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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 18 mai 2010

Questions au Gouvernement

Débat sur l’application de la loi relative à la modernisation de l’économie

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, co-rapporteur pour l’application de la loi

M. Jean Gaubert, co-rapporteur de la commission des affaires économiques, pour l’application de la loi

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation

M. Pierre Gosnat

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État

M. André Chassaigne

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État

M. Thierry Benoit

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État

M. Jean Dionis du Séjour

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État

Mme Catherine Vautrin

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État

M. Francis Saint-Léger

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État

M. Bernard Gérard

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État

M. Patrick Bloche

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État

M. François Brottes

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État

Mme Annick Le Loch

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État

Mme Fabienne Labrette-Ménager

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État

Mme Laure de La Raudière

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État

M. Bernard Reynès

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État

Mme Geneviève Fioraso

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État

Mme Corinne Erhel

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État

M. Jean-Louis Gagnaire

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État

Deuxième séance du mardi 18 mai 2010

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président . La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous informe qu’il n’y aura pas de suspension de séance à l’issue des questions au Gouvernement et que je prononcerai alors l’éloge funèbre de notre regrettée collègue Arlette Franco.

Questions au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Suppression du bouclier fiscal

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement a annoncé, ce week-end, que pour financer les retraites il envisageait un impôt sur les revenus du capital et les hauts revenus qui ne donnera pas droit à restitution au titre du bouclier fiscal.

Les titulaires des plus hauts revenus vont peut-être payer quelques milliers d'euros supplémentaires, mais ils auront une assurance : le chèque de plusieurs centaines de milliers d'euros, voire de plusieurs millions, qu'ils touchent au titre du bouclier fiscal ne sera pas remis en cause.

Trouvez-vous normal, monsieur le Premier ministre, qu’au moment où l’on parle de solidarité nationale, le Gouvernement verse un chèque de près de 400 000 euros aux 1 000 contribuables qui possèdent à la fois les plus hauts revenus et les plus gros patrimoines ? (« C’est honteux ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Trouvez-vous normal, monsieur le Premier ministre, de verser un chèque de 1,8 million d'euros en moyenne aux 100 contribuables les plus fortunés de notre pays ? (« Hou ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Richard Mallié. Et si vous changiez de disque ?

M. Pierre-Alain Muet. Une chose est sûre : la réforme des retraites que vous nous préparez consiste pour les salariés à travailler plus, et pour les rentiers à continuer de gagner plus. (« C’est scandaleux ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Ma question est simple : quand allez-vous supprimer le bouclier fiscal ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État. Monsieur le député, j’ai vaguement l’impression d’avoir déjà entendu ce que vous venez de dire et d’avoir déjà vécu cette scène avec vous-même. On croirait que c’est un drôle de film qui repasse !

M. Christian Bataille. C’est parce que vous ne répondez jamais !

M. François Baroin, ministre du budget. Étant d’une très grande constance, je vous rappelle que c’est autour de l’idée de stabilité que nous devons aborder ce débat récurrent, répétitif.

M. Christian Bataille. Et on en reparlera encore !

M. François Baroin, ministre du budget . Vous avez la même obsession et nous la même détermination : faire vivre enfin, dans la durée, dans une logique de stabilité fiscale, le principe simple selon lequel l’impôt, dans notre pays, ne saurait être confiscatoire.

Les chiffres dont vous parlez sont d’histoire récente. Le bouclier fiscal n’est pas simplement un marqueur politique, c’est aussi une certaine idée de l’équité fiscale dans la durée. (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe SRC.) Il a été voté en 2007, les chiffres sont de 2008 et ceux de 2009 ne seront connus qu’au mois de juillet prochain. Le débat que nous avons ne favorise pas l’inscription dans la durée d’un outil dont nous ne pouvons pas encore mesurer, dans la stabilité, la pleine et entière efficacité.

Dans l’esprit de ce qui a été évoqué par Éric Woerth, sous le contrôle et l’autorité du Premier ministre et selon ses directives, le tableau de travail pour les semaines qui viennent sur la réforme des retraites met en place une perspective de prélèvements sur les hauts revenus d’une part, et sur les revenus du capital d’autre part.

C’est dans ce cadre-là que nous pourrons faire cohabiter le maintien du bouclier fiscal et la volonté du Gouvernement, partagée par l’ensemble des membres de cet hémicycle, de préserver notre système de retraite par répartition.

Libération de Clotilde Reiss

M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Cochet. Monsieur le Premier ministre, le retour de Clotilde Reiss d’Iran, ce dimanche, fut une grande joie pour nos compatriotes, sauf peut-être pour le porte-parole du parti socialiste (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) dont les propos furent proprement scandaleux et indignes. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Je me réjouis que l’action du Président de la République et du gouvernement que vous dirigez ait permis le retour de cette étudiante arrêtée le 1 er  juillet 2009, libérée sous caution le 16 août mais contrainte à résider à l’ambassade de France à Téhéran alors qu’elle était innocente.

Je souligne également le grand professionnalisme dont a fait preuve notre ambassadeur en Iran et la remarquable dignité de la famille de Clotilde Reiss.

La diplomatie française a pu également montrer son efficacité et son savoir-faire pour dénouer cette situation.

Alors que Clotilde Reiss est enfin libre, des esprits chagrins, venant notamment de la gauche, se font l’écho de rumeurs infondées sur ses conditions de libération. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Par conséquent, je vous remercie, monsieur le Premier Ministre, de préciser à la représentation nationale quelles démarches ont été engagées depuis l’origine pour aboutir à cette heureuse libération. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Monsieur Cochet, je tiens tout d’abord à vous dire ma très grande joie de voir notre jeune compatriote Clotilde Reiss de retour en France après avoir été retenue neuf mois en Iran contre son gré.

Je rappelle que son arrestation, le 1 er  juillet dernier, avait suivi la violente répression menée contre le peuple iranien qui contestait son gouvernement. Face à la polémique que certains ont cru devoir développer autour de cette bonne nouvelle, je voudrais apporter solennellement, au nom du Gouvernement, les précisions suivantes.

Je démens tout d’abord catégoriquement les allégations ridicules selon lesquelles Mlle Reiss aurait collecté des renseignements pour le gouvernement français, a fortiori qu’elle ait été employée par nos services de renseignements. Je précise que ces allégations fantaisistes et ridicules pourraient donner lieu à des poursuites.

Par ailleurs, cette libération n’a fait l’objet d’aucun marchandage. C’est en toute indépendance et en stricte application de la loi que la justice française s’est prononcée sur le cas de deux ressortissants iraniens poursuivis en France. Il n’y a aucune raison de penser que ces décisions auraient été différentes si Clotilde Reiss n’avait pas été retenue en Iran.

Reste le calendrier. Mesdames, messieurs les députés, nul n’est obligé de tomber dans le piège grossier de la propagande iranienne qui vise à faire accroire qu’il y aurait eu là échange d’agents de renseignements entre les deux pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Je le redis solennellement : nous avons toujours refusé tout chantage et le Gouvernement exprime sa gratitude envers tous ceux qui l’ont aidé, le personnel diplomatique, à Téhéran notamment, le président Wade, le président Bachar Al-Assad et le président du Brésil, Lula Da Silva. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Lutte contre la loi des marchés Financiers

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le Premier Ministre, au moment où vous allez demander à nos concitoyens de payer les dégâts d’un système capitaliste en décomposition (Protestations sur les bancs du groupe UMP) , une question se pose : à l’heure des comptes, qui pourra comprendre que, par deux fois en deux ans, vous ayez capitulé devant les marchés financiers et les spéculateurs ?

M. Roland Muzeau. Il a raison !

M. Jean-Claude Sandrier. Que, par deux fois, vous ayez engagé des centaines de milliards d’euros en cédant à leur chantage ? Que, par deux fois, c’est à ceux qui travaillent que vous allez demander de payer l’addition pour ceux qui continuent à s’engraisser en spéculant ?

Oui, à l’heure des comptes, qui pourra comprendre que vous ayez sacrifié emplois, pouvoir d’achat, protection sociale, retraites, services publics, pour venir au secours, avec l’argent public, de ceux qui nous ont plongés dans la crise ?

Oui, il y a une nouvelle Bastille à prendre, celle des marchés financiers et du capitalisme !

Le temps est venu de faire le choix des hommes et du travail, et non plus celui des privilégiés et de la spéculation.

Il faut aujourd’hui fermer momentanément les places boursières, supprimer les paradis fiscaux, taxer les transactions financières, plafonner les rémunérations du capital, établir une échelle des revenus décente et juste, créer un pôle public bancaire en France et en Europe pour empêcher la spéculation et orienter le crédit vers l’emploi et la formation, taxer les revenus du capital à la même hauteur que ceux du travail pour financer les retraites, s’attaquer à ce fléau humain qu’est le dumping fiscal, salarial et social, et briser une concurrence qui tourne au délire.

Êtes-vous prêt à organiser un vrai débat sur ces questions, et pas un lundi soir, à la sauvette ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.

Plusieurs députés GDR. Pourquoi le Premier ministre ne répond-il pas ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Monsieur Sandrier, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Christine Lagarde, retenue à Bruxelles par un conseil des ministres des finances européens très important.

Aujourd’hui va être adopté en première lecture au conseil Ecofin un projet de directive qui prévoit pour la première fois un enregistrement et un contrôle des hedge funds, ces fonds spéculatifs. La directive introduit des règles de transparence, de gouvernance et de gestion des risques pour ces fonds.

J’ai pris cet exemple mais je pourrais vous en citer beaucoup d’autres pour vous montrer que la France a souvent donné l’impulsion pour introduire contrôle, transparence et régulation dans le système financier international.

S’agissant ainsi des produits dérivés qui ont déstabilisé la finance internationale, je rappelle qu’après des dizaines d’années sans contrôle, le G20 de Pittsburgh a décidé, en septembre 2009, de les encadrer. Michel Barnier, le commissaire européen, a voulu aller plus loin puisque, fin juin, une directive sera proposée pour introduire transparence et sécurité sur ces marchés.

Concernant les agences de notation, vous vous souvenez qu’en avril 2009 le G20 de Londres avait décidé qu’elles devraient faire l’objet d’un contrôle et d’un enregistrement : l’Union européenne a adopté dès novembre 2009 une telle réglementation.

La France agit pour que l’ensemble des mécanismes de régulation, de contrôle et d’encadrement des marchés soient mis en œuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Relocalisations

M. le président. La parole est à M. Raymond Durand, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Raymond Durand. J’associe notre collègue Stéphane Demilly à ma question.

Monsieur le ministre chargé de l’industrie, les états généraux de l’industrie ont représenté un espoir énorme pour changer le visage de l’industrie française : après vingt ans de délocalisations qui ont marqué nos concitoyens et nos paysages, nous voyons poindre le début d’un changement d’état d’esprit.

Pour le Nouveau Centre, produire loin pour vendre ici constitue un contresens total, un désastre environnemental, économique et humain. Les députés de notre groupe l’ont souligné en faisant adopter une loi visant à interdire les propositions de reclassement à l’étranger pour des salaires de misère. C’était une des réponses à apporter, nous l’avons fait.

Le Gouvernement, à travers l’annonce de diverses mesures concrètes qui vont être appliquées avec le concours des industriels, a démontré une volonté politique très ferme consistant à arrêter l’érosion de notre base industrielle et à retrouver le chemin de la croissance durable si nécessaire à notre tissu industriel.

Dans le cadre de ces mesures urgentes, vous aviez indiqué qu’il fallait étudier les moyens de mettre en place des primes à la relocalisation afin que nos industries soient incitées à rapatrier leurs activités. C’était à notre sens une excellente mesure, surtout si elle était assortie d’un mécanisme d’aide visant à relocaliser ces emplois.

Dans ma région – Rhône-Alpes –, l’entreprise Ultranova a franchi le pas et a entrepris de relocaliser : c’est une victoire pour ses salariés.

Monsieur le ministre, nous souhaitons connaître les projets qui seront ainsi soutenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. Monsieur Durand, vous prenez l’exemple de cette entreprise de scierie qui s’est relocalisée dans votre région. Nous pourrions aussi citer les entreprises Gantois dans les Vosges, Loiselet à Dreux, Ethypharm à Grand-Quevilly, chez M. Fabius.

Le Gouvernement a toujours considéré que les délocalisations n’étaient pas un phénomène inéluctable ; il s’agit de faire preuve de volontarisme politique pour inverser le cours des choses.

M. Maxime Gremetz. Demandez donc à Woerth !

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. Ainsi, la suppression de la taxe professionnelle a permis de dégager 2,5 milliards d’euros au profit des industries françaises. Près de 5 000 entreprises industrielles ont bénéficié du crédit impôt recherche. Enfin, la prime à la relocalisation, dont vous venez de rappeler qu’elle a été proposée par les états généraux de l’industrie, profitera désormais à toutes les entreprises qui relocaliseront leurs activités pour les aider à investir dans la création d’emplois.

Lutter contre les délocalisations, c’est aussi lutter contre les propositions de reclassement indécentes proposées aux salariés.

M. Maxime Gremetz. Vraiment indécentes !

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. Des dispositions ont été votées, y compris par la gauche. Je fais allusion à une proposition de loi du Nouveau Centre qu’Éric Woerth et moi-même, au nom du gouvernement de François Fillon, avons soutenue devant l’Assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe NC) et que le Sénat vient d’adopter en termes identiques. Nous veillerons, avec Éric Woerth, à l’application la plus rapide possible de ce texte.

Certains reprochent à l’État son interventionnisme ; pour nous, l’interventionnisme industriel, c’est lutter contre une certaine forme d’abstentionnisme qui ne sert ni l’emploi ni les relocalisations. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Déclarations d’Angela Merkel annonçant l’austérité en France

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Christophe Caresche. Monsieur le Premier ministre, l’Europe connaît une crise profonde et l’euro une crise sans précédent.

Après bien des atermoiements, l’Europe a décidé de réagir massivement pour contrer la spéculation qui menaçait directement certains de ses États membres. Elle a su recourir à des mesures inédites rompant avec l’approche dogmatique de l’euro qui l’avait caractérisée jusqu’à présent.

M. Maxime Gremetz. À cause de Maastricht !

M. Christophe Caresche. La question est maintenant de savoir si l’Europe va être capable de continuer à inventer une réponse originale et adaptée à la crise ou si elle va renouer avec une interprétation étroite du pacte de stabilité et de la discipline budgétaire.

M. Maxime Gremetz. La monnaie unique !

M. Christophe Caresche. Pour nous, la généralisation de politiques d’austérité à l’ensemble des pays européens est le plus sûr moyen de tuer toute perspective de retour à la croissance en Europe et donc toute perspective de restauration des comptes publics. L’Europe ne trouvera pas son salut dans des politiques d’ajustement aveugles.

M. Patrick Roy. Exactement !

M. Christophe Caresche. De ce point de vue, les récentes déclarations de Mme Merkel au quotidien El Pais , reprises par Le Monde , ne sont pas rassurantes. Mme Merkel réaffirme son attachement au pacte de stabilité, pacte « non négociable », selon son expression, regrettant d’ailleurs, au passage, qu’il ait été affaibli en 2004. Elle considère comme nécessaires des mesures d’austérité « pas seulement pour les pays comme le Portugal et l’Espagne ». Elle indique enfin que le président Sarkozy lui aurait affirmé que la France prendrait également des mesures d’austérité.

Monsieur le Premier ministre, confirmez-vous que le Président de la République a pris des engagements auprès de Mme Merkel sur d’éventuelles mesures d’austérité concernant la France ?

M. Maxime Gremetz. Maastricht !

M. Christophe Caresche. Existe-t-il, au niveau européen, un plan de rigueur visant à imposer des politiques restrictives à l’ensemble des pays de la zone euro ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État. Monsieur Caresche, la réponse de l’Europe, il y a une dizaine de jours, sous l’impulsion des chefs d’État et de gouvernement, a été déterminée, massive, et a marqué la volonté sans faille de la zone euro de soutenir notre outil monétaire, mais aussi notre capacité d’assurer le développement des particuliers et des entreprises, le développement de l’économie, des investissements et donc, à terme, notre capacité à garantir la création d’emplois.

Les gouvernements s’organisent aujourd’hui pour que les pays adoptent une logique de convergence qui leur faisait hélas défaut. Il s’agit de définir la meilleure trajectoire pour y parvenir.

M. Maxime Gremetz. On ne parviendra à rien avec la monnaie unique !

M. François Baroin, ministre du budget . Ce sera le meilleur gage, dans la durée, de la stabilité de notre monnaie.

Malgré toute l’estime que j’ai pour vous, monsieur Caresche, au regard de certaines de vos positions, force est de constater que vous manquez de sérieux, que vous renouez avec la facilité et avec des accents démagogiques en comparant la situation de la Grèce avec celle du Portugal ou de l’Espagne.

M. Philippe Briand. Très juste !

M. François Baroin, ministre du budget . De même, on ne peut pas comparer la situation du Portugal et de l’Espagne avec celle de la Finlande ou de la Suède ou encore avec celle du Canada de la fin des années 90. Enfin, l’on ne peut certainement pas comparer la situation des pays qui ont mené des politiques de rigueur, d’austérité, avec la situation allemande ou française.

Notre politique s’inscrit, ne vous en déplaise, monsieur Caresche, et à vous tous, membres du groupe socialiste, non pas dans une logique d’austérité ou de rigueur mais de responsabilité vis-à-vis des Français : il s’agit de préserver notre modèle social. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ne pas mener ce plan à terme risque de conduire, dans quelque temps, à la rigueur.

M. Maxime Gremetz. Et les critères de Maastricht ?

M. François Baroin, ministre du budget . La France doit remplir son devoir d’exemplarité en respectant ses engagements vis-à-vis de ses partenaires européens, et son engagement auprès des Français de préserver notre modèle social. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Réforme des retraites

M. le président. La parole est à M. Michel Heinrich, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Michel Heinrich. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

M. Patrick Roy. Et du chômage !

M. Michel Heinrich. Elle concerne la sauvegarde de notre régime de retraites, qui est notre premier dispositif de solidarité.

Ce système est aujourd’hui menacé, sous l’effet du vieillissement démographique.

M. Maxime Gremetz. Arrêtez !

M. Michel Heinrich. Le Conseil d’orientation des retraites, organisme indépendant qui réunit notamment les partenaires sociaux, ainsi que des parlementaires de toutes tendances, a rendu un constat sans appel. Nous avons aujourd’hui 1,8 cotisant pour 1 retraité. En 2020, ce sera 1,5, et en 2050, 1,2.

Dès 2010, une retraite sur dix n’est plus financée. Si nous ne faisons rien, le déficit; qui est aujourd’hui de 32 milliards d’euros, sera de 45 milliards en 2020, de 70 milliards en 2030, et supérieur à 100 milliards en 2050. La crise a par ailleurs accéléré le processus de chute des recettes.

Le Président de la République et le Gouvernement ont décidé de prendre ce problème à bras-le-corps.

Monsieur le ministre, vous êtes chargé de ce dossier. Je voudrais saluer votre détermination et votre engagement – et j’en dirai de même de Georges Tron – pour mener à bien cette réforme. Depuis le 12 avril, vous avez entrepris une longue série de réunions de concertation avec les partenaires sociaux, les partis politiques, et les organisations syndicales de la fonction publique.

Vous avez par ailleurs affirmé à plusieurs reprises la volonté totale du Gouvernement de réaliser une réforme efficace et juste respectant le principe de solidarité. Vous avez publié le document d’orientation du Gouvernement sur la réforme des retraites, document qui se nourrit de la première phase de concertation qui a été menée. Vous avez écarté d’emblée la proposition du cercle de réflexion proche du parti socialiste…

M. le président. Merci.

M. Michel Heinrich. …qui souhaitait mettre les retraités à contribution.

Pouvez-vous nous exposer les grandes lignes de la réforme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Maxime Gremetz. Le ministère a rédigé une question trop longue !

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique . Monsieur le député, depuis un mois, je mène, sous l’autorité du Premier ministre et du Président de la République, une concertation très approfondie sur l’évolution, sur la réforme de notre système de retraites.

M. Maxime Gremetz. Simagrées !

M. Jean-Paul Lecoq. Baratin !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Nous avons rencontré les partenaires sociaux, les partis politiques, des associations, les experts, les parlementaires. Au sein du groupe UMP, comme du groupe Nouveau Centre d’ailleurs, vous avez organisé cette réflexion, et je m’en félicite.

Cette phase de concertation a été très dense et très utile. Elle nous a permis de mettre sur la table un document d’orientation qui précise ce que veut le Gouvernement, ainsi que les portes qu’il laisse ouvertes, et elles sont nombreuses, pour approfondir cette concertation pendant encore le mois qui vient. En même temps, elle a permis au Gouvernement de dire quelles pistes il ne veut pas explorer, et pour quelles raisons. Sur ce sujet des retraites, nous nous engageons de façon précise.

Nos engagements portent d’abord sur la garantie de notre système par répartition. Au fond, il s’agit de garantir les retraites d’aujourd’hui comme celles de demain. C’est un engagement très fort.

Il s’agit aussi de ne pas se tromper de réponse, en apportant à un problème démographique une réponse démographique.

M. Maxime Gremetz. Arrêtez, monsieur le ministre ! Pas vous !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Ne nous trompons pas de réponse.

Troisièmement, il faut conforter la solidarité et l’équité entre les Français, de tous âges et de toutes professions, qu’ils soient fonctionnaires ou salariés du secteur privé.

Voilà les trois engagements, les trois idées forces qui sont les lignes directrices de ce document.

Je mets en garde, en réalité, l’opposition contre toute escalade démagogique sur ce sujet, comme je la mets en garde contre toute solution reposant…

M. le président. Merci.

M. Éric Woerth, ministre du travail. …sur l’illusion. Il n’y a pas de magie dans ce dossier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Souveraineté des politiques budgétaires

M. le président. La parole est à M. André Gerin, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Gerin. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Chers collègues, vous pouvez dire merci à M. Barroso. Le budget de la France sera décidé à Bruxelles, et les ministres des finances auraient donné leur accord cette nuit.

M. Jean-Jacques Candelier. C’est un scandale !

M. André Gerin. Toujours plus aux spéculateurs de la finance, qui s’en donnent à cœur joie.

Les faillites du capitalisme, c’est le marché unique, Maastricht, Lisbonne, et la tutelle de la BCE. Les ogres de la finance mènent la danse. C’est l’humiliation des Grecs. C’est le viol des souverainetés nationales, car les Français ont dit non à l’Europe du grand capital.

La France est amputée, abaissée. Il faut dire aujourd’hui la vérité aux Français. Le chaos européen se profile. Vous maintenez coûte que coûte l’euro, en sacrifiant le bien-être, la prospérité de la France.

Vous abandonnez la souveraineté. Or le maintien de l’euro est un leurre. Arrêtons cette folie. Sortons des griffes des spéculateurs. Nationalisons le secteur bancaire.

M. Philippe Briand. Où est votre groupe, monsieur Gerin ?

M. le président. Monsieur Briand !

M. André Gerin. Êtes-vous prêts à débattre pour sortir de la monnaie unique ?

Rendons aux monnaies nationales leur liberté, en sortant du statu quo . Pour gagner la bataille de l’emploi, de la croissance, des coopérations, faites sauter le tabou de l’euro. C’est urgent.

Philippe Briand. Où est votre groupe ?

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Monsieur le député, face aux attaques contre notre monnaie depuis plusieurs semaines, je ne suis pas sûr que vos recettes soient nécessairement les meilleures. Le Gouvernement français et le Président de la République se sont mobilisés, avec nos partenaires,…

M. Maxime Gremetz. Pour faire payer le peuple grec !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. …pour bâtir un système de garanties sans précédent, sur lequel je ne reviens pas. François Baroin en parlait tout à l’heure : 500 milliards d’euros de garanties, plus 250 milliards du FMI.

C’est aussi et surtout un système sans précédent sur le plan politique. Jusqu’à présent, dans la zone euro, chaque État était responsable de ses comptes. Et il était même interdit aux autres États de lui venir en aide. Avec le plan qui a été adopté il y a huit jours, nous avons la mise en place d’un système de garanties en commun, l’intervention de la Banque centrale en soutien aux États pour refinancer les dettes là où elles ne peuvent pas être prises en compte par les marchés. C’est donc un système sans précédent.

Le corollaire de cette garantie, monsieur Gerin, dans le respect des droits souverains des parlements nationaux, c’est naturellement la coordination des politiques économiques et la surveillance mutuelle des budgets.

M. André Gerin. Ce n’est pas vrai !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. C’est à cela que travaille le Gouvernement en ce moment.

Renforcement, en effet, monsieur Caresche, du pacte de stabilité. Il n’y a pas que Mme Merkel qui le souhaite. Le Président de la République le souhaite aussi.

Plan de croissance, notamment ciblé sur les secteurs stratégiques.

Et, enfin, coordination des politiques budgétaires, dans le cadre de l’Eurogroupe, lequel mérite d’être renforcé.

Mesdames, messieurs, ce qui se joue aujourd’hui, au-delà des attaques contre l’euro, ce sont aussi des attaques contre l’Europe. Nous entendons nous donner les moyens de gagner cette bataille. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Plan de sécurité pour les personnes âgées

M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Édouard Courtial. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

Les personnes âgées sont trop souvent victimes d’agressions aussi scandaleuses que traumatisantes. J’en veux pour preuve ce qui s’est passé vendredi dernier à Tourcoing, dans la circonscription de notre collègue Christian Vanneste. À minuit et demie, un homme âgé de quatre-vingt-un ans était surpris dans son sommeil par deux individus masqués qui avaient pénétré dans son domicile en fracturant la porte de son garage. L’un des deux individus l’a frappé tout en lui demandant d’ouvrir son coffre-fort. N’écoutant que son courage et prétendant aller chercher la clé du coffre dans un meuble, la victime a réussi à échapper à ses agresseurs.

Cette agression, comme toutes celles commises à l’encontre des personnes âgées, est tout simplement intolérable. Une personne âgée vit souvent seule et est parfois affaiblie physi quement. Elle peut plus facilement faire l’objet d’escroqueries, de cambriolages ou de fraudes à la carte bancaire, et a donc plus de raisons de vivre dans la crainte.

Sur votre proposition, monsieur le ministre, le Premier ministre m’avait chargé d’une mission,…

M. Maxime Gremetz. Ah !

M. Édouard Courtial. …le 23 novembre dernier, pour évaluer et préciser les besoins de sécurité liés au vieillissement de la population. Cette nouvelle agression démontre la nécessité d’apporter une réponse spécifique à ces violences ciblées sur les personnes âgées.

