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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Troisième séance du jeudi 11 février 2010

LOPPSI

Troisième séance du jeudi 11 février 2010

Présidence de Mme Catherine Vautrin
vice-présidente

Mme la présidente . La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

LOPPSI

Suite de la discussion d’un projet de loi d’orientation et de programmation

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (n os 1697, 2271, 1861).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de cinq heures et deux minutes pour le groupe UMP, dont quarante amendements restent en discussion, quatre heures quarante-deux minutes pour le groupe SRC, dont vingt amendements restent en discussion, trois heures huit minutes pour le groupe GDR, dont huit amendements restent en discussion, deux heures quarante minutes pour le groupe Nouveau Centre, dont quatorze amendements restent en discussion, et quarante-deux minutes pour les députés non inscrits.

Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 45 à l’article 26.

Article 26

Mme la présidente. L’amendement n° 45 n’est pas défendu.

(L’article 26 est adopté.)

Article 26 bis

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 61.

La parole est à M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour le soutenir.

M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République . Il s’agit de supprimer un renvoi inutile à un décret. Le code de procédure pénale est d’application directe.

Mme la présidente. La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, pour donner l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Favorable.

(L’amendement n° 61 est adopté.) (L’article 26 bis, amendé, est adopté.)

Articles 27 et 28

(L’article 27 est adopté.) (L’article 28 est adopté.)

Article 29

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°124.

La parole est à M. Éric Ciotti, rapporteur.

M. Éric Ciotti, rapporteur . Rédactionnel.

(L’amendement n° 124, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 29, amendé, est adopté.)

Articles 30, 30 bis , 31 et 31 bis

(Les articles 30, 30 bis, 31 et 31 bis sont successivement adoptés.)

Article 31 ter

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 62 de M. Éric Ciotti.

Il s’agit d’un amendement de coordination. La commission et le Gouvernement y sont favorables.

(L’amendement n° 62 est adopté.) (L’article 31 ter, amendé, est adopté.)

Article 31 quater

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 63 de M. Éric Ciotti. Il s’agit d’un amendement de précision. La commission et le Gouvernement y sont favorables.

(L’amendement n° 63 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Madame la présidente, il fait très froid ce soir, et nous avons besoin de récupérer. Nous ne savons plus où nous en sommes. C’est pourquoi je me permets de faire une interruption contraire aux règles du fair play . Je vous demande quelques instants de répit, parce que nous avons un peu de mal à suivre.

Mme la présidente. Je vais vous aider à vous resituer dans le froid, bien qu’il fasse plutôt bon dans l’hémicycle. Nous en sommes à l’article 31  quater . L’amendement n° 63, qui est de précision, vient d’être adopté, et je vais à présent mettre aux voix l’article ainsi amendé.

(L’article 31 quater, amendé, est adopté.)

Article 31 quinquies

(L’article 31 quinquies est adopté.)

Après l’article 31 quinquies

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°297, deuxième rectification, portant article additionnel après l’article 31 quinquies .

La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. L’objectif de cet amendement est de mettre les frais d’analyse à la charge des personnes condamnées pour avoir conduit sous l’influence de produits stupéfiants.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur . Favorable.

(L’amendement n° 297, deuxième rectification, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°295.

La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. L’objet de cet amendement est de permettre la constatation d’une infraction de dépassement de la vitesse maximale autorisée par le relevé d’une vitesse moyenne entre deux points de contrôle.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur . Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La presse s’est fait l’écho de cette technique en s’interrogeant sur sa fiabilité. Il a été notamment relevé que la moyenne entre les deux points de contrôle pouvait être très dépendante de la capacité de régulation du véhicule, quand il est par exemple équipé d’un régulateur de vitesse. Des expertises ont-elles été menées, monsieur le ministre, de sorte que nous puissions continuer sans risque à utiliser notre limitateur de vitesse? Des études d’impact ont-elles été conduites? Et des expériences ont-elles été faites dans d’autres pays, comme certains le disent?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Des éléments de comparaison existent dans plusieurs pays européens, puisque l’Allemagne, l’Italie, ou encore la Norvège, utilisent un tel dispositif. Les résultats qui y ont été enregistrés sont très encourageants, puisque le taux de mortalité a baissé de 50 % sur les voies où il a été utilisé.

En France – et je vois que la déléguée interministérielle à la sécurité routière n’est pas loin d’ici –, cette expérience a été tentée sur l’A10, aux alentours de Chartres. Là aussi, elle a été concluante.

Ce sont autant d’encouragements qui nous ont conduits à vous proposer ce dispositif.

(L’amendement n° 295 est adopté.)

Article 32

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho, inscrite sur l’article 32.

Mme Delphine Batho. L’article 32 porte sur ce qu’il est convenu d’appeler le Grand Paris de la sécurité. C’est peut-être l’occasion d’avoir un échange avec M. le ministre, puisque nous avons déjà eu ce débat lors de l’examen de la proposition de loi sur les violences de groupe.

J’ai d’abord une première question pour M. le rapporteur. Je crois que le texte sur les violences de groupe a été définitivement adopté, tout à l’heure, au Sénat. A partir de là, que devient l’article 32 de la LOPPSI? Quel sens a la discussion de ce soir?

C’était là une remarque de pure forme. Sur le fond, nous avons certaines objections au dispositif tel qu’il est en train de se mettre en place.

La première a trait aux limites territoriales. Il nous semble qu’est en train de s’institutionnaliser une coupure entre la petite couronne et la grande couronne. Il faut une organisation territoriale plus cohérente, les forces de sécurité devant être organisées au niveau de l’agglomération, et notamment des réseaux de transport. Il nous paraîtrait donc plus cohérent que ce Grand Paris soit organisé à l’échelle de l’ensemble de l’Île-de-France. Il n’y a pas de raison de s’en tenir au périmètre de la petite couronne, n’était le débat, récurrent au ministère de l’intérieur, sur l’importance de la préfecture de police de Paris au sein même de ce ministère.

Le deuxième problème, c’est celui de la nature de la présence des forces de l’ordre et de l’organisation de ce Grand Paris de la sécurité. Étant donné que Paris est le seul endroit de France où, d’un certain point de vue, la police de proximité a été maintenue au travers de la police urbaine de proximité, la logique du Grand Paris était-elle de mettre en place cette PUP dans les départements de banlieue? Nous avons l’impression que ce n’est pas la direction qui est prise, et que vous vous inscrivez simplement dans une logique de renfort ponctuel de forces projetables, ce qui renvoie au débat de fond sur la doctrine d’emploi des forces de sécurité.

Nous pensons, nous, qu’à partir de cette nouvelle organisation territoriale du Grand Paris, il faudrait au contraire organiser la mise en place d’une police de quartier.

Troisième problème, le III de l’article 34 de la loi de 1982 avait été modifié par la loi sur la gendarmerie. Là aussi, nous avons l’impression qu’il y a une incohérence législative entre ce qui a été voté et promulgué au mois d’août dernier, et les dispositions du présent article.

Mais j’y insiste, le débat de fond, pour nous, c’est essentiellement deux choses: d’une part, la coupure entre la petite et la grande couronne; et d’autre part, la nature de la présence policière. Est-ce que ce nouveau dispositif territorial permet de remettre des forces de police en situation de proximité par rapport à la population, ou est-ce qu’il organise simplement des opérations de maintien de l’ordre destinées à protéger la capitale vis-à-vis de la banlieue? C’est un peu la lecture qu’en faisait le rapporteur lors de précédents débats.

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°269.

La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Cet amendement traite du problème que posent les dispositions de l’article 6 de la loi du 3 août 2009.

J’aimerais obtenir une réponse à la question que j’ai soulevée précédemment sur le fait que nous sommes en train de discuter d’un article déjà promulgué. Nous pouvons toujours présenter à nouveau les amendements que nous avons défendus la semaine dernière, mais il me semble que nous sommes là dans un quiproquo législatif.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Éric Ciotti, rapporteur . Je confirme que le Sénat a adopté cet après-midi la proposition de loi renforçant la lutte contre les violences en bandes. Pour autant, ce texte n’est pas encore promulgué. Nous sommes dans le débat, ces articles sont inscrits et leur examen se poursuit.

Quant à l’amendement n°269, j’émets un avis défavorable. Nous avions eu un long débat lors de la discussion de la proposition de loi. Cet amendement traitait du rôle de la gendarmerie et de la nature de l’autorité que le préfet pouvait avoir sur les unités de cette arme. La loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie précise que le préfet de police dirige l’action des services de la police nationale et des unités de la gendarmerie nationale en matière d’ordre public, dans le respect du statut militaire pour ce qui concerne la gendarmerie nationale. Les responsables départementaux de ces services et unités sont placés sous son autorité et lui rendent compte de l’exécution et des résultats de leurs missions. La dérogation posée par le présent article à l’article 34 de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et aux libertés des communes, des départements et des régions ne concerne que la charge de l’ordre public et la direction de l’action des services de la police nationale entre le préfet de département et le préfet de police. Le reste de l’article s’applique, y compris les dispositions spécifiques à la gendarmerie.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Je me réjouis que le Parlement ait déjà approuvé cet article dans la loi sur les violences en bandes. C’est le signe concret que la police d’agglomération est approuvée.

Techniquement, je partage l’avis du rapporteur. Je crois nécessaire de laisser cet article dans la LOPPSI pendant le jeu de la navette et d’attendre que la loi sur les bandes soit promulguée – ce qui n’est pas encore le cas – pour le supprimer. Cette démarche me paraît à la fois plus prudente et plus efficace.

Si je comprends bien, votre amendement consiste à donner au préfet de police autorité sur les services de police de la petite couronne parisienne sans préjudice de l’autorité des préfets de départements. La logique est exactement inverse: dans un souci d’efficacité, l’objet de l’article 32 est précisément d’instituer une dérogation à la compétence du préfet de département pour unifier le commandement des forces de sécurité dans la région parisienne. La police d’agglomération a été mise en place à la mi-septembre, et les premiers résultats que nous avons enregistrés sur les quatre derniers mois de l’année montrent que cette initiative va totalement dans le bon sens.

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. La formulation que nous avons retenue est « sans préjudice de la seconde phrase du quatrième alinéa du III de l’article 34 de la loi du 2 mars 1982 », laquelle est la suivante: « Dans le respect du statut militaire pour ce qui concerne la gendarmerie nationale, les responsables départementaux de ces services et unités sont placés sous son autorité et lui rendent compte de l’exécution et des résultats de leurs missions en ces matières. » Sur cet aspect, le rapporteur a répondu, ce qui permettra une interprétation claire des textes: il n’est pas dérogé aux dispositions de la loi sur la gendarmerie.

(L’amendement n°269 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°268.

La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Cet amendement tend à préciser que le préfet chargé de la sécurité du Grand Paris n’est pas simplement en charge de l’ordre public. Le rapporteur va certes me répondre qu’il s’agit de la notion d’ordre public au sens large, mais nous aurions préféré que soit clairement mentionné « ainsi que de la sécurité des personnes et des biens ». Cela renvoie au débat sur la différence entre police du maintien de l’ordre et police de la sécurité quotidienne des Français, en l’occurrence des Franciliens.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Éric Ciotti, rapporteur . Je vous remercie, madame Batho, d’avoir formulé ma réponse. Je vous confirme que la notion d’ordre public est entendue au sens large du droit administratif, qui comprend le bon ordre, la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques. Il est donc inutile de rajouter les termes « sécurité des personnes et des biens ». Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Même avis que la commission, que Mme Batho avait fort justement présumé.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Derrière une notion très large, puisqu’elle englobe même l’intelligence économique, a-t-on dit tout à l’heure, il y a tout de même la réalité et la manière dont les forces de police sont préparées aux nouveaux territoires dans lesquelles elles sont amenées à intervenir. En fait, il ne s’agit pas du tout de déployer des effectifs parisiens vers la petite couronne, d’après un périmètre que vous avez bizarrement fixé, pour la sécurité quotidienne de nos concitoyens, mais plutôt de contenir ponctuellement d’éventuelles violences urbaines. En aucun cas, vous n’entendez occuper le terrain, comme nous vous y appelions dès la LOPSI et comme l’a décrit Delphine Batho: en changeant de stratégie et en donnant comme orientation prioritaire à la LOPPSI la reconquête de territoires abandonnés ou perdus. Cela ne peut pas passer par la simple projection ponctuelle de forces d’intervention en cas de violences urbaines. C’est un travail de tous les jours, qui nécessite les moyens que Mme Batho a indiqués, et les missions que vous donnez au préfet de police de Paris à travers l’article 32 n’y correspondent absolument pas. En tout cas, dans les faits, dans les commissariats et dans les directions de la préfecture de police, ce n’est pas ainsi que cela est compris. D’ailleurs, ce n’est pas du tout l’esprit dans lequel sont formés les personnels amenés à se déplacer ponctuellement dans des quartiers de banlieue qu’ils ne connaissent pas.

(L’amendement n°268 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°261 rectifié.

La parole est à M. Manuel Valls.

M. Manuel Valls. Vous comprendrez que je défende l’idée d’une extension au-delà des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et de Paris, la petite comme la grande couronne parisiennes connaissant les mêmes problèmes de délinquance de plus en plus dure.

Nous sommes évidemment favorables à un regroupement des forces sur Paris et la petite couronne pour des raisons de cohérence. Mais nous voulons aller plus loin et, monsieur le ministre, j’aimerais vous entendre à nouveau sur ce sujet. Le préfet de police a compétence sur la police des transports, donc sur les lignes de RER qui vont au-delà des limites de la petite couronne. Or, aujourd’hui, les problématiques de délinquance dans la grande couronne s’étendent jusqu’à la frontière tracée par les anciennes villes nouvelles, dans les secteurs de police, mais aussi, de façon nouvelle et inquiétante, dans les zones de gendarmerie. C’est dans celles-ci qu’est constatée la hausse de la délinquance dans le département de l’Essonne et dans les secteurs mi-urbains mi-ruraux, où elle s’est développée pour des raisons que chacun ici connaît. Dans ces secteurs, d’ailleurs, l’ensemble des administrations disposent souvent de moyens moindres que ceux de Paris et de la petite couronne parce que l’État a eu du mal à suivre le développement démographique de ces départements. La police aussi: avec des moyens ne correspondant pas au développement démographique, elle n’a pas pu suivre celui de la délinquance. Et c’est la même chose pour la justice.

Face à une délinquance qui ne connaît pas les frontières départementales, une politique de sécurité cohérente consisterait à intégrer l’ensemble des départements de la région Île-de-France. Si vous n’acceptez pas cette proposition, je souhaiterais, pour avoir un débat constructif, entendre votre vision sur la cohérence et sur les moyens consacrés à une politique de sécurité qui doit aujourd’hui dépasser les frontières de l’ancien département de la Seine, qui doit intégrer la problématique des anciennes villes nouvelles.

Traiter les problèmes de délinquance aux Ulis, à Grigny, à Évry, aux Tarterets – trafics de drogue, délinquance sur la ligne de RER entre Châtelet et les grandes gares de la grande couronne – oblige à une telle cohérence. Or c’est précisément ce qui m’échappe dans votre proposition qui, tout en allant dans le bon sens, est incomplète.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Éric Ciotti, rapporteur . La commission a émis un avis défavorable. Je ne reprendrai pas le débat puisque vous attendez beaucoup plus des réponses du ministre.

M. Manuel Valls. Les vôtres m’intéressent aussi!

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Sans reprendre le débat de la discussion générale, je préciserai les principes qui ont guidé notre initiative.

La première raison de la limitation à Paris et aux trois départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne est que, en Île-de-France, les bassins de délinquance ne sont pas les mêmes. L’Île-de-France, vous le savez mieux que quiconque, compte des départements urbains et des départements comportant des territoires urbains, semi ruraux et ruraux. C’est le cas des Yvelines et de la Seine-et-Marne.

Vous avez souligné que vous étiez favorable à la police d’agglomération. J’observe que ce n’est pas une position unanime sur les bancs de l’opposition puisque M. Braouezec a déposé un amendement de suppression. Je ne vous en fais pas le reproche, mais il n’y a pas de voix uniforme dans l’opposition.

M. Manuel Valls. Ne refaisons pas le débat!

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. La deuxième raison de cette limitation, c’est qu’il fallait mettre fin au principe aberrant en vertu duquel, si le délinquant franchissait le périphérique, le policier parisien ne pouvait pas le suivre. Dorénavant, ce sera possible.

