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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 25 mai 2010

Questions au Gouvernement

Première séance du mardi 25 mai 2010

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président . La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Hommage à une policière municipale tuée dans l’exercice de ses fonctions

M. le président. Mes chers collègues (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent) , jeudi dernier, Aurélie Fouquet, jeune policière municipale de Villiers-sur-Marne, a été tuée dans l’accomplissement de son devoir.

En votre nom, je tiens à dire mon émotion et ma peine et à adresser à sa famille, à ses amis et à ses collègues les condoléances de la représentation nationale.

Je vous invite à observer une minute de silence. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Réforme des collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. Alain Rousset.

M. Alain Rousset. Monsieur le Premier ministre, alors que va débuter la réforme sur les collectivités locales, il semble évident qu’aucun des objectifs que vous vous étiez fixés ne sera atteint.

M. Patrick Roy. Hélas !

M. Alain Rousset. La proximité : si vous réduisez le nombre d’élus régionaux et départementaux, comment ceux-ci pourront-ils assurer leur présence aussi bien dans deux assemblées différentes que sur le terrain ?

La légitimité : sur quel bilan, quels projets, quelles politiques portera le débat lors des élections des conseillers territoriaux ? Et quelle régression de voir nos assemblées régionales dépecées de leur diversité en termes de parité, de représentativité ou de pluralisme !

La clarification des compétences, et je ne prendrai qu’un seul exemple, le développement économique : l’émiettement des compétences économiques entre départements et métropoles risque d’inciter à une surenchère sur les systèmes d’aide aux entreprises dans les territoires de proximité et de créer bien des problèmes pour aider les pôles de compétitivité alors que la localisation de leurs projets est déterritorialisée.

Le renforcement des régions : comme en 2004 avec la réforme Raffarin, l’objectif initial du texte était de renforcer la région. Il n’en fait qu’un syndicat interdépartemental. Le maintien de la clause de compétence générale siffle paradoxalement la fin de l’effort d’innovation et de recherche des régions.

Au final, avec ce texte, nous n’aurons ni modernisation de l’État – que doit-il faire demain ? – ni modernisation territoriale.

Ne croyez-vous pas, monsieur le Premier ministre, qu’il est temps d’engager notre pays sur la voie de la modernité, objectif qui passe nécessairement par un acte III de la décentralisation ? Vous avez présidé une région. Vous savez ce qu’il en est de ses compétences. Il faut redonner du sens à ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le député, contrairement à ce que vous prétendez quotidiennement, le Gouvernement ne souhaite évidemment pas la mort ou la disparition de nos régions. La région sera au contraire renforcée grâce au conseiller territorial, qui va enfin rapprocher cette collectivité de la population.

Jusqu’à présent, les conseillers régionaux étaient des OVNI politiques. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Roman. C’est scandaleux !

M. Jean Glavany. On rêve !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Vous l’avez vu aux dernières élections : 50 % d’abstention, cela signifie bien quelque chose !

Il n’y a actuellement aucune proximité et c’est certainement la raison du mépris que vous affichez à l’égard du département et du canton. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Prétendre que la réforme serait la victoire du rond-point et de la salle des fêtes sur les investissements du futur, c’est tout simplement nier la réalité locale.

Le conseiller territorial sera ancré dans un territoire parfaitement identifié et contribuera à une meilleure articulation entre les interventions des départements et celles des régions.

Cela permettra aussi d’enrayer l’excessive concentration des investissements au profit des départements chefs-lieux de région, au détriment des petits et des moyens. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cela aussi, même si vous la niez, c’est une réalité évidente.

Par ailleurs, la menace d’asphyxie des régions…

M. le président. Je vous remercie.

Fusillade mortelle dans le Val-de-Marne

M. le président. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jacques Alain Bénisti. Ma question s’adresse à Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, et j’y associe Jean-François Copé.

Monsieur le ministre, jeudi dernier, vers neuf heures et demie, Aurélie Fouquet et Thierry Moreau, policiers municipaux dans ma ville de Villiers-sur-Marne, effectuent leur patrouille de surveillance quand ils interviennent sur ce qu’ils pensent n’être qu’un simple accrochage sur la voie publique. Surgissent alors d’une camionnette trois individus cagoulés, armés de kalachnikovs, qui ouvrent le feu dans leur direction, criblant leur véhicule d’une trentaine de balles.

Thierry Moreau est blessé à l’épaule et découvre sa jeune collègue atteinte de quatre balles, dont une en pleine tête. Il parvient à l’extirper de la voiture, saisit son arme et réussit à toucher l’un des malfrats, qui décident alors de prendre la fuite.

Si je rappelle ces faits, monsieur le ministre, c’est pour vous dire que, si Thierry Moreau n’avait pas été armé, lui non plus ne serait plus de ce monde. Aujourd’hui, la question n’est plus de savoir s’il faut armer ou non les policiers municipaux. Leur rôle et leur complémentarité avec la police nationale ne sont plus à démontrer, surtout lorsqu’ils croisent des monstres sans scrupules, munis d’armes de guerre, et qui n’hésitent pas à tirer pour tuer, dans un déferlement de violence inouï.

Monsieur le ministre, malheureusement, le fils d’Aurélie Fouquet, Alexis, âgé de quatorze mois, n’aura pas la chance de grandir auprès de sa maman. Mais une chose est sûre, c’est qu’il pourra être fier d’elle, comme je le suis et comme le sont bon nombre de maires qui considèrent que ces femmes et ces hommes, policiers municipaux, font un travail remarquable pour protéger nos concitoyens, avec beaucoup de professionnalisme et souvent un courage exemplaire.

Aussi, monsieur le ministre, ma question est-elle double. Tout d’abord, pouvez-vous nous dire où en sont vos investigations pour retrouver ces ignobles assassins ? Et quelles mesures pensez-vous prendre pour permettre aux maires de mieux protéger leur police municipale face à de tels individus ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le député, quelques minutes après ce drame, nous nous sommes retrouvés sur place et nous avons pu mesurer ensemble la violence de cette fusillade qui a malheureusement abouti, comme vous venez de l’évoquer avec beaucoup d’émotion, au décès d’une jeune femme, policière municipale, Aurélie Fouquet, mère d’un enfant de quatorze mois. Elle était membre de la police municipale de votre commune ; son conjoint est membre de la police municipale de Meaux.

Après avoir, grâce à vous, rencontré les autres membres de l’équipe municipale et discuté avec eux, j’ai pu mesurer et partager l’émotion de ces fonctionnaires, qui, avec leurs quelque 18 000 collègues, dans toute la France, ont manifesté leurs attentes et leurs interrogations. Je rencontrerai jeudi matin les représentants syndicaux des policiers municipaux afin de faire le point et de préciser les attentes en matière d’armement et quant à leur situation administrative.

Un député du groupe SRC. Il était temps !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. En ce qui concerne l’enquête, nous avons su quasi immédiatement grâce aux images vidéos, aux empreintes digitales, aux traces génétiques, qu’il s’agissait d’un groupe de six à sept individus, très bien organisés, qui préparaient un braquage de très grande ampleur, sans doute l’attaque d’un fourgon blindé ou d’un établissement bancaire.

Le soir même de cette fusillade, un suspect bien connu des services de police, et d’ailleurs déjà condamné, a été interpellé, puis mis en examen et, depuis hier soir, écroué. Deux autres individus ont d’ores et déjà été identifiés.

Ce meurtre, naturellement inacceptable, permet de rappeler simultanément que le nombre de violences ayant abouti à des homicides a diminué de près de 40 % depuis huit ans, et que désormais, dans 93 % des cas, ces meurtres sont élucidés. Cela signifie une chose simple, monsieur le député : c’est que, dans notre pays, il n’y a pas d’avenir pour les délinquants et pas de pardon pour les criminels ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Financement du logement social à La Réunion

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Huguette Bello. Ma question s’adresse à Mme la ministre chargée de l’outre-mer, et concerne 23 000 familles puisqu’il s’agit du logement social à La Réunion.

En 2009, sous l’effet conjugué d’une spéculation moins forcenée et du transfert de plusieurs programmes privés, la production de logements sociaux a connu, après une décennie de baisse continue, une très légère embellie.

Cette année, même si les délais de dépôt des dossiers aux services instructeurs ont été raccourcis de quatre mois, les promoteurs sociaux sont en mesure de déposer, d’ici au 1 er  juin, des projets représentant la mise en chantier de 6 000 logements sociaux. Ce serait une bouffée d’oxygène dans cette interminable crise du logement. Elle bénéficierait aussi au secteur du BTP, où les licenciements se multiplient.

Ces prévisions risquent toutefois de se heurter aux insuffisances de la ligne budgétaire unique, dont le montant actuel ne permet de financer que la moitié des projets. Le risque est d’autant plus grand que le dispositif de défiscalisation, un an après que le Gouvernement l’a étendu au logement social, n’est ni opérationnel ni sécurisé. Des textes réglementaires importants sont toujours à l’état de projets, quand d’autres sont encore inexistants. Et le débat actuel sur les niches fiscales n’est sans doute pas le meilleur argument pour attirer les investisseurs vers le logement social dans les outre-mer.

En outre, la décision unilatérale du Président de la République de geler les dotations de l’État aux collectivités locales leur rendra encore plus difficile de participer, comme il leur est demandé de le faire, au financement du logement locatif très social, auquel 60 % des ménages peuvent prétendre.

Madame la ministre, si vous voulez prouver que le logement social outre-mer est une priorité gouvernementale, que le socle de son financement est toujours d’origine budgétaire, et si vous ne voulez plus avoir à vous indigner de l’habitat insalubre, une seule solution : augmentez à hauteur des projets la ligne budgétaire unique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée de l’outre-mer.

M. Jean Glavany. De la Guadeloupe !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Oui, madame la députée, le Gouvernement considère que le logement est une priorité pour l’outre-mer. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C’est pourquoi, dès le mois de mai 2006, vous avez voté un texte très important : la loi pour le développement économique des outre-mer, qui a permis de réorienter l’outil de la défiscalisation de manière à le faire porter sur les besoins des ultramarins, à savoir le logement social, et à corriger les effets pervers.

M. Maxime Gremetz. Il n’y a rien pour La Réunion !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. Et, lors du conseil interministériel de l’outre-mer, des mesures très importantes ont été prises, notamment pour sanctuariser la ligne budgétaire unique et intégrer les crédits du plan de relance, de sorte que 275 millions sont aujourd’hui alloués au programme de logements sociaux outre-mer…

M. Albert Facon. Tout pour la Guadeloupe !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. …et que La Réunion a pu bénéficier d’une augmentation de son enveloppe, passée de 91 à 93 millions. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas beaucoup !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. La conjugaison de la ligne budgétaire unique avec la défiscalisation, ça marche : alors que, l’an dernier à la même période, nous avions engagé 300 000 euros, nous avons engagé aujourd’hui plus de 19 millions d’euros pour La Réunion. C’est la preuve que le dispositif fonctionne. Le nombre de logements supplémentaires prévus est estimé à plus de 500 par rapport à 2009. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Dans le cadre de la réflexion menée au plan national, l’outre-mer a toujours bénéficié de la solidarité nationale…

M. Albert Facon. Tout pour la Guadeloupe !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer. …et, au moment où nous engageons une réflexion sur les dépenses fiscales, il n’est pas choquant d’imaginer que l’outre-mer participe à cette solidarité nationale, dans des proportions raisonnées, si nécessaire. C’est ainsi que nous changerons à terme le regard sur l’outre-mer !

Rythmes scolaires

M. le président. La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Yvan Lachaud. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, les enfants de notre pays, on le sait, sont ceux qui ont le plus grand nombre d’heures de cours sur le plus petit nombre de semaines d’enseignement. Ce resserrement du système est source de difficultés car il accroît la fatigue et diminue le temps de dialogue. C’est une bonne chose que vous ayez osé mettre sur la table l’organisation du temps scolaire, de la journée à l’école et, plus généralement, l’organisation de la semaine à l’école, au collège et au lycée. C’est une bonne chose aussi que la conférence nationale sur les rythmes scolaires ouvre le débat de manière dépassionnée sur l’ensemble des sujets qui s’y rapportent.

Un grand nombre d’établissements ont déjà osé pratiquer le regroupement des cours jusqu’à treize heures pour libérer les élèves l’après-midi, ce qui leur permet de pratiquer qui du sport, qui des activités culturelles ou du théâtre, dans le cadre des associations, des conservatoires ou autres. Il est temps de mettre l’élève au centre de la réflexion sur les rythmes scolaires ; il est temps de chercher la solution la meilleure possible pour trouver un compromis entre le développement harmonieux des élèves, les pratiques scolaires et le rythme de vie.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé une expérimentation : cours le matin, sport l’après-midi. Ne pensez-vous pas qu’il serait également opportun de généraliser cette expérimentation à l’ensemble de la culture et à toutes les formes d’art ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Yvan Lachaud, vous l’avez très bien rappelé, la France détient deux spécificités : ses élèves sont ceux qui ont le plus d’heures de cours par an, de surcroît réunis sur le nombre de jours de classe le plus réduit ; s’ensuit une surcharge des emplois du temps que nous connaissons tous.

M. Patrick Roy. Qui a créé la semaine de quatre jours ?

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale. Il était temps d’évoquer dans sa globalité la problématique du temps de travail, de l’aménagement des emplois du temps des élèves. Ce sera le cas dans le cadre de la conférence sur les rythmes scolaires, que je mettrai en place dès le mois prochain. L’objectif est de prendre le temps de réfléchir, au sein de l’éducation nationale bien sûr, avec l’ensemble des partenaires de l’école, les représentants des enseignants, des parents d’élèves et les élèves eux-mêmes, mais aussi avec toute la société civile puisque l’école rythme la vie de la société.

Bien évidemment, nous tirerons profit de toutes les expérimentations actuellement menées. J’ai annoncé ce matin que nous lancerons à la rentrée prochaine une expérimentation sur le sport à l’école, car nous sommes résolus à développer la pratique sportive. Les valeurs du sport sont celles de l’école : le goût de l’effort, le travail en collectif, le respect de la règle. À partir de la rentrée prochaine, dans cent collèges ou lycées de France, il y aura donc un emploi du temps aménagé, avec des cours le matin et du sport l’après-midi. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Yves Le Déaut. Avec quels fonds ?

M. Henri Jibrayel. Avec des professeurs en plus ?

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale. Ce sera une réelle avancée de la pratique sportive. Cela nourrira notre réflexion sur les rythmes scolaires. C’est ainsi que nous réussirons à faire progresser l’école de la République. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

Réforme des collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. Laurent Fabius, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Laurent Fabius. Monsieur le Premier ministre, M. Alain Rousset, député et président de l’association des régions de France, a posé il y a quelques instants une question sur la réforme territoriale. Ce n’est pas faire injure au talent de M. le secrétaire d’État que de dire qu’il est passé largement à côté du problème.

M. Lucien Degauchy. Peut-être a-t-il un plan B, lui ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Laurent Fabius. Le problème, quel est-il ? Nous avons en France à la fois un énorme surendettement et un énorme sous-investissement ; et dans les deux cas, c’est l’État qui en est le seul responsable. Les collectivités locales ne portent aucune responsabilité à cet égard (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)  : nous savons tous, s’agissant de l’endettement, que les collectivités locales ne peuvent pas être en déficit de fonctionnement, et qu’elles assurent 75 % de l’investissement public.

M. Patrick Roy. Eh oui !

M. Laurent Fabius. Or que décidez-vous ? Vous choisissez de rendre beaucoup plus difficile le financement des collectivités locales. C’était déjà vrai avec les mesures prises les années précédentes, c’est vrai avec les dispositions de la réforme territoriale. Autrement dit, il s’agit pour l’essentiel d’une opération électorale, d’une centralisation et d’un moyen de pallier une difficulté financière plus grande…

M. Guy Teissier. M. Fabius n’a rien compris !

M. Laurent Fabius. …puisque vous avez décidé d’amputer, au cours des trois ans qui viennent, les dotations.

La conséquence, nous la connaissons tous : il y aura moins d’investissements, plus de faillites des entreprises de travaux publics (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) , plus de difficultés pour les services publics locaux, plus de difficultés fiscales.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Très juste !

M. Laurent Fabius. Mesdames, messieurs, le pays a suffisamment de difficultés dues au surendettement et au sous-investissement pour que l’on n’y rajoute pas une erreur de politique en taxant durement les collectivités locales.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Très juste !

M. Laurent Fabius. C’est la raison pour laquelle, monsieur le Premier ministre, je vous demande de renoncer à cette erreur, à ce qui constitue même une faute contre l’avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur Laurent Fabius, j’ai écouté votre question, attentif à l’expérience qui est la vôtre – vous êtes devenu Premier ministre voici vingt-six ans, succédant à Pierre Mauroy, qui avait fait voter les premières lois de décentralisation.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Eh oui !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Je vous le dis avec beaucoup de solennité : les principes de la décentralisation ne sont évidemment pas remis en cause par le Gouvernement et la majorité. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Ménard. C’est la recentralisation !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Ils constituent désormais le socle de l’organisation territoriale, ce qui est d’ailleurs prévu par la Constitution. Personne ne songe à les remettre en cause en engageant je ne sais quel mouvement de recentralisation. Personne ne propose de rétablir la tutelle. Personne n’envisage de retirer aux élus locaux des pouvoirs d’action et d’intervention. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mais qui peut sérieusement croire qu’en un quart de siècle, rien n’aurait changé ? Ne faites pas semblant de croire que l’enchevêtrement des compétences, la confusion des responsabilités, l’empilement des structures, sert l’intérêt national et l’intérêt des Français !

M. Daniel Vaillant. Baratin !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Vous évoquez les dépenses, mais vous ne pouvez occulter le fait que celles des collectivités locales dépassent très largement ce qui était nécessaire au regard de ce qu’imposait la décentralisation. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Elles représentaient 7,3 % du PIB en 1980, elles s’élèvent à 11,9 % aujourd’hui.

Oui, je vous le dis : c’est l’honneur et le courage du Gouvernement que d’engager un mouvement de clarification et de simplification (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC) en traitant de l’allégement des structures et en encadrant les co-financements excessivement coûteux. En vérité, votre position est très simple : ne rien faire, ne rien changer, ne rien bouger, ne rien imaginer, ne rien adapter ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Au-delà des mots, vous êtes l’expression du conservatisme tandis que nous, nous sommes l’expression du mouvement et de la réforme ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et sur de nombreux bancs du groupe NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Réforme des collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. Dominique Perben, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dominique Perben. Monsieur le ministre de l’intérieur, nous allons commencer, en fin d’après-midi, le débat sur la réforme des collectivités territoriales.

Je voudrais d’abord souligner le fait que cette réforme a été précédée, pendant plusieurs années, de réflexions, de débats et de concertations.

M. Bernard Roman. Pas dans le monde rural !

M. Dominique Perben. Pour ma part, j’y ai largement participé, en particulier dans le cadre du comité présidé par M. Édouard Balladur.

Je voudrais aussi rappeler les travaux de la commission des lois de l’Assemblée nationale, présidée par Jean-Luc Warsmann, dont les conclusions avaient été adoptées à l’unanimité.

Tout cela a donc été étudié ; les réflexions ont été menées et elles étaient très largement consensuelles.

Personnellement, je regrette qu’après un constat largement partagé, au moment où les décisions doivent être prises, il y ait d’un côté l’immobilisme et de l’autre le mouvement. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Cette réforme apporte d’abord le supplément de démocratie dont nos structures intercommunales ont besoin : on ne peut pas lever l’impôt sans une élection au suffrage universel.

Elle apporte aussi une organisation intercommunale plus efficace : nos 36000 communes – tous les Français savent qu’elles sont trop nombreuses – pourront ainsi travailler de manière plus collégiale.

Ensuite, nous devons mettre en place une gouvernance urbaine de qualité, adaptée au XXI siècle. C’est un enjeu international de dimension très importante.

Enfin, une cohérence entre régions et départements est indispensable pour faire des économies, pour que la dépense publique de ce pays puisse baisser. Nous devons faire des efforts au niveau de l’État, de nos structures sociales, mais aussi des collectivités locales. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le ministre Dominique Perben, vous avez raison : la réforme des collectivités territoriales est un rendez-vous très important pour notre pays.

Nous allons en débattre au terme d’un travail de préparation très approfondi, d’une concertation très poussée – vous l’avez souligné vous-même – et d’une réflexion se fondant sur les travaux du comité présidé par Édouard Balladur, auxquels vous avez participé très activement.

Au passage, je voudrais remercier aussi le président de votre commission des lois, Jean-Luc Warsmann, pour le travail accompli. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Cette réforme a l’ambition de répondre à trois défis. Premier défi : la simplification.

M. Patrick Roy. C’est raté !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Nous voulons en finir avec la fragmentation du paysage institutionnel. Nous voulons que notre organisation territoriale soit plus lisible, plus accessible à nos concitoyens.

Deuxième défi : performance des territoires.

M. Patrick Roy. Raté aussi !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Nous avons besoin d’une organisation plus efficace. C’est l’enjeu de l’émergence, à laquelle vous êtes très attentifs, des grandes métropoles. C’est aussi l’enjeu du renforcement de l’intercommunalité et du nouveau couple formé par la région et le département, grâce à l’instauration des conseillers territoriaux.

Troisième défi : plus grande maîtrise de la dépense locale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Roy. Encore raté !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Les collectivités locales doivent prendre leur part dans l’effort collectif de redressement de nos finances publiques.

Vous le voyez, nous proposons, de manière apaisée, pragmatique et concrète, une réforme qui nous permettra de rénover la décentralisation en modernisant notre pays. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Défenseur des droits

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Noël Mamère. Ma question, qui s’adresse à M. le Premier ministre, pourrait constituer une illustration du grand décalage que l’on constate entre vos déclarations et les réformes que vous mettez en place, qui ressemblent à des reculs ou à des remises en cause de certains principes républicains. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mon propos vise particulièrement un projet qui sera examiné au Sénat cette semaine : la création du poste de Défenseur des droits. Ce texte – qui prétend renforcer la protection des droits et des libertés des personnes – risque bien au contraire d’aboutir à une forme de dilution, car l’espèce de « holding » prévue portera atteinte à l’indépendance d’institutions qui ont eu le temps de démontrer leur efficacité.

C’est notamment le cas de la Commission nationale de déontologie de la sécurité. C’est aussi celui de la HALDE, dont l’inclusion dans le Défenseur des droits a été votée mercredi par la commission des lois du Sénat, alors que Mme Jeannette Bougrab, actuelle présidente de cette autorité, s’est déclarée contre toute forme de dilution lorsqu’elle a été auditionnée par notre commission des lois. Beaucoup de députés peuvent d’ailleurs témoigner de la qualité de ses interventions.

Dans le Défenseur des droits, vous avez aussi inclus le Médiateur de la République. Or, M. Jean-Paul Delevoye s’est exprimé récemment dans le cadre d’un rapport très intéressant sur l’état d’esprit des Français.

Enfin, souvenons-nous des déclarations de Mme Dominique Versini au sujet de la disparition du défenseur des enfants.

S’agissant de la CNDS, je citerai un seul élément, significatif de votre démarche et de votre volonté de faire reculer la protection des droits et des libertés (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : jusqu’à présent, un collège interdisciplinaire de quatorze membres se prononçait sur les décisions à prendre ; à l’avenir, il ne restera que trois membres, et ils seront simplement consultés par le Défenseur des droits.

Voilà un recul qui témoigne bien de ce qui est à l’œuvre : votre volonté de réduire nos libertés, de réduire la lutte contre les discriminations et de porter atteinte à nos droits. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la réforme constitutionnelle de 2008 a créé un Défenseur des droits, afin que nous soyons à la hauteur au niveau européen et même mondial, pour la défense des droits et des libertés de nos concitoyens. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Brard. Des banquiers !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État. Pour cela, il fallait créer une autorité constitutionnelle – les autres autorités en question ne possèdent pas ce statut –, la doter de moyens d’action supplémentaires – en renforçant notamment ses pouvoirs d’injonction –, lui accorder une réelle indépendance et des compétences élargies.

Le texte du Gouvernement va dans ce sens. Il est vrai que la commission des lois du Sénat a souhaité inclure la HALDE dans le Défenseur des droits, se situant ainsi en parfaite conformité avec les recommandations émises par M. Balladur, dans le cadre de sa mission sur la modernisation de nos institutions. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

M. Maxime Gremetz. Quelle référence !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État. S’agissant du projet de loi, seuls les conservateurs – dont vous semblez faire partie – peuvent parler de recul. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Il représente au contraire une réelle avancée par rapport à des institutions qui sont actuellement complètement dispersées, souvent illisibles et assez méconnues.

M. Patrick Lemasle. Merci pour la HALDE, la CNDS et la défenseure des enfants !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État. Dans tous les domaines, en particulier celui de la lutte contre les discriminations, nous voulons renforcer notre pouvoir d’agir. Prétendre le contraire relève de la mauvaise foi, du conservatisme ou de l’aveuglement volontaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Conférence des finances publiques

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Gilles Carrez. Monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, depuis plus de trente ans, la France n’a jamais réussi à équilibrer son budget. Tous ses déficits ont créé un endettement considérable. Heureusement, notre pays continue de pouvoir emprunter à des conditions presque aussi avantageuses que l’Allemagne.

M. Jean-Jacques Candelier. Et tout cela sur le dos des Grecs !

M. Gilles Carrez. Mais la crise financière, qui frappe beaucoup de pays européens, nous impose de renforcer notre vigilance.

Le Président de la République, Nicolas Sarkozy, dont le rôle est majeur (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) pour trouver des solutions à la crise européenne, vient de présider la Conférence nationale des finances publiques. Les décisions prises expriment notre volonté de rétablir nos comptes publics, dans un souci de responsabilité à l’égard des générations futures.

M. Patrick Lemasle. Cela fait huit ans que vous êtes au pouvoir !

M. Gilles Carrez. Nos dépenses publiques – État, sécurité sociale et collectivités territoriales – n’évolueront pas plus vite que l’inflation. Nos ressources seront protégées grâce à la réduction des niches fiscales et sociales, et ce dans un esprit de justice et d’équité.

Pour renforcer notre engagement de diminuer rapidement les déficits, le Président de la République propose de modifier la Constitution afin de fixer, de façon impérative, la trajectoire de retour à l’équilibre. (Exclamations sur quelques bancs du groupe GDR.)

Ce projet responsable et respectueux de nos enfants appelle le soutien du Parlement ; vous pouvez être sûr, monsieur le ministre, de celui de notre majorité et de sa détermination. Pouvez-vous nous dire comment et dans quelles conditions cette nouvelle règle constitutionnelle pourra être mise en œuvre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État.

M. Patrick Roy. Et du bouclier fiscal !

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État . Nous étions, monsieur le rapporteur général du budget, cher Gilles Carrez, réunis jeudi dernier autour du Président de la République…

M. Jean-Pierre Brard. Vous n’aviez rien de mieux à faire ?

M. François Baroin, ministre du budget . …pour tirer les conclusions de l’étape majeure que vous avez évoquée, étape qui marque une inflexion significative et durable dans l’histoire de nos finances publiques. Vous en avez brièvement rappelé les différents points : gel des dépenses de l’État, stabilité de ses dotations aux collectivités territoriales – je me permets de rappeler au passage à M. Fabius que plus de 50 % du budget de ces dernières dépendent des transferts de l’État, de sorte que celui-ci prend toute sa part dans les 75 % d’investissements publics qu’elles réalisent (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP) – et révision de notre loi fondamentale, décision conséquente du Président de la République articulée autour de trois idées,…

M. Jean-Pierre Brard. Ah bon, il a des idées ?

M. François Baroin, ministre du budget . Et ces trois idées, tous ceux qui ont une culture parlementaire le savent, font partie des sujets sur lesquels la gauche, comme la droite, s’est engagée.

Première idée : le monopole réservé aux projets de loi de finances pour ce qui concerne les dépenses fiscales ; aucune nouvelle niche ne pourra plus être créée en dehors de l’examen du budget de la nation. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Deuxième idée, souhaitée par la représentation nationale, qui renforce le rôle du Parlement : l’obligation de soumettre au vote de celui-ci les engagements financiers que la France prend à l’égard de ses partenaires européens.

Troisièmement, tout Premier ministre soutenu par une majorité issue des urnes devra obligatoirement inscrire la trajectoire des finances publiques dans la nouvelle législature.

N’écartez pas, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, ce sujet d’un revers de main :…

M. Philippe Plisson. Il fallait commencer par vous appliquer ces beaux principes à vous-mêmes !

M. François Baroin, ministre du budget . C’est un sujet politique, sur lequel tous les partis de Gouvernement auront à prendre leur responsabilité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Plan de soutien aux banques

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jérôme Cahuzac. Madame la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, la Cour des comptes vient de publier son rapport consacré à l’aide de l’État aux institutions bancaires et financières à la fin de 2008, lorsque la crise a éclaté. Premier enseignement : cette aide était légitime. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Vous savez d’ailleurs, madame la ministre, que le principe en était approuvé sur nos bancs, au-delà de la majorité présidentielle.

Le problème est que la Cour des comptes se démarque des politiques menées et donne raison à ceux qui critiquaient les modalités du plan d’aide. Vous souhaitiez que les banques augmentent, ou en tout cas maintiennent, leur concours au financement des entreprises ; or, selon le rapport, les encours bancaires apportés aux PME pour des raisons de trésorerie ont diminué de 12 % en 2009. Vous savez comme moi, madame la ministre, que bon nombre de ces entreprises ont disparu faute d’avoir trouvé les soutiens nécessaires s’agissant de leur trésorerie.

Vous souhaitiez également que les banques fassent preuve d’un minimum de retenue dans la rémunération de leurs dirigeants ; d’où notre surprise en constatant que personne au Gouvernement ne s’est indigné, ni même étonné de ce que le principal dirigeant de l’une des plus grandes banques françaises a vu sa rémunération augmenter en 2009 de 151 % – progression considérable appliquée à une rémunération qui ne l’était pas moins.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C’est scandaleux !

M. Jean Glavany. Il n’a fait qu’imiter le Président de la République !

M. Jérôme Cahuzac. Enfin, et c’est peut-être plus grave encore, la Cour des comptes souligne qu’en refusant d’entrer dans le capital des banques, comme on vous le suggérait instamment, l’État a manqué le retour à bonne fortune alors que d’autres États – la Suisse, les États-Unis et bientôt la Grande-Bretagne – y sont parvenus.

