, la difficile gouvernabilité de son organe délibérant l'empêche d'assumer pleinement les prérogatives et les pouvoirs qui lui ont été dévolus. Ainsi, le mode de scrutin contribue clairement aux difficultés de fonctionnement de l'assemblée et de la collectivité.

S'il est vrai que jamais le conseil exécutif n'a été renversé, n'oublions pas que sur des documents prospectifs ou des projets importants renvoyant à une vision sociétale, il n'a jamais été possible de dégager de majorité. Le retrait, lundi dernier, du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse – PADDUC – en est le plus récent témoignage.

Or on ne peut se satisfaire d'une assemblée qui ne soit pas porteuse de projets politiques. Elle devrait pour cela compter en son sein les responsables qui ont mené les différentes listes et soutenu des projets lors de l'élection. On peut à cet égard regretter que les grands pourvoyeurs d’idées politiques – je veux parler de Paul Giacobbi, Émile Zuccarelli, Simon Renucci et Nicolas Alfonsi – aient abandonné le navire. Notre île n'a pas besoin d'un navigateur solitaire mais d'un équipage qui puisse la mener à bon port et construire la Corse de demain.

L'Assemblée de Corse doit redevenir la matrice de la Corse, le cœur de la démocratie insulaire, le lieu de conception de grands projets. Seule la réforme proposée peut nous permettre d’y parvenir.

Le présent texte est une proposition de loi déposée en 2007 par le sénateur radical de gauche de Corse-du-Sud, Nicolas Alfonsi, qui propose de rehausser de 5 à 7 % des suffrages exprimés le seuil d'accès au second tour, d'instituer un seuil de fusion des listes à 5 % et de doubler la prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête, qui passerait de trois à six sièges. La commission des lois a adopté un amendement relevant la prime à neuf sièges. En tant que président de l'Assemblée de Corse, je suis lié à la motion adoptée le 16 mars dans sa version originelle. Je ne m'oppose cependant pas à cet aménagement qui ne peut que renforcer la logique de la réforme.

La proposition de loi adoptée par le Sénat le 13 février 2007 a été transmise à l'Assemblée nationale le 4 juillet. Celle-ci ayant suspendu ses travaux en raison des échéances électorales présidentielles et législatives, le bureau n'a pu inscrire le texte à l'ordre du jour.

Conformément à l'alinéa 5 de l'article L. 4422-16 du code des collectivités territoriales, l'Assemblée de Corse aurait dû être saisie pour avis. Toutefois, cet article introduit par la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse n'a pas donné lieu à des dispositions réglementaires précisant son application. En l’absence de telles dispositions, il suffit que l'Assemblée de Corse en ait eu connaissance et se soit exprimée sur le sujet. C'est ce qu'elle a fait le 16 mars dernier en adoptant une motion déposée par le groupe émanant du PRG, qui demandait la poursuite du processus législatif que nous clôturons aujourd'hui. L'avis favorable a bel et bien fait l'objet d'un consensus. Si d'aucuns considèrent que celui-ci n'est pas assez large, qu'ils sachent qu'il est difficile, voire impossible de dégager une unanimité dans une assemblée aussi émiettée.

La clef du dispositif est à mes yeux le seuil de fusion, qui devrait dissuader les personnalités non représentatives de constituer des listes dissidentes au premier tour. Ce mode de scrutin réformé aurait pour avantage de concilier les impératifs de gouvernabilité, puisqu’une majorité pourra être dégagée dès le verdict des urnes, et de représentativité, puisque les principales forces politiques de l'île, droite, gauche et nationalistes, pourront être correctement représentées dans l'hémicycle.