Je sais que vous y êtes personnellement très attentif. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Pouvez-vous préciser à la représentation nationale les principes et le calendrier du plan d’action que vous avez décidé de mettre en œuvre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le député, nos aînés sont effectivement de plus en plus nombreux, et c’est une bonne nouvelle. En 2000, les personnes de plus de soixante-quinze ans étaient 4,5 millions ; elles sont 5 millions aujourd’hui, et seront aux alentours de 6 millions en 2015. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Cette situation a un corollaire : souvent plus fragiles physiquement, plus isolées socialement, ces personnes constituent naturellement des cibles pour les délinquants. C’est une réalité mais pas une fatalité.

Sur la base du rapport que le Premier ministre vous a demandé de rédiger, nous avons engagé un plan de sécurité en faveur des personnes âgées (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) , qui comporte plusieurs mesures.

La première est le lancement de l’opération « Tranquillité seniors », qui permettra à toute personne se sentant isolée, inquiète, menacée, de se signaler auprès des services de police et de gendarmerie afin que des rondes, des visites puissent être organisées de manière régulière. (Brouhaha sur les bancs du groupe SRC.)

Deuxième mesure : un effort de pédagogie de la part des responsables locaux de police et de gendarmerie, qui expliqueront les précautions à prendre, notamment grâce à la diffusion d’un document pratique, de façon individuelle ou par le biais de réunions de clubs de troisième âge, comme celle à laquelle nous avons participé ensemble, hier après-midi, à Agnetz.

La troisième mesure consiste à renforcer les sanctions. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Cela a déjà été le cas lors de la discussion à l’Assemblée nationale de la LOPPSI. Je proposerai l’allongement du délai de prescription pour les délits d’abus financiers, car nous avons observé que, malheureusement, ces délits sont révélés au moment des successions.

La sécurité des personnes âgées est un défi. (« Une loi ! Une loi ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je vous en prie !

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Vous le voyez, le Gouvernement est totalement mobilisé et déterminé à le relever. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Financement du RSA et situation budgétaire des départements

M. le président. La parole est à M. Henri Nayrou, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Henri Nayrou. Monsieur le président, ma question, bien moins téléphonée que la précédente, porte sur la remise en cause forcée du financement du revenu de solidarité active par les départements, pratiquement acculés, toutes tendances confondues, à la banqueroute. Un RSA mis en place par l'État, qui leur avait promis une compensation à l'euro près, une formule bonne fille mais de mauvaise foi.

Il faut croire le sénateur Bruno Sido, président d’un conseil général UMP, quand il écrit que « les recettes initiales transférées aux départements pour faire face à ces dépenses sociales se sont révélées largement insuffisantes ». Il faut croire aussi Gilles Carrez quand il commente dans le même sens le rapport de la Cour des comptes. L'écart est aujourd'hui de 4 milliards d'euros, et il va s'amplifier tant la crise et votre goût pour une justice fiscale à géométrie très variable augmentent le nombre de recours au RSA comme autant de bouées de sauvetage.

Au conseil général de I'Ariège, le RSA a connu, de fin 2009 à fin 2010, une progression de 12 %, à 23 millions d’euros, alors que l'État s'en tient aux 19 millions de départ. M. Sido a raison de conclure que le statu quo n'est pas tenable. En Ariège d’ailleurs, Augustin Bonrepaux, qui n'était pas connu ici pour ses promesses à la guimauve, annonce qu'il ne versera plus d'allocations RSA dès qu'aura été atteint le prévisionnel 2010.

Je vous pose donc la question : quand et comment allez-vous respecter à la fois les contribuables des départements et les titulaires du RSA ?

Comme je me suis bien gardé d'user d'un ton polémique pour m'en tenir aux seuls chiffres, je vous saurais gré, dans votre réponse, de ne pas tourner autour du pot : quand, comment et combien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC, plusieurs députés mimant avec leurs doigts un découpage aux ciseaux.)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le député, votre question appelle trois remarques.

D’abord, je ne peux pas vous laisser dire que les départements sont acculés à la banqueroute, pour reprendre votre expression. D’ailleurs, conformément à la loi, tous les départements ont voté leur budget primitif 2010 en équilibre ; tous, sauf deux, qui ont voté un budget insincère, donc illégal, et dont la chambre régionale des comptes s’est saisie. (Protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Ensuite, les départements bénéficient d’un effort financier important de l’État : alors qu’il a lui-même subi, du fait de la crise, une baisse de 25 % de ses recettes fiscales, les dotations aux départements ont augmenté de 0,6 % en 2010. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Nous avons maintenu, avec le fonds de mobilisation départemental pour l’insertion,…

M. Alain Néri. Payez vos dettes !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. …500 millions d’euros, qui viennent abonder le financement du RSA, lequel s’élève tout de même à 5,5 milliards d’euros.

M. Claude Bartolone. C’est Canal Plus sans le décodeur !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Enfin, nous ne restons pas inactifs face aux problèmes que connaissent les départements, qu’ils soient urbains ou ruraux. Le Premier ministre a récemment reçu M. Jamet à qui il avait confié une mission ; il le rencontrera à nouveau le 1 er  juin prochain, cette fois et comme il s’y était engagé, avec le bureau de l’Assemblée des départements de France. Des mesures concrètes seront annoncées à cette occasion.

Par ailleurs, je signale la remontée significative des droits de mutation : avec plus 40 % depuis le début de l’année, ils constituent une belle ressource pour les départements. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Le travail que je viens d’évoquer sera complété par la recherche d’une péréquation pour les départements ruraux, comme le vôtre, monsieur le député. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Profanation de tombes harkies

M. le président. La parole est à M. Jacques Remiller, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jacques Remiller. Monsieur le président, ma question, que je pose avec beaucoup d’émotion, s’adresse à M. le secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants.

Vendredi matin, des familles venues se recueillir sur les tombes de leurs parents harkis ont découvert des inscriptions injurieuses sur quatre tombes du carré musulman du cimetière de Vienne. L’ensemble de la population de la ville est aujourd’hui en émoi.

Je tiens tout d'abord à assurer les familles de ces Français, par le sang versé, de notre indignation et de notre soutien. (Applaudissements sur de très nombreux bancs.) Hier soir, nous étions à leurs côtés, avec tous les représentants des confessions musulmanes dans leur ensemble, juives et chrétiennes, ainsi que le représentant de l’État, pour nous recueillir en présence du recteur de la mosquée de Lyon.

Ces actes odieux, ignobles et racistes portent atteinte à l'honneur de personnes qui se sont engagées avec la France ; ils sont inacceptables et ne peuvent rester impunis.

Monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures le Gouvernement entend-t-il mettre en œuvre afin de protéger les cimetières, et plus précisément les tombes de nos anciens combattants ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur Remiller, comme vous et l’ensemble de la représentation nationale, j’ai été profondément choqué par la profanation de plusieurs sépultures du cimetière de Vienne.

Ces profanations ont visé les tombes de ceux qui avaient fait le choix de la France. Ces actes sont odieux. Ces actes sont racistes. Ces actes portent atteinte à la République et à ses valeurs. Ces actes ‑ troubler la paix, salir la mémoire de ceux qui se sont battus pour la France – portent atteinte à la civilisation. Ces actes sont une expression de sauvagerie.

Vous connaissez, mesdames, messieurs les députés, la volonté et la fermeté du Gouvernement. La réponse du Président de la République et du Premier ministre, notre réponse est la condamnation morale et la sanction pénale. Mes collègues Mme Michèle Alliot-Marie et M. Brice Hortefeux mettront tout en œuvre pour retrouver et punir sévèrement les auteurs de ces actes.

Monsieur le député, mon attention, comme la vôtre, en ce moment douloureux, est tout entière tournée vers la communauté harkie. Nous voulons lui exprimer ensemble notre émotion et notre solidarité.

Au-delà de ce moment difficile, je poursuivrai avec les harkis le travail de mémoire que nous avons engagé, afin qu’ils puissent occuper la place qui est la leur dans la communauté nationale. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Mesures du CIADT

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-Paul Chanteguet. Monsieur le ministre de l'espace rural et du développement du territoire, alors que la France rurale doute et s’inquiète car elle est confrontée au désengagement de l’État dans les campagnes au travers de la réorganisation de la carte militaire et judiciaire, de la restructuration et de la fusion de ses services, de la fermeture de bureaux de poste, ainsi que du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, vous avez réuni la semaine dernière, dans la plus grande discrétion, un CIADT qui ne dura pas plus de quarante-cinq minutes.

Un CIADT dont les décisions ne permettront pas d’inscrire dans les faits la révolution rurale promise par Nicolas Sarkozy dans le Loir-et-Cher, à la veille des élections régionales. Ne déclarait-il pas vouloir inventer l’avenir du monde rural et créer une véritable nouvelle économie ?

C’est un catalogue de mesures déjà annoncées par les différents ministères, financées sans déblocage de crédits supplémentaires mais uniquement par des redéploiements et le grand emprunt, sous forme de prêts, qui fut présenté.

Alors que plus de 11 millions de Français vivent à la campagne et que plusieurs millions de citadins y ont un projet de vie, la politique de la ruralité ne peut se réduire à un soutien à quelques pôles de compétitivité ruraux ou à une contribution au financement des maisons médicales, que les collectivités, conscientes de leur responsabilité, assument déjà, ou encore à une proposition, dont chacun pourra mesurer le caractère innovant et structurant, visant à mettre en place une chaîne de commercialisation des produits de la chasse.

Monsieur le ministre, ni vous, ni le Président de la République n’avez pris la mesure du sentiment d’abandon et de déshérence de ces populations, dont le malaise est aujourd’hui renforcé par la crise agricole et la chute des revenus. Le moment n’est-il pas venu d’instaurer un véritable bouclier rural, nouveau droit opposable et garant de l’égalité des hommes et des territoires ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Monsieur Chanteguet, votre présentation du CIADT est un peu caricaturale.

Il y a une semaine, sous la présidence de M. le Premier ministre, le CIADT s’est réuni et il a arrêté une quarantaine de mesures en faveur des territoires ruraux. Ce ne sont pas des mesurettes. En effet, 5 milliards d’euros ont été mis sur la table – moitié pour des dépenses d’investissement d’avenir à travers le grand emprunt et moitié par des redéfinitions de l’emploi de crédits.

Ces mesures, demandées et attendues par les populations, sont des remontées des assises des territoires ruraux.

D’abord, l’accès aux nouvelles technologies. Il n’y aura plus de zones blanches fin 2010 : les territoires ruraux auront accès au haut débit, et le très haut débit sera lancé et financé au titre des dépenses d’avenir.

Ensuite, l’accès aux services publics, notamment aux maisons de santé pluridisciplinaires, qui sera financé à la fois par le ministère de la santé et par le ministère d’aménagement du territoire.

Enfin, la refonte de la charte d’accès aux services publics.

Vous pouvez constater, monsieur Chanteguet, qu’il s’agit de mesures concrètes. C’est le signe tangible pour les territoires ruraux de notre souci de leur assurer toute la vie nécessaire.

États généraux de l’industrie et pôles de compétitivité

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Gaultier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Jacques Gaultier. Monsieur le ministre chargé de l’industrie, pour aller plus loin, plus fort dans la lutte en faveur de la compétitivité de notre pays, pour préparer l’industrie française à relever les défis de demain et l’accompagner, au-delà de la crise, vers des marchés porteurs de croissance et d’emplois, de nombreux moyens ont été mis en œuvre : la réforme de la taxe professionnelle, la création du fonds stratégique d’investissement, l’amélioration sans précédent du crédit d’impôt-recherche et la mise en place des pôles de compétitivité.

Le CIADT du 11 mai dernier a établi une nouvelle carte de France des pôles de compétitivité, en délabellisant certains – ceux qui n’avaient pas répondu à toutes les espérances placées en eux, suite à l’évaluation de BCG et CM International – et en labellisant d’autres, en particulier six pôles centrés sur les écotechnologies – notamment sur la thématique de l’eau, en Lorraine et Alsace, dans les Vosges à Vittel et Contrexéville.

L’eau est un enjeu majeur du XXI e  siècle : un milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable ; deux milliards n’ont pas accès à l’assainissement. Dans vingt-cinq ans seulement, deux hommes sur trois pourraient manquer d’eau. J’ajoute que le marché de l’eau a été estimé à près de 200 milliards d’euros annuels.

Après la séance des questions au Gouvernement, vous ferez à Bercy, monsieur le ministre, un point d’étape sur les états généraux de l’industrie lancés le 15 octobre dernier à la demande du Président de la République. Pouvez-vous d’ores et déjà nous préciser les moyens alloués aux nouveaux pôles de compétitivité sur les écotechnologies ainsi que le calendrier et les effets attendus de la mise en place des vingt-trois mesures définies à l’occasion des états généraux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. En effet, monsieur le député, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, je ferai tout à l’heure un point d’étape sur la mise en œuvre des états généraux de l’industrie.

Sur les vingt-trois mesures décidées lors de ces états généraux, douze ont déjà été engagées, comme la désignation d’un médiateur de la sous-traitance. Afin de favoriser le « produire en France », il est essentiel que les gros industriels fassent en priorité appel à nos équipementiers et nos sous-traitants et privilégient les composants français.

Je rappelle également les 500 millions d’euros de prêts verts aux entreprises, les 200 millions d’euros en faveur de la réindustrialisation, les 100 millions d’euros d’aides destinées aux start-up créées par de jeunes universitaires.

En outre, dans les dix semaines qui viennent – j’en prends l’engagement –, nous mettrons en place la Conférence nationale de l’industrie. Laure de la Raudière, députée du groupe UMP, présidera une mission de simplification de la réglementation en faveur de l’industrie. Avec Christine Lagarde, nous désignerons un ambassadeur de l’industrie auprès des instances européennes et annoncerons un plan d’épargne ; une part des 1 250 milliards d’euros épargnés sur l’assurance-vie seront déplacés pour couvrir des investissements d’avenir de l’industrie.

Vous avez, monsieur le député, rappelé la politique des pôles de compétitivité. En effet, sous la présidence de François Fillon et sur proposition de Michel Mercier et de moi-même, nous avons, la semaine dernière, labellisé six écopôles de technologie, notamment sur l’eau comme le suggéraient les élus de Lorraine et d’Alsace : je rappelle votre rôle pour la création du pôle consacré à la qualité des eaux continentales. Au moment où nous enregistrons une reprise des commandes industrielles, ces initiatives sont importantes.

Dixième mois des bourses universitaires

M. le président. La parole est à M. Pascal Deguilhem, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Pascal Deguilhem. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Les étudiants, notamment les étudiants boursiers, sont particulièrement frappés par la crise économique et beaucoup connaissent une situation sociale très dégradée. Pour nombre d'entre eux, cette situation est une cause de renoncement à la poursuite d'études ou d'acceptation de conditions de vie indignes d'un pays qui souhaite faire de l'économie de la connaissance une priorité.

Ce sont 500 000 étudiants boursiers qui avaient accueilli favorablement l'annonce faite au mois de septembre dernier par le Président de la République de l'instauration d'un dixième mois de bourse pour compenser l'allongement de l'année universitaire. Cette annonce ne faisait, en fait, que confirmer la réalité du calendrier universitaire pour la quasi-totalité des étudiants, ainsi que le paiement déjà effectif sur dix mois des résidences universitaires.

Lors de l'examen des crédits budgétaires au mois de novembre dernier, nous avions alerté Mme  la ministre de l’enseignement supérieur sur l'absence du financement de cette mesure de justice sociale. Rien, pas même le premier euro, n’était inscrit sur les 160 millions nécessaires pour répondre à l'engagement du Président de la République et à l'attente des étudiants.

Aujourd'hui, à quelques mois de la rentrée de septembre, mois au cours duquel les étudiants et leurs familles ont à faire face à des dépenses très lourdes‚– frais d'inscription, caution, déménagement, installation –, aucune garantie n'est apportée quant au versement du dixième mois de bourse.

Bien au contraire, Mme la ministre tergiverse en invoquant des contreparties pourtant déjà satisfaites, et le groupe de travail qu’elle a mis en place n'a débouché sur rien.

Afin que nous ne mettions pas en doute ses bonnes intentions, le Gouvernement peut-il indiquer à la représentation nationale si Mme la ministre disposera bien, dans les semaines qui viennent, des 160 millions nécessaires au financement de la mesure et si tous les étudiants boursiers pourront en bénéficier ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Je souhaite d’abord excuser l’absence de Valérie Pécresse, qui conduit une délégation de chercheurs et d’universitaires à Munich.

Vous l’avez rappelé, monsieur le député, 530 000 étudiants bénéficient d’une bourse, soit un étudiant sur trois. Nous avons réformé en profondeur notre système d’aide sociale à destination des étudiants pour l’élargir, le simplifier et le rendre plus juste.

Depuis l’an dernier, nous avons élargi l’accès du régime des bourses à 50 000 étudiants supplémentaires et nous avons consenti un effort financier de près de 10 % pour les 100 000 étudiants défavorisés. Au total, pour l’année universitaire 2009-2010, ce sont 50 millions d’euros supplémentaires qui sont mobilisés pour les bourses étudiantes. (« Vous ne répondez pas à la question ! » sur les bancs du groupe SRC.)

En ce qui concerne le dixième mois de bourse, engagement du Président de la République que le Gouvernement tiendra, tous les étudiants boursiers qui feront une année universitaire complète de dix mois bénéficieront de cette mesure à la rentrée prochaine.

Aujourd’hui, 70 % des étudiants font plus de neuf mois d’études. Les 30 % restants ont également droit à une formation complète, à un temps de travail personnel, à des enseignements complémentaires ou à du tutorat. C’est la raison pour laquelle Valérie Pécresse a engagé une discussion avec les présidents d’université. Sur la base d’un cahier des charges, toutes les universités doivent s’engager à organiser l’année universitaire sur dix mois d’ici à la prochaine rentrée, pour que tous les étudiants bénéficient du dixième mois de bourse.

Notre objectif est clair, monsieur le député : 100 % d’étudiants à dix mois de cours, donc 100 % de boursiers à dix mois de bourse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Accès des territoires ruraux au très haut débit

M. le président. La parole est à M. Francis Saint-Léger, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Francis Saint-Léger. Je souhaite interroger Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique, à propos de l’aménagement numérique de notre pays, en particulier de la nécessité de favoriser la montée en débit et de faciliter l’égal accès de tous au très haut débit.

Nous le savons, l’économie numérique est l’une des priorités du Gouvernement. Une part importante des investissements d’avenir – 4,5 milliards d’euros – lui sera consacrée.

De fait, il est essentiel de développer les infrastructures numériques. Tous nos territoires, sans exception, doivent bénéficier au plus vite d’un débit maximal et de qualité, afin que les besoins croissants et légitimes des usagers soient satisfaits.

En rappelant l’importance de la ruralité et de l’équité territoriale, le Président de la République a fixé un objectif clair et ambitieux : couvrir 100 % du territoire national en très haut débit dès 2025.

Mais 2025 est encore loin, et les habitants des territoires ruraux se doutent bien qu’ils ne seront pas les premiers servis. En effet, à l’évidence, les zones les moins peuplées, les moins denses – dont la Lozère fait partie‚–, sont les moins rentables. Les opérateurs n’y investiront donc pas spontanément pour amener la fibre optique jusqu’au domicile des particuliers.

Madame la secrétaire d’État, tous ici connaissent votre détermination et votre volonté d’agir. La question que je souhaite vous poser est double. D’abord, de quelle manière le Gouvernement compte-t-il répondre rapidement aux attentes de nos territoires les plus fragiles, qui ne veulent pas être oubliés et souhaitent bénéficier de meilleures offres de service ? Ensuite, tous nos concitoyens pourront-ils bénéficier rapidement et équitablement de tous les effets du programme national « très haut débit » ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique. Monsieur le député, le numérique, l’accès au haut et au très haut débit, c’est bien sûr l’accès rapide aux usages et aux services numériques ; c’est aussi, et peut-être d’abord, un gisement d’emplois directs et indirects et un facteur décisif de développement et d’aménagement du territoire.

Voilà pourquoi le Président de la République et le Premier ministre ont décidé, vous l’avez souligné, de consacrer au numérique, au titre des investissements d’avenir, 4,5 milliards d’euros, dont 2 iront entièrement aux réseaux.

Ces 2 milliards seront exclusivement orientés vers les zones moyennement et peu denses. En effet, les zones les plus denses n’ont pas besoin de soutien public : les opérateurs y suffisent. L’argent du grand emprunt sera donc tout entier investi dans les réseaux des zones moyennement et peu denses.

Ce programme, issu d’une large concertation, sera lancé rapidement ; il sera précisé à l’été. Des soutiens financiers seront versés en contrepartie de garanties en termes de couverture du territoire. Nous chercherons naturellement à produire un effet de levier maximal sur les opérateurs privés, mais nous soutiendrons aussi l’action des collectivités territoriales, en particulier dans les zones les moins denses, dont la situation, vous l’avez rappelé, est plus difficile.

Toutes les technologies seront mises à profit – non seulement la fibre optique, dont on parle beaucoup, mais également le satellite ou les technologies hertziennes, sans exclusive aucune. L’objectif est d’offrir à tous les Français, le plus rapidement possible, l’accès au haut et au très haut débit, quelle que soit la technologie utilisée.

En outre, comme vous le demandez, l’amélioration des débits DSL pourra recevoir un soutien dans le cadre des schémas territoriaux d’aménagement numérique.

En somme, vous l’aurez compris, il s’agit de permettre à tous les Français, et d’abord aux plus défavorisés en termes d’accès à internet, de bénéficier des investissements d’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Processus électoral au Burundi

M. le président. La parole est à M. Jean-René Marsac, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-René Marsac. Monsieur le ministre des affaires étrangères, en tant que président du groupe d’amitié France-Burundi de notre assemblée, je souhaite vous interroger sur l’action de la France dans le processus électoral que va vivre le Burundi entre le 21 mai et le 7 septembre, à tous les échelons, des élections locales à l’élection présidentielle.

Ce pays de huit millions d’habitants a connu la guerre civile entre 1993 et 2000. La transition vers la paix et la démocratie a permis la tenue d’élections dans de bonnes conditions en 2005. Pourtant, et même si les combattants et les enfants soldats ont été progressivement réintégrés dans la vie civile – dans l’armée ou dans la police‚–, le dernier accord ne date que d’un an et la paix reste très fragile. L’aboutissement d’une transition pacifique sera porteur d’espoir pour toute la région des grands lacs africains, mais un échec du processus électoral de 2010 serait désastreux pour le pays et pour ses voisins.

Le bureau intégré des Nations unies au Burundi assure sa mission de maintien de la paix jusqu’à la fin de l’année 2010. Toutefois, plusieurs rapports d’organisations internationales évoquent des actes violents – attaques et agressions – survenus ces derniers mois. Ces actes se font plus nombreux à l’approche des élections. D’autre part, d’importants mouvements sociaux se développent et des grèves ont lieu. Le gouvernement et les partis politiques burundais affirment vouloir garantir un processus électoral pacifique mais, en raison des six scrutins prévus entre le 21 mai et le 7 septembre, il s’agit d’une période à haut risque.

Monsieur le ministre, quelle est votre perception de la situation au Burundi ? Et dans quelle mesure la France contribue-t-elle à l’organisation des élections, au suivi et à la réussite du processus électoral ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Monsieur Marsac, le Burundi entame en effet cette semaine un processus électoral complexe, mais décisif pour la politique de réconciliation engagée il y a dix ans, après les accords d’Arusha. Vous le savez, la France a toujours soutenu ces accords, conclus après les massacres interethniques du milieu des années 90.

Dans les semaines à venir, du 21 mai au 7 septembre, le Burundi renouvellera toutes ses institutions : élections communales en mai, présidentielle en juin, législatives et sénatoriales en juillet, locales en septembre.

L’Union européenne est très investie dans ce processus, auquel elle apporte une contribution de 5 millions d’euros et une trentaine d’observateurs, dont la France, qui envoie pour sa part quatre personnes et 900 000 euros au titre du PNUD.

À ce jour, le climat pré-électoral est relativement calme sur tout le territoire. Il est néanmoins marqué – vous l’avez noté – par plusieurs incidents graves, mais isolés, que nous déplorons. Le bureau intégré des Nations unies au Burundi confirme que la préparation technique est en bonne voie, malgré les risques d’incidents dus à l’imprécision de certaines listes électorales, notamment à des problèmes qui concernent les cartes d’électeurs, et qui pourraient donner lieu à des contentieux.

Nous surveillons tout cela avec attention, car la France est très attachée à la stabilité de ce pays, vitale pour la région des grands lacs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Éloge funèbre d’Arlette Franco

(Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent.)

M. le président. Madame, monsieur le ministre des relations avec le Parlement, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, Arlette Franco nous a quittés, elle, si dynamique, dont la disparition nous a plongés dans une profonde tristesse. C’est à une femme de conviction que nous rendons hommage aujourd’hui, une femme de conviction et d’action.

Sa force d’âme, vous l’avez connue comme moi. « Le caractère, vertu des temps difficiles », comme le disait de Gaulle, elle n’en manquait pas. Et ce sont ses combats, jusqu’à son dernier, courageux et intime, contre la maladie, qui lui ont forgé ce caractère trempé et attachant. Ceux qui ont travaillé à ses côtés, dans son sillage, s’en souviendront toujours.

Femme de passion et d’engagement, Arlette Franco a eu plusieurs vies. Elle a surtout eu un destin. La « Dame de Canet » fut conseillère municipale pendant dix-huit ans avant d’être élue maire de Canet-en-Roussillon, en 1989. Ses administrés l’ont réélue en 1995, puis en 2001, au premier tour de scrutin, et encore en 2008. Ce sont trente-neuf années qu’elle aura ainsi consacrées à sa ville chérie et à ses habitants qu’elle aimait tant.

Arlette Franco a passé sa vie à servir, servir, au sens noble du terme : servir la France, les autres, les Canétois en particulier qui appréciaient ses qualités, son écoute et sa ténacité. Arlette Franco était de ces élus de terrain qui comprennent leurs concitoyens, qui partagent leurs espoirs, leurs inquiétudes et qui savent relayer leurs préoccupations. Elle fut une élue locale au sens plein du terme, ne dissociant jamais l’humanité de l’efficacité.

Élue conseillère régionale du Languedoc-Roussillon en 1992, Arlette Franco est devenue vice-présidente du conseil régional en 1995. Elle le restera jusqu’en 1998.