Quand accepterez-vous, madame la ministre, de taxer les banques afin de rattraper cette erreur et de soulager nos finances publiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur de nombreux bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Monsieur le président de la commission des finances, je vois que nous avons les mêmes lectures de week-end…

M. Jean-Pierre Brard. Mais vous n’en faites pas les mêmes exégèses !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. J’ai, comme vous, pris connaissance du rapport de la Cour des comptes avec attention. Sans doute n’avez-vous pas pris la peine de lire la réponse que j’ai adressée le 20 mai au président de la Cour : j’y explique très précisément nos positions. Je vais vous les rappeler.

Tout d’abord, le rapport de la Cour des comptes est en effet très positif sur les principes généraux du plan de soutien des banques lors de la crise financière.

Par ailleurs, la Cour a examiné les conditions dans lesquelles la Caisse des dépôts et consignations a décentralisé 14,3 milliards d’euros pour permettre le financement de l’économie.

M. Jean-Pierre Brard. Vous noyez le poisson !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Comme la Cour, je constate que les entreprises de France – les grandes comme les petites et moyennes – ont bénéficié d’une augmentation des concours bancaires de 2,7 %.

M. Maxime Gremetz. Pas les petites entreprises !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Si ce chiffre est certes inférieur aux 3 % auxquels nous avions engagé les banques, rapporté au 0 % constaté dans l’ensemble de la zone euro, il atteste que le mécanisme a fonctionné.

La deuxième observation de la Cour reprend votre argumentation : pourquoi n’avoir pas acheté des actions ordinaires ? Pourquoi avoir opté pour les actions de préférence ? Pourquoi, en d’autres termes, avoir préféré la sécurisation à la spéculation ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.) Tout simplement pour nous assurer du remboursement de l’intégralité des concours consentis par l’État, et des 2,23 milliards d’euros d’intérêts.

Votre reproche revient à nous dire, une fois la course terminée : voilà le tiercé qu’il fallait jouer ! Ce n’est pas juste, monsieur le député. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC et sur de nombreux bancs du groupe GDR.)

Attribution de la carte du combattant aux militaires ayant participé à des opérations extérieures

M. le président. La parole est à M. Guy Teissier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Guy Teissier. Monsieur le secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants, ma question porte sur les conditions d’attribution de la carte de combattant à la quatrième génération du feu.

Compte tenu des relèves, ce sont plus de 40 000 hommes qui, chaque année, se succèdent sur les théâtres extérieurs où la France fait son devoir en assumant ses responsabilités internationales, notamment en sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies.

Notre influence internationale est incontestable. J’en veux pour preuve le fait que, si l’ONU et nos partenaires européens se tournent vers nous, c’est parce que notre pays est prêt à assumer ses responsabilités.

L’engagement de la France au service de la paix et de la sécurité, qui fait sa grandeur et qui lui assure une place particulière sur la scène internationale, n’est possible que parce que nos militaires sont prêts à risquer leur vie pour notre pays et pour la défense de nos valeurs.

Le moment n’est-il pas venu de reconnaître l’engagement de nos soldats, de ces femmes et de ces hommes qui, à intervalles réguliers, risquent leur vie avec courage et dévouement ?

M. Maxime Gremetz. Il est grand temps !

M. Guy Teissier. La mort de quarante-deux de nos soldats en Afghanistan, auxquels s’ajoutent ceux des autres théâtres, témoigne indubitablement du fait que les opérations de maintien de la paix sont des opérations à risque.

Lorsque l’on songe aux opérations de contrôle de zone, aux opérations de sécurisation, aux contrôles de foule, aux évacuations dans les situations dramatiques, aux actions de renseignement en milieu hostile, aux opérations aériennes ou maritimes, notamment la lutte contre la piraterie, aux opérations de déminage, de ravitaillement logistique, force est de constater que la vie de nos hommes est réellement exposée et que cela appelle une reconnaissance.

Or le dispositif actuel n’est pas pleinement satisfaisant. Nos militaires, bien que discrets sur ce sujet, pourraient s’interroger sur notre volonté de reconnaître le sens de leur sacrifice.

Je vous pose donc la question, monsieur le secrétaire d’État : comment entendez-vous faire évoluer la réglementation applicable à l’octroi de la carte du combattant pour les opérations extérieures ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants.

M. Jean-Pierre Brard. Qu’il réponde en français pour que l’on n’ait pas besoin de décodeur !

M. Hubert Falco, secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants. Permettez-moi tout d’abord, monsieur le député, de saluer la mémoire du capitaine Christophe Barek-Deligny, petit-fils et arrière-petit-fils d’ancien combattant, qui est mort pour la France et pour la paix samedi dernier, en Afghanistan. Nos pensées vont à sa famille et à ses compagnons d’armes du 3 e  régiment du génie.

La reconnaissance de la nation, le droit de réparation, le devoir de mémoire ont été construits en référence aux grands conflits du XX e siècle, dont le dernier s’est terminé il y a quarante-huit ans.

Depuis 1993, la loi prévoit que la carte du combattant peut être attribuée aux soldats ayant participé à des opérations extérieures, mais les critères d’attribution sont restés ceux des trois guerres précédentes : il faut avoir pris part à un certain nombre d’actions de feu et de combat. Ces critères apparaissent désormais en décalage avec la réalité des engagements de nos forces et privent nos soldats d’une reconnaissance légitime.

Aussi avons-nous décidé, en accord avec M. le Premier ministre et avec M. le ministre du budget, de modifier les critères d’octroi de cette carte pour que les soldats de la quatrième génération du feu, celle des OPEX, celle de l’Afghanistan, du Golfe, de Bosnie, du Tchad et du Liban, puissent être pleinement reconnus par la nation et bénéficier des mêmes droits que leurs aînés.

M. Maxime Gremetz. Enfin !

M. Hubert Falco, secrétaire d’État. Un décret sera prochainement publié à cet effet. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Réforme des retraites

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Marisol Touraine. Monsieur le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, quand donc allez-vous dire la vérité aux Français sur votre réforme des retraites ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.) Vous êtes incontestablement devenu le roi de l’esquive, mais il est temps, il est grand temps maintenant de reconnaître que votre choix est fait, et qu’il est de supprimer la retraite à soixante ans, de faire supporter tout l’effort par les salariés et, d’abord, par les ouvriers et les employés.

Dans cette réforme, l’idéologie est de votre côté ! Les doctrinaires sont à l’UMP (Protestations sur les bancs du groupe UMP) , oui, à l’UMP et au Gouvernement ! Vous avez l’obsession d’imposer la même chose à tout le monde, aux ouvriers et aux employés comme aux cadres supérieurs.

Nous, nous défendons la retraite à soixante ans non par idéologie, mais par volonté de justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La retraite à soixante ans, ce n’est certainement pas une obligation, mais c’est assurément une protection pour ceux qui ont commencé à travailler jeunes et ne sont franchement pas les plus riches.

Car la vérité, monsieur le ministre, c’est que votre réforme repose sur un double mensonge et sur une double injustice.

Ce que vous ne dites pas, c’est qu’il y a des centaines de milliers de Français qui partent à la retraite à soixante ans en ayant cotisé un ou deux ans de plus que nécessaire, sans que cela leur rapporte un centime de pension en plus. Où est la justice, pour ces centaines de milliers d’ouvriers et d’employés qui ont commencé à travailler avant vingt ans sans jamais s’arrêter ?

Ce que vous ne dites pas, monsieur le ministre, c’est que, entre cinquante-cinq et soixante ans, près de la moitié des salariés sont sans emploi, alors qu’ils n’ont qu’une volonté, celle de travailler. Où est la justice pour ces deux millions de Français sans emploi que vous condamnez à plus de chômage ?

La France que vous nous préparez aura moins de retraités et plus de chômeurs. Ce n’est manifestement pas une belle avancée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique . Madame la députée, le parti socialiste a, sur le dossier des retraites, des œillères. Nous avons vu, la semaine dernière, un parti socialiste accroché au rocher des impôts, tandis qu’une sorte de vent de modernité soufflait en provenance de Washington. (« Très bien ! » et rires sur les bancs du groupe UMP.) Les voyages forment la jeunesse, dit-on ; visiblement, ils forment aussi le parti socialiste. Le Gouvernement s’en réjouit, même si des progrès restent à faire ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Pour l’heure, il est extraordinairement dommage, madame la députée, que le pseudo-projet du parti socialiste esquive la question des retraites. Comment pouvez-vous être dans un tel déni de réalité alors que, vous le savez, c’est évidemment la démographie qui est au cœur du problème ? Comment pouvez-vous croire un seul instant que la litanie socialiste – l’impôt, toujours l’impôt ! – soit une réponse sérieuse à la question des retraites ? Comment pouvez-vous, comme vous venez de le faire, jeter l’anathème sur le Gouvernement, alors que notre seul objectif est le sauvetage du régime par répartition ? Bien évidemment, madame la députée, nous maintiendrons tous les dispositifs de solidarité au sein du système par répartition, dispositifs que vous vous êtes d’ailleurs bien gardés de voter ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Roy. Dites-nous donc quel est votre projet ! (Huées sur les bancs du groupe UMP.)

M. Éric Woerth, ministre du travail. Vous ne les avez jamais votés, il faut l’admettre. Regardez les choses en face, c’est ainsi que vous pourrez progresser. Tout cela, madame la députée, n’est pas digne d’un grand parti politique qui aspire à de hautes responsabilités. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Festival de Cannes

M. le président. La parole est à M. Bernard Brochand, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Brochand. Ma question s’adresse à M. le ministre de la culture et de la communication.

Le soixante-troisième festival de Cannes, qui vient de s’achever, s’est montré encore une fois à la hauteur de sa réputation de plus grande manifestation culturelle mondiale du cinéma. C’est une réussite, malgré un coup de mer mémorable à trois jours de l’inauguration, les résidus du nuage de cendres islandais et, bien sûr, les polémiques exacerbées qui ont eu lieu autour de certains films en compétition.

Mme Sandrine Mazetier. La faute à qui ?

M. Bernard Brochand. C’est d’abord une réussite économique : 11 000 personnes accréditées pour le plus grand marché mondial du film, 125 000 congressistes, 200 millions d’euros de retombées directes et indirectes pour notre pays, 3 500 emplois induits et 95 000 nuitées générées pendant cette période – soit une hausse de 8 % par rapport à l’an passé.

C’est ensuite une réussite médiatique favorable à notre rayonnement international : 4 200 journalistes accrédités et des milliers d’articles, de reportages et d’émissions réalisés.

C’est enfin une réussite pour le cinéma français qui aura été mis à l’honneur par un jury composé de personnalités internationales et présidé cette année par le grand cinéaste américain Tim Burton. Quatre prix, parmi les plus prestigieux, sont revenus à des artistes et à des films français : palme d’or du court-métrage, prix de la mise en scène, prix d’interprétation féminine et grand prix pour le film Des Hommes et des Dieux de Xavier Beauvois – preuve de la vitalité artistique exceptionnelle de notre cinéma.

Cette réussite a été rendue possible grâce à la mobilisation de tous pour assurer la sécurité et le succès de cet événement : CRS, policiers, gendarmes, pompiers, personnel municipal, hôteliers et restaurateurs.

M. le président. Je vous remercie.

La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Vous avez raison, monsieur le député : le soixante-troisième festival de Cannes a été à la hauteur de sa réputation, provoquant une effervescence artistique qui sert évidemment le septième art, mais aussi le rayonnement de notre pays, à travers les innombrables médias qui couvrent l’événement. À cet égard, on ne peut que louer le président Gilles Jacob et son équipe pour l’exceptionnelle qualité de leur travail permanent.

Le palmarès de cette édition est à lui seul, vous l’avez rappelé, une récompense pour tout le cinéma français dans sa diversité puisqu’il a obtenu quatre prix majeurs. Mais on peut légitimement considérer que le cinéma français aura joué un rôle déterminant dans la production du film de M. Mahamat-Saleh Haroun, prix du jury, du film d’Abbas Kiarostami Copie conforme et même de la palme d’or Oncle Boonme, préacheté par ARTE et bénéficiaire du Fonds Sud au Centre national du cinéma. Je précise que ce film, d’une immense qualité esthétique, vient après trois autres films du cinéaste, qui ont tous bénéficié de préachat et de distribution en France, qui ont conforté de manière significative la production de son travail. Cette réussite globale souligne l’importance et la pertinence des formules d’aide à la production mises en œuvre par notre pays – commission d’avance sur recettes et commission Fonds Sud.

Enfin, accompagnant la réussite du film tchadien de M. Saleh, la France s’apprête à jouer un rôle moteur dans la renaissance du cinéma africain, en ces temps de célébration des indépendances.

Je rappelle que nous venons de signer un accord très important de coproduction avec la Chine, qui permettra la pénétration du marché chinois par les films français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Réforme des retraites

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-Marie Le Guen. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, si vous voulez bien écouter les parlementaires qui vous posent des questions… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. –Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Allons, monsieur Le Guen, posez votre question.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le Premier ministre, êtes-vous en état de démentir la dépêche de l’AFP qui indique que, ce matin, devant le groupe UMP, vous avez demandé aux parlementaires de la majorité de ne plus parler aux journalistes et de ne plus aborder le problème de l’âge légal de la retraite à soixante ans ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Êtes-vous à la hauteur des questions qui se posent aujourd’hui sur une réforme de société, celle des retraites, pour refuser d’aborder dans la transparence le débat devant les Français ? Quelles sont vos intentions réelles concernant la liberté de pouvoir partir à soixante ans ? Pouvez-vous nous préciser les Français que vous allez priver concrètement de ce droit, alors même qu’ils ont déjà très largement payé leurs années de cotisation et doivent pouvoir bénéficier de plein droit de leur retraite ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

Monsieur le Premier ministre, allez-vous continuer, plutôt que d’avoir un débat transparent, à ajouter la polémique, par exemple, sur la question fiscale ? De ce point de vue, je pense que vous devriez avoir un débat avec le président de la commission des finances qui vous démontrerait combien c’est cette majorité et ce gouvernement qui ont, ces dernières années, multiplié les impôts et augmenté les dépenses fiscales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le Premier ministre, puisque votre gouvernement s’emploie à écouter Dominique Strauss-Kahn, qui s’est exprimé la semaine dernière, ne pensez-vous pas qu’il serait plus utile de prendre des leçons sur la croissance qui donnera les emplois et permettra, demain, que nous ayons une autre situation économique et sociale dans notre pays, y compris en matière de retraites ?

Allez-vous également tirer les leçons de la nécessaire justice fiscale que beaucoup de Français appellent de leurs vœux et qui est la condition préalable à toute réforme dans notre pays ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique . Monsieur Le Guen, du calme ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous parlons d’un sujet important. Ce n’est pas la peine de nous apostropher de cette manière ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)

Il y a, dans le domaine des retraites, une vision dogmatique, idéologique et politicienne du parti socialiste. Le seul dogme que l’on doit avoir sur les retraites, mesdames et messieurs les députés, c’est celui du sauvetage de notre système par répartition.

M. Maxime Gremetz. Arrêtez !

M. Éric Woerth, ministre du travail. C’est le seul dogme, il n’y en a pas d’autre. Face au dogme du système par répartition, se pose la question de l’espérance de vie. L’espérance de vie des Français a spectaculairement augmenté depuis une trentaine d’années et il faut bien en tenir compte.

Mme Annick Lepetit. Ça va changer, parce qu’ils ne peuvent plus se soigner !

M. Éric Woerth, ministre du travail. C’est pour cette raison que la première des réponses est d’ordre démographique. Pourquoi voulez-vous toujours nier la réalité ?

Lorsque vous avez instauré les 35 heures, vous avez en réalité privilégié la diminution du temps de travail au détriment des salaires et du pouvoir d’achat. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Et vous voudriez tout simplement nous refaire le coup ! Vous voudriez, en essayant de ne jamais aborder le problème de la durée de vie professionnelle, ne jamais aborder cette question. C’est au fond privilégier la baisse des retraites ! Vous voulez privilégier la baisse des pensions et des retraites. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) C’est là-dessus que vous serez jugés par les Français !

Vous ne pouvez pas non plus considérer que l’impôt est une réponse. La semaine dernière, le Premier ministre a parfaitement détaillé en quoi consistent en réalité les propositions du parti socialiste : des impôts sur les classes moyennes, des cotisations sur les entreprises, moins de pouvoir d’achat et, évidemment, plus de chômage. Ce n’est pas notre réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)

Journée internationale des enfants disparus

M. le président. La parole est à Mme Henriette Martinez, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Henriette Martinez. Madame la secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité, en cette huitième journée internationale des enfants disparus, c’est avec émotion que nous nous rappelons les affaires dramatiques qui, trop souvent, émaillent l’actualité et brisent des familles. Nous pensons à ces parents qui vivent une souffrance indicible, oscillant entre désespoir et lueurs d’espoir.

Comment ne pas évoquer la disparition d’Estelle, affaire dont les derniers rebondissements nous bouleversent, mais aussi celles de Léo dans le massif du Taillefer, d’Emmanuel à Rennes, d’Antoine à Issoire, de Jérôme à La Défense, de Marion à Agen, de Cherazed à Bourgoin-Jallieu, de Mathieu à Embrun, et de tant d’autres enfants arrachés à leur famille à l’aube de leur vie ?

Face à ces drames, les pouvoirs publics s’organisent, pour essayer de prévenir et pour réagir. Vous avez ainsi signé il y a un an, madame la secrétaire d’État, avec M. le ministre de l’intérieur, une convention associant la Fondation pour l’enfance et l’Institut national d’aide aux victimes et de médiation, afin de créer, comme dans plusieurs États européens, un numéro d’appel à la disposition des familles ? Pouvez-vous nous dire où en est concrètement la mise en place de ce numéro ? Quels sont les résultats attendus de cette mesure, qui répond à l’attente des familles dans le désespoir ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité.

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité. Madame la députée, la disparition d’un enfant est un choc insupportable pour les familles. C’est une situation intolérable également pour les pouvoirs publics. En cette huitième journée internationale des enfants disparus, le Gouvernement est déterminé et mobilisé aux côtés des familles.

Vous avez rappelé quelques prénoms d’enfants disparus. Nous avons une pensée, évidemment, pour Estelle dont le papa, présent dans une tribune de cet hémicycle, est venu aujourd’hui à Paris afin de sensibiliser l’ensemble des Français au drame des enfants disparus.

En 2006, le Gouvernement avait mis en place, à l’initiative de Pascal Clément, un dispositif qui fonctionne bien, « Alerte enlèvement ». Ce dispositif a été renforcé le 20 avril dernier par Michèle Alliot-Marie, pour multiplier les réseaux et permettre une plus grande mobilisation grâce aux sites internet, au téléphone portable, aux télévisions ou à d’autres partenaires.

Brice Hortefeux et moi avons signé, vous l’avez rappelé, une convention avec la Fondation pour l’enfance, présidée par Mme Anne-Aymone Giscard d’Estaing. Aujourd’hui, le « 116 000 » est un numéro d’appel européen commun à onze pays.

Nous avons par ailleurs mis en place un dispositif complémentaire d’accompagnement des familles, afin de les guider, de les écouter, de les orienter vers les bonnes associations et vers les pouvoirs publics. La disparition d’enfants est une situation intolérable. Vous pouvez compter sur la détermination du Gouvernement pour être aux côtés des familles. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. René Rouquet. Très bien !

Cristallerie d’Arques et politique industrielle

M. le président. La parole est à M. Michel Lefait, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Michel Lefait. Monsieur le Premier ministre, quand vous saisirez-vous du dossier économique brûlant de la région de Saint-Omer ? En dix ans, l’entreprise familiale ARC International, bien connue sous le nom de Cristallerie d’Arques, leader mondial de la verrerie de table, a vu ses effectifs passer de 12 000 à moins de 6 000, et l’hémorragie du site historique du Pas-de-Calais devrait encore se poursuivre.

Jeudi dernier, la direction de l’entreprise a en effet annoncé un plan massif de licenciement : 1 000 salariés de plus vont perdre leur travail.

Devant cette situation dramatique, je vous ai remis en mains propres il y a un mois, une lettre dans laquelle mes collègues Jean-Claude Leroy, Jean-Pierre Decool et moi-même vous demandions d’urgence un rendez-vous. Bien que cette demande ait été réitérée de nombreuses fois, nous n’avons obtenu aucune réponse des ministères concernés.

M. Maxime Gremetz. Scandaleux !

M. Michel Lefait. C’est pourquoi, monsieur le Premier ministre, je vous demande : que faites-vous sur ce dossier ?

M. Maxime Gremetz. Rien !

M. Michel Lefait. Que faites-vous devant la difficulté que rencontre notre industrie ?

M. Patrick Roy. Rien !

M. Michel Lefait. Depuis 2002, la France a perdu plus de 500 000 emplois et 12 % de ses effectifs dans le domaine industriel, décrochant gravement par rapport à l’Allemagne. Que faites-vous devant ce constat d’urgence industrielle ?

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Rien !

M. Michel Lefait. Quelle est votre vision ? Votre stratégie ? Votre plan pour l’industrie ? Que comptez-vous faire pour sauver ARC International ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. Monsieur le député, la Cristallerie d’Arques, implantée dans le Nord-Pas-de-Calais depuis le XIX e  siècle, est un fleuron du made in France , pour lequel nous engageons de toutes nos forces. Je rappelle simplement qu’entre 2008 et 2009, le chiffre d’affaires a chuté, du fait de la crise, de près de 25 %.

Le jeudi 20 mai, l’entreprise a décidé un départ volontaire de 962 personnes sur un effectif de 6 900 salariés et de compléter leur plan de revitalisation, en plus des 200 millions d’euros déjà investis depuis 2005 pour renforcer la compétitivité de l’entreprise.

Je vous confirme donc les éléments suivants : des départs volontaires pour 2010, une revitalisation venant s’ajouter aux 8 millions d’euros qui ont déjà permis de créer 1 600 emplois dans le bassin d’emploi depuis 2004, et une écoute du Premier ministre, puisque, suite à votre demande commune avec Jean-Pierre Decool, vous serez reçus demain à Matignon (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) par des membres du cabinet du Premier ministre et de mon cabinet.

Vous nous demandez ce que nous faisons pour l’industrie française ? C’est simple : nous avons réuni les états généraux de l’industrie, pris vingt-trois mesures, décidé la restructuration des filières pour que le « produire en France » soit une réalité, désigné notamment un médiateur à la sous-traitance et nommé un « ambassadeur de l’industrie » chargé de veiller à ce que l’harmonisation des règles européennes nous rende plus compétitifs sur la scène internationale. Oui, nous agissons, là où, malheureusement, vous êtes restés laxistes trop longtemps !

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)
Présidence de Mme Catherine Vautrin,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Décision du Conseil constitutionnel sur une requête en contestation d'opérations électorales

M. le président.

Mme la présidente. En application de l’article L.O. 185 du code électoral, M. le Président de l’Assemblée nationale a reçu du Conseil constitutionnel communication d’une décision portant annulation de l’élection législative des 20 et 27 septembre 2009 dans la dixième circonscription des Yvelines.

Fixation de l'ordre du jour

M. le président.

Mme la présidente. La conférence des présidents, réunie ce matin, a arrêté pour la semaine du 14 au 18 juin les propositions d’ordre du jour suivantes :

Mardi 15 juin, l’après-midi après les questions, et le soir :

Application de l’article 13 de la Constitution, lecture définitive du projet organique et texte de la commission mixte paritaire sur le projet ordinaire ;

Proposition relative à l’urbanisme commercial.

Mercredi 16 juin, après-midi et soir :

Débat préalable au Conseil européen ;

Suite éventuelle de la proposition relative à l’urbanisme commercial ;

Proposition sur l’équipement numérique des salles de cinéma ;

Proposition visant à lutter contre l’absentéisme scolaire.

Il n’y a pas d’opposition ?

Il en est ainsi décidé.

M. Jean-Pierre Grand. Madame la présidente, je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Tout à l’heure, le président de l’Assemblée nationale a demandé une minute de silence en hommage à la policière du Val-de-Marne qui a été tuée en service. C’était bien légitime et nous nous y sommes associés avec beaucoup d’émotion. Mais je me permets d’interroger la présidence de l’Assemblée nationale pour connaître les raisons de son obstination à ne plus vouloir faire une minute de silence quand un soldat français est tué en Afghanistan.

M. Patrick Lemasle. C’est juste, il a raison !

M. Jean-Pierre Grand. Samedi dernier, le capitaine Christophe Barek-Deligny a été tué en Afghanistan. Il avait deux enfants. Son épouse, elle-même soldat en Afghanistan, médecin-commandant, était présente. Je voudrais que l’on me dise pourquoi l’Assemblée nationale française n’honore pas ses soldats morts en Afghanistan. (Applaudissements sur tous les bancs).

Mme la présidente. Monsieur Grand, je prends bonne note de votre demande concernant le décès d’un militaire du 3 e  régiment du génie de Charleville-Mézières, et ne manquerai pas d’en informer le président de la conférence des présidents.

Parité des candidatures aux élections législatives

Vote solennel sur l’ensemble d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur la proposition de loi visant à renforcer l’exigence de parité des candidatures aux élections législatives (n °  2422).

Jeudi dernier, le Gouvernement a indiqué que, en application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, il demandait à l’Assemblée nationale de se prononcer par un seul vote sur l’article unique et sur l’ensemble de la proposition de loi, à l’exclusion de tout amendement.

M. Patrick Roy. Une fois de plus !

Explications de vote

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales, mes chers collègues, il y a quelques mois, le 20 janvier dernier, le groupe UMP déposait une proposition de loi que nous discutions ici avec beaucoup d’allant, car elle permettait de faire progresser – certes très peu – la parité dans les conseils d’administration des entreprises. Cela n’allait pas très loin, je vous l’accorde, mais du moins était-ce un geste en faveur de la parité. Bien entendu, le groupe majoritaire avait expliqué que l’on ne pouvait pas tout faire en une seule fois, et qu’il fallait fixer un délai de cinq ans. Il semblait donc à l’UMP que, pour fixer la parité dans les conseils d’administration, cinq ans constituaient un délai raisonnable.

Cela va faire dix ans qu’a été votée la loi de juin 2000 qui fixait l’objectif de parité à l’Assemblée nationale, sous condition de modulation financière de l’aide publique pour les partis qui n’y arriveraient pas. L’objectif de la loi n’était pas de pénaliser les partis politiques en les privant de la dotation publique qu’ils reçoivent, mais d’assurer, par la parité des candidatures, l’égalité dans les possibilités d’accès à l’Assemblée nationale, et donc un pourcentage de femmes largement supérieur à celui, très mauvais, qui prévaut aujourd’hui.

Je souhaite ici donner quelques chiffres. Lors des débats, l’UMP avait estimé qu’il était plus difficile d’aller vers la parité lorsque l’on était dans la majorité. Mais lors du renouvellement en 2002, l’UMP était dans l’opposition et aurait pu aller plus loin, mais elle ne présenta que 18,6 % de femmes candidates. Cinq ans plus tard, en 2007, ce chiffre était de 26,8 %. Je me souviens des paroles de l’un de nos collègues de l’UMP qui considérait que, si elle était votée, cette proposition de loi embêterait bien le parti socialiste et tous les partis politiques. Pourtant, nous avons essayé et, en 2007, les femmes représentaient 46,5 % des candidats, ce qui fait que, aujourd’hui – il faut le souligner – le principal groupe d’opposition compte largement plus de femmes que le groupe de la majorité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean-Luc Reitzer. Quelle autosatisfaction !

M. Bruno Le Roux. Comment faire pour aller enfin vers la parité ? Peut-être avez-vous vu, comme moi, un reportage sur l’accession des femmes aux responsabilités, diffusé hier sur France 3. Il est apparu que cela avait été un combat permanent, contre la misogynie, contre les barrières, pour essayer d’avancer et de gagner des places. Pour assurer la parité des candidatures à l’Assemblée nationale, pour faire en sorte que la loi de juin 2000 s’applique, ce n’est pas imposer des pénalités financières qu’il faut, mais décider d’un retrait de l’aide publique aux partis qui ne respectent pas la parité des candidatures.

Parce qu’elle est radicale, cette proposition est susceptible de s’appliquer rapidement, car aucun parti ne voudra prendre le risque de perdre sa dotation publique. Monsieur le secrétaire d’État, responsable des élections et des investitures à l’UMP – je sais que vous l’êtes encore dans les faits, même si vous n’êtes plus désigné comme tel dans l’organigramme qui figure sur le site internet de votre parti –, ce qui apparaît aujourd’hui comme une sanction serait alors vécu comme une incitation à faire la parité, à prendre des mesures à l’intérieur de chaque parti pour réserver des circonscriptions aux femmes, à conduire une politique volontariste en la matière.

Nous avons entendu le Premier ministre déclarer, le 7 mai dernier, devant les états généraux de la femme, qu’il fallait des sanctions qui soient insupportables pour les partis politiques. La sanction insupportable, celle qui obligerait les partis à se conformer à l’esprit de la loi, c’est la suppression totale de la dotation publique. J’ai été surpris d’entendre un député de l’UMP déclarer, dans cet hémicycle, que la sanction pure et dure ne marcherait pas, qu’il était inutile que nous nous l’appliquions à nous-mêmes : c’est bien la première fois qu’un membre de l’UMP tient un tel discours ! Quant à moi, j’avais été jusqu’à proposer un amendement visant à transformer cette proposition de loi en faveur de la parité en proposition de loi de lutte contre la récidive, connaissant les réflexes de la majorité chaque fois qu’il est question de ce sujet. (Sourires.) Car c’est bien de cela qu’il s’agit : des partis préfèrent payer des amendes plutôt que de donner à des femmes l’investiture pour les élections législatives.

Voilà pourquoi le groupe socialiste votera cette proposition de loi. Et je le dis à Mme Brunel, qui a reconnu que ce texte allait dans le bon sens, voilà pourquoi, même si l’UMP ne vote pas ce texte, le groupe socialiste s’associera à toutes les initiatives qui seront prises pour permettre de faire avancer la parité dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Je fais d’ores et déjà annoncer le scrutin dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe GDR.

Mme Jacqueline Fraysse. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de la discussion générale, le retard de la France en matière de parité est préoccupant. Il suffit pour s’en convaincre de voir la place accordée aux femmes dans notre assemblée.

Préoccupant dans de nombreux domaines, ce retard l’est particulièrement dans celui de la prise de responsabilité politique. Les 25-40 ans sont largement sous-représentés dans les formations politiques comme dans les institutions. Ce n’est évidemment pas un hasard, car concilier l’investissement que demande la participation à la vie politique avec une activité professionnelle et une famille est une performance difficile à réaliser.

Pourtant, la parité est une richesse dont notre pays a tort de se priver. L’apport des femmes, porteuses d’une sensibilité et d’une expérience différentes, à un système économique, politique et sociétal construit par et pour les hommes, est essentiel. S’y ajoute une question de démocratie, car, faut-il le rappeler, les femmes représentent 50 % de l’humanité.