Lorsqu’en 2003 les régions françaises avaient été dotées d'un mode de scrutin efficace, la Corse avait été exclue du dispositif législatif. Au nom de quel principe républicain devrait-elle être privée plus longtemps de mécanismes en mesure d'assurer le bon fonctionnement de ses institutions ? Lors de ses travaux, le comité de réflexion sur la réforme des collectivités locales, présidé par Édouard Balladur, a constaté l'échec du système actuel et a inscrit, au titre de la proposition n° 19 de son rapport, adoptée à l’unanimité, la modification du mode de scrutin de l'Assemblée de Corse au rang des mesures prioritaires afin qu’elle soit effective avant l’échéance de 2010.

Mes chers collègues, en adoptant cette proposition de loi, vous permettrez à la Corse de se doter d'un régime électoral efficient. À ce titre, la réforme du mode de scrutin constitue un pas de plus vers la nécessaire consolidation de l'institution régionale. J’aurais souhaité que certains de mes collègues qui avaient partagé cette aspiration avec moi me suivent jusqu’au bout : ce qui est une vérité en Corse ne l’est pas moins ici. J’espère encore, cher Paul Giaccobbi, que nous pourrons nous rassembler au moment du vote, dans l’intérêt de la Corse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Piron. Impérial !

M. le président. La parole est à M. Simon Renucci.

M. Simon Renucci. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a six ans presque jour pour jour, les électeurs de Corse s'étaient prononcés sur un projet de réforme des institutions. Le Gouvernement avait alors jugé nécessaire de demander son avis au peuple. Aujourd'hui, la question de la réforme des institutions de la Corse est posée devant la représentation nationale mais personne ici ne semble trouver opportun de saisir pour avis les élus de l'Assemblée de Corse au sujet de la réforme de son propre mode d'élection. L’Assemblée de Corse est donc l'objet et non pas l’acteur du débat.

Cela est d'autant plus regrettable, comme j'ai eu l'occasion de l'écrire au président Accoyer, que les législateurs que nous sommes n’ont pas à ignorer la loi de la République. Or nous sommes passés outre à la disposition législative qui voulait que l'Assemblée de Corse soit préalablement saisie des projets et propositions de loi qui regardent spécifiquement la Corse, disposition loin d'être accessoire puisqu’une procédure d'urgence a été prévue dans le seul but de permettre une saisine de l'Assemblée de Corse, quoi qu'il arrive. À quoi bon faire des lois et prévoir des exceptions pour n’en pas tenir compte par la suite ?

Dans ces conditions, mes chers collègues, je vous exhorte à ne pas vous prononcer de manière définitive sur la proposition de loi du sénateur Alfonsi avant que 1' avis de l'Assemblée de Corse n'ait été recueilli dans le cadre de la procédure d'urgence – elle est là pour que l'on s'en serve. Nous donnerions ainsi du temps au débat et notre décision aurait la force et la légitimité que confère le respect de la légalité républicaine. S’il en allait autrement, j’estimerais de mon devoir, au nom de la dignité du Parlement de la République et de l'autorité de la loi, de ne pas prendre part à un vote qui n'aurait pas lieu d'être. Croyez bien que je le regretterais, car il me serait pénible de ne pas participer à une décision déterminante pour l'avenir de la démocratie en Corse. Cependant, plus que jamais, le consensus est nécessaire. L’obtenir aussi rapidement est difficile, mais la difficulté est le signe du devoir.

Vous n'ignorez pas, en effet, que la démocratie est un combat. Ce combat, chers collègues, c'est celui de ma vie. C'est celui qui m'a conduit sur les bancs de l'Assemblée de Corse en 1998 au sein de la gauche plurielle et en 1999 à la tête de la liste « Corse social-démocrate ».

Au cours de ce mandat, j'ai eu l'honneur de contribuer à ce que l'on a appelé le processus de Matignon. Lionel Jospin, alors Premier Ministre, avait choisi la voie du dialogue pour donner une paix durable à la société corse. Pour ce faire, il a pu s’appuyer sur une institution voulue par un grand homme d'État, François Mitterrand, qui, le premier, avait compris que la Corse avait besoin d'un lieu pour le débat démocratique, un lieu où seraient représentées toutes les sensibilités politiques de l'île : l'Assemblée de Corse. Cette assemblée a alors effectué un grand travail de réflexion, élaboré des projets et établi un consensus, qui a abouti à un nouveau statut et à un programme exceptionnel d'investissements. Elle a su remplir sa mission. Aussi n'est-ce pas seulement illégal, mais aussi particulièrement injuste de la laisser aujourd'hui à l'écart de ce débat.