C’est en 2002 qu’elle est devenue députée des Pyrénées-Orientales, un mandat qui lui sera renouvelé en 2007. Pour elle, était alors venu le « temps de l’action », comme elle l’écrivait dans sa profession de foi : l’action législative au plan national.

À l’Assemblée, elle siégea au sein de la commission des affaires économiques et de la délégation pour l’Union européenne. Ouverte au monde, elle avait fait sienne l’idée européenne. En 2006, elle se rendit en Belgique pour une mission sur l’avenir du traité constitutionnel et sur la stratégie de l’élargissement. En 2007, c’est en Irlande qu’elle partit défendre le traité simplifié.

Qu’il s’agisse des retraites agricoles, des rapatriés, de la transmission d’entreprise, aucun domaine ne resta étranger à son activité législative, même si elle s’est plus spécialement consacrée à un secteur d’activité pourvoyeur d’emplois et de devises, le tourisme. À Paris comme en Roussillon, elle s’est s’efforcée, avec succès, d’améliorer le cadre juridique dans lequel opèrent les professionnels de l’hôtellerie et des loisirs. En décembre 2002, c’est le Premier ministre qui lui confie une mission parlementaire sur la formation des métiers du tourisme. De 2007 à 2009, Arlette Franco préside le groupe du travail « Transports, tourisme et territoire » de la commission des affaires économiques.

Au tourisme se sont ajoutés l’agriculture, l’hôtellerie, le commerce et l’artisanat. Ainsi Arlette Franco déposa-t-elle une importante proposition de loi, votée en 2005, sur le statut du conjoint collaborateur chez les artisans et les commerçants, une avancée majeure dont les femmes d’artisans lui furent reconnaissantes.

Arlette Franco aimait la politique. Jusqu’au bout, elle s’est battue, remplissant son mandat avec vaillance, malgré la fatigue, malgré les épreuves. Je veux exprimer ici notre admiration à son égard, nous qui l’avons vu assumer avec énergie ses responsabilités parlementaires.

Elle aimait la politique, celle du courage et du bon sens, la politique du cœur. Elle aimait aussi le sport. Nageuse de haut niveau, Arlette Franco a multiplié les activités dans le domaine sportif et fut notamment vice-présidente de la fédération nationale de natation. Impliquée dans la vie associative, à Canet comme dans les Pyrénées-Orientales, elle fit preuve d’un véritable militantisme pour la démocratisation des pratiques sportives.

Elle aimait aussi les belles-lettres et la poésie. Femme de culture, Arlette Franco avait commencé sa carrière en enseignant et n’a jamais cessé d’aimer les mots, ceux des autres, les grands, Victor Hugo ou Dostoïevski, ceux des enfants du pays aussi, Brassens ou Charles Dumont, et puis les siens, les mots qu’elle nous a laissés il y a quelques semaines seulement, dans un livre d’entretiens écrit avec son collaborateur et ami Michel Sitja. Dans L’Or du temps , Arlette Franco nous a livré ses illusions, ses tristesses, ses passions, nous laissant le testament moral d’une députée aux multiples talents.

Mes chers collègues, je ne me suis arrêté que sur quelques fragments de la vie publique et des combats d’une femme militante et fidèle à ses engagements, digne et courageuse, qui a connu le siècle alors que la Seconde Guerre mondiale éclatait, la vie d’une gaulliste de cœur, fervente et constante, les fragments d’une vie tout court, celle d’un être profondément humain qui, loin des faux-semblants, nous a transmis un dernier message sans concession, celui que l’on peut transmettre lorsque l’on a accompli sa destinée et qui tient à l’essentiel : la passion de la vie.

À sa fille Dominique, à son petit-fils David, à ses arrière-petits-enfants dont elle était si fière, à ses collaborateurs, à sa famille et à ses compagnons gaullistes, à ses amis du groupe UMP, au nom des députés de l’Assemblée nationale et en mon nom personnel, je présente mes condoléances attristées.

La parole est à M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement.

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, chère madame, le 31 mars dernier, la maladie emportait Arlette Franco. Avec elle, s’est éteint ce sourire qu’elle arborait dans les couloirs de l’Assemblée nationale et qui était pour chacun d’entre nous une leçon d’humanité et peut-être, de manière plus prosaïque, un soutien de chaque instant.

La République a perdu l’une de ses filles, en qui elle aimait à se reconnaître.

Pendant près de quarante ans, Arlette Franco a fait honneur aux différents mandats électifs qu’elle a assumés avec ce même courage qui l’animait dans ses derniers instants, alors qu’elle luttait contre la maladie. Puisse ce courage, admirable, nous inspirer, nous qui demeurons après elle et qui devons supporter son absence. C’est par l’hommage et le culte du souvenir que nous devons continuer à célébrer son engagement au service de la collectivité.

La personnalité d’Arlette Franco séduisait et rassemblait. Femme de conviction, ardente défenseur du développement touristique de sa commune et de notre pays, elle laissera incontestablement sa marque tant dans les mémoires des parlementaires qui ont pu la côtoyer que dans le paysage canétois auquel elle était tant attachée.

Comme vous le rappeliez, monsieur le président, élue conseillère municipale de Canet-en-Roussillon dès 1971, adjoint au maire en 1977, puis maire en 1989 – mandat qu’elle exerçait encore au moment de sa disparition –, Arlette Franco aura porté haut les intérêts de sa commune, de ses habitants, de son territoire.

Elle s’est investie sans relâche dans l’essor touristique de ce petit port de pêche qu’elle a transformé au fil du temps en véritable station touristique de renommée nationale, voire internationale. Comme en témoigne l’importante progression démographique qu’a connue Canet-en-Roussillon, Arlette Franco a su adapter sa commune aux attentes de sa population et à l’évolution de cette partie de notre territoire.

Outre cet amour passionné qu’elle avait pour sa ville, celle que l’on surnommait la « Dame de Canet » était particulièrement investie au service du nautisme et de la natation française. Elle fut pendant onze ans vice-présidente de la fédération française de natation, ce qui lui permit notamment d’œuvrer pour la construction de la seule piscine olympique des Pyrénées-Orientales, le centre Europa. Ce sport, qu’elle envisageait comme le dépassement de soi, dont elle a fait preuve tout au long de sa vie, Arlette Franco l’a promu et défendu au sein de sa commune au point d’en faire l’une des capitales françaises de la natation.

Ce volontarisme qui l’a toujours conduite à faire face aux obstacles qui se dressaient sur le chemin de l’intérêt de ses administrés, Arlette Franco en a bien sûr fait preuve au sein de l’Assemblée nationale. C’est à ce titre plus particulier que, au nom du Gouvernement, j’interviens en cet instant devant vous pour rendre un hommage appuyé, sincère, à cette parlementaire dévouée, disparue au cours de son mandat.

Attentive au travail législatif, Arlette Franco n’a jamais trahi la confiance que les habitants des Pyrénées-Orientales lui ont témoignée. Elle a su, au sein de la commission des affaires économiques, défendre une certaine idée du développement touristique, en intervenant notamment – et de quelle manière ! – au cours des débats budgétaires.

Monsieur le président, vous le disiez, Arlette Franco a ainsi largement contribué à l’amélioration des conditions de travail des professionnels du tourisme. Le Gouvernement se souviendra d’une parlementaire fidèle à son mandat et à son banc, qui ne transigeait devant aucun compromis quand il s’agissait de promouvoir les valeurs qui l’habitaient. La solidarité entre les générations, la prévention de la délin quance, le sort des petites et moyennes entreprises, voilà, parmi d’autres, autant de sujets auxquels Arlette Franco apportait sa rigueur et sa compétence.

L’un de ses derniers combats publics fut la prévention des violences faites aux femmes et la lutte contre de tels agissements, qui lui tenait particulièrement à cœur et pour laquelle elle fut nommée membre de la commission parlementaire d’évaluation.

Je sais que, avec Fernand Siré, son suppléant, le flambeau sera repris, et que l’ardeur et la chaleur qui animaient Arlette Franco dans chacun de ses combats ne s’éteindront pas avec elle.

L’engagement total de votre collègue au service de la France et des Français a valeur d’exemple pour aujourd’hui et pour demain car, dans les démocraties, comme l’on dit, chaque génération est un peuple nouveau.

Aux collègues de son groupe, aux collègues de sa commission, à vous, madame, qui venez d’être brutalement séparée de votre mère, à vous, ses fils, ses petits-fils, arrière-petits-enfants, à toute votre famille, je veux, du fond du cœur, en cet instant, au nom du Gouvernement, renouveler la compassion et le soutien qu’avec tous les membres de l’Assemblée nationale, nous vous adressons.

La présence d’Arlette Franco dans cette enceinte était notre joie. Sa mémoire demeurera notre force.

M. le président. Je vous invite à observer une minute de silence.

(Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent une minute de silence.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)
Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Débat sur l’application de la loi relative à la modernisation de l’économie

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur l’application de la loi relative à la modernisation de l’économie.

L’organisation de ce débat ayant été demandée par la commission des affaires économiques, la parole est à son président et co-rapporteur pour l’application de la loi, M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, co-rapporteur pour l’application de la loi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation, mes chers collègues, nous entrons dans un exercice particulier : le contrôle de l’exécution de la loi. La commission des affaires économiques a souhaité que nous puissions contrôler l’exécution de la loi de modernisation de l’économie. Je regrette que cet exercice se déroule avec si peu de participants, car le droit de contrôle du Parlement est un de ses droits essentiels.

Nous avons souhaité que ce contrôle s’exerce sur une loi qui est entrée au Parlement avec quarante-quatre articles et en est ressortie avec 175. À l’époque, nous avons, dans cet hémicycle, examiné 1 600 amendements sur dix-neuf séances pour la seule première lecture, soit soixante-cinq heures de débat. J’ai le sentiment, que, avec Mme Lagarde et M. Chatel – votre prédécesseur, monsieur le secrétaire d’État –, nous avons bien travaillé, notamment en compagnie du regretté Jean-Paul Charié, qui était le rapporteur du texte et auquel je souhaite à nouveau rendre hommage pour l’immense travail qu’il a réalisé, notamment dans le cadre des pratiques commerciales.

Nous sommes attachés à l’exercice du contrôle parlementaire. Un premier bilan a été effectué par le Gouvernement, en juillet 2009, puis par le Sénat, dans un rapport d’information présenté par Mme Élisabeth Lamure. La commission des affaires économiques de l’Assemblée a travaillé avec ardeur à dresser un bilan aussi exhaustif que possible. J’avais confié à Jean-Paul Charié et à M. Gaubert, ici présent, la responsabilité d’être co-rapporteurs, dans le cadre du contrôle de l’exécution de la loi, sur deux sujets particuliers au sein d’un texte qui en aborde un très grand nombre : les marges arrière et les délais de paiement. Le rapport qu’ils ont rédigé, avec ma participation après le décès de Jean-Paul Charié, sera présenté plus en détail par M. Gaubert.

C’est un excellent travail de contrôle de l’exécution de la loi. Nous avons ainsi pu constater que, pour les délais de paiement, nous avions gagné onze jours, ce qui est considérable, même si certains estiment que de trop nombreuses dérogations sont encore accordées.

Toutefois, nous constatons que l’application de ce texte demeure perfectible. Sans doute – je le comprends bien –, la loi est encore trop récente pour être totalement appliquée, mais je souhaite que le Gouvernement fasse un effort supplémentaire pour qu’elle le soit mieux. Même si nous sommes parvenus à passer 30 % des marges arrière à l’avant, il reste encore 10 % à gagner. Et certaines pratiques abusives et inacceptables restent récurrentes : je pense aux conditions particulières de vente, souvent préférées aux conditions générales, ou encore au fait que les contrats et conventions, ce que l’on appelle les business plans , ne sont malheureusement pas au rendez-vous, comme nous l’aurions souhaité.

Je n’entends pas minimiser les avancées de la LME, qui a déjà réglé de très nombreux problèmes. L’année 2009 a ainsi enregistré 320 019 demandes de créations d’entreprises sous forme d’auto-entrepreneurs.

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, co-rapporteur. Je tiens à vous rendre un hommage personnel, monsieur le secrétaire d’État, car vous n’avez pas ménagé vos efforts pour développer le statut de l’auto-entrepreneur, avec plusieurs textes que nous avons soutenus, notamment le dernier sur le patrimoine d’affectation. C’est l’un des dispositifs les plus valorisants de la loi de modernisation de l’économie.

La toute nouvelle Autorité de la concurrence a également été mise en place de façon extrêmement rapide et fait déjà preuve de son efficacité. Mais, monsieur le secrétaire d’État, lui laisse-t-on suffisamment de moyens ? Êtes-vous bien certain que l’Autorité dispose des moyens nécessaires aux contrôles qu’elle doit effectuer ? De même, la DGCCRF, l’autre instrument de contrôle au quotidien, dispose-t-elle également, malgré la création de la brigade LME, de moyens suffisants ? Plus la négociabilité est favorisée et plus la liberté existe dans le contrat, plus aussi les services de l’État doivent être en mesure d’exercer un contrôle. Je souhaiterais connaître votre réponse sur ce point important.

Même si nous ne pouvons que nous féliciter de l’impact de la LME, cet excellent résultat ne doit pas pour autant masquer la multiplication des accords dérogatoires sur les délais de paiement, dans les secteurs du jouet, de l’horlogerie, du bricolage, de l’édition et bien d’autres, qui faussent en partie la vision d’ensemble de ce sujet. Je sais que l’Europe travaille à une harmonisation. Nous courons après l’Europe ou nous la devançons, mais il faudra de toute manière parvenir à des résultats.

Les effets bénéfiques de la LME sont réels. Je suis convaincu que c’est grâce à elle que notre économie a mieux résisté que d’autres à la crise que nous avons vécue. Pour autant, des efforts restent à accomplir.

Même si la plupart des décrets d’application ont été publiés voilà maintenant plusieurs mois, certaines mesures ont beaucoup tardé. Par exemple, ce n’est qu’en novembre 2009 qu’a été pris le décret sur la fixation du siège et du ressort des juridictions appelées à connaître des litiges relatifs à certaines pratiques restrictives de concurrence. De même, il a fallu attendre le 1 er  mars 2010 pour voir publier le décret relatif aux centres de formalité des entreprises, et le 27 avril 2010 pour que soit pris celui relatif au contrôle externe de la Caisse des dépôts et consignations.

Je comprends que l’administration puisse connaître des difficultés, qu’elle doive prendre son temps pour rédiger des décrets, mais j’ai du mal à comprendre qu’il faille autant de temps ! Je souhaite que le Gouvernement soit beaucoup plus vigilant sur la parution des décrets, car une loi sans texte d’application est, vous le savez bien, quasiment muette.

M. Thierry Benoit. C’est vrai !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, co-rapporteur. Par ailleurs, et cela nous intéresse plus directement encore, qu’en est-il de l’application pratique de la loi ? C’est là, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que des progrès restent à accomplir.

Comme j’ai eu l’occasion de le souligner dans le rapport que j’ai cosigné avec Jean Gaubert au nom de la commission, la LME visait à autoriser la libre négociabilité des tarifs des fournisseurs par les distributeurs. En abolissant notamment l’interdiction de discrimination tarifaire, la LME a cherché aussi bien à engendrer une baisse des prix pour les consommateurs qu’à garantir les revenus des fournisseurs et à lutter contre le phénomène des marges arrière. Sommes-nous bien certains que les résultats aient été au rendez-vous ? Certes, les 30 % sont avantageux et représentent un gain, mais les prix n’ont guère baissé pour le consommateur : alors que les distributeurs nous avaient annoncé des baisses de 2 à 3 %, les prix à la consommation ont augmenté de 1,7 % entre avril 2009 et avril 2010, notamment pour les produits alimentaires et tout spécialement pour les produits frais : plus 7,3 % par an. On ne peut en revanche que saluer la forte diminution des marges arrière, de 30 %, comme je l’ai indiqué.

Je sais que la crise est responsable de ce bilan mitigé en termes de prix. Or la présente période donne le sentiment que nous commençons à en sortir ; je vous demande donc d’être très vigilant pour que les dispositions que nous avons votées soient réellement de nature à nous sortir de la crise.

Je conclurai mon propos sur l’urbanisme commercial. Nous sommes devant un cas d’école, parce que nous sommes loin du compte. À l’époque – Mme Vautrin et M. Poignant en particulier s’en souviennent –, nous avions ferraillé pour régler cette question en transférant dans le code général de l’urbanisme les dispositions relatives à l’urbanisme commercial. Nous n’avons pas su, à cinq heures un vendredi matin, au moment de conclure nos débats, trouver les dispositions appropriées. J’ai alors demandé à Mme Lagarde de s’engager à réaliser ce transfert dans les six mois suivant la promulgation du texte. Cela fait bientôt deux ans et le Gouvernement n’a pas répondu à notre attente, je le regrette.

La commission des affaires économiques a donc pris l’initiative de rédiger une proposition de loi relative à l’urbanisme commercial. Cette proposition vient d’être distribuée. Nous en avons discuté avec vous-même, monsieur le secrétaire d’État, ainsi qu’avec Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé de l’urbanisme. J’espère qu’elle est de nature à résoudre le problème. Nous avons décidé qu’elle serait inscrite à notre ordre du jour le 15 juin. J’aurais néanmoins préféré que ce soit le Gouvernement qui agisse.

Je tiens, monsieur le secrétaire d’État, à vous rendre hommage pour votre disponibilité et pour la qualité que vos services ont montrée dans nos échanges et nos travaux ; ce n’est pas tous les jours que l’on peut travailler avec autant de facilité avec une équipe ministérielle. Cet hommage est également dû à M. Apparu, qui a beaucoup travaillé sur cette proposition de loi. J’espère que nous aurons définitivement réglé le problème au mois de juin prochain.

Les députés vont à présent vous poser des questions, afin que le contrôle s’exerce dans tous les domaines abordés par la loi, qui sont très nombreux. Si le président du groupe UMP, Jean-François Copé, et moi-même avons souhaité cette séance de contrôle de l’exécution de la loi, c’est pour faire œuvre commune, dans l’intérêt des consommateurs, afin que cette bonne loi soit bien appliquée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. François Brottes. Cette bonne loi ?

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert, co-rapporteur de la commission des affaires économiques, pour l’application de la loi.

M. Jean Gaubert, co-rapporteur de la commission des affaires économiques, pour l’application de la loi . Monsieur le secrétaire d’État, le président de la commission a terminé en vous rendant hommage. Il faut au moins vous reconnaître le mérite de la constance et le respect des parlementaires. Vous avez vous-même été un parlementaire remarqué dans cet hémicycle, sachant défendre vos opinions, qui ne sont pas les nôtres, et les assumant. Je crois que nous pouvons être d’accord en ce sens avec Patrick Ollier.

Ma première observation portera sur les textes réglementaires. Le président Ollier en a parlé : un certain nombre de textes ont en effet tardé à paraître. Ce qui est assez curieux, c’est que, au cours du débat, certains étaient dits urgents, alors que les députés socialistes demandaient du temps. Le Gouvernement prétendait être prêt. Il ne l’était manifestement pas puisque cela a été si long ! C’est vrai pour le livret A comme pour d’autres sujets. Nous ne nous plaignons pas que l’application de ces dispositions ait été retardée puisque nous étions contre, mais, dans le cadre de l’application de la loi, il fallait que cela soit relevé.

J’évoquerai trois points dont nous nous sommes particulièrement occupés. Le premier concerne les marges arrière. Elles ont certes baissé. Cependant, j’ai souvent dit que l’imagina tion en ce domaine était sans limite, et nous avons pu constater qu’elle avait continué à prospérer, avec de nouvelles astuces. Le plan d’affaire est parfois signé le 28 février et remis en cause dès le 1 er  mars. Nous avons vu aussi le « trois pour deux », les NIP – qui ne sont pas les « nippes », mais les « nouveaux instruments de promotion ». Nous avons vu la réfaction sur facture, hier inconnue et qui, sans être encore la règle aujourd’hui, pourrait le devenir : le fournisseur envoie sa facture et, sans qu’il sache pourquoi, elle lui revient avec moins 5 % et pour toute explication : « À prendre ou à laisser ». Je pourrais vous citer des exemples mais, malheureusement, sans les factures : les entrepreneurs qui me les ont montrées, dont des entreprises internationales, n’ont pas souhaité qu’elles soient exhibées ; cela montre l’ambiance qui continue de régner !

Mon deuxième point porte sur les délais de paiement. C’est sans doute le plus grand succès de la LME – en tout cas pour le moment, puisque certains éléments ne peuvent encore être mesurés. La réduction des délais de paiement était d’ailleurs le sujet sur lequel l’opposition était d’accord. C’était assez logique dans la mesure où les banques sont aujourd’hui davantage appelées à financer les stocks chez celui qui les détient que des délais de paiement, alors qu’il n’y a plus de marchandises en contrepartie, comme auparavant.

Cependant, je vous adresserai un premier reproche : vous avez une certaine propension à accorder un trop grand nombre de dérogations et sans doute à ne pas les contrôler. Le temps m’empêche de citer beaucoup d’exemples, mais en voici un : dans le secteur du bricolage, les distributeurs ont d’abord négocié les prix en expliquant qu’un paiement à moins de quarante jours au lieu de 110 jours auparavant, cela valait de l’argent, et le prix de base a donc été baissé ; ensuite, ils sont venus chez vous négocier un accord dérogatoire…

M. Bernard Gérard. C’était indispensable !

M. Jean Gaubert, co-rapporteur . …qui a permis de remonter le délai à quatre-vingt-dix jours, mais sans renégocier les prix. Lorsque j’ai interrogé à ce sujet le responsable d’une grande marque, il m’a répondu : « Monsieur le député, ce n’est pas en ces termes que nous envisageons les relations commerciales. » Ils ne les envisagent en effet certainement pas dans ce sens-là. Au vu de cet exemple, vous auriez intérêt à regarder de plus près, monsieur le secrétaire d’État, certains accords dérogatoires.

Quant à l’urbanisme commercial, nous verrons si on peut se retrouver sur la proposition qui sera faite mais, en tout état de cause, nous étions défavorables à ce qu’on y touche au préalable. Chacun a vu les dégâts que la loi a causés, avec parfois des surfaces de moins de 1 000 mètres carrés additionnées. Dès lors une telle mesure n’a pas servi, contrairement à ce que vous dites, à augmenter la concurrence. Regardez ce qui s’est passé à Paris : beaucoup de surfaces de moins de 1 000 mètres carrés y ont été installées, mais elles appartiennent pratiquement toutes aux mêmes grands groupes de distribution.

M. Patrick Bloche. Très juste !

M. François Brottes. Et dire que vous appelez cela de la concurrence, monsieur le secrétaire d’État !

M. Jean Gaubert. En effet, monsieur Brottes, on ne peut pas parler de concurrence, et les Parisiens le savent mieux que d’autres – je vois Patrick Bloche opiner du bonnet.

Autre objectif important : la baisse des prix. Le résultat est sujet à débats : l’INSEE estime qu’ils ont augmenté de 0,4 % ; à un moment, le Gouvernement disait qu’ils avaient baissé de 0,65 %, mais vous avez diminué vos ambitions, monsieur le secrétaire d’État, en déclarant hier que la baisse était de 0,2 %. En tout état de cause, je vous rappelle que cela s’est passé dans un contexte pratiquement déflationniste, où les produits agricoles étaient à la baisse, ce qui aurait donc dû aider à tirer vers le bas les prix dans la grande distribution. Or cela n’a pas été le cas.

Nous devons également nous interroger sur le développement des marques de distributeurs. Certes, en développant ces marques, les grandes surfaces ont repris des forces par rapport au hard discount , mais je tiens à attirer votre attention sur un fait, monsieur le secrétaire d’État chargé des PME : plus les marques de distributeurs sont nombreuses, moins le sont les petites PME indépendantes de la grande distribution. En effet, sans marques, une entreprise risque de ne pas vivre très longtemps. Une telle évolution pèse sur l’avenir de ces entreprises, qui se verront déposséder – on l’a déjà vu dans plusieurs cas – de leur process de fabrication au profit de la grande distribution, parfois sous prétexte de contrôle de qualité.

Les contrôles que j’ai effectués avec Jean-Paul Charié – que nous regrettons tous – se sont déroulés dans de bonnes conditions, mais nous avons noté que nous vivons encore, tout autant qu’avant sans doute, dans une atmosphère de suspicion et de peur. Comment qualifier autrement ce que nous avons observé ? Dans le rapport, nous avons signalé que, dans plusieurs départements, des entrepreneurs ont refusé de nous rencontrer avec le préfet, et qu’ils ont appelé leur député pour lui dire qu’ils voulaient bien nous rencontrer, mais pas dans ces conditions, qu’ils refusaient en tout cas que leur nom apparaisse. Cela dépeint l’ambiance ! De même, on nous a montré des factures, mais avec interdiction de les photocopier. J’ai encore en mémoire les en-têtes des distributeurs en cause. Les entreprises concernées n’étaient pas seulement des PME, il y avait aussi des noms très connus. Un groupe international est même venu me voir depuis la fin de ce travail pour me montrer comment s’opèrent les réfactions de prix.

Enfin, nous devons continuer d’avancer sur les règles de la concurrence. Pour être libre et non faussée, il faut que la concurrence soit équilibrée. Or elle ne l’est pas aujourd’hui parce que, en face de quelques grandes centrales d’achats, l’offre est éclatée. Il faudra se poser la question du regroupement de l’offre. À cet égard, il faut être attentif à ce qui se passe autour de nous en Europe. Je ferai deux comparaisons. Quand on a interdit à la production laitière française de continuer de pratiquer les prix de référence, au nom de la concurrence imposée par Bruxelles, on a complètement oublié de regarder ce qui se passait aux Pays-Bas et au Danemark : 80 % du lait aux Pays-Bas et 90 % au Danemark – ainsi que 70 % de la production porcine dans ce denier pays – sont vendus par le même opérateur, ce qui ne semble poser de problème à personne, en particulier pas à la Commission de Bruxelles.