Aussi, nul ne saurait défendre la situation actuelle. Je constate d’ailleurs que nul ne s’y est risqué, du moins publiquement. Mais au-delà des discours, nous sommes jugés sur nos actes. Et c’est là que commencent les difficultés.

Pour favoriser la parité, il est nécessaire de faire feu de tout bois et d’avancer dans plusieurs directions. À côté des réformes institutionnelles, comme celle proposée par ce texte, des réformes de société sont également indispensables pour encourager la participation des femmes à la vie politique : aménager les temps de travail, répartir les travaux domestiques et les tâches familiales et développer les services publics qui les facilitent comme ceux de la petite enfance, ce qui n’est pas le choix de ce gouvernement.

Le texte qui nous est proposé envisage de renforcer les sanctions financières en cas de non-respect de la parité dans le nombre de candidats proposés aux élections législatives. Il s’agit certes d’un texte très modeste au regard de l’importance du chantier à ouvrir et des progrès à accomplir : présenter 50 % de candidates femmes ne signifie nullement qu’il y aura 50 % de députées élues. On aurait donc pu espérer, surtout après tous les beaux discours prononcés sur la parité, que cette petite avancée proposée par nos collègues socialistes ferait consensus.

On aurait pu l’espérer plus encore après la déclaration forte du Premier ministre se prononçant, devant les états généraux de la femme, pour « un renforcement très dur des pénalités financières pour les partis qui ne respectent pas la parité, en mettant en place des dispositifs insupportables ».

Mais, tel Zelig, cet homme-caméléon dépeint par Woody Allen, M. Fillon et sa majorité parlementaire adoptent le point de vue de ceux qui les écoutent : favorables à la parité lorsqu’ils s’expriment devant des femmes, mais finalement pas d’accord quand ils se retrouvent entre eux.

Renonçant à passer aux actes après toutes ces déclarations, nos collègues de la majorité se sont livrés à de douloureuses contorsions au cours d’un véritable bal des hypocrites pour nous expliquer qu’ils sont pour une égale répartition des hommes et des femmes, mais qu’ils ne voteront pas ce texte dont c’est l’objectif et qui, encore une fois, est loin d’être révolutionnaire.

Si l’on ajoute le fait que ces mêmes députés s’apprêtent à approuver, avec la réforme des collectivités, une modification du mode d’élection des conseillers régionaux qui devrait faire chuter la part des femmes dans les seules assemblées où elles étaient convenablement représentées, on mesure la distance des paroles aux actes.

Tout cela n’est guère glorieux et ne nuit pas seulement à la représentation des femmes et à la démocratie ; affirmer une chose pour faire son contraire, c’est nuire aussi à la crédibilité de la parole politique. C’est grave.

Comme je l’ai dit, ce texte est d’une portée limitée, mais il va dans le bon sens. C’est pourquoi le groupe GDR le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Le Moal, pour le groupe du Nouveau Centre.

Mme Colette Le Moal. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si la révision du 8 juillet 1999 a introduit dans notre Constitution la parité politique entre les femmes et les hommes, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 portant modernisation des institutions de la Cinquième République l’a promue, à l’article premier, comme un symbole de l’exigence d’égalité.

Sous l’effet de ces différentes dispositions législatives et dix ans après la loi du 6 juin 2000 qui impose aux partis de présenter 50 % de candidatures féminines sous peine de retenues financières, le taux de féminisation a progressé pour chacun des mandats électoraux.

Notre société a su, je crois, ces dernières décennies, grâce à l’action convaincue et volontaire des femmes et de leurs représentantes, montrer sa formidable capacité de transformation en matière de droits des femmes.

Aujourd’hui pourtant, en dépit de ces avancées, nous sommes confrontés à nos pesanteurs sociales et historiques puisque la France demeure très en retard dans l’application du principe de parité pour l’accès aux fonctions électives. Nous le savons tous, la promotion du droit des femmes est un long chemin qui requiert détermination et patience.

Cette proposition de loi a donc le mérite de rappeler les faits et la nécessité de continuer à œuvrer pour la parité, même si, à notre sens, les moyens qu’elle propose sont excessifs. Je crois en effet, pour reprendre les propos de Mme Zimmermann, que la femme ne doit pas être en politique parce que c’est une femme mais, tout simplement, parce que la gouvernance doit être mixte.

Nous pensons donc qu’il est essentiel de s’interroger sur les moyens à mettre en œuvre pour lever un à un tous les obstacles concrets à ce nouveau partage de responsabilités entre les femmes et les hommes, et pour valoriser toutes les actions et démarches qui permettent de progresser dans cette voie.

Car, si, depuis le 23 juillet 2008, l’article 1 er de la Constitution dispose que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales », c’est aussi à nous, parlementaires, qu’il appartient de donner à ce principe une existence indiscutable.

Même si nous pensons que l’augmentation de la sanction financière est envisageable, nous ne pensons pas que la suppression pure et simple de la dotation publique aux partis politiques n’ayant pas respecté ce principe va dans le bon sens.

Vous l’aurez compris, le Nouveau Centre ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC. – Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe UMP.

M. Étienne Blanc. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer sur une proposition de loi du groupe SRC qui vise à renforcer l’exigence de parité dans les candidatures aux élections législatives. S’il est un constat partagé sur tous les bancs de notre assemblée, c’est bien celui de l’insuffisance du nombre de femmes élues à l’Assemblée nationale,…

M. Jean Mallot. Hypocrite ! Faux-cul !

M. Étienne Blanc. …au Sénat, mais aussi dans nos collectivités territoriales, et surtout de femmes qui occupent leurs exécutifs.

La question est de savoir si la proposition de loi de Bruno Le Roux est adaptée à l’objectif louable qui la motive.

M. Patrick Roy. Oui !

M. Jean Mallot. Et les femmes de l’UMP, qu’en pensent-elles ?

M. Étienne Blanc. Nous pensons que non, pour trois raisons.

La première…

Mme Huguette Bello. C’est votre machisme !

M. Étienne Blanc. …est que le texte est mécanique et brutal.

M. André Vézinhet. Hypocrite !

M. Étienne Blanc. Vous nous proposez la suppression de financements, sans aucune mesure et sans tenir compte des résultats réels du scrutin.

M. Jean Mallot. C’est laborieux !

M. Étienne Blanc. Vous le savez, faire ainsi tomber le couperet est toujours inefficace.

En second lieu, ce texte est injuste. Vous proposez une sanction identique pour les partis politiques qui présenteront 3 % ou 4 % de femmes aux élections législatives et pour ceux qui en présenteront 47 % ou 48 %. C’est une injustice criante.

M. Bruno Le Roux. Nous voulons la parité !

M. Étienne Blanc. Si vous vouliez appliquer un texte avec mesure, il fallait proposer un dispositif qui ne consiste pas à faire tomber un couperet en fonction du nombre.

M. Daniel Vaillant. Il fallait le faire vous-même !

M. Étienne Blanc. En troisième lieu, ce texte nous paraît absolument inefficace. Ce que nous recherchons, c’est un résultat. Si ce n’est pas ce résultat que nous fixons comme objectif, vous présenterez des candidates – le parti socialiste sait le faire – dans des circonscriptions extrêmement difficiles et vous réserverez les circonscriptions faciles au sexe masculin (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC), comme vous en donnez l’exemple.

Ce texte est donc à la fois absurde et contre-productif. Mais votre intention, monsieur Le Roux, est louable. Vous avez d’ailleurs évoqué de façon très loyale Mme Chantal Brunel qui, actuellement, mène une réflexion sur le sujet et entend présenter une proposition de loi qui, elle, ne sera ni absurde, ni mécanique, ni brutale, mais sans doute adaptée à la situation.

M. Bruno Le Roux. Surtout, inscrivez-la à l’ordre du jour !

M. Étienne Blanc. Mes chers collègues, je vous le rappelle, c’est le groupe UMP qui, le 11 avril 2003, vous a imposé la parité dans les régions ; c’est lui qui, le 31 janvier 2007, vous a imposé la parité dans les communes de plus de 3 500 habitants ; qui, par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, vous a imposé d’inscrire la parité à l’article 1 er de la Constitution. Il vous invite aujourd’hui à poursuivre la réflexion. Il ne votera pas votre texte. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Huguette Bello et M. Maxime Gremetz. Conservateur !

M. Étienne Blanc. Je vous rappelle que vous détenez aujourd’hui vingt-trois régions, et que vous n’y avez confié la présidence qu’à trois femmes. Nous vous invitons aussi à regarder ce que vous avez fait dans les départements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Le parti socialiste est vraiment extraordinaire. Quand il a le pouvoir et qu’il peut mettre en œuvre la parité, il ne le fait pas. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. On l’a fait !

M. Étienne Blanc. Mais, quand il est dans l’opposition, il nous le propose. Nous voterons contre ce texte absurde et contre-productif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 504 Nombre de suffrages exprimés 503 Majorité absolue 252 Pour l’adoption 213 Contre 290 (La proposition de loi n’est pas adoptée.)

Abrogation du bouclier fiscal

Vote solennel sur l’ensemble d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues tendant à abroger le bouclier fiscal (n os 2241, 2493).

Jeudi dernier, le Gouvernement a indiqué que, en application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, il demandait à l’Assemblée nationale de se prononcer par un seul vote sur les deux articles et sur l’ensemble de la proposition de loi, à l’exclusion de tout amendement.

Explications de vote

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe SRC.

M. Pierre-Alain Muet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, est-il légitime de protéger les plus riches quand tous les Français sont appelés à faire des efforts ? (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Cette question, je sais que nombre de nos collègues se la posent sur tous les bancs de cette assemblée. Il suffit d’écouter les déclarations de certains d’entre eux, qui appartiennent à la majorité et qui expriment leurs doutes et leur trouble, quand, dans des tribunes publiées par la presse, ils ne proposent pas la suspension du bouclier.

Je regrette que le verrouillage de ce débat, avec la réserve de vote sur tous les amendements, n’ait pas permis à notre assemblée de se prononcer sur le fond. Car, aujourd’hui, nous savons bien qu’il n’existe pas, ici, de majorité pour défendre le bouclier fiscal tel qu’il est.

Si, à gauche, nous voulons sa suppression, vous êtes nombreux, à droite, à vouloir au moins sa suspension.

M. Jean Launay. C’est vrai !

M. Pierre-Alain Muet. Pourtant, c’est le statu quo que ce vote solennel risque d’entériner au terme de cette caricature de démocratie parlementaire que sont devenues les séances consacrées aux propositions de lois de l’opposition.

C’est bien une caricature de démocratie, car, jeudi dernier, au nom du Gouvernement, M. Baroin a fait usage de la réserve d’opinion en plus de la réserve des votes. En effet, il ne s’est exprimé sur aucun des amendements émanant des députés de sa propre majorité. Il a affirmé qu’il ne fallait pas modifier un dispositif avant qu’il n’ait fait ses preuves. Vous l’avez pourtant modifié dès la première année. Quant aux preuves, depuis trois ans, nous les connaissons.

On nous dit que le bouclier fiscal doit permettre d’éviter qu’un contribuable travaille un jour sur deux pour l’État. En réalité, il est impossible d’atteindre, avec les seuls revenus du travail, le niveau auquel on peut bénéficier du bouclier fiscal, qui ne joue que pour ceux disposant d’un patrimoine, et même d’un gros patrimoine.

Certes, la moitié des bénéficiaires du bouclier fiscal sont des contribuables qui ne payent pas l’ISF, mais ces derniers ne perçoivent que 1 % du coût du bouclier et ils étaient déjà exonérés, puisque leur cas était pris en compte par l’administration fiscale. En fait, le bouclier fiscal est d’abord un bouclier pour les grandes fortunes. Les deux tiers de son montant vont aux 1 000 contribuables qui possèdent à la fois les plus hauts revenus et les plus gros patrimoines.

Est-il acceptable, mes chers collègues, que, au moment où l’on parle de solidarité nationale, l’État verse un chèque de près de 400 000 euros à des contribuables qui possèdent plus de 16 millions d’euros de patrimoine ?

Mme Sandrine Mazetier. Non !

M. Daniel Vaillant. C’est du vol !

M. Pierre-Alain Muet. Est-il acceptable, monsieur le secrétaire d’État, que l’État verse un chèque de 1,8 million d’euros aux 100 contribuables les plus fortunés, quand votre gouvernement refuse, depuis trois ans, tout coup de pouce au SMIC ? (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Est-il acceptable qu’un contribuable utilisant les niches fiscales puisse non seulement réduire son revenu imposable et parfois s’exonérer d’impôt sur le revenu, mais encore, que, grâce au bouclier fiscal, il se fasse rembourser son ISF et une partie de sa CSG ou de ses impôts locaux ? (« C’est scandaleux ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Vous répondrez que vous avez plafonné les niches fiscales. Mais, d’une part, plusieurs dispositifs permettent toujours de diminuer le revenu imposable et, d’autre part, le plafonnement nécessaire des niches fiscales aboutit à ce paradoxe que, demain, seul un contribuable ne disposant pas d’un patrimoine important sera appelé à payer plus d’impôt au titre du plafonnement. Les contribuables qui bénéficient du bouclier et disposent des plus gros patrimoines échapperont à la mesure. C’est là l’injustice la plus criante. Qui peut accepter que, au moment où la crise exige un effort de tous, les seuls à être exonérés de tout effort de solidarité soient les plus fortunés de nos concitoyens ?

Avec cette proposition de loi, nous vous proposons non seulement de mettre fin à cette injustice, mais d’en finir avec un dispositif qui, pour nombre de nos collègues de la majorité – qui ont découvert au fil du temps que ce qu’ils avaient voté était très différent de ce qu’ils imaginaient –, est devenu un véritable boulet. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe GDR.

M. François de Rugy. Madame la présidente, madame la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, dans une situation considérée par tous comme catastrophique pour nos finances publiques, nous soutiendrons naturellement la proposition de loi de nos collègues socialistes.

Le déficit n’a jamais été aussi élevé et l’endettement du pays n’a jamais été aussi fort. Or cette situation ne résulte pas seulement de la crise. Le président de la commission des finances a récemment démontré que le déficit de l’État était dû pour plus de 50 % à des mesures fiscales prises indépendamment de la crise par la majorité et le Gouvernement.

Dans le débat sur les retraites – si toutefois on peut encore parler de débat –, tous les discours de la majorité visent uniquement à préparer les esprits afin que, demain, on puisse demander des efforts aux salariés. Vous parlez du report de l’âge légal de départ à la retraite, de l’allongement de la durée de cotisation et même de nouvelles contributions sociales ou fiscales. Même si, du fait du déficit et de la dette, il est inévitable de faire des efforts, je constate que, avec vous, ils incombent tous aux salariés. Or le vrai débat ne porte pas sur la nécessité des efforts, mais sur leur répartition. Comment sera répartie la contribution des Français ? Voilà la question.

M. Michel Sapin. Très bien !

M. François de Rugy. Ils n’en peuvent plus de l’injustice et des inégalités dont, depuis 2007, votre politique fiscale est le symbole. Vous avez fait des cadeaux fiscaux à quelques-uns tandis que vous mettiez en place de nouveaux impôts et de nouvelles taxes pour tous.

Il paraît que vous avez été élu en 2007 sur la foi du slogan « Travailler plus pour gagner plus ». En quoi les mesures fiscales que vous avez prises ont-elles été dans ce sens ? Vous invoquerez sans doute la défiscalisation des heures supplémentaires qui, de fait, a très peu coûté au budget de l’État. En effet, en général, nos compatriotes salariés qui font des heures supplémentaires ne paient pas un impôt sur le revenu très élevé et ils ne sont pas concernés par le bouclier fiscal. Mais en quoi ce dernier dispositif permet-il de travailler plus pour gagner plus ? Cette mesure est plutôt faite pour les détenteurs de très gros patrimoines et non pour les salariés. « Vous avez un gros patrimoine, l’État va vous faire gagner plus. » Le bouclier permet de s’exonérer de l’impôt de solidarité sur la fortune, et – c’est un comble, alors que nous allons entamer un débat sur la réforme des collectivités locales – des impôts locaux qui n’ont rien à voir avec les revenus du travail.

Songeons que quelques milliers de contribuables vont gagner plusieurs centaines de milliers d’euros supplémentaires par an, uniquement grâce à un cadeau fiscal. C’est particulièrement scandaleux dans la période que nous traversons. Pour leur part, les salariés français qui gagnent leur vie en travaillant n’ont pas vu la couleur d’une amélioration avec vos réformes fiscales, que ce soit celle de la taxe professionnelle ou celle qui a consisté à baisser la TVA pour le secteur de la restauration – autant de mesures qui coûtent, chaque année, plusieurs milliards d’euros au budget de l’État.

Oui, le bouclier fiscal est un symbole : celui de l’inefficacité économique et de l’injustice sociale ; celui de l’injustice et des inégalités sociales érigées en valeur politique ; celui d’une sorte d’impunité dont bénéficieraient les grandes fortunes. L’abrogation du bouclier fiscal est plus que jamais d’actualité. Certes, elle ne suffira pas à résorber les déficits ; elle est, en revanche, une condition nécessaire pour une fiscalité juste. Or donner aux Français un sentiment de justice est un préalable si l’on veut leur demander de consentir un effort justement réparti pour résorber les déficits et les dettes qui s’accumulent.

Pour toutes ces raisons, les députés Verts, les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront résolument pour l’abrogation du bouclier fiscal comme premier pas vers le retour à la justice fiscale. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe NC.

M. Nicolas Perruchot. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avec cette proposition de suppression pure et simple du bouclier fiscal, le parti socialiste fait, une nouvelle fois, preuve de démagogie. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Glavany. C’est un expert qui parle !

M. Nicolas Perruchot. En fait, nos collègues de l’opposition cherchent à faire un coup politique ; ils ne veulent en aucun cas donner un gage de crédibilité économique. Ils renient ainsi deux de leurs figures politiques les plus éminentes, Michel Rocard et Dominique Strauss-Kahn.

En effet, je rappelle que, si cette proposition de loi était adoptée, nous reviendrions à un système antérieur au plafonnement de l’impôt décidé par le gouvernement Rocard en 1988, qui limitait à 70 % le poids cumulé de l’impôt sur le revenu et de l’ISF.

Surtout, et c’est ce qui est regrettable, cette proposition de loi ne s’attaque pas au problème de fond que représente l’ISF. En effet, tant qu’il y aura un ISF, nous serons condamnés à un mécanisme de plafonnement, car le bouclier fiscal est, avant tout, une mauvaise réponse à un mauvais impôt, facteur d’évasion fiscale.

Enfin, j’ajoute qu’en refusant de s’impliquer dans ce débat de fond, nos collègues de l’opposition se désolidarisent totalement de leurs homologues européens. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il s’agit là d’une tare considérable, car tous les socialistes européens et presque tous les sociaux-démocrates ont fait leur mue fiscale. En France, nous avons un parti socialiste unique en Europe, qui considère qu’il faut conserver les vieilles règles fiscales. Ailleurs, la décision a été prise de supprimer les impôts sur les grandes fortunes, au profit d’une fiscalité plus moderne, plus juste et surtout plus progressive.

C’est la raison pour laquelle, au nom du groupe Nouveau Centre, nous suggérons une remise à plat totale de notre fiscalité, mais aussi une suppression de l’ISF.

M. Jean Mallot. Le Nouveau Centre, c’est la vieille droite !

M. Nicolas Perruchot. Les pertes de recettes pour l’État pourraient être gagées par la création d’une nouvelle tranche marginale d’imposition, à 45 ou 48 %, pour les revenus supérieurs à 100 000 euros, ainsi que par la révision à la hausse de notre fiscalité du patrimoine qui a été trop abaissée par rapport aux revenus du travail, et ce depuis trop longtemps.

Quoi qu’il en soit, puisque le débat porte aujourd’hui sur le bouclier fiscal, je voudrais rappeler ce que le groupe Nouveau Centre propose à la représentation nationale depuis le vote de la loi TEPA, en juillet 2007.

Le principe même du bouclier fiscal, visant à ce que soient plafonnés les impôts directs payés par le contribuable, ne doit en aucun cas être remis en cause comme le suggère la présente proposition de loi. Un impôt non plafonné serait le gage d’une formidable évasion fiscale. Je me permets de demander à nos collègues de l’opposition s’ils ont conscience de vivre dans un monde globalisé, où la France n’est pas une île qui pourrait se permettre de faire des choix fiscaux en total décalage avec ses partenaires économiques. Un jour ou l’autre, ils devront répondre à cette question.

Néanmoins, si nous sommes favorables au principe du plafonnement de l’impôt, nous pensons aussi que tant le contenu que le niveau du bouclier doivent être aménagés. Nous le répétons depuis la loi TEPA. Encore une fois, ce n’est pas une posture de circonstance que nous adoptons aujourd’hui devant vous : c’est un discours de tempérance fiscale que nous ne cessons de marteler depuis près de trois ans.

Trois raisons au moins justifient notre position. Premièrement, pour que le bouclier fiscal remplisse véritablement son rôle, il doit se concentrer sur l’imposition des revenus du travail et non sur les cotisations sociales.

Deuxièmement, l’indispensable réforme de notre système de retraites ne pourra se faire sans un rehaussement inévitable des cotisations sociales. Or, le Nouveau Centre ne peut imaginer que cette hausse soit neutralisée par les effets du bouclier fiscal.

Enfin, et surtout, la plupart de nos concitoyens ont aujourd’hui le sentiment de vivre dans un pays où les notions de justice sociale et de justice fiscale sont bafouées. Nous devons donc leur envoyer un signal fort en amendant le bouclier fiscal. Ce ne serait ni un renoncement ni un acte timide, mais un acte politique puissant et responsable.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe Nouveau Centre votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Carré, pour le groupe UMP.

M. Olivier Carré. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en préambule, je souhaiterais rappeler à Pierre-Alain Muet, qui a évoqué une « caricature de démocratie », que, si nous pouvons débattre aujourd’hui d’une proposition de loi de son groupe, c’est parce que le nouveau règlement de notre assemblée, approuvé par la majorité, permet aux groupes de l’opposition de s’exprimer plus facilement dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Roy. Mais il n’y a pas de débat ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Monsieur Roy, seul M. Carré a la parole.

M. Olivier Carré. Par ailleurs, si le bouclier fiscal existe aujourd’hui, c’est parce que la fiscalité sur le patrimoine et le capital était telle que, en 1988, le gouvernement de l’époque a été conduit à instaurer un plafonnement, qui a été repris ensuite par d’autres gouvernements. Notre majorité n’a fait qu’aligner le dispositif sur la législation en vigueur en Allemagne, pour des raisons de compétitivité, notamment fiscale. Que les Français qui travaillent et détiennent un patrimoine puissent conserver la moitié des revenus de ce travail ou de ce patrimoine n’est pas un tabou pour nous : c’est une mesure nécessaire au développement et à l’initiative.

Lors du débat qui a eu lieu, notamment au sein de l’UMP,…

M. Patrick Roy. Il n’y a pas de débat ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Olivier Carré. …nous n’avons pas éludé les difficultés soulevées par un tel plafonnement, notamment lorsque la solidarité nationale impose que les contribuables disposant des patrimoines les plus confortables soient appelés à verser des contributions supplémentaires. Ainsi, on a beaucoup parlé des efforts que les Français devront consentir dans le cadre de la réforme des retraites. Eh bien, que je sache, c’est notre mouvement qui a proposé que celle-ci soit financée par un prélèvement sur les patrimoines les plus importants. Sur ce point non plus, nous n’avons pas de tabou.

En conclusion, je reprendrai les mots de notre rapporteur général, qui, comme notre collègue du Nouveau Centre, nous a appelés à mettre en œuvre une réforme profonde de la fiscalité sur les revenus du patrimoine, incluant l’ISF et le boulier fiscal. Il nous faut en effet avoir une approche globale de ce sujet. Or la proposition de loi de nos collègues du groupe SRC ne relève pas d’une telle approche. Au reste, le rendez-vous n’est pas pour aujourd’hui ; il aura lieu cet automne. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP ne votera pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 516 Nombre de suffrages exprimés 496 Majorité absolue 249 Pour l’adoption 220 Contre 276 (La proposition de loi n’est pas adoptée.)

(Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean Glavany. Les grandes fortunes remercient la majorité !

Titres d’identité

Vote solennel sur une proposition de résolution

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur la proposition de résolution de Jean-Pierre Dufau et de plusieurs de ses collègues sur l’égale reconnaissance des titres d’identité de tous les citoyens français, sans distinction d’origine ou de lieu de naissance (n° 2376).

Explications de vote

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Pierre Dufau, pour le groupe SRC.

M. Jean-Pierre Dufau. Madame la présidente, madame la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, mes chers collègues, la proposition de résolution sur l’égale reconnaissance des titres d’identité de tous les citoyens français sans distinction d’origine ou de lieu de naissance, déposée le 25 février 2010, est juste, opportune et reste d’actualité.

Elle est juste ; c’est tellement évident qu’il n’est pas nécessaire de développer ce point.

Elle est opportune, parce que les revendications de la gauche en général et du groupe SRC en particulier ont commencé à faire bouger les lignes. En effet, après les questions de Jean Glavany, le 14 octobre 2009, de Serge Blisko, le 12 janvier 2010 et d’Annick Girardin, le 10 février 2010, après le courrier d’interpellation adressé par Jean-Marc Ayrault à François Fillon le 11 janvier dernier, la pétition du sénateur Rebsamen et cette proposition de résolution déposée en février 2010, le Gouvernement a été obligé de commencer à répondre, ces derniers mois, au problème posé, et il l’a fait par une accumulation de textes.

Ainsi, les circulaires du 31 décembre 2004, du 24 septembre 2007 et, plus récemment, du 2 décembre 2009, du 2 février 2010, du 1 er  mars 2010 et – coïncidence – le nouveau décret du 18 mai 2010 soulignent la fébrilité du Gouvernement et sa difficulté à chercher des réponses. La résolution que j’ai eu le plaisir de défendre n’est pas dépassée et, contrairement à ce que certains ont tenté de faire croire pendant les débats, elle n’est pas opportuniste. À l’inverse, c’est elle qui a contribué à susciter les premières réponses du Gouvernement. Elle est donc bien opportune.

Enfin, cette résolution reste d’actualité, car, depuis le mois de mars, nous avons cité des exemples récents de dysfonctionnements, qui persistent malgré les circulaires. Nous sommes au milieu du gué, et il faut le passer définitivement en prenant une décision claire et compréhensible par tous : le renouvellement automatique et de plein droit des papiers d’identité de tous les Français sans distinction d’origine ou de lieu de naissance.

Il nous est aujourd’hui demandé de voter sur des principes dont j’espère qu’ils sont partagés sur tous les bancs de l’hémicycle. Je rappelle les termes de la proposition de résolution : « L’Assemblée nationale […] affirme que la République française doit reconnaître la nationalité de tous les citoyens français sans distinction d’origine ou de lieu de naissance ; considère que chaque citoyen français ne peut avoir sa nationalité contestée par l’administration française sans preuve apportée par cette dernière ; souhaite qu’il soit mis fin aux pratiques administratives vexatoires et discriminatoires visant spécifiquement les Français du fait de leur origine ou de leur lieu de naissance lors du renouvellement de leurs titres d’identité. »

Il faut donc s’en tenir au texte, et non au prétexte. Les pratiques administratives évoquées – dont je ne dis pas qu’elles sont intentionnelles – sont vécues comme vexatoires et discriminatoires ; personne ne peut sérieusement le nier. Ne pas le reconnaître, ce serait donner tort aux Français qui les ont subies et qui s’en plaignent. Ils ne sont pas dupes.

Cette résolution devrait ainsi être votée à l’unanimité, tant les principes qu’elle défend sont les principes républicains partagés. Quant à l’efficacité des mesures gouvernementales, rendez-vous dans quelques mois : chacun pourra en faire le bilan, en toute honnêteté et lucidité.

Le groupe SRC votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe GDR.

M. François de Rugy. Madame la ministre, j’ignore pourquoi vous représentez le Gouvernement dans ce débat, dont le lien avec la politique économique de la France ne me paraît pas évident, mais passons !

Mme la présidente. Monsieur de Rugy, vous devriez être ravi qu’une femme représente le Gouvernement. (Sourires.)

M. François de Rugy. Les députés du groupe GDR voteront cette proposition de résolution sur l’égale reconnaissance des titres d’identité de tous les Français, qu’ils soient d’origine étrangère ou non.

Lors du débat dont nos collègues socialistes ont pris l’initiative, chacun a reconnu qu’il y avait un problème. En effet, nous avons tous eu à connaître de situations particulièrement choquantes. Ainsi, lorsque mon assistante parlementaire et son conjoint ont dû faire refaire leurs papiers qu’ils avaient perdus lors d’un voyage à l’étranger, on n’a rien demandé à son conjoint, mais l’on a exigé d’elle qu’elle prouve par des certificats qu’elle était bien française. Elle est pourtant née en France et détient la nationalité française depuis très longtemps. Mais peut-être a-t-elle le tort d’avoir des parents nés au Maroc.

Le problème, reconnaissons-le, est, non pas administratif, mais politique et, je tiens à vous le dire solennellement, monsieur le ministre de l’intérieur – puisque vous nous avez rejoints –, les services de l’État chargés de mettre en œuvre la politique décidée dans cette assemblée sont également victimes de ce choix politique. Car, n’ayons pas peur des mots : ceux de nos compatriotes qui ont le tort d’être nés à l’étranger ou de parents nés à l’étranger font l’objet d’une suspicion politique, instrumentalisée politiquement, celle de détenir de faux papiers. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Leurs difficultés ne sont pas liées à des arguties juridiques, mais au choix politique qui consiste à ne pas considérer comme définitive l’acquisition de la nationalité française.

Ceux de nos compatriotes qui ont acquis la nationalité française ressentent légitimement un sentiment de discrimination, et cette situation est profondément choquante. Si l’identité nationale pose problème – puisqu’il paraît que vous appréciez les débats sur ce sujet, monsieur le ministre –, c’est bien dans ce domaine. Si l’on croit en la force de l’acquisition de la nationalité française et de l’intégration dans la République française, si, en un mot, on croit en la France, comment peut-on donner le sentiment que cette nationalité peut être remise en cause à tout moment, y compris lors du renouvellement ou de la perte d’un titre d’identité ?

Notre assemblée s’honorerait donc de voter cette proposition de résolution à l’unanimité. Un tel vote démontrerait la sincérité et l’honnêteté de votre engagement proclamé en faveur de la naturalisation de ceux qui veulent acquérir la nationalité française et s’intégrer ainsi pleinement à la vie citoyenne de notre pays.