Il s’agit d’ailleurs d’un débat tronqué. Comment peut-on croire que l'on réglera le problème de la gouvernance de la collectivité territoriale par le seul biais d'une modification du mode d'élection de l'Assemblée de Corse ? Certes, cette réforme est indispensable comme en atteste l'élection chaotique de 2004, marquée par les fameuses dix-neuf listes et l’élection à épisodes du président de l'Assemblée de Corse, qui s’est étendue sur plusieurs heures. Personne ne souhaite revivre de pareils instants. J’ai beaucoup de respect pour l’ensemble de nos concitoyens et pour les élus, surtout en Corse où il est toujours plus facile de susciter une communauté d’émotions éphémère que de créer un consensus durable. Nous devons donc, en conscience, réfléchir à une solution acceptable qui ne peut résider dans le maintien du statu quo.

Le nouveau mode de scrutin doit permettre de dégager une majorité stable, validée par les électeurs, qui ne soit pas le fruit de tractations : vous voyez que nous avons des points d’accord. Mais nous devons surtout ne pas perdre de vue que ce mode de scrutin n'est pas une finalité en soi mais l’un des moyens d’améliorer la gouvernance de la Corse. Une gouvernance qui se doit d'être plus collégiale et plus ouverte à la société civile. C'est pourquoi il nous faut protéger le pluralisme de la représentation, y compris au sein du conseil exécutif, qui n'a pas vocation à être monocolore. Nous nous souvenons tous de l’assemblée de 1998 qui s’en tenait à des procédures certes légales, mais extrêmement rapides : c’était le règne du « Silence, on vote ! » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

L'enjeu réside donc dans un système qui permette de préserver le débat démocratique, à même de produire le consensus dont la Corse a tant besoin, sans pour autant laisser de côté la question de la clarification des responsabilités. À cet égard, il convient de formuler des propositions pour améliorer les relations entre le conseil exécutif et l'Assemblée de Corse. Personnellement, je suis favorable à un renforcement des prérogatives du président de l’exécutif, afin de mettre un terme au bicéphalisme, mais à la condition expresse que soit garantie l'effectivité du pouvoir de contrôle des commissions de l'Assemblée. L'Assemblée de Corse ne saurait en aucun cas être reléguée à un rôle de chambre d'enregistrement des décisions de l'exécutif, d'où la nécessité de conserver une grande diversité dans sa composition.

La démocratie ne se réduit pas au fait majoritaire, elle tire sa force et sa légitimité du fait qu'elle est le seul système où les minorités soient représentées et respectées. C'est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement, que je vous propose de joindre au texte que nous transmettrons pour avis à l'Assemblée de Corse. Il entend conserver les points les plus essentiels du texte du sénateur Alfonsi. Il s’agit d’abord de l'instauration d'un seuil de fusion de 5 %, afin d’éviter tout encouragement à l'éparpillement des forces. Je rappelle qu’en 1999, les seuils de maintien au second tour et de fusion étaient fixés à 5 %, point sur lequel le Conseil constitutionnel ne s’était pas prononcé car de telles procédures existaient déjà.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Non, il n’y avait pas de seuil de fusion !

M. Simon Renucci. En tout cas, je suis favorable à ce qu’il soit fixé à 5 %.

Il s’agit ensuite, autre point positif, du doublement de la prime de majorité, de trois à six sièges – il est maintenant question de neuf, mais cela n’a plus d’importance à ce stade. En revanche, cet amendement s’oppose au relèvement à 7 % du seuil de maintien au second tour car cette disposition est manifestement contraire à l'objectif qui est le nôtre de conserver le caractère pluraliste de la représentation régionale, remet en cause l’esprit du statut et écrase les forces progressistes.