D’autre part, en matière de fruits et légumes, on a constaté que l’Allemagne n’avait pas eu besoin de la directive Bolkestein pour comprendre qu’il est impossible d’appliquer aux salariés étrangers un statut différent de celui du pays où ils travaillent, mais qu’il est possible d’acheter à vil prix des prestations de service dès lors que c’est l’opérateur qui paye les salariés. En ce qui concerne la crise des fruits et légumes, il ne faut pas parler que des différences de salaires en ce qui concerne la concurrence avec l’Allemagne. Il faut aussi évoquer les effets du choix qu’a fait la France en 2003 en matière de répartition des primes dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune : en France, nous avons gardé le système « tu en avais, tu en auras » – les céréaliers auront des primes parce qu’ils en avaient déjà –, « tu n’en avais pas, tu n’en auras pas » – les légumiers n’avaient pas de primes, ils n’en auront donc pas. Les Allemands, eux, n’ont pas adopté ce tel système, et leurs légumiers bénéficient de primes européennes, ce qui ajoute aux distorsions de concurrence. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je veux en premier lieu remercier les deux co-rapporteurs, Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, et Jean Gaubert, pour la qualité et la variété de leurs interventions. On comprendra que, en préambule, je rende hommage, au nom du Gouvernement et à titre personnel, à Jean-Paul Charié. Je vous félicite, monsieur Ollier, d’avoir pris l’initiative de l’associer, après son décès, au rapport que vous avez publié avec Jean Gaubert. C’est vraiment une attention très délicate.

La variété des sujets abordés par les deux précédents orateurs montre à l’évidence l’importance et la richesse de la loi de modernisation de l’économie que vous avez adoptée il y a vingt et un mois. Le vote de cette loi est intervenu deux mois avant le déclenchement de la crise financière.

M. Patrick Bloche. Et économique !

M. François Brottes. Elle l’a même accélérée !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Au contraire, monsieur Brottes, elle a eu des conséquences très favorables pour un certain nombre d’entreprises.

M. François Brottes. On en reparlera !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Je citerai, par exemple, la réduction des délais de paiement. Je me félicite du satisfecit , même s’il a été mesuré, qu’a décerné M. Gaubert à cette réforme.

M. François Brottes. Nous vous en donnons acte ! Mais c’est le seul point de satisfaction !

M. Jean Gaubert, co-rapporteur . Nous avions d’ailleurs voté pour !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Cette réforme a été salutaire pour la trésorerie de nos entreprises dès le début de la crise. Il en va de même pour la création du statut d’auto-entrepreneur. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Brottes. C’est de la provoc ! C’est le scandale du siècle !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Je sais, monsieur Brottes, que vous citez souvent cet exemple, et je vous en remercie. (Sourires.) Il y a aussi l’instauration de la négociabilité – j’en reparlerai –, qui a permis une baisse des prix en grande surface, certes moins importante que nous l’aurions souhaitée, mais la crise est passée.

Monsieur Ollier, vous avez, comme toujours, posé des questions pertinentes, et d’abord sur les textes réglementaires d’application. Ils ont été pris rapidement : la majorité des décrets sont parus avant le 31 décembre 2008, six mois après la publication de la loi, ce qui constitue un exploit, puisque, vous l’avez rappelé, elle contient près de 170 articles. Mais, vous avez raison, le décret sur les centres de formalités des entreprises n’est paru qu’au début de cette année. Il y a une raison à ce retard – même si ce n’est pas une excuse – : il est apparu préférable de publier le décret au moment où les guichets uniques dématérialisés de la création d’entreprise se déployaient dans les chambres de commerce. Ce déploiement se poursuivra dans les prochains mois.

En ce qui concerne les moyens et l’activité de la nouvelle Autorité de la concurrence, un des éléments majeurs de la loi de modernisation de l’économie, je vous indique que cette nouvelle instance s’est mise en place et travaille rapidement. Quelques chiffres : quatre-vingt-quatorze dossiers de concentration ont été examinés et quinze décisions rendues totalisant plus de 200 millions d’euros de sanctions pour pratiques anticoncurrentielles ; soixante-deux avis ont été publiés, dont trente-neuf relatifs aux accords dérogatoires sur les délais de paiement – vous avez souligné à juste titre le nombre de ces accords, mais j’en relativiserai la portée dans quelques instants – ; les perquisitions ont mobilisé, en cumulé, 190 rapporteurs de la Haute autorité et trente-neuf enquêteurs de la DGCCRF ; enfin, quatre-vingt-un projets d’enquête et vingt-sept rapports lui ont été transmis par la DGCCRF.

Je vais maintenant m’attacher à décrire les effets de cinq réformes fondamentales, que vous avez du reste évoquées tous les deux.

En ce qui concerne les délais de paiement, le bilan est positif. Vous-même l’avez reconnu, monsieur Gaubert. Je citerai les résultats de trois enquêtes, toutes convergentes, qui montrent une réduction significative des délais de paiement dans notre économie. La première est celle réalisée par les praticiens : d’après l’association française des credit managers et conseils, 50 % des entreprises de leur échantillon ont vu leurs délais de paiement baisser de plus de dix jours. La deuxième enquête, réalisée par les services de mon ministère, sur la base d’un échantillon de 1 200 entreprises, conclut à une réduction des délais de paiement de onze jours. Quant à la dernière étude en date, celle d’Euler Hermes SFAC, qui représente le point de vue des assureurs-crédits, elle évalue la réduction des délais entre huit et dix jours. Toutes trois convergent vers le même résultat : en 2009, les délais de paiement se sont significativement réduits d’une dizaine de jours. Je rappelle que, avant l’adoption de cette loi, nous avions vingt jours de retard par rapport à nos concurrents allemands. Depuis, nous avons comblé l’écart de moitié.

J’ai souhaité que, dès 2009, la DGCCRF vérifie dans les entreprises le bon respect des délais de paiement. Cette année-là, elle a effectué près de 1 000 contrôles. Le bilan de ces contrôles est très satisfaisant, car elle a constaté que neuf entreprises sur dix respectaient les délais au sens de la LME. En 2010, nous poursuivons bien sûr ces vérifications.

Vous vous êtes l’un et l’autre largement étendus sur l’organisation des relations commerciales. Il est vrai que 2008 a marqué une réforme profonde en ce domaine. Il y a eu la loi Chatel de janvier 2008, le rapport Hagelsteen du printemps 2008, puis la loi de modernisation de l’économie ; ils ont poursuivi les mêmes objectifs : favoriser la concurrence pour améliorer le pouvoir d’achat et renforcer l’efficacité des contrôles de l’État. La principale nouveauté de la LME en matière de négociation commerciale, vous l’avez relevé, a été d’autoriser fournisseurs et distributeurs à discuter à nouveau librement du prix des produits. Cette liberté de négociation était indispensable pour nous rapprocher de ce qui se passe dans les autres pays de l’Union européenne et de la réalité de la liberté contractuelle.

M. André Chassaigne. C’est le renard dans le poulailler !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. La seconde nouveauté de la LME, corollaire de cette plus grande liberté et responsabilité, a été de renforcer les outils de contrôle et de sanction. Afin de donner plus d’ampleur à ces nouveaux outils de contrôle de la LME, Christine Lagarde et moi avons créé, en juin 2009, une brigade de contrôle dédiée à la LME, au sein de la DGCCRF, tout en augmentant les moyens d’enquête consacrés à cette mission de 50 % ; il y a aujourd’hui 120 agents enquêteurs au lieu de quatre-vingts avant la création de la brigade.

M. Pierre Gosnat. Voilà pourquoi il faut des fonctionnaires !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Les enquêtes que celle-ci a diligentées ont fait apparaître certaines clauses commerciales litigieuses. C’est pourquoi j’ai décidé d’assigner – et c’était une première en France – toutes les grandes enseignes de la distribution devant le juge civil, en octobre dernier. Ces assignations visent à sanctionner les abus et à produire un effet dissuasif, afin que les négociations commerciales de 2010 se déroulent dans les meilleures conditions pour les différentes parties. L’une de ces assignations a déjà donné lieu à condamnation et la justice suit son cours pour les autres.

Quel est le bilan de la négociabilité en 2010 ? La LME a permis des progrès très importants. Les relations commerciales se déroulent désormais dans un environnement plus concurrentiel et la France est revenue aux standards européens.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le président de la commission des affaires économiques, les marges arrière se sont largement dégonflées pour atteindre 11 %, c’est-à-dire un taux comparable à celui pratiqué dans les pays voisins. Nous arrivons à un butoir, compte tenu de l’existence d’éléments pouvant justifier quelques points d’écart, mais nous sommes bien loin des 35 % pratiqués auparavant.

La négociabilité a permis de poursuivre l’endiguement de l’inflation, débutée depuis les accords Sarkozy de 2004 et les lois Dutreil : les prix des produits de grande consommation ont baissé de 0,2 % entre mars 2009 et mars 2010.

Monsieur Gaubert, vous nous avez interpellés avec raison…

M. Jean Gaubert, co-rapporteur . M. Raison n’était pas là ! (Sourires)

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. …sur la baisse de 0,6 %, constatée sur l’ensemble de l’année 2009, alors que la baisse de 0,2 % s’applique à la période allant de mars 2009 à mars 2010.

M. Jean Gaubert, co-rapporteur . À quoi sert l’INSEE ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Cela étant, les signes concordent : il s’agit d’une baisse, ce qui, en ces temps de réveil de l’inflation, montre la réelle efficacité de la LME dans ce domaine.

Nous sommes plus que jamais déterminés à ne pas remettre en cause cette réforme pro-concurrentielle à l’occasion des discussions sur la loi de modernisation de l’agriculture. La réunion qui s’est tenue à l’Élysée hier a permis d’avancer dans ce domaine.

M. Jean Gaubert, co-rapporteur . Comme d’habitude !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Je vais rapidement passer sur la création du régime de l’auto-entrepreneur, bien que vous soyez attentif à ce sujet, monsieur Brottes.

M. François Brottes. Nous y reviendrons !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Nous aurons l’occasion d’en discuter en commission des affaires économiques, à l’aimable invitation de son président, après ce débat.

Qu’il me soit quand même permis de signaler que, avant l’été, un demi-million de nos compatriotes auront opté pour ce statut dont on peut dire beaucoup choses sauf nier son succès qui doit énormément à sa simplicité.

M. François Brottes. Le succès des illusions perdues !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Répétons-le pour faire pièce aux contrevérités véhiculées çà et là : l’auto-entrepreneur ne paie pas moins de charges sociales et fiscales que les autres entrepreneurs.

M. François Brottes. Bien sûr que si !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Il s’en acquitte dans un cadre simplifié.

M. Pierre Gosnat. Ce n’est pas ce que disent les PME !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. L’étude menée par l’ordre des experts comptables montre bien que, en matière de prélèvements, la différence est minime et parfois en défaveur de l’auto-entrepreneur. Nous aurons l’occasion de confronter nos analyses sur ce point.

J’en viens à l’urbanisme commercial, sujet évoqué à la fois par M. Jean Gaubert et par le président Ollier. Cette réforme était en germe dans les débats sur la loi de modernisation qui concluaient à la nécessaire fusion du droit de l’urbanisme commercial dans le droit de l’urbanisme.

Pourquoi avons-nous différé de facto cette refonte ? Tout simplement parce que Mme Christine Lagarde avait confié une mission au regretté Jean-Paul Charié, et que les circonstances n’ont pas permis d’aller aussi vite que souhaité.

Monsieur le président, je me réjouis du dépôt, en votre nom et par votre commission, de cette proposition de loi portant réforme de l’urbanisme commercial. Cette réforme a été engagée par la LME ; il faut poursuivre dans ce sens. Je vous ai transmis, hier, les premiers éléments d’évaluation des mesures inscrites dans la LME.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, co-rapporteur. Je les ai !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Que nous apprennent-ils ? À court terme, l’impact de la LME sur les extensions de surface de vente des magasins existants pourrait avoir atteint 300 000 mètres carrés supplémentaires fin 2008.

En outre, la LME a vraisemblablement dynamisé le hard discount alimentaire : l’impact en termes d’augmentation de surface serait compris entre 60 000 et 150 000 mètres carrés après un an d’application de la loi.

Une évaluation plus précise s’impose. J’ai demandé à mes services que soient réalisés les travaux nécessaires à une évaluation tant des effets de cette législation en termes de concurrence et de prix que des autorisations d’exploitation commerciale pour les projets d’extension et de création de magasins.

M. Thierry Benoit. Très bien ! Nous serons vigilants !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Un cabinet indépendant de l’administration va être sélectionné par un appel d’offre qui a été lancé pour mener cette évaluation.

Ce qui est clair et qui justifie votre démarche, que je salue encore une fois, monsieur le président de la commission, c’est que nous sommes en attente de dispositions législatives, au milieu du gué. Nous ne pouvons pas y rester trop longtemps.

M. Jean Gaubert, co-rapporteur . C’est une mauvaise position au moment de la marée !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. En tout état de cause, la prochaine réforme devra respecter certaines options fondamentales.

Elle devra respecter le droit communautaire, notamment le droit de la concurrence. Elle devra respecter la capacité de décision des élus locaux – monsieur le président de la commission, je connais votre implication en tant que maire – en matière d’aménagement.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, co-rapporteur. Nous y sommes attachés, monsieur le secrétaire d’État !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Elle devra aussi respecter l’équilibre entre la nécessaire soumission des activités commerciales aux documents d’urbanisme – PLU communaux, PLU intercommunaux et SCOT – et l’adaptation des volets commerciaux de ces documents à la réalité de l’activité.

Enfin, elle devra prendre en compte les tendances actuelles de l’équipement commercial, c’est-à-dire le développement des petits formats de proximité, d’une part, et le besoin d’agrandissement et de rénovation des anciens équipements, d’autre part.

J’en viens à la réforme de l’épargne réglementée. On l’oublie souvent, la LME a permis de réelles avancées en matière de financement de l’économie. Elle a d’abord consacré le rôle de la Caisse des dépôts comme investisseur de long terme. Depuis, cette réforme a trouvé son aboutissement avec la création du fonds stratégique d’investissement, le FSI.

La gouvernance de la Caisse des dépôts a été modernisée. Nous avons renforcé le rôle de la commission de surveillance, et permis à celle-ci de bénéficier de l’appui de l’Autorité de contrôle prudentiel en matière de suivi et de contrôle des risques.

La LME a également étendu la possibilité de distribuer le livret A à toutes les banques qui le souhaitent. Cela s’est tellement bien passé que personne ne l’a relevé !

M. Jean Gaubert, co-rapporteur . On ne peut pas parler de tout : le président nous presse !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Il s’agit d’une réforme majeure pour les épargnants français, puisque chaque épargnant peut désormais ouvrir un livret A dans la banque de son choix.

M. François Brottes. Qui a mis en péril les comptes de La Poste !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. La liberté de choix, monsieur Brottes, c’est toujours très important.

Cette réforme a permis de faciliter l’accès du produit d’épargne préféré des Français en doublant le nombre d’agences bancaires qui distribuent désormais le livret A…

M. Pierre Gosnat. À quel taux ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. …tout en conservant les caractéristiques qui en font le succès : simplicité d’utilisation, liquidité, défiscalisation des intérêts, garantie de l’État.

M. François Brottes. Un livret A à la tête du client !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. En 2009, plus de 10 millions de livrets A ont été ouverts auprès des nouveaux réseaux distribuant ce produit d’épargne.

L’encours d’épargne a progressé de près de 20 milliards d’euros, soit une augmentation de 12 % par rapport à la fin 2008, ce qui démontre – si besoin était – le pouvoir d’attraction de ce livret.

Cette évolution s’est réalisée en préservant le système de financement du logement social : la diminution importante du coût de la ressource bénéficie notamment aux organismes de logement social grâce à des taux de prêts plus avantageux.

Tels sont les propos liminaires que je voulais tenir.

M. François Brottes. Avec la foi du charbonnier !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Le bilan actuel de la loi de modernisation de l’économie est positif. Il s’agit de laisser les réformes se dérouler dans le temps, afin d’en dresser un inventaire exhaustif.

La caractéristique de cette loi est d’être non dogmatique, pragmatique. Le pragmatisme reste le mot d’ordre du Gouvernement au moment d’en évaluer les impacts. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, co-rapporteur. Très bien !

M. le président. Nous en arrivons aux questions des groupes. Je rappelle que la durée de chaque question et de chaque réponse est limitée à deux minutes.

Pour chaque groupe politique, les questions seront appelées par séries de trois, chacune d’elle donnant lieu à une réponse immédiate de M. le secrétaire d’État.

La parole est à M. Pierre Gosnat, pour le groupe GDR.

M. Pierre Gosnat. Je voudrais, pour commencer, m’associer à l’hommage rendu à Jean-Paul Charié. J’ai pour lui une pensée amicale.

Monsieur le secrétaire d’État, ma question concerne le statut d’auto-entrepreneur, ce que j’appellerai la version new look de l’esprit d’entreprise pour les plus démunis et les précaires.

Le président Sarkozy avait repris à son compte le slogan « la France des propriétaires » ; vous nous faites maintenant l’apologie du « tous patrons ». Tout le monde n’est pas patron, tout le monde ne fera pas partie de l’équipe du Fouquet’s, mais, comme disait le président Ollier, le temps du bilan est venu. Depuis sa création, ce nouveau statut juridique n’a cessé de démontrer ses dangers. Véritable tromperie en matière de politique de l’emploi, il est devenu le cadre légal du travail au noir à temps partiel et de la dissimulation des licenciements.

Comment peut-on parler de modernisation de l’économie ? En 2009, 680 000 emplois des secteurs concurrentiels et marchands ont été supprimés. Sur les 300 000 auto-entrepreneurs qui ont vu le jour cette même année – vous citez désormais le chiffre de 500 000 –, combien ont disparu ?

Vous ne cessez de vanter les mérites de ce nouveau statut en masquant la grande détresse sociale qu’il crée : le salaire moyen n’excède pas les 750 euros nets ; il enterre la garantie du salaire minimum horaire ; une infime minorité de ces nouveaux patrons accède au statut de patrons de TPE ou PME avec lesquels ils sont d’ailleurs en concurrence.

Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, nombre de salariés sont contraints, sous la menace d’un licenciement, de devenir ainsi auto-entrepreneurs sous-traitants de leur entreprise d’origine. L’exploitation n’en sera que plus féroce encore.

Aussi, monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous poser deux questions. Que comptez-vous faire à l’encontre de ces entreprises qui utilisent la fonction d’auto-entrepreneur pour masquer les licenciements et se décharger des contributions sociales ? Enfin, si auto-entrepreneur il doit y avoir, quelles mesures allez-vous prendre pour sécuriser leur statut ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Monsieur le député, je regrette de ne pas vous avoir convaincu des bienfaits de l’auto-entreprenariat. Je vous citerai simplement quelques chiffres pour vous démontrer que la réalité est bien différente de ce que vous décrivez.

Dans 40 % des cas, l’auto-entrepreneur est un demandeur d’emploi : ce statut répond donc à une véritable détresse. Le demandeur d’emploi n’est pas forcé de prendre ce statut ; c’est un choix important. Il ne faut pas caricaturer ce statut qui donne de l’espoir aux demandeurs d’emploi…

M. François Brottes. Surtout de l’espoir !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. …qui représentent actuellement quatre auto-entrepreneurs sur dix.

Nous devons nous mettre d’accord sur la philosophie de ce régime qui permet de développer une activité quand on le souhaite, qu’on le peut, qu’on en a le loisir. Ce régime ultra-simplifié s’adresse à tous : demandeur d’emploi, retraité, mère de famille au foyer, chômeur, étudiant ou salarié.

C’est le statut de la liberté d’entreprendre, un permis d’entreprendre.

M. Pierre Gosnat. C’est la liberté de l’esclave d’avoir son maître !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. S’il n’est pas la panacée, il est une chance supplémentaire. Il correspond à l’appétence de beaucoup de Français qui, au lieu de se replier face à la difficulté des temps, veulent développer leur propre activité.

Je voudrais vous citer deux chiffres. En 2009, les auto-entrepreneurs auront généré environ 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires et auront ainsi permis la rentrée de près de 200 millions de cotisations sociales. Ils contribuent ainsi au financement des régimes sociaux.

Le statut d’auto-entrepreneur sera adapté ; nous aurons l’occasion d’en discuter. J’en suis néanmoins très satisfait, car il donne une réelle chance à des gens qui désespéraient.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, deux ans après l’entrée en application de la LME, les fournisseurs de la grande distribution, qu’ils soient producteurs agricoles, industriels alimentaires ou fabricants de produits manufacturés, rencontrent des difficultés grandissantes dans leurs relations commerciales. Ces difficultés tiennent d’abord à la simple application de la loi, laquelle a supprimé la primauté du tarif et des conditions générales de vente, ouvrant ainsi la voie à une négociation déséquilibrée qui donne à l’acheteur une pleine liberté, avec des résultats désastreux en termes de prix garantis : c’est le renard libre dans le poulailler libre !

Ces difficultés sont aggravées par un détournement de la loi au détriment des fournisseurs. J’en prendrai quelques exemples.

Les conventions annuelles se signent selon le bon vouloir de l’acheteur, sans formalisme sur les dates et même, souvent, sans engagements concrets ni vérifiables. Par ailleurs, les délais de paiement sont contournés par l’obligation de livraison anticipée sur des plateaux logistiques aux frais du fournisseur, qui assume les charges de stockage et supporte le coût des dégradations éventuelles, avec l’ouverture du délai de paiement au départ du lieu de stockage : les exemples de cette pratique particulièrement choquante sont multiples. Dans d’autres cas, les achats se font à flux tendu, par petites quantités, avec des coûts de transport beaucoup plus élevés et une multiplication, sur les routes, de camions de petite capacité, ce qui augmente d’autant la pollution.

Ces problèmes, connus des services publics, m’amènent à poser trois questions. En premier lieu, quels sont les contrôles effectués et le bilan des poursuites judiciaires visant à assurer l’effectivité de la loi et à lutter contre ses détournements ? Le renforcement de ces contrôles reste-t-il possible, compte tenu des suppressions d’emploi qu’impose globalement la révision générale des politiques publiques à la DGCCRF ? Le Gouvernement proposera-t-il prochainement une modification en profondeur des dispositions commerciales de la LME afin de garantir des prix rémunérateurs aux producteurs, aux transformateurs et aux fabricants ?

M. Pierre Gosnat. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Vous avez posé, monsieur Chassaigne, des questions précises, auxquelles je vais m’efforcer de répondre tout aussi précisément.

Les relations commerciales font l’objet d’un plan de contrôle national de la DGCCRF, mis en place par les brigades LME. La mise en œuvre de la négociabilité et la lutte contre les pratiques abusives en constituent bien entendu le cœur. Les deux aspects, négociabilité et lutte contre les pratiques abusives, sont même liés. Le code de commerce prévoit, suivant les cas, des sanctions civiles ou pénales, et même des procédures de transaction pénale. L’ensemble des pratiques abusives relèvent d’un dispositif de contrôle de sanctions adapté, destiné à assurer la pleine effectivité de la loi.

Ces contrôles portent plus précisément sur les conditions de la négociation commerciale, la légalité des contrats et les pratiques des acteurs économiques : ils permettent de vérifier si des déséquilibres significatifs, au sens de la LME, apparaissent entre les fournisseurs et les distributeurs. Trente et une enquêtes spécifiques portant sur les différentes pratiques constatées sont actuellement en cours et, s’agissant des assignations des principales enseignes de la distribution, les jugements doivent intervenir dans les semaines et les mois qui viennent.

Nous mobilisons tous les moyens nécessaires pour mener à bien cette politique prioritaire de contrôle, et nous continuerons de le faire. Les brigades LME, créées en 2009, sont bien en place, et leur efficacité a permis d’assigner certains distributeurs en juin 2009. J’aurai l’occasion, le 31 mai prochain, de dresser le bilan de ces assignations et d’indiquer les éventuelles actions à mener si les pratiques incriminées subsistent.

Le Gouvernement n’a en revanche nullement l’intention, monsieur Chassaigne, de modifier la LME en ce qui concerne les relations commerciales. D’une part, il considère que, dans l’intérêt des opérateurs économiques et pour des raisons de sécurité juridique, les normes en la matière doivent être stabilisées : on ne va pas en changer tous les ans !

M. François Brottes. C’est pourtant l’un des objets du projet de loi de modernisation de l’agriculture !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Les relations commerciales pourront être assainies dans la durée et par une politique ferme de sanctions ; c’est à quoi s’attache précisément le Gouvernement.

Hier, en présence de tous les acteurs de la filière agricole et alimentaire, le Président de la République a indiqué avec la plus grande clarté que négociabilité et contrôle des pratiques abusives – assorti de sanctions si elles perdurent – étaient liés.

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe Nouveau Centre.

La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Le projet de loi de modernisation de l’économie a été adopté il y a deux ans afin de concourir au développement de la croissance, de l’emploi et du pouvoir d’achat, qui faisait défaut dans notre pays.

Ce texte, parfois discuté, a été promulgué un mois avant la faillite de la banque Lehman Brothers qui a ébranlé les marchés financiers. La crise économique qui en a résulté a remis en question certains dogmes et formules convenues qui prévalaient jusqu’alors en Europe.

L’élévation de 300 à 1 000 mètres carrés du seuil de déclenchement de l’autorisation administrative pour l’ouverture des surfaces commerciales peut nous interpeller. Notre crainte a été renforcée par la publication de circulaires ministérielles un peu contraires à l’esprit de la loi votée par la représentation nationale : je veux parler des circulaires des 7 et 28 août 2008 de la direction du commerce, de l’artisanat, des services et des professions libérales. Un certain flottement semble avoir permis l’ouverture de 50 000 à 80 000 mètres carrés de surfaces dispensées d’autorisation dans plusieurs départements du nord et de l’ouest de la France.

Je ne peux m’empêcher d’opposer ces estimations aux statistiques précises fournies par les quatre-vingt-dix-huit commissions départementales d’aménagement commercial instituées par la LME. Aussi aimerais-je inviter le Gouvernement à communiquer prochainement à la représentation nationale les chiffres qui permettent de tirer un réel bilan de la LME sur le plan commercial ; c’est en effet à ce prix que nous saurons si les commerces ruraux ont pâti du vide juridique observé entre le 5 août 2008 et le 18 février 2009.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Je vous remercie, monsieur Benoit, de cette question qui me donne l’occasion de compléter les propos que j’ai tenus tout à l’heure à la tribune.

Vous connaissez les principaux fondements de la réforme de l’urbanisme commercial résultant de la LME : nouveaux critères d’aménagement du territoire et de développement durable, réforme des instances de décision locales, simplification et allégement des procédures, avec notamment le relèvement de 300 à 1 000 mètres carrés du seuil de déclenchement de l’obligation d’autorisation administrative.