Oui, mes chers collègues de la majorité, vous devriez tous voter cette proposition de résolution, sans vous cacher derrière des arguties juridiques. Vous savez parfaitement que les dernières circulaires du Gouvernement en la matière non seulement ne régleront pas les problèmes, mais en créeront peut-être davantage pour les fonctionnaires chargés de les mettre en œuvre. En tout cas, les députés Verts, communistes, républicains et du parti de gauche la voteront sans hésitation. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Philippe Folliot. Madame la présidente, monsieur le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, mes chers collègues, la proposition de résolution défendue jeudi dernier par nos collègues socialistes pouvait sembler à bien des égards bienvenue. Il s’agit en effet, d’abord, d’affirmer le principe de l’égale reconnaissance des titres d’identité de tous les citoyens français, sans qu’il soit fait de distinction selon leur origine ou leur lieu de naissance.

Tous, nous avons probablement reçu dans nos permanences, ces dernières semaines ou ces derniers mois, plusieurs de nos concitoyens confrontés à ce qui n’était rien de moins qu’un véritable parcours du combattant lorsqu’ils voulaient renouveler leurs titres d’identité. J’ai moi-même cité, jeudi dernier, quelques-unes des nombreuses lettres que j’ai reçues à ce sujet de Français d’origine étrangère ou nés en territoire étranger, injustement sommés par l’administration de prouver à plusieurs reprises leur nationalité.

Cette situation n’est pas acceptable, notamment au regard du principe républicain d’égalité devant la loi de tous les citoyens. À cet égard, il est des points de la résolution proposée par nos collègues socialistes qui ne peuvent qu’emporter notre approbation (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), par exemple lorsqu’il s’agit d’affirmer que la République se doit de reconnaître la nationalité de tous les citoyens français sans distinction d’origine ou de lieu de naissance, ou encore lorsqu’il est question de considérer qu’aucun citoyen français ne peut voir sa nationalité contestée par l’administration sans preuve apportée par cette dernière.

Ces points ne sauraient faire l’objet d’aucune discussion (« Mais ? » sur les bancs du groupe SRC) car, parlementaires de gauche, du centre ou de droite, nous sommes tous attachés à ces principes qui fondent et structurent notre idéal républicain commun. (« Mais ? » sur les bancs du groupe SRC.) Je veux le dire avec une certaine solennité, car, derrière ces tracasseries administratives, la valeur donnée aux titres d’identité est un symbole : c’est la question de notre appartenance à la communauté nationale qui est posée. (« Mais ? » sur les bancs du groupe SRC.) Celle-ci n’est bien évidemment pas réductible à un morceau de papier. « Arrachez l’homme du pays, vous n’arracherez pas le pays du cœur de l’homme », écrivait à ce sujet John Dos Passos, mais (« Mais ! » sur les bancs du groupe SRC) elle ne saurait pour autant être remise en cause en aucune manière.

C’est pourquoi, je veux le dire en me tournant vers mes collègues socialistes, nous regrettons que vous ayez choisi d’aborder ce sujet – au demeurant un vrai problème – sous l’angle de la polémique. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je ne relirai pas le troisième point de cette proposition de résolution, que l’on peut percevoir comme l’opprobre jeté sur l’ensemble des agents publics – des agents qui, dans les préfectures ou dans les ambassades, remplissent leur mission dans des conditions parfois difficiles.

Nous le regrettons d’autant plus qu’il y aurait en réalité tout lieu de saluer l’énergie avec laquelle le ministre de l’intérieur s’est attelé à répondre, ces dernières semaines, à cette situation. Je ne rappellerai pas l’ensemble des mesures prises, mais m’en tiendrai au seul résultat : par une circulaire d’application immédiate, en date du 1 er  mars 2010, il a été mis fin aux excès de demandes de pièces justificatives. Tout citoyen français, indépendamment de la nationalité de ses parents ou de son lieu de naissance, peut désormais renouveler ses titres d’identité sur seule présentation de ses titres actuels.

M. Christian Paul. Et s’il les a perdus ?

M. Philippe Folliot. Derrière les enjeux politiciens, nous gagnerions, mes chers collègues, à saluer ensemble le fait de voir cette situation revenir sur les rails de la normalité. C’est pourquoi les députés du groupe Nouveau Centre et apparentés, s’ils reconnaissent la pertinence de l’initiative de nos collègues socialistes, ne s’associeront pas au vote de cette proposition de résolution. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Avant de donner la parole à l’orateur suivant, je fais annoncer le scrutin dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. François Vannson, pour le groupe UMP.

M. François Vannson. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a dit Jean-François Lamour jeudi dernier, lors de la discussion générale sur cette proposition de résolution, le groupe UMP ne peut la voter, celle-ci arrivant trop tardivement, alors que notre majorité a d’ores et déjà réglé le problème. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

En effet, Jean-François Copé a décidé, il y a quelques mois, de la création d’un groupe de travail spécifique à ce sujet, que j’ai co-animé avec Jean-François Lamour et Jean-Marc Roubaud. Comme vous, nous avions constaté que certains de nos compatriotes, nés à l’étranger ou de parents nés à l’étranger, éprouvaient de grandes difficultés à obtenir les papiers d’identité auxquels ils pouvaient légitimement prétendre, du fait de procédures administratives trop contraignantes. La fourniture d’un certificat de nationalité était, en particulier, demandée de façon trop systématique.

Cependant, ces dysfonctionnements ont été rapidement établis. En effet, dès le 1 er  mars, le ministre de l’intérieur, M. Hortefeux, et le ministre des affaires étrangères, M. Kouchner, ont adressé une circulaire aux préfets et aux ambassadeurs en leur demandant de simplifier la procédure. Ainsi, il n’est désormais plus exigé de justificatif de nationalité ni d’acte d’état civil.

Dans le cadre de notre mission, nous avons demandé à nos collègues de nous adresser un retour d’expérience sur la façon dont les services préfectoraux de leur circonscription appliquaient les circulaires ministérielles. Aucun d’entre eux ne nous a fait part de difficultés particulières. Par ailleurs, dès le début de l’année, le ministre de l’intérieur avait annoncé la préparation d’un décret pour préciser clairement les règles de renouvellement. Or ce décret a été publié mercredi dernier.

Au regard de ces éléments, vous aurez compris que les députés du groupe UMP ne voteront pas cette résolution, dont le contenu a été vidé de sa substance par les actions que le Gouvernement et la majorité ont mises en œuvre en vue de faciliter les démarches des administrés concernés.

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble de la proposition de résolution.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 484 Nombre de suffrages exprimés 481 Majorité absolue 241 Pour l’adoption 208 Contre 273 (La proposition de résolution n’est pas adoptée.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures trente, sous la présidence de M. Bernard Accoyer.)
Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est reprise.

Réforme des collectivités territoriales

Discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, de réforme des collectivités territoriales (n os 2280, 2516, 2459, 2510).

Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé d’appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d’un temps attribué aux groupes de cinquante heures.

Chaque groupe dispose des temps de parole suivants : le groupe UMP, quatorze heures cinquante-cinq minutes ; le groupe SRC, dix-neuf heures cinquante minutes ; le groupe GDR, huit heures trente-cinq minutes ; le groupe Nouveau Centre, six heures quarante minutes ; les députés non inscrits disposent d’un temps de une heure dix minutes.

En conséquence, chacune des interventions des députés, en dehors de celles du rapporteur et du président de la commission saisie au fond, sera décomptée sur le temps du groupe de l’orateur.

Considérant le nombre particulièrement élevé d’orateurs – plus de 120 – inscrits dans la discussion générale, la conférence des présidents a exprimé le souhait, lors de sa réunion de ce matin, que chacun respecte le plus possible les temps indicatifs attribués par les groupes, afin de favoriser la bonne organisation des agendas des uns et des autres et de préserver le temps nécessaire à la discussion des articles et des amendements. En conséquence, bien que la procédure du temps législatif programmé s’applique à ce texte, les présidents de séance pourront signaler aux intervenants que leur temps indicatif est atteint.

La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’aménagement du territoire, monsieur le secrétaire d’État aux collectivités territoriales, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, cher Dominique Perben, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les députés, voilà près de trente ans, la France faisait le choix de la décentralisation. Rompant avec sa longue tradition centralisatrice, elle écrivait alors une page décisive de son histoire institutionnelle. Notre pays jetait les bases d’une construction singulière à l’échelle européenne, celle d’une République unitaire, indivisible et décentralisée, consacrée par la révision constitutionnelle de mars 2003.

Aujourd’hui, chacun peut mesurer combien la France a tiré bénéfice de ce choix fondateur et sans cesse approfondi depuis. La décentralisation a renforcé la vitalité démocratique du pays, libéré les énergies locales, consacré une nouvelle forme de gestion publique, plus proche des citoyens. Des élus locaux s’engagent au quotidien avec passion et conviction au service de leurs territoires.

La décentralisation est devenue notre patrimoine commun. Et personne aujourd’hui ne songe à revenir sur cet acquis fondamental. Mais personne ne peut non plus ignorer les faiblesses de notre organisation territoriale. Depuis quelques années, nombreux sont les travaux qui ont alerté les décideurs publics et souligné la trop grande complexité de nos institutions locales.

Le temps est donc venu de réformer en profondeur notre administration locale, trois décennies après les premières lois de décentralisation. Le Gouvernement a d’abord engagé, dès 2007, la révision générale des politiques publiques, qui a conduit à une réorganisation d’ampleur des services déconcentrés de l’État, effective depuis le 1 er  janvier 2010. Il aborde à présent la réforme des collectivités territoriales.

Il le fait avec une conviction simple : c’est en réformant notre organisation territoriale que nous conforterons la décentralisation et les libertés locales. Et c’est en ne faisant rien que nous les affaiblirions.

Le moment est venu d’agir. Le Président de la République en est convaincu. Le Gouvernement vous y invite. Le Sénat, qui « assure la représentation des collectivités territoriales de la République », selon les termes mêmes de notre Constitution, a approuvé cette démarche. Il vous revient à présent d’en débattre.

Notre organisation territoriale doit aujourd’hui relever trois grands défis. Tout d’abord, celui de la simplification. Le diagnostic est connu, tant il a été maintes et maintes fois décrit ces dernières années. Dois-je en effet rappeler dans cet hémicycle l’impressionnante liste des rapports publics sur le sujet ? Outre le rapport du comité pour la réforme des collectivités locales présidé par Édouard Balladur, je pense aux rapports Mauroy, Pébereau, Richard, Fouquet, Valletoux, Lambert, Attali, Warsmann, Belot, sans oublier les publications régulières de la Cour des comptes.

Certes, tous n’ont pas proposé exactement les mêmes solutions…

M. Patrick Roy. C’est le moins qu’on puisse dire !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. …mais tous ont convergé de manière saisissante sur le diagnostic. Tous en particulier ont pointé du doigt la fragmentation excessive de notre paysage institutionnel, l’enchevêtrement des compétences et les excès de la pratique des financements croisés.

La décentralisation a jusqu’à présent essentiellement consisté à transférer des compétences de l’État vers les collectivités territoriales, sans modifier les structures sauf pour les empiler les unes sur les autres sans jamais véritablement chercher à retrancher, clarifier ou réorganiser. On a, en quelque sorte, plaqué des transferts de compétences sur une réalité institutionnelle uniforme et relativement figée.

Le défi, trente ans après le lancement de la décentralisation, c’est de chercher à diminuer le nombre d’acteurs publics locaux, de réfléchir à la cohérence des périmètres des structures, d’encourager les coopérations, les mutualisations et les délégations de compétences dans un triple souci d’économies pour le contribuable, de lisibilité pour le citoyen, de simplification et d’efficacité pour l’usager.

M. Patrick Roy. C’est raté !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Cette modernisation de notre organisation territoriale doit s’effectuer, non pas depuis Paris et contre les élus locaux, mais, au contraire, en s’appuyant sur eux, en faisant le pari de leur désir de changement. Le législateur doit y prendre toute sa part, mais il faut également inventer de nouveaux mécanismes qui fassent des élus locaux les premiers acteurs de la simplification et de la clarification du paysage administratif local.

Le deuxième grand défi, c’est celui de la performance de nos territoires. C’est tout d’abord l’enjeu de faire émerger quelques grandes métropoles compétitives à l’échelle européenne, voire internationale. Depuis une quinzaine d’années, notre pays vit à l’heure de la mondialisation, qui accélère la recomposition géographique de la création des richesses. On considère ainsi que les trente-huit métropoles principales de l’Union européenne s’étendent sur moins de 1 % de son territoire, mais accueillent plus du quart de ses emplois et produisent près du tiers de son PIB.

Près de 80 % des 64 millions de Français vivaient en ville en 2008, contre un sur deux en 1936. Pourtant, les métropoles françaises restent étonnamment modestes à l’échelle européenne. Les interactions entre les métropoles et leurs régions ne sont pas suffisamment développées. Notre politique d’aménagement des territoires, pourtant bien portée par Michel Mercier,…

M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. Merci.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. …demeure trop teintée de méfiance à l’égard du « fait métropolitain ». Le scénario repoussoir de « Paris et le désert français » continue à marquer certains esprits longtemps après avoir perdu sa pertinence.

La décentralisation, depuis trente ans, n’a pas spontanément favorisé l’émergence des métropoles car leur affirmation bouleverse les logiques institutionnelles établies. Le Gouvernement souhaite donc donner une impulsion pour que la France puisse combler son retard en la matière dans l’intérêt de la compétitivité et de l’attractivité de notre pays.

Mais il ne faut pas, bien sûr, que les métropoles se bâtissent contre les régions et les départements.

M. Bernard Roman. Et pourtant !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Ce serait l’assurance de l’échec. Il faut donc instaurer les mécanismes d’un dialogue institutionnel utile.

M. Bernard Derosier. Il y avait d’autres moyens !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, il y a un couple, sur les bancs du groupe socialiste, qui intervient en polyphonie. Ces deux députés auront pourtant l’occasion de s’exprimer dans la discussion générale.

M. le président. Poursuivez, monsieur le ministre.

M. Bernard Derosier. Ce n’est pas un débat, c’est un diktat !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. La performance de nos territoires impose également d’assurer une meilleure articulation entre les interventions des départements et des régions, de tirer le meilleur parti de la logique de proximité des premiers et de la vocation stratégique des secondes car toute politique publique doit comporter ces deux dimensions.

Notre République n’empruntera jamais la voie du fédéralisme. Ce n’est pas notre histoire, ce n’est pas notre modèle. Une région française ne sera jamais un Land allemand ou une communauté autonome espagnole.

M. Jean Michel. Très bien !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Le niveau régional ne doit pas moins continuer à s’affirmer comme l’échelon de la définition des politiques structurantes, en particulier dans le domaine de la formation, du développement économique, de la planification et de l’aménagement du territoire. C’est d’ailleurs l’option qu’a poursuivie le Gouvernement depuis 2007 en confortant la région comme échelon des choix stratégiques : je pense, entre autres, à la réorganisation de l’État territorial via la RGPP et le nouveau rôle des préfets de région, je pense à la mise en place des Autorités régionales de santé, ou bien encore à la réforme du réseau consulaire en cours d’examen au Parlement, pour ne citer que quelques exemples.

Nos régions pourront d’autant mieux se recentrer sur le cœur de leurs missions qu’elles pourront s’appuyer sur des départements qui les feront bénéficier de leurs actions de proximité. À nous d’inventer les mécanismes qui favorisent la complémentarité des interventions de ces deux collectivités, au service des territoires.

Le troisième et dernier défi n’est pas le plus simple : c’est celui d’une plus grande maîtrise de la dépense locale. Je sais que le sujet est propice à toutes les controverses et à toutes les polémiques.

Pour autant, je le dis avec une certaine solennité : aucun gouvernement, aucune majorité, ne peut et ne pourra à l’avenir s’exonérer d’agir en ce domaine, en partenariat avec les collectivités territoriales. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Voilà quelques années déjà, des travaux de grande qualité posaient un diagnostic dépassionné et préconisaient des solutions équilibrées. Je pense au rapport Pébereau ou au rapport Richard. La semaine dernière, dans le cadre de la seconde conférence des déficits, le rapport de Gilles Carrez et de Michel Thenault a actualisé ce diagnostic dans un esprit consensuel et renouvelé les mêmes préconisations.

J’entends déjà les remarques bien connues : les collectivités territoriales ne peuvent pas voter leur budget en déficit ; leur dette représente 11 % de l’endettement public français.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C’est vrai !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Mais s’arrêter à ces constats serait oublier que l’État contribue de manière décisive au respect de la règle d’or qui s’impose aux collectivités territoriales. Cette année encore, il versera 97,5 milliards d’euros aux collectivités territoriales.

M. Bernard Derosier. C’est la loi !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Ce serait oublier aussi l’action de l’État dans le cadre du plan de relance, avec le sauvetage de Dexia.

M. Bernard Roman. Merci, monseigneur !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Ce serait encore oublier les 3,8 milliards d’euros de versement anticipé au FCTVA, permettant aux collectivités de réduire leur besoin de financement l’an dernier,…

M. Bernard Derosier. Merci, notre bon maître !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. …alors même que l’État subissait une baisse de 20 % de ses recettes fiscales.

M. André Chassaigne. L’État dame patronnesse !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Mesdames et messieurs les députés, il ne s’agit évidemment pas d’instruire de faux procès. Il s’agit de demander aux collectivités territoriales de prendre leur part dans l’effort collectif de redressement de nos finances publiques, aux côtés de l’État et des administrations de sécurité sociale. Le projet de loi soumis à votre examen participe de cette ambition.

Depuis les premières années de la décentralisation, nous avons multiplié les structures et les acteurs. La préoccupation centrale de chacun d’entre eux a été de s’affirmer, de développer ses services, de multiplier les interventions, sans toujours penser à articuler au mieux son action avec les autres acteurs publics locaux.

M. Maurice Leroy. C’est vrai !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Mais la décentralisation est désormais parvenue à maturité et nous devons nous atteler au chantier de la réduction des structures, de la mutualisation des services administratifs, techniques et financiers, de la clarification et de la meilleure articulation des interventions publiques.

M. Patrick Roy. C’est tellement clair qu’on n’y comprend rien ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. C’est un enjeu fondamental pour notre pays. Je fais confiance aux élus locaux pour être au rendez-vous.

Bien sûr, il ne faut pas se contenter d’agir sur la dépense : il faut aussi poursuivre le chantier de la réforme de la fiscalité locale. Nous avons franchi une première étape avec la suppression de la taxe professionnelle. Avec cette réforme, la France s’est rapprochée de la situation de la très grande majorité des pays européens. En effet, avant la réforme, la France occupait une position très singulière en Europe, la fiscalité propre des collectivités territoriales représentant près de 50 % de leurs ressources totales contre 27 % en moyenne dans l’Union européenne et seulement 25 % en Espagne ou 15 % en Allemagne et au Royaume-Uni.

Le Gouvernement a substitué à la taxe professionnelle de nouvelles recettes, essentiellement fiscales – et non des dotations d’État comme on l’entend parfois de manière erronée – aux bases plus dynamiques, et qui garantissent l’autonomie financière de chacune des catégories de collectivités territoriales,…

M. Bernard Roman. C’est faux !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. …comme l’a d’ailleurs reconnu le Conseil constitutionnel. Le rapport que le Gouvernement remettra dans quelques jours au Parlement confirmera ces engagements.

Mais il faut poursuivre cette réforme, et notamment introduire des mécanismes de péréquation plus justes et plus efficaces entre collectivités territoriales. Des travaux sont en cours qui permettront de faire avancer ce chantier dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2011.

Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement s’est engagé avec courage et détermination dans une refonte globale et progressive de nos finances locales qui sera un chantier de longue haleine.

Relever le triple défi de la simplification, du renforcement de la performance de nos territoires et de la maîtrise de la dépense locale est l’ambition de la réforme territoriale voulue par le Président de la République et le Gouvernement.

M. Alain Cacheux. C’est un échec !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Nous proposons que, demain, notre organisation territoriale s’articule autour de deux pôles complémentaires : un pôle départements-région et un pôle communes-intercommunalité, comme l’avaient d’ailleurs proposé le comité pour la réforme des collectivités territoriales présidé par M. Édouard Balladur et la Cour des comptes par la voix de son ancien président, Philippe Séguin.

Le premier pilier de la réforme, c’est donc l’émergence d’un pôle départements-région.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. C’est un non-sens !

M. André Chassaigne. Qu’est-ce que cela simplifie ?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Monsieur Chassaigne, c’est une innovation majeure.

Le Gouvernement propose une réforme simple, pragmatique et ambitieuse à travers l’institution d’un nouvel élu local, le conseiller territorial,…

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. C’est une aberration !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. …qui siégera demain à la fois au sein du conseil régional et au sein du conseil général de son département d’élection.

M. Patrick Roy. Vive la parité !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Voilà de nombreuses années que notre pays s’enferme dans un débat sans fin : faut-il privilégier le département ou la région ? La nécessaire montée en puissance de la seconde signe-t-elle la mort inexorable du premier ? Le Gouvernement refuse ce débat binaire, qui est un prétexte, un alibi commode à l’inaction, et apporte sa réponse. L’enjeu, ce n’est pas la suppression de l’une ou l’autre de ces deux collectivités territoriales, qui ont toutes deux leur légitimité et leur efficacité ;…

M. Bernard Derosier et M. Bernard Roman. Alors ?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. …l’enjeu c’est de les faire fonctionner sur le mode de la complémentarité et non sur celui de la concurrence.

M. Bernard Derosier. Vous n’avez pas le courage de vos actes !

M. André Chassaigne. Et le millefeuille ? Ça devient un baba sans rhum !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. L’ambition de cette réforme, c’est de faire confiance à un nouvel élu, le conseiller territorial, porteur d’une double vision, à la fois départementale et régionale, pour engager au plus près de la réalité des territoires le chantier de clarification, de simplification et de mutualisation.

Cet effort de clarification rend nécessaire la suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions, qui doit être remplacée par une organisation de la répartition des compétences qui soit plus claire.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. On ne paiera plus pour les LGV !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Les compétences attribuées par le législateur à la région ou au département doivent l’être à titre exclusif. Lorsque la loi attribue à une catégorie de collectivités territoriales une compétence exclusive, les collectivités territoriales relevant d’une autre catégorie ne peuvent, en principe, intervenir dans aucun des domaines relevant de cette compétence. Ce n’est qu’à titre exceptionnel qu’une compétence peut être partagée entre plusieurs catégories de collectivités territoriales. En raison de leur spécificité, ce sera le cas des compétences dans les domaines du sport et de la culture.

M. Michel Delebarre. Et le logement ?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. À l’intérieur de ce cadre fixé par le législateur national, il est tout à fait normal et souhaitable que les départements et les régions se voient attribuer une capacité d’initiative qui leur permette, par une délibération spécialement motivée, de se saisir de tout sujet d’intérêt départemental ou régional pour lequel la loi n’a jusqu’alors donné compétence à aucune personne publique. C’est dans ce nouveau cadre de compétences que les conseillers territoriaux pourront jouer tout leur rôle. Ils seront invités à établir un schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services entre la région et les départements qui la composent. Ce sera à l’évidence un élément de souplesse et d’adaptation aux réalités locales. Il n’y a en effet aucune raison que la répartition détaillée des interventions respectives des départements et de la région soit strictement identique d’une région à l’autre.

Chacun voit bien à quel point une meilleure articulation entre l’action des départements et celle des régions peut servir la performance de nos territoires. N’est-il pas, par exemple, légitime d’envisager qu’un même élu local s’intéresse à la fois à l’implantation et à la gestion des collèges et des lycées ? N’est-il pas pertinent qu’il réfléchisse à la formation continue tout au long de la vie pour le plus grand nombre, sans ignorer la spécificité des actions à mener en faveur des publics les plus éloignés du marché de l’emploi – je pense naturellement au RSA ? N’est-il pas souhaitable que, en matière de transports, la réflexion embrasse tout à la fois le transport scolaire, interurbain et ferroviaire ? N’est-il pas utile que, en matière économique, on cherche, pour le plus grand bénéfice des entreprises, à développer des guichets uniques et à harmoniser les régimes d’aides et d’interventions économiques ? Et la liste d’exemples pourrait encore être longue, si l’on voulait la poursuivre ! Il y a là un formidable potentiel pour mieux servir nos concitoyens.

Mesdames et messieurs les députés, avec l’institution du conseiller territorial, nous proposons une rationalisation qui vient non pas d’en haut, mais du terrain et du bon sens d’élus locaux,…

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Nous n’avons pas la même conception de ces notions !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. …moins nombreux certes, mais beaucoup plus puissants.

Comme l’écrivait Georges Pompidou, « les institutions sont ce que les hommes les font ».

Mme Marylise Lebranchu. Ça, c’est vrai !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. C’est aux élus locaux qu’il appartiendra, demain, de redonner du souffle à la décentralisation.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Ce seront des élus à plein temps !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Créer le conseiller territorial, c’est faire le pari de l’intelligence des territoires. Les régions comme les départements, les communes et les intercommunalités y gagneront.

Oui, la région peut y trouver un surcroît de légitimité. Je suis en désaccord avec ceux qui présentent la création de ce nouvel élu comme un facteur d’affaiblissement de l’intérêt régional.

M. Jean-Claude Sandrier. C’est un facteur de confusion !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Je ne pense pas, en particulier, que le conseiller territorial, élu ancré territorialement, ne serait pas apte à donner une vision régionale.

M. Patrick Roy. Et vive la parité !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Il en sera du conseiller territorial, demain, comme il en est du député ou du sénateur aujourd’hui, qui est élu lors d’un scrutin territorial, mais qui a une vision allant bien au-delà du local.

Je pense précisément que le niveau régional souffre aujourd’hui auprès de nos concitoyens d’un manque de visibilité et même de légitimité.

M. Jean-Jack Queyranne. Renforcez les régions !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. On connaît son maire, son conseiller général – en tout cas en milieu rural –, mais rarement son conseiller régional, et ce n’est faire insulte à personne que de le dire.

M. Bernard Derosier. Sauf quand ils sont battus !

M. André Chassaigne. Sauf en Auvergne !

M. Michel Vauzelle. En région PACA, on ne les connaît pas ?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Il y a quelques exceptions.

Avec le conseiller territorial, la région trouvera un relais de proximité auprès de nos concitoyens. Le département, quant à lui, pourra trouver matière à élargir son horizon.

Demain, le conseiller territorial sera l’interlocuteur unique des différents acteurs territoriaux, au premier rang desquels figurent naturellement les maires et les présidents d’intercommunalités, ce qui contribuera inéluctablement – et c’est une très bonne chose – à la réactivité, à la cohérence dans le choix des financements alloués et permettra – là aussi je suis prêt à en prendre le pari – d’accélérer le montage des projets.

Vous le voyez, la création du conseiller territorial constituera un puissant levier de simplification, de cohérence et de renouvellement de l’action publique locale. C’est véritablement la clef de voûte de la réforme.

Le deuxième pilier de cette réforme vise à renforcer le pôle communes-intercommunalité. Nous voulons conforter la commune, qui sera le seul échelon local à continuer à disposer de la clause de compétence générale. Or, pour conforter la commune, nous sommes convaincus, Alain Marleix et moi-même, de la nécessité d’encourager l’intercommunalité. Dix ans après la loi Chevènement de 1999,…

M. Bernard Derosier. Vous l’aviez condamnée !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. …le Gouvernement a la conviction qu’il faut désormais franchir une nouvelle étape en se fixant quatre objectifs, qui sont la démocratisation de nos intercommunalités, l’achèvement de la couverture intercommunale du pays, la recherche d’une meilleure cohérence des périmètres et, enfin, le renforcement des compétences et la mutualisation des moyens avec les communes.

Le premier enjeu de l’intercommunalité, c’est donc sa démocratisation. C’est devenu – chacun en a bien conscience – une nécessité, compte tenu du poids budgétaire et de la nature des compétences exercées par ces structures qui touchent désormais très directement à la vie quotidienne de nos concitoyens. Ainsi, en 2008, les dépenses des groupements à fiscalité propre se sont élevées à 24,9 milliards d’euros, soit quasiment – je tiens à le dire à titre indicatif – le même montant que celui de l’ensemble des régions.

Comment démocratiser ? En organisant une élection dans le cadre des élections municipales par le système du fléchage. Après avoir hésité – c’est vrai –, le Gouvernement a fait ce choix car il ne souhaitait pas porter atteinte à la légitimité du maire, qui aurait été concurrencée – et le mot est faible – si l’on avait retenu la désignation des conseillers communautaires par un scrutin autonome. Cette solution, c’est d’ailleurs très exactement celle qui avait été retenue dans le rapport Mauroy, dans sa proposition n° 7, voilà déjà dix ans.

Ainsi, avec cette élection, les citoyens vont s’approprier les débats communautaires et l’intercommunalité ne sera plus une structure éloignée pour l’électeur.

M. Alain Cacheux. Vous ne parlez pas sérieusement !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. C’est Pierre Mauroy qui parlait ainsi, et très sérieusement !

M. Bernard Roman. Ce n’est pas vrai : vous l’avez caricaturé !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Le deuxième enjeu de l’intercommunalité, c’est l’achèvement de la couverture intercommunale intégrale du pays.

Moins de 10 % du territoire national reste encore à l’écart : sur plus de 36 000 communes, environ 2 500 demeurent isolées. Ce sont souvent, il est vrai, les cas les plus compliqués qui renvoient à des postures de principe. L’objectif d’une couverture intégrale doit aller de pair avec le troisième enjeu de l’intercommunalité, qui consiste à chercher une meilleure cohérence des périmètres et des structures.

C’est bien sûr l’enjeu majeur de cette partie de la réforme. Il nous faut, département par département, chercher à simplifier l’empilement des structures qui se sont ajoutées les unes aux autres au fil du temps, au gré des accords locaux – bien au-delà, d’ailleurs, des frontières partisanes – ou des réformes successives, mais souvent sans véritable cohérence d’ensemble. Or nous savons que la définition des périmètres des intercommunalités joue un rôle majeur en matière de solidarité territoriale et de péréquation financière.

Il faut donc, en dehors de tout a priori , s’interroger au cas par cas sur la pertinence du maintien des différentes structures, sans qu’il y ait en la matière une vérité unique pour l’ensemble du territoire national. Je pense aux pays – et je sais que plusieurs d’entre vous ont prévu d’intervenir dans le débat qui va s’ouvrir sur le sujet –, qui ont souvent joué un rôle utile de préfiguration et d’apprentissage du travail en commun pour les élus locaux, mais qui doivent désormais, chaque fois que c’est pertinent et nécessaire, se rapprocher des intercommunalités à fiscalité propre, dont les périmètres seront élargis.