Chers collègues, soyons à la hauteur de l'enjeu car c'est bien de la démocratie, de l'avenir et de la paix qu'il s'agit.

Pour finir, je souhaiterais répondre à M. de Rocca Serra qui prétend que nous avons fui l’Assemblée de Corse après les élections. Dois-je rappeler, cher collègue, que la seule voix qui reste de mon groupe, celle de Vanina Pieri, a permis de préserver votre majorité relative et a empêché que votre budget ne soit rejeté, ce qui aurait paralysé l’Assemblée de Corse et la collectivité territoriale. Respectez au moins mon engagement profond au service des électeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Camille de Rocca Serra. C’est bien pour cela qu’il faut un changement !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je tiens tout d’abord à remercier l’ensemble des orateurs. Les partisans du changement ont avancé des arguments de fond, qui militent en faveur de l’adoption de cette proposition de loi, dans l’intérêt de la Corse et des Corses. Les opposants à ce texte ont pour leur part invoqué essentiellement des arguments dilatoires visant à toujours reporter la réforme – comme si on ne l’avait pas fait suffisamment auparavant –, des arguments formels, mais aussi des arguments infondés.

Monsieur Giaccobbi, je vous laisse la responsabilité de vos critiques selon lesquelles le fonctionnement de l’Assemblée nationale ne serait pas juridique.

M. Paul Giacobbi. Je n’ai jamais rien dit de tel !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Il appartiendra au président de l’Assemblée d’en juger.

M. Paul Giacobbi. Vous m’avez mal compris !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Ce sont vos propos exacts, je les ai notés tant ils m’ont surpris.

Je vous laisse également la responsabilité de votre jugement sur les décisions du Conseil constitutionnel et sur sa psychologie. C’est votre problème.

Mais je me dois de vous rappeler, à vous et à M. Renucci, que la proposition de loi ne modifie pas le mode de scrutin en Corse. Elle porte sur des aménagements qui n’affectent pas le mode d’expression démocratique : ce sont bien les citoyens qui décideront.

Je veux également répondre à un autre argument souvent invoqué : la disposition prévoyant la demande d’avis de l’Assemblée de Corse ne précise pas son mode de saisine alors que dans d’autres cas, je pense à la Polynésie, il a été indiqué qu’il revenait au représentant de l’État de procéder à la saisine.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. En effet !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Une grande liberté a été laissée en la matière. Compte tenu du silence du code, la saisine telle qu’elle a été faite ne souffre donc d’aucune irrégularité.

Par ailleurs, je veux rectifier les propos de M. Le Roux parce que nous sommes dans un débat où l’honnêteté intellectuelle doit régner. Sans remettre en cause son honnêteté intellectuelle, je pense que la citation qu’il a faite des propos de M. le secrétaire d’État aux collectivités territoriales traduit une omission de lecture de sa part ou de la part des collaborateurs qui les lui ont transmis. Il a en effet oublié de rappeler la conclusion de la réponse de M. Marleix à M. Alfonsi : « Je serai très clair, monsieur le sénateur. Compte tenu des difficultés récurrentes de fonctionnement que l’Assemblée de Corse a connues dans le passé, le Gouvernement estime qu’une modification des modalités de fonctionnement paraît urgente – et j’emploie cet adjectif à dessein. Il se mobilisera donc pour faire inscrire votre proposition de loi à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale selon les nouvelles règles en vigueur et sera très attentif à ce qu’il en adviendra. » Voilà qui ne va pas du tout dans le sens des propos de M. Le Roux.