Quant à l’évaluation, nous n’en sommes qu’aux prémices. J’ai néanmoins transmis au président de la commission des affaires économiques les premières données dont nous disposons. Les autorisations et les avis favorables ont été moins nombreux en 2009 qu’en 2008, paradoxe qui tient aux effets de la crise. En 2009, 2 607 382 mètres carrés ont été créés, contre 3 140 482 en 2008 et 3 688 621 en 2007. Le contexte économique reste peu favorable aux enseignes ; au demeurant, il est encore un peu tôt pour évaluer l’impact de la loi en cette matière.

Selon le document que j’ai transmis au président Ollier, il semble que, à court terme, l’impact de la LME sur les extensions de surface de vente des magasins existants ait atteint 300 000 mètres carrés supplémentaires à la fin de 2008. Quant aux effets du relèvement du seuil de 300 à 1 000 mètres carrés et de la circulaire rapidement adoptée grâce à l’intervention du président Ollier, nous n’avons pas encore de chiffres significatifs ; c’est pourquoi j’ai mandaté un cabinet indépendant qui pourra faire la lumière sur cette question. Je souhaite également que la réforme à venir s’inspire d’un certain nombre de principes, que j’ai rappelés tout à l’heure à la tribune.

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Retro commissio delenda est ! (Sourires.) En d’autres termes, les marges arrière doivent être détruites : nous n’avons cessé de le marteler lors des travaux liés aux projets de loi Dutreil I et II, Chatel et, dernièrement, au projet LME, avec l’obsession que Caton l’Ancien nourrissait à l’égard de Carthage et des dangers qu’elle représentait pour Rome.

Pas de lutte contre l’inflation digne de ce nom en France sans démantèlement de l’entente entre distributeur et fournisseur sur le dos du consommateur final ; pas de recul sensible de la corruption dans notre pays sans démantèlement de ces prestations commerciales trop souvent fictives et de ces flux financiers trop souvent illégaux. C’était clairement l’objectif majeur de la LME : il est donc impératif, monsieur le secrétaire d’État, d’en dresser le bilan.

Le rapport de nos collègues Jean-Paul Charié – notre groupe s’associe à l’hommage qui lui a été rendu –, Jean Gaubert et Patrick Ollier est précis sur ce point : il affirme que, en un an, les marges arrière ont fortement diminué, passant de 30 % du prix de vente avant la loi à 10 % à la fin de 2009. Dans le même temps, le rapport d’application de la LME publié par le Gouvernement fait état d’une baisse de 0,65 % des prix de grande consommation. La LME a donc clairement atteint deux de ses objectifs principaux : une baisse significative des marges arrières et une baisse des prix. Par ce double résultat, elle peut être qualifiée d’efficace.

Cependant, ces mêmes chiffres appellent de notre part deux questions. Pourquoi, en premier lieu, les prix à la consommation ne baissent-ils que de 0,65 % alors que les marges arrière ont diminué de 20 % ? Celles-ci représentaient une recette annexe pour les distributeurs, recette dont il est peu probable qu’elle se soit retrouvée dans l’amélioration des résultats des fournisseurs. Où sont donc passés les 20 % de baisse des marges arrière ?

Par ailleurs, lors des travaux relatifs au projet LME, nous avions eu de vifs débats sur la nécessité de conserver partiellement le mécanisme de marge arrière. Un an plus tard, monsieur le secrétaire d’État, la question demeure : faut-il légaliser ces pratiques dans des conditions bien délimitées, au risque de les voir à nouveau croître et empoisonner les relations commerciales, ou bien, comme nous le pensons, nous, centristes, les supprimer totalement ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. La question de Jean Dionis du Séjour me donne l’occasion de préciser un certain nombre de points.

Tout d’abord, la marge arrière recouvre ce que l’on appelle la coopération commerciale, c’est-à-dire l’ensemble des services rendus par les distributeurs pour la promotion en magasin d’un produit. Avant le vote du projet LME, cette négociation commerciale portait prioritairement sur les montants des marges arrière, et non sur les prix de vente. En 2005, les marges arrière s’élevaient en moyenne à 33,5 % du prix net facturé des articles, et s’échelonnaient, selon les produits, de 5 à 70 %. Cette situation emportait quelques conséquences pour notre économie : affaiblissement de la concurrence par les prix, au plus grand profit des distributeurs et d’une partie des fournisseurs ; spirale inflationniste au détriment du consommateur – puisque la loi interdisait de répercuter les marges arrière dans le prix de vente – ; enfin, une bonne partie de la coopération commerciale était fausse.

Lors du vote du projet LME, le Gouvernement a souhaité, avec la négociabilité, déplacer la négociation commerciale des marges arrière vers les conditions de vente et le prix fournisseur. Mais lors de ces débats, dont vous fûtes un acteur important, monsieur Dionis du Séjour, un accord a été trouvé, non sur la suppression des marges arrière, mais sur leur forte réduction. Les fournisseurs ont en effet rappelé qu’ils souhaitaient le maintien des opérations promotionnelles réelles, qui mettent leurs produits en valeur dans les magasins tout en leur offrant un effet positif de trésorerie auquel ils sont attachés.

Avec 11 % de marges arrière, nous sommes, je vous le rappelle, dans la norme au regard des pratiques constatées chez nos voisins. Le recul, plutôt que la suppression de la marge arrière, est conforme au souhait des acteurs économiques de conserver ce mode de service commun, et à celui du Gouvernement de le voir ramené à une juste proportion : passer de 32 % en 2008 à 11 ou 12 % en 2010, voilà un résultat qui me semble probant.

M. Jean Dionis du Séjour. Encore un effort, monsieur le secrétaire d’État !

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe UMP.

La parole est à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. Je me concentrerai sur la réforme de la négociabilité et des tarifs, à laquelle je reconnais particulièrement un point positif : la baisse sensible des marges arrière, même si l’effet prix – nous le savons tous – n’est pas à la hauteur de nos attentes.

À la suite du décès de Jean-Paul Charié et à votre demande, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président Ollier, j’ai repris la présidence de la commission d’examen des pratiques commerciales, la CEPC, ce qui m’a permis de prendre la mesure du travail accompli par Jean-Paul Charié. Je tiens donc à lui rendre hommage.

J’ai demandé à la DGCCRF de dresser un bilan des accords signés au 1 er  mars 2010. Le constat mérite évidemment d’être affiné, ce n’est qu’une photographie, mais cinq points m’interpellent.

Premièrement, le plan d’affaires n’a pas de vraie définition, et l’on note que beaucoup de contrats-types sont signés à la place de celui-ci, ce qui n’est pas conforme à l’esprit de la loi.

Deuxièmement, les clauses abusives perdurent, même si certaines ont été réécrites. Comment mieux les contrôler ?

Troisièmement, la pratique de garantie de marges subsiste.

Quatrièmement, les nouvelles initiatives promotionnelles, les NIP, se développent.

Cinquièmement, les déréférencements partiels sont fréquents, aussi bien dans les PME que dans les groupes internationaux.

Ces cinq points justifient un plan d’action.

Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, le texte rencontre quelques difficultés d’application : en matière de définition du déséquilibre significatif, du contenu du plan d’affaires, de transparence de la transaction telle que l’exprime la facture. Nous devons déterminer ensemble, monsieur le secrétaire d’État, comment résoudre ces difficultés.

Si les acteurs sont unanimes pour réclamer une pause législative, nous sommes, nous, unanimes pour affirmer que la loi doit être appliquée. J’insiste donc encore sur le rôle de la DGCCRF. Vous avez rappelé la mise en place, l’an dernier, de la brigade ; je soulignerai, pour ma part, notre besoin d’un travail d’analyse. Je tiens également à vous dire combien nous saluons votre action courageuse à propos des assignations. Les arrêts constitueront une jurisprudence.

La CEPC est déterminée à assumer toutes ses missions. Pour ce faire, elle doit pouvoir travailler de façon extrêmement étroite avec la DGCCRF sur le contrôle, les rapports et l’analyse. C’est ainsi que nous réussirons ensemble à faire appliquer la loi.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Madame la présidente de la commission d’examen des pratiques commerciales, vous avez évoqué un certain nombre de clarifications indispensables si l’on veut donner toute son efficacité à l’action du Gouvernement en matière de contrôle des pratiques commerciales. Vous avez notamment évoqué la nécessité d’une définition plus précise du plan d’affaires et du droit de la facturation dans le cadre de la négociabilité.

Vous proposez que la CEPC y travaille. J’y suis très favorable.

Je suis également très favorable à l’examen par votre commission d’un certain nombre de clauses dont nous pensons qu’elles peuvent être abusives. C’est précisément pour cette raison que nous souhaitons que la commission nous dise ce qu’elle en pense.

La pratique de la garantie de marges fait par exemple l’objet d’un contrôle spécifique de la part de mes services. Sur cette question, le Gouvernement ne restera pas inactif.

Je souhaite vous donner quelques éléments précis et relativement détaillés de l’activité de la brigade LME jusqu’à présent.

Chaque année, elle met en œuvre un plan de contrôle national, qui porte sur les conditions de la négociation et des relations commerciales. Ce contrôle débute à partir du 1 er mars, une fois les conventions conclues. Les enquêteurs de la brigade visitent tout d’abord les distributeurs, toutes les enseignes de la grande distribution à prédominance alimentaire et quelques enseignes de distribution spécialisée. Cela représente au total environ vingt enseignes. Une vingtaine de contrats-types sont donc examinés à ce jour par l’administration centrale. À partir des éléments recueillis auprès des distributeurs, une seconde phase de contrôle a lieu au printemps chez les fournisseurs. La synthèse nationale est réalisée au mois de juin. Sur cette base, des enquêtes approfondies sont diligentées au second semestre, notamment aux fins d’assignation civile. C’est la raison pour laquelle j’indiquais tout à l’heure que je ferais ce bilan au début du mois de juin.

Par ailleurs, dans le cadre de l’enquête spécifique sur les délais de paiement, comme j’ai eu l’occasion de le dire, 625 établissements ont d’ores et déjà été visités.

Outre ces deux enquêtes nationales, la brigade LME mène un certain nombre d’enquêtes spécifiques, qui portent sur des litiges particuliers ou des pratiques signalées dans tel ou tel secteur. Actuellement, 31 enquêtes spécifiques, au titre du livre IV du code du commerce, sont en cours.

Les enquêteurs de la brigade LME rédigent tout au long de l’année des fiches de signalement en fonction des informations. En 2009, 137 fiches ont ainsi été rédigées et transmises à l’administration centrale pour analyse et traitement. Cette année, 80 ont déjà été transmises.

Au plan civil, à la date du 12 mai 2010, 49 assignations sont en cours, ainsi que 12 interventions. Ces actions contentieuses sont le fruit du travail réalisé en amont par la brigade LME.

Au plan pénal, au cours de l’année 2009, 367 procès-verbaux ont été établis au titre de la lutte contre les pratiques restrictives de concurrence ; 157 dossiers ont abouti à un jugement ; 193 ont été conclus par des transactions.

Le montant total des amendes civiles prononcées était déjà très important en 2008, puisqu’il atteignait 1,537 million d’euros. Ce chiffre a été très largement dépassé en 2009, le montant de ces amendes atteignant alors 4 491 301 euros.

Au pénal, le montant de ces amendes pour pratiques restrictives de concurrence s’élève à 1 066 734 euros. En outre, les 193 transactions dont je parlais ont été conclues pour un montant total de 962 100 euros. Nous parvenons ainsi à un total de 2 028 834 euros. Vous le voyez, même s’ils peuvent encore être améliorés, notamment grâce à votre action à la tête de la CEPC, les contrôles sont déjà très importants.

M. le président. La parole est à M. Francis Saint-Léger.

M. Francis Saint-Léger. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon collègue Jean-Charles Taugourdeau s’associe à ma question.

La loi de modernisation de l’économie impose aux entreprises de réduire leurs délais de paiement. Cette mesure a évité de nombreuses faillites et a soulagé la trésorerie des PME, qui peuvent exiger de leurs clients que leurs factures leur soient payées au plus tard quarante ou soixante jours fin de mois, et non plus quatre-vingt-dix jours, voire plus, comme c’était le cas avant le 1 er  janvier 2009.

Cependant, les délais de paiement se sont réduits de manière plus importante vis-à-vis des fournisseurs que vis-à-vis des clients, augmentant ainsi le financement des entreprises. En outre, trente-neuf accords dérogatoires ont été conclus, ce dont pâtit sensiblement la lisibilité de ces dispositifs.

Cette loi doit donc être respectée par tout le monde car, si les entreprises sont payées plus vite, elles doivent elles aussi payer plus tôt. C’est ainsi que les entreprises dont l’activité connaît des pointes dans le temps, entre lesquelles elles connaissent des périodes de flottement, ont davantage de créances en crédits clients et que la réduction des délais de paiement diminue leur souplesse commerciale.

Il en va de même pour les entreprises exportatrices, qui doivent payer leurs fournisseurs dans les temps prévus, tandis qu’elles doivent continuer à attendre 100 ou 120 jours pour être réglées par leurs clients.

Comptez-vous donc, monsieur le secrétaire d’État, assouplir ou durcir cette mesure ? Dans le cas où les délais de paiement seraient encore diminués, il conviendrait de sensibiliser les banques et les organismes de crédit aux PME, afin que les entreprises qui subissent déjà des disparités de paiement, de par leurs activités, ne soient pas encore plus pénalisées. Quelles sont donc vos intentions, monsieur le secrétaire d’État ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. On le dit depuis le début de ce débat : la réduction des délais de paiement a été significative en France. Cela s’est traduit, pour les PME, par un gain de trésorerie que mes services évaluent à quelque 4 milliards d’euros et que l’observatoire des délais de paiement estime à 12 milliards d’euros. C’est en tout cas entre ces deux bornes que se situe le gain de trésorerie. Il est donc appréciable.

La loi a prévu des dérogations, car des situations spécifiques résultaient des habitudes de paiement qui avaient cours dans certaines branches. Trente-neuf accords dérogatoires ont donc été conclus ; je rappelle qu’ils expirent le 31 décembre 2011, le délai de paiement de soixante jours calendaires s’imposant à tous à compter du 1 er  janvier 2012. Ces trente-neuf accords ne couvrent que 20 % de notre économie marchande. Cela signifie que la loi est directement applicable à 80 % de notre économie.

Dans le seul secteur de l’automobile, ce sont 2,5 milliards d’euros de trésorerie qui ont été apportés aux sous-traitants par la réduction des délais de paiement.

Vous m’interrogez également sur les délais de paiement plafonnés par la LME et applicables aux relations entretenues par une société française avec une société étrangère. Vous avez raison de me poser cette question : elle revient souvent dans les échanges que l’on peut avoir avec tel ou tel industriel, tel ou tel entrepreneur. Je tiens à vous indiquer, de la manière la plus claire, que la loi est applicable à toutes les situations ayant une incidence en France. Il ressort de la jurisprudence française que l’article L. 442-6 du code de commerce qui prévoit la sanction civile du non-respect des plafonds de délais de paiement est une loi de police. Elle s’impose donc à la volonté des parties, y compris en présence d’un contrat international. Son application est impérative pour la sauvegarde de l’ordre politique, économique ou social de l’État. Cela permet de demander au juge d’appliquer la loi de modernisation de l’économie dans ses dispositions relatives aux délais de paiement aussi bien à un client étranger qu’à un fournisseur étranger, dès lors qu’il est en relation avec une société française. On peut donc considérer que la LME s’applique aussi bien à un créancier pour un dommage subi en France qu’à un débiteur français, même si aucune juridiction n’a encore eu à se prononcer sur cette question.

La DGCCRF est vigilante à cet égard, en particulier en cas d’abus ou de contournement volontaire de la LME.

Rappelez-vous en outre qu’une directive européenne harmonisera, dans quelques années, le droit des délais de paiement dans toute l’Union européenne. Souhaitons que ce soit le plus tôt possible.

M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard.

M. Bernard Gérard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’exercice de ce jour nous invite à nous arrêter sur l’application des nouvelles mesures voulues par la loi en matière de soldes.

Il s’agit en effet d’un point essentiel puisque l’assouplissement du régime des soldes et des promotions fut une mesure phare de la LME, destinée à doper l’activité économique des commerçants, à favoriser une concurrence loyale entre les différents canaux de distribution et, enfin, à booster le pouvoir d’achat en proposant toute l’année aux consomma teurs des prix intéressants. Ces nouvelles mesures sont entrées en vigueur au 1 er  janvier 2009. Aussi pouvons-nous nous interroger sur leur efficacité à l’aune de leur application.

Au terme des consultations que j’ai pu mener sur le terrain, apparaissent des motifs de satisfaction à plusieurs égards, mais aussi des interrogations.

Premier point, la date fixe nationale de début et de fin de soldes était attendue, mais les dérogations suscitent des réserves. Si elles étaient trop nombreuses, elles risqueraient d’être à l’origine d’une concurrence déloyale.

Deuxième point, les soldes flottants sont perçus, en cette période économique difficile, comme un bon outil de gestion des stocks et de flexibilité. Néanmoins, au bout de dix-huit mois, des questions demeurent sur leurs modalités d’application. Quel bilan pouvez-vous donc tirer de ces premières expériences ? Les objectifs poursuivis en termes d’activité économique, de consommation et de pouvoir d’achat sont-ils atteints ? Ces nouvelles mesures législatives, notamment celles relatives aux soldes flottants, sont-elles en adéquation avec le terrain ?

En effet, certains commerçants se sont dits réticents à cette mesure, craignant qu’elle ne banalise les soldes et ne fragilisent les soldes nationaux, sans que le pouvoir d’achat s’en trouve grandement amélioré. Néanmoins, plusieurs études montrent que les commerçants qui y ont eu recours en sont satisfaits. Dès lors, comment vaincre les réticences qui subsistent notamment à la lecture d’une étude de la chambre de commerce et d’industrie de Paris de février dernier ?

L’application du nouveau régime nous pousse également à nous interroger sur les prix. L’assouplissement du régime des soldes et des opérations promotionnelles possibles toute l’année permet de faire jouer plus librement les prix. Cette opération bénéfique pour le consommateur ne sème-t-elle pas le trouble sur la fixation des prix, ainsi que sur la lisibilité de l’offre ?

Si je suis convaincu que la modernisation des soldes est légitime en raison de l’évolution des pratiques commerciales et des modes de consommation, il convient néanmoins d’être à l’écoute des commerçants divers, petits et grands, qui font vivre nos villes et le tissu économique national.

Dans cet esprit, je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir nous dire dans quelle mesure les objectifs poursuivis sont atteints.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Vous le savez, monsieur le député, la réforme de la LME a modifié le dispositif des soldes sur trois points principaux : une durée de cinq semaines maximum pour chaque période, été ou hiver, fixée par décret ; deux semaines de soldes complémentaires librement choisis par les commerçants, dits soldes flottants ; une procédure de télédéclaration des soldes au moins un mois avant la date de commencement de l’opération, procédure déjà utilisée par 63 % des commerçants. Les dates nationales, comme les dérogations pour les départements balnéaires et les départements frontaliers, sont fixées par décret.

Ce dispositif est un succès, puisque la fixation des dates de début des soldes constituait chaque année une occasion de débat récurrente, d’une part, entre les commerçants, d’autre part, entre les commerçants et les pouvoirs publics. La date unique de début des soldes d’hiver et d’été ne fait désormais plus débat. C’est l’un des acquis de cette nouvelle pratique. Les commerces se sont emparés des nouvelles dispositions puisque plus de la moitié des grandes enseignes et 20 % des petits magasins ont déjà utilisé cette nouvelle possibilité.

Il y a cependant des critiques, dont vous vous êtes fait l’écho. Elles persistent à l’égard du nouveau régime des soldes. Il est à noter que les commerçants indépendants – je le reconnais volontiers – sont moins satisfaits de cette période de soldes flottants que les propriétaires de magasins franchisés et, surtout, les gérants de chaînes succursalistes.

J’entends ces critiques, mais le Gouvernement n’est pas, aujourd’hui, favorable à la modification du régime des soldes. La réforme n’a que quelques mois d’existence : il faut laisser du temps au temps. Il est trop tôt pour tirer des enseignements définitifs de la nouvelle liberté accordée aux commerçants de revendre à perte pour liquider leurs anciennes collections, au moment qu’ils choisissent.

Toutefois, sensible à vos remarques, monsieur Gérard, je tenais à vous l’annoncer que je suis prêt à lancer dès cette année une évaluation des effets du nouveau régime des soldes et en particulier des soldes flottants…

Mme Laure de La Raudière. Très bien !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. …en lien avec les commerçants, notamment avec le Conseil du commerce de France. Il est important de procéder à une évaluation et, s’il y a lieu, à une réforme. Mais évaluons d’abord. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe SRC.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ma question concerne la réforme des CDAC – les commissions départementales d’aménagement commercial – et le relèvement du seuil d’autorisation qui a libéralisé les implantations commerciales de moins de 1 000 mètres carrés afin, nous a-t-on répété au moment du vote de la loi, de faciliter l’arrivée de nouveaux entrants dans le secteur de la distribution.

Que peut-on constater, notamment dans une grande ville comme Paris ? Partout, les supérettes éclosent en nombre, et sauvagement. La stratégie d’implantation de ces enseignes consistant à s’installer les unes en face des autres amène à une concentration plus qu’excessive de supérettes dans certaines rues et dans certains quartiers.

Malgré cela, et contrairement à ce que prévoyait le Gouvernement, la concurrence n’en sort pas renforcée. Ainsi, dans la capitale, on assiste à un face à face entre 243 magasins Carrefour et 288 magasins Casino. Ces deux groupes détiennent 80 % du marché, si bien qu’ils n’ont aucune difficulté à faire monter les prix : en témoigne un indice de 115 à 125, alors que, ailleurs, il est à 100. D’un côté, le consommateur est lésé et, de l’autre, les conséquences du rehaussement de ce seuil sont particulièrement néfastes pour le petit commerce.

Les élus ne rencontrent plus, au préalable, les responsables de projets, ce qui entraîne une dérégulation servant les plus forts et déstabilisant la vitalité commerciale fragile des quartiers aux dépens des commerces de proximité, tout en créant nombre de nuisances pour nos concitoyens. Les victimes de cette politique sont les commerçants indépendants, les consommateurs et les cœurs de ville. À Paris, les efforts financiers considérables engagés par la ville dans les quartiers touchés par la monoactivité, afin de réinstaller, notamment, des commerces de bouche, sont fortement contrariés par la multiplication des implantations anarchiques de supérettes qui menacent la diversité commerciale de certaines rues. C’est pourquoi nous souhaiterions savoir quelles mesures vous comptez mettre en œuvre pour parer à ces effets pervers de la loi.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Monsieur le député, j’ai rappelé les fondements de la réforme en matière d’urbanisme commercial, les nouveaux critères, les instances de décision locales, la simplification et l’allégement des procédures, avec le relèvement de 300 à 1 000 mètres carrés du seuil de déclenchement de l’obligation d’une autorisation.

Vous conviendrez qu’il est encore un peu tôt pour évaluer l’impact de la loi en la matière, même si j’ai noté avec beaucoup d’intérêt les éléments concrets que vous avez livrés au débat.

D’après le dernier état des lieux que j’ai eu l’occasion de transmettre hier au président de la commission des affaires économiques, l’impact de la LME sur les extensions de surfaces de vente des magasins existants au-dessus de 1 000 mètres carrés pourrait, à court terme, être de 300 000 mètres carrés supplémentaires à la fin de 2008. Toutefois, dès lors qu’il n’y a plus de demande d’autorisation, les effets de la LME sur les ouvertures de magasins de 300 à 1 000 mètres carrés n’étaient pas apparents à la fin de 2008. Il semble qu’ils le soient bien plus en 2009.

C’est pourquoi j’ai confié à un cabinet indépendant le soin de mener cette évaluation qui sera transmise au Parlement et au président de la commission des affaires économiques. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a eu une dynamisation par le biais de cette réforme du hard discount alimentaire. L’impact en termes d’augmentation de surface – ouvertures et extensions – pourrait être compris entre 60 000 et 150 000 mètres carrés après un an d’application de la loi. À plus long terme, il faudra déterminer cet effet de la LME ; ce sera l’objet de l’évaluation que je me suis engagé à vous fournir pour vous donner tous les éclaircissements souhaités.

Le Gouvernement compte aussi sur la proposition de loi portée par le président Ollier, qui sera débattue dans votre assemblée dès le mois de juin, pour mener à son terme la réforme que la majorité du Parlement avait souhaitée dans ce domaine et fondre le droit commercial dans le droit de l’urbanisme.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le secrétaire d’État, vous resterez dans l’histoire comme celui qui aura réinventé l’espoir, comme d’autres réinventent le Père Noël, avec le statut d’auto-entrepreneur ! (Sourires.) Vous nous l’avez dit, c’est un statut qui donne de l’espoir. Malheureusement, il ne fait que donner de l’espoir…

Mme Laure de La Raudière. Mais non !

M. François Brottes. …puisqu’il permet aux employeurs d’obliger leurs salariés à quitter leur statut de salariés et aux entreprises de trouver face à elles une concurrence déloyale.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Vous êtes excessif !

M. François Brottes. Pourtant, nous n’étions pas contre le fait d’avoir provisoirement, pour les demandeurs d’emploi – mais pas pour les autres – accès au statut d’auto-entrepreneur.

Parmi les multiples effets collatéraux de votre réforme, monsieur le secrétaire d’État, il y a l’assèchement des caisses de retraite. Permettez-moi de vous lire rapidement un courrier du président de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales, daté du 10 mai dernier : « Comment ne pas être inquiet quant à la pérennité de notre régime, géré en répartition, qui voit arriver depuis un an, sans concertation ni aménagement, près de 150 000 nouveaux affiliés auto-entrepreneurs, à revenus très faibles, voire nuls, à comparer aux 600 000 cotisants gérés actuellement ?

« L’afflux des nouveaux entrepreneurs dans le régime de base des professions libérales, loin d’induire un accroissement de ses ressources, devrait le rendre déficitaire, du fait des mécanismes de compensation démographique entre les régimes de retraite, alors que, depuis 1949, date de sa création, il a toujours connu une situation bénéficiaire. » C’était avant vous, monsieur le secrétaire d’État !

« Dès la fin de l’année 2008, la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales a alerté les pouvoirs publics sur la nécessité d’engager des mesures d’ajustement. Mais, à ce jour, aucune mesure concrète n’a été prise. Si cette situation perdurait, il deviendrait inévitable d’augmenter fortement la cotisation du régime de base de tous les professionnels libéraux. »

Il en est de même pour le régime social des indépendants. Cela concerne les artisans et les commerçants. En effet, l’engouement pour le régime de l’auto-entrepreneur semblant perdurer – l’espoir se vend bien ! –, quel sera le montant de la compensation en 2011, en 2012 et les années suivantes ?