Je pense également aux innombrables syndicats intercommunaux. Aujourd’hui, 61 % des communes adhèrent à quatre syndicats intercommunaux ou plus. Bien souvent, les compétences exercées par ces syndicats chevauchent celles des intercommunalités à fiscalité propre. Ce sont donc souvent, pour parler clair, des coquilles vides. Or l’enjeu financier n’est pas mince, puisqu’il y a plus de 16 000 syndicats intercommunaux, dont – comme le rappelait Alain Marleix en réponse à une question d’actualité – les dépenses s’élèvent à 16 milliards d’euros, la moitié en dépenses de fonctionnement.

Bien évidemment, ce chantier doit être mené dans la concertation, au plus près du terrain, en respectant les communes. Mais il faut se fixer une méthode, un calendrier et des objectifs pour donner une véritable impulsion. Ainsi, les préfets devront élaborer, encore une fois en concertation avec les élus locaux, d’ici à la fin de l’année 2011, des schémas départementaux de coopération intercommunale. De nouveaux pouvoirs seront confiés aux commissions départementales de coopération intercommunale, dont la composition sera renouvelée afin qu’elles puissent imposer des amendements aux schémas.

M. Michel Piron. Très bien !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Ce sera donc le résultat d’un véritable travail conjoint entre le préfet et la CDCI.

M. Bernard Roman. Surtout le préfet !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Ces propositions et ces amendements seront ensuite déclinés en 2012 et 2013.

La commission des lois a par ailleurs souhaité que l’ensemble de la démarche de rationalisation de l’intercommunalité soit achevé pour le 1 er  juillet 2013, et non pas pour le 1 er  janvier 2014, afin que ce chantier ne vienne pas perturber les élections municipales de 2014.

M. Bernard Roman. Tout à fait !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Le Gouvernement partage cette préoccupation et je pense que votre rapporteur, Dominique Perben, a trouvé le bon équilibre. J’attire cependant votre attention sur un point : raccourcir encore le calendrier reviendrait naturellement à réduire les délais nécessaires à la concertation locale qui est indispensable au succès de l’entreprise.

L’économie du texte qui vous est soumis est, en outre, très éloignée de certaines caricatures qu’on peut entendre ici ou là sur les pouvoirs exceptionnels des préfets. Le texte institue en réalité un système de pouvoirs et de contre-pouvoirs entre le préfet et une CDCI renforcée, afin que le succès de l’initiative provienne nécessairement de leur collaboration. C’est l’originalité de ce texte, qui est, sur ce point aussi, très innovant.

Enfin – et c’est le quatrième enjeu de l’intercommunalité –, il faut encourager les mutualisations de services au sein des intercommunalités. C’est, là aussi, un enjeu très important en termes de maîtrise de la dépense locale. Le constat est connu, les rapports publics l’ont pointé : depuis dix ans, les deux tiers de la hausse des dépenses locales à champ constant – c’est-à-dire hors décentralisation – relèvent du bloc communal. De plus, l’essentiel de la hausse des dépenses locales depuis 1980 est dû aux dépenses de fonctionnement, dont le bloc communal concentre la plus grande part de l’augmentation. L’une des grandes explications de cet accroissement des dépenses dans le bloc communal tient aux faibles mutualisations entre communes et EPCI. Il faut donc accélérer l’intégration de nos intercommunalités, ce que le projet de loi cherche à faciliter.

Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, le renforcement de l’intercommunalité est un chantier essentiel. Pour réussir, il faut éviter l’écueil qui consiste à opposer les communes aux intercommunalités ; c’est le couple qu’ils constituent qui les renforce.

Doit-on considérer pour autant que l’intercommunalité est le seul horizon des communes ? Je ne suis pas de cet avis et suis même convaincu que certains élus considèrent aujourd’hui, rassurés d’ailleurs par leur expérience d’une intercommunalité réussie, qu’ils peuvent aller plus loin dans l’intégration et transformer leurs communes respectives en une commune nouvelle. De même, certaines petites communes, notamment en milieu rural, peuvent parfois trouver avantage à une fusion. Au nom de quoi leur refuserait-on de le faire si elles le souhaitent ? Le dispositif des communes nouvelles vise à répondre à ces enjeux en offrant aux élus locaux qui souhaiteront s’en saisir un outil mieux adapté que l’ancien dispositif Marcellin.

Le troisième pilier de la réforme vise à favoriser l’émergence d’un réseau de métropoles. Le Gouvernement a souhaité prendre acte du fait métropolitain et l’organiser au mieux, comme le souhaitait Dominique Perben, au bénéfice de l’ensemble du territoire national. Il vous propose donc deux statuts : les métropoles et les pôles métropolitains.

Devait-on dresser, de manière un peu autoritaire, la liste limitative des métropoles, à l’instar de ce qui fut fait – vous vous en souvenez – pour les premières communautés urbaines en 1966 ? Je ne le crois pas, car je suis convaincu que, sur ce point également, la dynamique doit venir des territoires eux-mêmes. Des métropoles imposées par l’État, depuis Paris, c’était la certitude de polémiques, et certainement aussi de l’échec.

M. Bernard Roman. Ça, c’est vrai !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Fixons un cap, ambitieux mais réaliste, et qui soit la première étape de l’émergence institutionnelle des métropoles dans notre pays. Inspirons-nous, toutes proportions gardées, du succès de la démarche de l’intercommunalité. Faisons confiance aux élus pour se saisir de ce nouvel outil et le faire évoluer dans le bon sens.

C’est ce qui a poussé le Gouvernement – après de longues discussions – à retenir pour la métropole le statut d’établissement public de coopération intercommunale, et non celui de collectivité territoriale à part entière.

Plusieurs statuts étaient en effet possibles. Pour faire simple, nous devions choisir entre une métropole-département, collectivité territoriale à statut particulier qui intégrait automatiquement l’ensemble des compétences des départements, notamment toutes les compétences sociales – c’était le choix du rapport Balladur – ou bien une métropole-EPCI qui assurait une transition plus progressive.

Le Gouvernement a voulu s’inspirer du succès de l’intercommunalité en proposant un nouveau statut intercommunal pour les agglomérations de plus de 450 000 habitants avec des compétences renforcées, entre autres, dans les domaines de l’économie, de l’urbanisme, des transports ou du logement. Nous avons retenu la démarche, que je crois consensuelle, proposée par l’Association des maires de grandes villes – je me tourne vers Michel Destot, président de l’Association des maires de grandes villes, et vers Serge Grouard, son premier vice-président, qui nous l’ont transmise.

Les métropoles ne doivent pas se construire en opposition aux départements et aux régions mais bien dans une logique de complémentarité. C’est pourquoi, au-delà d’un socle obligatoire de compétences renforcées – dans le domaine économique, dans les domaines de l’urbanisme, des transports ou du logement –, il faut que les départements, les régions et les métropoles puissent déterminer, par voie conventionnelle, la meilleure répartition possible des compétences en tenant compte des spécificités de chaque territoire. Le projet de loi cherche à amorcer, à provoquer ce dialogue institutionnel plutôt qu’à imposer une solution toute faite venue d’en haut.

M. Bernard Roman. Et s’il n’y a pas d’accord ?

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Parallèlement, le projet de loi propose une formule plus souple que la métropole stricto sensu . Cela peut être une réponse, monsieur Roman : c’est la formule du pôle métropolitain, qui permettra à plusieurs agglomérations de porter un projet de métropole en développant des coopérations renforcées dans des domaines jugés stratégiques et d’intérêt commun.

Ces deux formules reposent sur le volontariat : ce sont des outils au service des projets des élus.

Nous nous apprêtons donc, mesdames et messieurs les députés, à entamer nos débats sur la base du texte issu des travaux de votre commission des lois. C’est pour moi une nouvelle occasion de rendre hommage à votre excellent rapporteur, Dominique Perben, ainsi qu’aux travaux réalisés par votre commission sous la présidence de Jean-Luc Warsmann. Il est vrai que tous deux s’étaient fortement impliqués dans la préparation de cette réforme territoriale. Dominique Perben était membre du Comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par l’ancien Premier ministre Édouard Balladur, et il a fortement contribué à l’idée de renforcer nos métropoles, en particulier par son rapport Imaginer les métropoles d’avenir .

Chacun sait par ailleurs combien les deux récents rapports que votre commission des lois a consacrés à la réforme territoriale doivent au président Warsmann : je pense au rapport sur la clarification de l’organisation et des compétences des collectivités territoriales et au rapport sur l’optimisation de la dépense publique.

Si la réforme est possible aujourd’hui, c’est grâce à ces travaux dont elle s’est fortement inspirée.

Je ne reprendrai pas ici l’ensemble des modifications que vous avez introduites dans le texte issu des travaux du Sénat. Votre rapporteur le fera de manière détaillée dans quelques instants. Je souhaiterais simplement me féliciter de l’économie générale du texte.

En particulier, vous avez assoupli les conditions de création des communes nouvelles. Le Sénat avait, c’est vrai, sur la base de craintes qui me semblent largement exagérées, compliqué le dispositif au point de le rendre quasiment impraticable. Il me semble que vous avez trouvé un bon point d’équilibre.

M. Philippe Vigier, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Très bien !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Je suis également heureux que, tant sur les compétences que sur le régime budgétaire et financier de la métropole, le texte ait, sous votre impulsion, retrouvé davantage d’ambition.

Enfin, en ce qui concerne les compétences et les cofinancements, je voudrais saluer l’initiative prise par votre rapporteur, en bonne intelligence avec le Gouvernement, consistant à transformer l’article 35 du projet de loi en un article juridiquement contraignant, plus opérationnel. C’est une avancée très positive.

Mesdames et messieurs les députés, si je n’avais qu’un vœu à formuler au moment où nos travaux vont débuter, c’est que nos débats évitent les fausses querelles et que nous sachions saisir l’occasion qui nous est offerte de débattre sereinement de l’organisation territoriale de la France.La décentralisation n’est aujourd’hui la propriété d’aucun camp politique. C’est le bien commun de la République. Tenter d’en corriger les faiblesses, ce n’est pas faire son procès ; c’est au contraire lui donner un nouveau souffle.

En préparant cette réforme, le Gouvernement a cherché à imaginer, de manière pragmatique et concrète, une nouvelle ambition territoriale pour notre pays.

MM. Alain Cacheux et Patrick Roy. C’est raté !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Il l’a fait en faisant le pari que les élus locaux eux-mêmes seront les premiers acteurs du changement.

Il n’y a rien dans cette réforme qui ne serve l’effort, l’équilibre et l’unité du pays.

Le Gouvernement n’a qu’un but : rénover la décentralisation pour moderniser et renforcer la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mme Marylise Lebranchu. Nous, nous n’y croyons pas beaucoup !

M. le président. La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales.

M. Bernard Derosier. Le ministre reste ?

M. Alain Cacheux. Il restera jusqu’au bout : il surveille Marleix !

M. Bernard Derosier. C’est un spécialiste, Marleix !

MM.  Henri Jibrayel et Bernard Roman. Sommes-nous toujours des OVNI, monsieur le secrétaire d’État ?

M. Philippe Vuilque. De la conviction, monsieur le secrétaire d’État ! Ayez l’air d’y croire !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, l’Assemblée nationale entame aujourd’hui l’examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, c’est-à-dire de l’un des quatre textes soumis au Parlement dans le cadre de cette importante réforme décidée par le Président de la République et présentée par le Gouvernement.

M. le ministre de l’intérieur vient de vous en présenter les différentes composantes. Je vais, pour ma part, vous en exposer la mise en œuvre ainsi que certains aspects électoraux, liés notamment à la création du conseiller territorial.

M. Bruno Le Roux. Ce n’est pas très rassurant !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Vous avez déjà examiné l’un des quatre textes liés à la réforme, celui qui organise la concomitance, en 2014, du renouvellement des conseils généraux et des conseils régionaux. En adoptant le texte devenu la loi du 16 février 2010, après sa validation par le Conseil constitutionnel – dont vous avez bien vu qu’elle n’a posé aucun problème –, vous avez permis la création à cette date du conseiller territorial, sans préjuger pour autant des modalités de l’élection de ce nouvel élu, membre à la fois du conseil général et du conseil régional.

Celles-ci figurent en effet dans le projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, qui n’a pas encore été examiné au Sénat, et qui comporte d’ailleurs d’autres dispositions, relatives notamment à l’abaissement de 3 500 à 500 habitants du seuil de population des communes auxquelles s’appliquera le scrutin proportionnel de liste – suivant le vœu unanime de l’Association des maires de France –, à l’élection au suffrage universel direct des délégués des communes dans les intercommunalités, et enfin aux conditions d’exercice des mandats locaux.

Vous aurez l’occasion de débattre de ces différentes mesures lorsque vous examinerez cet autre projet de loi, accompagné pour des raisons techniques d’un projet de loi organique lié, lorsque le Sénat, saisi en premier lieu du fait de sa mission constitutionnelle de représentation des collectivités territoriales, les aura lui-même adoptés.

Le projet de loi qui vous est proposé aujourd’hui, dont l’article 1 er crée le conseiller territorial, ne comportait donc à l’origine aucune disposition concernant le domaine électoral. Le Sénat y a toutefois inséré un article additionnel avant l’article 1 er qui énonce les grands principes de l’élection du futur conseiller territorial.

M. Bruno Le Roux. Une nouvelle Journée des Dupes au Sénat !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Vous êtes donc aujourd’hui saisis de cette question, qui concerne à la fois le mode de scrutin et le nombre de conseillers attribués à chaque département et à chaque région. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. Ça, ça vient de sortir !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Je commencerai par la question du mode de scrutin. Il en a déjà été beaucoup question lors de l’examen du texte sur la concomitance – nous en avons débattu ici pendant des heures et des heures – mais aussi lors de la première lecture de ce texte-ci au Sénat.

La proposition du Gouvernement a été évidemment critiquée, comme toujours lorsqu’on veut innover. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Olivier Dussopt. C’est élégant !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Quelle considération pour le Parlement !

M. Patrick Roy. M. le secrétaire d’État est un comique !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Rappelons la difficulté à laquelle nous étions confrontés : le futur mode de scrutin doit se substituer d’une part au scrutin majoritaire à deux tours des conseillers généraux, d’autre part au scrutin proportionnel des conseillers régionaux. Que l’on choisisse l’un, l’autre, ou une combinaison des deux, on n’arrivera jamais à satisfaire les partisans de chacun des systèmes.

M. Bruno Le Roux. Vous n’avez jamais cherché à le faire !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. C’est pourquoi le Gouvernement avait mis au point un système électoral mixte, comportant l’élection de 80 % de conseillers territoriaux au scrutin majoritaire à un tour, et celle des 20 % restants suivant une répartition proportionnelle au plus fort reste des voix non utilisées.

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Dans ce système, le choix du tour unique de scrutin n’était bien entendu aucunement lié à de quelconques calculs ou manipulations politiques… (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Derosier. Bien sûr !

M. Philippe Vuilque. Ben voyons !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Cela serait bien éloigné de nos préoccupations.

M. Bernard Derosier. C’est l’ange Marleix !

M. Bernard Roman. Vous méritez la médaille d’or de la charcuterie française !

M. Patrick Roy. Et les ciseaux d’or 2010 sont décernés à…

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ce choix est seulement lié à la juxtaposition du scrutin majoritaire et du scrutin proportionnel : dès lors, il n’y avait nécessairement qu’un seul tour. Ou alors, il faudra que vous m’expliquiez comment on fait de la proportionnelle à deux tours !

Ce choix était à nos yeux un bon compromis entre les contraintes liées en premier lieu au maintien des cantons et à la représentation des territoires, et en second lieu au double objectif de la parité des élus et de la représentation du pluralisme des opinions. Sur la base des simulations effectuées, notamment à partir des résultats des dernières élections régionales, un tel mode de scrutin aurait ainsi donné plus de sièges aux petites formations tout en assurant un minimum de parité entre les élus – largement au-dessus de 20 %.

M. Olivier Dussopt. Bientôt, on publiera les résultats des élections avant le vote !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Les sénateurs du groupe de l’Union centriste avaient vraisemblablement en tête ces différentes conséquences quand ils ont proposé à leurs collègues l’adoption d’un amendement prévoyant que « le mode d’élection du conseiller territorial assure la représentation des territoires par un scrutin uninominal, l’expression du pluralisme politique et la représentation démographique par un scrutin proportionnel ainsi que la parité. »

M. Maurice Leroy. C’est vrai !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement, lors de la discussion du texte au Sénat, n’a pas cru devoir donner un avis défavorable à cet amendement devenu le nouvel article 1 er  A du projet de loi.

MM.  Maurice Leroy et François Sauvadet. C’était un très bon amendement !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Pour autant, le système que nous avions proposé s’est attiré plusieurs critiques, liées notamment au tour unique de scrutin et au risque de fragiliser la constitution d’une majorité solide dans les départements.

M. François Sauvadet. Cela reste à prouver !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Il se heurtait en outre à deux reproches réels : celui d’abord de créer deux catégories d’élus, les uns rattachés à un territoire et les autres non.

M. Hervé Gaymard. Eh oui !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Mais cette critique est évidemment valable pour tous les scrutins mixtes combinant une part de scrutin uninominal majoritaire et une part de scrutin proportionnel…

M. Maurice Leroy. Comme pour l’élection des sénateurs !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C’est d’ailleurs le cas au Sénat.

Ensuite, il risquait d’aboutir à un résultat paradoxal, celui d’une formation dominante dans tout le département qui n’obtiendrait aucun élu sur sa liste dès lors qu’elle aurait gagné tous les cantons. C’est un cas extrême, mais c’est une possibilité, un risque qu’il fallait bien prendre en compte.

M. Henri Jibrayel. Quelle ratatouille !

M. Jean-Louis Bianco. Tout cela est bien compliqué !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Ces réactions n’étaient pas accompagnées, et je le regrette, de propositions alternatives, y compris de celles et de ceux qui se montraient les plus virulents à l’égard de la solution retenue.

Ils ont pourtant été invités à faire part de leurs suggestions par le Président de la République et le Gouvernement, qui se sont déclarés à plusieurs reprises ouverts à la discussion. En outre, le Premier ministre a écrit le mardi 27 avril dernier aux dirigeants des partis politiques un courrier pour leur demander quelle était leur position. La lettre précisait même que le Gouvernement indiquerait, au vu de ces propositions, la solution à laquelle il serait prêt à se rallier lors des débats parlementaires.

M. Bruno Le Roux. Vous aviez arbitré avant l’envoi du courrier !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. La vérité, c’est que plusieurs formations n’ont pas voulu entrer dans le vif du sujet, et se sont réfugiées derrière leur opposition au principe même de la réforme pour n’adopter aucune position officielle. Les voix qui se sont exprimées l’ont fait soit en faveur de la représentation proportionnelle intégrale à toutes les élections – c’est le cas de Mme Marie-George Buffet pour le parti communiste français, qui a eu, je n’hésite pas à le dire, le courage de ses opinions –, soit en faveur du scrutin majoritaire à deux tours – c’est le cas de Xavier Bertrand pour l’UMP et de Philippe de Villiers pour le Mouvement pour la France. François Bayrou s’est pour sa part prononcé pour un scrutin mixte assez proche de celui proposé par le Gouvernement, avec une dose de proportionnelle portée à 30 % des sièges au lieu de 20 %.

M. Bernard Roman. Ce n’est pas ce qu’il a dit en commission !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le scrutin majoritaire à deux tours, personne ne peut sérieusement le contester, et surtout pas vous. Il est connu et apprécié des Français. Il est appliqué pour l’élection des députés – il l’a été à douze occasions sur treize depuis 1958 – comme pour celle des conseillers généraux depuis le début de la République ou presque.

Mme Élisabeth Guigou. Le problème, c’est la parité !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Les radicaux de gauche au Sénat ont d’ailleurs déposé un amendement proposant le scrutin majoritaire à deux tours. Ayez donc un peu de cohérence entre députés et sénateurs de la même formation politique. Sinon, cela risque de poser problème !

M. Bernard Roman. Et la parité ?

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Il est vrai que ce scrutin donne aux élus une autorité véritable liée à leur assise territoriale et à l’obtention en général d’une majorité absolue de suffrages, tout en permettant de dégager une majorité stable à l’assemblée qu’il s’agit d’élire. C’est pourquoi le Gouvernement a proposé à votre commission des lois d’en adopter le principe en rédigeant en ce sens l’amendement électoral adopté par le Sénat. La commission a voté cet amendement et c’est donc le mode de scrutin qui vous est aujourd’hui proposé.

Certains préconisent en outre de réserver l’accès au second tour aux deux candidats arrivés en tête. D’autres proposent de relever le seuil d’accès à ce second tour, actuellement fixé à 10 % des électeurs inscrits. Ces différentes options seront débattues lors de la discussion des amendements correspondants.

Si vous adoptez l’article 1 er A qui vous est proposé, les conseillers territoriaux qui remplaceront à partir de mars 2014 les actuels conseillers généraux et conseillers régionaux seront donc élus au scrutin majoritaire à deux tours dans le cadre de circonscriptions cantonales correspondant à un territoire déterminé de leur département. Moins nombreux que ces derniers, ils siégeront au sein de l’organe délibérant du département et de la région. Comme le disait il y a un instant le ministre de l’intérieur, ils auront ainsi une vision complémentaire, à l’échelon de chacune de ces deux collectivités, du développement des territoires. Leur légitimité et leur lisibilité seront renforcées. Ils cesseront d’être des OVNI politiques, comme je le soulignais tout à l’heure.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ce n’est pas vrai !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Sur le terrain, actuellement, personne ne les connaît. Ils seront élus pour six ans et se renouvelleront intégralement, ce dernier point répondant d’ailleurs à un souhait fréquemment exprimé, à l’unanimité, par l’association des départements de France.

J’en viens à la seconde question fréquemment évoquée, au Sénat comme dans votre assemblée, le nombre des futurs conseillers territoriaux. C’est à la loi de le fixer, parce qu’il s’agit d’un élément du régime électoral des assemblées locales, que l’article 34 de la Constitution réserve à la compétence du législateur.

M. Bernard Derosier. Vous aviez proposé une ordonnance !

M. Bruno Le Roux. Vous vouliez le faire en catimini !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Certes, vous ne vous êtes pas prononcés jusqu’à présent sur le nombre des conseillers généraux des différents départements, car celui-ci résulte des découpages successifs des cantons, effectués par décret. Une fois le canton délimité, il est fait application de la disposition de l’article L.191 du code électoral, aux termes duquel chaque canton du département élit un membre du conseil général. C’est ainsi qu’environ 350 cantons ont été créés sous les gouvernements dirigés par l’actuelle opposition, sans que vous en ayez été le moins du monde saisis, ni même informés. Il ne faut pas avoir la mémoire courte ! Certains départements ont été découpés par votre majorité, par vos gouvernements en 1981, 1982, 1983, 1984, 1985. Il y a eu une pause, et cela a repris en 1988. Au total, 350 cantons ont été découpés sans aucune concertation. Ne venez donc pas nous donner des leçons de moralité ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Jibrayel. Et le charcutage Pasqua ?

M. Bernard Roman. C’est vous qui avez fait le découpage, et de manière scandaleuse ! Alors pas de leçons !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. À l’inverse, le nombre de conseillers régionaux est fixé dans un tableau, prévu à l’article L.337 du code électoral. C’est donc à vous qu’il appartient de le modifier, comme vous l’avez fait pour la dernière fois en 1999. Toutefois, avec le système qui a régi l’élection régionale en 2004 comme aux élections de mars dernier, la représentation de chaque département au sein d’un conseil régional ne dépend pas de la loi, mais de la liste arrivée en tête à l’échelon de la région, qui obtient une prime majoritaire de 25 % des sièges, et de la répartition des sièges en fonction des résultats de chaque liste dans les différents départements.

C’est ainsi que, depuis les dernières élections régionales, un conseiller régional unique représente le département de la Lozère, 77 000 habitants, – dans une région, le Languedoc-Roussillon, où le ratio par siège est d’environ 35 000 habitants, ce qui pose tout de même un problème de représentation du monde rural – tandis que dix sièges d’écart ont été attribués à la Seine-Saint-Denis et aux Hauts-de-Seine, pourtant de population voisine, sans que, là encore, vous en ayez été saisis.

La création des conseillers territoriaux permettra donc de réaliser un double progrès : non seulement le nombre de membres des conseils généraux relèvera désormais de votre intervention directe, mais celui des membres siégeant au conseil régional ne variera pas d’une élection à l’autre au gré des interventions.

Les départements comptent aujourd’hui 4 019 conseillers généraux, 4 182 si l’on inclut les conseillers de Paris, non concernés par la réforme. Les régions comptent 1 880 élus. Le nombre de conseillers en fonction s’élève donc au total à 5 899.

Il n’est évidemment pas possible de maintenir ce nombre d’élus, ni même de s’en tenir au nombre de conseillers généraux, à moins d’assister à une véritable explosion des effectifs des conseils régionaux. C’est la raison pour laquelle il nous faut réduire le nombre total d’élus, ce qui n’est pas un objectif en soi, comme le Président de la République l’avait annoncé dans son discours de Saint-Dizier, mais un paramètre inévitable si l’on veut conserver à nos assemblées régionales une taille comparable à celle de plusieurs conseils des grandes communautés urbaines ou d’agglomération ou du conseil régional d’Île-de-France, qui compte 209 membres.

L’objectif global de 3 000 conseillers territoriaux constituait donc un objectif optimal qui limitait l’augmentation des effectifs des conseils régionaux mais avait pour inconvénient d’entraîner en moyenne une diminution du nombre d’élus siégeant dans les conseils généraux égale au quart des effectifs actuels. J’y reviens dans un instant

Nous avions initialement proposé, cela figure dans le projet de loi électoral déposé au Sénat en octobre dernier, de renvoyer à une ordonnance le soin de mettre au point le tableau de ces effectifs, sur la base de critères très précis votés par le Parlement Ce choix permettait en effet de définir dans la loi des critères précis d’élaboration du tableau, qui auraient probablement été soumis au contrôle du Conseil constitutionnel, puis de mettre au point un tableau à partir des chiffres les plus récents de population, de le soumettre ensuite à la consultation d’une commission indépendante, et, enfin, de procéder à la délimitation des nouveaux cantons. En outre, la durée d’un an prévue pour l’habilitation aurait permis d’attendre les résultats du recensement qui doivent être publiés fin 2010, réputés valables au 1 er  janvier 2008, soit six ans avant la date prévue pour l’élection des conseillers territoriaux.

Mme Marylise Lebranchu. Et alors ?

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. La tenue d’un recensement chaque année, depuis la loi de démocratie de proximité du 27 février 2002, oblige en effet à réduire le plus possible la période séparant la date de sa publication et l’élection à laquelle se rapportent les éléments démographiques qui en sont issus. En l’espèce, quatre recensements annuels sont prévus pendant cette période. Voyez comment vous avez beaucoup fait avancer la démocratie de proximité en votant un texte pareil !

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Quel rapport ?

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Votre commission des lois a pour sa part souhaité, avec raison, incorporer dès à présent le tableau des effectifs dans la loi. Il vous sera donc proposé d’intégrer dès à présent dans le projet de loi que vous allez examiner en première lecture un tableau tenant compte des différentes contraintes liées à la création du conseiller territorial.

M. Bernard Roman. Il faudrait le distribuer aux membres de l’UMP, ils ne l’ont pas eu !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Je reviendrai lors de la discussion générale sur la question des effectifs, tout comme le président et le rapporteur de la commission des lois, qui ont pris une très large part à l’élaboration de ce tableau.

Une fois les effectifs fixés par département, il faudra procéder à la délimitation des nouveaux cantons, puisque nous vous proposons de conserver cette circonscription d’élection des élus départementaux, le canton, qui existe depuis le Consulat.

M. Philippe Vuilque. Sur quels critères ?

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Une actualisation de la carte cantonale est en tout état de cause indispensable en raison des très grands écarts de population existant entre les cantons d’un même département. Le rapport est de un à quarante-cinq entre le canton le moins peuplé et le canton le plus peuplé dans le département de l’Hérault, et de plus de un à vingt dans une vingtaine d’autres départements. Le Gouvernement proposera par un amendement que cette délimitation s’effectue par voie de décret en Conseil d’État, comme c’est le cas depuis 1945, et qu’elle se fasse à l’intérieur des limites des nouvelles circonscriptions législatives.

M. André Chassaigne. Qui tiendra les ciseaux ?

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Vos nouveaux secteurs d’élection ayant été tracés, comme ceux retenus dans le découpage de 1986, en respectant généralement les limites cantonales, il serait pour le moins étonnant de ne pas obliger les futurs cantons à être compatibles avec ces circonscriptions. Cette exigence est en outre conforme à la hiérarchie des normes, puisque vos circonscriptions d’élection relèvent de la loi alors que les limites cantonales relèvent d’un simple décret.

M. Jean-Louis Bianco. Quel embrouillamini !

M. Bernard Roman. C’est vous qui aviez fait le découpage, et de manière scandaleuse !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Elle est également compatible avec le fonctionnement de notre vie démocratique. Le canton, circonscription d’élection des élus départementaux, a toujours regroupé plusieurs communes, et la circonscription législative a toujours regroupé plusieurs cantons.

Il sera en outre proposé, nous y reviendrons dans la discussion générale, de ne pas couper les communes de moins de 3 500 habitants (Rires sur les bancs du groupe SRC) ,…

M. Jean-Louis Bianco. Encore heureux !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. …ce qui n’est pas le cas actuellement.

Enfin, la première délimitation sera soumise au contrôle d’une commission calquée sur celle qui a été mise en place pour la répartition des sièges et la délimitation des circonscriptions des députés et des sénateurs. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Louis Bianco. Nous voilà rassurés !

M. Jean Michel. On les connaît, les commissions indépendantes !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Les plus hauts magistrats de la République qui y siègent seront heureux de l’entendre !

La solennité d’une telle procédure nationale est particulièrement adaptée à la double appartenance des conseillers territoriaux, à l’importance de leur mandat, à la réduction du nombre et à l’extension géographique et démographique de leurs futurs cantons. L’avis de cette commission indépendante sera bien entendu rendu public.

M. Bernard Roman. Nous avons vu ce que cela a donné pour les législatives !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Les nouveaux cantons, d’un nombre minimum égal à quinze pour chaque département, seront délimités à partir de plusieurs critères : la population, le territoire, c’est-à-dire l’étendue géographique, le nombre actuel de cantons, le nombre actuel de communes de chaque département et des différents territoires qui le composent.

M. Philippe Vuilque. Et combien de critères politiques ?

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Même en prenant en compte ces différents critères, la représentativité de chaque élu sera bien plus équilibrée qu’aujourd’hui, puisque les écarts que je viens de citer, sans bien sûr disparaître totalement, seront considérablement réduits.