Troisième raison, la police d’agglomération permet à l’évidence une plus grande fluidité de l’intervention des forces de police. Cela a été démontré en Seine-Saint-Denis, où précisément des effectifs de la préfecture de police sont intervenus à plusieurs reprises.

L’extension à l’ensemble de l’Île-de-France ne me paraît pas correspondre à une cohérence. Qu’il y ait une réflexion sur une extension à un département qui vous est cher, je n’y suis pas hostile, mais sur l’Île-de-France, non, parce que les bassins de délinquance ne sont pas les mêmes.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti.

M. Jacques Alain Bénisti. J’abonderai dans le sens de M. le ministre. Les propos que nous avons entendus avant l’intervention de M. Valls étaient totalement différents de ce qu’il vient de dire. Apparemment, un certain nombre de nos collègues sont contre la police d’agglomération,…

Mme Sandrine Mazetier. Qui?

M. Jacques Alain Bénisti. …tandis que M. Valls en souhaiterait, à juste titre d’ailleurs, l’extension. La plupart des maires de banlieue réclament depuis des années de pouvoir bénéficier des effectifs extrêmement importants dont notre capitale dispose aujourd’hui. Je rappelle les effectifs: un policier pour 200 habitants à Paris, alors que la banlieue de la petite couronne ne dispose que d’un policier pour 2000 habitants. Le fait de bénéficier de ce grand nombre de personnels et d’une seule gouvernance auprès du préfet de Paris est une valeur ajoutée extraordinaire pour l’ensemble de la ville.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Je connais, monsieur le ministre, votre attachement aux formules. Vous avez ce point en commun avec le Président de la République, qui expliquait que l’on pouvait ou non faire ses courses, le dimanche, sur les Champs‑Élysées, selon le trottoir où l’on se trouvait, parce que les types de commerce n’étaient pas les mêmes.

Vous nous expliquez maintenant que la police d’agglomération, les policiers ne peuvent pas franchir le périphérique, qu’ils y sont interdits de séjour. Ce n’est pas vrai. Je vous ai posé, en commission, une question très précise liée à ce que nous vivons à Paris et à l’évolution – puisque la lutte contre la délinquance et l’insécurité est une guerre de mouvement – récente enregistrée à Paris et dans les arrondissements dits périphériques, dont le XII e arrondissement. On passe, géographiquement, bien plus rapidement dans l’Essonne quand on est dans le XII e arrondissement que dans les Hauts-de-Seine. Les grands délinquants l’ont bien compris.

Depuis quelques mois – ce n’était pas le cas antérieurement –, nous assistons très régulièrement, presque chaque mois, à des attaques, à l’aide d’une voiture bélier, de distributeurs de billets dans mon arrondissement, et ce en pleine journée. Les auteurs de ces actes s’enfuient très vite, grâce au périphérique, vers l’autoroute A4; on est très vite loin du champ de la police d’agglomération.

Il faut incontestablement faire des analyses des bassins de délinquance diversifiées. Mais il est assez étonnant que l’on n’arrive toujours pas à structurer les moyens d’intervention de la police en fonction de la mobilité – puisque vous parlez de guerre de mouvement. C’est la raison pour laquelle les membres du groupe socialiste, comme M. Valls vous l’a expliqué, soutiennent cet amendement, étendant à l’ensemble de l’Île-de-France le champ d’intervention de la police du Grand Paris, parce que les délinquants ne connaissent ni la limite du périphérique, ni la limite de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et des Hauts-de-Seine. En revanche, ils connaissent très bien l’autoroute A 4, le périphérique et toutes les possibilités de mobilité rapide.

Mme la présidente. La parole est à M. François Scellier.

M. François Scellier. J’entends très bien le discours sur la police d’agglomération. Mais je ne comprends pas pourquoi elle se limite à Paris et aux trois départements de la grande couronne.

Je suis élu du Val-d’Oise, à la limite d’Épinay-sur-Seine; Enghien est également en limite d’Épinay. Nous avons assisté, en matière de délinquance, à des scènes grand-guignolesques, où la police, qui poursuivait un délinquant en Seine-Saint-Denis, s’arrêtait à la limite du département du Val-d’Oise et laissait partir l’intéressé.

Il en va de même pour la délinquance sur la ligne C du RER, où les limites départementales ne correspondent pas aux limites de la délinquance. Je suis plutôt favorable à une extension, sauf peut-être pour des raisons d’organisation. Je souhaite que le Gouvernement manifeste, pour des raisons d’efficacité, sa volonté d’avoir une police d’agglomération qui couvre l’ensemble de la région Île-de-France.

Mme la présidente. La parole est à M. Manuel Valls.

M. Manuel Valls. Je voudrais aller à l’essentiel.

Vous nous avez parlé, monsieur le ministre, de M. Braouezec. Nous sommes élus du groupe socialiste. Je ne vais pas vous parler de vos relations amicales et constructives avec Mme la garde des sceaux, sinon nous y passerions la soirée.

Nos positions divergent. C’est pour cela que nous ne sommes pas ensemble au premier tour. Cela fait des années, sur d’autres sujets, que nous constatons ces différences. Ce n’est pas une découverte.

Je comprends, monsieur le ministre, qu’il soit compliqué de mettre en place un dispositif, d’analyser son fonctionnement. Nous savons qu’il faut tenir compte également du poids de la préfecture de police.

Mais je ne suis pas d’accord avec vous sur la notion de bassin de délinquance. Comme M. Scellier vient de le rappeler, tout le secteur de Saint-Gratien, Épinay, Saint-Denis, Peyrefitte est sur deux départements: un de la petite couronne et un de la grande couronne. Rappelons que les aéroports de Roissy et d’Orly sont chacun au cœur de trois départements de petite et de grande couronne. Il y a là, à l’évidence, quelque chose qui ne fonctionne pas.

J’ai été élu, dans une autre vie, à Argenteuil. Le lien avec Colombes du côté des Hauts-de-Seine est évident.

Là où je suis prêt à vous suivre, c’est qu’il y a évidemment une frontière entre la partie urbaine, qui fonde l’agglomération parisienne au sens très large – c’est le cercle dessiné, il y a quarante ou quarante-cinq ans, par Paul Delouvrier – et la partie plus rurale. Cette partie-là est très importante dans l’Essonne, au sud du département, non loin de Fontainebleau ou d’Étampes, avec des problématiques qui nous obligent les uns et les autres à une réflexion.

Dans ma circonscription, il y a une partie en zone police, une autre en zone gendarmerie. Nous sommes obligés de travailler ensemble, dans le cadre du CLSPD notamment, ce qui n’est pas toujours évident.

Mais, en tout état de cause, le bassin de délinquance, les problèmes rencontrés dans les transports vous obligeront, à un moment ou à un autre, à étendre cette police d’agglomération. C’est notre position constante. Mme Mazetier, Mme Batho et moi-même l’avons défendue lorsque Mme Alliot-Marie a été auditionnée comme ministre de l’intérieur, au mois de juin. Nous avons également défendu cette position en commission des lois ou à l’occasion de l’examen de la proposition de loi sur les bandes.

Nous voulons vous alerter sur le fait que la frontière administrative est à notre sens périmée. C’est une vision ancienne, qui ne correspond pas aux limites administratives, et encore moins aux problèmes de délinquance.

Je voudrais prendre un exemple pour bien montrer cette inégalité. Aujourd’hui, la police des transports agit sur les bus de la RATP. Ce n’est pas le cas en grande couronne, là où les réseaux de bus sont indispensables. Les réseaux de bus de la grande couronne, qui sont parmi les plus importants, sont confrontés à Ivry et Grigny à de vrais problèmes de sécurité, mais nous ne voyons pas de forces de l’ordre ou une police des transports présente sur ces lignes, alors que ce serait utile.

Je vous demande, monsieur le ministre, de laisser ouverte la discussion, afin qu’on puisse réfléchir ensemble. J’en ai parlé avec le préfet de police. Il existe de nombreux problèmes de trafic, de délinquance, comme l’a rappelé Mme Mazetier.

Il suffit d’aller à la gare de Châtelet‑Les Halles, pour y rencontrer un certain nombre de ceux qui peuvent poser des problèmes dans le secteur dont je suis l’élu. Nous ne devons pas faire preuve de dogmatisme dans ce domaine. Je vous demande, car c’est l’efficacité qui compte, de laisser la porte ouverte pour étudier les conditions dans lesquelles on peut travailler. Je suis persuadé que les représentants de l’État, les directeurs de la sécurité publique, les commissaires sont intéressés par ce travail avec leurs collègues, car c’est incontestablement un nouveau défi à relever pour les forces de l’ordre.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Je pense que le meilleur moyen de tuer la police d’agglomération, au moment où elle prend son essor – elle commence à avoir de bons résultats –, c’est de l’étendre à l’infini.

L’organisation, telle qu’elle résulte aussi bien de la préfecture de police que des forces des différents départements, peut agir sur une zone d’intervention qui est celle de Paris et des trois départements, mais certainement pas sur une zone aussi vaste.

Un certain nombre de services sont d’ailleurs organisés ainsi. Le ressort de compétence de la PJ ou de la brigade des sapeurs-pompiers couvre les trois départements. Cela permet un maillage, une organisation.

Nous avons l’impression, en vous écoutant, qu’il n’y a pas de forces de police et de gendarmerie en dehors de ce secteur.

À partir du moment où il existe une police d’agglomération sur cette zone restreinte, qui concentre les deux tiers de la délinquance de la région, il faut que l’on puisse renforcer la coordination et la coopération, telles qu’elles existaient autrefois, avant la création de la police d’agglomération, entre Paris et les trois départements de la petite couronne.

Il faut faire attention aux chiffres que l’on cite pour Paris. Paris, ce n’est pas seulement deux millions d’habitants, ce sont sept millions de personnes qui y vivent et y résident chaque jour. Quand on emploie des ratios, il faut prendre en compte les sept millions de personnes qui sont chaque jour à Paris.

Si nous, en qualité de Parisiens, sommes favorables à cette police d’agglomération, c’est que nous ne craignons pas des baisses d’effectifs. La compagnie de sécurisation, la brigade anticriminalité de nuit iront certainement intervenir dans des zones plus éloignées. Des dispositifs permanents de sécurité, et non envoyés au coup par coup, seront mis en place et sont mis en place dans les secteurs extérieurs à Paris. Quand on sait que plus de la moitié des délinquants interpellés à Paris n’habitent pas Paris, il est évident qu’il est aussi important de les contrôler, de les interpeller, de réagir sur leur lieu d’habitation que sur leur lieu d’intervention.

Je voudrais vous mettre en garde. Si l’on étend à l’infini cette police d’agglomération alors qu’il y a des processus de coopération et de coordination très étroits, qu’il faut encore renforcer, cette police n’aura plus de sens.

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Monsieur Goujon, ce que vous décrivez est pire que le système de zonage de l’ancienne carte orange.

Les frontières que vous êtes en train d’installer ne sont pas opérationnelles du tout. Je prendrai l’exemple de la lutte contre les phénomènes de bandes. À Paris, la préfecture de police n’a pas subi la réforme du renseignement intérieur, elle a conservé une direction du renseignement dont une section s’occupe des violences urbaines et a développé un travail d’information et de renseignement sur les phénomènes de bandes.

J’avais demandé à M. Gardère, lors de son audition, comment cela se passerait avec les différents SDIG des différents départements qui s’occuperaient notamment de ces phénomènes de violence urbaine. Il m’avait répondu qu’une coordination se mettait en place.

Il y aura donc une troisième zone pour les phénomènes de bandes en grande couronne, où il n’y aura pas de coordination avec cette nouvelle organisation du renseignement à la préfecture de police de Paris. Que se passera-t-il? On assistera à un certain nombre de phénomènes qui prendront les services au dépourvu.

Je pense que vous verrez à l’usage que cette délimitation ne tient pas.

Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Je trouve qu’il y a une certaine cohérence dans les propositions qui nous sont faites par le ministre de l’intérieur.

Pour la police judiciaire, il y a actuellement un service qui s’occupe de Paris et des trois départements de la petite couronne, et le SRPJ de Versailles qui s’occupe des quatre départements de la grande couronne.

Nous souhaitions depuis longtemps qu’il y ait une certaine adéquation entre les compétences du SRPJ de Paris et de la petite couronne et l’intervention du préfet de police, pas seulement sur Paris, mais sur les trois départements de la petite couronne.

Je pense qu’il y a là une certaine cohérence que nous attendions depuis longtemps. C’est la raison pour laquelle il me paraît logique, dans un premier temps, que cette disposition puisse s’appliquer dans le cadre du projet de loi qui nous est proposé.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Je partage le sentiment exprimé par Philippe Goujon et Etienne Pinte, mais les remarques formulées par Manuel Valls ne peuvent être écartées d’un revers de main, je le dis très clairement. Cela étant, on ne peut, monsieur Valls, faire comme si l’on découvrait le fil à couper le beurre et dire qu’il n’y aurait ni cohérence, ni coordination, ni relations opérationnelles en dehors des départements concernés par la police d’agglomération. La cohérence est aujourd’hui assurée par le préfet de police en sa qualité de préfet de zone de défense. À ce titre, il attribue les forces mobiles sur l’ensemble de l’Île-de-France et il est responsable de la sécurité des transports ferroviaires.

Mme Sandrine Mazetier. C’est ce que nous disons.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Par ailleurs, le préfet de police réunit très régulièrement l’ensemble des préfets de la région Île-de-France. Il y a donc bien cohérence et coordination.

J’indique à Mme Batho que la RGPP a eu des conséquences sur l’organisation des services de renseignement: la DRPP a intégré la SDIG de la petite couronne. Je suis du reste convaincu que M. Alain Gardère vous en a fait part lors de son audition à l’Assemblée nationale. Elle n’est donc pas à l’écart de la réforme des services de renseignement.

Mme Sandrine Mazetier. Elle a été annexée!

(L’amendement n°261 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n°270 est-il défendu?

Mme Delphine Batho. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n°270, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°271.

La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Le débat mérite d’être clarifié, surtout après les propos tenus par M. Goujon. Selon lui, le Grand Paris de la sécurité consiste essentiellement à organiser de temps en temps des sorties en banlieue pour les effectifs policiers parisiens.

M. Philippe Goujon. Quel mépris!

Mme Delphine Batho. Ce n’est pas ainsi que nous concevons la nouvelle organisation d’une police d’agglomération.

M. Philippe Goujon. C’est le secteur d’intervention qui change.

Mme Delphine Batho. Notre amendement vise à coordonner la mise en place de la police de quartier en Île-de-France.

Paris est le seul endroit de France où la PUP – la police urbaine de proximité – a été maintenue. La petite couronne bénéficiera-t-elle également de ce dispositif de proximité ou s’agit-il seulement de renforts ponctuels – une sorte de police anti-émeutes et de gestion des violences urbaines – au lieu d’assurer la sécurité au quotidien?

M. Philippe Goujon. Ce n’est pas du renfort ponctuel!

Mme Delphine Batho. J’en profite pour poser une autre question à M. le ministre qui concerne les alinéas 5 et 6 de l’article 32 ter . Je souhaiterais savoir s’il est envisagé d’étendre la police d’agglomération à Lyon, Marseille et Lille. J’ai eu connaissance de tensions à Marseille au sujet du redéploiement entre zones de police et de gendarmerie. Des élus locaux ont du reste protesté car ils n’avaient pas été associés à ces réformes. Qu’en est-il, monsieur le ministre?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Éric Ciotti, rapporteur . Votre amendement est satisfait, madame Batho. La police de quartier relève du préfet de police, qui a la charge de l’ordre public – à entendre au sens large du droit administratif.

Avis défavorable donc.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Même avis que la commission.

Je précise qu’Alain Gardère est désormais le directeur de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne – la DSPAP.

Après quatre mois de pratique, les résultats de la police d’agglomération sont extrêmement encourageants. Dans ces conditions, il est envisageable de réfléchir à une extension du dispositif à d’autres collectivités comme Marseille, Lyon et peut-être Lille. J’ai demandé aux préfets et aux responsables d’imaginer plusieurs options, et rien ne sera décidé sans avoir consulté les élus.

Concernant Marseille, je me suis entretenu avec Richard Mallié, qui pourrait être concerné. Si une réorganisation s’inspirant du modèle de la police d’agglomération dans la région parisienne doit voir le jour, cela se fera dans la concertation. J’ai adressé des consignes au préfet Michel Sapin, que j’ai confirmées par écrit. En tout état de cause, la concertation prévaudra.