Je vais aussi vous lire ce que M. Nicolas Alfonsi répondait immédiatement à M. Marleix – ce texte figure au Journal officiel – : « Je reconnais que la gestion d’un tel dossier est difficile pour le Gouvernement. Toutefois, si ce n’est pas lui qui prend une initiative très forte, nous ne sortirons pas de cette situation. » Et il poursuit : « Si le mode de scrutin de l’élection des membres de l’Assemblée de Corse ne devait pas être modifié, le désordre régnerait de nouveau. Au passage, j’oublie la déontologie républicaine, car on ne va pas tenir une comptabilité notariale pour savoir si l’on dépasse de quinze jours le délai d’un an ! » Et M. Alfonsi concluait : « Je vous supplie donc de prendre cette affaire en main, afin de faire disparaître les désordres actuels. »

Je pense, mesdames, messieurs les députés, que tout est dit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Article 1er

M. le président. À l’article 1er, je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1 et 2.

La parole est à M. Simon Renucci, pour soutenir l’amendement n° 1.

M. Simon Renucci. Ayant déjà dit tout le mal que je pensais du relèvement du seuil de maintien au second tour à 7 %, je ne participerai pas au vote sur ce texte.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l’amendement n° 2.

M. Michel Vaxès. Nous considérons qu’il faut tenir compte des aspirations de tout le corps électoral. Or nous savons bien que plus les seuils exigés sont élevés, plus nombreux seront les électeurs qui, ayant voté pour des formations de moindre importance, se sentiront exclus du champ de la démocratie. C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à ramener à 5 % des suffrages exprimés le seuil permettant le maintien d’une liste au second tour, afin de préserver la représentativité de l’Assemblée de Corse.

Sans sous-estimer la nécessité de faire évoluer par des aménagements la représentativité de l’ensemble de la communauté corse, j’estime, même si vous le niez, monsieur le rapporteur, que les partisans de la modification du mode de scrutin ont bien en tête la bipolarisation de la vie politique, en Corse comme sur le continent. Peut-être n’est-ce pas votre intention, mais vous seriez bien l’un de seuls de votre majorité à ne pas partager cette opinion. La bipolarisation de la vie politique française conduira à un appauvrissement de la diversité qui fait précisément la richesse de notre République.

L’auteur de la proposition de loi évoque l’expérience regrettable qui a conduit la Corse, contrairement aux autres régions de France métropolitaine, hormis l’Alsace, à rester à droite en 2004. Franchement, chacun sait que ce n’est pas en raison du mode de scrutin, mais plutôt des jeux politiciens. C’est donc bien cette seconde hypothèse qui fut à l’origine de cet échec regrettable pour les Corses. L’auteur de la proposition de loi en a parfaitement conscience puisque, je le rappelle, sa formation, divisée à l’époque, porte une responsabilité importante dans ce résultat alors que les huit élus nationalistes votaient comme un seul homme pour les actuels présidents de l’Assemblée de Corse et du conseil exécutif.

Ramener le seuil de 7 à 5 %, comme il était auparavant, permettra de garantir le pluralisme et l’exercice de la démocratie dans toutes les assemblées élues.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Ma réponse sera très précise. Comme l’a indiqué Mme la ministre, il ne s’agit pas de modifier le mode de scrutin, mais de lui donner toute sa portée pour que soient remplis deux objectifs : d’une part pouvoir gouverner, d’autre part représenter les courants d’opinion d’une manière un peu plus large qu’ailleurs pour tenir compte des spécificités de la Corse. D’où les trois leviers suivants.

Premier levier : le seuil de fusion. Monsieur Renucci, vous avez commis une erreur en disant que le seuil est le même pour la fusion des listes et pour leur maintien au second tour. En fait, il n’y a pas actuellement de seuil de fusion. La présente proposition de loi prévoit d’instaurer un seuil de fusion clair, celui du droit commun.

Deuxième levier : le seuil de maintien. Manifestement, le seuil en vigueur donne des résultats qui ont conduit les auteurs de la proposition de loi à proposer son relèvement de 5 à 7 %. Je signale qu’il est de 10 % pour les élections régionales.