Le conseiller territorial existera dans tous les départements de la métropole, sauf à Paris et dans les deux départements de Corse, à cause de l’appartenance au conseil municipal des conseillers du département de Paris dans le premier cas, et à cause du statut particulier de l’Assemblée de Corse dans le second. Il y en aura également dans les départements d’outre-mer qui n’ont pas opté, comme l’ont fait la Guyane et la Martinique, pour le statut de collectivité unique prévu par l’article 73 de la Constitution.

Mme Élisabeth Guigou. C’est laborieux !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Il y en aura aussi à Mayotte, qui doit devenir département à partir du renouvellement cantonal de mars prochain, qui concernera tous les élus de cette collectivité d’outre-mer.

M. Alain Cacheux. C’est trop long pour être honnête !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, les dispositions électorales essentielles du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, réforme ambitieuse dont Brice Hortefeux vous a présenté les autres aspects il y a un instant. Je resterai, tout au long de la discussion générale et de la discussion des articles, à votre disposition pour répondre à vos questions ou apporter des compléments sur telle ou telle disposition qui vous est soumise par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Bruno Le Roux. Si ce n’est pas de la bonne volonté !

M. Philippe Vuilque. Quel talent, ce Marleix !

M. le président. La parole est à M. Dominique Perben, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Dominique Perben, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République . Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne souhaite pas revenir longuement sur les raisons de la réforme, le ministre Brice Hortefeux les ayant déjà présentées. Je voudrais simplement souligner le fait que cette réforme ne sort pas de rien, tant s’en faut : toutes les forces politiques, des personnalités d’origine très diverse s’expriment depuis un certain nombre d’années sur la nécessité de modifier notre organisation administrative locale et l’organisation de nos collectivités territoriales.

Ce n’est pas surprenant, car les grandes lois de décentralisation ont confié aux régions, aux départements et aux communes des compétences et des pouvoirs nouveaux étendus sans pour autant modifier l’organisation et les structures de ces collectivités locales. Ce qui n’est pas, dans ma bouche, une critique : on ne peut pas tout faire à la fois. Mais ces transferts massifs de compétences ont entraîné un certain nombre de conséquences, dont des dysfonctionnements, et le temps est venu de prendre acte de cette répartition nouvelle des compétences et d’en tirer toutes les conséquences en matière d’organisation.

Ma deuxième observation liminaire portera sur la concertation. Une très longue période de réflexion a été ménagée, avec en particulier le comité Balladur, dont j’ai eu l’honneur de faire partie, mais aussi tout une concertation menée par le Gouvernement, que je remercie. J’ai personnellement poursuivi ce travail de dialogue en me déplaçant, en tant que futur rapporteur, dans cinquante-cinq départements pour rencontrer des élus et des citoyens préoccupés et très intéressés par ces perspectives de réforme. C’est à la suite de ce travail, qui aura duré plus de deux ans et demi, que nous en venons à présent au débat dans cet hémicycle.

De quoi s’agit-il ? De quatre orientations très simples. Il faut tâcher de revenir à l’essentiel.

D’abord un point très important : le plus de démocratie. Le débat sur la question de savoir comment insuffler plus de démocratie dans notre vie locale sera toujours d’actualité. Je crois que le dispositif proposé par le Gouvernement, que le Sénat a accepté et que je vous propose également de retenir, est raisonnable : il s’agit de s’inscrire dans le scrutin municipal pour désigner les élus intercommunaux. Nous avons ainsi fait le choix d’éviter les conflits de légitimité. Nous aurions pu imaginer une élection directe des présidents, voire des conseillers, de l’intercommunalité, en particulier s’agissant des métropoles – je l’avais moi-même proposé, je l’avoue, dans un rapport il y a deux ou trois ans.

M. Alain Cacheux. Absolument !

M. Dominique Perben, rapporteur . Cependant, je reconnais qu’il convient de procéder par étapes, dans une évolution démocratique, et je pense que la formule dite du fléchage est une bonne formule qui permettra d’éviter tout conflit entre le niveau municipal et le niveau intercommunal.

Deuxième point très important, la nécessaire amélioration de la gouvernance urbaine. À voir ce qui se passe dans des pays comparables au nôtre, c’est une exigence. Nous avons hérité d’un dispositif institutionnel de grande qualité mais adapté à une France essentiellement rurale. Notre pays a considérablement évolué, en particulier au cours de ces quarante dernières années, et nous voyons bien que nos grandes villes, et même certaines villes moyennes, ne sont pas à même d’appréhender leurs responsabilités avec la cohérence nécessaire. J’évoque à cet égard souvent, en parlant de cette réforme, la grande question sociale que, toutes tendances politiques confondues, nous ne sommes pas parvenus à régler et qui a pour nom la problématique de l’intégration et des banlieues. Je suis convaincu que la mauvaise gouvernance – au sens institutionnel du terme – de nos grandes agglomérations y est pour quelque chose.

Nous avons bien sûr, les uns et les autres, inventé la politique de la ville, qui permet de mettre tous les acteurs en cohérence dans une stratégie globale, mais si nous disposions, dans nos très grandes agglomérations, d’un pouvoir politique légitime chargé à la fois de construire la ville, de la faire évoluer et d’accompagner socialement la population qui y habite, ce serait un progrès considérable.

M. Michel Piron. Très bien !

M. Bernard Derosier. Et l’État ?

M. Dominique Perben, rapporteur . Ça n’est pas tout à fait à cela que répond le projet, mais nous franchissons une première étape dans cette direction avec l’organisation des métropoles.

M. Alain Cacheux. Elle est bien modeste !

M. Dominique Perben, rapporteur . Modeste, mais si vous nous accompagnez, je pense qu’elle sera significative !

(Mme Catherine Vautrin remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
Présidence de Mme Catherine Vautrin,
vice-présidente

M. Dominique Perben, rapporteur . Troisième point important de la réforme : la problématique de la cohésion entre régions et départements. Tout a été dit à ce sujet ; je passerai donc rapidement.

Il est indispensable que ces deux institutions, le département et la région, qui ont chacune leur histoire – le département, collectivité par excellence de la République de la fin du XIX e  siècle ; la région, structure que les uns et les autres avons mise en place depuis la Seconde Guerre mondiale pour tenir compte de l’apparition d’une organisation économique différente –, soient mieux articulées. Le choix a été fait, et je l’assume complètement en tant que rapporteur, de ne supprimer aucun de ces deux échelons, mais de faire en sorte que chacun assume véritablement ses responsabilités propres, par une organisation qui assure dans la durée une bonne répartition des compétences, avec en particulier la création du conseiller territorial.

M. Bernard Deflesselles. C’est un bon équilibre !

M. Dominique Perben, rapporteur . Quatrième grand objectif : remédier à notre éparpillement communal. Cela concerne tout ce que j’évoquerai dans un instant sur l’intercommunalité, qui doit être améliorée.

Je sais que le conseiller territorial fait débat mais je pense très sincèrement que c’est une véritable révolution institutionnelle, et une bonne révolution. Je suis convaincu que, dans la durée, nous pourrons observer, grâce à cette fusion des élus, un rapprochement, une meilleure cohérence entre l’action des uns et des autres,…

M. Bernard Derosier. Et la parité ?

M. Dominique Perben, rapporteur . …, et donc une économie globale, car il ne faut pas oublier que les vingt années qui sont devant nous ne seront pas, sur le plan financier, à l’image de celles que nous venons de connaître.

M. Alain Cousin. Absolument !

M. Dominique Perben, rapporteur . Que cela nous fasse plaisir ou non, c’est une réalité : nous sommes dans un monde différent et il est indispensable de réaliser des économies de structure pour pouvoir continuer à conduire les actions nécessaires en direction de nos concitoyens.

Alain Marleix ayant bien présenté le dispositif du conseiller territorial, je n’y reviens pas. La commission des lois a souhaité – et je l’assume car j’ai participé à cette décision, prise à l’unanimité – que le Parlement dise combien il y aura demain de conseillers territoriaux. Je pense que cela relève naturellement du domaine législatif.

M. Bernard Deflesselles. Bien sûr !

M. Dominique Perben, rapporteur . Cela impliquait que nous travaillions dans des conditions quelque peu précipitées,…

M. Philippe Vuilque. C’est le moins qu’on puisse dire !

M. Dominique Perben, rapporteur . …et je m’en excuse auprès des ministres compétents, mais je pense que c’est beaucoup mieux comme cela.

M. Philippe Vuilque. Nous n’avons même pas pu en discuter !

M. Dominique Perben, rapporteur . S’agissant de l’intercommunalité, je soulignerai les points sur lesquels la commission des lois a modifié le texte sénatorial. Pour dire les choses simplement, nous avons voulu redonner de la souplesse, pour avoir un véritable progrès après la période de transition 2011-2013.

Nous avons souhaité que l’articulation entre le préfet et la commission départementale de coopération intercommunale soit aussi bonne que possible, dans un esprit constructif, et nous avons apporté un certain nombre de modifications qui renforcent les pouvoirs de cette commission.

Nous avons également souhaité, comme l’a rappelé le ministre, que la période de transition s’achève au 1 er  juillet 2013,sachant qu’à la fin de l’année 2013 nous serons déjà dans la préparation des élections municipales, et qu’il ne faut pas que les choses se bousculent.

Nous avons en outre souhaité que les éléments de prudence, à notre avis excessifs, adoptés par le Sénat sur les conditions de majorité pour l’évolution des structures intercommunales soient sensiblement assouplis. Il n’y aura pas une révision de la carte de l’intercommunalité tous les dix ans ; il faut bien avoir à l’esprit que ce qui se décidera entre 2011 et 2013 durera au moins une génération. Soyons donc un peu audacieux, et donnons à nos collègues élus locaux la capacité de dépasser certains blocages qui, nous le savons, tiennent parfois à des positions acquises de telle ou telle commune, y compris sur le plan financier.

M. Alain Cousin. Très bien !

Mme Pascale Crozon. Quelle audace !

M. Dominique Perben, rapporteur . En ce qui concerne les métropoles, j’évoquerai tout d’abord les pôles métropolitains. Je souhaite qu’ils aient une vie heureuse,…

M. Michel Piron. L’expression est belle !

M. Dominique Perben, rapporteur . …mais j’ai le sentiment que le texte n’apporte pas grand-chose aux possibilités juridiques existantes, pour parler poliment…

M. Alain Cacheux. On peut dire ça !

M. Bernard Derosier. Quel euphémisme !

M. Dominique Perben, rapporteur . Je souhaite vivement que la possibilité de construire des pôles métropolitains ne soit pas un prétexte à ne pas créer de métropoles.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

M. Dominique Perben, rapporteur . Je vous le dis comme je le pense. Et je regretterais que certains élus, par excès de prudence, se précipitent sur un statut qui ne modifie pas de manière substantielle la gouvernance urbaine, au détriment du choix de la métropole.

Sur la métropole, messieurs les ministres, je me permettrai une remarque. Pour cause d’article 40, la commission des lois n’a pu traiter des seuils démographiques de la métropole. Nous avons reçu un texte mentionnant 450 000 habitants. Des amendements proposant des seuils moins élevés et plus élevés ont été proposés, mais la commission des finances nous a fait savoir que l’article 40 s’opposait à l’adoption des amendements proposant de réduire la population minimale. Il serait dommage que ce débat n’ait pas lieu, quitte à le purger, quitte même à ne pas modifier ce chiffre, mais je lance un appel au Gouvernement.

S’agissant des compétences de la métropole, la position de votre commission, mes chers collègues, a été de proposer que ce statut se traduise, en vertu de la loi, par des transferts significatifs de compétences en provenance des départements et des régions. La métropole ne doit pas être un label gratuit ; ce doit être une vraie volonté politique qui implique des transferts de compétences, sinon il ne doit pas y avoir de métropole. Il ne faut pas tricher avec les institutions de la République.

M. Maurice Leroy. C’est vrai !

M. Bernard Deflesselles. Très bien !

M. Dominique Perben, rapporteur . Un autre élément contesté par certains de nos collègues – il faudra que nous en discutions –, c’est la nécessité d’un minimum d’intégration financière et fiscale si nous voulons que la métropole ait la capacité d’assumer son rôle sur le territoire national.

Autre sujet sur lequel nous avons également introduit des changements significatifs par rapport au texte du Sénat : les communes nouvelles. Parlons clair : le dispositif sénatorial, c’était « ceinture et bretelles ». Il était impossible de créer une commune nouvelle en France dans les quarante prochaines années. Nous avons pensé que c’était une erreur et qu’il fallait ouvrir cette possibilité de manière sérieuse. Il vous est donc proposé un dispositif qui devrait permettre à des communes qui, par exemple, pratiquent depuis longtemps l’intercommunalité avec un niveau d’intégration élevé, de pouvoir franchir l’étape ultime : la commune nouvelle, qui peut permettre de réaliser des économies et de trouver une dynamique collective intéressante. Le dispositif est fondé sur le volontariat. Il ne faut pas que ceux qui ne veulent pas de commune nouvelle empêchent les autres de pouvoir en réaliser.

En ce qui concerne les fusions de départements et de régions, je crois que nous avons amélioré le texte du Sénat en donnant une cohérence totale à l’ensemble des dispositifs et en ouvrant des possibilités à cet égard.

Un mot sur l’article 35 car nous avons voulu qu’il devienne un article normatif.

Nous avons compris, monsieur le ministre de l’intérieur, qu’il n’y aurait peut-être pas tout de suite une grande loi sur les compétences,…

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. On pensait pourtant que c’était l’objectif au départ !

M. Dominique Perben, rapporteur . …sans doute assez difficile à construire. Dès lors, il est de l’intérêt public de définir un certain nombre de règles de bon fonctionnement pour faire des économies. Cet article propose donc une définition que je crois raisonnable – je m’adresse en particulier aux présidents de région ou de départements présents – de la clause de compétence générale.

De plus, notre commission a prévu un dispositif qui permet en début de mandat à la région de définir avec ses départements un système de délégation de compétences et de mutualisation de services. Cela permettra d’adapter la répartition des compétences région par région en tenant compte des spécificités des différents départements et régions.

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Dominique Perben, rapporteur . Cet élément de souplesse me paraît intéressant – différents élus me l’avaient d’ailleurs suggéré pendant la période de concertation.

Enfin, j’ai proposé, pour les communes de plus de 3 500 habitants, de mettre en place une interdiction de principe du cumul de financements régionaux et départementaux. Le Gouvernement a par ailleurs suggéré d’introduire une disposition fixant un seuil de participation minimum, et progressif suivant l’importance de la population, pour la collectivité maître d’ouvrage.

Nous reviendrons dans la discussion sur ces différents dispositifs ; en attendant, mes chers collègues, la rédaction que nous vous proposons de l’article 35 me semble régler l’essentiel des problèmes du fameux mille-feuille administratif pour aboutir à une meilleure organisation de nos collectivités, en particulier régionales et départementales.

En conclusion, je tiens à dire que ce projet de loi, tel qu’il est sorti des travaux de la commission des lois, porte une réelle ambition ; sur une série de sujets – métropoles, communes nouvelles, intercommunalités et compétences –, nous réintroduisons dans le texte des éléments qui, malheureusement, avaient quelque peu disparu lors de l’examen en première lecture au Sénat. J’espère que l’Assemblée nationale suivra sa commission des lois. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui |e projet de loi relatif à la réforme des collectivités territoriales. Mon ambition n’est pas de réaliser devant vous un commentaire du texte de même nature que celui que vient de faire excellemment Dominique Perben. Ce projet de loi concerne au premier chef la commission des lois, chargée de l’administration générale de la République. J’ai assisté à la réunion au cours de laquelle elle a examiné le texte. Je sais le remarquable travail qu’elle a entrepris pour le parfaire dans tous ses aspects, notamment dans les domaines particulièrement techniques que recèle le code général des collectivités territoriales.

Je ne suis pas davantage ici, au nom de la commission du développement durable, pour vous présenter un contre-rapport. Ce qui a motivé la décision de notre commission de se saisir pour avis, à l’excellente initiative de son président Christian Jacob, c’est la volonté d’apporter un regard différent sur ce texte, un regard qui entre dans le champ de compétence de notre commission : celui de l’aménagement du territoire. Je me suis conformé à cette orientation et j’ai tâché de concentrer à la fois l’étude et les auditions auxquelles j’ai procédé sur les problématiques territoriales. C’est la raison pour laquelle je ne défendrai devant vous que quelques amendements, ayant laissé le soin à mes collègues de déposer devant la commission compétente à titre principal les amendements touchant spécifiquement au code des collectivités territoriales.

Il y a un peu moins d’un mois, nous avons examiné le projet de loi lors d’une réunion très enrichissante au cours de laquelle les députés des zones rurales et montagnardes, nombreux au sein de notre commission, se sont largement exprimés. Ils ont souligné la nécessité d’appréhender le texte comme l’occasion de donner de nouvelles libertés aux territoires et de mieux prendre en compte leurs spécificités. Je tiens à cette occasion à remercier particulièrement le ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, M. Mercier, qui a consacré plus de deux heures trente à nous expliquer les mécanismes du texte et ses enjeux.

J’en viens maintenant à la présentation des conclusions de mes travaux de rapporteur.

Je suis persuadé que cette réforme, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, est une bonne réforme. Sur les quelque quarante articles que contient le projet de loi, la plupart suscitent une forme de consensus. Je sais que l’Assemblée, et c’est bien son rôle, se penchera davantage sur les points d’achoppement qui demeurent, mais il paraît bon, en prélude à nos cinquante heures de débat, de rappeler ce qui convainc tout le monde. Au cours des auditions préparatoires et des réunions des commissions, je n’ai en effet pas entendu de critique contre l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct à l’occasion des scrutins municipaux. Cette heureuse initiative donnera une plus grande visibilité aux établissements intercommunaux. Nos concitoyens sauront par conséquent mieux les identifier, ce qui est souvent utile pour créer du lien entre les citoyens et leurs collectivités territoriales.

De même, il m’a semblé que les dispositions visant à l’achèvement de l’intercommunalité correspondent à l’attente des élus sur tous les bancs de cet hémicycle. Nous sommes tous conscients des difficultés engendrées par une carte intercommunale inadéquate, dans laquelle persistent des enclaves demeurées étrangères au processus, et qui laisse encore perdurer des structures de trop petite taille. Je suis persuadé que, lorsque les spécificités topographiques et démographiques ne le justifient pas – ce qui est souvent le cas en montagne –, un EPCI de moins de 5 000 habitants n’a pas les capacités requises pour jouer son rôle dans la définition d’une stratégie territoriale prospective. À titre personnel, j’aurais souhaité un seuil démographique supérieur, mais je me suis rangé aux arguments des commissaires, et la commission des lois a fait sienne leur point de vue en intégrant au texte en discussion l’amendement de notre commission allant en ce sens, et je l’en remercie. Ce renforcement des EPCI était nécessaire dans la philosophie qui est celle de cette réforme ; ce qui m’amène à aborder des dispositions moins consensuelles.

L’article 25 du projet de loi abroge la base juridique des pays. D’après les explications apportées par M. Mercier devant la commission du développement durable, cette modification empêchera la création de nouveaux pays, mais ne menacera en rien la poursuite des activités des pays existants. Il est vrai qu’on peut légitimement penser que la possibilité d’agir à travers une structure de projet a été exploitée quand elle présentait un intérêt, et que la suppression de la base légale ne fermera la voie que pour les territoires résolus à ne jamais l’emprunter. En outre, rien ne paraît empêcher la création de nouveaux pays sous forme associative ou à travers un syndicat mixte. Cela dit, une confirmation du ministre en séance sur ce point serait certainement de nature à apaiser les craintes ressenties sur les territoires, dont je reçois quotidiennement témoignage. Je défendrai, dans la même perspective, un amendement proposant une rédaction moins ambiguë que celle issue du Sénat.

M. Jean-Paul Bacquet. IL n’y a qu’à supprimer l’article 25 !

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. Le projet de loi fait émerger deux couples sur les territoires : commune-communauté d’un côté, région-département de l’autre.

Le couple département-région se trouve formalisé par la création du conseiller territorial. Le projet de loi établit le principe de son institution, et j’y souscris d’autant plus pleinement que j’avais moi-même, dès l’automne 2008, porté cette idée à travers une proposition de loi que j’avais co-signée avec Jean-François Mancel, avant que jacques Attali ne propose, dans son rapport, de supprimer les départements. La question du mode de scrutin n’est pas de notre ressort, si ce n’est que nous aimerions nous assurer de la présence de suffisamment d’élus sur les territoires.

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis . Cela préoccupe grandement les membres de notre commission. J’avais bien noté à différentes reprises les engagements pris par les membres du Gouvernement, spécialement par Alain Marleix devant la commission des lois, avec un nombre minimal de quinze conseillers territoriaux par département. Depuis, les choses ont évolué puisque si la parole du secrétaire d’État était déjà de nature à rassurer, aujourd’hui, l’amendement et le tableau qui sont proposés devraient à l’évidence apaiser les inquiétudes de ceux qui pensaient que proximité rimait avec nombre minimum d’élus – auquel cas des départements petits par la population auraient eu à souffrir d’une absence de représentation suffisante.

Face au tandem département-région, il convient de faire exister un tandem commune-intercommunalité capable d’apporter un équilibre territorial dans le respect du principe de proximité. Le texte aborde la question communale en imaginant une nouvelle procédure de regroupement : les communes nouvelles. À son arrivée sur le bureau de l’Assemblée, cette procédure était pratiquement inemployable. Les amendements du rapporteur Dominique Perben, qui partageaient avec les nôtres une même philosophie et que la commission des lois a adoptés, corrigent cet excès de précautions. Nos amendements sont de ce fait devenus sans objet dans la mesure où le problème est désormais résolu : il ne sera plus impossible de créer une commune nouvelle par fusion de communes existantes.

J’en viens à ce que je tiens pour le cœur du texte du point de vue de l’aménagement du territoire, ce qu’il comporte de meilleur et ce qu’il envisage de pire.

Le meilleur, ce sont les pôles métropolitains de l’article 7. Ces réunions d’EPCI autour de projets communs dans leur champ de compétence répondent totalement à une demande locale. Un amendement tentera d’assouplir encore le dispositif pour permettre au plus grand nombre d’en bénéficier.

Ce que le texte envisage de pire, c’est à mon sens les métropoles créées par les articles 5 et suivants. Je suis désolé de le dire aussi publiquement, mais je reste convaincu de ce point de vue que j’ai défendu en commission. Je développerai le moment venu les raisons de mon opposition, qui tiennent à la fois à la cohérence sémantique, à l’équilibre des territoires et à la plus élémentaire logique. Mais je peux d’ores et déjà noter, et M. Mercier ne me contredira pas puisqu’il a assisté à nos travaux, que je n’ai jamais rencontré personne qui se soit déclaré satisfait du seuil retenu de 450 000 habitants. C’est trop pour mailler le territoire, et trop peu pour rayonner à l’échelle continentale. Les demi-mesures ne font jamais une bonne mesure. Je ne vous parle ici, je le rappelle, que de raisons tenant à l’aménagement du territoire ; je ne doute pas que Philippe Vigier, quand il présentera son rapport pour avis au nom de la commission des finances, aura des arguments de même nature ; même si les prémisses en seront budgétaires et financières, il aboutira évidemment aux mêmes conclusions.

Je voudrais enfin, pour conclure et avant de formellement délivrer mon avis, m’inquiéter du faible pouvoir dont la représentation nationale dispose en matière de modification des structures territoriales et de leur périmètre de compétences. L’article 6 bis , introduit par le Sénat, abaisse le seuil de population nécessaire à la constitution d’une communauté urbaine à 450 000. Il ne serait guère cohérent de prévoir deux structures différentes pour des espaces urbains identiques,…

M. Philippe Vigier, rapporteur pour avis de la commission des finances . En effet !

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis . Comme je défends pour les métropoles un seuil élevé, je souhaitais diminuer le seuil des communautés urbaines à 300 000 habitants pour donner de la cohérence à la pyramide institutionnelle, de la cohérence entre des grandes métropoles, des communautés urbaines de taille plus modeste et des pôles métropolitains intermédiaires. La commission des lois a rejeté l’amendement au nom de la recevabilité financière ; je crains qu’il ne le soit également en séance publique. Il ne crée pourtant aucune charge pour les deniers publics. Il ne transfère non plus aucune compétence hors du bloc communal. Le Sénat s’autorise à le faire.

M. Serge Grouard. C’est bien le problème !

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis . Je m’en réjouis pour les sénateurs mais nous, nous nous l’interdisons. Mes chers collègues, nous devons nous poser la question : pourquoi ? Je ne m’étendrai pas davantage sur ce point, à propos duquel je sais que le président Jacob a pris attache avec le président Cahuzac, mais, si mes renseignements sont bons, sans grand succès jusque-là. Comme c’est un homme tenace, il ne lâchera pas, j’en suis convaincu. Je sais que le président Accoyer s’est lui aussi saisi de cette difficulté. Si elle devait perdurer, cela ferait de fait subir une diminutio capitis à notre assemblée par rapport aux pouvoirs des sénateurs.

M. Serge Grouard. Très juste !

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis . Notre capacité de légiférer est au moins équivalente à la leur.

M. Bernard Deflesselles. Et même supérieure !

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis . En effet, mon cher collègue, elle est même légèrement supérieure. La réduire à cause de problèmes de recevabilité revient à la diminuer, et, à mon avis, à violer la Constitution. Il faudra que ce point soit éclairci. Ce n’est pas désobligeant à l’égard des sénateurs, pour lesquels j’ai beaucoup d’amitié.

Il reste quelques corrections à opérer, quelques précisions à apporter et quelques amendements à adopter pour parfaire ce texte. Nous avons l’occasion de démontrer le caractère fondateur des collectivités territoriales en matière d’aménagement du territoire. Notre réforme complètera ainsi la caisse à outils destinée à parfaire une architecture institutionnelle plus diversifiée, qui transforme notre territoire non pas en jardin à la française, mais en jardin moderne du XXI e siècle. Ne gâchons pas cette opportunité. Pour toutes ces raisons, je recommande à notre assemblée, au nom de la commission que j’ai l’honneur de représenter, d’approuver le projet de loi de réforme des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Philippe Vigier, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, la commission des finances a émis un avis sur le projet de loi portant réforme des collectivités territoriales, adopté en première lecture par le Sénat.

Ce n’était ni le projet du Gouvernement ni celui dont vous êtes saisis aujourd’hui, puisqu’il a été substantiellement modifié par la commission des lois saisie au fond.

Je vous présenterai donc la position de la commission des finances sur le texte adopté par le Sénat, avant de vous faire part de mon appréciation – qui ne peut être que personnelle compte tenu de notre règlement – sur le texte adopté par la commission des lois.

Commençons par l’avis de la commission des finances. Celle-ci s’est saisie de trois volets du projet de loi : la création des métropoles, la création de communes nouvelles, l’article 35 annonçant les principes de la future loi portant clarification des compétences.

Reconnaissons-le avec lucidité, la commission a rendu un avis sur un texte auquel le Sénat avait ôté l’essentiel de sa cohérence.

Les métropoles résultent de l’idée simple selon laquelle nos cinq ou six plus grandes agglomérations manquent de souffle, de rayonnement, de compétences, ainsi que des moyens nécessaires pour rivaliser avec leurs homologues européennes que sont Francfort, Barcelone ou Milan.

Ces métropoles devraient aussi nous offrir la chance de mettre fin – comme vous le disiez, monsieur le ministre – à l’hypercentralisme français qui veut que tout se fasse à Paris. Depuis quelques décennies, les très grandes villes de province ont pris une nouvelle dimension sur notre territoire. La création des métropoles devrait permettre de structurer plus étroitement un réseau de très grandes villes, assurant ainsi un maillage plus efficace du territoire.

La commission des finances a estimé que le texte initial du Gouvernement, et plus encore celui adopté par le Sénat, s’éloignaient de cette belle idée en manquant d’ambition.

Loin de créer une nouvelle collectivité territoriale, dont le statut aurait été réservé aux cinq ou six plus grandes agglomérations françaises, le projet du Gouvernement proposait la création d’un nouvel EPCI, accessible à toute agglomération de plus de 450 000 habitants le souhaitant.

Nouvel étage du millefeuille territorial, la métropole ne se distinguerait des communautés urbaines que par une plus forte intégration budgétaire et fiscale – les communes membres ne pouvant plus lever l’impôt – et par la possibilité nouvelle d’obtenir le transfert de certaines compétences de leur département ou de leur région.

Saisi de ce projet, le Sénat a encore banalisé la métropole en l’alignant sur les actuelles communautés urbaines, pour finalement forger un label, une marque et non plus un projet. Du coup, le statut suscite de nombreuses convoitises : avec un tel seuil, environ douze agglomérations pourraient devenir métropoles.

Or il faut en avoir conscience : si une communauté d’agglomération devenait métropole, elle verrait passer sa DGF de 45 euros à 60 euros par habitant. Dans ces conditions, quelle agglomération ne chercherait pas à obtenir le label « métropole » ?

Mme Fabienne Labrette-Ménager. C’est évident !

M. Philippe Vigier, rapporteur pour avis . Messieurs les ministres, la commission des finances a adopté une position claire et unanime contre le maintien ou l’accroissement des effets d’aubaine financière qui ont porté la construction intercommunale et dont nous n’avons plus les moyens actuellement.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Très bien !

M. Philippe Vigier, rapporteur pour avis. Dans la situation actuelle de nos finances publiques, les surcroîts de dotation des futures métropoles ou communautés urbaines seront désormais financées par une moindre péréquation.

Je vous alerte sur ce point, mes chers collègues : pourquoi une agglomération à fort potentiel fiscal toucherait-elle un bonus payé par les communes ou EPCI ruraux à potentiel fiscal faible ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes NC, UMP et SRC.)

M. François Sauvadet. Il a raison !

M. Philippe Vigier, rapporteur pour avis . Ce n’est pas le sens de l’intercommunalité défendu par la commission des finances. Ce n’est pas non plus une vision équilibrée de l’aménagement du territoire.

Sortons de la logique de guichet ! Plutôt que de décerner un label à une douzaine d’agglomérations, renforçons les cinq ou six métropoles actuelles pour en faire les interlocuteurs stratégiques de Milan ou de Francfort.

Ressentie par le Sénat comme un encouragement à la disparition des communes, la création de communes nouvelles a entraîné l’adoption d’amendements qui la rendent très difficile. Cela laisse augurer l’échec des regroupements annoncés, comme ce fut le cas avec la loi Marcellin de 1971.