Monsieur le secrétaire d’État, que répondez-vous aux professions libérales, aux artisans et aux commerçants qui subissent non seulement une concurrence déloyale avec le statut d’auto-entrepreneur, mais voient, de surcroît, sans concertation ni compensation, vider les poches de leur caisse de retraite, grâce à votre volonté de distribuer l’espoir ?

M. Jean Gaubert, co-rapporteur . Bravo !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Monsieur Brottes, nous ne sommes pas d’accord, dès le départ, sur la notion de concurrence déloyale.

M. François Brottes. Je vous l’accorde !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Vous le savez, depuis le vote de la loi par le Parlement, les auto-entrepreneurs ont les mêmes obligations en matière de qualifications professionnelles, qui – soit dit en passant – n’étaient pas contrôlées pour les artisans. Les auto-entrepreneurs exerçant dans les métiers de l’artisanat sont automatiquement immatriculés. Ainsi, les principaux ferments d’une éventuelle concurrence déloyale n’existent plus, si tant est qu’ils aient jamais existé.

M. François Brottes. Venons-en aux caisses de retraite !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Je vais maintenant en venir au cœur de votre question, qui concerne la problématique de la caisse d’assurance vieillesse des professions libérales. Certes, dans l’une de ses déclarations, le président Escourrou a affirmé que le régime de l’auto-entrepreneur pesait fortement sur les charges financières du régime…

M. François Brottes. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. …et portait à terme le risque d’une augmentation de cotisations sociales pour les assurés.

Remarquons d’abord le paradoxe qui consiste, pour un président de caisse, à se plaindre de voir arriver chez lui de nouveaux cotisants.

M. François Brottes. Ils ne cotisent pas !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Ils cotisent en fonction de leur revenu.

M. François Brottes. Ils cotisent peu !

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Mais si, ils cotisent !

Mme Laure de La Raudière. Comme dans le cas d’une micro-entreprise !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Je rappelle qu’il y aura eu, en 2009, 180 millions d’euros de cotisations sociales qui seront apportées grâce au régime de l’auto-entrepreneur.

Ce qui est en cause, c’est une dérive commune à l’ensemble des régimes de retraite du fait de la liquidation des pensions de la génération du baby-boom . La CNAVPL n’est pas la seule à subir un déficit. Elle en subit un, certes, pour la première fois en 2010, mais comme toutes les caisses spécifiques de sécurité sociale.

Que se passe-t-il ? Lorsqu’un auto-entrepreneur adhère à la CNAVPL, c’est cette dernière qui, au titre de la compensation générale du système, doit contribuer pour cette compensation à hauteur de 1 700 euros. C’est le mécanisme de compensation qui est en cause, pas l’entrée de l’auto-entrepreneur dans ce régime. C’est la raison pour laquelle j’ai indiqué que j’étais favorable à des mesures d’ajustement, par exemple à la diminution de cette contribution. Les travaux sont en cours et la réforme des retraites viendra rapidement. Mais je peux d’ores et déjà vous indiquer que vous aurez la réponse à cette question, qu’a également posée le président Escourrou.

M. François Brottes. C’est une vraie question !

M. le président. La parole est à Mme Annick Le Loch.

Mme Annick Le Loch. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur la négociabilité des tarifs et l’état des relations entre distributeurs et fournisseurs.

Quelle était l’idée directrice de la LME ? Libérer la négociation, autoriser la discrimination tarifaire, encourager la libre concurrence entre fournisseurs pour créer de la transparence et baisser les prix au profit du consommateur. Le pari était le suivant : la négociation à l’arrière, la fausse coopération commerciale et l’opacité des prix devaient disparaître grâce à une liberté accrue de négociation et à de meilleures garanties pour les fournisseurs face aux distributeurs.

Ce pari est-il gagné ? Je ne le crois pas. En tout cas, les éléments qui ont été fournis ce matin au cours des premières rencontres parlementaires auxquelles j’ai assisté ne permettent pas de le penser. Aujourd’hui, producteurs et industriels s’inquiètent des relations commerciales avec les distributeurs, qui sont très dures et déséquilibrées. Ceux-ci ressentent une pression accrue, une menace de déréférencement permanente et se heurtent au refus de toute hausse de leurs tarifs d’un contrat à l’autre. Les relations commerciales sont aujourd’hui au moins aussi dégradées qu’avant la loi. Les fournisseurs sont maintenus dans la simple négociation des tarifs avec les distributeurs sans pouvoir construire de partenariat plus durable. Des plans d’affaires existent dans la loi, mais pas dans les faits. Le rapport de forces entre fournisseurs et distributeurs reste donc profondément déséquilibré : cinq centrales d’achat contre des milliers de producteurs et industriels mis en concurrence. Une réforme structurelle ne s’impose-t-elle pas, monsieur le secrétaire d’État ?

La LME a-t-elle au moins permis de mettre fin aux abus les plus criants ? Non, semble-t-il. Contrats prérédigés par les distributeurs, immédiatement renégociés après le 1 er  mars, assortis de garanties de marges ou de demandes de compensations financières, facturation de prestations fictives : les abus persistent, malgré les sanctions prévues et les assignations récentes évoquées tout à l’heure.

Le consommateur sort-il au moins gagnant ? Le rapport rendu en février dernier par Jean Gaubert et Patrick Ollier, et dont notre collègue Jean-Paul Charié a été l’artisan majeur, évoque un bilan modeste. En réalité, il est décevant. Les prix de grande consommation ont augmenté, entre septembre 2008 et septembre 2009, de 0,4 %. Ce sont, monsieur le secrétaire d’État, les chiffres de l’INSEE.

Au final, quel bilan tirez-vous de la négociabilité des tarifs ? Quels échos avez-vous de la part des fournisseurs ? Quelles actions, enfin, comptez-vous mener pour rééquilibrer le rapport de forces entre distributeurs et fournisseurs ?

Si vous me le permettez, monsieur le secrétaire d’État, j’ai une deuxième question à vous poser concernant un arrêté. Vous avez évoqué tout à l’heure les 300 000 mètres carrés supplémentaires de surface commerciale créés pendant la période de flou juridique. Je voudrais savoir si l’arrêté de régularisation qui a été évoqué à maintes reprises en commission a bien été pris.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Madame la députée, la réforme structurelle que vous appelez de vos vœux a eu lieu : c’est celle portée par la loi de modernisation de l’économie qui a rétabli la liberté de négociation. Mais cette liberté de négociation a été accompagnée, liée, si j’ose dire, à la nécessaire responsabilité des parties dans la confection des contrats.

Le déséquilibre et les pratiques abusives seront condamnés plus fortement encore qu’avant la loi de modernisation de l’économie.

Quel bilan peut-on en tirer ? Je possède les mêmes chiffres que vous. Ils sont indiscutables et indubitables. Dans le contexte d’une inflation qui repart, le bilan est certes modeste pour le consommateur, mais nous avons toutefois enregistré une baisse de 0,2 % de mars 2009 à mars 2010, alors que l’indice des prix à la consommation était à la hausse.

Concernant l’équilibre entre les parties, j’ai constaté qu’un certain nombre de pratiques abusives perduraient après l’obtention de la négociabilité et de la liberté de négociation. C’est pourquoi j’ai assigné les neuf enseignes de la distribution. La première condamnation est tombée. Il y en aura d’autres. J’aurai l’occasion, à la fin de ce mois, de dresser un bilan et de voir dans quelles conditions nous pourrons continuer de lutter contre ces pratiques abusives et également contre les clauses abusives dans les nouveaux contrats. C’est ainsi : il y a liberté de négociation et responsabilité. Nous comptons ainsi obtenir un certain nombre de résultats. Je tiens à vous faire remarquer, pour conclure, que de nombreuses pratiques abusives ont disparu, même si d’autres sont nées. La commission d’examen des pratiques commerciales jouera son rôle à nos côtés pour veiller à les chasser.

M. le président. Nous en revenons au groupe UMP.

La parole est à Mme Fabienne Labrette-Ménager.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Monsieur le secrétaire d’État, alors que nous avons adopté, voici quelques semaines, le projet de loi encadrant le crédit à la consommation, je souhaite faire un parallèle avec la loi LME et plus particulièrement avec l’article 81 qui traite du développement de l'économie solidaire et du microcrédit. La loi reconnaît comme entreprises solidaires celles qui emploient des salariés dans le cadre de contrats aidés ou en situation d'insertion professionnelle. C'est justement la situation de ces personnes qui nous interpelle, car si la loi LME a évoqué le thème du microcrédit personnel, celui-ci reste encore trop confidentiel sur le terrain.

Nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à se voir interdire l'accès au crédit à la consommation, ce qui est parfois une bonne chose pour éviter à certains ménages de sombrer dans le surendettement avec toutes ses conséquences. Il en est cependant qui ont besoin d’un coup de pouce ponctuel pour repartir sur des bases solides et, dans certains cas, l'obtention d'un microcrédit peut leur permettre, notamment, d’acquérir un moyen de locomotion indispensable afin de se rendre sur leur lieu de travail ou d’effectuer leur travail. Or, en l'état, la voie d'accès au microcrédit reste beaucoup trop floue. Le réseau des banques, bien que distributeur de ce type de crédit, ne joue pas franchement le jeu, affairé qu'il est à vouloir placer ses crédits à la consommation avec un TEG de 17 à 20 %

Aussi, je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, de nous indiquer les moyens que vous entendez mettre en œuvre pour faciliter l'accès au microcrédit inférieur à 3000 euros aux personnes en voie d'insertion qui, aujourd'hui, ne disposent pas des informations nécessaires pour accomplir le parcours du combattant que représente la demande de microcrédit.

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Madame Labrette-Ménager, vous posez une question essentielle : celle du microcrédit. Nous distinguons, vous le savez, deux grands types de microcrédit : le microcrédit professionnel et le microcrédit personnel. Je passe rapidement sur le microcrédit professionnel, qui vise à permettre la création d’une entreprise.

Le microcrédit personnel auquel vous venez de faire référence a, lui, pour vocation de permettre à une personne particulièrement défavorisée de trouver une activité ou de se maintenir en situation d’employabilité. L’exemple du moyen de transport que vous citiez, madame la députée, est, de ce point de vue, tout à fait bien choisi.

Le développement du microcrédit personnel est plus récent, on le sait, que celui du microcrédit professionnel. Je comprends votre souci d’encourager son développement. C’est pourquoi je souhaite rappeler que l’État contribue au Fonds de cohésion sociale qui permet de garantir des microcrédits personnels. Les fonds apportés par l’État permettent d’envisager un développement sensible du microcrédit personnel puisqu’ils correspondent à un encours maximum de prêts de plus de 34 millions, contre environ 7 millions actuellement octroyés au début de l’année 2009.

Le projet de loi portant réforme du crédit à la consommation a été amendé avec le soutien du Gouvernement afin de conforter les missions du Fonds de cohésion sociale, y compris en matière de microcrédit personnel, et d’obliger les banques à indiquer chaque année les données relatives à leur activité en matière de microcrédit, notamment personnel, qui a bénéficié de la garantie du Fonds de cohésion sociale. Cette mesure constituera, je le crois, une incitation forte pour les réseaux bancaires qui, aujourd’hui, ont laissé d’autres catégories d’établissements développer l’activité de microcrédit personnel.

Il s’agit aussi d’élargir le champ de financement des associations habilitées à faire du microcrédit et, enfin, de mettre en œuvre l’amendement adopté qui prévoit que le fait d’être inscrit au fichier des incidents de paiement ne sera plus, en soi, un obstacle à l’obtention du microcrédit garanti par le Fonds de cohésion sociale.

Au-delà de ces mesures très concrètes, il appartient au réseau bancaire et au réseau accompagnant de réaliser un travail d’information et d’orientation des personnes qui pourraient bénéficier d’un microcrédit personnel. Je tiens à souligner en particulier l’initiative des grands réseaux bancaires français qui, par l’intermédiaire de la Fédération bancaire française, ont généralisé à la fin du mois de janvier dernier le microcrédit personnel accompagné. L’objectif est que, d’ici au mois de juin, un groupe bancaire au moins soit en mesure de proposer, dans chaque département, une offre de microcrédit accompagné en liaison avec une structure d’accompagnement. Ainsi, 7 000 dossiers devraient pouvoir être traités en 2010. Telles sont, madame la députée, les réponses à votre question.

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le secrétaire d’État, le chapitre I er du titre III de la loi de modernisation de l’économie a pour objet de développer l’accès au très haut débit et au numérique sur tout le territoire. La LME complétée par la loi relative à la lutte contre la fracture numérique, adoptée en décembre 2009, fixe les principales dispositions permettant aux opérateurs de déployer la fibre optique, notamment dans les zones denses. Nous nous souvenons tous que les opérateurs hésitaient à investir dans l’attente de règles précises. C’était, en tout cas, ce qu’ils nous disaient.

Le déploiement du très haut débit est une priorité pour que la France puisse développer l’économie en forte croissance que représente le numérique. Quel bilan d’étape peut-on dresser aujourd’hui des dispositions prises concernant le déploiement de la fibre optique ?

Deux dispositions ont été introduites à l’Assemblée nationale et complétées au Sénat concernant les réseaux mobiles. Nous avons souhaité doter l’ARCEP de la possibilité de prendre des sanctions en cas de non-respect des engagements pris par les opérateurs lors de l’attribution de fréquences, en particulier les obligations de couverture du territoire. Nous savons que, dans le cadre des réseaux WiMAX, cette couverture n’est pas atteinte. C’est également le cas des réseaux 3G. Quel a été le rôle de l’ARCEP en la matière ? A-t-elle appliqué, à l’encontre des opérateurs, les dispositions votées ? Quelle a été la nature des négociations ?

Enfin, nous avons aussi voté une mesure relative au déploiement des mobiles 3G. Ainsi, aux termes de l’article 119, l’ARCEP détermine les conditions de « partage des installations de réseau de troisième génération », et ce toujours dans le but d’améliorer la couverture du territoire dans les zones rurales en téléphonie mobile 3G.

Je m’inquiète quelque peu, car je n’ai pas le sentiment que des décisions ont été prises par l’ARCEP concernant la mutualisation d’infrastructures. Je souhaiterais que, dans l’esprit des mesures que nous avons adoptées, il y ait une mutualisation des infrastructures supérieure à celle effectuée dans le cadre du programme de résorption des zones blanches.

Pouvez-vous nous informer sur ces différents points ?

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Je répondrai tout d’abord à votre dernière question portant sur la couverture du territoire en téléphonie mobile.

Vous le savez, l’article 112 de la loi a renforcé les pouvoirs de sanction de l’ARCEP dans le cas où les opérateurs ne respectent pas une obligation de couverture du territoire. À la fin 2009, les opérateurs Orange et SFR ont été mis en demeure de respecter leur obligation de couverture 3G, conformément à l’article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques. Les nouvelles dispositions prévues par la LME ont été appliquées à cette occasion pour imposer de nouveaux calendriers et obligations intermédiaires aux opérateurs, lesquels, en cas de nouveaux manquements, s’exposeraient aux sanctions introduites et définies par la LME.

Vous m’interrogez sur les nouveaux pouvoirs de l’ARCEP, notamment au regard de la mise en œuvre de l’article 119. En avril 2009, l’ARCEP a pris une décision fixant les principes du partage entre opérateurs d’installations de réseaux mobiles 3G. Orange France, SFR et Bouygues Telecom ont conclu, le 11 février 2010, un accord-cadre de partage d’installations de réseau 3G. Ce partage permettra de faciliter et d’accélérer, comme vous le souhaitez, l’extension de la couverture 3G dans environ 3 600 communes, correspondant à celles déjà couvertes dans le cadre du programme « zones blanches 2G » et à 300 communes supplémentaires.

Concernant le déploiement de la fibre optique, la LME, vous le savez, a fixé le cadre réglementaire du déploiement des réseaux à très haut débit en France pour l’installation de la fibre optique dans les immeubles grâce à quelques mesures clés : établissement d’un droit au très haut débit inspiré du droit à l’antenne et obligation de conclure une convention entre le propriétaire et l’opérateur pour l’installation de la fibre optique dans un immeuble. J’étais, à l’époque, en charge de l’industrie. J’ai par conséquent eu la joie de poser ces principes, comme celui de la mutualisation, donc du partage entre tous les opérateurs de fibre optique dans les immeubles. Tous les immeubles neufs devront être pré-équipés en réseau intérieur fibre optique dès 2010 pour les immeubles de plus de vingt-cinq logements et à compter de 2011 pour les autres. Le cadre réglementaire doit encore être complété en 2010 par une décision de l’ARCEP fixant les modalités de mutualisation dans les zones moins denses, qui ne sont pas moins importantes que les autres. Par ailleurs, le Président de la République, vous le savez, a annoncé que, dans le cadre de l’emprunt national, 2 milliards d’euros seront consacrés au très haut débit. Cette somme, qui sera versée en complément de l’investissement des opérateurs privés et des actions des collectivités territoriales, devrait permettre d’apporter le très haut débit à 70 % au moins de la population avant la fin de la présente décennie.

M. le président. La parole est à M. Bernard Reynès.

M. Bernard Reynès. Monsieur le secrétaire d’État, la loi de modernisation de l'économie, votée en juillet 2008, devait permettre de stimuler la croissance et les énergies en levant les blocages structurels et réglementaires qui freinent l'économie de notre pays, en faisant jouer la concurrence et en allégeant certaines contraintes. C'est en effet l'attractivité de la France qui est en jeu, dans un contexte économique et social tendu sous l'effet de la crise financière que nous venons de traverser et dont les conséquences sont encore prégnantes pour nos concitoyens.

Après bientôt deux ans d'application de cette fameuse LME, texte aux ambitions élevées pour relever le défi de la compétitivité économique de nos entreprises, de notre industrie, mais aussi du secteur de l'innovation, nous nous interrogeons sur les résultats des mesures prises pour favoriser la localisation de l'activité en France, donc son attractivité économique, mesures qui faisaient l'objet du chapitre II du titre III de la loi. Sans doute le contexte de crise a-t-il obéré les résultats escomptés de ces mesures. La LME a néanmoins joué un rôle essentiel de rempart, limitant l'impact de la crise pour notre économie.

Plus précisément, l'amélioration du régime fiscal des impatriés a-t-elle permis l'installation de cadres de haut niveau sur le territoire français, générant ainsi l'implantation de nouvelles activités ?

Avez-vous pu, a contrario , mesurer les effets sur le phénomène des délocalisations, que nous savons si dévastateur en termes d'emplois ?

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir porter à notre connaissance les chiffres ou éléments concernant les créations d'entreprises en 2009 et 2010, le retour de salariés ou d'entrepreneurs en France pour exercer leur activité et les délocalisations évitées grâce à ces mesures incitatives.

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Monsieur Reynès, la France, vous le savez, se situe au troisième rang mondial pour l’investissement direct à l’étranger entrant et reste le second pays d’accueil en Europe – c’est une réalité – derrière le Royaume-Uni, pour les investissements étrangers créateurs d’emplois.

Parmi les nombreuses mesures que le Gouvernement a prises pour renforcer l’attractivité de la France, l’article 121 de la loi de modernisation de l’économie auquel vous avez fait allusion vise à encourager l’installation en France de cadres de haut niveau en améliorant le régime fiscal des impatriés. Ce régime connaît un véritable succès puisque, en 2008, 8 115 foyers d’impatriés en ont bénéficié contre 6 297 en 2007, soit une augmentation de près de 30 %. On mesure un des effets de la LME dans ce domaine.

Je ne dispose malheureusement pas de mesures statistiques concernant les délocalisations. Cependant, on peut dire qu’un consensus se dégage chez les analystes et observateurs pour estimer, sur la longue période, que les délocalisations détruisent de l’ordre de 10 000 à 15 000 emplois par an. Ce chiffre est à comparer aux plus de 70 000 emplois détruits en moyenne par an dans l’industrie depuis 1980. Les tendances récentes semblent montrer que la crise de 2009 a gelé plutôt qu’accéléré les délocalisations. À défaut d’éléments statistiques, une analyse des causes des plus importantes restructurations observées de septembre 2008 à septembre 2009 met en évidence que les restructurations ont été avant tout causées par des questions de surcapacité et des réorganisations internes. Les pertes d’emplois industriels constatées en 2009 sont par conséquent très faiblement dues au phénomène de délocalisation.

Durant la crise, le Gouvernement s’est particulièrement mobilisé pour soutenir l’activité et l’emploi sur notre territoire. Pour préparer la sortie de crise et l’avenir, il se mobilise à nouveau puisque, dans le cadre des états généraux de l’industrie, un dispositif de 200 millions d’euros a été mis en place pour inciter les entreprises à investir en France et à reconnaître les atouts du site France.

La capacité de la France à attirer des projets d’investissements créateurs d’emplois ne se dément pas, même dans la crise. En 2009, 639 décisions d’investissements étrangers créateurs d’emplois ont été prises, plus qu’en 2007 et presque autant qu’en 2008. Il s’agit du quatrième meilleur résultat depuis quinze ans. Ces investissements permettront de maintenir ou de créer près de 30 000 emplois, un montant en phase avec la moyenne annuelle observée depuis 2000, et ce malgré les effets de la crise. C’est donc un très bon résultat.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, co-rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Fioraso.

Mme Geneviève Fioraso. Monsieur le secrétaire d’État, lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l'économie, nous avions partagé un même constat : le problème de croissance rencontré par les PMI-PME françaises au contraire de leurs homologues allemandes ou italiennes qui, mieux irriguées par l'innovation, davantage dotées en fonds propres, atteignent des tailles critiques leur permettant d'être compétitives dans leur marché domestique comme à 1'export. C’est bien pourtant dans les PMI-PME que se crée l'emploi et que se prépare l'innovation technologique et de services, en particulier l'innovation verte, secteur porteur auquel un coup de frein a été malheureusement donné récemment si j'en crois les propos tenus par le Président de la République au Salon de l’agriculture.

Les PMI-PME peuvent, bien davantage que les plus grands groupes, accueillir et former des jeunes – je rappelle que nous avons le deuxième plus fort taux de chômage des moins de 25 ans en Europe – et reconvertir des seniors – je précise que 30 % seulement de la population active de plus de cinquante-sept ans dispose d'un emploi salarié, taux d'employabilité parmi les plus faibles d’Europe.

Lors de nos débats, nous avions évoqué quelques pistes qui ont fait leurs preuves ailleurs en Europe : accès plus facile à l'innovation et aide à la diffusion des produits et services innovants en renforçant les partenariats entre laboratoires publics, grands groupes et PME, notamment dans le cadre des pôles de compétitivité ; prise en compte plus importante des PMI-PME dans le cadre des marchés publics ; organisation par UbiFrance d'actions à l'export communes aux grands groupes et aux PMI-PME, notamment leurs sous-traitantes.

Au lieu de cela, vous avez mis en place un statut d'auto-entrepreneur qui fragilise, par une concurrence déloyale et souvent de moindre qualité, des filières comme celle du BTP, déjà en difficulté, ce qui a été dénoncé encore récemment par le syndicat du BTP et I'UPA. Vous n'encouragez pas non plus les pôles de compétitivité par un abondement des aides pour ceux qui intègrent le plus de PMI-PME dans leurs projets partenariaux. Et pourtant, le monde a changé et ce sont, là encore, les PMI-PME, avec leur créativité et leur réactivité, qui peuvent développer une innovation plus coopérative répondant mieux aux demandes des pays émergents qui constituent maintenant, et de façon durable, la majorité du marché mondial.

Visiblement, si nous avons partagé le constat, nous n’avons pas partagé les mesures que vous n’avez pas prises pour y remédier.

Aussi, quelles mesures comptez-vous prendre pour conforter la croissance de nos PME, ce qui permettrait à la fois de créer des emplois diversifiés pour toutes les générations et qualifications, de générer des produits et services adaptés à l’export et aux pays qui accueillent le plus nos produits, pour peu que la taille critique de ces PMI-PME soit augmentée ?

Mme Frédérique Massat. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Madame Fioraso, permettez-moi tout d’abord d’apporter une précision à votre collègue, Mme Le Loch, qui m’a interrogé sur la parution d’un décret sur l’urbanisme commercial. Ce décret, paru le 23 avril 2010, fait suite à la loi Warsmann du 12 mai 2009, incluant la demande d’allongement de la date de validité des autorisations.

J’en viens maintenant à votre question sur la politique en faveur des PMI-PME. Je suis heureux de voir que nous partageons le constat de l’importance des PMI-PME et vous avez eu raison de rappeler que notre pays compte moitié moins d’entreprises moyennes de 500 salariés que nos concurrents allemands. C'est la raison pour laquelle la politique de ce Gouvernement, depuis maintenant près de trois ans, consiste à augmenter le nombre de ces entreprises grâce à un certain nombre de dispositions, dont certaines ont été prises dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie, et d’autres au fil des discussions parlementaires.

Trois exemples infirment vos propos concernant le manque d’intérêt du Gouvernement à l’égard des petites et moyennes entreprises. D’abord, vous n’avez pas parlé de la création du crédit impôt recherche qui est l’élément le plus puissant de l’innovation de tous les pays membres de l’OCDE. Cette mesure a été voulue et mise en place par le Gouvernement. Nous avons créé une véritable agence publique de financement des petites et moyennes entreprises, OSEO, qui, par la fusion avec l’Agence de l’innovation industrielle, est devenue un élément très important et structurant du financement de nos PME. Je vous rappelle que 100 000 entreprises environ ont eu recours à OSEO pendant la période de crise.

Ensuite, vous avez parlé des pôles de compétitivité. Là encore, je suis obligé de constater que nous ne sommes pas d’accord, et les faits nous départagent. Lors du dernier comité interministériel d’aménagement du territoire, six nouveaux pôles de compétitivité ont été créés, quand cinq étaient délabellisés. Au total, un pôle de compétitivité s’ajoute aux soixante et onze pôles existants.

Enfin, s’agissant des politiques structurelles, l’autonomie des universités favorisera le lien entre recherche publique, entreprises et laboratoires. Vous n’avez pas parlé non plus de la politique en faveur des PME via l’INPI et de la délivrance des brevets minorée pour les petites et moyennes entreprises. Voilà pourtant une politique très importante en faveur de la protection intellectuelle.