Troisième levier : la prime majoritaire. Je rappelle qu’elle est de 25 % dans le droit commun et que, si nous adoptons ce que propose la commission, elle sera seulement de 17,5 %.

Je vous invite à ne pas commettre l’erreur qui consisterait à appuyer sur les différents leviers en sens inverse. Si nous appuyons sur le levier de la prime, c’est pour donner du sens à l’expression majoritaire, même si cette expression est celle d’une majorité relative. Si nous appuyions sur le levier du maintien au second tour en sens inverse, nous priverions la prime majoritaire de son impact et nous aboutirions à un résultat nul. Je suggère de donner le poids nécessaire et suffisant à chaque levier, comme l’a fait la commission en repoussant ces amendements.

Comme je le disais, la commission propose de porter la prime majoritaire à 17,5 %, contre 25 % dans le droit commun. Curieusement, pour tirer les conséquences de la spécificité corse, la prime majoritaire est affectée du coefficient 0,7. Quand le seuil de maintien au second tour proposé est de 7 % alors qu’il est de 10 % dans le droit commun, on retrouve le même coefficient. Ce parallèle atteste la sagesse de la proposition de loi initiale comme celle du texte amendé. Je sais que, depuis, de nouvelles discussions ont eu lieu. Mais, entre ceux qui estiment qu’il ne faut pas aller trop loin et qui pensent qu’il faudrait peut-être abaisser le seuil de maintien au second tour étant donné qu’il est prévu de porter la prime accordée à la liste arrivée en tête des suffrages de six à neuf sièges, et ceux qui disent, de manière plus « idéologique », qu’il faut supprimer même la bonification consistant à passer de trois à six sièges, tout en maintenant le seuil à 5 %, il y a une assez grande confusion.

Le texte initial amendé par la commission est cohérent et lisible. On a bien l’effet mesuré et adapté de chacun des leviers. C'est la raison pour laquelle la commission a repoussé ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Étant donné que ces deux amendements vont à l’inverse de l’objectif de la proposition de loi qui est d’assurer une majorité claire et stable à l’Assemblée de Corse, le Gouvernement ne peut qu’y être défavorable.

M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra.

M. Camille de Rocca Serra. Monsieur Vaxès, je tiens à vous dire que je n’ai pas été élu avec des voix nationalistes puisque, lorsque ces voix se sont portées sur mon nom le 1er avril 2004, j’ai immédiatement démissionné. Ensuite, c’est avec la plus large majorité relative que j’ai pu être élu puisque la gauche rassemblée ne pouvait pas dépasser une majorité relative inférieure.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Tout à fait !

M. Camille de Rocca Serra. Cela fait longtemps que la presse se fait l’écho de cette rumeur, et cela me devient insupportable car ce n’est pas la vérité. Si je devais le faire un jour, j’assumerais mon acte devant le peuple !

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Il fallait le rappeler !

M. Camille de Rocca Serra. Je ne peux pas être favorable à l’amendement de M. Renucci pour la simple raison que je porte devant la représentation nationale le vote de la motion de l’Assemblée de Corse. Je l’ai dit, je n’étais pas moi-même demandeur pour relever de six à neuf sièges la prime accordée à la liste arrivée en tête des suffrages. Mais je prends acte de l’amélioration apportée par la commission et du fait qu’un amendement parlementaire ne doit pas recueillir un avis de l’Assemblée de Corse.

Monsieur Renucci, je prends acte aussi que vous avez proposé l’amendement n° 1. Du reste, en le déposant vous ne contestez plus le passage de six à neuf sièges. La disposition que vous défendez porte seulement sur le seuil d’accessibilité au second tour.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Tout à fait !

M. Simon Renucci. Ce n’est pas une erreur, c’est une faute !

M. Camille de Rocca Serra. L’instauration d’un seuil de fusion étant acceptée par tous, j’aurais pu comprendre que nous recherchions un consensus, mais il serait de toute façon passé par la différenciation entre le seuil de fusion et le seuil de maintien au second tour. Je rappelle que le sénateur Alfonsi avait proposé de porter le seuil de maintien à 7,5 %, proposition que vous aviez contestée.