La commission des finances a donc estimé que certains principes devaient être défendus fermement.

Premièrement, la création de communes nouvelles doit être neutre financièrement. Si la situation de nos finances publiques nous interdit toute incitation financière, la fusion ne doit pas être pénalisante non plus. Je proposerai des amendements en ce sens.

Deuxièmement, leur création doit pouvoir être décidée par les conseils municipaux, représentants légitimes des populations des communes. Quand les élus sont unanimes à défendre un projet, je ne crois pas qu’il soit de bonne politique de les soumettre à la censure de la vox populi. Comme le propose la commission des lois, je m’opposerai à l’obligation d’un référendum si tous les conseils municipaux ont donné leur aval.

Venons-en à la clarification des compétences. L’article 35 du projet posait les principes d’une clarification des compétences entre les départements et les régions et annonçait, dans un délai d’un an, la future loi sur la répartition des compétences entre collectivités.

C’est pourquoi la commission des finances avait souhaité poser le principe d’un encadrement plus strict des cofinancements par une plus grande responsabilisation des maîtres d’ouvrage. Cette idée a d’ailleurs été entendue par le Gouvernement et la commission des lois.

Cependant, compte tenu de certains amendements adoptés en commission des lois, nous sommes passés à un traitement définitif, trop rapide et lacunaire du sujet, même si, dans les domaines de la culture, du patrimoine et du sport, la clause de compétence générale est reconnue à chaque collectivité.

Tout bien considéré, la commission des finances avait décidé de rendre un avis favorable mais constructif à l’adoption du projet de loi tel qu’il lui avait été soumis.

Je voudrais présenter maintenant les points de convergence et de divergence entre la commission de lois et la commission des finances.

S’agissant des points de convergence, la commission des lois a obtenu du Gouvernement un renforcement des compétences transférées aux métropoles, notamment dans le domaine économique, comme je le proposais dans mon rapport. Je m’en réjouis, monsieur le président de la commission des lois !

Je souscris également à l’analyse du rapporteur, Dominique Perben, qui a proposé une solution très équilibrée et proche de celle souhaitée par la commission des finances, s’agissant des conditions de recours à la consultation électorale pour la création des communes nouvelles.

C’est le cas encore pour l’encadrement des cofinancements par la recherche d’une meilleure responsabilisation des maîtres d’ouvrage, sujet sur lequel la commission des lois est parvenue, en écoutant les uns et les autres, à une solution adaptée aux différentes tailles de collectivités.

En matière budgétaire, la commission des lois a suivi l’avis de la commission des finances sur plusieurs aspects techniques, tels que les règles d’indexation de la DGF des métropoles ou des communes nouvelles, ou la marge de manœuvre laissée au Comité des finances locales.

Je constate également que, sur les transferts facultatifs de DGF à un EPCI, les deux commissions partagent une vision permettant la mise en place d’une véritable péréquation et d’une solidarité intercommunale forte.

Mais je dois relever aussi des points de désaccord.

Premièrement, la commission des lois a entériné la vision du Sénat et du Gouvernement sur le seuil de création des futures métropoles, aligné sur celui des communautés urbaines. Que Lille, Lyon et Marseille puissent rester des communautés urbaines tandis que Strasbourg ou Rouen deviendraient des métropoles, est-ce vraiment une vision ambitieuse de ces dernières ? Je vous proposerai donc de relever le seuil de création des métropoles à 600 000 habitants – l’article 40 ne s’y oppose pas – et de rétablir celui des communautés urbaines à 500 000 habitants, afin de réserver le statut de métropole à nos cinq ou six plus grandes villes, tout en évitant les possibles effets d’aubaine financière pour des agglomérations de taille moyenne.

La commission des finances a aussi rejeté l’hypothèse d’un nouveau transfert de taxes communales aux métropoles. À ce jour, le transfert de la taxe professionnelle suffit à financer intégralement les compétences, la réversion atteignant entre 26 % et 98 % de la fiscalité.

Deuxièmement, la commission des lois a réintroduit deux incitations financières à la création de communes nouvelles, l’une permettant – et c’est une bonne chose – la récupération anticipée de la TVA grâce à un alignement favorable du régime du FCTVA des communes nouvelles sur celui applicable aux EPCI,…

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Absolument !

M. Philippe Vigier, rapporteur pour avis . ...l’autre consistant en une dotation exceptionnelle pour encourager les fusions.

Compte tenu de l’état de nos finances publiques et du fait que, concrètement, ces incitations seront financées par un prélèvement sur les sommes consacrées à la péréquation en faveur des autres communes, je vous proposerai un amendement de suppression de la dotation exceptionnelle. Celle-ci me paraît inutile, étant donné le régime de récupération du FCTVA déjà instauré.

Troisièmement, je n’approuve pas la démarche adoptée par le Gouvernement et la commission des lois sur l’article 35 et la clarification des compétences.

Tout d’abord, la méthode consistant à rendre normatif cet article en commission des lois a tout simplement empêché la commission des finances de donner un avis et le Sénat de se prononcer en première lecture. Avouez que c’est un peu étonnant, alors qu’un débat de fond s’impose sur le sujet.

M. François Sauvadet. Il a raison !

M. Philippe Vigier, rapporteur pour avis . Ensuite, et surtout, nous ne pouvons accepter que les nouveaux articles 35, 35  bis et 35  quinquies tiennent lieu, en tout et pour tout, de texte législatif sur la répartition des compétences. Sinon, le débat est clos et nous laisserons passer une nouvelle fois la possibilité de clarifier le rôle de chacune des collectivités territoriales et celui de l’État.

Les élus locaux et nationaux attendent, avec une impatience accrue encore par la réforme fiscale, de savoir comment seront clarifiées ces compétences. Or, c’est le but du projet de loi envisagé puis abandonné que d’apporter visibilité, simplicité, efficacité et moindre coût pour l’exercice des missions de chaque collectivité.

Enfin, s’agissant de l’encadrement des financements croisés, je regrette vivement que la commission des lois ait adopté un amendement visant à interdire le cumul de subventions du département et de la région pour les communes de plus de 3 500 habitants.

En interdisant aux petites communes de cumuler les subventions du département et de la région, la règle posée à l’article 35  ter selon laquelle elles pourraient n’assumer que 20 % de l’investissement semble caduque. En effet, comment une petite commune pourrait-elle faire financer 80 % d’une opération par une seule des deux collectivités départementale et régionale ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

En conclusion, mes chers collègues, la commission des finances avait rendu un avis favorable à l’adoption du projet de loi en navette le 11 mai dernier, mais je ne suis pas certain qu’elle approuverait toutes les dispositions du texte qui vous est soumis aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Christian Jacob, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Madame la présidente, messieurs les ministres, je voudrais saluer à mon tour l’important travail réalisé par notre rapporteur au fond.

M. Bernard Deflesselles et Mme Claude Greff. Et nous ?

M. Christian Jacob, président de la commission du développement durable. Et par nos collègues, bien entendu !

Mais permettez-moi de remercier tout particulièrement Jérôme Bignon, rapporteur pour avis de la commission du développement durable.

Je remercie également M. Michel Mercier, qui est venu devant notre commission présenter le texte et le défendre avec le tempérament qui est le sien. (Sourires.)

Cette réforme des collectivités territoriales vise les structures institutionnelles et les mécanismes juridiques liés aux compétences des différents échelons territoriaux. De ce fait, elle a un impact direct sur l’aménagement du territoire. C’est pourquoi la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a décidé de s’en saisir pour avis. Notre objectif n’était pas d’examiner tous les dispositifs proposés, mais d’évoquer quelques sujets fondamentaux.

Le premier est l’adaptation de la loi à la richesse et à la diversité de nos territoires. L’enjeu de ce projet de loi est de concilier toutes les spécificités locales, et ce n’est pas facile, monsieur le ministre.

L’un des mérites du projet, comme l’a souligné notre rapporteur, est d’établir des mécanismes juridiques – comme ceux relatifs à la fusion, au rapprochement ou au rattachement de collectivités – fondés sur les souhaits des populations et des élus concernés.

Le deuxième débat que nous avons abordé a trait aux couples d’acteurs institutionnels : communes et EPCI d’un côté, départements et régions de l’autre.

L’élément fondamental de cohérence et de rationalisation réside dans l’institution du conseiller territorial, premier pas vers le rapprochement, que nous appelons de nos vœux, entre conseil général et conseil régional.

Certaines questions restent irrésolues, auxquelles le débat permettra d’apporter des réponses. C’est notamment le cas de la représentation des territoires ruraux. Sont concernées non pas seulement les zones de montagne, mais aussi de nombreux territoires ruraux peu peuplés qui méritent d’être représentés correctement. C’est pourquoi la commission du développement durable a estimé nécessaire que l’assemblée du département comprenne un nombre minimum d’élus.

Il conviendra aussi de trouver des solutions imaginatives pour les territoires ruraux situés dans des régions très urbaines, et qui ne doivent pas être les sacrifiés de cette réforme.

Nous nous réjouissons des mesures envisagées pour achever la carte de l’intercommunalité. Là encore, la spécificité des zones peu denses doit être prise en compte. Sont ainsi conciliées la nécessité de rationalisation et celle de préserver certaines communautés à forte identité. Nous serons attentifs à ce que les préfets disposent de prérogatives leur permettant de rationaliser réellement la carte intercommunale. Il y va en effet de l’image de certaines communautés de communes, dont nos concitoyens ne supporteraient pas qu’elles deviennent des entités artificielles incapables d’agir.

En troisième lieu, la commission du développement durable a souhaité apporter des correctifs à l’organisation des pôles urbains, mais, sur ce sujet, elle n’a pas été suivie par la commission des lois.

Je ne reviens pas sur l’article 40, même si je souhaite, madame la présidente, que l’on en débatte à nouveau car il est sujet à interprétation.

Je veux enfin évoquer rapidement un point important, en particulier pour les territoires ruraux. La suppression du statut législatif du pays, prévue à l’article 25, ne remettra pas en cause l’existence des 370 pays actuels, et préservera les contrats en cours jusqu’à leur terme. Rien n’empêchera donc les pays de continuer leurs actions d’aménagement et de développement du territoire ; mais rien n’empêchera non plus, semble-t-il, la création de nouveaux pays sous la forme d’associations ou de syndicats mixtes.

M. Bernard Deflesselles. Eh oui, quelle erreur !

M. Christian Jacob, président de la commission du développement durable. Il serait important, monsieur le ministre, que vous précisiez ce point.

Comme vous le voyez, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, les travaux de notre commission ont visé avant tout à préciser et à adapter le texte qui nous était proposé, même si nous gardons à l’esprit que des sujets aussi importants trouveront aussi leur traduction dans d’autres textes.

Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à soutenir le Gouvernement et à voter ce projet de loi enrichi et amendé par notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Madame la présidente, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, monsieur le secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales, mes chers collègues, j’interviens avec plaisir dans ce débat car je n’oublie pas que, bien avant d’être député, j’ai été élu local, en l’occurrence conseiller municipal de Nantes pour mon premier mandat, puis adjoint au maire et vice-président de la communauté urbaine de Nantes, et ce dans un contexte intéressant, puisque cette communauté urbaine venait d’être créée. Par ailleurs, je suis libre de toute considération liée au cumul des mandats, lequel, on le sait, est parfois un prisme quelque peu déformant dans ce genre de débat.

S’il est un sujet sur lequel vous ne pourrez pas dire, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, que vous vous êtes heurtés, de la part des écologistes, à une opposition pavlovienne et partisane, c’est bien celui de la réforme des collectivités locales.

Pour préparer cette intervention, et en prélude aux débats qui vont sans doute occuper notre assemblée pendant deux semaines, je me suis replongé dans les notes que j’avais prises à l’occasion des travaux du comité Balladur, lequel avait auditionné tous les partis politiques, notamment une délégation des Verts conduite par Cécile Duflot et dont je faisais partie. Nous étions invités à exprimer notre position, ou plus exactement notre vision de l’organisation politico-administrative du pays, et à exposer les réformes que nous appelions de nos vœux.

De l’avis même des membres de la commission, notre contribution fut cohérente et ambitieuse. Je pense que notre collègue Perben, aujourd’hui rapporteur du texte, s’en souvient, puisqu’il faisait partie du comité Balladur. Cette appréciation était d’ailleurs partagée par des membres de toutes obédiences, si je puis dire, issues du monde universitaire comme du monde politique : je pense notamment à Pierre Mauroy ou à André Vallini, tous deux socialistes. Il faut d’ailleurs noter que Pierre Mauroy s’était déjà vu confier la présidence d’un comité de réflexion et de proposition par Lionel Jospin, alors Premier ministre. Je me souviens également que notre collègue sénatrice Marie-Christine Blandin, qui fut présidente Verte de la région Nord-Pas-de-Calais entre 1992 et 1998, en était membre.

Devant le comité Balladur, nous avions, partageant en cela le diagnostic formulé dans de nombreux rapports sur la nécessaire réforme de nos institutions locales, plaidé pour la clarification et la simplification, dans un même mouvement de décentralisation et de démocratisation de nos collectivités locales. J’insiste sur ces deux termes, démocratisation et décentralisation, car ils sont indissociablement liés : la décentralisation ne peut selon nous s’entendre sans démocratisation ; je reviendrai à ce propos sur la question du mode de scrutin.

Notre analyse n’a pas changé depuis le comité Balladur. Les structures territoriales de notre pays sont caractérisées par une superposition d’échelons aux compétences enchevêtrées. Le système est même devenu illisible ; c’est en tout cas, sans aucun doute, le sentiment de nos concitoyens. Le déficit démocratique est patent, et c’est là le principal problème, l’argument du coût relevant plus, à nos yeux, de l’argument populiste anti-élus,…

M. Maurice Leroy. C’est vrai !

M. François de Rugy. …sur lequel tente de s’appuyer le Président de la République pour justifier sa réforme depuis le début. (Protestations sur quelques bancs du groupe UMP.)

Le principal problème est donc bien celui de l’illisibilité du système pour nos concitoyens. Or nous sommes convaincus que la démocratie se nourrit d’abord de transparence. Celle-ci suppose une plus grande clarté dans les compétences de chaque niveau de collectivité : l’enchevêtrement des compétences nourrit la dilution des responsabilités, qui est, elle aussi, une entrave à une bonne démocratie.

M. Michel Piron. Nous sommes d’accord, c’est parfait !

M. François de Rugy. J’en veux pour preuve un dossier que j’ai bien connu lorsque j’étais chargé des transports à la communauté urbaine de Nantes : le projet de tram-train entre Nantes et Châteaubriant, au nord du département de la Loire-Atlantique, projet pour lequel l’absence d’un pilote clair et unique avait engendré de nombreux retards. Mes collègues lyonnais comprendront, je pense, ce dont je parle, puisqu’un projet de tram-train a aussi vu le jour dans l’agglomération de Lyon. S’agit-il, se demandait-on, d’un transport régional, dont relèvent en principe les trains ? D’un transport urbain, comme le sont les tramways, et relevant à ce titre des compétences de la communauté urbaine ?

S’agissant d’un mode de transport hybride, qui de surcroît franchit les frontières de nos collectivités, ces questions de compétences restaient posées. Chacun souhaitait apporter sa contribution, et trouvait de bonnes raisons pour le faire : la région, puisqu’elle a la compétence pour les trains express régionaux ; le département, puisque, en plus de détenir la compétence relative à l’aménagement du territoire – bien pratique lorsque l’on veut outrepasser ses compétences obligatoires –, il est chargé des cars départementaux, dont les services pouvaient être modifiés par le projet de tram-train ; l’agglomération nantaise, représentée par la communauté urbaine, au titre des transports urbains ; la ville de Nantes et toutes les autres communes traversées par la ligne, puisque celle-ci emportait des conséquences sur l’urbanisme de chacune d’entre elles ; l’État, enfin, indirectement par le biais de Réseau ferré de France et de la SNCF, mais aussi directement, en vertu de ses pouvoirs en matière d’autorisation et de sécurité.

On nous a même expliqué qu’il s’agissait d’une voie ferrée nationale, alors que celle-ci était fermée au trafic – non seulement local, mais aussi national – depuis plus de vingt ans. L’intervention de l’État nous a paru d’autant plus bizarre que les travaux devaient être entièrement financés, ou presque, par les collectivités locales, et que le projet concernait, je le répète, des trams-trains, c’est-à-dire un mode de transport de proximité. Mais c’est ainsi : la législation prévoit que de tels projets s’inscrivent dans le réseau ferré national.

Au total, si j’ai bien compté, nous en étions à sept acteurs au moins pour un seul et même projet. Cette expérience m’a d’ailleurs éclairé sur le rôle particulièrement néfaste, je ne crains pas de le dire, de l’État, lequel n’a jamais cessé de nous imposer des contrôles aussi tatillons que changeants, ce qui en accusait le caractère ubuesque. Si l’État n’apporte plus guère de financements, il a encore un pouvoir d’empêchement.

J’avais alors proposé la création d’un syndicat mixte, afin d’assurer un pilotage unique – car je crois à l’unité de commandement – et un financement clair – car je crois au principe : « qui commande paie ». Non, m’a-t-on répondu, cette solution serait trop compliquée car elle ajouterait un échelon supplémentaire, ce qui par ailleurs était vrai. Mais le résultat, ce sont des années de palabres pour définir le projet et l’équilibre financier. Il aura fallu plus de dix ans entre la décision de principe, c’est-à-dire l’accord des parties prenantes et les premières réunions de comité de pilotage – les fameux « copil » : les services, dans les collectivités, n’ont que ce mot à la bouche ! – et la réalisation concrète. Je note d’ailleurs que la réalisation s’est vraiment enclenchée le jour où le président de la région Pays de la Loire a tapé du poing sur la table et affirmé le pilotage du projet par sa collectivité.

Cet exemple est en fait à l’image de milliers d’autres projets, qui font la réalité quotidienne des élus locaux, donc des citoyens. Oui, la multiplication des strates entraîne l’allongement des délais de réalisation, donc, même si c’est à la marge, des coûts de coordination plus élevés.

Trop souvent, les affaires publiques ne sont pas gérées à la bonne échelle. Oui, nos concitoyens sont souvent perdus dans l’interpénétration des compétences des différents échelons territoriaux, confusion qui est une source de désintérêt, et finalement d’abstention lors des consultations électorales.

Reconnaissons, mes chers collègues, que le système incite à cette dispersion et à cette dilution des responsabilités. Combien de fois les élus locaux n’incitent-ils pas eux-mêmes certaines associations à frapper à la porte d’autres collectivités pour boucler le budget de tel ou tel projet ? Si une telle démarche peut donner l’illusion à ces associations – ou d’ailleurs aux collectivités elles-mêmes – qu’elles disposeront de plus de moyens, celles-ci connaissent aussi le coût du temps perdu dans cette véritable chasse aux subventions. Les collectivités n’ont pas plus de moyens pour autant, puisque la dispersion de leurs interventions coûte finalement aussi cher, quand elle ne sert pas de prétexte à certains élus pour se défausser de leur responsabilité sur d’autres collectivités – nous en avons tous, malheureusement, des exemples en tête.

Les trente dernières années ont été marquées par des réformes essentielles. Il faut d’ailleurs souligner, chers collègues de la majorité, qu’elles sont toutes issues de majorités de gauche. En France, c’est la gauche qui est porteuse de la tradition girondine et décentralisatrice de notre République, tandis que la droite – nous en avons encore malheureusement la preuve depuis trois ans – perpétue la tradition jacobine et centralisatrice, et même, aujourd’hui, « recentralisatrice ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Voilà qui n’est pas caricatural !

M. François de Rugy. Quand j’entends M. le ministre de l’intérieur dire qu’il faut faire confiance aux élus locaux, je ne puis que l’approuver, mais pour mieux dénoncer sa propension à stigmatiser, depuis plusieurs années et de façon continue, l’action des élus locaux. Le même Brice Hortefeux, alors secrétaire d’État aux collectivités locales, dénonçait ainsi, lors de la remise des prix du magazine Ville et transports , les projets de transports en commun, au motif qu’ils sont, disait-il, « les danseuses des élus » et qu’ils ne laissent d’autre souvenir que l’augmentation des impôts locaux.

Plus près de nous, Éric Woerth, alors ministre des comptes publics – il faudrait plutôt dire : de la dérive des comptes publics –,…

M. Patrick Roy. Des déficits publics !

M. François de Rugy. …dénonçait, en 2007, ce qu’il qualifiait de dérive des comptes des collectivités locales et de mauvaise gestion, par les élus, des budgets communaux, départementaux ou régionaux. C’est un comble, lorsque l’on voit la dégradation continue des comptes de l’État depuis trois ans, dont les élus locaux ne sont nullement responsables ! Comme l’ensemble de nos concitoyens, ils en subissent, au contraire, les conséquences négatives.

Le Grand Paris est un exemple encore plus récent d’une véritable reprise en main par l’État. La création d’une « Société du Grand Paris » l’illustre à merveille. Comment mieux dire que l’on écarte, au profit de gens nommés, les responsables démocratiquement élus qui, eux, rendent des comptes au peuple à intervalles réguliers ?

La gauche, elle, ne s’est pas contentée de paroles ; par des actes forts, elle a profondément modifié le fonctionnement politico-administratif de la France, plus profondément que par n’importe quelle réforme de l’État qui aurait pu être conduite pendant ces mêmes trente dernières années. La vraie réforme de l’État, c’est la décentralisation. Telle est du moins notre conviction d’écologistes.

C’est à la gauche que l’on doit le premier acte de la décentralisation en 1982 avec les lois Mauroy-Defferre.

M. Patrick Roy. Bravo !

M. François de Rugy. Ce mouvement inégalé de décentralisation, qui a vu la transformation des régions en véritables collectivités locales et le transfert – sans équivalent depuis lors – de compétences de l’État, n’a pas été inspiré par des considérations bassement politiciennes ou électoralistes puisque, lors des élections de 1986 qui ont suivi, comme, ensuite, lors du scrutin de 1992, vingt des vingt-deux régions métropolitaines ont été remportées par la droite, et que près des trois quarts des conseils généraux ont également été dirigés par la droite à la suite de cette réforme.

C’est encore la gauche qui a accompli le deuxième acte fort de la décentralisation, avec la loi sur l’intercommunalité, plus récente puisqu’elle date du début des années 2000.

M. Patrick Roy. Bravo !

M. François de Rugy. Notons au passage que la gauche a agi, en la matière, de façon particulièrement « plurielle », puisque ce sont Jean-Pierre Chevènement et Dominique Voynet qui ont défendu ce projet de loi au nom du Gouvernement.

Notons surtout que ce fut l’une des rares lois de la législature 1997-2002 à être adoptée à la suite d’un compromis en commission mixte paritaire, c’est-à-dire d’un compromis entre gauche et droite.

M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. Tout à fait !

M. François de Rugy. Vous feriez bien, mes chers collègues de la majorité, de vous en souvenir lorsque vous voulez réformer les collectivités locales !

Cette loi a véritablement bouleversé l’organisation locale en accélérant l’intégration intercommunale. Les bienfaits résultant de la mise en commun des moyens et des compétences qu’elle a permise ont eu raison de la plupart des nombreuses peurs agitées par les élus de l’opposition de l’époque et par un certain nombre de maires qui craignaient de perdre leurs compétences et leurs prérogatives. Soulignons aussi les bouleversements intervenus dans l’organisation des services des collectivités puisque, en quelques mois, des dizaines de milliers de fonctionnaires ont changé d’employeur sans que cela pose de problèmes insurmontables. Cela montre une fois de plus que, quand on décentralise en faisant vraiment confiance, au plus près du terrain, aux élus du peuple, aux élus locaux, les réformes, même de grande ampleur, se passent bien. On ne peut en dire autant de beaucoup de celles menées ces dernières années par le Gouvernement et la majorité de droite.

M. Patrick Roy. Hélas !

M. François de Rugy. Il faut aussi noter que le développement de l’intercommunalité se fait en général sur le fondement du principe des compétences propres. Autrement dit, lorsque des communes ont transféré une compétence à la structure intercommunale, elles cessent totalement de s’en occuper, ce qui évite l’enchevêtrement et l’illisibilité. Voilà qui apporte un clair démenti à l’idée, malheureusement reprise tout à l’heure par le rapporteur Dominique Perben, selon laquelle la décentralisation entraînerait toujours empilement et doublons. Regardez les transports, la voirie, l’eau, l’assainissement, la collecte et le traitement des déchets : les communes n’exercent plus de compétences en ces matières dès lors qu’elles ont été transférées aux structures intercommunales. Ainsi l’organisation des services est-elle claire pour nos concitoyens.

Il est clair aussi que, du point de vue institutionnel, nous n’avons pas encore tiré toutes les conséquences de ces deux grands mouvements de décentralisation : l’avènement de la région, collectivité que plus personne ne conteste ; celui de l’intercommunalité, que plus personne ne conteste non plus.

C’est pourquoi nous nous sommes réjouis de la volonté du Gouvernement – du moins, de sa volonté annoncée – de procéder à une réforme globale, et que nous avons avancé, avec d’autres, l’idée d’un troisième acte de la décentralisation, fondé sur ce que je pourrais appeler deux couples dans une organisation institutionnelle aux niveaux clarifiés :…

M. Michel Piron. Très bien !

M. François de Rugy. …communes et intercommunalités, d’une part ; régions et départements, d’autre part.

M. Michel Piron. Admirable !

M. François de Rugy. La perspective serait d’affirmer et de renforcer clairement les rôles et les compétences, d’une part, des communautés de communes, et, d’autre part, des régions.

M. Michel Piron. Je ne pourrais mieux dire !

M. François de Rugy. Lorsque le rapport du comité Balladur a été remis, c’est ce même esprit de coopération que nous avions adopté. Parce que nous entendions faire de cette question un sujet qui échappe à toute politique partisane, nous avions même reçu, au siège des Verts, Édouard Balladur, puis, à notre université d’été de l’année 2009, André Vallini, membre du comité, afin de débattre des propositions et conclusions du rapport.

Bien entendu, nous ne souscrivions pas à toutes –elles étaient contestables sur de nombreux points, ou restaient à nos yeux trop timorées –, mais nous ne pouvions que nous féliciter de voir certains points clarifiés, notamment par la création des métropoles, et le rôle de la région renforcé.

L’organisation du « Grand Paris » par la fusion des départements qui forment le coeur de l’agglomération parisienne – Paris, la Seine-Saint-Denis, les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne – était également une proposition intéressante. Cette fusion aurait enfin permis une mise en commun des moyens financiers si disproportionnés entre les départements riches que sont Paris et les Hauts-de-Seine, d’une part, et les départements moins bien dotés que sont la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne, d’autre part. Les habitants et élus de ces départements ne peuvent nullement être tenus pour responsables de ces inégalités.

M. Gérard Gaudron. Merci !

M. François de Rugy. Ce ne sont effectivement pas les habitants ou les élus de la Seine-Saint-Denis qui sont responsables des choix de l’État qui, depuis des décennies, ont conduit à la concentration des sièges sociaux des grandes entreprises dans les Hauts-de-Seine.

Ces inégalités, il faut se donner les moyens de les corriger. Or non seulement cette proposition été abandonnée mais, en outre, a émergé entre-temps une sorte de monstre technocratique piloté par l’État, que vous avez appelé « Société du Grand Paris ».

Bref, à la lecture des conclusions du comité Balladur, nous étions décidés à ne pas faire la fine bouche, à saisir toute avancée et à participer pleinement, dans un esprit constructif, aux débats autour du futur projet de loi.

Soyons clairs. Maintenant que l’Assemblée nationale est saisie du texte, nous avons le sentiment de nous être fait duper.

S’il n’allait pas jusqu’au bout de la suppression de couches du millefeuille territorial, au moins le rapport Balladur désignait-il en filigrane l’un de nos objectifs : transformer le département en un échelon de proximité à l’intérieur des régions, pour développer ces dernières – transformation qui serait aussi, j’y reviendrai, un gage de solidarité territoriale – et renforcer l’intercommunalité.

Force est de constater que le texte qui nous est soumis efface, quand il ne les nie pas, les avancées des travaux du comité Balladur.

Les réformes proposées ne règlent en rien la problématique du millefeuille. Elles l’aggravent au contraire avec les métropoles, puisque celles-ci ne se substituent pas à l’existant. Les conseils d’intercommunalité continueront, pour leur part, d’être élus au second degré, les citoyens demeurant dans l’incapacité d’en déterminer la majorité, et donc de choisir la politique menée par ces structures.

Plus grave, l’absence d’élection au suffrage universel direct de liste pour les communautés de communes, les communautés d’agglomération et les communautés urbaines empêche la tenue, tous les six ans, d’un véritable débat commun à tous les habitants d’une agglomération ou d’un pays, autrement dit commun à tous les habitants d’un bassin de vie, sur le projet qu’ils souhaitent voir mis en œuvre sur leur territoire. Ce débat reste confisqué par ceux des élus municipaux qui seront délégués dans les établissements publics de coopération intercommunale, et seulement ceux-ci. Reconnaissons que ces débats si importants pour la démocratie et l’avenir de nos territoires sur les choix politiques, puisque les compétences intercommunales et les budgets des intercommunalités sont de plus en plus substantiels, se perdent trop souvent dans les négociations entre les maires des communes de ces intercommunalités.

De même, le télescopage avec la réforme de la taxe professionnelle est dévastateur, et consacre un recul sur la voie de la clarification et de la simplification au niveau intercommunal. En effet, la loi Chevènement-Voynet avait permis d’accélérer le développement de la taxe professionnelle unique. C’était un vrai pas sur la voie de ce que nous appelons la « caisse commune ». Pour mettre fin aux égoïsmes et aux concurrences stériles, pour faire progresser une vraie solidarité territoriale, le fait qu’une taxe, jusqu’alors perçue par les communes, lesquelles appliquent naturellement des taux différents, soit, grâce à l’intercommunalité, perçue par une seule collectivité correspondant au bassin de vie, selon un taux unique, était un progrès.

Cela permettait en effet une plus grande efficacité économique, une plus grande lisibilité pour les acteurs économiques – les entreprises désireuses de s’implanter sur un territoire ou d’y développer leurs activités –, mais aussi une plus grande solidarité territoriale. Nous savons tous que les personnes qui travaillent dans une commune ne sont pas forcément celles qui y résident, et vice versa . La vie quotidienne ne se borne pas aux limites communales – dont on a parfois l’impression qu’elles sont des frontières. Nos concitoyens et les acteurs économiques ne vivent plus comme cela. Il était bon que nos institutions locales en tiennent compte dans leur organisation. Il serait bon d’en tenir encore davantage compte demain.

Nous écologistes, pensons qu’il serait logique de mener à son terme ce raisonnement à la fois pragmatique et solidaire en réalisant également la mise en commun des impôts payés par les ménages, autrement dit les taxes foncières et d’habitation, à l’échelle d’une intercommunalité. On ne peut pas continuer à dénoncer régulièrement l’existence de poches de pauvreté dans notre pays, à dénoncer même ce que certains appellent des ghettos de pauvres et des ghettos de riches, et refuser cette évolution, seule à même de sortir concrètement de cet égoïsme.

Faisons preuve, mes chers collègues, mesdames et messieurs du Gouvernement, de lucidité et ayons le courage d’entendre l’appel d’élus de banlieue récemment initié par Claude Dilain, maire de Clichy-sous-Bois en Seine-Saint-Denis. Il sait de quoi il parle, puisque c’est de sa commune que sont parties les émeutes de novembre 2005.

La mise en commun des moyens entre communes riches et communes pauvres d’un même bassin de vie ferait beaucoup plus pour la solidarité urbaine et le règlement concret des problèmes dits de banlieue qu’un énième, et bien mal nommé, plan « Espoir banlieues ».

Nous, écologistes, défendions trois principes simples.

Le premier était la généralisation de l’intercommunalité d’ici 2012, c’est-à-dire le fait que plus aucune commune ne puisse être en dehors de toute intercommunalité.

Le deuxième était le transfert de davantage de compétences des communes vers les intercommunalités. Nous proposions que les communautés de communes soient dorénavant dotées des mêmes compétences que les communautés d’agglomération, que les communautés d’agglomération soient dotées des mêmes compétences que les communautés urbaines, que les métropoles nouvellement créées héritent de nouvelles compétences.

Nous ne pouvons, sur ce point, que déplorer que vous soyez restés au milieu du gué et que vous n’ayez pas voulu mener à son terme la logique selon laquelle les métropoles auraient également eu, sur leur territoire, les compétences des départements et les ressources afférentes.

Le troisième principe était un nouveau partage de compétences, donc la définition d’un nouveau rôle pour les communes. Nous ne sommes pas pour la suppression des communes, et nous croyons à la commune comme cellule de base de la démocratie locale. Nous croyons en l’importance et en l’utilité des élus municipaux, qui jouent un rôle de médiateur entre les citoyens et les autres collectivités.

Naturellement, la logique de ces nouveaux transferts de compétences vers les structures intercommunales, qui seraient devenues des collectivités de plein droit, de plein exercice, aurait abouti à l’élection des élus intercommunaux au suffrage universel direct.

Pour ce qui est des régions, la perspective de l’abandon de la clause de compétence générale, qui, seule, donne une vraie perspective au rôle et au dynamisme des régions,…

M. Philippe Vigier, rapporteur pour avis . Hors sujet !

M. François de Rugy. …menace un échelon pourtant reconnu comme le plus efficace et le plus dynamique de la vie politique française. Il marque un coup d’arrêt à son avènement de collectivité leader de la décentralisation, alors même que nous savons que seules les régions ont la taille nécessaire pour exercer vraiment des compétences transférées par l’État, donc pour permettre une véritable décentralisation.

Alors que l’on pouvait espérer une articulation faisant des département des échelons de proximité de l’action régionale, c’est l’inverse qui nous est proposé : les futurs conseils régionaux ne seraient plus qu’une simple addition des conseils généraux. Telle est la réalité, telle est la conséquence directe du mode de scrutin cantonal que vous avez choisi, qui achève d’affaiblir la région en la cantonalisant.

M. Bernard Roman. Eh oui !

M. François de Rugy. Une fois encore, on prive nos concitoyens du vrai débat régional qui a commencé à s’instaurer depuis que les élus régionaux sont élus à l’échelon régional et non plus départemental. L’avenir d’une région ne sera plus vu que par le prisme de l’avenir d’un canton, ce qui est tout à fait dommageable pour l’intérêt régional.

Ce qui renforcerait vraiment les régions, c’est un regroupement des régions et des départements avec un partage des compétences actuelles des départements entre les régions, auxquelles échoiraient toutes les compétences d’aménagement du territoire, d’aménagement et de développement économiques, d’investissement et d’équipement, et les intercommunalités qui, elles, pourraient exercer tout à fait correctement les compétences sociales, avec une plus grande proximité que les conseils généraux.

Évidemment, cela pourrait se faire par étapes, et même de façon différente sur le territoire selon le degré de volonté manifesté par les collectivités. C’est ce que nous appelons pour notre part – mais je ne lancerai pas un débat sur ce point – le fédéralisme différencié, la décentralisation par le bas, en fonction des choix de la population et des élus.

Bref, ce projet de loi ne clarifie rien : il entretient la confusion. Il ne simplifie rien, puisqu’il prétend préserver tous les échelons territoriaux, en organisant de surcroît l’appauvrissement financier de chacun d’eux. Il ne démocratise rien, puisque le mode de scrutin qui nous est proposé est l’un des plus injustes, l’un des moins favorables à la parité et l’un des moins susceptibles de permettre l’expression des petits partis, quels qu’ils soient.

S’agissant des inconvénients du système proposé, je m’arrêterai quelques instants sur le mode de scrutin pour l’élection du conseiller territorial. Nous constatons un double recul, par rapport à la situation existante et par rapport au texte initial du Gouvernement amendé par le Sénat.

C’est un recul de la démocratie, car nos concitoyens n’auront plus l’occasion de s’exprimer sur l’avenir de leur région, ensemble, avec un vrai projet régional, du fait de la cantonalisation.

C’est aussi un recul de la diversité politique et sociale. Reconnaissons-le, le scrutin majoritaire est en général beaucoup moins diversifié dans ses résultats que le scrutin de liste.

Enfin, c’est un recul de la parité. Nous en avons débattu la semaine dernière, à l’occasion d’une proposition de loi de nos collègues socialistes. Lorsqu’il y aura un mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours dans les cantons, nous ne pourrons plus assurer la parité,…

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Pourquoi ?

M. François de Rugy. …alors que la démocratie, la diversité politique et sociale et la parité sont assurées par le mode de scrutin actuellement en vigueur pour les élections régionales. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, laissez M. de Rugy s’exprimer !

M. François de Rugy. Pour les élections régionales, ce mode de scrutin n’est d’ailleurs pas une nouveauté ; il existait déjà pour les élections municipales.

Enfin, et c’est la cerise sur le gâteau, il s’agit d’un recul en matière de non-cumul des mandats, puisqu’il y aura dorénavant un cumul automatique : le conseiller territorial sera à la fois conseiller général et conseiller régional. On en revient même – c’est un deuxième recul – au possible cumul de trois mandats. En effet, un élu ayant déjà un autre mandat – je ne crois pas que vous ayez prévu de l’interdire –, que ce soit un mandat de parlementaire, de maire, d’adjoint au maire, de vice-président ou de président d’une intercommunalité, aura en plus, automatiquement, deux mandats, peut-être même deux mandats exécutifs ! Un maire parlementaire pourra ainsi être à la fois vice-président d’un conseil général et vice-président d’un conseil régional, ce qui est aujourd’hui impossible. Même chose pour un maire ou un adjoint au maire.

Nous proposons pour notre part un mode de scrutin unique, bien connu et apprécié des Français, vous ne pouvez pas dire le contraire : celui des régionales, qui est aussi, depuis le début des années quatre-vingt, le mode de scrutin des municipales. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Qui propose de remettre en cause le mode de scrutin des municipales ? J’aimerais le savoir ! Pourtant, pour ce qui est de la proximité, on pourrait aussi parler dans les grandes villes – pourquoi pas ? – d’un mode de scrutin par quartier. Personne ne le propose, car on sait très bien que la démocratie, c’est le mode de scrutin actuellement existant pour les municipales et les régionales.

Je rappelle que ce mode de scrutin est transparent. Lorsque les gens votent, ils savent que leur vote ne sera pas déformé lors des résultats. Ils savent quelles seront les alliances !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Ils savent que ce sera un apparatchik !

M. François de Rugy. Il n’en va pas forcément de même avec un mode de scrutin proportionnel ou avec un mode de scrutin majoritaire. Nous venons de voir à cet égard ce qui s’est passé en Grande-Bretagne. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous proposons un mode de scrutin qui respecte la diversité politique, la parité et la capacité à dégager une majorité stable. Vous ne pouvez pas non plus dire le contraire.

Nous sommes prêts à faire de nombreuses propositions par voie d’amendement, si toutefois vous voulez trouver des positions de compromis, comme, par exemple, un mode de scrutin mixte : uninominal majoritaire à un tour et proportionnel de liste à un tour – ce qui était d’ailleurs votre proposition initiale.

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Vous n’en avez pas voulu, à gauche !

M. François de Rugy. Je sais que nos collègues du Sénat, notamment un sénateur centriste, proposent, comme nous le faisons depuis des années, que chaque électeur, chaque citoyen ait deux voix pour voter selon ces deux modes de scrutin.

Monsieur Marleix, je vous ai entendu dire tout à l’heure qu’un mode de scrutin proportionnel à deux tours, cela n’existait pas. Si, c’est ce qui existe pour les élections régionales ! Il est tout à fait possible d’envisager un mode de scrutin mixte, pour moitié majoritaire uninominal et pour moitié proportionnel de liste à deux tours. Nous avons de nombreux amendements, et il ne tient qu’à vous de les accepter.

Avant d’entrer dans le détail des discussions, il nous faut donc juger si le débat en vaut la peine et si les conditions sont remplies pour que notre assemblée établisse enfin, dans la nécessaire recherche du consensus le plus large sur un tel sujet, un nouvel équilibre des pouvoirs locaux.

Vous nous présentez un texte de circonstance dont la seule véritable visée est électoraliste. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Roy. Eh oui !

M. François de Rugy. Il n’y a jamais de hasard : c’est dans la foulée d’une élection régionale qui lui a été particulièrement défavorable que le Gouvernement a inséré dans ce projet de loi, par amendement, en commission des lois de l’Assemblée nationale – et après la discussion au Sénat qui avait abouti à une autre conclusion –, une définition complètement bouleversée du mode d’élection des conseillers territoriaux.

Ce changement de pied consiste in fine à faire avaler la potion amère en une seule prise : l’abandon de l’ambition réformatrice en matière de répartition des responsabilités entre les collectivités est la première cuillerée, le mode de scrutin injuste est la deuxième. De ce remède de Diafoirus, nous ne voulons pas ! Notre assemblée n’est pas une simple chambre d’enregistrement destinée à ratifier sans coup férir les mauvais coups du Gouvernement. J’invite d’ailleurs nos collègues du groupe Nouveau Centre à continuer de résister avec nous à ce mode de scrutin, comme ils l’ont fait en commission des lois.

Mme Laurence Dumont. Les preuves de courage du Nouveau Centre sont rares !

M. François de Rugy. Ce texte, par la seule volonté du Gouvernement, a été dénaturé par l’introduction d’un mode de scrutin improvisé dans l’urgence, au point, monsieur le secrétaire d’État, que vous n’étiez même pas capable de nous présenter en commission le tableau des effectifs des conseillers généraux département par département ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez proposé, ce qui a été rejeté à l’unanimité de la commission, tous groupes confondus, la procédure que vous souhaitiez introduire : une réforme du mode de scrutin par ordonnance, le découpage par ordonnance et sans consultation des conseillers généraux, pourtant les premiers concernés. Je ne parle même pas des conseils régionaux, car pour vous ils n’existent plus. On connaissait les cavaliers budgétaires, on a là un cavalier institutionnel !

Voilà pourquoi nous nous associerons tout à l’heure à la demande de renvoi en commission, qui sera défendue par Bernard Derosier au nom du groupe socialiste si notre motion de rejet préalable n’était pas adoptée. C’est pourquoi je vous invite maintenant à voter celle-ci, au nom d’un vrai débat sur la décentralisation et la réorganisation politico-administrative de la France, qui ne saurait se réduire à une manipulation électorale mal dissimulée derrière un nouveau fouillis législatif ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la présidente, mes chers collègues, j’ai écouté la motion de rejet préalable défendue par François de Rugy. Aux termes de l’article 91 de notre règlement, la motion de rejet vise à faire reconnaître que le projet de loi présenté est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles. Or je n’ai entendu aucun argument de cet ordre.

M. Patrick Roy. Vous avez mal écouté ! (« Faites-le taire ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Je vous remercie de bien vouloir écouter M. le président de la commission des lois ! Lui seul a la parole.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. La motion de rejet vise également à décider qu’il n’y a pas lieu de délibérer. J’ai écouté tous les arguments de notre collègue de Rugy. Il nous a dit que, sur certains points, nous n’allions pas assez loin, qu’il fallait être plus dynamiques, plus offensifs. Je vous propose de suivre ses conseils et de rejeter sa motion afin de passer à l’examen du texte. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Michel Piron. Je suis un peu étonné par l’argumentaire de M. de Rugy.

J’estime sincèrement qu’il a posé de nombreuses et excellentes questions. Il a donné ce faisant, à travers ces questions qui sont aussi les nôtres, toutes les bonnes raisons d’entamer la discussion parlementaire.

Monsieur de Rugy, vous récusez l’élection fléchée des délégués intercommunaux et vous demandez leur élection au suffrage direct. Si nous proposons une élection fléchée, c’est parce qu’elle préserve un certain équilibre dans la relation entre communes et communautés. Reconnaissez tout de même que l’élection fléchée des délégués intercommunaux par périmètre communal est un progrès majeur, pour une raison simple. Pour la première fois, avec ce type d’élection, nous allons introduire le débat intercommunal et les enjeux intercommunaux dans les débats électoraux des municipales. Ce n’est pas un mince progrès, me semble-t-il, en termes de démocratie locale !

M. François de Rugy. Cela ne change rien !

M. Michel Piron. On peut toujours viser le mieux au lieu du bien, mais il me semble que ce progrès méritait d’être salué.

Vous évoquez les compétences accrues des communautés par rapport aux communes et vous en demandez davantage. Je peux le concevoir, mais je vous fais observer que le texte permet précisément aux communautés, quel que soit leur statut – c’est vrai des métropoles comme des communautés de communes –, d’avoir des compétences élargies, en facilitant notamment la définition de l’intérêt communautaire. Là encore, pourquoi ne pas reconnaître simplement que des progrès notables sont générés par le texte ?

Quant à la relation entre régions et départements, vous faites déjà le pari que, dans ce rapprochement permis par les conseillers territoriaux, on assistera automatiquement à la cantonalisation des régions. Permettez-moi de vous dire que c’est une question de perspective : on peut parfaitement renverser celle-ci et considérer que les conseillers territoriaux, siégeant dans les deux assemblées, auront pour principal souci de régionaliser les politiques cantonales ou départementales. Je le dis clairement, ce sont les conseillers territoriaux qui détiendront la clé d’un choix majeur. Mais pourquoi refuser aux élus de demain un minimum de confiance ?

En outre, vous habillez cela de deux arguments dont nous aurons à discuter à nouveau : parité et cumul. Ce sont de vraies questions, mais particulièrement mal posées.

S’agissant de la parité, depuis quand un scrutin uninominal interdit-il à qui que ce soit de se présenter, homme ou femme ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je rappellerai l’un des fondements de la démocratie, par le biais d’un très bel adjectif qui mérite selon moi d’être évoqué, car je ne l’ai pas entendu : le suffrage est « universel ». Cela veut dire que lorsqu’une femme est élue, elle me représente aussi bien que je peux, en tant qu’homme, représenter les femmes. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Le suffrage est universel : c’est un fondement absolu de la démocratie, une conquête qui a demandé des siècles. J’aimerais que l’on rappelle les fondamentaux de la démocratie avant de s’embarquer dans des explications pour poser le problème d’une façon qui ne convient pas !

M. François de Rugy. C’est de la dialectique pure !

M. Michel Piron. Je répète que, justement au nom de cette universalité du suffrage, le scrutin uninominal majoritaire à deux tours ne nie en rien la possibilité de la parité, qui est d’abord le droit de se présenter, pour les hommes comme pour les femmes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme Laurence Dumont. C’est de la malhonnêteté intellectuelle !

M. Michel Piron. La deuxième question qui ne me semble pas non plus très bien posée est celle du cumul. Il s’agit d’un vrai problème, mais je vous invite à vous poser deux questions. Pourquoi le cumul est-il beaucoup plus pratiqué en France que dans les pays voisins ? C’est du fait de la loi, me répondrez-vous. Mais pourquoi la loi, en France, suscite-t-elle de tels cumuls ? Compte tenu de ce que je vous ai entendu dire, monsieur de Rugy, nous pourrions peut-être tomber d’accord sur le diagnostic. Aussi vous demandé-je de réfléchir à ceci : en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Écosse, ce sont les régions qui fixent les trois quarts des règles du jeu. En France, par contre, la quasi-totalité du champ réglementaire dépend de l’État. À partir de là, inévitablement, tous les maires de villes importantes le savent : s’ils veulent peser sur les règles du jeu, qu’ils ne peuvent pas définir territorialement, ils sont amenés à cumuler un mandat local et un mandat national.

Ce n’est donc pas en modifiant simplement les règles d’élection que vous résoudrez le problème du cumul : c’est en posant à nouveau la question de la centralisation ou de la décentralisation. Je me permets simplement de le souligner.

M. François de Rugy. Justement, vous recentralisez !

M. Michel Piron. Enfin, je vous ai entendu parler d’amendements que vous souhaitiez voir examinés.

Pour toutes ces raisons, parce que vos questions du début me paraissaient excellentes et parce que vos amendements méritent très certainement d’être discutés, je ne vois pas comment nous pourrions ne pas entamer dès maintenant la discussion, et j’invite donc l’Assemblée à rejeter votre motion de procédure. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Roman, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Bernard Roman. Mes chers collègues, vous ne serez pas surpris si je vous dis que le groupe socialiste votera la motion de rejet préalable présentée par M. de Rugy. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Et, puisque les commentaires que nous faisons dans le cadre d’une motion de rejet préalable visent aussi, comme l’a rappelé le président de la commission des lois, à souligner les éléments dont nous pensons qu’ils sont contestables d’un point de vue constitutionnel, y compris pour l’analyse qu’en fera le Conseil constitutionnel, je veux simplement relever, après que M. de Rugy l’a fait, quatre points qui me semblent hautement contestables.

Le premier tient à la forme. Les ministres se sont exprimés et ont fait état d’une répartition des conseillers territoriaux, région par région, département par département. Elle a été communiquée à quelques-uns d’entre nous seulement.

M. Philippe Vuilque. Eh oui !

M. Bernard Roman. J’aimerais que l’ensemble de l’Assemblée connaisse cette répartition, au moment où l’on propose de voter ce type de motion.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Très bien !

M. Bernard Roman. Or, vous ne l’avez pas, chers collègues de l’UMP. Vous vous apprêtez à repousser la motion de rejet sans même savoir combien il y aura, dans votre département, dans votre circonscription, dans votre région, de conseillers territoriaux. (« Mais si ! » sur les bancs du groupe UMP, dont plusieurs membres brandissent des feuilles de papier.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, laissez M. Roman s’exprimer.

M. Bernard Roman. Je suis d’ailleurs heureux d’avoir fourni des photocopies à ceux qui me l’ont demandé…

Mais reconnaissez que, du point de vue de la forme, il est un peu gênant que nous ayons découvert la semaine dernière, en commission des lois, un amendement du Gouvernement fixant le mode de scrutin, qui ne devait pas figurer dans le projet ! Et, comble du comble, à quatorze heures trente, nous avons eu connaissance, lors de la réunion tenue au titre de l’article 88, un second amendement du même Gouvernement – il n’a pas changé depuis huit jours – qui nous propose une répartition des sièges région par région, département par département.

M. Christian Eckert. Eh oui !

M. Olivier Dussopt. Scandaleux !

M. Bernard Roman. En termes de respect du Parlement, j’avoue qu’on fait mieux !

M. Yves Bur. Les choses se passent dans la clarté !

M. Bernard Roman. Cette forme de mépris des parlementaires et de leur travail mérite largement la saisie du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. François de Rugy. Très bien !

M. Bernard Roman. Deuxièmement, il nous semble que, contrairement à ce que M. Hortefeux a indiqué tout à l’heure, la France n’est plus tout à fait une République décentralisée dans laquelle toutes les collectivités disposeraient de leur autonomie fiscale. M. de Rugy a donné des exemples. Je n’en prendrai qu’un seul : les conseils régionaux, qui sont en train de préparer leur cadrage budgétaire pour l’année prochaine, ont une marge fiscale inférieure à 10 % de leurs recettes.

M. Alain Cacheux. C’est clair !

M. Bernard Roman. Quand on prétend vivre dans une République décentralisée, comme le dit la Constitution, avec une autonomie fiscale préservée, on ne peut pas supprimer tous les leviers fiscaux des conseils régionaux pour ne leur laisser que moins de 10 % d’autonomie fiscale. Ce n’est pas constitutionnel. Sur ce point aussi, nous saisirons le Conseil constitutionnel.

M. Philippe Vitel. C’est une explication de vote, madame la présidente, ou on refait la motion ?

M. Bernard Roman. Troisièmement, nous saisirons le Conseil constitutionnel sur l’atteinte au principe d’égalité que représente le mode de scrutin que vous proposez et que nous aurons l’occasion de développer dans le cadre du débat : des régions de 4 millions d’habitants ont 130 conseillers territoriaux, tout comme d’autres régions qui ont quatre fois moins d’habitants. Il faudra m’expliquer comment le Gouvernement prétend défendre un concept d’égalité en s’appuyant sur ce type de ratio.

Enfin, je suis très surpris par ce que je viens d’entendre sur la parité. Vous permettrez à l’ancien rapporteur du texte sur l’égal accès des hommes et des femmes aux fonctions et aux mandats électifs de rappeler que, voici une dizaine d’années, sous le gouvernement de Lionel Jospin, on a déjà entendu à ce propos le même argument : au nom de l’universalité, il ne fallait pas délibérer ; on se demandait comment on allait faire pour écarter des conseils municipaux, des conseils régionaux, des listes européennes, tant d’hommes qui n’avaient pas démérité ! Aujourd’hui, plus personne ne se préoccupe du fait que, dans toutes les villes de plus de 3 500 habitants, un élu sur deux soit une femme, plus personne ne se formalise du fait que, dans tous les conseils régionaux, un élu sur deux soit une femme, et plus personne ne se formalise non plus que la France ait envoyé au Parlement européen autant de femmes que d’hommes.

M. François de Rugy. Tout le monde s’en réjouit !

M. Bernard Roman. Mais, à l’époque, cela choquait.

M. Bernard Deflesselles. Non !

M. Bernard Roman. Alors que, depuis, nous avons écrit dans la Constitution que la loi doit favoriser l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats et aux fonctions, non seulement le mode de scrutin que vous proposez ne le favorise pas, mais il est le plus mortifère qui soit pour la représentation des femmes. Des deux modes de scrutin possibles, le scrutin majoritaire qui aboutit 15 % de femmes dans les conseils généraux, et un scrutin proportionnel, celui des régionales, où un élu sur deux est une femme, vous choisissez le pire. C’est inacceptable et, pensons-nous, anticonstitutionnel.

Mme Laurence Dumont. Bien sûr !

M. Bernard Roman. Pour ces quatre raisons, nous saisirons le Conseil constitutionnel et nous vous appelons à voter la motion de rejet préalable présentée par François de Rugy. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Bien évidemment, nous voterons cette motion de rejet, ce qui est la moindre des choses puisqu’elle est présentée par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Mais ce vote favorable s’appuie sur deux divergences, c’est-à-dire que nos motivations ne sont pas tout à fait les mêmes. (Sourires.)

Par exemple, quand notre collègue de Rugy parle de « rendez-vous manqué », je dis, moi, que ce projet est en réalité un rendez-vous réussi, et bien quand il dit que ce projet est un « remède de Diafoirus », je dis, moi, que ce projet est en fait un remède vitaminé, un dopant.

Pourquoi un projet réussi ? Parce qu’il répond aux objectifs fixés : ceux d’une société toujours plus libérale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pourquoi un projet dopé ? Pour que les marchés financiers puissent prospérer au mieux ! (Même mouvement. – Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. Je vous en prie, laissez M. Chassaigne s’exprimer.

M. André Chassaigne. Je m’appuierai sur les propos qui ont été tenus tout à l’heure par les ministres et les rapporteurs.

Il y a le dit et le non-dit. Commençons par le dit. J’ai relevé plusieurs expressions : il faudrait, nous dit-on, « combler le retard dans la compétitivité et l’attractivité » et « aller vers la performance des territoires ».

M. Michel Piron. Tout à fait !

M. Yves Bur. C’est vital !

M. André Chassaigne. Ce projet a donc bien, pour l’essentiel, des objectifs économiques – cela a été dit et redit par les ministres.

L’autre argument avancé, c’est même celui qui a été annoncé en premier, c’est la maîtrise de la dépense sociale : il s’agit de faire que les collectivités territoriales prennent leur part de l’effort collectif. Cette réforme s’inscrit dans la continuité de la révision générale des politiques publiques, en accompagnant la déstructuration de la société que vous avez engagée. C’est un élément parmi d’autres, qui vient en complément des différentes lois que vous faites adopter par le Parlement.

M. Yves Bur. Trop, c’est trop !

M. André Chassaigne. Il y a ensuite le non-dit. On devine dans vos propos qu’il y a des espaces nouveaux à offrir au marché, qu’il n’est pas supportable que les services publics locaux soient gérés par les différentes collectivités territoriales. La boulimie des marchés fait qu’il ne doit rien rester qui ne rapporte pas d’argent, parce que, derrière tout ça, il y a des groupes financiers qui, sans doute pour gonfler encore la bulle financière, doivent faire de l’argent, et en faire sur le dos des services publics locaux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pour cela, il faut s’attaquer aux collectivités territoriales, il faut faire que ces collectivités territoriales ne puissent plus assumer les services à la population. Pas une seule fois, dans les différentes interventions des ministres ou des rapporteurs, n’ont été évoqués les besoins des populations.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Très juste !

M. André Chassaigne. Pas une fois, il n’a été dit que les collectivités territoriales étaient là pour répondre à des besoins, aux droits humains des populations qui les habitent.

M. Yves Bur. Cela tombe sous le sens !

M. André Chassaigne. Vous êtes obsédés, vous êtes crispés, vous avez des crampes mentales à propos des intérêts du libéralisme et vous ne pensez pas à l’humain, parce que l’humain, cela vous dépasse. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Dès lors, l’articulation du projet de loi est simple, elle se manifeste par un double effet de ciseau.

Premier effet de ciseau, on asphyxie financièrement les collectivités territoriales en supprimant la taxe professionnelle, en limitant les dotations budgétaires. Même si les clauses de compétences restent, elles ne pourront pas être assumées parce que les collectivités territoriales n’auront pas les moyens financiers de le faire.

Mme Laurence Dumont. Très juste !

M. André Chassaigne. Second effet de ciseau, on empêche les besoins de remonter. Les populations expriment des attentes, des demandes, des droits en matière de logement, de transports, de culture, de loisirs, d’éducation. Pour éviter que cela ne remonte, on s’attaque à la démocratie locale en créant ces conseillers territoriaux qui seront éloignés des populations, qui siégeront le jour au conseil général, la nuit au conseil régional. Devenus de super-cumulards, ils ne seront plus à même de répondre aux besoins de populations dont ils se seront éloignés.

Vous vous attaquez à la proximité, et ainsi vous empêchez les besoins de remonter. Ce qui vous intéresse, c’est que l’argent (Protestations sur les bancs du groupe UMP) aille, comme vous le dites, vers la compétitivité, vers les territoires qui doivent être « performants » et alimenter toujours davantage les grands groupes financiers, quitte à provoquer des crises telles que celles que nous vivons actuellement. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Michel Hunault. François de Rugy en a appelé aux députés du Nouveau Centre. Je vais le décevoir : nous allons rejeter sa motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Il y a eu une discussion sur le mode de scrutin en commission des lois, mais lorsque je vous ai entendu, monsieur de Rugy, faire le constat d’« une superposition d’échelons », d’« un système devenu illisible », d’un « déficit démocratique », j’ai cru que vous alliez voter le texte.

M. François de Rugy. Il n’y a que vous qui ayez cru cela !

M. Michel Hunault. Je vous ai écouté avec beaucoup d’attention, et je crois que le ministre vous a répondu tout à l’heure sur les différents objectifs. Le groupe Nouveau Centre considère, pour sa part, que ce texte permettra d’améliorer l’organisation territoriale de la République. En simplifiant cette organisation, la création du conseiller territorial permettra justement de maintenir un lien entre les électeurs et leurs élus. Je crois qu’il y a urgence à clarifier les compétences des uns et des autres.

Je ne pensais pas, monsieur de Rugy, que vous alliez évoquer ce dossier que je connais bien, la réouverture de la ligne Nantes-Châteaubriant.

M. François de Rugy. Le projet a pris plusieurs années de retard !

M. Michel Hunault. Le député maire de Nantes est présent, et vous avez fait encore le procès de l’État. Mais, monsieur de Rugy, si le Président de la République n’avait pas inscrit, à Douai, à l’occasion de son discours sur le plan de relance, la réouverture de cette ligne parmi les dix grands projets nationaux, et n’y avait pas consacré 30 millions d’euros grâce aux fonds européens, ce dossier n’aurait pas abouti.

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Très juste !

M. François de Rugy. S’il faut toujours remonter jusqu’au Président de la République…

M. Michel Hunault. Pour vous, tout est prétexte à critique. Mais vous savez bien que le « retard » dont vous parlez est en réalité dû à la difficulté de mettre en concordance les compétences des différentes collectivités territoriales sur des aspects aussi complexes qu’une réouverture de ligne.

Il y a ici des présidents de conseils régionaux et de conseils généraux. Nous avons besoin de coordonner les différentes actions, et ce projet de loi permettra la création de syndicats mixtes, qui coordonneront les différentes autorités organisatrices de transport pour rendre plus efficace l’action publique, avec des titres de transport uniques.

Le texte répond à certaines des préoccupations que vous avez soulevées, mais là où nous nous différencions, c’est que vous vous opposez tout le temps.

M. Alain Cacheux. Parce que les textes ne sont pas bons !

M. Michel Hunault. J’ai écouté les différentes explications de vote, et je n’ai pas trouvé de cohérence entre les différents orateurs de l’opposition. Il n’y a qu’une chose qui vous unit, c’est le rejet de la réforme, le rejet de tout ce que nous proposons.

Plusieurs députés du groupe UMP. Conservateurs !

M. Michel Hunault. Nous sommes ici, certes, pour améliorer le texte, mais nous sommes ici surtout pour réformer. C’est pourquoi nous voterons contre la motion de rejet.

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quinze.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l’Assemblée nationale,
Claude Azéma