Toutes ces mesures ont été prises par notre Gouvernement, avec le soutien de sa majorité.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, co-rapporteur et M. François Rochebloine. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Erhel.

Mme Corinne Erhel. Monsieur le secrétaire d’État, alors que débute aujourd’hui, au Sénat, l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, de nombreux exploitants agricoles sont exsangues, compte tenu de la baisse continue de leurs revenus.

Deux ans après la promulgation de la LME, le décalage demeure entre le vécu des producteurs et la communication faite autour de cette loi, censée pourtant assainir les relations entre fournisseurs, producteurs, distributeurs et industriels.

Je souhaite m'arrêter quelques instants sur un cas concret, dont on a parlé ces derniers jours et plus particulièrement hier, la production légumière.

Les producteurs légumiers déplorent en effet depuis longtemps le rapport de force inégalitaire qui caractérise leurs relations avec les distributeurs. Selon certaines analyses, la position dominante des distributeurs s'est trouvée paradoxalement renforcée une fois la loi appliquée. Vous avez reconnu tout à l'heure que l’impact de la baisse des prix en faveur des consommateurs est modeste. Pourriez-vous nous préciser l’impact in fine de la LME sur les prix payés aux producteurs, notamment de légumes ?

Si l'attente d'une normalisation des rapports entre les acteurs du secteur était forte, les relations entre agriculteurs, distributeurs et industriels demeurent toujours tendues malgré l'adoption de cette loi. La transparence dans la formation des prix n’est toujours pas atteinte.

Deux ans après l’adoption de la LME s'est tenue hier à l’Élysée une réunion entre les représentants du secteur agricole fruits et légumes, ceux de l'industrie agroalimentaire et les principales enseignes de la grande distribution, afin, nous dit-on, de signer un accord de modération des marges sur les produits agricoles non transformés en période de crise. Pouvez-vous nous préciser concrètement les conséquences directes de cet accord sur les prix payés aux producteurs ? Je précise que les responsables agricoles ne semblent pas convaincus par ces annonces.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Madame la députée, le Gouvernement a pris la mesure de cette crise qui frappe l’ensemble des filières, et pas seulement la filière fruits et légumes, même si c’est sur ce secteur que portait la réunion qui s’est tenue hier à l’Élysée.

Le Président de la République s’est exprimé sur l’ensemble de ce sujet le 27 octobre dernier à Poligny, où il a annoncé un plan de soutien pour l’ensemble des filières agricoles qui comprend un milliard d’euros de prêts bancaires et 650 millions d’euros de soutien de l’État.

Au cours de la réunion qui s’est tenue hier, à l’Élysée, sous l’égide du Président de la République, Bruno Le Maire et moi-même avons signé un accord de modération des marges en cas de crise conjoncturelle dans le secteur des fruits et légumes. Il est très important que cet accord ait pu être signé par l’ensemble des grandes enseignes de la distribution.

M. François Rochebloine. Heureusement !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Cela signifie que les distributeurs s’engagent à ne pas accroître leurs marges en cas de crise conjoncturelle et à ne pas augmenter leurs prix pendant ces périodes strictement définies par le code rural.

Aujourd’hui a débuté au Sénat l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture. Un certain nombre de décisions devraient être prises, comme le renforcement de l’Observatoire des prix et des marges qui existe depuis 2008. Nous pouvons, je crois, en attendre de bons résultats en matière de transparence.

Une autre mesure concerne la formalisation obligatoire des annonces de prix hors des lieux de vente. Il est prévu d’obliger les opérateurs à faire figurer l’accord sur le prix de cession dans un contrat écrit dont un exemplaire doit être détenu par les deux cocontractants. Le non-respect de ces dispositions fera encourir aux distributeurs une sanction civile.

La LMA prévoit également un meilleur encadrement du prix après vente. Les opérateurs ont dénoncé la pratique de fournisseurs de fruits et légumes frais souvent étrangers qui livrent sur les MIN des produits qui n’ont pas été commandés. Ils confient alors la marchandise à des grossistes pour qu’ils la commercialisent au meilleur prix. Ces transporteurs qui disposent de bons de commande en blanc sont prêts à laisser la marchandise sur place s’ils ne trouvent pas d’acheteur.

Compte tenu des volumes concernés, une telle pratique provoque, en période de crise conjoncturelle, une grave perturbation des cours. Afin de mieux encadrer le prix après vente, et dans la mesure où il paraît impossible de contrôler la réalité du contrat dans le cadre particulier des transactions en différé de facturation, la LMA prévoit de fixer une obligation générale de détention par le transporteur ou le fournisseur d’un bon de commande dûment signé par l’acheteur.

Autre mesure : la suppression annoncée des remises, rabais et ristournes en période de crise conjoncturelle. C’est un élément de soutien au prix offert au producteur.

Enfin, le régime des ventes au déballage exceptionnelles sera simplifié pour les fruits et légumes car cette pratique, qui s’est révélée très utile, doit être encore facilitée en temps de crise.

Vous le voyez, la réunion d’hier a produit de bons résultats, contrairement à vos craintes, y compris dans les commentaires faits par nombre d’organisations professionnelles. Et, comme j’y étais, je peux vous le confirmer.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, co-rapporteur . Moi aussi, je peux en témoigner !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai été extrêmement heureux de vous entendre, lors de votre réponse à Mme Geneviève Fioraso, partager nos convictions sur la nécessité de soutenir les PME. Trop souvent, vous critiquez nos positions, mais nous sommes convaincus de la nécessité de développer l’économie par les PME. Et croyez bien que nous n’avons pas de leçons à recevoir ! (Exclamations sur les bancs du groupe NC.)

Revenons à la grande illusion du statut d’auto-entrepreneur, après celle du « tous propriétaires » grâce à la loi Tepa, et du « tous chefs d’entreprise » grâce à la LME.

Rappelons tout de même quelques chiffres : 30 % de salariés actifs sont auto-entrepreneurs, 22 % retraités et 4 % fonctionnaires, soit un total de 56 %. Les chômeurs ne représentent plus que 11 % et ceux sans autre activité 31 %. On le sait, la durée de vie de ces entreprises est beaucoup plus courte que celle des entreprises créées grâce à des réseaux comme l’ADI, France Active ou France Initiative car elles manquent d’accompagnement. Ce régime permet de surcroît d’externaliser des salariés avec toutes les dérives que l’on connaît et que François Brottes a déjà évoquées. Le chiffre d’affaires et les revenus dégagés sont très faibles : en moyenne 6471 euros cumulés, ce qui est très inférieur au plafond de 32 000 euros évoqué par la loi. Par ailleurs, 69 % des auto-entrepreneurs dégagent un revenu net mensuel de 775 euros.

Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d’État, quelles garanties allez-vous apporter aux salariés pour que le statut d’auto-entrepreneur ne se transforme pas en machine à fabriquer de la précarité ? Quant aux professions sous contrôle de qualification, le dispositif ne répond pas complètement aux inquiétudes des artisans, qui craignent une concurrence déloyale car les salariés ont des qualifications, les retraités et les fonctionnaires aussi.

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Monsieur Gagnaire, nous ne tomberons pas d’accord sur le régime de l’auto-entrepreneur, je pense l’avoir compris.

Il faut être cohérent. Vous ne pouvez pas, à la fois, accuser ce régime de ne produire aucun bienfait – en citant un chiffre d’affaires faible, mais dont le montant est exact – et d’exercer une concurrence déloyale. Soit le chiffre d’affaires est important et la concurrence est déloyale, soit il est faible et la concurrence ne saurait alors être déloyale ou destructrice. Vous ne pouvez pas utiliser simultanément de tels arguments contradictoires.

M. Jean-Louis Gagnaire. Je n’avais que deux minutes.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Les statistiques officielles de l’Insee révèlent qu’aujourd’hui environ 40 % des auto-entrepreneurs sont demandeurs d’emploi et un tiers sont des salariés.

Quant à prétendre que les auto-entrepreneurs génèrent peu de chiffre d’affaires, vous touchez là au cœur de notre différend. L’auto-entrepreneur travaille quand il le veut, quand il le peut : voilà justement les vertus de ce statut. Dès lors, vouloir quantifier sur une période donnée le chiffre d’affaires qu’il produit est stérile.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. C’est un complément.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. De toutes manières, pour la première année d’application de ce statut, ce chiffre d’affaires, quoi que vous en pensiez, est déjà important : un milliard. Il a permis de générer un certain nombre de rentrées sociales, près de 200 millions d’euros. Comme vous pouvez le constater, les auto-entrepreneurs ne méritent certainement pas qu’on les stigmatise sous prétexte qu’ils se saisissent d’un statut pour tenter leur chance dans une société frappée, comme toutes les autres, par la crise. Ce statut nous est envié par beaucoup de pays étrangers. Il faudra bien que vous compreniez un jour qu’il est à regarder de près et qu’il a déjà été adopté par un certain nombre d’autres pays…

M. François Rochebloine. Et il est européen !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. … comme la Tunisie ou des pays d’Afrique car il répond bien à des économies d’initiative individuelle.

Sans faire de ce statut la panacée, il ne mérite pas cet excès d’indignité qui offense tous ceux qui l’adoptent – je pense en particulier à nombre de mères de famille à qui il permet d’obtenir un complément bienvenu de revenus. Vous le voyez, il a une grande utilité sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions.

Le débat est clos.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Débat sur les relations entre l'Union européenne et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur les relations entre l’Union Européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.

L’organisation de ce débat ayant été demandée par la commission des affaires européennes, la parole est à son président, M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes. En engageant, avec l’accord de Cotonou de 2000, les négociations sur les accords de partenariat économique, l’Europe a-t-elle trahi la responsabilité particulière, la relation de confiance qui la liait depuis la convention de Yaoundé avec les pays en développement des zones Afrique, Caraïbes et Pacifique ?

Au nom de la compatibilité avec les règles de l’OMC, ces négociations portent en effet depuis le début la marque de l’influence d’une idéologie libérale qui ne correspond ni aux spécificités ni aux fragilités de ces pays, dont beaucoup figurent parmi les plus vulnérables de la planète.

Le développement et l’intégration régionale ont été négligés alors qu’ils auraient dû être le moteur de ces accords. Les rapporteurs, MM. Hervé Gaymard et Jean-Claude Fruteau, développeront l’analyse de ces accords et les conclusions que l’on peut en tirer.

Peut-on s’étonner que les pays ACP aient refusé l’option libérale imposée et que le président sénégalais Wade se soit fait, en 2007, leur porte-parole, au moment où l’on arrivait à la date limite fixée par l’OMC pour la signature de ces accords ?

Le Gouvernement français a, depuis toujours, soutenu une position plus respectueuse des intérêts des pays ACP. Vous avez, madame la secrétaire d’État, pris récemment l’initiative, avec M. Alain Joyandet, de demander à la Commission européenne de faire preuve de davantage de souplesse dans ses exigences de niveau de libéralisation et de plus d’attention au volet développement.

La proposition de résolution adoptée par la commission des affaires européennes à la suite du rapport d’Hervé Gaymard et de Jean-Claude Fruteau mettait l’accent sur ces deux points essentiels. Pouvez-vous nous préciser votre démarche à ce propos ?

L’Europe et les pays ACP ne peuvent, en effet, se contenter des accords commerciaux intérimaires qui ont dû être signés dans l’urgence fin 2007 afin de maintenir les flux commerciaux avec certains pays ACP. Pour que les négociations progressent réellement vers des accords de partenariat économique et de développement, dans la durée, il serait nécessaire que le nouveau commissaire au commerce, Karel de Gucht, fasse preuve de clairvoyance. Espérons que son expérience en tant que commissaire au développement, même si elle fut de courte durée, lui sera profitable.

L’Europe joue sur ce terrain sa crédibilité à l’égard des pays en développement. Je voudrais d’ailleurs attirer l’attention de notre assemblée sur l’orientation plus générale qui semble être celle de la Commission européenne en matière de politique commerciale bilatérale et qui risque d’aggraver encore la perte de confiance que j’évoquais à l’instant. J’en veux pour preuve l’accord conclu en décembre 2009 sur la banane qui a certes mis un terme aux différends interminables au sein de l’OMC entre l’Union Européenne et les pays sud-américains producteurs de bananes, mais à quel prix ! Sur le fond, cet accord qui diminue les droits de douane sur les bananes « dollar » porte atteinte à l’équilibre des négociations sur les APE. Ce secteur est en effet un moteur des négociations car il s’agissait de défendre la préférence des pays ACP sur le marché européen. Les conséquences de cet accord seront encore accentuées par les accords de libre-échange que négocient actuellement la Commission européenne avec le Pérou et la Colombie.

La commission des affaires européennes a d’ailleurs donné un avis défavorable à cet accord sur la banane au cours de sa réunion du 9 mai, sur le rapport d’Hervé Gaymard.

De la même façon, alors que la conclusion des négociations commerciales multilatérales du cycle de Doha est sans cesse repoussée, les députés de cette commission s’inquiètent des conséquences de la reprise annoncée des négociations avec les pays du Mercosur. La commission des affaires européennes a adopté à ce sujet, il y a quelques jours, des conclusions défavorables au dégel de ces négociations en l’absence de garanties solides apportées aux agricultures européennes.

Comment, madame la secrétaire d’État, envisagez-vous de prendre en compte la position exprimée sur ce point par la commission ?

La France doit donc peser de tout son poids auprès des institutions européennes pour que la négociation sur des accords de partenariat économique équitables et favorables au développement et à l’intégration régionale coïncide avec une politique commerciale bilatérale soucieuse à la fois des intérêts européens et de ceux des pays en développement.

Il est essentiel que la nouvelle Commission européenne prenne en compte ces préoccupations politiques fondamentales. Le parlement européen, dont les compétences dans ce domaine ont été revalorisées par le traité de Lisbonne, doit être pour nous un allié essentiel.

Comment, madame la secrétaire d’État, le Gouvernement entend-il prendre en considération ces préoccupations partagées sur presque tous les bancs de l’Assemblée ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Gaymard, rapporteur de la commission des affaires étrangères et de la commission des affaires européennes.

M. Hervé Gaymard, rapporteur de la commission des affaires étrangères et de la commission des affaires européennes . Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée du commerce extérieur, cher Jean-Claude Fruteau, rapporteur de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, autant ne pas s’embarrasser de périphrases : la négociation des accords de partenariat économique entre l’Union européenne et les pays l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, qui devait aboutir le 31 décembre 2007, est un échec. Cet échec ne tient pas seulement au non-respect du calendrier fixé à Cotonou en juin 2000 – on sait que dans les négociations communautaires et internationales il ne faut pas se laisser impressionner par la tyrannie du calendrier car la prolongation des échéances ne provoque jamais les catastrophes annoncées –, le véritable échec tient au malaise profond qui caractérise désormais les relations entre l’Union européenne et les pays ACP. C’est pourquoi il convient de refonder ces relations avec imagination et volontarisme.

Depuis 1957, les accords d’association ayant été prolongés par les conventions de Yaoundé et de Lomé, l’Europe avait construit un partenariat exemplaire avec les pays du Sud à un moment où la construction européenne était inséparable d’une politique active d’aide au développement. Le modèle de Lomé associait soutien budgétaire et commercial, aide au développement et préférences commerciales non réciproques et s’appuyait sur des mécanismes originaux, parmi lesquels les accords par produits de base.

Ce modèle a été contesté dans son efficacité économique depuis le début des années 90 et si l’Europe a continué à apporter aux pays ACP un volume d’aide élevé et a pris une initiative importante avec le régime « Tout sauf les armes » qui accorde aux produits des PMA un accès au marché européen en franchise de droits, elle a été distraite de son tropisme pour le développement.

Les accords de Marrakech créant l’OMC en 1994 et les préoccupations européennes d’élargissement à l’Est et la création de l’euro ont eu raison de ce partenariat dont l’un des fondements, l’asymétrie des préférences commerciales, n’apparaissait pas conforme aux principes de l’OMC.

Allant même au-devant des exigences de l’OMC, l’accord de Cotonou de 2000 a transformé le partenariat de Lomé en un cadre destiné à développer le libre-échange entre l’Europe et six zones régionales. Les objectifs d’éradication de la pauvreté et de soutien à l’intégration régionale étaient posés sans grande conviction dans la mesure où le mandat donné à la Commission en 2002 se limitait aux seules questions commerciales. L’échec était inscrit dès le début et a été consommé au fil des négociations et des malentendus. Le point d’orgue de cet échec aura été la déclaration du président Wade en décembre 2007, à quelques jours de la date butoir fixée par l’OMC pour la fin des préférences commerciales asymétriques.

Quelles sont les raisons d’un tel blocage et d’une telle perte de confiance ?

Le négociateur européen de l’époque, le commissaire au commerce, M. Mandelson, a commis – disons-le – des erreurs inexcusables quant aux attentes des pays ACP : intransigeance sur le calendrier, organisation des négociations par une administration en tuyaux d’orgue interdisant donc la concertation, approche libérale sans concession. Quant aux pays ACP, ils n’étaient de toute évidence pas préparés à une négociation à haut risque, dépourvus qu’ils étaient de la capacité de négocier, dotés d’une structuration régionale insuffisante et inégale, et divisés par des intérêts divergents.

En décembre 2007, l’Union européenne a paré au plus pressé en signant des accords dits intérimaires à seule vocation commerciale afin d’éviter que les pays non PMA comme le Cameroun ou la Côte d’Ivoire ne basculent dans le régime de droit commun des préférences généralisées.

Aujourd’hui, quel bilan établir ? Voici : un seul accord de partenariat économique complet avec la zone Cariforum, des accords intérimaires insatisfaisants et souvent non ratifiés et des blocages sur des points essentiels comme le taux de libéralisation des échanges, le maintien des prélèvements communautaires, des engagements flous sur le volet développement. Depuis décembre 2009, date à laquelle nous avons, avec Jean-Claude Fruteau, publié notre rapport, aucune avancée significative n’a été réalisée.

Pourtant, le contexte institutionnel renouvelé est l’occasion pour l’Europe, fidèle à sa vocation, de proposer aux pays ACP des accords de partenariat de développement économique et commercial.

Il conviendrait en effet de privilégier un nouveau style de négociations mêlant problématiques commerciales, développement, gouvernance publique, avec une attention particu lière aux systèmes douaniers et fiscaux qui permettront à nos partenaires de passer progressivement à un système assis sur des recettes fiscales plus favorable au développement économique au détriment des recettes dites « de port », c’est-à-dire des recettes douanières. Le souci de mise en conformité avec les règles de l’OMC ne doit pas constituer la ligne directrice de l’Europe : nous devons préalablement et conjointement avec nos partenaires définir ce projet commun.

Sans préjuger le contenu de ces accords que nous appelons de nos vœux, ceux-ci pourraient s’articuler autour des volets suivants : il s’agirait de concentrer l’aide du Fonds européen de développement et de miser sur les grands secteurs – électricité, infrastructures de transport, agriculture ; il faudrait ensuite laisser aux pays ACP la plus grande marge de manœuvre et d’asymétrie en acceptant des protections temporaires et dégressives pour permettre aux secteurs économiques de se développer ; puis il conviendrait d’imaginer de nouveaux systèmes protégeant les produits de base des trop grandes variations, à l’image de ce que l’AFD a mis en place avec le fonds de lissage pour le coton en Afrique ; enfin, nous devrions mettre en œuvre des programmes de coopération administrative et financière afin de faire progresser l’intégration régionale et de moderniser les systèmes douaniers et fiscaux des pays ACP.

Ces dernières années, l’Europe a été distraite de son tropisme ancien pour le développement des pays ACP. Certes, les volumes d’aides sont restés importants, certaines initiatives comme « Tout sauf les armes » se sont révélées utiles, mais le cœur n’y était plus. Sollicitée par les élargissements, par la mise en place de l’euro, l’Europe a laissé le champ libre à la logique strictement commerciale, donc désincarnée, de l’OMC.

Nos partenaires l’ont bien compris. C’est pourquoi ils ont eu raison de bloquer cette négociation. Il ne faut donc pas s’entêter dans cette logique forclose mais définir ensemble un nouvel horizon dans un monde qui doit se construire sur de nouvelles bases.

Les pays ACP et les pays européens représentent près de la moitié des États membres de l’ONU et bien davantage encore des pays appartenant à l’OMC. Ils ont donc les moyens, pourvu qu’ils le veuillent, d’imposer une nouvelle volonté.

Nous en appelons donc à l’audace, à l’imagination pour ce grand dessein – et Dieu sait si l’Europe a besoin de grands desseins en ce moment, faute de quoi elle entrerait définitivement dans les faubourgs de l’histoire, pour reprendre la belle expression d’Octavio Paz. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Fruteau, rapporteur de la commission des affaires européennes.

M. Jean-Claude Fruteau, rapporteur de la commission des affaires européennes . Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me félicite de la tenue de ce débat tant ses enjeux paraissent essentiels autant pour les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique que pour l’Union européenne. Cela d’autant plus que, malgré les retards, l’identification des problèmes, les cris de détresse de certains pays ACP, malgré les changements opérés au sein de la Commission européenne et le renouvellement du Parlement européen, les négociations sont toujours dans l’impasse.

Je ne vais pas reprendre ici les évolutions historiques qui nous ont conduits à la situation que nous connaissons, Hervé Gaymard l’a fait excellemment et le temps qui m’est imparti ne me le permettrait pas. J’insisterai seulement sur trois idées qui, à mon sens, constituent les points de blocages de cette négociation, au risque de répéter certaines considérations développées par nos collègues.

En premier lieu, il convient de souligner les difficultés structurelles des pays ACP et leur état d’impréparation à ces négociations, ce qui nous permet de constater que la situation d’échec dans laquelle nous nous trouvons n’est en aucun cas surprenante.

Si le calendrier fixé en 2000 à Cotonou n’a pas pu être respecté, c’est notamment en raison de la dégradation constante des relations entre l’Union européenne et les pays ACP. La solution des « APE intérimaires » mise en œuvre par la Commission, et dont l’objet était d’assurer une période de transition tout en limitant les risques contentieux devant l’OMC, n’aura été en fin de compte qu’une vraie fausse solution.

Une vraie fausse solution car, loin d’aider à la signature d’APE complets, elle a durablement désorganisé l’intégration régionale dans les différentes régions ACP en attisant les pulsions individualistes déjà fortes et en empêchant ainsi l’émergence de compromis régionaux.

Le deuxième point de blocage – je l’affirme sans ambages – tient à la toute puissance du dogme libre échangiste qui domine le début de ce nouveau siècle et qui inspire, hélas, l’attitude de la Commission. Imprégnée de l’idée – fausse – selon laquelle la seule libéralisation peut promouvoir le développement économique de ces pays, l’UE a donné à ces négociations une dimension quasi exclusivement commerciale au détriment de la politique de développement. Comment dès lors ne pas comprendre les craintes, les réticences et les résistances des pays ACP face aux conséquences économiques et budgétaires de cette approche, de nature à mettre à mal leurs équilibres déjà très précaires?

Certes, la direction générale du commerce extérieur a respecté le mandat qui lui avait été donné, mais son omniprésence n’est que la conséquence de la place laissée vacante par la défaillance de la volonté politique. Elle a ainsi tenté d’imposer un passage en force inacceptable pour les pays ACP en termes économiques mais aussi et surtout en termes de dignité, et qui conduisait à des accords plus étendus en termes de libéralisation que ce que les pays ACP avaient concédé au sein de l’OMC dans le cadre du cycle de Doha.

En troisième lieu, enfin, l’Union européenne n’a pas suffisamment pris conscience de l’évolution des rapports de force Nord-Sud et de leur complexification, alors que, plus que jamais, l’Union a besoin de partenaires. Dans le cadre de ces négociations, je regrette vivement – quitte à me montrer brutal – l’attitude adoptée par la Commission, qui tourne le dos définitivement – définitivement, je ne l’espère pas, du moins délibérément – à la lettre et à l’esprit de Lomé.

Égalité entre les parties, respect de l’autre et de sa souveraineté et concessions mutuelles : sans le retour à ces valeurs essentielles qui fondent la notion même de partenariat, la présence et le rayonnement de l’UE dans les pays ACP ne cesseront de s’étioler. Si nous sommes incapables de proposer des APE avantageux pour le développement de ces régions, nul ne pourra ensuite s’étonner du déclin de la présence européenne face aux nouveaux pays émergents comme la Chine qui, sans complexes, noue de plus en plus de relations commerciales dont au final le profit pour l’avenir et le développement des pays ACP peut être très discutable.

La France, madame la secrétaire d’État, de par ses relations historiques avec les pays ACP, doit prendre toutes ses responsabilités pour le rétablissement d’un climat de confiance, de respect, et la formulation de propositions acceptables pour ces pays. Il est de notre devoir de refuser la dictature du tout commerce. Il est de notre devoir de rétablir un équilibre pour conserver, dans le cadre juridique actuel de l’OMC, le plus d’asymétrie possible dans les échanges.

Il est de notre devoir, enfin, de proposer une aide au développement qui soit à la hauteur des enjeux et qui soit coordonnée, efficace et cohérente avec les objectifs commerciaux.

Le courage impose de reconnaître ses erreurs. L’intelligence et le bon sens nous invitent à mettre à place une nouvelle orientation politique, capable d’allier l’échange à la régulation. L’honneur nous impose de poser les bases d’un nouveau partenariat, équitable et efficace, efficace parce qu’équitable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, UMP et NC.)

M. le président. Nous en venons aux porte-parole des groupes.

La parole est à M. André Schneider, pour le groupe UMP.

M. André Schneider. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires européennes, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique entretiennent des relations privilégiées, qui remontent aux origines de l’Union.

L’accord de Cotonou du 23 juin 2000 a succédé aux deux conventions de Yaoundé, celles de 1963 et de 1975, et aux quatre conventions de Lomé. Conformément aux objectifs du Millénaire pour le développement, il vise à éradiquer la pauvreté et à promouvoir l’intégration des pays ACP dans l’économie mondiale. Il met en œuvre une approche intégrée du dialogue politique, de la coopération au développement et des relations commerciales.

Malheureusement, l’excellent rapport de nos collègues le rappelle, seule la zone Caraïbes, avec le Cariforum, a pour le moment signé un accord complet de partenariat régional. Les cinq autres zones régionales sont encore loin d’aboutir à un accord viable.

S’agissant de la zone Caraïbes, le partenariat UE-ACP inclut désormais la totalité des quatorze micro-États insulaires. Le 5 octobre 2002, le commissaire européen de l’époque, Pascal Lamy, a signé à Suva le plan indicatif du neuvième Fonds européen de développement.