M. Simon Renucci. Je n’ai pas changé d’avis.

M. Camille de Rocca Serra. À l’époque, j’avais estimé que cette proposition nécessitait l’avis de l’Assemblée de Corse. Cet avis a été rendu. Aujourd’hui, il ne faut plus tourner autour du pot.

Monsieur Vaxès, nous défendons ensemble la pluralité et la démocratie. À mon sens, elles passent, en Corse comme ailleurs, par une majorité et une opposition, que celle-ci soit unique ou plurielle. Un seul exemple : en 1998 la gauche était très plurielle et divisée ; en 1999, parce qu’elle ne pouvait plus se représenter de la même façon devant les électeurs, elle a constitué une liste de la gauche plurielle. De même, la droite gaulliste, libérale et centriste que j’ai l’honneur aujourd’hui de représenter était divisée en 1998 et composée de quatre à cinq listes ; après la dissolution de 1999, elle n’a pas osé se présenter à nouveau divisée devant les électeurs et elle s’est rassemblée.

Se rassembler sur des idées et des projets n’est pas contraire à la démocratie. En tout cas, c’est souhaitable pour l’efficacité, la transparence et la responsabilité devant les électeurs.

Voilà pourquoi je demande, comme la commission et le Gouvernement, le rejet de ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Monsieur de Rocca Serra, nous ne mentons ni l’un ni l’autre. Il y a bien eu un vote des nationalistes avec la droite, mais je vous donne acte de votre positionnement à ce moment-là.

Cela étant, vous n’avez pas répondu à l’argument que j’ai développé dans mon explication de vote en citant l’exemple du projet de plan d’aménagement et de développement durable, retiré lundi dernier de l’ordre du jour de l’Assemblée de Corse. Pourquoi retirer un texte en raison de son contenu – c’est-à-dire l’essentiel – sinon pour la raison que, sur cinquante et un élus, trente et un y étant hostiles, le projet risquait de ne pas recueillir la majorité ? Est-ce là votre conception de la démocratie ?

Le texte que vous allez voter aujourd’hui, contre notre avis, n’a-t-il pas précisément pour objectif que cette situation ne se reproduise plus ? Je m’interroge, cher collègue de Rocca Serra ! Car la réalité est la suivante : vous parlez de majorité relative… Or vous savez très bien que le cumul des deux dispositions de ce texte aboutira à ce que cette majorité relative devienne, demain, absolue. Cela veut dire que les décisions se prendront sans qu’il y ait la moindre possibilité de débat sur les textes. « Voilà nos propositions : adoptez-les et taisez-vous ! Et puis, même si vous parlez, cela n’a absolument aucune importance : le texte sera adopté puisque les aménagements du scrutin en Corse le permettront ! »

Dans cette belle île, que je connais bien – moins que vous, certes, mais que j’apprécie peut-être encore plus –, la reconnaissance du pluralisme est une nécessité, autant qu’ailleurs, voire plus qu’ailleurs.

Enfin, vous avez évoqué la consultation de l’Assemblée de Corse. À cet égard, je ne suis pas sûr que l’examen de ce texte par le Conseil constitutionnel réponde à vos attentes. Il rendra son avis, et je crains que celui-ci, même si nous n’avons pas la prétention qu’il rejoigne le nôtre, ne souligne l’inconstitutionnalité de cette proposition de loi. Nous en rediscuterons, le cas échéant, le moment venu.

(Les amendements identiques nos 1 et 2 ne sont pas adoptés.)

(L'article 1er est adopté.)

Article 2

(L'article 2 est adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

M. Michel Vaxès. Contre !

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, lundi 22 juin, à vingt et une heures trente :

Proposition de loi portant création d'une première année commune aux études de santé et facilitant la réorientation des étudiants.

La séance est levée.

(La séance est levée à onze heures trente-cinq.)