(L’amendement n°271 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°238.

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. L’amendement est retiré.

(L’amendement n°238 est retiré.) (L’article 32 est adopté.)

Article 32 bis

(L’article 32 bis est adopté.)

Article 32 ter

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Introduit dans le projet de loi par un amendement du rapporteur, l’article 32 ter organise le désengagement de l’État sur le dos des collectivités territoriales. Il permet d’attribuer la qualité d’APJ aux directeurs de police municipale, ce qui ne va pas sans poser un certain nombre de problèmes. En filigrane, on entrevoit l’instauration d’une logique de sous-traitance dans la mesure où la police nationale, manquant d’effectifs et ne pouvant plus assurer un certain nombre de missions, notamment de présence sur la voie publique, annexerait en quelque sorte les polices municipales pour assurer ce travail.

L’autorité hiérarchique du directeur de police municipale est le maire. Avec cet article, il est placé sous l’autorité de l’officier de police judiciaire de la police ou de la gendarmerie. Il y a là un problème au regard des prérogatives des polices municipales.

Rappelons que la répartition des polices municipales est très inégale sur le territoire: si elles sont nombreuses dans le Sud de la France et en Île-de-France, ce n’est pas le cas ailleurs. À partir du moment où l’on donne la qualité d’APJ aux direc teurs de police municipale, il sera possible d’utiliser la police municipale sous la direction de la police nationale pour assurer n’importe quelle mission.

Nous sommes tout à fait opposés à cet article, nous l’avions dit dans la discussion générale. Au mois de juin dernier, il était question d’engager une réflexion approfondie sur le statut et les missions des polices municipales. À cet égard, je rappelle que les policiers municipaux ont manifesté il y a quelques jours. Nous avons la nette impression que cette réflexion d’ensemble est court-circuitée et qu’il s’agit d’utiliser des effectifs qui dépendent des collectivités territoriales pour pallier le déficit d’effectifs de la police nationale.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’article 32 ter nous pose en effet problème. Pour ce qui me concerne, j’exprime ma totale hostilité à ce dispositif.

La police municipale est un instrument du maire. Elle appartient à la collectivité territoriale et est placée sous l’autorité hiérarchique du maire. À ce titre, elle ne reçoit d’ordres que du maire. C’est lui, en sa qualité d’officier de police judiciaire, qui est placé au cœur du dispositif de partenariat entre la collectivité et ses services et la préfecture, la police, comme cela se pratique de manière normale et bénéfique sur nos territoires.

J’ai toujours condamné l’idée qu’un maire, élu par ses concitoyens, puisse être placé dans des situations qui compromettraient la force de son mandat, lequel le fait maire de tous au lendemain de son élection, idée nous rapprochant de ce qui existe dans d’autres pays, notamment aux États-Unis, mais qui est contraire à notre tradition républicaine.

Que le maintien de l’ordre soit confié à la police constitue une protection pour nos concitoyens. Que la police soit placée sous l’autorité du ministre de la République et que l’action de la police soit placée sous le contrôle des magistrats représente également une protection pour nos concitoyens. Cela résulte d’une longue tradition et constitue l’un des socles de ce qui peut encore être considéré comme notre instrument républicain par excellence aussi bien en métropole qu’outre-mer.

À partir du moment où vous conférez la qualité d’agent de police judiciaire à un membre du personnel communal, vous le placez nécessairement sous les ordres de la police judiciaire, notamment du procureur de la République. Une telle situation est susceptible de provoquer des conflits, voire des situations attentatoires à la compétence du maire. Je le dis avec gravité car il me semble que l’on doit protéger le mandat du maire.

De nombreux maires n’ont pas voulu adopter le dispositif de la police municipale; ils ont leurs raisons et elles sont respectables. Un certain nombre d’autres l’ont fait pour des raisons tout aussi respectables. Ce qui est critiquable, c’est la confusion des responsabilités, l’usage des services d’une police municipale au-delà des compétences de police du maire dans des exercices d’autorité qui, en tout état de cause, ne doivent pas échapper à la police nationale, sous le contrôle des autorités que j’ai évoquées.

Nous entrons dans un processus extrêmement complexe. Je vous le dis franchement, mes chers collègues: si demain, je ne devais plus être le maire de tous, alors que mes pouvoirs de police sont tout de même limités, je me poserais la question de savoir si je maintiens la police municipale. Certains diront que cela ne peut concerner que le directeur de la police municipale. Dans ces conditions, je supprimerais le poste de directeur (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) alors que je n’en ai pas envie parce qu’il remplit avec compétence des objectifs qui relèvent de ma responsabilité.

D’une certaine manière, monsieur le ministre, c’est la police nationale que je défends, le ministère dont vous avez la responsabilité ainsi que le pouvoir de contrôle des juges sur cet ensemble.

La police municipale risque de voir son rôle bouleversé.

Le ministre de la République ne doit pas accepter cela. Le Conseil d’État a toujours rappelé que le maintien de l’ordre ne relevait pas de la police municipale; sa jurisprudence est constante sur ce point. La responsabilité des maires qui l’ont négligée a été engagée.

Mieux vaudrait renoncer à ce dispositif et continuer de favoriser, par les conventions conclues avec les préfets, une collaboration quotidienne entre la police nationale et les services des villes – en particulier la police municipale – suffisamment efficace pour garantir leur contribution à la tranquillité publique. J’appelle votre attention sur ce point: une disposition aussi grave ne saurait être introduite dans la loi au hasard d’un amendement.

Mme Delphine Batho et M. Manuel Valls. Très bien!

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti.

M. Jacques Alain Bénisti. Tout d’abord, dans le texte, l’octroi au chef de la police municipale de la fonction d’APJ concerne essentiellement les villes où la police municipale compte plus de quarante membres.

M. Patrick Braouezec. C’est déjà beaucoup!

M. Jacques Alain Bénisti. Ce n’est donc le cas ni de votre ville, monsieur Le Bouillonnec, ni de la mienne.

Mme Delphine Batho. Si!

M. Jacques Alain Bénisti. Il s’agit d’une demande des différents syndicats de la police municipale…

Mme Delphine Batho. C’est faux!

M. Jacques Alain Bénisti. … et de la police nationale. En effet, nombre d’opérations de coordination, notamment dans nos cités sensibles, sont menées sous la responsabilité de la police nationale et sous la direction d’un commissaire de police. Or, lors de ces opérations souvent mouvementées, le directeur de la police municipale peut considérer qu’il n’a qu’un patron, le maire, et refuser d’obéir au commissaire.

Mme Marie-Christine Dalloz. Bien sûr!

M. Jacques Alain Bénisti. Le texte résout ce problème.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il n’y a pas lieu de le résoudre!

M. Jacques Alain Bénisti. En effet, en revêtant la fonction d’agent de police judiciaire, le directeur de la police municipale est placé sous la responsabilité de l’officier de police judiciaire et du commissaire de police, et non plus sous celle du maire.

Mes chers collègues, j’appelle votre attention sur ce problème de responsabilité. Le dispositif actuel est totalement bancal. À un directeur de la police municipale qui, pour justifier ses débordements, assurerait avoir suivi les ordres du commissaire de police, un magistrat pourrait rétorquer qu’il ne dépend que du maire. Le texte résout entièrement ce problème juridique; en disant cela, c’est à l’avocat que je m’adresse, monsieur Le Bouillonnec.

En outre, le directeur de la police municipale n’exerce la fonction d’APJ que dans certaines situations de coordination avec la police nationale.

Mme Delphine Batho. Lesquelles?

M. Jacques Alain Bénisti. Cette mesure demandée par la police municipale…

Mme Delphine Batho. C’est faux!

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Elle n’a rien demandé!

M. Jacques Alain Bénisti. … et par la police nationale est tout à fait satisfaisante.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est une mesure de bon sens et de cohérence!

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Si je comprends les interrogations de M. Le Bouillonnec, notamment en tant que maire, je ne les fais pas miennes, loin s’en faut.

Tout d’abord, il est évident que le maire est aujourd’hui responsable de la police municipale; au sein de la population, nul n’ignore qu’un agent de police municipale obéit aux ordres du maire. Rappelons qu’il le fait parce que le maire est son employeur et a la qualité d’officier de police judiciaire; rappelons également que le maire est lui-même placé sous la responsabilité du procureur de la République.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh non!

M. Jean-Christophe Lagarde. J’ai moi-même été amené à commettre un acte judiciaire, et j’ai bien dû en référer à une autorité supérieure.

Mais là n’est pas l’essentiel. La situation actuelle est assez hypocrite: lorsqu’une infraction est commise qui ne relève pas du code de la route ou des arrêtés du maire, l’OPJ ou l’APJ présent au commissariat demande à l’agent de police municipale de constater l’infraction et de lui amener la personne concernée le cas échéant, ce qui démultiplie les démarches et les délais. Cette situation se retrouve sans cesse dans les rapports de police.

Je suis donc plutôt favorable à une évolution. Il y a quelques années, les agents de police municipale étaient recrutés un peu à la manière des gardes champêtres et leur formation était très brève. Peu à peu, les exigences légitimes de l’État ont conduit à rapprocher leur formation de celle des agents de police nationale. Il serait incohérent et peu efficace que des policiers dont la formation est presque identique jouissent de pouvoirs différents selon leur statut. Je rappelle que certains officiers de police nationale n’ont reçu aucune formation particulière en matière de police judiciaire.

M. Patrick Braouezec. C’est rassurant!

M. Jean-Christophe Lagarde. En tant que maire, je ne vois pas où est le problème, d’autant que l’amendement suppose la conclusion d’une convention. Si le maire ne souhaite pas conclure de convention, le directeur de la police municipale n’aura pas la qualité d’APJ.

Mme Delphine Batho. Cette convention est obligatoire!

M. Jean-Christophe Lagarde. De plus, aux termes de l’amendement tel que je le comprends – le rapporteur pourra confirmer ou non mon interprétation‚–, la convention définit les conditions de la coordination. Par conséquent, le maire est parfaitement libre de conclure une convention et, le cas échéant, d’en fixer la teneur.

Contrairement à ce que vous affirmiez, le pouvoir du maire n’est donc pas remis en cause; ni son autorité ni son rôle dans la ville ne sont entamés. Vous avez raison: les fonctions du maire sont particulièrement importantes, pour la population comme pour ceux qui les exercent. Mais la première de ces fonctions consiste à assumer ses responsabilités. Si, en tant que maire de Drancy, je décide de signer une convention avec l’État, je préciserai les cas où j’accepte une telle responsabilité et ceux où les membres de la police municipale n’exerceront pas les fonctions d’APJ. Tout cela est assez simple à maîtriser; par son amendement, le rapporteur nous apporte souplesse et liberté.

Toutefois, monsieur le rapporteur, vous avez assorti le dispositif d’un garde-fou qui me paraît excessif. J’espère parvenir à vous en convaincre, ainsi que M. le ministre. Par quels garde-fous peut-on légitimement encadrer l’octroi de la fonction d’APJ à un directeur de la police municipale? Tout d’abord, l’exigence d’une formation, d’une connaissance du métier et des règles de la police judiciaire. Cette formation devra être définie par voie réglementaire.

Ici, comme vient de le dire Jacques-Alain Bénisti, le critère retenu est un critère de grade: l’appartenance à la catégorie A. Or ce critère ne sanctionne que la réussite à un concours, et non, de manière absolue, une formation; je me permets de le dire devant le président du centre interdépartemental de gestion de la petite couronne.

Le second critère, qui me paraît tout à fait illégitime, est l’encadrement de quarante agents au moins – puisque ce grade suppose cette condition. Monsieur le rapporteur, comme l’a dit Jacques-Alain Bénisti, ce critère restreint considérablement la portée de votre amendement sans raison valable. Pourquoi le responsable d’une police municipale qui compte trente membres n’aurait-il pas le droit d’être APJ, sous prétexte qu’il n’est pas directeur? Contrairement à M. Le Bouillonnec, je serais alors tenté de recruter vingt-trois policiers municipaux pour lui assurer la qualité d’APJ! Ses compétences, ses qualités professionnelles, son expérience auront-elles alors changé?

L’exigence d’une formation, de la possession d’une expérience et, par le biais de la convention, de l’agrément du préfet me semble largement suffisante. Pourquoi recourir au critère assez technocratique du grade, qui n’a pas de sens et risque d’entraîner une inflation du nombre de policiers municipaux? Seuls l’encadrement de quarante agents et le fait de réussir un concours interne à la fonction publique territoriale ouvrent droit au titre d’APJ. Cela me semble contraire au but recherché. Nous aurions donc intérêt à modifier ces dispositions, afin qu’un responsable de police municipale formé et agréé par le préfet puisse avoir la qualité d’APJ.

Mme la présidente. La parole est à M. Manuel Valls.

M. Manuel Valls. Si je voulais plaisanter, je dirais aux maires: « Attention, messieurs; avec ce que l’on nous prépare, la RGPP va très progressivement absorber nos polices municipales. »

Sérieusement, il eût été bienvenu de mener, comme le suggérait Delphine Batho, et comme l’avait du reste annoncé Mme Alliot-Marie, une véritable réflexion sur cette police. La police municipale connaît en effet une évolution irréversible, accompagnée par divers gouvernements et différentes majorités, et qui s’explique par les raisons que M. Lagarde vient de rappeler: on a voulu ordonner et unifier statuts, uniformes et formations. Des réformes ont permis d’intégrer pleinement cette police aux diverses catégories de la fonction publique territoriale. Tant mieux.

Ainsi, les membres de la police municipale jouissent désormais des droits qu’ouvre l’appartenance à la fonction publique territoriale, côtoient d’autres fonctionnaires, bénéficient d’un très bon niveau de formation et sont proches de leur lieu de travail et de la population, ce qui rend leur métier d’autant plus intéressant.

À Évry, le niveau de délinquance m’a conduit à faire le choix d’une police municipale puissante, afin d’utiliser tous les moyens à ma disposition – ceux de la police nationale, mais aussi ceux de la police municipale. Ce choix n’engage naturellement que moi. Nos policiers municipaux sont plus de quarante, sont installés dans des locaux de très grande qualité, sont armés et jouissent de la confiance de la population. Ils travaillent en collaboration très étroite avec la police nationale, à laquelle ils sont liés par une convention, dans le cadre du contrat local de sécurité et de prévention de la délinquance.

Du reste, ils ne sont pas confrontés aux problèmes que vous évoquiez, monsieur Bénisti. Ainsi, au moment des émeutes de novembre 2005, qui ont frappé ma ville, comme d’autres,…

M. Jacques Alain Bénisti. Par exemple!

M. Manuel Valls. …, la police municipale et la police nationale se sont naturellement réparti les tâches, la première étant chargée sous ma responsabilité de la surveillance passive de certains équipements, la seconde assurant le maintien de l’ordre public et le retour à la paix civile avec les compagnies républicaines de sécurité.

Mais les polices municipales sont de plus en plus amenées à exercer les missions de proximité que le pouvoir retire à la police nationale – retrait que nous regrettons, comme vous le savez. Ainsi, leur statut évolue.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tout à fait.

M. Manuel Valls. Sur ce point, le débat est ouvert. Nous en discutons au sein de ma formation politique, comme vous le faites, j’en suis sûr, dans la vôtre. Faut-il aller vers une déconcentration, voire une décentralisation du service public de sécurité? Faut-il répartir les tâches entre la police municipale et la police nationale? Pour certains, il s’agit du sens de l’histoire, ou au contraire d’un retour en arrière, avant 1940; pour d’autres, il s’agit d’un véritable danger, d’une évolution contraire à l’idée que l’on se fait de la République.

D’autre part, il règne une véritable inégalité entre les villes qui ont fait ce choix et celles qui ne l’ont pas fait, pour des raisons budgétaires ou politiques.

M. Jacques Alain Bénisti. Idéologiques!

M. Patrick Braouezec. Non, politiques!

M. Manuel Valls. Politiques ou financières, ce que je comprends tout à fait. À gauche comme à droite, certains maires considèrent ainsi que c’est à la seule police nationale d’assurer l’ordre public.

L’État est en train de transférer des compétences aux mairies. Et je trouve très juste l’argument de Jean-Yves Le Bouillonnec sur la transformation du rôle du policier municipal et du maire dans leur rapport à la sécurité, avec tous les éléments, positifs ou négatifs, que cela implique.

Soyons très attentifs. Je vous le dis avec d’autant plus de conviction que j’ai fait des choix précis concernant ma ville. Je suis persuadé qu’à Nice, monsieur le rapporteur, vous constatez des évolutions similaires.

Je crains qu’avec moins d’effectifs dans la police nationale, les polices municipales ne voient leur rôle s’accroître. Cela nécessite, me semble-t-il, un temps de réflexion. Or cet article revient à faire un pas supplémentaire mais sans mise en perspective et sans analyse de la cohérence territoriale.

C’est la raison pour laquelle je vous invite à voter l’amendement de suppression. Nous sommes disponibles pour cette réflexion afin d’éviter la fuite en avant qui caractérise vos textes.

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°272 de suppression.

Considérez-vous qu’il a été défendu, madame Batho?

Mme Delphine Batho. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Éric Ciotti, rapporteur . Si vous me le permettez, madame la présidente, je consacrerai quelques minutes à ce sujet essentiel.

Cet article est issu d’un amendement que j’ai déposé en commission. Il constitue une étape à laquelle il ne faut pas accorder plus d’importance qu’elle n’en a, sans pour autant lui en enlever.

Je note avec beaucoup d’intérêt les propositions de Manuel Valls qui, dans ses pistes de réflexion, indique des voies plus audacieuses que celle sur laquelle repose cet article.

La démarche proposée est pragmatique, elle se fonde sur la réalité du terrain. Il ne s’agit pas de mettre les maires sous une sorte de tutelle, monsieur Le Bouillonnec. Il ne s’agit pas non plus de confier aux polices municipales des missions qui relèvent aujourd’hui de la police nationale. Il s’agit d’une expérimentation fondée sur le volontariat. C’est la raison pour laquelle elle sera réservée aux polices municipales d’une certaine importance, et je regrette sur ce point, monsieur Lagarde, de donner un avis défavorable à votre proposition. Il faut procéder étape par étape.

Pourquoi s’agit-il de volontariat? Du fait de la convention de coordination. Si un maire s’oppose à ce que le directeur de la police municipale bénéficie de la qualité d’agent de police judiciaire, il lui suffira de refuser de passer cette convention. Il garde donc un pouvoir souverain d’appréciation. Cela vous évitera de faire démissionner le directeur de votre police municipale, dont les effectifs sont inférieurs à quarante agents, monsieur Le Bouillonnec.

De surcroît, l’attribution de la qualité d’APJ est encadrée. Elle est réservée aux directeurs d’une police municipale comprenant plus de quarante agents et ces directeurs ne peuvent être placés que sous l’autorité d’OPJ de police ou de gendarmerie. Il ne s’agit donc pas d’une police du maire.

En réalité, il importait de combler une lacune. Comment aurions-nous pu ignorer dans une loi d’orientation et de programmation les 23000 agents de police municipale qui concourent aujourd’hui à la sécurité de notre pays? Dans ma ville, qui a la plus grande police municipale de France, ces agents procèdent à 60 % des interpellations, d’après ce que m’a indiqué le procureur Éric de Montgolfier.

Sur la base d’une expérimentation concrète, notre but est d’améliorer la relation entre police nationale et police municipale en vue d’une plus grande efficacité. S’agissant des contrôles routiers, par exemple, nous savons que le rôle de la police municipale pourrait être amélioré. Comme le soulignait Jean-Christophe Lagarde, il y a une certaine hypocrisie: un policier municipal peut relever l’identité d’un motard qui ne porte pas de casque mais ne peut relever celle d’un motard qui vient de faire un braquage et que la police municipale a interpellé.

Nous voulons mettre fin à ces incohérences dans le cadre d’une expérimentation. Peut-être irons-nous plus loin un jour. Il s’agit d’une démarche concrète, qui n’a rien d’idéologique.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il y a de saines idéologies.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Nous restons dans le même cadre et nous l’améliorons, au service de la sécurité.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Après ces intéressantes précisions, assez longues, apportées par les divers orateurs, je me contenterai de quelques points car beaucoup a été dit, et très bien dit.

Premièrement, je considère comme des acteurs essentiels de la sécurité les 18000 agents de police municipale que compte notre pays, auxquels il faut ajouter 2000 gardes champêtres et 3000 agents de surveillance de la Ville de Paris.

Deuxièmement, nous ne modifions pas la répartition des compétences entre les services de sécurité dépendant de l’État et les polices municipales, monsieur Le Bouillonnec.

Troisièmement, la qualité d’agent de police judiciaire est attribuée aux directeurs de police municipale, dès lors que les effectifs dépassent 40 agents, seuil négocié lorsque j’étais ministre délégué aux collectivités territoriales, je m’en souviens fort bien. Est-ce là une révolution qui bouleverse l’équilibre de nos forces de sécurité? Certes pas puisqu’une vingtaine de collectivités seulement est concernée.

Quatrièmement, cette modification permet d’améliorer concrètement la collaboration absolument nécessaire entre les services de l’État et les polices municipales.

Avec ces quatre constats, il me semble avoir fait le tour de la question, même s’il est toujours possible de complexifier le problème.

Manuel Valls, ce qui est très sympathique de sa part, nous invite à la cohérence et à la réflexion. Mais il faudrait d’abord que chacun s’astreigne à cette cohérence. M. Le Bouillonnec a indiqué qu’il était opposé à toute évolution de l’autorité. M. Urvoas, dans son livre – vous allez me dire que c’est ma Bible –, écrit exactement l’inverse: « Il faut une autorité partagée sur l’emploi de la police de sécurité publique entre les élus locaux et les responsabilités étatiques ». S’il y a en effet besoin de réflexion, que cette réflexion soit au moins partagée.

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Ce qu’il faut, monsieur le ministre, c’est une police territorialisée, une police de quartier. C’est ainsi que se pose la question de ce qui relève de la déconcentration de l’État et de ce qui relève de l’échange avec les élus locaux. À cet égard, il existe plusieurs modèles d’organisation à travers le monde. En Grande-Bretagne, par exemple, de manière très intéressante, les élus locaux participent à la direction locale de la police, qui est une police d’État. Le seul endroit au monde où l’on ne réfléchit pas à la question de la police de proximité, de la police communautaire comme on l’appelle en Amérique du Nord, ou de la police de quartier, c’est malheureusement la France.

S’agissant des différents arguments avancés, je dois dire à M. Ciotti que j’ai été assez inquiète en l’écoutant. J’ai l’impression que, de la même façon qu’il a fallu légiférer sur le travail du dimanche à cause de Plan-de-Campagne, il faudrait attribuer le statut d’APJ aux polices municipales à cause de Nice. Attention: Nice n’est pas la France!

M. Daniel Spagnou et Mme Marie-Christine Dalloz. Et Paris n’est pas la France non plus!

Mme Delphine Batho. La situation de la police municipale varie d’une commune à l’autre et bien des communes n’ont pas de police municipale.

En outre, le volontariat est fictif. Le maire n’aura pas le le choix. Il sera en quelque sorte victime d’une double peine: d’un côté, il subira les réductions d’effectifs de la police nationale; de l’autre, il sera confronté à la pression des habitants inquiets. Il aura donc le couteau sous la gorge.

Vous dites, monsieur le ministre, qu’il n’y a pas de dérives de la police municipale, que celle-ci n’aura pas à sous-traiter les prérogatives de la police nationale. C’est faux! L’article 32 ter n’a de sens que par rapport à l’article 32 quater , lequel donne la possibilité aux nouveaux agents de police judiciaire de la police municipale de procéder à des contrôles d’identité. Le commissaire de police n’aura qu’à demander au directeur de la police municipale de placer ses agents à telle heure et à tel endroit pour procéder à des dépistages d’alcoolémie ou encore pour faire des contrôles d’identité, ce qui placera la police municipale dans une relation plus compliquée avec la population.

Voilà autant de raisons de supprimer cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Je dois dire que je partage certaines des interrogations exprimées par M. Le Bouillonnec.

Cela dit, cet article, qui nous engage dans la voie expérimentale, laisse au maire toute liberté de faire ou ne pas faire. Ou il accepte la convention, ou il ne l’accepte pas: il n’a pas d’obligation. S’il accepte le conventionnement de coordination, il peut inscrire dans ce texte ce qu’il souhaite, et pas nécessairement la possibilité d’accorder la qualité d’agent de police judiciaire au directeur de la police municipale.

M. Valls indiquait que la police municipale de sa ville, dont les effectifs sont importants, était armée. Celle de ma ville, lorsque j’étais maire, n’était pas armée car je ne souhaitais pas qu’elle le soit.

Cette disposition laisse au maire toute latitude d’améliorer la sécurité sur le territoire communal, sans compter qu’il existe des conventions de fait. Dans ma ville – où la police municipale n’est pas suffisamment importante pour faire l’objet d’une convention –, il y a ainsi des ententes tacites pour certaines opérations destinées à mieux coordonner les efforts de la police nationale et de la police municipale en matière de sécurité.

Une très grande liberté est donnée aux maires et nous devons considérer cette disposition comme un élément supplémentaire offert à ceux qui ressentiraient le besoin d’y recourir.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jacques Alain Bénisti. On tourne en rond!

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Merci, madame la présidente, de me donner à nouveau la parole. Je sais que tout le monde trouve les débats longs mais c’est toujours dans ces moments-là que l’on fait basculer l’espace législatif. On se souviendra de cet amendement, je suis persuadé que nous en reparlerons, seulement nous serons majoritaires et vous minoritaires. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Alain Bénisti. Il n’est pas encore l’heure de rêver!

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le ministre, vous viendrez dans l’hémicycle en tant que député!

Quand il s’agit d’apporter des modifications capitales au fonctionnement des institutions de proximité et aux rapports entre citoyens et élus, il importe de prendre des précautions. Je reproche à ce dispositif d’émaner d’un amendement, autrement dit d’une sorte d’improvisation, d’une insuffisante articulation par rapport à l’ensemble du projet de loi. Manuel Valls et Jean-Jacques Urvoas ont raison de souligner qu’il faut ouvrir le débat à ce sujet. Et nous y sommes prêts.

Je vous assure, monsieur le ministre, que la police municipale de ma ville, sous mon autorité, coopère de manière exemplaire avec les services de la police nationale, avec les commissaires, avec le procureur et même auparavant avec le chef d’état-major. Ce n’est pas ce qui est en cause.

Quand un problème se pose, il se pose au maire et à lui seul. Le maire n’est pas placé sous l’autorité du procureur de la République, sauf en matière d’état civil. Le préfet a des compétences de nature différente. Et l’on ne peut traiter ce problème sans le replacer dans l’ensemble des enjeux auxquels nous avons à faire face: je partage le sentiment de Manuel Valls.

Dans ma commune, les contrôles se font parce que j’ai acheté du matériel. Et la police nationale vient sur le territoire de ma commune quand elle estime que c’est nécessaire, en utilisant ce matériel avec la police municipale. La police municipale fait de la prévention et la police nationale de la sécurisation, dans un esprit de partage des responsabilités. Mais si le maire considère que l’on n’a pas à faire de tels contrôles, alors c’est à la police nationale de le faire. Ce qui est intéressant, c’est la coordination entre les deux polices, et il n’y a aucune confusion.

En termes de compétences, de savoir-faire par rapport à cet exercice, je ne suis pas certain que la police municipale, même celle de Nice, donne les garanties auxquelles chaque citoyen peut prétendre quant à l’exercice des pouvoirs de police, sous votre autorité, monsieur le ministre, et sous le contrôle du juge.

Vous avez tort d’ouvrir le débat de cette manière. Vous avez tort de considérer qu’un maire aura ou non la liberté de signer une convention. M. Pinte sait très bien que la liberté de signer une convention n’a rien à voir avec la capacité pour un maire de résister à telle ou telle pression de sa population. Le jour où des problèmes ne seront pas réglés, notamment par la police nationale, cela se terminera, comme cela se fait dans toutes nos communes, chez le maire. D’une certaine manière, je vous soupçonne, monsieur le ministre, d’engager cette démarche qui consistera, sans débat, sans référence institutionnelle, à nous placer dans des stratégies d’exercice de pouvoirs régaliens sur le territoire de nos communes. Si vous avez la légitimité de le vouloir, pour ma part je ne le souhaite pas, parce que le mandat de maire est plus important dans son lien avec les citoyens que dans la volonté de suppléer les pouvoirs régaliens de l’État.

Vous avez tort d’ouvrir ce débat au travers d’un article de cette nature.

Mme la présidente. La parole est à M. Manuel Valls.

M. Manuel Valls. Monsieur le ministre, vous avez parlé de cohérence. En la matière, la cohérence doit exister quand on ouvre un débat sur la police municipale.

Deux acteurs sont concernés, la police municipale et le maire. Au fond, monsieur Pinte, il n’y a pas de liberté, car les conventions sont obligatoires, et heureusement.

Actuellement, MM. Bénisti et Ciotti le savent bien, il y a une grande concurrence tout simplement parce qu’il y a moins de policiers municipaux qu’il n’y a de postes à pourvoir. Les jeunes qui sont intéressés par ce métier se tournent plus vers les polices municipales que vers la police nationale, ce qui devrait tous nous inquiéter, et vont là où c’est intéressant. La question de l’armement sera posée un jour. Si on refuse que les polices municipales soient armées, on risque de les voir disparaître à terme, à moins d’accepter d’être en contradiction avec ce qu’est le rôle d’une police municipale.

En ce qui concerne les textes de loi qui ont été présentés par votre prédécesseur, Nicolas Sarkozy, il a été souvent dit que le maire devait être placé au cœur du dispositif. Or je m’aperçois que c’est le contraire qui se produit. Vous êtes en train de redonner à l’État un pouvoir sur le maire en matière de sécurité.

Mme Delphine Batho. Tout à fait!

M. Manuel Valls. Or ce choix est extrêmement dangereux. Pour ma part, je défends la décentralisation du service public de la sécurité et je suis convaincu que vous aurez ce débat au Sénat, de la même manière que je suis convaincu que le juge constitutionnel se penchera sur la question.

Le sujet mérite qu’on s’y attarde car il risque de modifier progressivement les rapports entre la police municipale et la police nationale et nos concitoyens.

(L’amendement n°272 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n°254.

M. Jean-Christophe Lagarde. Le rapporteur m’a déçu par avance en m’expliquant qu’il serait défavorable à cet amendement.

Quant à vous, monsieur le ministre, j’aurais aimé vous convaincre, mais vous ne le souhaitez pas.

Vous nous avez indiqué que le dispositif concernera vingt polices municipales et qu’il s’agira d’une expérience. La LOPSI 1 a été votée en 2003, la LOPPSI 2 le sera en 2010. Si la LOPPSI 3 n’intervient qu’en 2017, cela veut dire que seules vingt polices seront concernées en France pendant cette période et que la plupart des 18000 agents de police dont vous parliez tout à l’heure en seront privés, ce qui est injuste.

Il faudrait donc que les polices municipales passent à quarante agents. Or une commune comme la mienne, qui n’a pas la chance de la ville d’Évry, n’en a pas les moyens financiers, à moins d’intercommunaliser les polices municipales, ce qui me paraît compliqué. Il y a donc là une forme de discrimination que je ne comprends pas. En réalité, c’est la qualité du travail réalisé avec les services de police, perceptible par le préfet lors de la signature de la convention, qui devrait être la seule règle.

Monsieur le ministre, si je conçois l’ouverture qui a été faite en direction du rapporteur et des vingt villes en question, je souhaiterais que vous nous disiez que cette expérience ne durera pas sept ans et que, si elle est concluante au bout d’un an ou deux, on pourra rouvrir le débat, ce qui serait pour moi une grande satisfaction.

Depuis 2002, j’essaie d’expliquer que les décentralisateurs que sont les centristes souhaitent que la police urbaine puisse être décentralisée. À cet égard, je suis ravi d’entendre M. Valls nous dire que le parti socialiste évolue sur cette question, car tel n’est pas le sentiment que j’avais eu ces dernières années. Cela prouve que les bonnes idées, quand elles sont répétées régulièrement, finissent par faire leur chemin.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Éric Ciotti, rapporteur . Avis défavorable. Je suis persuadé qu’il ne faudra pas attendre la LOPPSI 3 pour avancer en la matière!

M. Manuel Valls. Ce qui n’évolue pas, ce sont les relations entre l’UMP et le Nouveau centre!

M. Jean-Christophe Lagarde. Si!

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Je ferai la démonstration contraire en disant à M. Lagarde que rendez-vous est pris avant la LOPPSI 3!

(L’amendement n°254 n’est pas adopté.) (L’article 32 ter est adopté.)

Article 32 quater

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°273.

La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. L’article 32 quater prévoit la possibilité pour les policiers municipaux de procéder à des contrôles d’identité qui relèvent de l’article 78-2 du code de procédure pénale.

Nous avons déjà exprimé notre désaccord sur ce processus et la dynamique qu’il sous-tend, si l’on en croit l’échange qui vient d’avoir lieu entre M. le ministre et M. Lagarde.

De surcroît, cet article n’est pas constitutionnel au regard des dispositions de l’article 72-2 de la Constitution, qui précise: « Tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. »

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Éric Ciotti, rapporteur . Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Même avis.

(L’amendement n°273 n’est pas adopté.) (L’article 32 quater est adopté.)

Article 32 quinquies

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°274.

La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Avec cet article, c’est encore une prérogative de l’État qui serait sous-traitée aux polices municipales. Cette fois, il s’agit d’accroître leurs compétences en matière de contrôle d’alcoolémie.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Éric Ciotti, rapporteur . Avis défavorable. La mesure prévue à l’article 32 quinquies est de bon sens et très concrète.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Même avis.

(L’amendement n°274 n’est pas adopté.) (L’article 32 quinquies est adopté.)

Article 32 sexies

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Notre groupe votera les articles 32 sexies et 32 septies car ils prévoient des mesures nécessaires et qui constituent des éléments de mobilité pour les agents de police municipale.

(L’article 32 sexies est adopté.)

Article 32 septies

(L’article 32 septies est adopté.)

Article 33

Mme la présidente. À l’article 33, je suis d’abord saisie d’un amendement n°126.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Éric Ciotti, rapporteur . Il s’agit d’un amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Avis favorable.

(L’amendement n°126 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n°125.

M. Éric Ciotti, rapporteur . Il s’agit, là encore, d’un amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Avis favorable.

(L’amendement n°125 est adopté.) (L’article 33, amendé, est adopté.)

Article 34

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, inscrite sur l’article.

Mme Sandrine Mazetier. Madame la présidente, si vous le permettez, j’en profiterai pour défendre l’amendement n°275, qui vise à supprimer l’article 34.

Mme la présidente. Je vous en prie, madame Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Mon amendement a pour but d’éviter un gaspillage d’argent public. Or c’est précisément ce qui est censé motiver l’article 34 qui, discrètement, propose de généraliser ce qui avait un caractère expérimental, à savoir la sous-traitance au secteur privé des missions de transport des personnes retenues en centre de rétention administrative, au motif que cela permettrait de faire des économies au contribuable français.

En réalité, rien, ni dans l’exposé des motifs ni dans le rapport du rapporteur, qui d’habitude est pourtant précis,...

M. Éric Ciotti, rapporteur . Merci, madame Mazetier!

Mme Sandrine Mazetier. ...ne vient démontrer qu’une telle mesure permettrait de réaliser une quelconque économie. Il y a bien d’autres gisements d’économies à faire, par exemple en employant les forces de police à des missions qui sont leur cœur de métier plutôt qu’en sous-traitant au secteur privé le transfèrement des personnes retenues en centre de rétention administrative vers le juge administratif.

Monsieur le ministre, nous abordons là la sous-estimation récurrente du coût de la lutte optique contre l’immigration clandestine. Lors du dernier débat budgétaire, votre successeur au ministère de l’immigration nous a indiqué que le coût de la lutte contre l’immigration clandestine s’élevait à 100 millions d’euros. Nos collègues sénateurs, qui sont très perspicaces, avaient pour leur part, dans un rapport de la commission des finances, estimé ce montant à 500 millions d’euros, alors que les résultats se dégradent d’année en année.

En 2002, le taux effectif d’exécution des mesures d’éloignement atteignait 62 %, c’est-à-dire que les personnes placées en centre de rétention administrative en raison de leur situation irrégulière étaient plus de six fois sur dix réellement éloignés du territoire français. En 2008, alors que le coût de cette soi-disant politique de lutte contre l’immigration clandestine a explosé, que le programme immobilier de construction des centres de rétention administrative ne cesse de se déployer et de coûter plus cher, que les escortes visées à l’article 34 sont de plus en plus mobilisées, le taux d’exécution des mesures d’éloignement a été inférieur à 20 %: moins de deux personnes sur dix ont été effectivement éloignées du territoire français. On dépense la modique somme d’un demi-milliard d’euros chaque année pour aboutir à une telle performance. Vous avouerez, monsieur le ministre, que c’est très onéreux.

Pour essayer d’économiser, on va nous expliquer qu’il est urgent de réduire le temps passé par les policiers et par la PAF dans les escortes. Mais arrêtez d’abord de mettre en centre de rétention des personnes qui n’ont rien à y faire – une fois sur trois, le juge libère celles que vous lui avez déférées – et le dispositif coûtera moins cher.

M. Jacques Alain Bénisti. Ce n’est pas le débat!

Mme Sandrine Mazetier. Arrêtez d’avoir ce réflexe pavlovien consistant à faire dépenser aux Français beaucoup d’argent pour disperser quelques dizaines de personnes aux quatre coins de la France, avec force billets d’avion – je pense, par exemple, aux boat people qui se sont échoués en Corse. Il faut que la totalité de ces personnes soient jugées en tant que demandeurs d’une protection internationale que la France leur doit au titre des conventions internationales qu’elle a signées.

Des gisements d’économies dans ce domaine, il y en a donc vraiment beaucoup. Plutôt que de sous-traiter au privé des missions qui relèvent des compétences régaliennes de l’État, revoyez votre politique, cessez votre communication actuelle sur le sujet: nous ferons ainsi économiser beaucoup d’argent à nos concitoyens.

Mme la présidente. L’amendement de suppression n°275 a ainsi été défendu.

L’amendement n° 98 tend également à supprimer l’article 34.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le ministre, au-delà des arguments développés par Mme Mazetier sur la question du coût, qui montrent que vous appliquez la RGPP aux forces de sécurité de notre pays, nous considérons que la privation de liberté relève d’une compétence régalienne que l’État doit assumer de bout en bout, pas seulement au niveau de la décision mais aussi au niveau de son application. L’État ne saurait donc confier tout ou partie de ses attributions en ce domaine à des sociétés privées. Sinon, pour nous, ce serait la porte ouverte à des dérives qui pourraient se révéler dramatiques, gravissimes. L’État doit assurer seul les charges résultant de sa politique répressive en matière de rétention et d’expulsion. Vous savez que cette politique est considérée aujourd’hui comme contre-productive, injuste et bien souvent inhumaine. Aussi, que des prestataires privés puissent durablement tirer profit des transferts en centre de rétention ou des obligations de quitter le territoire, ce serait allier l’immoralité à une politique que nous condamnons.

Nous sommes donc opposés à la pérennisation de l’expérimentation qui a confié ces tâches de transfert à des prestataires privés, d’autant que l’expérimentation en question n’a fait l’objet d’aucune évaluation, d’aucun bilan et même d’aucune étude – j’y reviendrai dans un autre amendement si vous n’acceptez pas celui-ci. Il y aurait quelque légèreté de la part de la représentation nationale à valider la pérennisation d’un dispositif dans de telles conditions.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements identiques n os 275 et 98?

M. Éric Ciotti, rapporteur . Très défavorable, bien sûr, puisque l’article 34 a pour objectif de contribuer à lutter contre les charges indues que supportent aujourd’hui les forces de police et de gendarmerie, pour recentrer celles-ci vers leur cœur de métier.

M. Patrick Braouezec. Ces charges ne sont pas indues puisqu’elles sont dues! Il faut se donner les moyens de sa politique!

Mme Sandrine Mazetier. Elles sont dues à hauteur de 500 millions d’euros!

M. Éric Ciotti, rapporteur . Je rappelle qu’il s’agit de pérenniser un dispositif expérimental créé par la loi « Immigration » de 2003 et appliqué à partir de la loi du 24 juillet 2006. L’expérimentation se déroule actuellement à Palaiseau et à la ZAPI de Roissy. Elle est encadrée par une décision du Conseil constitutionnel, qui précise que ce dispositif ne pourra pas aller au-delà de ce qui a été délégué: en matière de transfèrement, seuls la voiture et le chauffeur peuvent être délégués au privé, et en aucun cas l’escorte elle-même, qui reste assurée par les policiers ou les gendarmes. Il n’y a donc aucun risque. Tel est l’économie générale de ce dispositif.

M. Patrick Braouezec. Une expérience doit être évaluée, monsieur le rapporteur!

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Les deux amendements de suppression s’appuient sur le motif suivant: cet article serait le moyen pour l’État de se délester d’une compétence régalienne. Mais comme vient de le rappeler à juste titre le rapporteur, le Conseil constitutionnel a dit exactement l’inverse dans sa décision du 20 novembre 2006, estimant que le nouveau dispositif était totalement conforme à la Constitution parce que la mission déléguée au secteur privé ne portait que sur la conduite et sur les mesures de sécurité. Il a souligné que la surveillance des personnes retenues ou maintenues au cours du transport demeurait assurée par l’État.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On connaît les péripéties de ce dispositif, qui a eu besoin de trois lois pour être mis en œuvre – parce qu’on avait oublié un décret – et que le Conseil constitutionnel a en effet considéré comme n’entamant pas les responsabilités de souveraineté de l’État. Mais après seulement deux expérimentations, mes chers collègues, sommes-nous en mesure d’affirmer que les modalités de ces délégations sont conformes aux dispositions de la loi et à l’interprétation restrictive du Conseil constitutionnel? Non! Bien évidemment, quand on inscrit « expérimentation » dans une loi, c’est parce que l’on a l’intention de pérenniser le nouveau dispositif trois ans après. Mais ce type de méthode n’est pas acceptable…

Mme Sandrine Mazetier. En effet!

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …parce qu’elle empêche le législateur d’appréhender la réalité du dispositif, d’en mesurer la conformité avec la décision rendue par le Conseil constitutionnel en réponse à ceux qui l’avaient saisi – j’en étais.

Il aurait été pertinent, monsieur le rapporteur, non seulement de nous rappeler dans le rapport qu’il y avait deux expériences en cours, mais aussi de nous préciser dans quelles conditions elles se déroulaient. S’agit-il seulement de la mise à disposition d’un véhicule et d’un conducteur? Qui assure la sécurité des transferts? Qui exerce la surveillance? Quels incidents sont survenus? Il aurait fallu que vous vous assuriez que ceux qui transportent ne remplissent aucune obligation contraire aux prescriptions du Conseil constitutionnel.

Dès lors, je critique moi aussi la méthode qui consiste à nous demander de mettre fin à l’expérimentation pour entrer définitivement dans l’application alors que nous ne savons pas les conditions dans lesquelles a déjà été mis en œuvre ce dispositif législativement très laborieux.

En outre, personne ne peut plus croire, monsieur le ministre, que vous n’allez pas étendre ce chantier au transfert des détenus.

Mme Sandrine Mazetier. Bien sûr!

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il faut baisser le masque. Cela fait des années que, faute d’une décision de l’État pour signifier qui a compétence en ce domaine, services de la pénitentiaire et services de la police ou de la gendarmerie se renvoient la balle. On aboutit à des situations ubuesques. Ainsi, certains commissariats de police de la première couronne ont l’obligation d’accompagner les détenus dans les hôpitaux, ce qui grève les effectifs. Je le répète: personne ne peut douter que l’idée du Gouvernement est d’aboutir à ce que cette expérimentation pérennisée soit appliquée au transfert des détenus. C’est d’autant plus inacceptable que les personnels qui accompagnent les personnes dans les centres de rétention s’inscrivent déjà dans un processus de surveillance, raison pour laquelle j’aurais souhaité une évaluation; mais le problème de la surveillance se posera avec encore plus d’acuité quand il s’agira du transfert des détenus.

Je me résume: premièrement, aucune évaluation n’a été transmise à l’Assemblée; deuxièmement, nous n’avons aucune certitude quant aux conditions dans lesquelles le dispositif sera mis en œuvre, une fois étendu hors de l’expérimentation; troisièmement, nous voulons avoir l’assurance, monsieur le ministre, que vous n’envisagez pas, en vous faufilant à travers la formulation du Conseil constitutionnel, d’étendre ce système au transfert des détenus.

Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Je ne suis pas défavorable à la possibilité de faire appel au secteur privé en ce qui concerne le transport des retenus. Mais ce qui me gêne dans cette affaire, monsieur le ministre, c’est que le Gouvernement s’était engagé à présenter au Parlement un rapport, ce qu’il n’a jamais fait. Il s’agissait tout de même d’un engagement législatif. C’est la raison pour laquelle je souhaite que l’expérimentation continue jusqu’à ce que le Gouvernement nous rende un rapport comportant une évaluation et une analyse des résultats obtenus. La moindre des choses, c’est que le Parlement puisse tirer bénéfice de cette évaluation que le Gouvernement lui avait promise.

M. Patrick Braouezec. Ce sera l’objet de mon prochain amendement, mon cher collègue. Il faudra alors le voter!

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Tout d’abord, je note avec intérêt que, pour la première fois dans ce débat, nos collègues socialistes nous proposent une piste pour faire des économies. C’est suffisamment peu courant pour le souligner.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. À cette heure-ci, c’est vous qui devriez vous économiser, ma chère collègue!

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Mme Dalloz a parlé moins longtemps que vous, monsieur Le Bouillonnec!

Mme Marie-Christine Dalloz. Deuxièmement, je tiens à souligner une incohérence dans leur argumentation. Depuis le début, ils dénoncent une réduction des moyens attribués aux personnels de la sécurité publique, du fait entre autres de la RGPP. Mais je note que lorsque nous voulons recentrer nos agents sur des missions relevant exclusivement de la sécurité – c’est tout le mérite de l’article 34 – en confiant le transport des personnes justement retenues en zone de rétention administrative ou maintenues en zone d’attente à des organismes ou à des sociétés privées, ils crient au loup en dénonçant une incohérence notoire. Je conçois fort bien qu’ils n’aient pas voté l’expérimentation. Mais elle a eu lieu. Elle a duré deux ans. Vous le savez comme moi, mes chers collègues socialistes, en matière de politiques publiques, on n’attend pas dix ans pour tirer les conséquences d’une expérimentation.

M. Patrick Braouezec. Mais où est l’évaluation, madame Dalloz?

Mme Marie-Christine Dalloz. Ces deux ans d’expérimentation ont permis de constater que le dispositif avait une efficacité certaine. Dès lors, je crois qu’il est de bon aloi de voter l’article 34.

M. Éric Ciotti, rapporteur . Très bien!

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Je répondrai à Marie-Christine Dalloz que nous proposons souvent des pistes pour faire des économies et pour utiliser efficacement l’argent public.

M. Jacques Alain Bénisti. Quand?

M. Philippe Goujon. Ça se saurait!

Mme Sandrine Mazetier. En l’occurrence, la représentation nationale n’a pas de réponse à la question suivante: l’utilisation d’un chauffeur de véhicule privé, accompagné de l’escorte habituelle de policiers de la PAF, permettra-t-elle de réelles économies? La majorité n’est pas plus éclairée que nous sur ce point.

Qui va passer les appels d’offres? Si cette possibilité est généralisée à tous les transfèrements de tous les centres de rétention administrative, le marché se situera très largement au-dessus du seuil des appels d’offres européens. Cette lourde procédure représente une paperasse invraisemblable; elle prend un temps fou; elle coûte de l’argent en administration. Pour quelles économies? On n’en a pas la moindre idée, figurez-vous!

Dans le rapport, on trouve seulement une phrase – amusante autant que surprenante de la part du rapporteur qui, en général, est assez précis – à la page278: « Cette expérimentation a donné des résultats satisfaisants. » Ah bon? Lesquels? Où sont-ils? Qui les a jugés satisfaisants? En quoi le sont-ils?

Encore une fois, la loi qui a autorisé l’expérimentation lui assignait précisément pour seul objet de mesurer les éventuelles économies réalisées, tout en observant si les missions régaliennes de l’État restaient assurées malgré cette sous-traitance, et d’en conclure si la généralisation serait utile ou au contraire coûteuse.

C’est tout ce que nous disons. Merci d’écouter nos arguments.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je vous écoute, bien sûr!

(Les amendements identiques n os  98 et275 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, n os 277 et104, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour défendre l’amendement n°277.

Mme Sandrine Mazetier. Cet amendement revient également à supprimer les effets de l’article 34, et je ne vais pas reprendre tous les arguments que je viens d’exposer.

La loi qui a autorisé, à titre expérimental, la sous-traitance à des sociétés privées du transport des personnes retenues en CRA ou maintenues en ZAPI, conditionnait sa généralisation par la remise d’un rapport dressant le bilan de l’expérimentation dans les deux ans suivant sa promulgation.

Pour des tas de raisons, cela n’a pas été fait, alors que le délai deux ans est très largement dépassé. Aucun rapport d’évaluation n’ayant été présenté au Parlement, il convient de mettre fin à l’expérimentation.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour défendre l’amendement n°104.

M. Patrick Braouezec. Afin de satisfaire la juste revendication d’Étienne Pinte, je pense que nous devons disposer d’une évaluation de cette expérimentation avant de la pérenniser ou de la généraliser. Nous proposons par conséquent que le Gouvernement remette un rapport au Parlement, avant le 31 décembre 2011, afin de nous permettre de juger de l’utilité de cette expérience. Nous pourrons alors la pérenniser ou la généraliser en connaissance de cause.

(L’amendement n°277, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) (L’amendement n°104, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°276.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Avant de défendre cet amendement, j’aimerais poser une question. Tous les jours et toutes les nuits, des personnes interpellées sont amenées aux urgences, où les gendarmes et les policiers passent des heures et des heures à attendre, ce qui coûte très cher. Pourquoi ne pas lancer des appels d’offres et sous-traiter ces examens médicaux à des cliniques privées? Cela s’inscrirait dans votre logique et on gagnerait de nombreuses heures d’équivalents temps plein…

Avec cet exemple, je voudrais montrer le caractère absurde de ce type de démarche, et la possibilité de réfléchir autrement à des économies. En tout cas, les policiers nous parlent beaucoup de ces heures passées aux urgences. Alors, soyez créatif, monsieur le rapporteur!

M. Éric Ciotti, rapporteur. C’est pour la LOPPSI 3! (Sourires.)

Mme Sandrine Mazetier. L’amendement n°276 propose non pas de supprimer l’article 34 mais de subordonner la fin de l’expérimentation et sa généralisation au respect de la loi, tout simplement, c’est‑à‑dire à la remise du rapport prévu spécifiquement par la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration.

(L’amendement n°276, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) (L’article 34 est adopté.)

Après l’article 34

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°278, portant article additionnel après l’article 34.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Délit de solidarité, le retour!

Comme l’article 34 traite du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, nous nous sommes penchés sur ce code. Quelques mois après l’examen de notre proposition de loi, nous avons constaté que rien n’avait avancé en matière de délit de solidarité.

Aux quelques valeureuses personnes présentes dans les tribunes à cette heure avancée, un jeudi soir, je rappelle que le délit de solidarité frappe souvent des personnes comme elles ou comme des bénévoles d’associations humanitaires qui viennent en aide à des étrangers en situation irrégulière. Ne sachant pas s’il s’agit de mineurs ou de majeurs et les voyant dormir à même le sol sous la pluie et dans le froid, elles décident de leur porter assistance ou de les emmener aux urgences d’un hôpital. Dès lors, ces personnes sont passibles de peines impressionnantes, et ce n’est pas simplement virtuel.

Au motif qu’elles viennent en aide pour des raisons purement humanitaires à des étrangers en situation irrégulière dont l’intégrité physique et la dignité sont en danger, ces personnes sont parfois placées en garde à vue et poursuivies, y compris quand elles vivent avec les étrangers secourus, et alors même que le CESEDA prévoit l’exclusion de poursuites quand l’assistance concerne des membres de la famille.

Dans cet article additionnel après l’article 34, nous proposons de faire enfin la différence entre des réseaux de trafiquants localisés hors de France et qui gagnent probablement beaucoup d’argent sur la misère humaine, et des bénévoles…

M. Franck Gilard. Le résultat est le même!

M. Patrick Braouezec. C’est scandaleux de dire cela!

M. Manuel Valls. Provocateur!

Mme Sandrine Mazetier. …ou des compagnons d’Emmaüs. D’ailleurs, Martin Hirsch a déclaré récemment sur un plateau de télévision qu’il avait obtenu des engagements très précis à ce sujet de la part de membres du Gouvernement.

M. Patrick Braouezec. C’est incroyable, monsieur Gilard, de tenir de tels propos!

M. Franck Gilard. Mais non, c’est la vérité!

Mme la présidente. Merci de laisser Mme Mazetier s’exprimer.

Mme Sandrine Mazetier. Plutôt que de le réserver aux amis – estimables d’ailleurs – de Martin Hirsch et aux associations qu’il a présidées dans le passé, donnons le bénéfice de ces engagements à tous nos concitoyens qui, mus par un esprit de solidarité, sont venus en aide à quelqu’un qui crève de faim et de froid par le temps qu’il fait.

C’est pourquoi nous vous proposons d’adopter cet article additionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Éric Ciotti, rapporteur . Avis défavorable. Notre assemblée s’est prononcée négativement le 5 mai dernier sur la proposition de loi relative au délit de solidarité présentée par M. Goldberg et le groupe socialiste.

M. Philippe Goujon. Évidemment!

M. Éric Ciotti, rapporteur. Nous n’allons pas rouvrir le débat.

Mme Sandrine Mazetier. Vous n’étiez pas là, monsieur le rapporteur. Nous pensions que vous étiez d’accord avec nous!

M. Éric Ciotti, rapporteur. Tout a été dit à l’époque; l’Assemblée a rejeté la proposition de loi et je pense inutile d’y revenir.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Même avis que le rapporteur, pour les mêmes raisons.

Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Lors du débat que nous avons eu l’année dernière à ce sujet, j’avais bien précisé qu’en matière pénale, le délit de solidarité n’existait pas.

Il est vrai que les services de police et la justice disposent de moyens et d’outils comme la garde à vue dont on reparlera lors de l’examen du projet de loi que nous soumettra la garde des sceaux sur les conditions d’exercice des juridictions pénales dans ce pays.

Il est vrai qu’il y a eu des gardes à vue abusives et même des mises en examen qui ont pu l’être aussi.

Cependant, il faut reconnaître qu’il n’y a jamais eu de condamnation au titre de ce qu’on appelle le « délit de solidarité », comme le ministre l’avait indiqué. Il faut que les choses soient claires.

Mme Sandrine Mazetier. Ce n’est pas vrai, il y a eu des condamnations!

M. Étienne Pinte. À la tribune de cet hémicycle, j’avais même demandé: qui d’entre nous peut dire qu’il n’a pas aidé, sous une forme ou une autre, un étranger immigré en situation irrégulière? Qui n’a pas, à un moment ou un autre, été amené à fournir un accompagnement humain dans de tels cas?

Il y a quinze jours, j’étais à Calais pour voir comment les choses avaient évolué. Sur le plan humain, elles avaient plutôt bien évolué, ce qui ne veut pas dire que la question soit réglée, loin de là malheureusement! La fermeture du camp de Sangatte et la fin de la « jungle » de Calais n’ont pas résolu le problème des réfugiés.

On l’a dit et répété: sur le plan pénal, le délit n’existe pas. Interrogées sur des mises en garde à vue parfois abusives, les forces de police expliquent qu’il s’agit de faire pression sur les personnes venant en aide aux migrants pour leur éviter de franchir la ligne rouge.

Au moment de l’examen du projet de loi sur la condition pénitentiaire, il faudra, me semble-t-il, revoir de fond en comble le régime de la garde à vue, en particulier pour toutes ces personnes qui ont été poursuivies souvent indûment, alors qu’une simple convocation au commissariat de police aurait permis de régler de façon pacifique ce type de problème.

(L’amendement n°278 n’est pas adopté.)

Article 35

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°279.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le code de procédure pénal prévoit déjà la possibilité d’affecter un bien placé sous scellés, après jugement définitif et exécutoire. L’article 35 autorise cette affectation avant le jugement, lorsque le bien n’est plus susceptible de servir à la manifestation de la vérité.

Certaines dispositions permettent cependant de se souvenir de l’existence de la présomption d’innocence: des processus de réparation et d’indemnisation sont prévus dans le cas où la juridiction viendrait à écarter toute condamnation par défaut de constitution du délit ou du crime.

Si cet article nous pose un problème, ce n’est pas tant quand l’affectation d’un bien sous scellés est décidée par un juge d’instruction que lorsqu’elle intervient dans le cadre des enquêtes préliminaires – une possibilité ouverte par les alinéas 6 et 7.

Dans ce cas, le dispositif est poussé extrêmement loin. D’une part, une enquête préliminaire ne suffit pas à déterminer la nécessité de la poursuite et à enclencher le processus d’une éventuelle condamnation. Cette affectation reviendrait donc à en préjuger à l’excès, au simple stade de l’enquête préliminaire.

D’autre part, nous risquons de rencontrer d’énormes difficultés: il y a plus d’enquêtes préliminaires qui cessent que d’ordonnances de renvoi qui se terminent par des relaxes. Nous pensons donc qu’il faut être précautionneux, et nous vous proposons de supprimer les alinéas 6 et 7 afin que le dispositif d’affectation ne s’applique pas dans le cadre des enquêtes préliminaires.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Éric Ciotti, rapporteur . Défavorable. Nous estimons au contraire qu’il est utile et logique d’ouvrir aux enquêtes préliminaires le dispositif déjà existant pour les procédures de vente: les deux procédures doivent avoir le même champ d’application.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. L’objectif de l’article 35 est d’offrir des moyens supplémentaires aux services enquêteurs – véhicules et ordinateurs, par exemple –, tout en préservant, le cas échéant, les intérêts du propriétaire, lequel récupérera son bien en valeur ou au moyen d’une somme d’argent si la juridiction ne prononce pas de peine de confiscation.

Si l’amendement vise à distinguer entre enquête de flagrance et enquête préliminaire, il n’est pas justifié: avis défavorable.

(L’amendement n°279 n’est pas adopté.) (L’article 35 est adopté.)

Article 35 bis

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°280, tendant à la suppression de l’article 35 bis .

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Selon le dispositif prévu, le préfet pourra demander au procureur de la République la mise en vente d’un bien saisi sous une forme qui s’apparente à l’injonction, la réponse du procureur ou du juge d’instruction étant soumise à un délai, très bref, de huit jours.

Cette disposition n’est guère acceptable dans la forme. Le service du domaine peut il est vrai solliciter la confiscation, par réquisition du procureur, de certains biens; mais une telle procédure intervient au stade du jugement, ce qui n’est pas le cas en l’occurrence. En outre, les préfets n’ont pas la compétence que vous suggérez s’agissant des domaines. Une telle mesure nous semble donc très critiquable.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Éric Ciotti, rapporteur . Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. L’article 35  bis permet à l’autorité administrative de demander au magistrat chargé de l’enquête de procéder à la vente des biens qui ne sont plus nécessaires à cette dernière. Comme vous le savez, les objets placés sous main de justice coûtent de l’argent à l’État, donc au contribuable. Bref, il faut diminuer le champ de ce régime autant que faire se peut.

Afin d’empêcher les délinquants de profiter de biens par définition mal acquis ou de les revendre pendant l’enquête, l’autorité administrative doit soutenir l’autorité judiciaire. Les droits des personnes poursuivies seront préservés: le produit de la vente sera consigné ou versé sur un fonds de concours; en cas de classement, de non-lieu, de relaxe, d’acquittement ou lorsque la peine de confiscation n’est pas prononcée – ce qui peut arriver –, le produit sera restitué au propriétaire s’il en fait la demande.

Cette mesure est donc équilibrée, utile et visible pour l’opinion publique; c’est pourquoi je suis totalement défavorable à l’amendement de suppression. Cela dit, je me félicite de ce débat qui marque clairement nos différences: nous, nous voulons confisquer les biens mal acquis.

Mme Sandrine Mazetier. Pas ceux d’Omar Bongo et de Sassou Nguesso!

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Omar Bongo est mort: laissez-le en paix!

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’heure tardive ne se prête guère aux numéros et aux postures. La confiscation et la vente des biens d’un coupable placés sous main de justice, personne n’est contre!

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Si! Vous venez de le dire!

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Non, monsieur le ministre. On peut pousser la dialectique jusque très tard dans la nuit, mais cela n’a aucun intérêt. Nous sommes plusieurs à avoir quelque expérience de la chose judiciaire: nous savons que des relaxes sont prononcées tous les jours. Or, si une personne relaxée réclame des dommages et intérêts pour la saisie et la vente de ses biens suite à une injonction du préfet, cela risque aussi de coûter cher! Vous vous placez bien sûr dans l’hypothèse d’une condamnation; en ce cas, en effet, la procédure n’est guère gênante. Sauf que le préfet ne dispose d’aucun élément susceptible de lui faire apprécier le bien-fondé de l’imputation, donc l’issue probable du procès.

Le point critiquable est donc le rôle confié au préfet. Si ce rôle était dévolu au procureur ou à toute autre autorité judiciaire capable, par son accès au dossier, de décider en connaissance de cause, on pourrait dire: passe encore. Mais, je le répète, ce n’est pas le cas du préfet.

En réalité, vous essayez de régler des problèmes d’intendance: les stocks s’accumulent, et il se passe parfois des choses avec les scellés. Il faut y remédier, mais cela ne justifie en rien une mesure qui n’est pas indifférente au regard de la présomption d’innocence.

Bref, nous ne vous demandons pas de restituer son véhicule à une personne qui s’est rendue coupable de faits graves, mais la situation est parfois bien différente. Ce qui nous choque, c’est l’initiative confiée au préfet, lequel ne connaît le dossier que par l’intermédiaire de la police: il n’a donc aucun moyen de juger s’il est probable ou non que les biens seront confisqués. Je ne veux pas que M. le ministre laisse entendre que nous nous opposons à la confiscation et à la vente des biens au profit de l’État et des victimes.

M. Jacques Alain Bénisti. C’est pourtant le cas!

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n’est pas ce que nous disons.

M. Manuel Valls. Très bien!

Mme la présidente. Merci, monsieur Le Bouillonnec. Les choses sont dites.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il ne faudrait pas qu’au lendemain de la relaxe, l’État français ait à débourser beaucoup plus que par les obligations de conservation du bien jusqu’à l’énoncé du jugement.

(L’amendement n°280 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 64, qui est, monsieur le rapporteur, de clarification.

M. Éric Ciotti, rapporteur . Oui, madame la présidente.

(L’amendement n° 64, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 35 bis, amendé, est adopté.)

Article 36 A

Mme la présidente. Sur l’article 36 A, la parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Je veux faire trois remarques au sujet de la visioconférence.

En premier lieu, le Gouvernement est clairement favorable à l’orientation proposée par l’article de la commission: il est en effet essentiel que policiers et gendarmes se concentrent sur leurs missions opérationnelles; c’est d’ailleurs ce que j’ai entendu sur tous les bancs depuis le début de nos débats. Les travaux menés dans le cadre de la révision générale des politiques publiques – lesquels, sur ce point précis, intéressent autant le ministère de l’intérieur que celui de la justice – soulignent, depuis deux ans, la nécessité d’efforts importants pour limiter les transfèrements par le développement de la visioconférence.

Les premiers objectifs liés, notamment, au déploiement du matériel de visioconférence dans les juridictions et les établissements pénitentiaires ont été globalement atteints; cependant les marges de progression restent importantes. Le processus, désormais bien entamé, se poursuivra donc, conformément au souhait de votre commission des lois.

Deuxième remarque: dans sa rédaction actuelle, l’article est à l’origine de plusieurs difficultés techniques et juridiques. Le principe, même soumis au contrôle du juge, de l’absence physique du mis en examen dans les actes de procédure peut incontestablement soulever de nombreuses interrogations.

Troisième remarque: je remercie M. Ciotti d’avoir introduit cette disposition, mais il est essentiel que la navette en améliore la rédaction et la sécurise davantage, tout en encourageant l’évolution actuelle quant à l’usage de la visioconférence.

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements à l’article.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n°229.

M. Éric Ciotti, rapporteur . Il est rédactionnel.

M. Patrick Braouezec. Et même grammatical!

(L’amendement n°229, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°283.

La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Nous sommes également favorables, monsieur le ministre, au développement de la visioconférence; la systématiser peut toutefois poser problème: elle ne peut constituer la seule réponse aux tâches dites « indues » pour les personnels de police et de gendarmerie. Face à ce problème récurrent, des engagements avaient été pris dans la LOPSI en 2002; des propositions devaient être soumises au Parlement dans un délai de six mois, l’idée étant de confier les transfèrements à l’administration pénitentiaire. M. Perben rappelle souvent l’urgence de cette réflexion en commission des lois.

Avec cet amendement, nous revenons à l’engagement pris en 2002 et demandons au Gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai de trois mois suivant la promulgation de la loi, des éléments d’information et une étude d’impact sur la prise en charge par l’administration pénitentiaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Éric Ciotti, rapporteur . Je veux dire quelques mots sur le sujet, en remerciant M. le ministre pour le soutien global qu’il a apporté à l’article.

L’affaire est en effet d’importance. Chaque année, 1100 gendarmes et 2400 policiers sont exclusivement mobilisés sur des missions d’extraction, de transfèrement et de garde hospitalière. Il faut apporter des réponses à cette situation, et je me réjouis que l’idée fasse consensus sur nos bancs.

De multiples rapports ont été rédigés: le rapport Fougier en 1995 et le rapport Belluteau en 2004, qui concluaient à la nécessité de transférer à l’administration pénitentiaire ces tâches légitimement qualifiées d’indues. Le Conseil de modernisation des politiques publiques a écarté ce dispositif, le jugeant plus coûteux.

En tout état de cause, la proposition de loi du président Warsmann relative à la diminution de la dépense publique a suggéré la mise en place de la visioconférence, laquelle permettrait de limiter considérablement les charges indues pour les forces de police et les unités de gendarmerie.

Le dispositif devra sans doute être modifié, monsieur le ministre, mais notre commission a voulu envoyer un signal clair: nous devons avancer. Des objectifs ont été fixés par le Gouvernement; ils doivent être atteints et même être plus ambitieux. En cette période difficile, les policiers et les gendarmes doivent exercer leur cœur de métier, et non se trouver dispersés dans des missions qui ne relèvent pas de leurs compétences.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Le rapporteur l’a dit, un consensus s’est dégagé sur ce sujet. L’exécution des extractions et des transfèrements mobilise un nombre important de policiers et de gendarmes, au détriment de leurs missions de sécurité et de la lutte contre la délinquance: 1250 équivalents temps plein y sont en effet consacrés. Dès mon arrivée au ministère, j’ai voulu que les actions engagées au niveau interministériel dans le cadre de la révision générale des politiques publiques soient relancées. Le ministère de la justice a d’ores et déjà mis en œuvre un plan d’équipement des juridictions en matériel de visioconférence, fixant un objectif minimal de réduction du volume des transfèrements judiciaires de 5 % par an, ce qui représente un gain de 120 équivalents temps plein.

Madame Batho, je constate que votre amendement encourage ce mouvement et je précise que la loi de finances initiale a déjà prévu la rédaction d’un rapport à ce sujet. Il est en cours d’élaboration et sera disponible avant l’été, c’est-à-dire avant même la fin du délai que vous préconisiez.

J’émets donc un avis défavorable à votre amendement, qui est déjà satisfait.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je souhaiterais parler de la philosophie de cette évolution inévitable. Les convocations judiciaires que les magistrats estiment nécessaires sont de natures parfois très différentes, et je me demande si l’on ne pourrait pas rendre la visioconférence obligatoire dans certains cas. Ainsi, pour des notifications qui ne durent souvent que quelques minutes, la présence physique des prévenus n’est pas toujours indispensable. À l’inverse, le juge doit conserver la possibilité de voir une personne en chair et en os dans son cabinet à certains moments clés de l’instruction, qui ne peuvent pas se dérouler en visioconférence.

Enfin, monsieur le ministre, je voulais à nouveau appeler votre attention sur ce qui se passe dans les zones de rétention. À Roissy, lieu symbolique, on a construit un tribunal qui représente une solution assez pragmatique aux problèmes que nous tentons de résoudre, mais qui demeure désespérément vide. Pendant des années, les ministres de l’intérieur qui se sont succédé – y compris votre illustre prédécesseur, devenu Président de la République – ont tenté d’obtenir des avocats et des magistrats qu’ils se rendent sur place, mais ceux-ci en ont été empêchés par le corporatisme et par une certaine volonté de ne pas déchoir. Ainsi, chacun y trouverait son compte si la visioconférence était rendue obligatoire dans le cadre d’audiences qui n’ont rien de très compliqué, notamment celles qui concernent des personnes placées en zone de rétention.

(L’amendement n°283 n’est pas adopté.) (L’article 36 A, amendé, est adopté.)

Article 36 B

Mme la présidente. L’amendement n°109 de M. Patrick Braouezec est défendu.

(L’amendement n°109, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, n os  6 et 284.

La parole est à M. Étienne Pinte, pour défendre l’amendement n° 6.

M. Étienne Pinte. Avant de défendre les deux amendements que j’ai déposés à l’article 36 B, j’aimerais vous demander, monsieur le ministre, si les inconvénients juridiques que vous avez évoqués dans votre déclaration liminaire valent également pour cet article et seront réglés au Sénat, au cours de la navette. Si ce devait être le cas, mes amendements n’auraient plus lieu d’être; sinon, je les défendrai l’un et l’autre.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Ce n’est pas le cas.

M. Étienne Pinte. Dans ces conditions, j’indique que l’amendement n° 6 tend à supprimer l’alinéa 2 de l’article 36 B. Cet article vise à organiser les audiences du juge des libertés et de la détention au sein même des centres de rétention. De telles audiences ont déjà été organisées dans certains CRA – Coquelles, Toulouse et Marseille – et les associations qui sont là pour accompagner et aider les personnes retenues ont pu constater leurs effets négatifs en termes de respect des droits des personnes, avant que la Cour de cassation n’y mette un terme.

Le simple fait que la justice soit rendue dans un lieu d’enfermement est choquant. Sans vouloir mettre en cause la rigueur des magistrats, il faut reconnaître que la nécessaire indépendance et l’impartialité de l’intervention de l’autorité judiciaire sont compromises lorsque celle‑ci se déroule dans un lieu qui appartient à l’une des parties, qui est de surcroît entouré de grillages et de barbelés, et gardé par des policiers – environnement bien différent de celui d’un tribunal.

La publicité des audiences, principe fondamental du droit, ne peut être correctement assurée dans ce cadre. Les centres de rétention où ces audiences sont organisées sont le plus souvent difficiles d’accès, situés loin des agglomérations. Parvenir à la salle d’audience proprement dite, à l’issue de multiples contrôles opérés par les policiers, relève souvent du parcours du combattant. Dans ces conditions, il est particulièrement difficile pour les proches, les soutiens, les familles des étrangers retenus, d’être présents et d’apporter leur soutien ou des documents essentiels lors de ces audiences.

L’Assemblée nationale m’ayant demandé de la représenter au conseil d’administration de l’OFPRA, j’ai eu l’occasion de constater que les procédures, qu’elles soient administratives à l’OFPRA ou judiciaires à la Cour national du droit d’asile, respectent très bien ce minimum du droit que nous avons à offrir à des personnes retenues. C’est la raison pour laquelle je suis très défavorable à cet alinéa 2.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement n°284.

Mme Sandrine Mazetier. C’est à croire, monsieur le rapporteur, que vous aviez envie d’améliorer les relations entre le ministre de l’intérieur et la garde des sceaux!

M. Manuel Valls. Mission impossible!

Mme Sandrine Mazetier. En fait, avec l’alinéa 2, c’est un peu comme si vous proposiez à Mme Alliot-Marie de travailler dans l’antichambre du bureau de M. Hortefeux. Cela n’a strictement aucun sens. Du reste, comme l’a rappelé Étienne Pinte, la Cour de cassation a par trois fois, en avril 2008, jugé qu’il devait y avoir différenciation stricte et absolue entre un lieu privatif de liberté et une salle d’audience du ministère de la justice. Elle a très clairement rappelé que « à proximité » ne signifie pas « au sein » des centres de rétention administrative. Ce serait faire fi de ces avis et des principes essentiels fondant le droit à un procès équitable que de tolérer la présence de salles d’audience au sein de lieux privatifs de liberté. D’ailleurs, les magistrats refusent de s’y rendre.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Éric Ciotti, rapporteur . En 2003, le législateur avait voulu qu’il y ait des salles d’audience déconcentrées à proximité des centres de rétention. Une jurisprudence de la Cour de cassation a contrarié cette volonté en estimant que ces salles d’audience ne pouvaient être situées dans le même bâtiment que le centre de rétention. C’est ce qui, aujourd’hui, pose problème. Avec un amendement que la commission des lois a adopté sur ma proposition, nous rétablissons donc la possibilité d’installer ces salles d’audience dans les centres de rétention.

Pour les personnes retenues, ce sera une amélioration considérable. Nous leur faisons en effet subir des déplacements pénibles pour rejoindre les salles d’audience dans les tribunaux, nous leur infligeons des heures, parfois des journées d’attente. La possibilité de tenir les audiences à proximité des centres de rétention ne peut qu’améliorer la condition des retenus.

Mme Sandrine Mazetier. Bref, c’est à but humanitaire…

M. Éric Ciotti, rapporteur . D’autre part, nous limiterons ainsi les taches indues que j’évoquais tout à l’heure.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Ces amendements visent à interdire l’utilisation des salles d’audience au sein des CRA, avec recours à la visioconférence. Monsieur Pinte, vous siégez au conseil d’administration de l’OFPRA et vous savez qu’il s’agit en fait d’un outil précieux, qui permet de décharger les policiers et les gendarmes des missions d’escorte vers les tribunaux. Toutefois, on ne peut pas tout se permettre et ce dispositif est assorti de diverses garanties, relevées par le Conseil constitutionnel dans sa décision de novembre 2003, qui estime que le dispositif a pour objectif, comme vient de le rappeler Éric Ciotti, de « limiter des transferts contraires à la dignité des étrangers concernés ». D’autre part, la salle d’audience doit être « spécialement aménagée pour assurer la clarté, la sécurité et la sincérité des débats ». Enfin, le recours à la visioconférence est « subordonné au consentement de l’étranger » et « à la confidentialité de la transmission ».

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

(Les amendements identiques n os  6 et 284 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, n os  7 et 285.

La parole est à M. Étienne Pinte, pour défendre l’amendement n° 7.

M. Étienne Pinte. Je voudrais auparavant répondre à M. le ministre. Ceux qui ont visité des centres de rétention administrative savent qu’il est difficile de trouver un endroit où y installer des salles d’audience.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est bien le problème, en effet!

M. Étienne Pinte. Un nouveau centre de rétention administrative a été installé à Plaisir, dans mon département – j’en remercie le ministère de l’intérieur. Mais même dans les nouveaux centres – que ce soit celui de Plaisir, celui de Coquelles, dans le Nord, ou celui qui a remplacé, à Marseille, le centre d’Arenc –, il est matériellement impossible d’aménager des salles d’audience convenables.

Par cet amendement, je propose de supprimer les alinéas 3 et 4 de l’article. Voilà qui nous ramène à la question de l’organisation des audiences par visioconférence. À mes yeux, celle-ci porterait atteinte à deux principes fondamentaux qui garantissent un procès équitable.

D’abord, à la publicité des débats ‑ particulièrement importante en droit français ‑ puisque les décisions du juge des libertés et de la détention interviennent en principe vingt-quatre ou quarante-huit heures après l’interpellation de l’étranger. Ce dernier a donc très peu de temps pour réunir les pièces nécessaires. Lorsque la famille est présente sur le territoire national et peut être entendue à l’audience, elle apporte souvent un certain nombre de précisions et d’éléments complémentaires pour éclairer la décision du juge. La publicité des débats étant déjà mise à mal dans le cadre des audiences délocalisées organisées dans certains lieux de rétention, la visioconférence constituerait, du moins à mes yeux, une nouvelle atteinte à ce principe fondamental.

Ensuite, l’organisation des audiences par visioconférence compromettrait le respect du principe du contradictoire, en premier lieu parce que l’on ne sait pas comment l’avocat pourrait s’entretenir avec l’étranger retenu pour pouvoir le conseiller utilement, et le juge se trouverait dans la même situation. D’autre part, les audiences par visioconférence introduiraient une certaine inégalité entre les parties dans la mesure où l’étranger ne serait pas en mesure de communiquer en temps réel directement avec le juge, alors que le représentant de l’administration serait en position de le faire de façon beaucoup plus efficace, puisqu’il se trouverait à côté du juge.

Enfin, l’organisation de ces audiences qui supposent que les retenus soient seuls dans l’enceinte des centres de rétention, sous la garde de la police, alors que les magistrats et avocats sont au palais de justice, ne permet pas de s’assurer des conditions de contrainte qui pèsent, au moment de l’audience, sur les étrangers retenus, et donc de leur liberté de parole.

Je propose donc de supprimer les alinéas 3 et 4.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour défendre l’amendement identique n°285.

Mme Sandrine Mazetier. Comme cet amendement a exactement le même objet que le précédent et que je partage totalement le point de vue exprimé à l’instant par M. Pinte, je ne reprendrai pas arguments qu’il a développés.

Je tiens cependant à indiquer au rapporteur et au ministre, qui signalaient des contradictions, que les alinéas 3 et 4 contredisent l’alinéa 2. En effet, vous vous apprêtez, chers collègues de la majorité, à dépenser beaucoup d’argent public pour construire des salles d’audience impraticables au sein des centres de rétention administrative, tout en sachant parfaitement que les magistrats n’y mettront pas les pieds. Ouvrant maintenant la possibilité de recourir à la visioconférence, vous prévoyez donc ceinture et bretelles et montrez ainsi que vous ne croyez pas une seconde à ce qui est écrit à l’alinéa 2.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur . Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Même avis.

(Les amendements identiques n os 7 et 285 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 286.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Jusqu’à présent, le recours à la visioconférence requérait le consentement de l’étranger. Or, dans sa grande créativité, Éric Ciotti a considéré que le consentement de l’étranger à quoi que ce soit n’était plus utile.

Je rappelle que la détention arbitraire d’une durée supérieure à quarante-huit heures est absolument proscrite. C’est là la garantie d’une liberté fondamentale, reconnue non seulement à l’échelle européenne mais aussi par notre Constitution.

Par conséquent, le recours à la visioconférence pour décider du maintien en détention ou de la remise en liberté d’un étranger requiert au moins que l’on recueille le consentement de l’intéressé. C’est pourquoi nous proposons d’insérer, après la première phrase de l’alinéa 4 de l’article 36 B, la phrase suivante: « Le consentement de l’étranger est requis. » Demander son consentement à un étranger ne coûte d’ailleurs pas d’argent.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Ciotti, rapporteur . Défavorable.

M. Étienne Pinte. Vous pourriez au moins donner une explication!

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Défavorable.

Le consentement de l’étranger est déjà recueilli systématiquement, en vertu d’un article du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Je l’ai indiqué tout à l’heure; c’est sans doute pour cette raison que le rapporteur n’y est pas revenu, monsieur Pinte.

La disposition imposant de recueillir ce consentement est applicable à tout le chapitre dans lequel elle figure. Par conséquent, elle s’applique également à l’article L.552-1 que modifie l’article 36 B.

Mme Sandrine Mazetier. Dont acte!

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. C’est donc parce que l’amendement est déjà satisfait que le Gouvernement y est défavorable.

(L’amendement n° 286 n’est pas adopté.) (L’article 36 B est adopté.)

Article 36

(L’article 36 est adopté.)

Article 37

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement de suppression, n°110.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. À mes yeux, la représentation nationale ne saurait autoriser le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance des dispositions relevant du domaine de la loi et donc du débat parlementaire.

(L’amendement n° 110, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) (L’article 37 est adopté.)

Après l’article 37

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°246, qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements.

La parole est à M. Dominique Tian, pour présenter l’amendement.

M. Dominique Tian. Cet amendement, qui concerne Pôle emploi, vise à améliorer la lutte contre les infractions portant préjudice aux finances publiques, notamment aux finances sociales. Il me paraît nécessaire de prévoir une règle de levée du secret professionnel entre, d’une part, les agents de l’État et, d’autre part, les agents des organismes chargés du recouvrement des cotisations et contributions sociales et du service des prestations. Cela permettrait à ces deux catégories d’agents d’échanger documents et renseignements, la CNIL étant évidemment saisie dans le cas d’échanges de fichiers.

Le rapport de la Cour des comptes, qui nous a été communiqué mardi, évoque notamment les escroqueries dont Pôle emploi, après l’UNEDIC, est victime. La Cour indique que, sur le plan juridique, les moyens dont disposent les organismes ne sont pas adaptés à la lutte contre la fraude. Le rapport précise: « Nombre des difficultés rencontrées tiennent à l’insuffisance de la coordination entre l’assurance chômage et ses partenaires dans la lutte contre la fraude : police, justice, services de l’emploi, services fiscaux, organismes de sécurité sociale, services chargés de la lutte contre le travail illégal. »

Ce n’est pas tout à fait nouveau puisque la mission d’information que je présidais en 2006 était arrivée aux mêmes conclusions et que, de son côté, le Comité national de lutte contre la fraude a recommandé des mesures du type de celles que tend à introduire cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les sous-amendements n os 305, 304 et 303.

M. Éric Ciotti, rapporteur . Ces sous-amendements purement rédactionnels complètent le dispositif proposé par M. Tian, sur lequel j’émets un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Le Gouvernement émet également un avis favorable. L’amendement de M. Tian rejoint naturellement mon souci de lutter contre la fraude sous toutes ses formes.

Mme Sandrine Mazetier. Même la fraude fiscale?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Le dispositif proposé n’est pas sans précédent: il s’inspire de la possibilité de lever le secret professionnel déjà ouverte lorsqu’il s’agit de lutter contre le travail illégal.

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Nous débattons d’un projet de loi intitulé « Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure ». L’amendement n°246, de même que les amendements n os  40 et 42, me paraît donc correspondre exactement à la définition que le Conseil constitutionnel donne du cavalier législatif.

M. Manuel Valls. Descendez de votre cheval, monsieur Tian!

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous êtes désarçonné!

Mme Delphine Batho. On évoque le rapport de la Cour des comptes, on propose des modifications du code de la sécurité sociale, sans que la commission des affaires sociales ait donné d’avis, on évolue dans un mélange confus de procédure civile et de procédure pénale… Autant le débat sur la lutte contre les fraudes aux organismes sociaux est légitime, autant il n’a rien à faire dans notre discussion de ce soir.

(Les sous-amendements n os 305, 304 et 303, successivement mis aux voix, sont adoptés.) (L’amendement n° 246, sous-amendé, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 42, qui fait l’objet d’un sous-amendement n°306.

La parole est à M. Dominique Tian, pour défendre l’amendement.

M. Dominique Tian. Dans le même esprit et toujours en se fondant sur les recommandations de la Cour des comptes, nous proposons d’assermenter les contrôleurs de Pôle emploi. Cela leur donnerait le droit de dresser des procès-verbaux pour constater des infractions, du travail dissimulé, puis de les transmettre, si nécessaire, au procureur.

Le deuxième alinéa de l’amendement vise à assurer l’effectivité des enquêtes, en sanctionnant les oppositions à fonctions qu’ils pourraient éventuellement rencontrer.

Mme Delphine Batho. Ce n’est pas le lieu d’aborder ce sujet!

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cette question n’a pas à être débattue maintenant!

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre le sous-amendement n°306.

M. Éric Ciotti, rapporteur . Il est purement rédactionnel et la commission est favorable à l’amendement n° 42 ainsi sous-amendé.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Avis favorable à l’amendement ainsi sous-amendé.

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Je déplore que le rapporteur ne joue pas son rôle, sans parler du fait que le sous-amendement n°306 ne saurait être qualifié simplement de rédactionnel.

M. Manuel Valls. Acception très extensive pour une suppression d’alinéa!

Mme Delphine Batho. Il s’agit de modifier le code du travail. Or, si chacun connaît la situation de Pôle emploi – je la vis, pour ma part, dans mon département des Deux-Sèvres –, la question n’en est pas moins totalement hors sujet ce soir.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Je suis assez choqué de la manière dont ces amendements sont appelés dans notre débat, à minuit et demi, sans parler de la désinvolture avec laquelle M. Ciotti dit juste « avis favorable », comme s’il s’agissait d’amendements anodins.

Assermenter des travailleurs de Pôle emploi sans que la commission des affaires sociales de notre assemblée ait pu en débattre et en mesurer toutes les conséquences, sans qu’elle ait pu examiner la portée et étudier les modalités d’une telle transformation, me semble d’une grande légèreté et lourd de conséquences. Je trouve donc qu’il n’est pas très responsable, de la part de la majorité, de prendre une telle mesure, et j’espère que nos collègues sénateurs, faisant preuve de sagesse, reviendront sur ces amendements et que nous aurons l’occasion de discuter de tout cela dans d’autres conditions, après avoir pris l’avis des commissions compétentes.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Je rappellerai à mes collègues que je suis membre de la commission des affaires sociales – je ne suis pas le seul député présent à être dans ce cas – et que ces sujets y sont souvent abordés. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) En outre, la mission d’information que j’ai présidée et qui comprenait des membres de tous les groupes parlementaires avait recommandé cette mesure à l’unanimité. M. Maxime Gremetz, qui estimait qu’il s’agissait d’une mesure de bon sens, ne faisait pas exception.

M. Patrick Braouezec. Maxime Gremetz n’est pas toujours une référence!

M. Dominique Tian. Je crois que cet amendement procède effectivement du bon sens et d’un souci d’efficacité. Il est en outre conforme aux préconisations de la Cour des comptes, qui a rendu son rapport il y a deux jours, et du Comité national de lutte contre la fraude.

Je ne vois pas pourquoi un agent de Pôle emploi ne pourrait pas être assermenté pour lutter contre le travail illégal.

(Le sous-amendement n° 306 est adopté.) (L’amendement n° 42, sous-amendé, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°40.

La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Toujours dans le souci de lutter contre le travail illégal, ce qui paraît quand même une priorité, cet amendement vise à donner compétence aux agents assermentés de Pôle emploi pour rechercher les infractions aux interdictions du travail dissimulé et pour qu’ils puissent échanger avec les autres corps de contrôle les informations nécessaires à la répression du travail illégal. Cela paraît également logique.

(L’amendement n° 40, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

Article 37 bis

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°127.

M. Éric Ciotti, rapporteur . Qui est rédactionnel.

(L’amendement n°127, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 37 bis, amendé, est adopté.)

Article 37 ter

Mme la présidente. Nous en venons à l’amendement n°288.

La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. C’est notre dernier amendement.

M. Manuel Valls. Mais pas notre dernière prise de parole!

Mme Delphine Batho. En effet !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Cela commençait pourtant bien … (Sourires.)

Mme Delphine Batho. Le Gouvernement a introduit par voie d’amendement, lors de l’examen du texte en commission, l’article 37 ter , qui consiste à modifier le statut des adjoints de sécurité. Nous estimons que ce dispositif doit être maintenu, mais nous formulons deux observations qui conduisent à recommander la suppression de l’article.

En repoussant la limite d’âge pour le recrutement des ADS et en transformant leur contrat de cinq ans en deux contrats de trois ans, vous précarisez ces personnels.

Par ailleurs, on ne peut ignorer le rapport existant entre les dispositions de l’article 37 ter et les suppressions d’effectifs de gardiens de la paix. Force est de constater que le recours à ces personnels contractuels sera utilisé pour pallier la suppression de 5175 équivalents temps plein dans la police nationale par les lois de finances pour 2008, 2009 et 2010.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Éric Ciotti, rapporteur . Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Défavorable. Ce nouveau dispositif permet au Gouvernement d’atteindre deux objectifs: mieux orienter et mieux fidéliser.

(L’amendement n°288 n’est pas adopté.) (L’article 37 ter est adopté.)

Article 37 quater

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 48, tendant à supprimer l’article 37 quater.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Si vous me le permettez, madame la présidente, je défendrai en même temps l’amendement n° 49.

Mme la présidente. Je vous en prie.

M. Patrick Braouezec. Ce seront aussi les deux derniers amendements que nous défendrons.

Ils visent à supprimer tout ou partie de l’article 37  quater, qui institue un corps de volontaires de la police nationale et un corps de civils affiliés à la police nationale. Ces dispositifs existent déjà à l’état embryonnaire, mais leur généralisation nous semble dangereuse.

Cet article vient concrétiser une déclaration du chef de l’État, prononcée le 24 novembre 2009 en banlieue parisienne. Je le cite: « Des réservistes expérimentés seront recrutés comme délégués à la cohésion police-population. Ils s’appuieront sur des volontaires citoyens de la police nationale, c’est-à-dire des habitants dont je veux engager le recrutement pour qu’ils s’impliquent dans la sécurité de leur propre quartier. »

Pour aller au bout du raisonnement du Président de la République, c’est de milices qu’il est question. On peut d’ailleurs prédire que, le texte étant assez flou, certains habitants des quartiers auront des fonctions de police, ce qui nous semble dangereux, même s’ils sont encadrés. Qu’est-ce qui justifie le fait d’octroyer certains pouvoirs à de simples citoyens, qu’ils pourront utiliser à loisir envers d’autres citoyens, pourtant censés être leurs égaux? Il s’agit encore d’un type d’externalisation des missions les plus essentielles de l’État, des compétences régaliennes. Ces milices locales signeront la fin du maintien de l’ordre républicain et de l’égalité républicaine sur notre territoire.

Il convient donc à nos yeux de supprimer cet article particulièrement flou quant aux missions qui seront attribuées aux réservistes. On se contente d’affirmer vaguement qu’ils n’auront pas accès aux prérogatives de puissance publique et qu’il pourra s’agir de médiation sociale. La déclaration du chef de l’État laisse clairement entendre que viendront sans doute s’y ajouter, à terme, d’autres missions d’ordre public.

Nous demandons instamment la suppression de cet article qui nous semble très dangereux.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Éric Ciotti, rapporteur . Pour ce qui est des alinéas que l’amendement n° 49 tend à supprimer, il ne s’agit pas d’une création, mais d’une simple réécriture des dispositions de la loi du 5 mars 2007, qui a créé le service volontaire citoyen de la police nationale. Sur le fond, ce service volontaire citoyen nous paraît être un très bon dispositif, qu’il faut élargir plutôt que supprimer.

M. Patrick Braouezec. Et l’amendement n° 48, monsieur le rapporteur?

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Je vais vous répondre, monsieur Braouezec.

Comme l’a dit le rapporteur, le service volontaire citoyen de la police nationale existe depuis 2007 et la réserve civile depuis 2003; ce ne sont donc pas des nouveautés. Je vous le dis très clairement, il n’est pas question de supprimer ces dispositifs. Nous avons au contraire l’intention de les développer, car ils donnent tous deux entière satisfaction à la police nationale comme aux citoyens qui y participent. Leur développement est assez cohérent, en ce qu’il est à mettre en parallèle avec le développement de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale. Je vous rappelle que la gendarmerie nationale comptera 40000 volontaires d’ici à 2012. Voilà pour votre amendement n° 48, monsieur Braouezec.

S’agissant plus particulièrement de votre amendement n° 49, qui traduit votre opposition à la création d’un service volontaire citoyen de la police nationale, le rapporteur et moi-même vous avons déjà répondu: ce dispositif de solidarité et de prévention existe depuis2007 et permet de renforcer le lien entre la police et la population, ce à quoi vous êtes, me semble-t-il, très attaché. Vous devriez donc être totalement satisfait et je ne comprends pas pourquoi cette mesure ne vous réjouit pas davantage.

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Ce dispositif diffère de celui de la gendarmerie, où la tradition de la réserve correspond au fait que les gendarmes sont des militaires – ils dépendent en effet du ministère de la défense. Pour notre part, nous sommes plutôt favorables au dispositif de réserve civile de la police nationale et de service volontaire citoyen, qui devrait fonctionner de façon comparable à la réserve des pompiers, pour certaines fonctions supports.

Il faut tout de même entendre l’inquiétude des policiers, qui craignent que la réserve ne vienne se substituer à des effectifs en bonne et due forme. Cela étant, nous sommes, je le répète, plutôt favorables aux dispositions de l’article 37 quater.

(L’amendement n° 48 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mettrai aux voix l’amendement n° 49 lorsque nous en viendrons aux alinéas qu’il tend à supprimer.

La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l’amendement n°128.

M. Éric Ciotti, rapporteur . Il s’agit d’un amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Favorable.

(L’amendement n°128 est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n°129, également de M. Ciotti, vise à corriger une erreur de référence.

(L’amendement n°129, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente. Nous en revenons à l’amendement n° 49.

(L’amendement n° 49, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements de coordination présentés par M. Éric Ciotti.

L’avis du Gouvernement est favorable.

(Les amendements n os 130, 133 et 134, successivement mis aux voix, sont adoptés.) (L’article 37 quater, amendé, est adopté.)

Articles 39 à 44

(Les articles 39 à 44, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 45

Mme la présidente. Nous en venons à six amendements de coordination présentés par M. Éric Ciotti.

L’avis du Gouvernement est favorable.

(Les amendements n os  65, 66, 67, 68, 71 et 85, successivement mis aux voix, sont adoptés.) (L’article 45, amendé, est adopté.)

Article 46

(L’article 46 est adopté.)

Après l’article 46

Mme la présidente. Nous en arrivons à plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 46.

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n°239.

M. Jean-Christophe Lagarde. Cet amendement vise à mettre au moins partiellement fin à une situation aberrante.

Aujourd’hui, un de nos concitoyens vivant avec de faibles revenus peut être exonéré de toute responsabilité face aux contraventions qui lui sont appliquées. Lorsqu’on est à la quotité insaisissable, on peut multiplier les contraventions, car on devient intouchable. Ce n’est pas un cas de figure exceptionnel; on le rencontre même dans les tribunaux, notamment de police, lorsqu’il s’agit de faire appliquer les sanctions que nous décidons.

Nous faisons des lois, comme celle dont nous achevons l’examen, qui permettent d’adapter les condamnations à certains délits. Mais lorsqu’on est à la quotité insaisissable, on s’en exonère totalement et pour longtemps. J’ai eu l’occasion de m’en rendre compte personnellement: certaines personnes déclarent qu’elles ne travaillent pas, qu’elles ne travailleront pas, qu’elles ne vivent que grâce à cette quotité insaisissable et que, par conséquent, on peut toujours les condamner, elles ne paieront pas!

Il ne s’agit pas, bien sûr, de les mettre sur la paille en leur prenant la totalité de la quotité insaisissable. Mais nous souhaiterions inscrire dans la loi la possibilité de prélever les amendes sur 10 % de la quotité en question, afin que le coût de la contravention soit au moins partiellement ressenti par l’auteur de l’infraction.

Je précise dans l’amendement que les amendes pourraient faire l’objet d’une demande de paiement échelonné pour les gens de bonne foi qui ne seraient pas capables, provisoirement, de payer, en attendant de revenir à meilleure fortune.

Il s’agit de ne laisser échapper personne aux lois que nous votons.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Éric Ciotti, rapporteur . Je comprends votre argumentation, monsieur Lagarde, mais je ne peux qu’émettre un avis défavorable.

Permettre des saisies sur la fraction insaisissable des ressources pour le paiement des amendes risquerait d’ouvrir une brèche dans la protection de ces ressources qui ont notamment pour but de laisser à la famille le minimum indispensable pour pourvoir à l’alimentation et à l’éducation des enfants.

M. Patrick Braouezec. M. Ciotti est trop bon!

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Je comprends, moi aussi, votre argumentation, monsieur Lagarde. Mais cela relève des compétences de la Chancellerie et, même à cette heure tardive, vous savez combien je suis attentif à ne pas empiéter sur le périmètre du ministère de la justice! (Sourires.)

Ne serait-ce que pour cette raison, j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Maintenez-vous l’amendement, monsieur Lagarde?

M. Jean-Christophe Lagarde. Je souhaite que Mme la garde des sceaux vienne ici pour donner son avis! (Rires.)

Plus sérieusement, madame la présidente, je retire cet amendement.

(L’amendement n°239 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, n os 262 et264 rectifié, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

M. Éric Ciotti, rapporteur. Ils sont défendus.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Favorable.

(L’amendement n°262 est adopté.) (L’amendement n°264 rectifié est adopté.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote personnelle.

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote des groupes et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi auront lieu le mardi 16 février, après les questions au Gouvernement.

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, mardi 16 février à neuf heures trente:

Proposition de loi créant une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie;

Proposition de loi relative au débat public sur les problèmes éthiques et les questions de société.

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 12 février 2010, à zéro heure quarante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l’Assemblée nationale,
Claude Azéma