Cet accord stipule la suppression immédiate par l’APE de tous les droits tarifaires ainsi que des quotas applicables aux exportations vers l’Union européenne ; une ouverture progressive des marchés sur une période de vingt-cinq ans ; que les pays caribéens bénéficieront désormais de règles plus favorables au développement des industries qui importent des matières premières entrant dans la fabrication de produits destinés à l’exportation en Europe. Enfin, l’Union s’est engagée par une déclaration de coopération au développement incluse dans l’APE.

L’APE Caraïbes bénéficiera également d’un soutien financier, au titre du FED, d’un montant de 165 millions d’euros pour la période 2008-2013.

En ce qui concerne la zone Afrique, il faut que l’UE tienne compte des spécificités africaines afin de bâtir un véritable partenariat avec ce continent. Vouloir imposer à tout prix le libre-échange ne serait pas raisonnable. Il est indispensable que le nouveau commissaire européen au commerce prenne en compte les attentes des pays ACP.

Ne perdons pas de vue, mes chers collègues, que les États-Unis, l’Inde et plus encore la Chine sont de plus en plus présents en Afrique. Or la Chine ne s’intéresse guère aux questions des droits de l’homme et ne se préoccupe donc pas des régimes politiques de ses partenaires. Cette politique ne favorise pas la résolution des conflits qui minent encore le continent africain.

Quelle est la situation actuelle ? En Afrique de l’Ouest, l’accord est sans cesse différé. Cette région illustre à elle seule l’ensemble des contradictions et des enjeux des négociations sur l’APE. Sur seize pays, douze font partie des PMA, les « pays les moins avancés », selon la formule de l’ONU, qui date de 1971.

L’Union européenne est le principal partenaire commercial de l’Afrique de l’Ouest, avec 32 % des échanges.

En Afrique orientale, les négociations sont compliquées par l’enchevêtrement des régimes commerciaux et des organisations régionales.

En Afrique australe, l’intégration régionale est rendue difficile par la complexité des organisations et le poids de l’Afrique du Sud.

En Afrique de l’Est, enfin, les négociations avec la Communauté de l’Afrique de l’Est ne permettent pas, pour le moment, de rapprocher les parties.

Il est donc devenu urgent pour l’Union européenne d’aboutir à un véritable accord avec la zone Afrique. Les négociations doivent s’accélérer.

Pour ce qui est de la zone Pacifique, les négociations restent dormantes. En effet, l’intégration régionale n’y a pas vraiment de sens, du fait de la géographie. Le risque, pour ces pays, est de céder aux exigences de leurs grands voisins, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Seuls deux pays négocient réellement avec l’UE : la Papouasie-Nouvelle-Guinée et les Fidji.

La Commission européenne souhaite voir aboutir le processus de négociation et passer rapidement du stade des accords intérimaires à des APE complets. Elle met l’accent sur les points suivants : nécessité de trouver des solutions adaptées au rythme de développement de chaque région – car les ACP craignent les effets négatifs des APE sur les productions locales et sur leur sécurité alimentaire ; nécessité d’une souplesse dans les accords en y incluant l’asymétrie, les garanties et la protection des secteurs sensibles ; importance des mesures d’accompagnement. Autant de facteurs indispensables à l’établissement d’un respect mutuel et d’un climat de confiance entre l’Union et les pays ACP.

L’heure est à la concertation et au dialogue, tant pour ce qui est de la conclusion d’accords régionaux portant sur les biens que pour le volet développement. Une « task force » de préparation a été mise en place pour en assurer la cohérence.

Je formule le vœu, madame la secrétaire d’État, que l’UE et la France arrivent rapidement à conclure des accords complets, afin de répondre enfin à l’attente des pays ACP, qui en ont bien besoin. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, NC et SRC.)

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Nouveau Centre.

M. François Rochebloine. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, représentant d’un groupe parlementaire qui place le souci du développement au cœur de son projet, je voudrais aborder ce débat en saluant la volonté de ceux qui ont contribué à donner un contenu concret à cette idée au lendemain de l’indépendance des nouveaux États issus de la colonisation. C’est la fidélité du Nouveau Centre à cette tradition toujours vivante qui le pousse à souhaiter le renouveau d’une politique qui se cherche encore, dans un contexte de relations internationales complètement transformé.

Ce contexte explique les réactions de défiance qui se sont manifestées, parmi les pays du groupe ACP, à l’égard d’accords de partenariat économique vécus, du côté des pays dits développés, comme un moyen de renouveler efficacement la coopération entre ce qu’il est convenu d’appeler le Nord et le Sud.

On se souvient de l’appel à la mobilisation lancé, en décembre 2007, par le Président de la République du Sénégal, contre ces accords, alors en cours de négociation. M. Wade dénonçait la menace qu’ils constituaient à ses yeux pour des économies africaines exposées aux périls de la mondialisation.

Lorsque, en 1957, les pères fondateurs de la Communauté économique européenne avaient mis au point les premiers éléments d’une politique d’association avec des territoires d’outre-mer en chemin vers l’indépendance, ils avaient bien en vue la marche parallèle de l’intégration européenne et de l’aide au développement. Dans cette ligne, les conventions de Yaoundé, puis de Lomé, ont dessiné les contours d’une coopération originale, fondée sur le principe d’accords commerciaux asymétriques. Par l’ouverture non réciproque du marché européen aux produits des pays ACP, l’Europe entendait garantir des débouchés à leurs économies naissantes.

L’évolution des relations commerciales internationales a mis à mal cette relation bilatérale entre deux ensembles politiques. L’Europe a recherché la cohérence entre sa politique de relations avec les pays ACP et son implication dans la libéralisation progressive des échanges mondiaux, dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce.

Pour beaucoup, il n’y avait pas contradiction entre les deux démarches. Au moment où les États de l’ex-bloc soviétique adoptaient les règles du libéralisme avec un enthousiasme sans doute exagéré, il était communément admis que, parallèlement, l’ouverture des marchés était un préalable utile à la poursuite du développement.

Au 31 décembre 2007, date butoir fixée par l’OMC, seul l’accord avec les Caraïbes était signé. Les autres négociations ont achoppé, la Commission européenne adoptant une interprétation systématiquement dérégulatrice des règles de l’OMC, au-delà de l’inspiration déjà très libérale de celles-ci.

Cette attitude agressive a surpris nos partenaires ACP. L’affaiblissement apparent du souci de l’aide au développement dans l’attitude de l’Union européenne amenait de fait ces pays à voir les négociations sur de nouveaux accords comme une menace économique. Au même moment, un grand nombre d’entre eux continuaient de figurer parmi les moins avancés au monde, selon les critères des Nations unies.

Il est vrai qu’à l’époque, l’Union européenne était prioritairement préoccupée par l’urgence politique de la réforme institutionnelle et par les difficultés multiples de l’élargissement. Les instruments politiques de l’aide au développement ont malheureusement fait les frais de cette conjoncture délicate.

La relative clarification de la question institutionnelle dans l’Union offre l’occasion d’une refondation pour ses relations avec les pays du groupe ACP. Les conclusions du Conseil européen de novembre 2008 en constituent la première étape. À l’Europe d’en prolonger les orientations. Le rapport d’Hervé Gaymard et Jean-Claude Fruteau apporte à ce débat une contribution très intéressante.

Parmi les thèmes qui devraient donner lieu à des décisions concrètes, je voudrais retenir la souveraineté alimentaire et les projets d’intégration régionale.

La souveraineté alimentaire, d’abord. La dangereuse volatilité des cours des matières premières met tout simplement en cause la survie matérielle des populations dans les pays ACP. Les émeutes de la faim qui ont éclaté voici quelques mois ont rappelé que l’agriculture n’était pas une activité économique comme les autres. Les futurs accords ne sauraient remettre en cause le droit des pays du Sud à la souveraineté alimentaire. Il faut une garantie politique de la stabilité des cours.

À plus long terme, l’appui aux dynamiques d’intégration régionale est une nécessité du développement. Cet appui implique un financement stable et garanti des organisations régionales. Cette garantie est un impératif politique qui doit être rappelé à chaque menace de remise en cause au cours des négociations commerciales.

Le groupe Nouveau Centre souhaite que la préoccupation du développement retrouve sa vraie place dans les priorités politiques de l’Union européenne. Plus encore qu’un impératif humanitaire, cette préoccupation est, comme vient de le rappeler une haute autorité spirituelle, une condition nécessaire au bon fonctionnement d’un marché pensé à l’échelle de l’homme. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC, UMP et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, pour le groupe SRC.

M. Jean-Pierre Dufau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord féliciter MM. Hervé Gaymard et Jean-Claude Fruteau pour leur rapport sur les accords de partenariat économique entre l’Union européenne et les pays ACP. Ce rapport, dans sa version écrite et de par les préconisations qu’il contient, va dans le bon sens. L’Union européenne s’honorerait en en tirant toutes les conséquences. J’ajoute même que la présentation orale de ce document en commission des affaires étrangères, et aujourd’hui dans l’hémicycle, m’a encore davantage convaincu. J’y ai perçu comme une prise de position en faveur des pays ACP, pour en faire de véritables partenaires d’une politique partagée. À l’approche du baccalauréat, j’aurais tendance à dire : « C’est bien à l’écrit, c’est encore mieux à l’oral. » (Sourires.)

Sur le fond, les accords de Lomé, puis ceux de Cotonou, d’inspiration libérale, se sont soldés par un échec, qui a été vécu par les pays ACP comme une véritable humiliation.

Il n’est pas acceptable de vouloir imposer aux pays ACP, en voie de développement, des politiques de libre-échange et une compétition qu’ils ne peuvent supporter. Les intégrer rapidement, brutalement, dans l’OMC relève soit d’une faute, soit d’un odieux cynisme. Allez-vous demander à un jeune convalescent, non entraîné, de s’aligner dans la compétition d’un marathon olympique et vous étonner qu’il ne termine pas l’épreuve ou qu’il y laisse la vie ?

Il faut donc un autre regard, une autre attitude, une autre philosophie, si l’on veut réellement aider au développement de l’Afrique, berceau de l’humanité, comme à celui des autres pays ACP. Le préalable concerne à mon sens l’abandon effectif de la dette de ces États. Faut-il rappeler que l’histoire – esclavage, pillage des ressources naturelles et parfois, il faut le reconnaître, excès de la colonisation – devraient inciter les pays européens en particulier, mais aussi d’autres pays développés, à une attitude plus respectueuse, plus humaniste.

Ce qu’il faut, pour les pays ACP, c’est la mise en œuvre concrète d’un partenariat de développement, ce développement n’étant pas forcément celui de la pensée unique ou de la mondialisation, qui appliquent indistinctement les mêmes règles, avec le succès que l’on sait.

La situation économique actuelle et la crise financière mondiale devraient aiguiser notre esprit critique, nous inciter à vérifier les dogmes intangibles et, avec modestie, à accepter pour chacun des voies de développement qui lui conviennent mieux. Par exemple, comment ne pas comprendre que l'agriculture demeure le secteur primaire de l'économie, et que la première des règles morales, depuis la nuit des temps, est de permettre que le développement d'un État le conduise à assurer prioritairement les productions agricoles dont il a besoin pour se nourrir ? Comment ne pas reconnaître aujourd'hui qu'un pays qui néglige son industrie, secteur secondaire de l'économie, s'expose à bien des désagréments ? Et dire que, parfois, même en France, on feint de s'en étonner ! Comment, contre vents et marées, penser que le commerce via l'OMC est capable, à lui seul, de régler les problèmes de développement dans le monde ? C'est une croyance vaine qui m’évoque la pierre philosophale ou la panacée : toujours recherchée, jamais atteinte ! Une chimère !

Une véritable coopération, source de développement, ne peut donc s'appuyer que sur une politique de partenariat sincère basé sur la satisfaction des besoins réciproques. Pour autant, je n'aurai pas la naïveté de croire que tout est blanc ou tout est noir – oserai-je dire, et réciproquement –, et je sais qu'il ne faut pas céder à l’angélisme.

L'Afrique et les pays ACP n'ont pas que des droits et, en particulier en matière de gouvernance et de démocratie, de sérieux progrès restent à réaliser. Utiliser les aides et ressources financières pour lutter contre la pauvreté, donner à l'éducation et au système de santé la priorité absolue est indispensable. Les ACP ont à relever leurs propres défis et à assumer leurs choix.

La suite que l'Union européenne donnera à ce rapport peut être déterminante. Ou ce sera un rapport de plus dans un enfer pavé de bonnes intentions, ou il débouchera sur la mise en œuvre d’une politique équitable liée à une prise de conscience et à une espérance sans faille dans la volonté des hommes de dépasser leur condition, voire leurs contradictions.

L'Assemblée nationale doit exercer un droit de suite à ces débats et constituer un groupe de travail qui, sans relâche, assure le suivi de ces accords de partenariat économique. Que, le cas échéant, on puisse saisir régulièrement l'Union européenne et les pays ACP sur l'évolution de la situation !

Le groupe socialiste soutient ce rapport en réclamant un suivi vigilant de la situation pour refonder un partenariat économique juste, orienté vers le développement partagé des pays ACP et avec le soutien de l’Union européenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, UMP et NC.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État chargée du commerce extérieur.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État chargée du commerce extérieur. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, d’emblée, je féliciterai les auteurs du rapport, dont les conclusions recueillent notre accord et qui vient à point nommé, dans un contexte européen que vous avez rappelé, mais aussi à quelques jours du sommet France-Afrique invité par le Président de la République à la fin de ce mois.

Vous avez tout dit. Je me contenterai donc de rappeler que les APE avaient été, à l’origine, conçus autour de quatre principes : ces accords devaient être asymétriques, être liés au développement, favoriser l’intégration régionale et entrer dans le cadre multilatéral de l’OMC.

Je reprends à mon compte le terme d’échec, employé par Hervé Gaymard notamment. Ce n’est pas simplement un échec du point de vue du calendrier et du faible nombre d’accords signés – en fait, un seul ! – ou même paraphés. Le plus grave, vous l’avez tous dit, c’est le climat d’incompréhension, de défiance, de malaise que ces accords ou projets d’accord ont suscité, notamment en Afrique. J’ai pu m’en rendre compte moi-même lors de mes nombreux voyages dans des pays très différents.

Monsieur Fruteau, avec d’autres, vous avez dit les raisons pour lesquelles la situation est aussi déplorable, la principale étant sans doute que l’Union européenne a abordé ces négociations dans un esprit excessivement, voire exclusivement, commercial. Ce n’était pas une mauvaise idée, au départ, de parler d’accords de partenariat économique. D’ailleurs, l’économique ne recouvre pas que le commercial. D’autres sujets que l’abaissement des barrières tarifaires sont d’un grand intérêt. Je pense à la facilitation de l’investissement dont l’Afrique et les pays ACP ont tant besoin ; à toutes les dispositions permettant d’améliorer le climat des affaires dans ces pays, aussi bien pour les investisseurs locaux que pour des investisseurs étrangers. J’ai en tête, évidemment, le discours du Cap du Président de la République, concernant le développement de l’Afrique par le secteur privé. Mais, encore une fois, les APE sont passés de l’économique au commercial.

Vous avez rappelé que les contraintes liées à l’intégration régionale ont été sous-estimées. Honnêtement, à voir le temps qu’il a fallu à l’Europe pour réussir une intégration régionale, nous aurions pu être plus patients et compréhensifs à l’égard des pays ACP, qui doivent fournir les mêmes efforts. Une autre cause de l’échec est la sous-estimation, encore, des capacités humaines de négociation de ces pays. Et puis, il aurait fallu mieux lier les mesures d’accompagnement aux besoins résultant de l’ouverture commerciale. Cela aurait nécessité une approche de cet accompagnement plus qualitative que quantitative.

De ce point de vue, Alain Joyandet et moi-même travaillons à faire évoluer l’utilisation des fonds du FED. J’ai été très intéressée par les idées d’Hervé Gaymard pour la mobilisation de ces ressources autour d’un certain nombre de priorités.

Dans le même esprit, je suis intéressée, et je sais que vous l’êtes également, par les progrès récents de la coordination entre les agences de développement des différents pays européens en Afrique. De ce point de vue, l’Agence française de développement joue un rôle moteur.

À propos d’accompagnement, je souhaite souligner le rôle de l’aide au commerce, pour laquelle la France s’est dotée, en juin 2009, d’une nouvelle stratégie. Cette aide vise à faire du commerce un moteur de développement avec, de la part de la France, des engagements chiffrés, qu’elle souhaite voir repris à l’échelle européenne et qui accompagnent, là encore, la mise en œuvre, si elle peut avoir lieu, des APE.

Cette stratégie sur l’aide au commerce se décline en deux axes d'intervention prioritaire : le premier est l'appui au développement de politiques commerciales régionales, le B- A-BA en quelque sorte de l’intégration régionale ; le second est le développement d'une offre compétitive, aussi bien en matière agricole qu’en matière industrielle.

Nous avons fixé un objectif collectif d'augmentation des efforts financiers français de plus de 50 % par rapport à la période 2002-2005, pour porter l’aide au commerce à 850 millions d’euros par an à partir de 2010. Concrètement, vous et moi l’avons vu sur le terrain, ces fonds permettent de renforcer les capacités des acteurs publics et privés, de les aider à être plus productifs, plus compétitifs, tant en matière d’infrastructures que de produits exportables.

Partant de ce malaise politique et de cet échec, vous m’avez interrogée sur les initiatives qui peuvent être prises par la France en particulier. Alain Joyandet et moi-même avons proposé à la Commission européenne, tant au commissaire au développement qu’au commissaire au commerce, de refonder de manière structurante les négociations des APE. Je reprends complètement à mon compte les termes d’imagination et de volontarisme employés par Hervé Gaymard.

En fait, la plupart des propositions sont contenues dans le rapport. Nous y avions d’ailleurs un peu travaillé. (Sourires.) Sans les reprendre dans le détail, j’en indiquerai les principaux axes.

S’agissant de l’aspect commercial, nous proposons de mieux prendre en compte le niveau de développement des pays ACP en offrant davantage de flexibilité. Concrètement, nous suggérons d’accroître le niveau d’asymétrie dans l’ouverture commerciale en faveur des pays ACP, en abandonnant la référence a priori à une limite de 80 % de la part de nos partenaires. Aucun texte, aucune jurisprudence ne nous l’impose.

M. Hervé Gaymard et M. Jean-Claude Fruteau, rapporteurs . Très bien !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. Augmenter la durée des périodes de transition accordées aux pays ACP, en particulier pour leur permettre de procéder aux adaptations internes, importantes aussi bien pour chaque pays qu’au niveau de l’intégration régionale, est une deuxième proposition.

Troisièmement, nous pensons important d’harmoniser par le haut les accords, en étendant les clauses les plus favorables négociées avec certains pays à tous les autres.

Vous avez évoqué la question difficile de la suppression des prélèvements communautaires des ACP sur les importations, alors même qu’ils constituent des ressources, non seulement pour ces pays mais aussi pour les organisations régionales, que nous cherchons précisément à conforter dans cette négociation. C’est une des raisons pour lesquelles nous avons proposé de repousser cette mesure à la fin des périodes de transition, s’il existe une alternative viable. On sait bien qu’il faudra beaucoup de temps pour réformer les fiscalités internes ainsi que pour former les administrations. C’est d’ailleurs un axe important de nos coopérations institutionnelles.

Telles sont les ouvertures que nous avons proposées. Cela étant, la France maintient des exigences d’équité dans les négociations. Asymétrie, oui, mais en se gardant de l’inéquité. À cet égard, je voudrais citer deux points particuliers.

Le premier concerne l’Afrique du Sud, dont nous considérons qu’elle ne peut pas être considérée comme les autres pays ACP.

M. Hervé Gaymard et M. Jean-Claude Fruteau, rapporteurs . C’est évident !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. Je sais pourtant que c’est un point dur dans la discussion avec ce pays, comme j’ai pu m’en rendre compte encore récemment au cours de l’un de mes multiples voyages dans ce pays. L’Afrique du Sud ne doit pas pouvoir bénéficier des dispositions améliorées par rapport à l’accord de coopération, de développement et de commerce avec l’Union européenne, lié à la négociation de l’APE régional avec la zone SADC, sans qu’il y ait des contreparties : ouverture des marchés sud-africains ou clause de protection des marchés européens.

La deuxième exigence d’équité touche à l’éventuel meilleur traitement dont les pays ACP accepteraient de faire bénéficier d’autres partenaires commerciaux. On pense à la Chine en particulier. Il nous semblerait important que l’Union européenne puisse bénéficier des mêmes avantages s’ils étaient consentis.

À cette occasion, je voudrais vous faire part d’orientations de politique commerciale plus larges pour l’Union européenne. Là encore, ce qui a été indiqué rejoint nos préoccupations d’une politique qui devrait être, comme l’a dit François Rochebloine, au service de l’homme. Un débat de fond s’engagera à ce sujet, sur la base d’une communication de la Commission, attendue pour cet automne, sur laquelle travaille le commissaire Karel De Gucht. J’en ai parlé à plusieurs reprises avec lui.

Parmi les points importants se pose la question de l’articulation entre le multilatéral, dès lors que Doha n’arrive pas à se boucler, et le bilatéral. C’est un des sujets sur lesquels je me réjouis de pouvoir dialoguer de nouveau avec vous, monsieur Gaymard, compte tenu des responsabilités que vous venez de prendre sur les questions de l’OMC. Dans l’immédiat, sur l’aspect multilatéral versus bilatéral, nous avons été très gênés – c’est un euphémisme – par deux situations récentes.

La première concerne l’accord sur la banane qui a suscité les difficultés que l’on sait. Nous avons eu des échanges épistolaires à ce sujet avec plusieurs d’entre vous, notamment avec vous-même, monsieur Fruteau. L’accord qui a été passé nous a, certes, sorti du pied l’épine que représentait la menace de l’OMC qui planait sur cette production. Mais, comme vous le savez, à tous les niveaux de l’État – le Président de la République ayant lui-même adressé récemment une lettre au président Barroso –, nous sommes intervenus, à la fois pour marquer notre grande préoccupation et pour souhaiter que des clauses de sauvegarde et des mesures d’accompagnement puissent être mises en place.

La deuxième gêne, citée par le président Lequiller, est le Mercosur. Depuis le début de l’année ou la fin de l’année dernière, j’avais personnellement alerté sur les risques que la réouverture de la négociation avec le Mercosur peut faire peser sur l’agriculture européenne. Ces risques sont très sérieux, quels que soient par ailleurs les éventuels avantages que la négociation ferait apparaître en matière d’ouverture pour nos intérêts offensifs industriels.

Bruno Le Maire et moi-même – nous sommes sur ce sujet, comme sur tous les autres, totalement d’accord – avons rappelé par écrit que les concessions agricoles qui pourraient être faites au Mercosur ne devraient pas aller au-delà de ce que l’on appelle le « paquet OMC de 2008 », en référence à ce qui avait été acté en juillet 2008 à Genève au moment de la présidence française.

Par ailleurs, il est très important de garder en mémoire et de rappeler sans cesse que le mandat de la Commission sur une éventuelle avancée concernant le Mercosur indique clairement que ces négociations ne pourront être conclues qu’après la signature de l’accord de Doha. Or chacun sait que ce n’est pas demain la veille – pardonnez d’employer cette expression – que cet accord pourra être conclu.

M. Jean-Claude Fruteau, rapporteur. Très juste !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. Vous pouvez donc compter sur notre vigilance. Le Président de la République s’est lui-même exprimé à ce sujet auprès de la Présidence espagnole et du Président de la Commission. Il est clair que les récentes mesures protectionnistes prises par l’Argentine, à quelques jours du sommet de Madrid, laissent prévoir des discussions difficiles. Je pense que nous devons toutefois rester extrêmement mobilisés.

S’agissant des APE, que convient-il de faire maintenant ? Les propositions de la France sont sur la table, dans les termes que je vous ai indiqués. Elles convergent, vous avez pu le constater, avec vos propres recommandations.

Plusieurs États membres partagent notre volonté de réorienter les négociations sur les APE, bien que certains pays parmi les plus « libéraux » aient encore quelque réticence à aller aussi loin que nous dans la flexibilité en matière d'ouverture commerciale. Il est très important de continuer à travailler pour rassembler nos partenaires européens autour de ces idées. C’est ce que M. Alain Joyandet fait dans les enceintes où il travaille et c’est ce que je fais moi-même, notamment auprès du commissaire De Gucht. Nous espérons que nos propositions pourront servir de base à la Commission pour faire aboutir les négociations qui se déroulent en ce moment avec l'Afrique de l'Ouest.

Je me permets d’appeler l’attention des parlementaires sur la nécessité d’établir des liens forts à propos de cette question. J’essaie de m’y appliquer avec le Parlement européen – vous avez rappelé son rôle nouveau – de manière que les mêmes positions puissent être défendues, aussi bien vis-à-vis du commissaire au commerce que du commissaire au développement, et même dans certains cas pour la partie agriculture, s’agissant par exemple du Mercosur, sujet évoqué en présence de Bruno Le Maire au Conseil agricole il y a quelques jours.

Nous pouvons ensemble – puisque je vois que la représentation nationale est, de manière unanime, concentrée sur les mêmes objectifs que le Gouvernement –, nous devons ensemble trouver toutes les occasions, tous les réseaux, toutes les relations possibles pour faire avancer le poids du politique. Et cela de manière – pour rassembler d’une formule les différents propos exprimés avant mon intervention – à rétablir la confiance. C’est très important sur le plan politique. C’est très important au moment où de nouveaux intervenants – la Chine a beaucoup été citée – travaillent, notamment en Afrique, sans avoir, c’est le moins que l’on puisse dire, le même souci de responsabilité sociale et environnementale que nous. Lors du sommet que j’ai évoqué au début de mon propos, nous espérons faire valoir – c’est une des responsabilités que le Président de la République m’a demandé d’assumer à cette occasion – ces notions de responsabilité sociale et environnementale, en tant qu’arguments commerciaux – pourquoi ne pas le dire ? –, tout autant qu’en affirmation de principes politiques.

Cela devrait nous permettre de refonder des partenariats économiques, mais d’abord des partenariats, compte tenu de tout ce que recouvre ce terme, c’est-à-dire des partenariats de développement pour l’ensemble des parties prenantes. Je vous remercie d’y contribuer. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, NC et SRC.)

M. le président. Le débat est clos.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Deuxième lecture du projet de loi organique relatif à l'application de l'article 65 de la Constitution.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma