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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 8 juin 2010

Questions au Gouvernement

Deuxième séance du mardi 8 juin 2010

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président . La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Accueil de nouveaux députés

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à Mme Marie-Noëlle Battistel, élue dimanche dernier députée de la quatrième circonscription de l’Isère, ainsi qu’à M. Arnaud Richard, nouveau député de la septième circonscription des Yvelines. (Applaudissements.)

Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire étrangère

M. le président. Mesdames, messieurs, je suis particulièrement heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de la Douma d’État de la Fédération de Russie, conduite par son Premier vice-président, M. Oleg Morozov. (Mmes et MM. les députés ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Financement du projet ITER

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. François de Rugy. Ma question s’adresse à la ministre de la recherche.

Alors que le Gouvernement prépare un gel des dépenses sociales – qui est en fait une baisse déguisée, puisque le nombre de personnes en situation de précarité s’accroît –, il est un projet qui semble curieusement exonéré de ces efforts de rigueur. C’est un projet international, dont les coûts ont quasiment triplé en quatre ans, passant de 5,9 milliards à 16 milliards d’euros.

Je veux parler du projet ITER, un réacteur nucléaire expérimental qui doit s’implanter à Cadarache. Pour l’Union européenne, qui en supporte 45 % des coûts, cela représente une facture qui passe de 2,7 milliards à plus de 7 milliards d’euros.

Je le dis avec un peu d’humour, pour celles et ceux qui nous regardent : pour comprendre la folie du rêve ITER, le mieux est encore de regarder le film Spider-Man 2 , sorti en 2004.

Mais pour revenir à nos dures réalités budgétaires, vous avez décidé, mesdames et messieurs du Gouvernement, avec vos collègues européens, de supprimer les crédits affectés à d’autres projets de recherche, pour financer les nouvelles subventions destinées à ITER. Vous ne pourrez pas compter sur les États-Unis, puisque le budget présenté par le Président Obama pour 2011 prévoit une baisse de 40 % des crédits affectés à ITER. C’est donc bien au détriment d’autres projets que se fera le développement d’ITER.

Et nous sommes bien loin des grandes déclarations de Nicolas Sarkozy, qui disait : « Chaque euro investi dans le nucléaire sera accompagné d’un euro investi dans les énergies renouvelables ».

En période de crise sociale, de crise économique et de rigueur budgétaire – car vous ne pouvez pas échapper à l’expression –, n’est-il pas temps de revenir sur ces projets aussi pharaoniques qu’inutiles ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Monsieur le député, je voudrais d’abord vous dire que le projet de réacteur à fusion thermonucléaire qui doit être implanté à Cadarache est un enjeu scientifique fondamental pour la France et pour l’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C’est le plus grand programme scientifique de la planète. Il regroupe la plupart des grands pays scientifiques du monde : États-Unis, Russie, Chine, Japon, Corée du Sud, Brésil et Inde.

Oui, l’Europe en est l’hôte. Oui, je l’ai négocié en 2003 pour la France, et cette installation est à Cadarache, au grand bénéfice de la région PACA : 3 000 emplois de recherche, 1,5 milliard d’euros qui vont être investis dans les cinq ans, des retombées fondamentales pour notre industrie dans les matériaux de haute technologie.

Et c’est cela, monsieur le député, que vous comparez à Spider-Man 2 ? Les responsables de gauche en PACA, M. Vauzelle, M. Bianco, comme les députés du groupe UMP, en particulier Mme Joissains-Masini, étaient tous d’accord pour ce projet. C’est pour des raisons électorales misérables que vous avez changé d’avis au moment des dernières élections régionales.

M. Marcel Rogemont. Nous n’avons pas changé d’avis !

M. Jean Glavany. Nous ne changeons pas d’avis comme Sarkozy !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Alors, je vous le dis, monsieur de Rugy, le Gouvernement a tout à fait l’intention de poursuivre ce projet. Tout à fait ! Nous allons trouver les réponses financières adaptées. C’est vrai que l’organisation internationale est lourde. Mais les surcoûts sont normaux, s’agissant d’une coopération internationale aussi importante. C’est la source de l’énergie de la planète à la fin de ce siècle, à partir du thorium et de l’eau de mer. Je vous demande de reconsidérer votre position, qui n’est pas un service pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Frais bancaires

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Nicolas Perruchot. Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Les frais bancaires en France sont parmi les plus élevés d'Europe. Avec une moyenne annuelle de 140 euros de frais de tenue de compte, nos banques sont bien plus gourmandes que celles de nos voisins belges ou portugais, qui facturent 50 euros pour les mêmes prestations.

Des milliers de clients des grands réseaux bancaires constatent que leur facture augmente d'année en année, avec, bien souvent, des frais injustifiés et aucune explication. D'une manière générale, les huit grandes banques françaises s'octroieraient des marges de 35 à 100 % sur les retraits aux distributeurs, les prélèvements ou les virements. Elles retireraient, en valeur, 1,2 milliard d'euros de bénéfices par an en moyenne de ces trois modes de paiements. En bout de chaîne, le prix des services, totalement décorrélé de celui de leurs coûts, est tout à fait prohibitif. Par ailleurs, il semblerait que l'envolée de ces frais discrétionnaires soit trois fois supérieure à l'inflation des prix.

À ces hausses tarifaires non justifiées s'ajoute un manque total de transparence et la quasi-impossibilité de comparer les tarifs entre eux. Les brochures tarifaires des banques comptent en moyenne vingt-trois pages et plus de trois cents tarifs différents. Un certain nombre de nouveaux services, gratuits auparavant, sont aujourd'hui payants, rien que sur les opérations sur compte.

Alors que les incidents de paiement se multiplient avec les difficultés liées à la crise, les banques ont détourné à leur profit le plafond des frais d'incident, pour accroître leur montant de plus de 25 %.

Enfin les baisses de coût ne sont jamais répercutées. Ainsi, celui du paiement par carte bancaire a diminué de 9 % en cinq ans, alors que le prix de la carte a, lui, augmenté de 13 % durant la même période.

Madame la ministre, que comptez-vous faire afin d'améliorer la transparence et de modérer la cherté des frais appliqués par les banques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Monsieur le député, à votre interrogation sur les tarifs bancaires en France par rapport à ceux d’autres pays, je réponds tout net : la situation n’est pas satisfaisante. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe NC.) Non seulement l’Union européenne nous reproche cette situation non satisfaisante à travers une comparaison publiée il y a quelques semaines, mais le baromètre des réclamations, que j’ai rendu public il y a quelques jours, indique que le secteur bancaire reçoit toujours autant de réclamations de la part des consommateurs.

Avec Christine Lagarde, nous avons commencé à agir. Depuis le 1 er  janvier 2009, un récapitulatif des frais bancaires doit être adressé à chaque titulaire d’un compte. En mai 2008, Mme Lagarde a également pris un décret qui plafonne les frais en cas d’incident de paiement. Ce n’est toutefois pas encore suffisant.

Vous avez eu raison de dénoncer la complexité qui rend difficile pour les Français de comprendre comment sont tarifés ces fameux frais bancaires. C’est pourquoi, en mars dernier, Christine Lagarde a confié une mission à Emmanuel Constans, le président du Comité consultatif du secteur financier. Après la publication de son rapport, qui sera remis avant la fin du mois, Christine Lagarde et moi-même ferons des propositions fortes sur ce sujet très important pour les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Suppression du défenseur des enfants et de la HALDE

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre, que je souhaite interroger sur un sujet essentiel pour la nouvelle élue que je suis : la défense des droits des citoyens et, plus précisément, la protection des enfants.

Il y a deux ans déjà, a été votée la création d'un défenseur des droits des citoyens, dont il restait à définir le champ d'action. Sans concertation, en opposition frontale avec toutes les associations, vous avez choisi, dans une loi qui va à l'opposé de l'intérêt général, de faire disparaître le défenseur des enfants, la HALDE et la CNDS – qui traite notamment des abus policiers – en confiant tous leurs pouvoirs à une seule personne : le Défenseur des droits.

Vous me répondrez sans doute que c'est une avancée, car celui-ci aura un champ d'action plus étendu. Néanmoins il ne sert à rien de confier des pouvoirs à un défenseur des droits sans moyens réels pour les exercer. En vérité, vous supprimez des autorités collégiales et indépendantes, trop critiques à votre goût, pour donner tous les pouvoirs à une seule personne nommée par M. Sarkozy. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Les sénateurs ne s'y sont pas trompés, qui ont voté, la semaine dernière, contre la disparition du défenseur des enfants, mais le Gouvernement, considérant que les sénateurs, de tout bord politique, n'avaient pas été assez dociles, a organisé un deuxième vote, véritable déni de démocratie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) À cette occasion, Robert Badinter vous a interpellé, parlant même d'humiliation pour le Parlement.

Le Gouvernement ne peut pas avoir raison contre tous. Mise au pas du Parlement, absence de concertation, suppression d'autorités indépendantes protectrices des droits, vous comprendrez que le groupe socialiste, radical et citoyen s'oppose à votre projet.

Ma question est simple : le Gouvernement veut-il vraiment assurer la défense des droits des citoyens, plus particulièrement ceux des enfants et des personnes victimes de discriminations ? (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.) Malheureusement nous connaissons déjà la réponse : vous ne voulez pas défendre les droits des enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations puis huées sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. Madame la députée, ce que vous venez de décrire est le contraire du débat très fructueux qui a eu lieu au Sénat la semaine dernière. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) De quoi s’agit-il en réalité ?

Les différentes autorités, dont d’ailleurs les présidents ont été, en son temps, nommés par l’exécutif, font du très bon travail, que ce soit le Médiateur de la République, la HALDE ou le défenseur des enfants et les autres. Cependant il y a aujourd’hui un frein au progrès.

Le Défenseur des droits indépendant, dont l’autorité est adossée à la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, constitue manifestement – il faut que nos concitoyens le sachent – un progrès important en matière de défense des droits et des libertés (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) , grâce à une saisine plus facile, des compétences plus larges, des moyens accrus en matière d’investigation, d’injonction, d’action et de contrôle.

M. Loïc Bouvard. Très bien !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Le débat auquel vous faisiez allusion a été extrêmement fructueux (Brouhaha persistant sur les bancs du groupe SRC)

M. le président. Je vous en prie !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. …et a débouché sur l’installation, aux côtés du Défenseur des droits, d’un défenseur des enfants nommé par le Premier ministre après avis du Parlement, d’un vice-président du collège chargé spécialement de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l’égalité. Il disposera, contrairement à ce que vous avez dit, de moyens accrus.

Le Défenseur des droits constitue donc, y compris grâce aux améliorations qu’apporte le Parlement, hier au Sénat, demain à l’Assemblée, un progrès en matière de droits et de libertés. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Baisse du déficit budgétaire

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Arnaud Richard. Monsieur le ministre du budget, ce matin vous avez annoncé que le déficit budgétaire de l'État français s'établissait à 56,2 milliards d'euros au 30 avril contre 71,6 milliards, un an plus tôt.

M. Roland Muzeau. C’est une blague !

M. Arnaud Richard. Cette réduction est due pour l'essentiel à la remontée des recettes fiscales en hausse de près de 11 milliards.

Alors que l'Europe traverse une crise économique sans précédent, ces résultats positifs montrent à quel point le Gouvernement est mobilisé contre la réduction des déficits publics. Cela prouve que notre stratégie budgétaire, détaillée dans le programme de stabilité pour les trois années à venir, commence à porter ses fruits.

Cette stratégie repose sur trois piliers : tout d'abord, poursuivre la relance en 2010, comme nous le recommande l'ensemble des organisations internationales ; ensuite, restaurer les finances publiques ; enfin, poursuivre la réforme de l'économie pour agir non seulement sur les dépenses mais aussi sur les recettes.

Monsieur le ministre, ces résultats encourageants montrent l'engagement plein et entier du Gouvernement. Avant le débat d'orientation sur les finances publiques du 29 juin prochain et compte tenu des incertitudes économiques internationales, pouvez-vous dès maintenant confirmer à la représentation nationale que vous êtes bien décidé à continuer d'appliquer ces règles de bonne conduite pendant toute l'année 2010 ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Quels moyens comptez-vous utiliser pour maîtriser au plus près l'évolution des dépenses de l'État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État.

M. Patrick Roy. Et du bouclier fiscal !

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État . Monsieur le député Arnaud Richard, permettez-moi à mon tour de vous féliciter pour votre arrivée dans cet hémicycle et d’adresser un message amical à Pierre Cardo, parlementaire respecté qui s’est beaucoup impliqué au service de sa ville et dans le cadre de la politique de la ville. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Vous avez évoqué l’évolution positive de notre déficit budgétaire sur un an : en avril dernier, il était de 56 milliards contre 71,2 milliards il y a un an. C’est un signal encourageant, qui nous permet d’être présents au rendez-vous que nous nous sommes fixé pour mettre au rang de priorité nationale la maîtrise des déficits publics et des finances publiques.

Je voudrais rapidement évoquer les deux raisons qui nous ont permis de parvenir à cette situation.

Premièrement, la confirmation de l’élasticité importante du système fiscal français et d’une augmentation significative des recettes – plus 11 milliards – alors que, sur la même période, vous avions constaté un effondrement des recettes de l’impôt sur les sociétés de 20 milliards. Cela montre que notre stratégie est la bonne et que le pari de l’élasticité de l’économie française va dans la bonne direction.

Deuxièmement, la maîtrise de nos dépenses, comme vous l’avez rappelé. Nous allons poursuivre dans ce sens pour être au rendez-vous fixé par la représentation nationale au moment de la loi de finances et atteindre 150 milliards de déficit d’ici à la fin de l’exercice.

Et puis, nous entrons dans une nouvelle ère des finances publiques. Le Premier ministre a rappelé que nous allions pour la première fois, à la fin du mois de juin, appliquer l’article 50-1 de la Constitution pour permettre un vote sur les engagements français vis-à-vis de nos partenaires européens, et la matrice pour 2011‚– gel des dépenses de l’État, gel des dotations aux collectivités locales, maîtrise des dépenses d’assurances maladie. Ce n’est pas juste un coup pour rien : c’est une inscription dans la durée, qui se traduira, l’année prochaine, par une révision constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Bernard Derosier. Monsieur le Premier ministre, parce que le Président de la République vous a demandé de simplifier le prétendu millefeuille de notre organisation territoriale, vous avez imaginé un dispositif législatif dont le seul résultat sera de remettre en cause la décentralisation,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Mais non !

M. Bernard Derosier. … la démocratie locale et les services publics de proximité assurés par les communes, les départements et les régions.

M. François Grosdidier. C’est tout le contraire !

M. Bernard Derosier. Plus grave encore, vous ne respectez pas la règle constitutionnelle d’égal accès des femmes et des hommes aux mandats locaux, autrement dit la parité.

Enfin parce que vous n’êtes pas sûr de votre majorité…

M. Yves Nicolin. N’importe quoi !

M. Bernard Derosier. …au regard de ce projet de loi réformant les collectivités territoriales, vous utilisez la méthode la plus condamnable du régime parlementaire : l’amendement de dernière minute, qui ne peut être discuté au fond ni par la majorité elle-même ni a fortiori par l’opposition.

Ce fut vrai pour le mode d’élection des conseillers territoriaux  et nous assistons au paradoxe qu’une loi électorale est établie à partir d’un amendement cavalier.

M. Yves Nicolin. N’importe quoi !

M. Bernard Derosier. Ce fut encore vrai dans la nuit de mercredi à jeudi à deux heures du matin sur le financement public de la vie politique, c’est-à-dire, en définitive, de la démocratie. (Des tracs sont jetés depuis les tribunes du public.)

Monsieur le Premier ministre, ce texte en réalité, ne fait que servir vos intérêts partisans : ceux de l’UMP, ceux de la bande du Fouquet’s. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le Premier ministre, devant toutes ces évidences, qui sont autant de preuves de votre volonté de remettre en question la démocratie, la République, je ne poserai qu’une seule question : pourquoi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l’intérieur et aux collectivités territoriales.

M. Roland Muzeau. Charcutier !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le président Bernard Derosier, l’Assemblée nationale a consacré ces deux dernières semaines à l’examen de la réforme des collectivités territoriales, soit plus d’une cinquantaine d’heures de débats, 200 heures en tout si l’on compte l’examen en première lecture par le Sénat.

Beaucoup d’opinions ont été exprimées, ce qui a permis de faire progresser le texte issu de la première lecture au Sénat. Et pas moins de 83 amendements ont été adoptés dont une dizaine émanant de l’opposition. C’est dire l’esprit d’écoute et de dialogue qui a présidé à ce débat démocratique, qui se poursuivra tout au long de la navette parlementaire.

Monsieur Derosier, vous avez évoqué le problème de la parité. Notre réforme conduira précisément à une amélioration très sensible de la parité…

Mme Huguette Bello. Ce n’est pas vrai !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. …avec l’accès de plus de 40 000 femmes supplémentaires dans les conseils municipaux, …

Mme Huguette Bello. C’est absolument faux !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  …mais aussi les futurs conseils communautaires où 25 000 femmes siégeront désormais. Elles seront obligatoirement présentes.

Notre réforme favorisera aussi l’accès de nombreuses femmes aux responsabilités de maires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) N’oublions pas non plus que la loi du 31 janvier 2007, initiée par le Président Sarkozy a institué une obligation de parité dans tous les exécutifs des conseils régionaux et des conseils municipaux.

Cela permet au moins de pallier votre incapacité à faire élire des femmes présidente de région. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) En effet, vous détenez vingt-trois régions et seules deux femmes sont présidentes de régions. Et que dire des départements ? Sur cinquante-cinq départements de gauche, seules deux femmes sont présidentes de conseils généraux. (Huées sur les bancs des groupes UMP et NC.) Alors ne venez pas nous donner de leçons sur la parité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Rythmes scolaires

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Xavier Breton. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

La question du calendrier scolaire est d'actualité. La semaine de quatre jours, la répartition des cours entre le matin et l'après-midi ou la durée des vacances d'été sont autant de sujets qui donnent lieu aujourd'hui à des débats nourris et passionnés.

Il est vrai que le système scolaire de notre pays est sans doute l'un des plus déséquilibrés en Europe, avec ce paradoxe : nous avons l'un des plus grands nombres d'heures de cours dans l'année, mais elles sont réparties sur un nombre de jours de classe parmi les plus bas. Ce paradoxe suscite aujourd'hui de nombreuses interrogations et réflexions, comme l'illustre le rapport récemment publié par l'Académie nationale de médecine

La commission des affaires culturelles et de l'éducation de notre assemblée s'est emparée du sujet en constituant une mission d'information présidée par notre collègue Michèle Tabarot, et dont nous sommes, avec Yves Durand, les rapporteurs.

Vous aussi, monsieur le ministre, vous avez lancé hier les travaux de la conférence nationale sur les rythmes scolaires. Les réflexions sur le calendrier scolaire concernent bien entendu l'organisation de la semaine, avec notamment les questions du mercredi matin et du samedi matin. Cependant nous devons nous interroger également sur la journée scolaire avec, par exemple, l'intégration des deux heures d'aide personnalisée pour les élèves en difficulté ; il nous faut aussi réfléchir à l'année scolaire marquée par le déséquilibre entre un premier trimestre trop long et fatigant et un troisième trimestre trop souvent écourté.

M. Roland Muzeau. Continuez à réfléchir !

M. Xavier Breton. En tout état de cause, il est essentiel que nous sachions retrouver un calendrier scolaire mieux réparti, plus équilibré pour les enfants et qui sache harmoniser les temps de l'école, de la famille et de la société.

Pour mener ces travaux, une concertation large et approfondie doit être menée avec tous les acteurs concernés par l'éducation nationale : organisations syndicales, fédérations de parents d'élèves, collectivités locales, représentants du monde économique, touristique et social.

Monsieur le ministre, face à un sujet d'une telle importance, qui demandera des décisions courageuses et des choix stables engageant l’avenir de nos enfants, quel calendrier et quelle méthode de travail entendez-vous adopter ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Lorsque l’école a été rendue obligatoire à la fin du XIX e  siècle, elle s’est adaptée au fonctionnement de la société de l’époque avec des grandes périodes de vacances d’été pour que les petits Français retournent dans leurs familles et participent à la moisson. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Plus d’un siècle après, le fonctionnement de la société a évolué et, aujourd’hui, c’est l’école qui rythme la vie et le fonctionnement de la société : la vie des familles, le fonctionnement des entreprises, des services publics, l’économie du tourisme. Bref, l’école a un impact quotidien sur le fonctionnement de la société.

La spécificité de la France, en la matière, est que le nombre d’heures de cours y est plus élevé que dans le reste des pays développés, concentrées sur un nombre de jours de classe plus réduit. Il s’ensuit des agendas surchargés, du stress, des élèves fatigués, tout cela pesant sur la réussite scolaire.

Nous avons décidé de nous attaquer à cette question de manière globale.

Mme Huguette Bello. Zéro !

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale. Hier, j’ai installé la conférence nationale sur les rythmes scolaires. Son comité de pilotage sera coprésidé par Christian Forestier, que certains d’entre vous connaissent, ancien recteur, administrateur général du CNAM, et par Odile Quintin, directrice générale de l’éducation et de la culture à la Commission européenne. Ce comité regroupera des sociologues, des psychologues, des chronobiologistes, bref des spécialistes de l’éducation ainsi que des représentants des entreprises et du métier du tourisme.

Mme Laurence Dumont. Et les professeurs ?

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale. J’ai également souhaité que trois membres de votre assemblée soient associés à ces travaux.

Nous aborderons ce sujet dans sa globalité, mais sans aucun tabou. Notre objectif est de revenir à un système qui réconcilie le temps de l’école, le temps des familles et le temps de la société. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Attentat de Karachi

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Jacques Candelier. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Un rapport de la police luxembourgeoise étaie les soupçons des familles de victimes de l'attentat de Karachi. Il évoque des rétrocommissions vers la France, lors de la vente de sous-marins au Pakistan en 1994, via la société luxembourgeoise Heine, créée avec l'aval du ministre du budget de l'époque, Nicolas Sarkozy. Il parle, sans en apporter la preuve, d'un financement occulte de la campagne présidentielle d'Édouard Balladur de 1995. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Grosdidier. Il n’y a pas de preuves !

M. Jean-Jacques Candelier. C'est par la société off-shore Heine que transitait une partie des commissions du contrat d'armement, dont l'arrêt pourrait avoir servi de mobile à l'attentat de Karachi du 8 mai 2002.

Cette affaire va de rebondissement en rebondissement. Elle traîne en longueur et il semble que certains souhaitent qu'elle soit classée sans suite.

M. Maxime Gremetz. Bien sûr !

M. Jean-Jacques Candelier. Nous ne connaissons pas la vérité et il est urgent de favoriser le travail de la justice en lui communiquant tous les documents nécessaires et en levant le secret défense.

C'est aussi un système politique qui est en cause et le contrôle parlementaire doit prendre toute sa place. Le Gouvernement n'a communiqué aucun document de première main aux membres de la mission d'information. De même, certaines personnes n'ont pas cru bon de se faire auditionner et l'amnésie semble s'être répandue chez tous les anciens ministres de la défense entendus.

M. Maxime Gremetz. Eh oui ! Scandaleux !

M. Jean-Jacques Candelier. Monsieur le Premier ministre, il ne s'agit pas d'une recherche politicienne (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP) ; seule l'exigence de transparence et de compréhension nous guide !

M. Maxime Gremetz. Donnez les documents !

M. Jean-Jacques Candelier. Il existe un lourd climat de suspicion. À travers la création d'une commission d'enquête parlementaire, que demanderont très prochainement les députés communistes, républicains et du Parti de gauche, ne pensez-vous pas que l'Assemblée nationale pourrait crever l'abcès ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin, ministre de la défense.

M. Hervé Morin, ministre de la défense. En mémoire des onze compatriotes morts dans l’attentat de Karachi et par respect pour la douleur de leur famille, il nous appartient de faire émerger la vérité sur cette affaire.

M. Jérôme Lambert. Oui, on veut la vérité !

M. Maxime Gremetz. Donnez les documents !

M. Hervé Morin, ministre de la défense. Nous sommes – le Gouvernement et moi-même – tout à fait disposés à fournir au juge d’instruction tous les documents qu’il demandera.

M. Noël Mamère. Ce n’est pas vrai !

M. Hervé Morin, ministre de la défense. À la demande du juge d’instruction Marc Trévidic, nous avons du reste déjà fourni quarante documents de la DGSE. Nous avons également transmis un rapport de la gendarmerie.

Par un courrier en date du 7 avril dernier – que je laisse à votre disposition, si vous le souhaitez –, j’ai indiqué au juge d’instruction que le ministère de la défense détenait d’autres documents, notamment le contrat sur la vente des quatre sous-marins. J’ai indiqué par ailleurs que nous avions en notre possession deux rapports du contrat général des armées sur l’économie globale de ces contrats.

J’ai fait savoir au juge d’instruction que j’étais disposé à lui fournir l’ensemble des documents détenus par le ministère de la défense. Par un courrier du 7 mai dernier, le juge d’instruction m’a indiqué qu’il souhaitait obtenir ces documents et il a dressé une liste complémentaire. Je tiens cette lettre à votre disposition, si vous le souhaitez.

Dès le 8 mai, j’ai fait savoir à l’ensemble des services du ministère de la défense qu’il fallait apporter tout notre concours à la recherche de la vérité.

Monsieur le député, dès que la commission consultative du secret de la défense nationale aura rendu son avis sur les documents qui lui auront été transmis, je transmettrai ces documents, en fonction de ses conclusions, aux deux juges d’instruction. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Refus de l’application de l’ouverture dominicale à Paris

M. le président. La parole est à Mme Edwige Antier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Edwige Antier. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce.

M. Roland Muzeau. Et de la TVA à 5,5 % !

Mme Edwige Antier. L’année dernière, notre assemblée a voté, sous l’impulsion de Pierre Lellouche, alors député, et de notre collègue Richard Mallié (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) , une loi permettant d’ouvrir plus facilement les commerces le dimanche, moyennant des garanties pour les salariés. (Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Le travail dominical correspond à l’évolution des besoins de notre économie, de notre société et de notre capitale. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Ce n’est pas parce que Paris n’a pas remporté le droit d’organiser les Jeux olympiques qu’elle ne doit pas conserver le rang de capitale internationale ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Hier, lors du débat au conseil de Paris, Bertrand Delanoë a confirmé qu’il s’opposait purement et simplement à cette loi (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR)

M. Jean Glavany. C’est son droit !

Mme Edwige Antier. …en refusant l’ouverture des grands magasins parisiens le dimanche. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

On sait que ces derniers sont une vitrine de la mode à Paris pour tous les étrangers qui y viennent. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Mais le maire de Paris oppose une fin de non-recevoir aux demandes des grands magasins…

M. Jean Glavany. Il a raison !

Mme Edwige Antier. …au nom du refus de la consommation à tout prix, oubliant que Paris est une métropole internationale en concurrence avec des capitales dont l’activité ne s’arrête pas le dimanche.

Il ne s’agit pas de pousser à la surconsommation (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) , mais de répondre à une demande importante pour l’économie de la ville à l’heure où notre pays traverse une crise sans précédent.

Paris est un joyau, une ville exceptionnelle qui souhaite vivre et se développer.

M. le président. Merci, madame.

Mme Edwige Antier. Comment peut-on se priver de créer de la richesse supplémentaire ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Madame la députée, la question que vous posez est très importante pour qui connaît les chiffres relatifs à l’activité touristique de la capitale. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Paris est la première destination touristique mondiale.

M. Patrick Bloche. Et alors ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Ainsi, vingt-huit millions de visiteurs viennent à Paris chaque année.

En outre – c’est au moins aussi important‚–, 12,5 % des emplois salariés à Paris sont liés à l’activité touristique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Bloche. Et alors ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Ce chiffre n’est pas négligeable. Moins de touristes, c’est moins d’emplois et moins d’activité commerciale. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Il faut en tenir compte sereinement. C’est ce qui s’est passé avec la loi d’août 2009 (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) , qui a permis l’ouverture de tous les commerces le dimanche dans les zones touristiques.

Que s’est-il passé ? Sur l’avenue des Champs-Élysées, par exemple, plus de 50 % des commerces ont ouvert le dimanche : c’est autant d’emplois créés et une activité supplémentaire. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Faut-il maintenant étendre les zones touristiques ? La question se posait, et le préfet d’Île-de-France a adressé des propositions en ce sens au maire de Paris. Celui-ci lui a opposé une fin de non-recevoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Chargé du tourisme au sein du Gouvernement, je ne peux que regretter cette position (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) alors que tant d’autres nations ambitionnent de damer le pion à la destination France. (« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe UMP.) Je le dis tout net : cette décision est regrettable pour Paris, capitale mondiale du tourisme, mais aussi pour les emplois et pour la croissance, donc pour notre pays tout entier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Bioéthique

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Alain Claeys. Madame la ministre de la santé et des sports…

Un député du groupe SRC. Du football !

M. Alain Claeys. …, la conservation et l’exportation de sang placentaire à usage exclusivement autologue, c’est à dire pour soi-même ou pour son propre enfant, ne sont pas autorisées dans notre pays. Pourquoi ? Parce que cette pratique n’a aucune justification scientifique démontrée à ce jour. Il n’existe en effet aucune donnée permettant de penser qu’il est utile de conserver le sang du cordon ombilical de son enfant dans une perspective de médecine régénérative.

Or on assiste en France, depuis quelque temps, à une offensive de sociétés privées étrangères qui exploitent la crédulité des parents à des fins lucratives, en leur proposant de conserver le sang placentaire. Ainsi, des sociétés commerciales étrangères visant l’utilisation autologue auraient approché des maternités en France et commencé de se livrer clandestinement à cette activité. Je souhaiterais donc connaître les dispositions auxquelles le Gouvernement entend recourir pour faire échec à ces pratiques mercantiles.

Permettez-moi de profiter de cette occasion pour vous interroger sur le calendrier parlementaire de la révision des lois de bioéthique, qui doit intervenir en tout état de cause en 2011. En effet, des sujets importants doivent être abordés et tranchés par le législateur, notamment l’autorisation de la recherche sur les cellules souches embryonnaires, l’extension de la procréation médicalement assistée, la gestation pour autrui, la levée partielle ou totale de l’anonymat sur les dons de gamètes et l’utilisation des tests génétiques.

Madame la ministre, quand le Gouvernement déposera-t-il un projet de loi sur le bureau de l’Assemblée nationale afin qu’un texte soit adopté avant février prochain ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je tiens tout d’abord à remercier M. Claeys pour l’excellent travail qu’il effectue à la tête de la mission parlementaire sur la révision des lois de bioéthique (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC) , avec Jean Leonetti. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Les questions en jeu, très sérieuses, dépassent largement les clivages politiques.

Vous l’avez rappelé, monsieur le député : la révision des lois de bioéthique doit impérativement avoir lieu avant le 11 février 2011, date à laquelle prend fin le moratoire relatif à la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Le Gouvernement déposera donc un texte avant l’été ; nous pourrons l’examiner au cours du dernier trimestre de l’année 2010, afin de respecter ce délai.

Vous avez énuméré les chapitres au programme de cette révision et soulevé un problème extrêmement important. Je partage entièrement votre point de vue sur les détournements ou dévoiements auxquels se livrent des organismes privés qui abusent de la crédulité de certains parents, qu’ils veulent persuader du bien-fondé de l’utilisation autologue du sang de cordon.

Ces organismes démarchent les parents et leur proposent de conserver le sang du placenta en prétendant qu’il pourra être utilisé plus tard, si l’enfant est malade. Mais le sang de cordon est utilisé à 90 % pour des cancers du sang ; or on ne saurait donner à un enfant leucémique son propre sang, qui peut être porteur de cellules malades.

Monsieur le député, la révision des lois de bioéthique nous permettra d’interdire formellement toute utilisation de sang autologue. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Situation de l'entreprise Heuliez

M. le président. La parole est à M. Alfred Trassy-Paillogues, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Alfred Trassy-Paillogues. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question, à laquelle s’associe Jean-Marie Morisset, s’adresse à M. Christian Estrosi, ministre de l’industrie.

L’industrie automobile touchée par la crise mondiale a bénéficié, dans le cadre du plan de relance, de mesures de soutien ambitieuses qui ont sécurisé le secteur. Les grands constructeurs sont une chose mais il existe d’autres acteurs emblématiques, de taille moindre, qui ont leur importance dans cette activité comme la société Heuliez, qui suscite à la fois des espoirs, des inquiétudes et des interrogations.

Cette société, dont j’ai visité le site à Cerizay dans les Deux-Sèvres le 26 novembre 2009, bénéficie d’un véritable savoir-faire et d’un personnel de qualité ; elle constitue un outil industriel remarquable. Toutefois l’avenir de ce constructeur automobile français qui compte dans le paysage industriel est menacé et six cents emplois sont en jeu.

Cette société a été mise en redressement judiciaire à la fin du mois de mai. La date limite pour le dépôt des offres de reprise était fixée au lundi 7 juin à midi. Il semblerait que plusieurs projets se dessinent : un projet asiatique, un tandem industriel franco-allemand, et peut-être un troisième.

Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, ce qu’il en est exactement de ces offres et nous confirmer le nombre de repreneurs potentiels ? Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer ce que l’État peut faire très concrètement pour accompagner ces projets et favoriser cette reprise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Monsieur le député, vous comprendrez toute la prudence que je mettrai dans ma réponse…

M. Jean Glavany. Pour une fois !

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. ..car Heuliez a suscité par le passé trop d’effets d’annonce et trop de déclarations inopportunes. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Jack Queyranne. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. De manière factuelle, je vous confirme que trois offres ont été déposées devant le tribunal de commerce hier : la première est une offre de continuation déposée par un investisseur auquel M. Petiet aurait cédé ses titres – l’administrateur judiciaire procède aux vérifications ; la deuxième est issue d’un fonds malaisien ; la troisième repose sur une association franco- allemande réunissant Baelen Gaillard Industries pour ce qui est de l’emboutissage et ConEnergy pour ce qui est des véhicules électriques.

Comme vous le savez, monsieur le député, seul le tribunal de commerce est habilité à se prononcer sur les mérites de telle ou telle offre et de décider quelle est la plus appropriée. Cela étant, je peux vous assurer que l’État est prêt à accompagner financièrement l’offre qui lui paraîtra la plus sérieuse et la plus appropriée.

Nous avons reçu à mon cabinet, ces dernières semaines, à la fois les différents candidats à la reprise, les représentants du conseil régional avec lesquels nous avons échangé, les syndicats et les élus locaux. D’ores et déjà, au niveau national, le fonds stratégique d’investissement ainsi qu’OSEO sont mobilisés et l’État est prêt à actionner l’ensemble de ces outils régionaux.

Vous avez raison, monsieur le député, nous devons être attentifs à ces six cents emplois, à de bons brevets et à cette belle industrie française. Nous ferons tout pour les préserver, loin des annonces sans lendemain et des promesses non tenues. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Défiscalisation des heures supplémentaires

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean Mallot. Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement a fait voter en 2007 le « paquet fiscal », censé mettre en application le célèbre miroir aux alouettes : « travailler plus pour gagner plus ». (Approbations sur les bancs du groupe SRC.)

Très coûteux pour les finances publiques, ce paquet fiscal comporte une mesure consistant à exonérer d’impôts et de cotisations les heures supplémentaires, lesquelles sont devenues moins chères que les heures normales pour les entreprises. Une première évaluation de cette mesure est maintenant disponible. Elle montre que les critiques que nous avions formulées dès l’origine étaient fondées.

Vous prétendiez que les salariés demanderaient à faire des heures supplémentaires pour gagner plus : c’est faux ! L’étude du ministère du travail montre que si les entreprises n’ont pas accru le nombre des heures supplémentaires, c’est à 82 % parce que l’évolution de leur activité ne l’a pas justifié. Celles qui y ont eu davantage recours l’ont fait à 65 % en raison de l’augmentation de l’activité et seulement à 40 % à la demande des salariés. Elles disent également avoir, de ce fait, moins recouru à l’intérim et moins recruté.

L’augmentation du recours aux heures supplémentaires n’a concerné qu’une minorité d’entreprises, soit un cinquième des salariés. Qui plus est, le dispositif ne s’est appliqué qu’à une petite partie d’entre eux. Il n’a même pas bénéficié aux salariés à temps partiel. En réalité votre mesure d’un coût, rappelons-le, de 3 milliards d’euros en 2008, a constitué une aubaine pour ceux qui, de toute façon, aurait fait des heures supplémentaires et pour leurs entreprises.

Dans certaines entreprises, elle a eu des effets pervers car la baisse du salaire de référence a été compensée par des heures supplémentaires non réalisées. Elle a accéléré les effets de la crise sur la montée du chômage et retardé sa décrue. En avril, malgré les annonces du Président de la République, qui manifestement ne commande pas tout, le chômage est reparti à la hausse.

Alors, je vous le demande, monsieur le Premier ministre, quand allez-vous réparer votre erreur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi. Monsieur le député, s’agissant de la défiscalisation des heures supplémentaires, les derniers chifffres, qui portent sur le quatrième trimestre 2009, montrent que le nombre d’heures supplémentaires en moyenne par salarié est reparti à la hausse, ce qui est une bonne nouvelle car cela montre que l’activité reprend. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Et la hausse du chômage !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Par ailleurs, à travers votre question, vous semblez sous-entendre que les heures supplémentaires qui bénéficient à des salariés modestes se feraient au détriment de l’emploi. C’est une vision totalement décalée par rapport aux faits. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Première réalité : le nombre d’heures supplémentaires n’a jamais été aussi élevé qu’entre mars et octobre 2008, période pendant laquelle notre économie a créé le plus d’emplois.

Deuxième réalité, que vous ne contestez d’ailleurs pas dans votre question : lorsque le marché d’emploi va moins bien, les heures supplémentaires vont moins bien.

Troisième réalité, que vous cachez : les heures supplémentaires permettent de soutenir les salaires. Ce faisant, elles représentent des gains qui sont loin d’être négligeables, monsieur Mallot. Pour un salarié dont le revenu mensuel est de 1 400 euros, quatre heures supplémentaires par semaine constituent un gain de plus de 100 euros nets par mois. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Peut-être certains d’entre vous considèrent-ils cela comme négligeable ? Peut-être souhaitez-vous revenir sur ces mesures ? Alors, allez jusqu’au bout de votre logique, et dites aux Français que vous vous apprêtez à revenir sur plus de 3 milliards d’euros de soutien à leurs salaires et que le projet que vous portez est celui-ci, monsieur Mallot.

En vérité, ce qui a plombé l’emploi dans notre pays, ce ne sont pas les heures supplémentaires mais les 35 heures ! (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

En vérité, ce qui a coûté 40 milliards d’euros à notre pays, ce ne sont pas les heures supplémentaires mais les 35 heures !

En vérité, ceux qui persistent dans l’erreur sont du côté de l’hémicycle où vous siégez, monsieur Mallot ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plan canicule

M. le président. La parole est à Jacques Grosperrin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jacques Grosperrin. Madame la secrétaire d’État chargée des aînés, comme tous les ans vous avez activé le 1 er  juin le plan canicule, qui restera en vigueur jusqu'au 31 août.

Vous avez mis en place un numéro vert d'information, de communication et de surveillance quotidienne de l'évolution de la météorologie ainsi que le recensement des personnes à risques.

Vous avez récemment rappelé à la population que si certains membres de leur famille sont âgés, il convient de prendre régulièrement de leurs nouvelles et de s'assurer qu'elles se portent bien.

Alors que le code Napoléon prévoit un devoir de secours entre ascendants et descendants depuis 1804 – ce devoir n'étant pas circonscrit à la seule obligation financière mais constituant une obligation morale de base –, vous êtes contrainte de rappeler à certains de nos concitoyens qu'ils doivent prendre des nouvelles de leurs proches, et notamment des plus faibles.

Triste situation que celle dans laquelle se trouve notre pays, qui cherche en permanence à promouvoir la solidarité, tant sur le plan interne que sur le plan international, et dont certains de ses enfants oublient cette obligation des plus élémentaires ! Une société qui ignore ses aînés est une société qui méconnaît son passé et prépare mal son avenir. Ce n'est pas vraiment à la puissance publique de prendre en charge ce que les enfants ou petits enfants devraient faire spontanément.

Vous avez mis en place trois niveaux du plan canicule, dont le deuxième prévoit en particulier la réquisition des médias pour diffuser des messages de prévention, notamment en direction des personnes les plus exposées, personnes âgées, personnes handicapées.

Ne pourrait-on pas imaginer une action moins saisonnière et plus pédagogique à destination, non seulement des personnes à risques, mais également de leur famille, qui viserait à les impliquer dans la vie quotidienne de leurs aînés, indépendamment du temps, de la température et de la période de l'année ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. Monsieur le député, c’est bien tout au long de l’année que le Gouvernement se mobilise pour promouvoir la solidarité familiale, mais aussi citoyenne à l’égard de nos aînés.

C’est vrai, l’hiver et l’été sont des périodes où les risques sont particulièrement accrus pour les personnes les plus fragiles.

À l’occasion du lancement du Plan canicule 2010, et aux côtés de Roselyne Bachelot, j’ai sensibilisé les différents acteurs impliqués, et tout naturellement les familles. Le dispositif sera encore plus cohérent cette année, grâce à la mise en place des agences régionales de santé, aux côtés des préfets.

Si aujourd’hui le risque est contrôlé au niveau des établissements, nos efforts doivent se poursuivre, comme vous le précisez à juste titre, en direction des personnes les plus fragiles et seules. Il faut donc poursuivre le recensement des personnes âgées et des personnes handicapées isolées, en particulier dans les petites communes...

M. Pierre Gosnat. Vous faites exactement le contraire !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. ...en consolidant l’intervention du tissu associatif qui est un maillon indispensable.

La campagne de prévention à l’échelle nationale et territoriale en direction des familles, que vous préconisez, existe déjà ainsi qu’un numéro vert d’information et de recommandations à leur intention.

Soyez assuré qu’en toute période de l’année, nous veillons à consolider et développer la solidarité familiale, intergénérationnelle, mais aussi citoyenne par les relations humaines de proximité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

État des finances publiques

M. le président. La parole est à M. Kléber Mesquida, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Kléber Mesquida. En cette période de championnat du monde, ma question s’adresse au capitaine du Gouvernement, c’est-à-dire au Premier ministre. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Glavany. Il n’est plus là !

M. Kléber Mesquida. Alors qu’en 2002, le gouvernement de Lionel Jospin avait qualifié la France aux équilibres budgétaires – comptes de la sécurité sociale en équilibre, fonds de réserve des retraites abondé, déficit maîtrisé, chômage en forte baisse –, depuis huit ans votre politique a plongé la France dans le bas du classement :...

M. Guy Geoffroy. Mais non !

M. Kléber Mesquida. ...trou record de la sécurité sociale, endettement inégalé, déficits abyssaux, réduction du pouvoir d’achat, explosion du chômage et j’en passe.

Aujourd’hui, vous êtes leader dans le championnat des accusations : mise en cause sans précédent par le Président Nicolas Sarkozy des anciens présidents François Mitterrand et Jacques Chirac, mise en cause infondée des collectivités dans le déficit public, mise en cause de l’organisation territoriale, accusation déplacée par la secrétaire d’État chargée des sports sur l’hébergement des Bleus qui, par ailleurs, ne coûte rien au contribuable.

Vous excellez également dans le championnat des dérives ministérielles : logement d’un ministre transformé en hébergement familial d’urgence (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe SRC), coût de l’avion privé d’un secrétaire d’État, bisbille déplacée entre la ministre des sports et sa secrétaire d’État, condamnation du ministre de l’intérieur par la justice pour injure raciale. La liste serait longue.

Ma question sera simple : quand comptez-vous qualifier la France dans la zone de croissance, la réduction des déficits, le désendettement, la justice fiscale et l’amélioration du pouvoir d’achat des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Sapin. Il faut changer d’équipe !

M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État. Monsieur le député, vous avez vraiment sorti le tuyau d’arrosage ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Glavany. Que faut-il faire contre la gale ?

M. François Baroin, ministre du budget . Vous y êtes allé gaiement sur les rappels et les contrevérités. Mais additionner des contrevérités n’a jamais abouti à une vérité.

Il faut avoir un culot d’acier pour prétendre que, sous le gouvernement Jospin, tout était beau, magnifique et illuminé (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et oublier qu’une crise mondiale a altéré les finances publiques.

M. Jean-Pierre Soisson. Eh oui !

M. François Baroin, ministre du budget . Vous avez oublié l’exigence, le sens des responsabilités. Il vous faut dépasser la facilité politicienne dans laquelle vous vous êtes enfermé à travers cette question.

M. Jean Glavany. Vous, vous êtes un expert en la matière !

M. François Baroin, ministre du budget . S’il y a bien un sujet qui doit nous rassembler et qui devrait nous sortir de la posture pour éviter l’imposture du discours et la facilité de la démagogie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. –Protestations sur les bancs du groupe SRC) , c’est bien celui-là. C’est votre intérêt de nous accompagner sur le chemin de l’exemplarité et de la révision constitutionnelle pour ramener les déficits au niveau où ils étaient avant la crise.

M. Henri Emmanuelli. Supprimez le bouclier fiscal !

M. François Baroin, ministre du budget . Je souhaite aussi que vous nous accompagniez lors du prochain rendez-vous qui aura lieu à la fin du mois de juin à l’occasion du débat d’orientation budgétaire. Il y aura partage entre les hommes de gauche de responsabilité, qui ont le sens de l’État, et ceux qui, un peu par facilité et un peu par mesquinerie (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), se drapent dans une vertu qu’ils n’ont jamais eue.

Comme je n’ai plus le temps de l’évoquer, je ne reviendrai pas sur la période de 1981, je ne citerai personne, je ne rappellerai pas le laxisme avec lequel in fine , deux ans plus tard, vous avez été, vous, dans l’obligation de mener une politique de rigueur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Albert Facon. Vous n’étiez même pas né !

Conseil mondial de l'eau

M. le président. La parole est à M. Jean Roatta, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean Roatta. Madame la secrétaire d’État chargée de l’écologie, la semaine dernière à l’Élysée le Président de la République a lancé les états préparatoires du Forum mondial de l’eau qui se tiendra à Marseille en mars 2012 et a annoncé vouloir « faire de l’eau une ressource protégée, à partager au sein d’un même pays comme entre les nations ».

La candidature de Marseille, d’abord incertaine face à l'Afrique du Sud, a tout de suite bénéficié d’une mobilisation exceptionnelle de l’ensemble des acteurs politiques au plus haut niveau de l’État. Le Président de la République a lui même manifesté son souhait de voir notre ville retenue. Depuis, votre mobilisation sur ce dossier est sans faille, madame la secrétaire d’État.

La mobilisation avait également été unanime à l’époque aussi bien au niveau des collectivités locales et régionales qu’à celui des acteurs économiques et professionnels du secteur.

Marseille qui, depuis 1996, est le siège du Conseil mondial de l’eau va ainsi voir son expertise et sa culture de l’eau justement valorisées et reconnues sur la scène internationale. Cette reconnaissance est pour nous, élus, une réelle source de fierté.

Les 3 et 4 juin dernier ont d’ailleurs eu lieu à Marseille, où vous étiez présente, madame la secrétaire d’État, aux côtés du sénateur-maire Jean-Claude Gaudin, du président du conseil général, du président du conseil régional, de la communauté urbaine, plusieurs réunions de travail rassemblant plus de trois cents délégués venus du monde entier pour travailler à la préparation du Forum de 2012.

Les enjeux mondiaux liés à l’eau, à l'aube du troisième millénaire, sont déterminants pour l’avenir de notre planète. En effet, deux milliards et demi d’êtres humains n’ont pas accès à un assainissement de base et près de 900 millions sont privés d’eau potable.

Madame la secrétaire d’État, le prochain Forum de l’eau devra envisager la gestion de l’eau sous l’angle de la gouvernance mondiale de cette ressource pour laquelle l’enjeu est planétaire. Je souhaite donc savoir quels sont les objectifs…

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’écologie.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’écologie. Monsieur Jean Roatta, vous venez de rappeler une réalité effrayante : l’eau est la première cause de mortalité à travers le monde, plus exactement l’eau sale, qui tue un enfant toutes les dix-sept secondes. Face à cette réalité, l’on ne peut qu’être frappé par une certaine forme d’aveuglement : une seule instance s’occupe en effet spécifiquement de la question de l’eau, le Forum mondial de l’eau, qui se tiendra à Marseille en mars 2012.

Nous pouvons en être très fiers. Nous devons cette victoire de la France à l’engagement au plus haut niveau du Président de la République, du Premier ministre, du président de votre assemblée, et des élus de Marseille au premier rang desquels figure Jean-Claude Gaudin.

Quelles sont nos deux priorités pour ce forum ?

La première, qui nous tient particulièrement à cœur, à Jean-Louis Borloo et moi-même, est la reconnaissance d’un droit d’accès à l’eau et à l’assainissement, reconnaissance internationale que sans eau, il n’est pas de développement possible, ni de paix possible.

Aujourd’hui, la France a plus que doublé son engagement en ce domaine depuis 2005. Cependant, le droit d’accès à l’eau et à l’assainissement est absent de la plupart des grandes conventions. On ne le retrouve pas dans celles sur les droits humains, ni en tête des objectifs du Millénaire pour le développement.

Nous devons par ailleurs être bien conscients que, au sein même de notre propre pays, un nombre croissant de familles sont incapables de payer leur facture d’eau. Aussi votre propre majorité portera-t-elle une proposition de loi tendant à mettre en place un dispositif de prévention des factures d’eau impayées.

Deuxième priorité : ce Forum doit être l’occasion d’adopter un plan commun entre tous les acteurs, les États, les collectivités, les entreprises, les ONG, plutôt que de laisser chacun instaurer son propre plan. Notre idée serait simplement de lancer un Grenelle mondial de l’eau, d’abord à l’échelle des pays, ensuite à l’échelle des continents, enfin à l’échelle mondiale.

Chacun doit comprendre que l’enjeu de mars 2012 est énorme et que nous souhaitons réellement être à la hauteur de l’événement. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

Raffinage aux Antilles

M. le président. La parole est à M. Louis-Joseph Manscour, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Louis-Joseph Manscour. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’outre-mer.

L’économie antillo-guyanaise est menacée par l’éventuel arrêt de l’approvisionnement en pétrole brut de la raffinerie qui alimente ces trois départements. En effet, le 1 er  juin dernier, les administrateurs de la Société anonyme de raffinerie des Antilles – SARA – ont envisagé cette possibilité si l’État ne respectait pas ses engagements.

En réponse à la mobilisation massive des populations de ces régions contre la vie chère, M. Yves Jégo, qui s’occupait précédemment de l’outre-mer, avait obtenu de la SARA une baisse significative des prix des produits à la pompe. En contrepartie, l’État s’était engagé à lui verser une compensation en attendant de nouvelles dispositions relatives à la fixation du prix des carburants.

Aujourd'hui, la SARA annonce un manque à gagner de 100 millions d’euros depuis la crise de février 2009 et prétend n’avoir reçu que 31 millions d’euros de l’État. Pas moins de trois courriers ont été adressés au Premier ministre depuis avril 2010 pour rappeler au Gouvernement ses engagements.

Au-delà de l’avenir de la SARA, au-delà de la question des prix du carburant à la pompe, l’urgence de la situation préoccupe les élus, les populations et le monde économique. Nous ne souhaitons point voir, du seul fait de la défaillance de l’État, s'installer, dans un contexte économique et social déjà suffisamment préoccupant, un dérèglement général de l’activité dans nos régions.

La parole de l’État sera-t-elle respectée dans ce dossier ? Le Gouvernement est-il prêt à laisser poindre de tels risques de perturbation pour nos économies déjà si fragiles ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Monsieur Louis-Joseph Manscour, oui, la question du prix du carburant dans les départements d’outre-mer et le devenir de la SARA sont une préoccupation majeure du Gouvernement à laquelle nous sommes particulièrement attentifs, avec Brice Hortefeux et Jean-Louis Borloo. D’ailleurs, dans un souci de transparence, le Gouvernement a demandé, comme vous le savez, à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail – ANACT –, de mener un travail d’analyse et de concertation sur le devenir de la raffinerie SARA, le mode de raffinage et d’approvisionnement étant une variable déterminante pour le niveau du prix des carburants outre-mer.

La prochaine étape sera d’examiner, avant l’été, les premières conclusions du travail engagé. A cette fin, le directeur général de la l’ANACT se rendra dans les tout prochains jours dans les trois départements français d’Amérique pour présenter aux responsables politiques et syndicaux les premières conclusions de sa mission. Nous souhaitons que les collectivités locales – je les y invite – puissent participer à cette réflexion. Elles pourront ainsi s’exprimer utilement sur les différents scénarios qui seront définitivement présentés à l’automne.

L’État, je veux vous rassurer, remboursera ce qu’il doit en application des protocoles transactionnels qui le lient à la SARA. Il remboursera tout ce qu’il doit, mais rien que ce qu’il doit.

Vous le voyez, monsieur le député, le Gouvernement travaille activement sur la question du prix et de l’approvisionnement en carburant des Antilles et de la Guyane, en suivant une méthode – la concertation avec l’ensemble des acteurs – et en poursuivant un objectif : répondre à l’attente de nos concitoyens d’outre-mer.

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Réforme des collectivités territoriales

Vote solennel sur l’ensemble d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi adopté par le Sénat, de réforme des collectivités territoriales (n° 2280, 2516).

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Michel Piron, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Piron. Rappelons-le, le projet de loi sur les collectivités territoriales dont la première lecture vient de s’achever, marque une étape importante, cette réforme en appelant certainement d’autres.

M. Patrick Roy. Hélas !

M. Michel Piron. Non, monsieur Roy !

Le sujet dont il est question n’est pas des plus simples. Il s’agit rien de moins que de la gouvernance territoriale de notre pays, d’améliorer les relations entre collectivités territoriales et de s’interroger sur les relations de celles-ci avec l’État.

Il peut être utile de rappeler que la France offre, dans le respect d’une autonomie définie comme l’absence de tutelle, un exemple que ne connaît aucun de ses voisins.

L’étape importante à laquelle je faisais allusion concerne d’abord le rapport communes-communauté. Cette question a sans doute fait l’objet de la plus longue et de la plus large concertation – celle qui a le plus abouti – et, depuis un peu plus de deux ans, de très nombreuses consultations auprès de l’AMF aussi bien que de l’ADCF. Rappelons que 89 % des communes et 93 % de la population vivent sous un régime d’intercommunalité. L’achèvement de la carte intercommunale prévue pour 2013 se révèle donc indispensable.

Rappelons en outre que le projet prévoit l’élection directe, grâce au scrutin « fléché », des délégués intercommunaux dans un cadre communal. Cette élection « fléchée » présente l’immense mérite d’introduire le débat intercommunal au cours des élections municipales.

De la même manière, on peut souhaiter que cette désignation des délégués intercommunaux au scrutin « fléché »…

M. Jean Mallot. Nous ne sommes pas là pour « flécher » mais pour voter !

M. Michel Piron. …améliore considérablement la démocratisation de l’intercommunalité tant attendue par les citoyens.

En ce qui concerne le rapport entre les départements et les régions, rappelons la création – nous en avons beaucoup débattu – des conseillers territoriaux dont l’intérêt manifeste n’aura échappé à personne.

M. Marcel Rogemont. À nous, si, il nous a échappé !

M. Michel Piron. À partir du moment où les mêmes élus siégeront dans les deux assemblées, il est évident qu’ils auront toutes les raisons de ne pas traiter dans l’une ce qu’ils auront traité dans l’autre. En d’autres termes, ces élus auront de toute évidence la possibilité de substituer la cohérence à la concurrence, la complémentarité aux redondances fort coûteuses.

La question de la limitation des financements croisés prévue à l’article 35 méritait toute notre attention et a ainsi fait l’objet de nombreux débats. Elle entraînera de facto la limitation des instructions croisées : chaque dossier subventionné quatre fois a été instruit quatre fois au sein de quatre instances qui font le même travail.

M. Roland Muzeau. Et alors ?

M. Michel Piron. Comment ne pas se féliciter de cette mesure de simplification ?

Le mode de scrutin retenu – majoritaire à deux tours – présente un mérite que personne n’a contesté : celui de la lisibilité. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR et plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. Vous dites n’importe quoi ! C’est de la brasse coulée !

M. Michel Piron. Cette étape importante dans les relations entre les collectivités – communes-communauté, départements-régions – ne prétend pas pour autant constituer le parachèvement d’une réforme dont chacun sait qu’elle demeurera longue et difficile.

M. Marcel Rogemont. Elle s’arrêtera en 2012 !

M. Michel Piron. Elle sera difficile parce qu’une longue tradition française ne s’accommode pas toujours facilement de réponses territoriales différenciées. Difficile aussi parce que nous avons trop peu appris à penser l’égalité, en particulier l’égalité des chances. Difficile enfin parce que la péréquation attendue est toujours celle, verticale, provenant de l’État, et que les collectivités éprouvent parfois des difficultés à assumer la péréquation horizontale, c’est-à-dire la péréquation entre collectivités territoriales.

Pour toutes ces raisons, la présente réforme, j’y insiste, est une étape importante et nécessaire. C’est pourquoi le groupe UMP soutiendra le Gouvernement…

M. Jean Mallot. Comme la corde soutient le pendu !

M. Michel Piron. …et persistera à penser que cette réforme est bonne et va dans la bonne direction. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier, pour le groupe SRC. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Derosier. « Il faut simplifier le millefeuille. » De cette déclaration imagée du Président de la République, il ne fallait pas imaginer le désir d’une pâtisserie de meilleur goût, ni même une intention politique de bon aloi vis-à-vis de nos collectivités territoriales. Bien au contraire, nous devions comprendre qu’il fallait modifier le cadre institutionnel français pour que la gauche ne soit plus majoritaire dans les régions, dans les départements, dans les villes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

C’est là votre véritable objectif : servir vos intérêts partisans.

M. Marcel Rogemont. C’est la vérité !

M. Bernard Derosier. Pour l’atteindre, tous les moyens ont été utilisés. Nous n’avons jamais obtenu de réponse de la part du Gouvernement à des questions précises que nous lui avons posées tout au long du débat sur les atteintes graves que vous portez à la décentralisation et à la démocratie locale. En outre, ce qui illustre bien votre méthode, c’est le dépôt d’amendements de fond, à la dernière minute : l’un faisant de ce texte une loi électorale et l’autre, déposé à deux heures du matin dans la nuit de mercredi à jeudi sans aucune information préalable, visant à prévenir une annulation de la part du Conseil constitutionnel pour non-respect de la parité parmi les conseillers territoriaux.

Et pourtant, nous aurions pu nous retrouver pour élaborer ensemble une nouvelle étape de la décentralisation en organisant une meilleure répartition des compétences entre les trois niveaux d’administration territoriale – commune, département, région –, trois niveaux que l’on retrouve dans la plupart des pays de l’Union européenne. C’est là que se situait la priorité en termes de simplification.

Nous aurions pu, ensemble, préparer l’achèvement de l’intercommunalité, dispositif qui remonte à 1999, proposé par un ministre du gouvernement Jospin et combattu par la droite. Il est imparfait, certes, mais vous n’avez pas retenu nos suggestions pour que ces établissements publics de coopération intercommunale qui rationalisent la vie communale, soient des lieux de vie démocratique, efficaces, respectueux des intérêts des citoyens de toutes les communes de France.

Au contraire, vous avez voulu rétablir la tutelle de l’État sur les élus locaux parce que, aujourd’hui, vous avez la charge de cet État qui devient de plus en plus un État-UMP. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.- Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Non contents d’étrangler financièrement les collectivités locales en prétextant la crise – elle a bon dos –, vous portez un nouveau coup aux services publics de proximité assurés par les communes, les départements et les régions.

Reprenons les aspects de votre projet avec lesquels nous sommes en désaccord profond.

La création des conseillers territoriaux tend à affaiblir la démocratie locale. Leur nombre est désormais connu et, sur ce point, rien ne nous a été épargné. Il a fallu contraindre le Gouvernement à respecter la compétence du législateur pour fixer ces règles affectant le fonctionnement des assemblées locales, alors que le même Gouvernement avait pourtant envisagé de régler cette question au moyen d’une simple ordonnance. En définitive, c’est par un amendement présenté à la sauvette que cette précision a été intégrée au projet de loi.

En revanche, je n’ai pas entendu les défenseurs de cette réforme nous apporter la preuve que les 3 471 futurs élus seraient bien à même d’être effectivement présents dans deux assemblées délibérantes distinctes et que les relations de proximité entre les citoyens et ceux chargés de décider en leur nom ne seraient pas remises en cause. Que dire des incroyables disparités démographiques entre les futures circonscriptions électorales des conseillers territoriaux tant elles sont considérables entre les régions et entre les départements.

Ensuite, ce projet de loi n’a cessé de varier sur les modalités de la désignation de ces futurs élus. Sur ce point comme sur d’autres, nous sommes en pleine confusion. Certes, le Gouvernement a renoncé au scrutin au tour unique, mais la méthode utilisée est inacceptable sur la forme. Et je dénonce le cavalier que vous avez utilisé pour introduire ce dispositif dans un texte qui n’avait rien à voir avec le sujet.

S’agissant de la parité, l’amendement auquel je faisais allusion tout à l’heure est un cadeau empoisonné fait aux femmes qui aspirent à accéder aux fonctions électives.

Sous prétexte d’intégrer les conseillers territoriaux dans le calcul du financement public des partis politiques, il exclut dans l’immédiat les femmes candidates de ce calcul complexe. Celles-ci devront attendre 2020 pour espérer être prises en compte dans la détermination de ce financement !

M. Jean Mallot. Et encore !

M. Bernard Derosier. Plus de femmes dans les conseils municipaux, nous dites-vous ! Quel lot de consolation inacceptable ! Tout à l’heure M. le secrétaire d’État Marleix dénonçait le fait que les socialistes n’avaient pas beaucoup de présidences féminines dans les régions, mais vous n’en avez aucune, pour ce qui vous concerne ! Pourquoi parlez-vous de corde dans la maison d’un pendu ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Enfin, après avoir annoncé la suppression de la clause générale de compétence dans le projet initial, laquelle a permis un aménagement du territoire digne de ce nom, vous la maintenez dans une formulation alambiquée.

Tant de recherches pour choisir la formule adéquate étaient bien inutiles, car la politique de compression des dotations de l’État aux collectivités locales menée depuis quelques années, conjuguée à la réduction de leurs ressources fiscales autonomes, contribue tout aussi efficacement à anéantir la capacité d’initiative de ces collectivités !

Telles sont, mes chers collègues, toutes les raisons qui amènent, aujourd’hui le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche à dire au Gouvernement qu’il vient de porter un mauvais coup à la démocratie locale, à la démocratie, tout simplement, donc à la République ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je fais d’ores et déjà annoncer le scrutin dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe GDR.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, le projet de loi de réforme des collectivités territoriales n’a malheureusement pas beaucoup fait parler de lui. Il conduira pourtant à un bouleversement complet de notre système institutionnel. C’est aussi un coup terrible contre les territoires pauvres et les zones rurales.

C’est d’abord le délitement organisé de la démocratie locale. Notre réseau de communes, qui fait vivre la République et les services publics sur tout notre territoire, est en danger ! Les maires, élus préférés de nos concitoyens, voient leurs pouvoirs réduits au profit des intercommunalités désormais obligatoires, c’est-à-dire des regroupements décidés administrativement par le préfet et non sur la base de projets de territoire élaborés par les élus et les citoyens. Alors que la fonction de maire est mise en danger, ce projet de loi en créé une nouvelle : celle de « conseiller territorial ». Ces élus de cantons remodelés siégeront au conseil général et au conseil régional, cumulant ainsi deux fonctions tout en étant deux fois moins nombreux. C’est la fin de la proximité entre élus et citoyens. Le conseiller territorial ne pourra qu’être un professionnel de la politique, un élu technicien siégeant dans deux assemblées aux compétences différentes et dans l’impossibilité de conduire des politiques publiques librement choisies, symbole de la libre administration des collectivités territoriales. Ce nouvel élu bicéphale arrange bien l’UMP : il lui permet de renforcer son bouclier électoral, tout en renouvelant son plaisir à jouer une nouvelle fois avec les ciseaux !

Outre ce redécoupage, ce projet de loi a été l’occasion, pour la majorité, de tester laborieusement différents modes de scrutin et d’imposer par cavalier le nombre de « conseillers territoriaux » affectés à chaque département. Le résultat est catastrophique : en supprimant le mode de scrutin proportionnel des élections régionales, il signe notamment la fin de la parité ! Les femmes devront désormais se contenter des miettes : elles pourront siéger dans les conseils municipaux des villes de moins de 3500 habitants et auront même le droit d’être suppléantes des futurs conseillers territoriaux, évidemment sans véritable statut ! Pour donner le change, le système de financement des partis politiques a été replâtré à la va-vite, jeudi dernier, à deux heures du matin. Le nombre de candidates femmes aux élections territoriales influera à la marge sur le montant de l’aide aux partis. Ce dispositif d’affichage, qui existe déjà pour les législatives, a pourtant fait la démonstration de son inefficacité.

Mais cette réforme des collectivités territoriales, c’est aussi un gigantesque cheval de Troie pour donner des parts de marché au secteur privé dans nos territoires ! Tout d’abord, le développement et l’aménagement du territoire se feront de manière encore plus inégalitaire. Ensuite, les métropoles et les pôles de compétitivité draineront l’essentiel de l’activité, les subventions, les bonus de notation, les investissements, au détriment des territoires moins favorisés ou relégués. Enfin, les collectivités territoriales seront encore plus asphyxiées financièrement. Quant aux espaces ruraux, ils se trouveront progressivement privés de pouvoir, de représentation et de financement, ce qui accélérera leur désertification. Cette réforme est une mèche lente au bout d’un bâton de dynamite qui fera exploser nos institutions !

Pour parachever l’ouvrage, la casse des syndicats de communes, comme la suppression de la clause générale de compétence, empêcheront les collectivités territoriales de répondre aux besoins des populations et de maintenir les services publics locaux. Les entreprises privées vont pouvoir s’installer sur les ruines du secteur public en reprenant les seules activités rentables. À la clé, les inégalités territoriales exploseront en même temps que les prix ! Avant même d’avoir digéré les jeux en ligne, le MEDEF se délecte déjà de cette nouvelle manne !

Ce texte de loi provoquera aussi la saignée programmée de l’emploi public dans nos collectivités. Elles réalisent 73 % des investissements publics et emploient aujourd’hui 1,8 million d’agents. Pour pouvoir diviser par deux le nombre d’agents de la fonction publique territoriale, la réforme organise une sorte de RGPP en promouvant les fusions et les mutualisations. Non seulement la réforme empêche nos territoires de répondre à la crise et au chômage, mais elle les aggrave !

À l’heure où les associations locales et les défenseurs des services publics de proximité sont en état d’alerte dans toute la France, les députés de la Gauche démocrate et républicaine veulent dire avec force que les citoyens seront les premières victimes de ces réformes !

Nous voterons résolument contre ce texte, et nous impulserons la riposte dans les communes, dans les départements et dans nos régions pour dire halte au massacre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. Pour le groupe NC, la parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet. Monsieur le président, mes chers collègues, nous arrivons au terme de la première lecture d’un projet de réforme des collectivités territoriales. Le débat a été certes très nourri, mais il laisse au groupe Nouveau Centre un goût d’inachevé et une pointe de regret, messieurs les ministres ! Un premier regret s’adresse à la gauche. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J’ai participé au débat et je déplore son attitude caricaturale. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Laisser entendre aujourd’hui à nos compatriotes que tout va bien, qu’il ne faut rien changer, comme si se forger un avenir consistait à laisser en l’état l’enchevêtrement, l’empilement des collectivités, n’est pas très responsable ! Je tenais simplement à vous le dire au terme de cette discussion. Laisser les choses en l’état ne constitue pas une réponse pour l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Je pense aussi que l’émiettement du pouvoir local n’est pas la reconnaissance ultime de son existence. Réfléchir, après la mise en œuvre de différentes étapes de la décentralisation, à une modernisation de ce système et à une efficacité beaucoup plus opérationnelle est, je le crois, pour nous qui assumons aussi des responsabilités locales, une exigence. Je voudrais redire devant la représentation nationale que le groupe Nouveau Centre considère qu’une réforme des collectivités est nécessaire afin de mettre un terme à une situation devenue, pour nombre de nos compatriotes et d’élus locaux, tout à fait illisible. J’observe d’ailleurs que nous sommes de plus en plus sollicités pour faire de l’ingénierie, donc pour accompagner les élus locaux afin qu’ils s’y retrouvent. Rien que pour cela, nous devons avancer ensemble sur cette réforme.

Nous éprouvons aussi un goût d’inachevé, s’agissant de la forme. Messieurs les ministres, je regrette que des questions cruciales pour l’avenir du pays aient été tranchées par le biais d’amendements déposés en dernière minute en commission des lois. Je déplore également qu’un certain nombre d’approximations et d’imprécisions aient troublé nos débats et les parlementaires, ce qui a fait, à certains moments, un peu désordre.

Sur le fond, le groupe Nouveau Centre est favorable à la création du conseiller territorial. Nous étions même de ceux, mes chers collègues, qui souhaitaient aller au-delà et organiser non seulement la proximité entre les électeurs, les pouvoirs locaux, mais également la fusion entre départements et régions. Il y a là une perspective d’avenir. Reconnaissons que les strates sont trop nombreuses dans notre pays. Nous pensons cependant – et je vous le répète – qu’afficher, à l’occasion de cette réforme, la réduction du nombre d’élus locaux comme une partie de l’alpha et de l’oméga de la réussite de la réforme n’est pas un très bon signal à donner, même s’il convient effectivement de veiller à assurer une efficacité accrue. Je pense, en effet, que cela relève davantage de l’aspect institutionnel que du nombre d’élus locaux. J’observe, messieurs les ministres et messieurs les présidents des commissions, que nous avons tout de même progressé pendant ce débat. Nous voulions simplement connaître le nombre d’élus territoriaux dans chacune des régions et des départements. C’est un sujet essentiel. Le groupe Nouveau Centre – et cette idée était partagée par certains sur les bancs de l’UMP – tenait à s’assurer qu’il y ait, demain, une juste représentation des territoires et des populations.

M. Bruno Le Roux. C’est raté !

M. François Sauvadet. Nous nous sommes faits, avec Philippe Vigier et Maurice Leroy entre autres, les interprètes d’un monde rural qui ne voulait pas se voir infliger une double peine : la réduction de moitié des élus locaux et un rééquilibrage territorial démographique qui aurait pu entraîner l’absence d’élus dans un certain nombre de territoires ruraux. Le débat se poursuivra, mais la proposition du Gouvernement est un bon signal. Il appartenait à la représentation nationale de se prononcer sur le nombre d’élus territoriaux. Je vous donne donc acte de ces avancées.

S’agissant de l’élection des conseillers territoriaux, proposer un mode de scrutin uninominal à deux tours par voie d’amendement est tourner le dos à un accord politique trouvé au Sénat (Applaudissements sur les bancs du groupe NC. – « Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) mais c’est aussi, je le dis, enterrer la parité et le pluralisme. Ce n’est pas le vote d’un amendement prévoyant une sanction financière qui réglera le problème de la parité. Si tel avait le cas, nous en mesurerions aujourd’hui les effets. Je souhaite, en conséquence, que le débat se poursuive au Sénat sur cette question de la parité et du pluralisme. Nous devons bien veiller aux aspects constitutionnels sur lesquels j’ai appelé, avec l’ensemble de mes collègues, votre attention pendant le débat.

Enfin, la véritable question que nous devons nous poser dans le prolongement des deux précédentes est de savoir si le texte résout le problème tant de fois souligné devant notre Assemblée de la complexité du « millefeuille » territorial et du foisonnement des compétences.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Non !

M. François Sauvadet. Considérant votre volonté de ne rien changer, je ne pense pas que vous soyez, à gauche, qualifiés pour apporter une réponse ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) En réalité, le texte est aujourd’hui quelque peu en retrait – et c’est un doux euphémisme ! – par rapport aux ambitions initiales du comité Balladur. La clause générale de compétence des départements et des régions est certes supprimée, mais les conditions dans lesquelles nous allons les mutualiser ont finalement été renvoyées à des accords ultérieurs. Je souhaite en tout cas que nous avancions sur ce sujet.

Mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre s’abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC. – Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.) Ce n’est pas une porte fermée, car ce débat amorcé ici avec ses avancées et avec les perspectives pour les élus locaux, qu’il nous faut clarifier, doit se poursuivre en deuxième lecture au Sénat. Je me réjouis que la procédure accélérée n’ait pas été engagée sur ce texte et je me félicite de cette volonté partagée. Je ne doute pas que nous pourrons avancer sur ce chemin, messieurs les ministres et messieurs les présidents des commissions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 565 Nombre de suffrages exprimés 516 Majorité absolue 259 Pour l’adoption 276 Contre 240 (Le projet de loi est adopté.)

(Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Grand. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Une fois encore, un soldat français est mort en Afghanistan et, une fois encore, l’Assemblée nationale française ne lui rend pas hommage par une minute de silence.

Monsieur le président de l’Assemblée nationale, puisque c’est vous qui nous faites l’honneur de présider cette séance, j’aimerais par votre voix connaître les raisons pour lesquelles l’Assemblée nationale française ne rend plus hommage aux morts pour la France, à ses fils tués en Afghanistan dans cette guerre sans issue.

M. Daniel Garrigue. Il a raison !

M. le président. Monsieur le député, les minutes de silence sont décidées en fonction d’une règle qui s’est établie au fil du temps. Nous avons déjà rendu hommage à des soldats lorsque nous avons eu, hélas, à déplorer des pertes importantes dans cette guerre, mais il n’est pas dans les règles, lorsqu’il y a un conflit armé, qu’à chacun des décès il y ait ici une minute de silence.

Cela dit, une question aussi grave ne saurait être l’occasion de divergences, de conflits ou d’interpellations, et je l’évoquerai en conférence des présidents.

Marché de l’électricité

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (n° s 2451, 2557).

Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé d’appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d’un temps attribué aux groupes de vingt heures.

Chaque groupe dispose des temps de parole suivants : groupe UMP, cinq heures quinze ; groupe SRC, sept heures dix ; groupe GDR, quatre heures vingt-cinq ; groupe Nouveau Centre, trois heures dix. Les députés non inscrits disposent d’un temps de quarante minutes.

En conséquence, chacune des interventions des députés, en dehors de celles du rapporteur et du président de la commission saisie au fond, sera décomptée sur le temps du groupe de l’orateur.

Les temps qui figurent sur le « jaune » ne sont en tout état de cause qu’indicatifs, même s’il est recommandé de les respecter afin que chacun puisse gérer son emploi du temps.

M. Daniel Paul. Nous sommes majoritaires, il faudrait voter tout de suite !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi tout d’abord de vous dire tout le plaisir que nous avons avec Benoist Apparu à nous retrouver devant vous pour l’examen de ce projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité.

Je voudrais, avant de commencer, remercier très sincèrement les membres de la commission des affaires économiques, son président, Patrick Ollier, votre rapporteur, Jean-Claude Lenoir, pour tout le travail effectué en amont sur un texte certes complexe et technique mais absolument essentiel pour la sécurité et la compétitivité énergétique de notre pays.

Vous me permettrez d’associer également à ces remerciements les membres de la commission Champsaur, dont le rapport final, remis au mois d’avril 2009, a largement inspiré, c’est le moins que l’on puisse dire, le projet de loi que nous soumettons aujourd’hui à votre examen.

Avant d’aller plus loin, permettez-moi de revenir rapidement sur les principales raisons qui nous ont conduits à engager cette réflexion et à vous proposer ce projet de loi de refondation et d’adaptation.

Je crois que nous sommes tous d’accord sur le fait que la législation actuelle a en quelque sorte fait son temps, en ce sens où, en raison de ses contradictions, elle n’est plus en mesure de garantir la pérennité de notre modèle énergétique et la prévisibilité indispensable en matière d’investissement.

À court terme, cela se traduit par trois faiblesses majeures : une instabilité chronique, avec près de sept lois votées en dix ans et de nombreuses dispositions provisoires, dont la dernière en date concernait le principe de réversibilité – je remercie à cet égard les parlementaires pour cette dernière proposition de loi, absolument nécessaire pour protéger les droits des consommateurs, adoptée de façon définitive il y a à peine quinze jours, avec un consensus très large ; un manque de lisibilité au niveau des tarifs avec les offres libres, les tarifs réglementés, le TARTAM, les règles différenciées de migra tion d’une offre vers une autre ; une insécurité juridique permanente, notamment au niveau européen, l’utilisateur comme les opérateurs ayant alors les plus grandes difficultés pour avoir les éléments de prévision et donc d’investissement indispensables à la compétitivité.

Enfin, vous savez que la France est sous le coup de deux contentieux, l’un pour non-transposition de la directive 2003/54 concernant les tarifs réglementés – je précise qu’au-delà du risque pour le budget de l’État, c’est le principe même des tarifs réglementés qui est juridiquement menacé – et l’autre pour suspicion d’aides d’État, en raison des tarifs actuellement pratiqués en faveur des entreprises moyennes et du TARTAM,…

M. Yves Cochet. Ça n’est pas qu’une suspicion !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. …contentieux qui pourrait éventuellement déboucher sur des amendes significatives.

Devant l’ensemble de ces éléments, l’instabilité, la faible lisibilité, les difficultés de prévision, l’existence de contentieux, nous avons considéré qu’il fallait tenter, dans un domaine où les investissements sont importants et nécessitent une très grande visibilité à terme, de refonder sérieusement l’ensemble du dispositif. C’est dans cet esprit qu’a été créée, en accord avec Christine Lagarde, la mission Champsaur, qui a réuni des compétences variées et plurielles.

Cette mission a écarté deux solutions. Elle a tout d’abord exclu l’idée de supprimer purement et simplement la régulation. La suppression de la régulation laisserait un opérateur dominant pratiquer un prix, en fonction du prix spot ou du prix du marché européen, ce qui, à l’évidence, aurait pour conséquence une augmentation rapide des prix. La mission Champsaur a également exclu le démantèlement de l’outil « opérateur français ».

Elle a privilégié une troisième voie, consistant à rester fidèle aux trois piliers sur lesquels repose notre stratégie énergétique : un haut degré de compétitivité, une sécurité totale de nos approvisionnements et la nécessité d’adopter une politique énergétique plus respectueuse de l’environnement, notamment grâce à la maîtrise de la demande et à la gestion de la pointe.

Ce qu’a proposé la mission Champsaur et qui vous est à présent proposé par le Gouvernement, tel que modifié par votre commission, notamment sur une proposition du député Serge Poignant et du sénateur Bruno Sido, c’est ceci : tout d’abord, maintenir la régulation pour les consommateurs particuliers, en tout cas dans l’immédiat ; pour le reste, transformer la régulation en une régulation à la sortie de production, avec une définition du prix régulé, dit prix de gros, reposant sur une notion simple, celle de la vérité du prix, c’est-à-dire le coût complet, à la fois de la production, de la maintenance, des investissements nécessaires, des éventuelles prolongations décidées par une autorité tierce s’agissant des centrales nucléaires. Il s’agit au fond que le Parlement donne au Gouvernement et à la CRE les éléments de constitution de ce prix régulé.

Ensuite, les opérateurs tiers pourront acquérir de l’électricité auprès de l’opérateur principal, EDF, au prix de gros, dans des proportions de l’ordre de 20 %. Pour réaliser de telles acquisitions, il faudra posséder un portefeuille de clients en France, sur le territoire national. De même, ces opérateurs devront investir dans des moyens de production en période de crête, car nous avons besoin de financements pour régler ce problème.

Une disposition particulière porte sur la CRE, qui passe d’un système à fuseaux convergents, si j’ose dire, à un système de représentants professionnels permanents, durablement installés, qui auront à veiller à la conformité des tarifs aux dispositions adoptées par le Parlement.

Tel est l’essentiel de ce texte. Nous restons sur une régulation, mais au lieu d’une régulation finale il s’agira d’une régulation à la sortie de production. J’ai entendu ici ou là qu’il pourrait y avoir des augmentations de tarif ; ce n’est évidemment pas le cas, cela n’a aucun rapport. Nous aurons un système stable, durable, prévisible, maîtrisé. Le prix de notre énergie est en moyenne de 30 % inférieur à la moyenne européenne ; il faut maintenir pour les consommateurs et les industriels cet avantage, qui est aussi un avantage compétitif. C’est ce que ce texte permet de faire, tout en offrant enfin stabilité et prévisibilité : c’est le principe même du prix d’accès régulé à la base.

Les circonstances ont changé ; nous pouvons débattre de ce qui s’est passé ces quinze ou vingt dernières années, mais dans un contexte juridique, stratégique et économique évoluant à toute vitesse, il est parfois nécessaire de changer pour rester soi-même. C’est ce que vous propose ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Daniel Paul. Bref, changer pour que rien ne change !

M. le président. La parole est à Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques . Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, une fois de plus, la fée électricité se penche sur cet hémicycle. C’est la neuvième fois depuis l’an 2000 que nous discutons d’un texte qui traite de l’énergie, l’essentiel de ceux-ci ayant porté sur l’électricité.

M. Jean Gaubert et Daniel Paul. Exactement !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . Je voudrais, dans une intervention compendieuse, exposer les grandes lignes de ce texte. Le ministre d’État a présenté celui-ci de manière tout à fait claire. J’ajouterai simplement quelques commentaires autour de trois réflexions : pourquoi changer,…

M. Jean Dionis du Séjour. Pour rester soi-même ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . …ce qu’il faut changer, ce que ça va changer.

Pourquoi changer ? Je l’ai écrit à la première ligne de mon rapport : le cœur du projet de loi, c’est le nucléaire.

M. Yves Cochet. Ah !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . En réalité, le cœur du débat, c’est le financement des investissements nécessaires pour la production d’électricité : le nucléaire, bien entendu, mais également la pointe, qui est l’un des sujets majeurs auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés.

Nous sommes amenés à rechercher les moyens permettant aux producteurs d’électricité de renforcer leurs capacités, d’investir pour nous assurer une production d’électricité correspondant à nos besoins. C’est la première raison du changement.

La deuxième, c’est que, dans le contexte européen actuel, la concurrence ne s’est pas développée. Pire, des contentieux menacent sérieusement les entreprises françaises, notamment à la suite de l’adoption par notre assemblée – et, je l’avoue, à mon initiative – du dispositif du TARTAM, un tarif plus avantageux au profit des entreprises quittant les tarifs pour se rendre sur les marchés. Ce TARTAM est dans le collimateur de Bruxelles. Si ces contentieux aboutissaient, il faut être clair, cela obligerait de nombreuses entreprises à rembourser des milliards et des milliards d’euros, ce que nous ne souhaitons pas.

En outre, quand l’Europe organise un marché, nous ne pouvons pas être les mauvais élèves. Lorsque nous organisons les marchés en France, cela permet aussi à une entreprise comme EDF de vendre de l’électricité à nos voisins. On peut difficilement accepter qu’EDF aille à l’étranger et empêcher nos concurrents de venir en France. Le développement du marché est inscrit depuis très longtemps dans les traités européens.

Enfin, nous avons aujourd’hui un système extrêmement complexe.

M. François Brottes. Il le sera encore plus après !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . Les tarifs se sont accumulés, il y a ceux qui sont sortis et ne peuvent plus entrer, ceux qui ne sont pas entrés et peuvent sortir, il y a des délais… Il faut le dire, on a bricolé un certain nombre de systèmes tarifaires qui rendent le dispositif assez peu lisible. Nous souhaitons aujourd’hui présenter à l’ensemble des consommateurs de notre pays un système clair.

Que faut-il changer ? Le rapport du président Champsaur est très clair et je ne reviendrai pas sur son contenu. Je salue le travail effectué par la commission qu’il a réunie, où siégeaient plusieurs parlementaires, dont François Brottes et moi-même. C’est un travail qui nous a occupés pendant plusieurs mois et qui a abouti à une proposition très claire pour sortir de l’impasse dans laquelle nous nous trouvions.

La solution consiste à obliger EDF, l’opérateur historique, à céder aux fournisseurs alternatifs une partie de sa production d’origine nucléaire et, partant, des réacteurs existants – au nombre de 58 –, à hauteur de 100 térawattheures, soit environ 25 % de cette production, et ce au prix coûtant, de façon à développer la concurrence mais aussi à préserver l’avantage que les Français peuvent et doivent tirer de l’existence du nucléaire, qui est un élément important de la compétitivité de nos entreprises.

Le dispositif proposé réalise trois objectifs majeurs : assurer la compétitivité des entreprises françaises, sécuriser les approvisionnements et permettre à la concurrence d’exister. Pour cela différents mécanismes ont été prévus.

Le projet de loi crée tout d’abord l’ARB, l’accès régulé à la base. Nous l’avons transformé, en commission, en « accès régulé à l’énergie nucléaire historique », l’ARENH.

Autre dispositif très important, qui doit beaucoup au travail mené en amont par le ministre d’État et ses collaborateurs avec la participation de plusieurs parlementaires de la majorité, dont Patrick Ollier, Serge Poignant et moi-même : le texte prévoit la possibilité pour les entreprises de se fournir en électricité dans le nouveau cadre de l’ARENH à condition d’avoir, d’une part, un portefeuilles de clients avéré et, d’autre part, des capacités de production ou d’effacement de façon à ce que l’effort d’investissement soit partagé, non seulement dans la base mais aussi dans la pointe, qui est, je le rappelle, le point difficile, …

M. Yves Cochet. A cause du chauffage électrique.

M. Jean-Claude Lenoir. rapporteur ….comme l’a souligné le rapport de M. Poignant et M. Sido, auxquels je tiens à rendre hommage.

Un autre point important est le maintien au profit des particuliers du tarif régulé, sans date. Cela permet de dire aux consommateurs que, s’ils le souhaitent, ils peuvent bénéficier d’un accès à l’électricité selon un tarif fixé par les pouvoirs publics – en fait par le pouvoir politique – sur proposition du régulateur, la Commission de régulation de l’énergie.

Le dispositif comporte des phases transitoires. Pendant trois ans, c’est le Gouvernement qui fixera le montant de l’accès au nucléaire historique ; au-delà, ce sera la Commission de régulation de l’énergie. En outre, le système de tarifs pour les entreprises disparaîtra progressivement jusqu’en 2015 ; à cette date il ne pourra plus y avoir de tarif pour les entreprises.

M. Daniel Paul. Vous y croyez ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . Seuls les particuliers conserveront le bénéfice des tarifs régulés.

Le sens à donner à ce dispositif, c’est, comme l’a très bien expliqué le ministre d’État, que nous prévoyons davantage de régulation là où il y en avait si peu.

Je me tourne d’ailleurs vers nos collègues de l’opposition, qui m’écoutent avec une attention à laquelle je ne suis pas habitué. (Sourires.)

M. Jean Gaubert. Ça y est : vous allez nous provoquer ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . La loi du 10 février 2000, qui a ouvert le marché de l’électricité aux grandes entreprises,…

M. Jean Dionis du Séjour. Ça commence, chers collègues !

M. Charles de Courson. Qui l’a faite ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . …et qui, comme notre collègue Charles de Courson le rappelle, a été proposée par un gouvernement de gauche, dirigé par M. Jospin, a ouvert le marché de l’électricité sans précautions, sans garde-fous.

Mme Catherine Coutelle. Non !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur. Et c’est notre majorité, à partir de 2002, qui a édifié ces garde-fous pour corriger les effets néfastes de l’ouverture débridée que vous aviez consentie ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Nicolas. Exact !

M. Jean Gaubert. C’est vous les bolcheviks, si je comprends bien !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . Nous apercevant que des entreprises qui avaient quitté les tarifs régulés pour aller sur les prix du marché, après avoir bénéficié dans un premier temps d’une baisse, étaient victimes de hausses excessives, nous avons adopté des tarifs régulés, notamment le TARTAM. Le ministre d’État l’a très bien rappelé : il fallait plus de régulation. Nous étions dans un système où il y avait, depuis de nombreuses années, une régulation des prix du détail ; nous allons maintenant vers une régulation des prix du gros. C’est un dispositif important grâce auquel la majeure part de la facture d’électricité va être régulée : les taxes – TVA et taxes locales –, l’acheminement, c’est-à-dire le TURPE – le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité –, soit au total 60 % de la facture. Les 40 % restants constituent la fourniture, dont une partie significative – 100 térawattheures – pourra être fournie selon un tarif régulé, fixé par le pouvoir politique dans un premier temps, par le régulateur ensuite.

Troisième volet : ce que le texte va changer. Tout d’abord, pour EDF, la question a été posée de façon souvent quelque peu caricaturale ; on a même évoqué un hold-up . Je réponds : non. Certes, EDF doit céder une partie de sa production, mais au prix coûtant, à un tarif qui englobe l’ensemble des coûts. Nous y reviendrons au cours de la discussion, mais il n’y a évidemment pas de spoliation. Quant aux fournisseurs alternatifs, ils pourront non seulement se développer dans un espace économique ouvert, mais un tel système favorisera chez eux l’innovation, notamment la recherche d’économies d’énergie du fait de l’obligation de présenter des capacités de production et d’effacement des réseaux.

M. Yves Cochet. Non !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . Enfin, pour les consommateurs particuliers, le texte maintient un dispositif régulé, réputé protecteur,…

Mme Catherine Coutelle. Réputé seulement !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . …qui permettra de faire profiter les Français de l’avantage nucléaire rendu possible par l’effort national.

Je terminerai en rappelant que tout cela a un sens :…

M. Daniel Paul. Ça, c’est vrai !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . …il s’agit de favoriser l’investissement, dans un premier temps – c’est le dispositif présenté – pour prolonger la durée de vie des centrales nucléaires, et dans un second temps pour permettre à EDF, quand elle aura les ressources suffisantes, d’envisager leur renouvellement. Ce dispositif est appelé à durer jusqu’en 2025. Il est donc transitoire, mais nous avons les yeux tournés vers l’avenir.

M. Daniel Paul. Radieux !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . Nous prenons nos responsabilités : nous pensons à celles et à ceux qui auront à prospérer dans un univers pour lequel nous stabilisons la ressource en énergie électrique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, après les interventions de M. le ministre d’État et de l’excellent rapporteur, Jean-Claude Lenoir, je ne vais pas parler très longtemps.

Monsieur le ministre d’État, je veux d’abord vous remercier, vous et votre équipe, plus particulièrement M. Apparu qui nous a aidés d’une manière que la commission des affaires économiques a grandement appréciée. Vous êtes au Gouvernement un de ceux qui respecte sa parole. Je tiens publiquement à vous rendre hommage.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . Très bien !

M. Charles de Courson. Il y en a donc qui ne la respectent pas !

Mme Catherine Coutelle. Ils ne sont en effet pas tous comme ça, monsieur de Courson !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, j’ai dit qu’il y en avait plusieurs. Monsieur le ministre d’État, vous avez eu un dialogue constructif en amont avec votre majorité, ce qui nous a permis, à Jean-Claude Lenoir, Serge Poignant ici présent et moi-même, et à d’autres encore, de préparer ce projet de loi. De ce fait, en commission, le dialogue avec votre majorité, mais également avec l’opposition, a été serein, apaisé et très constructif. Je tenais à vous rendre hommage pour cela, et à vous dire que c’est la bonne méthode de travail. Continuez, monsieur le ministre d’État, monsieur le secrétaire d’État.

S’agissant du texte lui-même, les Français ont bien compris que nous étions dans l’obligation de régler quelques problèmes de parcours dans la construction de l’Europe. Le respect de la libre concurrence nous impose en effet de faire des efforts, et nous l’acceptons avec, pour certains d’entre nous, quelques difficultés. Il ne s’agit pas de nostalgie, mais je suis de ceux qui ont défendu le programme nucléaire français – on me dit que je le défends peut-être trop. Je suis de ceux qui croient à ce que le général de Gaulle a apporté à la France dans ce domaine, à savoir une exception dans l’Europe et dans le monde, qui aujourd’hui s’avère positive.

M. Jean Dionis du Séjour. C’était Giscard !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Mais il ne faudrait pas que cette exception positive se retourne contre l’usager et le consommateur, et je la défends tout étant favorable à la concurrence et à l’évolution européenne. Il a donc fallu que le rapporteur – notre spécialiste de ce domaine au sein de la commission, et qui fait un excellent travail –, Serge Poignant, moi-même et les autres membres de la commission soyons très vigilants pour parvenir à un point d’équilibre entre la volonté de protéger le consommateur français, lequel tient à pouvoir continuer à bénéficier des avantages apportés par l’électricité nucléaire, et l’ouverture du marché aux concurrents industriels européens. Tel était l’enjeu.

Monsieur le rapporteur, vous avez expliqué les conditions dans lesquelles ce nouveau texte a été élaboré. Les dispositions permettant de limiter un certain nombre de changements sont de bonnes dispositions. Je pense par exemple aux 100 térawattheures maximum auxquels les fournisseurs pourront globalement avoir accès. Certains auraient aimé un seuil moindre. Pour ma part, je considère que cela correspond à une bonne moyenne. De même, à l’article 1 er consacré à l’ARB – l’accès régulé à l’électricité de base –, les éléments constitutifs du prix que nous avons introduits sont satisfaisants.

La commission des affaires économiques a donc apporté, avec votre accord, monsieur le ministre d’État, monsieur le secrétaire d’État, de nombreuses modifications au texte du Gouvernement. Nous avons cheminé ensemble pour construire le projet que nous examinons aujourd’hui, notamment s’agissant de la protection des consommateurs. J’insiste sur ce point : nous avons particulièrement veillé à ce que les consommateurs français soient protégés grâce à ce texte de loi. Et ils le sont. À cet égard, le maintien des tarifs réglementés est un énorme avantage. Je suis étonné de ce que j’entends par-ci par-là, sur les chaînes de radio ou de télévision, concernant des menaces qui pèseraient sur le consommateur français dès le vote de cette loi.

Mme Catherine Coutelle. En tout cas dès 2015 !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Tout à l’heure, sur une radio nationale, on parlait d’augmentations de tarif exorbitantes. Il faut apaiser le débat. Le maintien des tarifs réglementés donne au Gouvernement la responsabilité de les fixer, après avis de la CRE. Je sais qu’il aura le souci de protéger les consommateurs. Il n’y a pas de relation de cause à effet directe entre l’ouverture à la concurrence et la manière dont sera traité le consommateur.

M. François Brottes. Mais bien sûr !

M. Daniel Paul. Vous rêvez, monsieur le président Ollier !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur Brottes, je vous vois sourire… C’est à vous que je pensais en évoquant les informations colportées sur les radios périphériques. Notre commission et l’ensemble du Gouvernement avons eu le souci de protéger les consommateurs. Qu’on ne fasse pas prendre des vessies pour des lanternes, qu’on ne fasse pas croire aux Français que ce texte va conduire immédiatement à l’augmentation des tarifs réglementés.

M. Jean Gaubert et M. Daniel Paul. Pas immédiatement, en effet !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je tenais à le rappeler car si en commission, le débat a été serein et constructif, j’entends sur les radios des choses tout à fait différentes.

Je souligne qu’il s’agit d’un texte équilibré. L’accès au nucléaire historique ouvert aux autres entreprises, limité à 25 % de la production totale, soit 100 térawattheures, constitue une bonne mesure à cet égard. Le prix couvrira les coûts, y compris les coûts de prolongation de nos cinquante-huit réacteurs – bien sûr, ce que coûtera cette prolongation fait encore l’objet de discussions. La commission aurait aimé aller plus loin. Mais nous nous sommes heurtés aux limites de l’exercice. Nous avons donc accepté que l’article 1 er fixe ainsi la constitution du prix.

Notre rapporteur a évoqué la pointe. À ce sujet, je rends hommage à notre collègue Serge Poignant et au sénateur Bruno Sido, qui ont fait un excellent travail. Notre texte tient compte de leurs conclusions.

En conclusion, je pense qu’il est beaucoup plus opportun de faire de l’accès régulé à la base à partir de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique. Le rapporteur a eu raison de le proposer et nous l’avons suivi. J’espère que nous allons avoir une discussion sereine, monsieur le ministre d’État, car tout a déjà été étudié et pesé tout en respectant à la fois les exigences de l’Europe et celles liées à la défense d’une activité industrielle essentielle pour la France, mais également la défense des consommateurs, ceux pour qui en définitive nous nous battons ici. Je me félicite de la démarche que nous avons entreprise. Elle vous est due. Elle est pour beaucoup dans l’équilibre de ce projet de loi que, chers collègues, je vous invite à adopter. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . Très bien !

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. François Brottes.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ça va décoiffer ! (Sourires.)

M. François Brottes. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, que M. le président de la commission n’ait pas de regret : on peut avoir des débats sérieux sans forcément être sereins. Nous ne sommes pas sereins sur ce texte parce qu’il y va de l’avenir industriel de notre pays, de l’avenir social de l’ensemble des ménages – qui sont tous concernés par le sujet –, et qu’il y va aussi d’une notion qui, malheureusement, est de plus en plus présente dans cet hémicycle car votre sens de la réforme la privilégie : dans certains domaines, une loi ne peut refaire ce qu’une loi précédente a défait. Quand on privatise Gaz de France, il est impossible de revenir à un statut public. (« Très juste ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) De même, quand on aura dilapidé notre capacité de production d’énergie sécurisée, l’on aura énormément de difficultés à revenir là-dessus. Nous sommes en responsabilité sur ces questions parce que nous, l’opposition, portons un projet d’alternance.

M. Jean Dionis du Séjour. Lequel ? Take care, my friends  ! (Sourires.)

M. François Brottes. C’est la règle de la démocratie et la raison pour laquelle nous abordons ce texte sans polémiques, avec beaucoup de sérieux.

Je me permettrai de rappeler la position du groupe socialiste sur la question de l’énergie nucléaire. En effet, on ne peut pas aborder la loi NOME, qui traite notamment de l’accès au nucléaire, sans avoir une position claire sur le sujet. Nous avons le souci d’être constructifs pour l’avenir, en espérant limiter la casse à l’occasion de ce débat.

Le texte que la majorité va voter est une loi que je qualifierai de « loi chausse-pied ». La directive, c’est comme une chaussure qu’on imposerait dans tous les pays à la même pointure.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est assez bien vu !

Mme Catherine Coutelle. Personne n’a la même pointure !

M. François Brottes. Chaque pays devrait adopter une loi de transposition avec un chausse-pied pour essayer de rentrer dans la chaussure. Manque de bol, aucun mixte énergétique n’est identique d’un pays à l’autre en Europe, et même avec un chausse-pied, on n’est pas à l’aise si la chaussure ne correspond pas à la dimension de notre pied ; le chausse-pied ne peut rien y changer ; on a qu’une envie : changer de chaussures.

M. Charles de Courson. Mettez des tongs !

M. François Brottes. Je vais exposer notre analyse en trois points : premièrement, rappeler notre position sur le nucléaire ; deuxièmement, préciser comment on en est arrivé là – non pas en réécrivant l’histoire comme vient de le faire le rapporteur dans son propos mensonger, et j’espère que lui-même me laissera le soin d’aller jusqu’au bout de la démonstration – ;…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . J’aurai l’occasion de répondre ! La parole est libre !

M. François Brottes. …enfin, j’expliquerai pourquoi nous avons au moins dix raisons de ne pas voter ce texte. Nous avons pesé le pour et le contre : il y a une bonne raison de le soutenir et dix mauvaises.

(M. Maurice Leroy remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY
vice-président

M. François Brottes. Je vous donne tout de suite la bonne, monsieur le ministre d’État, monsieur le secrétaire d’État, car j’ai peur de l’oublier : vous avez renoncé à l’article 10 de votre projet de loi. Je vous en sais gré. Le rapporteur et le président de la commission vous y ont aidé. Honneur au Parlement de ne pas autoriser la transposition par ordonnance des directives, parce qu’on ne peut pas à la fois les critiquer et ne pas en débattre. Il y a eu un sursaut de l’ensemble des groupes pour que cet article, qui constituait un chèque en blanc donné au Gouvernement, soit supprimé. Vous avez parfaitement compris nos arguments, et j’en prends acte.

Voyez, monsieur le président, que les termes de nos échanges sont sérieux, presque sereins.

Quelle est notre position en matière d’énergie nucléaire ?

M. Lionel Tardy. Intéressant !

M. François Brottes. D’abord, il faut rappeler que l’électricité est un bien de première nécessité non stockable – tous les mots ont un sens.

En effet, ce n’est pas un bien comme les autres, il est indispensable – le mot n’est pas trop fort – à la vie actuelle et à notre économie.

L’électricité n’est ni stockable ni d’ailleurs transportable sur de longues distances. Même si quelques procédés nouveaux nous permettent désormais de limiter les pertes en ligne, nous sommes encore loin de la généralisation de ces réseaux de transports du futur que seront les câbles supraconducteurs qui font l’objet de nombreuses recherches mais ne seront pas opérationnels avant quelques dizaines d’années.

Nous avons défendu le fameux « trois fois vingt » inscrit dans l’article 2 du Grenelle 1. Souvenez-vous, monsieur le ministre d’État, nous avons voté en faveur de ce texte.

Cet article 2 indique : « La France se fixe comme objectif de devenir l’économie la plus efficiente en équivalent carbone de la Communauté européenne d’ici 2020. À cette fin, elle prendra toute sa part à la réalisation de l’objectif de réduction d’au moins 20 % des émissions de gaz à effet de serre de la Communauté européenne à cette échéance, cet objectif étant porté à 30 % pour autant que d’autres pays industrialisés hors de la Communauté européenne s’engagent sur des objectifs comparables et que les pays en développement les plus avancés apportent une contribution adaptée. Elle soutiendra également la conclusion d’engagements internationaux contraignants de réduction des émissions. Elle concourra, de la même manière, à la réalisation de l’objectif d’amélioration de 20 % de l’efficacité énergétique de la Communauté européenne et elle s’engage à porter la part des énergies renouvelables à au moins 20 % de sa consommation d’énergie finale d’ici à 2020. »

En cas d’alternance – donnant un rôle important au groupe socialiste, je l’espère –, nous ne changerons pas cet article, nous tiendrons ces engagements et nous ferons en sorte d’aller au bout de ces objectifs.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous aussi !

M. François Brottes. Troisième remarque : l’expertise française, en matière d’énergie nucléaire, est reconnue mondialement.

M. Jean Dionis du Séjour. Ah !

Mme Catherine Coutelle. Était reconnue !

M. François Brottes. Nous défendons une position responsable, bâtie autour de cinq points, et qui peut d’ailleurs être partagée au-delà de nos rangs.

Premier point : le système électrique français est surtout dépendant en cas de production de pointe, comme cela a été rappelé tout à l’heure. Il est nécessaire de responsabiliser les consommateurs domestiques et industriels sur la maîtrise de leur consommation énergétique et les possibilités d’effacement. L’évaluation de nos besoins énergétiques futurs doit être analysée à l’aune de la priorité donnée à la sobriété et à l’efficacité énergétique, notamment dans le bâtiment et les transports.

Autrement dit : nul besoin de faire de grands programmes prévisionnels d’investissement sans prendre en compte la dimension économie d’énergie.

Deuxième point : étant donné nos engagements européens en matière de lutte contre les gaz à effet de serre, l’énergie nucléaire est actuellement incontournable dans le bouquet énergétique français.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques et M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . Très bien !

M. François Brottes. Troisième point : pour être accepté, le nucléaire doit être sûr et rester sous maîtrise publique. C’est pourquoi le prolongement de l’autorisation d’exploitation des centrales nucléaires existantes et leur renouvellement ne peuvent reposer que sur la continuité de l’effort de recherche et le maintien des compétences. Cet effort doit permettre d’avancer vers une future génération de réacteurs visant à réduire et maîtriser les déchets.

Quatrième point : de la même façon, cela suppose le maintien d’une exigence forte en matière de contrôle et de transparence de la filière nucléaire et de non-prolifération. La dimension internationale est très importante.

Cinquième point : cet effort de recherche ne doit pas se faire au détriment de l’effort de recherche au moins équivalent qui doit être consenti en matière d’énergie renouvelable et d’efficacité énergétique et en faveur d’un développement volontariste de l’ensemble des filières industrielles liées.

Par exemple, les obligations d’achat à des tarifs intéressants ne doivent pas induire des effets d’aubaine pour ceux qui vendent de l’énergie renouvelable mais qui nous font importer des capteurs fabriqués sur des continents très éloignés du nôtre, alors que les savoir-faire existent dans nos contrées.

M. Jean Gaubert et M. William Dumas. Très bien !

M. François Brottes. Sixième point : notre système électrique doit renforcer sa solidarité avec l’ensemble du réseau européen en assurant le développement des interconnexions et en contribuant à la réalisation d’une Europe de l’énergie.

Voilà les points sur lesquels nous avons délibéré, au sein du groupe socialiste, pour poser le décor du futur en pleine responsabilité.

M. Yves Cochet. Il va falloir discuter !

M. François Brottes. En quoi sommes-nous opposés à votre réforme ? L’un des points d’achoppement est la maîtrise publique du nucléaire. Certains opérateurs, désormais privés, sont des partisans à peine masqués d’une partition du parc.

Pour l’instant, monsieur le ministre d’État, votre Gouvernement n’a pas franchi la ligne jaune en question, mais il n’a pas non plus dit qu’il ne la franchirait pas.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . C’est un procès d’intention !

M. François Brottes. Non, c’est un constat. Nous avons toute la durée du débat pour entendre le ministre d’État nous assurer qu’il n’y aura jamais d’acteurs privés dans le domaine de l’exploitation nucléaire en France. Pour l’instant, cela n’a pas été exprimé en ces termes.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Bien sûr, il y a l’histoire racontée aux enfants par notre rapporteur Jean-Claude Lenoir. Et puis, il y a l’histoire.

M. Jean Gaubert. La vraie !

M. François Brottes. Rappelons le dispositif communautaire. Les premiers paquets de directives relatives aux marchés intérieurs du gaz et de l’électricité datent de 1996, 1998 et 2003, un autre paquet a été présenté à l’été 2009.

Monsieur le ministre d’État, vous avez fait allusion à la litanie des lois françaises transposant les directives, suite à la loi du 10 février 2000 relative au service public de l’électricité : loi du 3 janvier 2003, loi du 9 août 2004, loi du 7 décembre 2006. Et encore, je fais abstraction de toutes celles qui concernent le fameux TARTAM !

Ces lois ont ouvert à la concurrence l’activité de production d’électricité ainsi que la fourniture d’électricité aux clients qui peuvent désormais choisir – librement, dit le texte – leur fournisseur. Cette ouverture s’est effectuée en plusieurs étapes : en 2000 pour les industriels ; en 2003 et 2004 pour les clients professionnels ; au 1 er  juillet 2007 pour les particuliers.

Rappel historique basé sur des faits incontestables : c’est le Gouvernement Juppé qui, en 1996, a signé la première directive ouvrant le marché de l’énergie aux industriels.

Grâce aux efforts du rapporteur Christian Bataille – que je tiens à saluer –, nous étions parvenus, lors de la transposition des directives de 1996 et 1998 par la loi de février 2000, à engendrer, à partir d’une directive non satisfaisante, un droit transposé plus favorable au service public.

La possibilité de choisir la concurrence n’a alors été ouverte qu’aux gros consommateurs d’électricité, les industriels. Que n’a-t-on pas entendu à l’époque ?

M. Jean Gaubert. On aura enfin la vérité !

M. François Brottes. Avant que Jean Claude Lenoir ne m’interpelle ou ne m’interrompe, je voudrais rappeler qu’il a été le seul membre de l’opposition à voter en faveur du texte proposé par notre majorité en 1999. Aucune des citations qui vont suivre n’émane de lui puisqu’il n’a pas été désagréable en la circonstance. Peut-être était-il un peu visionnaire, anticipant d’avoir à gérer les conséquences…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . Je savais qu’on allait gagner les élections !

M. François Brottes. … de ce que les autres nous reprochaient à l’époque.

Que n’ai-je pas entendu ? Claude Birraux, du groupe UDF : « Nous étions déjà en retard sur nos autres partenaires européens et nous sommes les derniers à traduire cette directive et les plus restrictifs quant à l’ouverture du marché puisque 26 % seront ouverts en 1999 alors que la moyenne européenne sera supérieure à 60 %. Cela signifie que nos concurrents sont en avance sur nous et en ordre de marche, ce qui est loin d’être notre cas. »

François Goulard : « Au lieu d’accepter ce principe européen de concurrence, au lieu d’accepter aussi de voir que, dans ce secteur économique de l’électricité comme dans tous les autres, tout est en train de changer autour de nous, vous avez cherché, par tous les artifices possibles, vous la gauche, à maintenir un édifice monopolistique édifié en 1946…

M. Jean Gaubert. Il n’était pas visionnaire, lui !

M. François Brottes. …L’absence de concurrence sera évidemment dommageable au consommateur. »

S’adressant à Christian Pierret, François Goulard poursuivait : « Comment justifier, monsieur le secrétaire d’État, que l’ensemble des entreprises françaises, l’ensemble des PME ne bénéficient pas de la baisse tarifaire qui, par construction, sera réservée à quelques grands groupes industriels ? Comment justifier que les consommateurs individuels ne bénéficient pas de solutions avantageuses que les progrès techniques font aujourd’hui apparaître et que le monopole rejette et interdit ? Vous faites payer, monsieur le secrétaire d’État, en réalité, à toutes les entreprises françaises, à tous les Français, le prix de la protection de situations acquises. »

M. William Dumas. Comme on va le voir !

M. François Brottes. Avec le recul, on a envie de rire. Dommage que ce soit aussi grave, parce que cela pourrait être une mauvaise blague !

Franck Borotra, ministre gaulliste respectable, disait : «Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le secrétaire d’État Pierret, est la transcription à votre façon d’une directive que j’ai eu l’honneur de négocier au nom du Gouvernement français. »

M. Jean Gaubert. C’est clair, alors que certains ont prétendu que c’était nous !

M. François Brottes. Il s’agit d’un rappel historique, je cite les propos de M. Borotra qui ajoutait : « Contrairement à ce qui a été dit, ce projet est un parcours d’obstacles pour limiter l’exercice de la concurrence, et vider de l’essentiel de son contenu la libéralisation du marché. »

Cher collègue Lenoir, nous avons fait une transposition à minima et, à l’époque, vos collègues de droite nous ont tous reproché…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . Sans précautions !

M. François Brottes. …de ne pas aller assez loin dans l’organisation de la libéralisation.

N’écrivons donc pas l’histoire autrement, je vous en prie. Je vous renvoie aux comptes rendus de notre Assemblée : tout cela est inscrit au Journal officiel de la République.

Lors du sommet de Barcelone qui vous est cher, le 16 mars 2002, le Gouvernement de gauche a effectivement résisté, même si Jacques Chirac était Président de la République, et il a négocié la limitation de l’ouverture du marché strictement aux seuls professionnels.

Il y avait une contrepartie. À l’occasion de ce sommet, Lionel Jospin avait fait en sorte que soit adopté le principe d’une directive cadre sur les services économiques d’intérêt général.

Lionel Jospin, Premier ministre, avait déclaré qu’il n’était pas « acceptable d’aller plus loin » dans l’ouverture de la concurrence sur les marchés de l’énergie, car « nous pourrions craindre, si cette ouverture se faisait, des hausses de prix plutôt que des baisses pour les consommateurs. » Visionnaire lui aussi, il avait raison.

Quelques mois plus tard, après la défaite de la gauche – cela arrive de temps en temps…

M. Lionel Tardy. En ce moment !

M. François Brottes. … trop souvent à mon goût, mais cela peut ne pas durer comme le montre l’arrivée sur nos bancs de Marie-Noëlle Battistel –, en novembre 2002, la droite cédait sur l’ouverture à la concurrence pour les ménages, contrairement à ce qu’elle avait annoncé à Barcelone.

Lors de la séance de questions au Gouvernement, le 28 novembre 2002, notre collègue François-Michel Gonnot – il est ici présent et ne me démentira pas – interrogeait Mme Fontaine.

« Madame la ministre déléguée à l’industrie, vous avez signé lundi dernier un compromis avec vos collègues européens de l’énergie sur l’ouverture des marchés du gaz et de l’électricité, ouverture qui interviendra donc en 2004 pour les professionnels et le 1 er  juillet 2007 pour les ménages », disait-il.

La question était assez neutre, j’en conviens, et François Michel Gonnot fait partie des députés qui étaient déjà lucides, à l’époque.

Pourtant, il ajoutait : « Enfin, dans ce dossier, la France a rompu avec son isolement. Enfin, la France est sortie de son immobilisme. Enfin, la France n’est plus le grincheux de l’Europe. Elle a retrouvé sa place et son rôle moteur, avec l’Allemagne. »

Mme Aurélie Filippetti et M. William Dumas. Voilà !

M. François Brottes. Et Jean-Michel Gonnot de poursuivre : « Le groupe UMP, madame la ministre, tient à vous rendre hommage et à vous féliciter pour la façon dont ce compromis a été conclu. Il nous permettra de tirer les bénéfices de l’ouverture progressive et maîtrisée des marchés de l’énergie. »

Pour le coup, vous n’étiez pas très visionnaire, cher collègue. Pendant le week-end, je vous ai entendu, sur les ondes, vous inquiéter de l’évolution des tarifs de la SNCF si la loi NOME était adoptée.

Mme Catherine Coutelle. Bien sûr !

M. François Brottes. Vous avez raison d’attirer l’attention sur ce point. En effet, la facture d’électricité va augmenter mais aussi le billet de train…

M. William Dumas. Et le ticket de métro !

M. François Brottes. Merci d’avoir été lucide pour nous tous. Je note qu’à l’époque vous n’étiez pas encore méfiant, mais nous avons tous fait des erreurs sur ces sujets-là, donc je ne donnerai pas de leçons.

M. Jean Gaubert. Le repentir, c’est bien aussi !

M. François Brottes. À l’intention du mon collègue Lenoir, je signale que c’est donc bien le Gouvernement Raffarin qui a négocié les directives de 2003 ouvrant le marché de l’énergie totalement au 1 er  juillet 2007. Qu’en reste-t-il ?

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . Je vais répondre !

M. Jean Gaubert. Ça va être difficile !

M. François Brottes. L’ouverture du marché total est un double échec. L’auteur du TARTAM…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . Dispositif utile et apprécié !

M. François Brottes. …ne me démentira pas, lui qui a essayé de poser un sparadrap, de mettre un peu de scotch, de créer des dispositions comparables à un emplâtre sur une jambe de bois, en s’y reprenant à plusieurs fois.

D’ailleurs, avec d’autres, j’ai coopéré pour que nous limitions la casse. De ce point de vue, le TARTAM n’était pas forcément une mauvaise solution. Dommage que vous l’abandonniez définitivement au 31 décembre de cette année, comme votre majorité en a décidé, il y a quelques semaines !

L’ouverture totale du marché est donc un double échec. Elle s’est soldée par une flambée des prix pour les entreprises ayant opté pour les prix de marché en 2005 : les prix ont augmenté jusqu’à 60 % par rapport au tarif réglementé.

Les morts dans l’industrie ont été nombreux, comme le montre l’exemple de ma circonscription que je cite toujours : aucune des sept papeteries n’a survécu, le coût de l’énergie ayant doublé dans leurs charges fixes et le marché du papier étant tendu ; elles ne s’en sont pas remises.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. L’énergie est 30 % moins cher que chez les travaillistes britanniques !

M. François Brottes. Puisque vous m’interpellez sur un sujet que je voulais aborder plus tard, monsieur le ministre d’État, je vous réponds. C’est vrai, l’énergie n’est pas plus chère en France que dans l’Union européenne, même plutôt moins chère.

Cela étant, il ne vous aura sans doute pas échappé que l’industrie de ce pays est confrontée au marché mondial et pas au marché unique européen. Quand on se compare à des pays voisins comme la Norvège, nos prix sont moins élevés. Quand on se compare à l’Afrique du Sud, à l’Amérique du Sud, au Canada ou à Taiwan, c’est différent.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Pour les autres européens aussi !

M. François Brottes. La désindustrialisation qui frappe de plus en plus nos contrées ne se fait pas au profit de l’Allemagne, de l’Angleterre ou d’autres pays européens, mais en faveur d’autres continents.

Alors, de grâce, ne fragilisons pas cet avantage concurrentiel…

M. Yves Cochet. Pas pour l’électricité.

M. François Brottes. …comme nous sommes en train de le faire !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Pas du tout, nous le stabilisons !

M. François Brottes. Au final, début 2010, seulement 7,6 % des clients industriels étaient passés à la concurrence pour l’électricité.

Le TARTAM a donc limité la casse – je n’y reviens pas – et je remercie ceux qui ont contribué à son adoption. C’était une prouesse difficile. J’ai une pensée émue au souvenir des longues nuits passées en commission, sous la présidence de Patrick Ollier, à la recherche d’une rédaction compréhensible au moins pour ceux qui allaient mettre en œuvre ce fameux TARTAM.

Par ailleurs, seulement 5 % des particuliers sont passés à un opérateur alternatif à EDF ; qui plus est, plus de 90 % d’entre eux sont clients de GDF-Suez, car ils ignorent que cette entreprise a été privatisée. S’il n’y a pas eu, pour les ménages, d’effet d’ouverture du marché à la concurrence, c’est peut-être qu’ils ont retenu la leçon de ce qui est arrivé aux industriels ; ils ont sans doute perçu, fût-ce obscurément, les risques qu’il y avait à sortir du tarif réglementé.

Parallèlement, les chiffres récents du médiateur national de l’énergie, à qui il faut rendre hommage – non parce qu’il est l’un de nos anciens collègues, mais parce qu’il effectue un travail remarquable –, font état d’un nombre alarmant de saisines dues aux pratiques commerciales abusives de la part des opérateurs concurrents de l’opérateur historique afin de capter sa clientèle. Nous savons tous que des personnes se faisant passer pour des agents d’EDF font croire à des vieilles dames qu’ils viennent relever les compteurs, et leur vendent en réalité un nouvel abonnement. J’ai moi-même dénoncé auprès du médiateur, comme maire, de telles pratiques de deux opérateurs, que je ne veux pas citer en public – mais je l’ai fait en privé – pour ne pas leur faire de misères.

Puisque tout le monde convient que l’ouverture totale du marché est un échec, on se demande, monsieur le rapporteur, pourquoi vous persistez.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . On se demande surtout pourquoi vous l’avez ouvert !

M. François Brottes. Les socialistes, au sein du PS comme du PSE, ont toujours réclamé – hélas en vain, car la droite s’y est toujours opposée – l’adoption d’une directive cadre sur les services publics d’intérêt général, afin d’exclure ceux-ci des règles strictes de la concurrence. Une telle directive n’ayant pas été adoptée – bien que le principe en ait été avalisé au Sommet de Barcelone, je me permets de vous le rappeler, monsieur le rapporteur –, c’est la jurisprudence européenne qui nous donne un peu d’air et détermine les marges de manœuvre en la matière.

Il faut être conscient que tout n’est pas bloqué, y compris en respectant le droit européen. Afin de ne pas épuiser le temps de parole de mon groupe – je vois à ce sujet l’inquiétude de certains de mes collègues, qui ont des choses tout aussi essentielles à dire –, je n’en prendrai que deux exemples. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Gaubert. Nous prenons beaucoup de plaisir à vous écouter !

Mme Catherine Coutelle. Vous parlez pour nous tous.

M. François Brottes. La Cour de justice des communautés européennes s’est ainsi appuyée sur l’article 90 du traité, devenu l’article 106, paragraphe 2, de la nouvelle version du traité sur le fonctionnement de l’Union, consolidée après le traité de Lisbonne, lequel article dispose : « Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal » – EDF, par exemple – « sont soumises aux règles des traités, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union. »

Nous considérons, nous, qu’un bien de première nécessité, non stockable et stratégique au plan économique et pour la vie des ménages dans notre pays comme dans l’ensemble de l’Union, relève bien d’une « mission particulière » qui justifie de neutraliser les effets nocifs de la concurrence. C’est là un point essentiel : même dans le cadre des traités actuels, si le Gouvernement veut, il peut infléchir la position et revisiter la directive, et ce avec le soutien, j’imagine, d’autres pays.

D’ailleurs, monsieur le rapporteur, pourquoi montrer tant de zèle ? La Commission nous menace, dites-vous, et nous interdit telle ou telle orientation, de sorte que notre pays sera puni si nous n’adoptons le présent texte. Lorsque, en 1997, monsieur le ministre d’État – j’ignore quel mois, donc si c’était sous la droite ou la gauche –,…

M. Jean Gaubert. On va dire que c’était un peu les deux ! (Sourires.)

M. François Brottes. …l’État a autorisé EDF à consolider en fonds propres une dette fiscale qui avoisinait les 800 millions d’euros, la Commission européenne lui a répondu qu’il n’en avait pas le droit, et qu’EDF devait donc lui rembourser cette somme. Or, en décembre dernier, la Cour européenne de justice a annulé la décision de la Commission. Ce jugement illustre le fait que, lorsqu’il y a une volonté, il y a parfois un chemin. Je remercie d’ailleurs l’État d’avoir été au bout de ce contentieux, dont l’issue montre que la lecture un peu rapide que la Commission fait des textes européens n’est pas toujours la bonne.

J’invite donc notre assemblée à considérer que la voie proposée n’est pas la seule possible : il en existe d’autres, y compris si l’on se réfère aux traités actuels. Il faut en particulier creuser la notion de « mission particulière », car elle constitue, semble-t-il, l’une des solutions pour échapper à la gabegie et à ce texte destructeur : nous aurons des projet de loi NOME 1, 2 et 3, comme il y eut les TARTAM 1, 2 et 3, car nous ne parviendrons pas à maîtriser tous les effets collatéraux. C’est pourquoi nous considérons que les directives concernées doivent être renégociées. Le Président de la République a tenu des propos forts au sujet de la politique agricole commune, appelé à la régulation monétaire et dénoncé la financiarisation de l’économie ; il n’y a aucune raison pour que l’énergie, non moins importante que l’alimentation ou la monnaie, ne soit pas traitée avec la même exigence afin de modifier des comportements qui, pardon de le dire trivialement, nous entraînent tous dans le mur.

L’Union doit revoir sa copie pour favoriser les économies d’énergie, mieux prendre en compte la spécificité des moyens de production des États membres – en l’occurrence de notre mix énergétique, particulier et original –, mieux prendre en compte le fait que l’électricité est un bien non stockable et non transportable sur de longues distances, et enfin revenir sur cette aberration qui consiste à vouloir imposer des marchés transnationaux, quand les politiques énergétiques sont toujours déterminées nationalement.

J’espère vous avoir convaincu, monsieur le rapporteur, que vous avez fait quelques sauts historiques, pour ne pas dire quelques hold-up.

Mme Catherine Coutelle. Quelques anachronismes !

M. François Brottes. En tout état de cause, nous ne sommes pas dans une impasse. Au fond, nous pouvons tous être d’accord sur l’idée que le secteur de l’énergie n’est pas un secteur comme les autres ; il est même de notre responsabilité collective de l’affirmer. C’est pourquoi, d’ailleurs, je me suis associé, avec l’accord de mon groupe, aux travaux de la commission Champsaur. La question dont nous débattons est sérieuse, délicate et doit être traitée avec beaucoup de soin, car elle concerne l’avenir économique et social de notre pays.

J’évoquerai dix raisons de ne pas voter ce texte. En premier lieu, le Gouvernement ne s’est pas battu pour faire adopter une directive cadre sur le service public de l’énergie et sur les services publics d’intérêt général. Ce point, qui était pour nous fondamental dans le cadre de l’accord de Barcelone, n’est hélas plus à l’ordre du jour des décisions politiques de l’Union européenne.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Qui était alors Premier ministre ? Lionel Jospin, non ?

M. François Brottes. En effet, monsieur le ministre d’État. Il avait d’ailleurs obtenu que soit inscrit dans les conclusions du Sommet de Barcelone le principe d’une directive cadre sur les services d’intérêt économique général. (Approbations sur les bancs du groupe SRC.) Mais nous avons perdu les élections quelques semaines plus tard. Il fallait donc prendre le relais, ce que vous n’avez pas fait. Même si, monsieur le ministre d’État, vous n’étiez pas alors personnellement responsable de ce secteur, vous étiez tout de même assez proche du Gouvernement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. C’est quand même extraordinaire ! Vous avez tout libéralisé !

M. François Brottes. Bref, il est bien dommage que vous n’ayez pas tenu bon sur ce sujet.

La deuxième raison de ne pas voter votre réforme est qu’elle ne tient pas compte de la crise. Les ménages ont-ils les moyens de faire les frais de votre politique ? La réponse est non. Aujourd’hui, 3,5 millions de ménages, parmi les plus précaires, sont dans une situation très difficile à l’égard des factures d’énergie ; cette question ne peut être traitée par dessus la jambe. Or les prix augmenteront mécaniquement, et de façon significative,…

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Ce n’est pas vrai !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est faux ! Il n’y a aucun lien de cause à effet !

M. François Brottes. …quoi que vous en disiez, monsieur le ministre d’État, monsieur le président de la commission. Rendez-vous dans six mois ! L’électricité augmentera comme, récemment, le gaz : les ménages les plus précaires, de même que les autres et aussi les industriels, en subiront malheureusement les conséquences.

Mme Catherine Coutelle. Bien sûr !

M. François Brottes. Troisième argument : le texte ne contient aucun rendez-vous s’agissant du paquet énergie-climat, notamment sur les 20 % d’économies d’énergie à réaliser. Il ne fait qu’évoquer l’effacement, alors que c’est en ce domaine que résident les marges de progrès les plus importantes : toute l’énergie économisée représentera autant d’investissements productifs en moins à réaliser. Malheureusement, la directive est incompatible avec la mise en œuvre du paquet énergie-climat.

Le quatrième argument tient à notre mix énergétique, qui n’a rien à voir avec celui de l’ensemble des pays de l’Union : le chausse-pied de la loi NOME ne nous permettra pas d’entrer dans la chaussure de la directive.

Cinquième argument : le texte marque la fin des tarifs réglementés. Vous nous dites, monsieur le ministre d’État, que ceux-ci seront maintenus pendant un certain temps. Je ne le conteste pas ; mais le tarif réglementé n’empêche pas l’augmentation des tarifs ! Pour le gaz – exemple pris au hasard –, les tarifs réglementés ont été maintenus,…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . Qu’avait fait le Gouvernement Jospin ?

M. François Brottes. …mais, assez vite – en décembre dernier –, l’État a laissé au régulateur et aux opérateurs le soin de régler la question. GDF-Suez a alors sollicité 9,7 % d’augmentation auprès du régulateur, qui a accepté.

M. Jean Dionis du Séjour. Non, 9 % !

M. François Brottes. Le tarif reste réglementé, bien que le pouvoir politique ait renoncé à prendre ses responsabilités ! Lors de la privatisation de GDF, j’avais déjà dénoncé, dans cet hémicycle, une clause du contrat passé entre l’État et GDF, selon laquelle les tarifs réglementés devaient rejoindre au plus vite les prix du marché. Quel est l’intérêt des tarifs réglementés, s’ils ne se distinguent plus des prix du marché ? Le problème ne se pose donc pas en ces termes : il est de maintenir un tarif compatible avec le pouvoir d’achat des gens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Qu’il s’appelle « tarif réglementé » ou « tarif du marché », franchement, on s’en fiche ! Ce n’est pas parce que vous mettez en avant la notion de tarif réglementé, lequel perdurera quelques années, que cela nous prémunira contre une augmentation significative des tarifs.

J’espère être démenti ; j’espère que, dans six mois, vous pourrez dire : Brottes a dit des bêtises à la tribune de l’Assemblée ! Malheureusement, je pense que l’histoire nous donnera encore une fois raison, et que ce texte fera mécaniquement augmenter les tarifs. Le régulateur, un peu naïvement, a d’ailleurs levé le voile en commission en nous montrant que l’ajustement du prix de l’accès régulé à la base au niveau du TARTAM entraînait mécaniquement une augmentation de 10 % la première année et de 4 ou 5 % les années suivantes. Nul besoin, pour réaliser de tels calculs, d’avoir fait une grande école ; il suffit de faire tourner les modèles mathématiques ! Pas la peine, monsieur le rapporteur, de prétendre que cela n’arrivera jamais ; d’ailleurs, pour ce qui vous concerne, vous ne le dites pas : nous débattions ce matin sur une excellente chaîne publique, LCP pour le pas la citer, et, au journaliste qui vous demandait si les tarifs augmenteraient, vous avez répondu par l’affirmative, même si, ajoutiez-vous, ce ne sera pas forcément à cause de la loi NOME.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . Les tarifs ont déjà augmenté par le passé : ils continueront à suivre cette évolution !

M. François Brottes. Vous êtes un homme honnête, monsieur le rapporteur, ce dont je vous sais gré ; d’ailleurs, vous aviez été le seul à voter la transposition de directive a minima alors que l’ensemble de la droite considérait que nous n’allions pas assez loin. Cette position vous permet aujourd’hui d’avoir une parole un peu autorisée.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . Merci de le reconnaître !

M. François Brottes. Ce n’est pas pour rien, d’ailleurs, que vous avez été désigné rapporteur de ce texte.

M. Jean Gaubert. C’est même grâce à cela ! (Sourires.)

M. François Brottes. Sixième argument : vous avez renoncé au débat si intéressant de la commission Champsaur entre la base et la pointe. Notre mix énergétique pose en effet problème de ce point de vue. Plus nous gérons de la base, plus les prix, et la pollution, augmentent ; plus nous éliminons la pointe, plus nous sollicitons notre base avec sérénité, avec une pollution moindre. Manque de pot, passez-moi l’expression : la base est en partie composée du nucléaire, mais aussi de l’hydraulique au fil de l’eau. Vous avez considéré que cette dernière production ne faisait pas partie de la base. D’ailleurs, vous avez changé l’expression : on ne parlera plus d’accès régulé à la base, mais d’accès régulé au nucléaire historique. C’est d’autant plus dommage que ce débat, qui est désormais derrière nous compte tenu de vos choix, n’est en rien politicien mais technique, chacun ayant intérêt à limiter, voire à effacer complètement la pointe.

Septième argument : des risques importants pèsent sur l’entreprise EDF seule, puisqu’un certain nombre de coucous, passez-moi l’expression, vont venir chercher de l’accès régulé à la base, même s’ils prennent quelques engagements en termes d’investissements ou d’effacement ; en tout état de cause, cela aura un effet spéculatif. Ces opérateurs tenteront d’acheter la base à moindre coût, pour la revendre sans donner de garantie à qui que ce soit sur les tarifs. Notre collègue Dionis du Séjour, avec qui nous sommes rarement d’accord, avait d’ailleurs proposé un amendement en commission au sujet d’un observatoire des marges qui puisse vérifier que, lorsque l’on achète de la base au prix de la base, le client en profite un peu. Cet amendement, que nous soutenions, a été adopté par la commission ; mais le rapporteur, se drapant dans sa dignité, n’a même pas attendu que nous tranchions en séance publique : il nous a imposé – preuve s’il en fallait une que les droits du Parlement ont considérablement progressé – une seconde délibération en commission ! Le président Ollier s’est d’ailleurs prêté à ce jeu, qui, de fait, coupe l’herbe sous le pied des parlementaires.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Moi ? Je n’étais pas là ! (Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Frédérique Massat. Voyons, vous étiez représenté !

M. François Brottes. Celle qui vous représentait, en tout cas, était là, et, dans cette commission, monsieur le président, rien ne se fait sans votre accord ! En tout état de cause, cette deuxième délibération est honteuse.

Certes, la seconde délibération est de droit : le Gouvernement peut toujours la demander s’il juge que tel ou tel amendement adopté nuit à la cohérence de son texte. Encore faut-il attendre que le débat ait eu lieu dans l’hémicycle. Or il n’avait même pas commencé que, déjà, vous censuriez la proposition de nos collègues. Cela prouve bien qu’il y aura spéculation et que certains opérateurs ne se soucieront pas de faire bénéficier le consommateur final de l’accès régulé à la base auxquels ils ont eu droit. Si vous n’aviez pas cette peur-là, vous auriez accepté l’amendement de M. Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai !

M. François Brottes. Je ne fais pas là un procès d’intention, je me contente de rappeler les faits.

Le huitième argument, c’est la cerise sur le gâteau ! Le président Jacob est un homme d’une grande naïveté, qui n’a aucun poids politique, ni dans cette assemblée ni dans la commission qu’il préside, et qui agit avec peu d’expertise mais toujours beaucoup d’élégance. (Sourires.) Or voilà que, à peine arrivé, il nous apporte la privatisation de la Compagnie nationale du Rhône, par le biais d’un amendement léger à un texte tout aussi léger.

Mme Catherine Coutelle. En pleine nuit ! Le président Jacob n’est d’ailleurs pas là aujourd’hui.

M. François Brottes. Je lui tire mon chapeau ! J’ai eu le sentiment que l’échange auquel nous avons assisté avait été convenu entre le Gouvernement et M. Jacob – qui, au demeurant, est un ancien ministre, et donc un homme responsable. Comme il y avait, de part et d’autre, quelques réticences à privatiser la CNR, l’amendement a été retiré.

Mme Catherine Coutelle. Il y avait des pourparlers dans les couloirs !

M. François Brottes. Je me suis cependant laissé dire que Gérard Longuet – qui, lui aussi, est un homme naïf (Rires) et qui, en tout cas, exerce des responsabilités au Sénat, où il est, je crois, président du groupe UMP – allait reprendre l’amendement de privatisation de la CNR. Monsieur le ministre d’État, je vous le dis tout net : le Rhône est un bien public inaliénable et il n’est pas question d’accepter qu’il devienne la propriété d’un groupe privé.

Mme Catherine Coutelle. Non à la privatisation du Rhône !

M. François Brottes. Ce n’est ni possible ni envisageable. La question dépasse ce gouvernement, comme elle dépasse tous les gouvernements : le Rhône était là avant les directives européennes ; en aucun cas l’énergie hydraulique produite par ce fleuve ne doit profiter aux seuls intérêts privés. Il faut le rappeler avec force. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Lionel Tardy. Il n’a pas tort !

M. François Brottes. Le neuvième argument concerne la fameuse clause de destination. Ce texte est fragile, car la commission fera état de cette clause pour le démanteler, et vous serez obligés d’y revenir. En tout état de cause, nous n’avons aucune garantie sur le fait que des opérateurs allemands, luxembourgeois ou belges ne pourront pas bénéficier du tarif de l’accès régulé à la base. Certes, pour faire valoir le volume de base disponible, on doit rendre des comptes sur le nombre de clients que l’on a en France…

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. C’est déjà pas mal !

M. François Brottes. …mais on ne doit pas en rendre, ensuite, sur l’identité des consommateurs à qui on revend la base. Le rapporteur a tenté d’avancer quelques arguments à ce propos, mais il lui reste à nous dire dans lequel de ses articles le texte prévoit la traçabilité de l’utilisation de l’accès régulé à la base. La clause de destination saute donc, puisque tout le monde pourra l’utiliser. On peut néanmoins se demander s’il est judicieux que cette « rente » nucléaire – comme l’appelait la commission Champsaur – fasse le bonheur d’opérateurs privés qui veulent spéculer, ceux que j’ai appelés des « coucous ».

Le dixième argument est l’argument massue. Ce n’est pas moi qui le dis, mais la CRE : les consommateurs vont voir le prix de l’électricité augmenter de 11,4 % en 2010, de 3,5 % en 2011 et les années suivantes. Derrière cette loi, il y a donc l’idée que l’on va faire porter à la Commission européenne la responsabilité de l’augmentation des tarifs. C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous voterons contre ce texte qui vise à satisfaire une vision artificielle de la concurrence. Vous aurez du mal à neutraliser les effets collatéraux qui s’ensuivront.

Inutile de poursuivre ce débat, mes chers collègues : votons la motion de rejet préalable. En cherchant à gagner du temps vis-à-vis de la Commission, la loi NOME ne résout rien, mais servira de prétexte à une forte augmentation. Puisse la lucidité guider notre vote. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministère d’État.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, M. François Brottes est un parlementaire honorable, respecté et avisé, qui connaît bien ces matières, et l’exercice auquel il vient de se livrer était, pour lui, particulièrement ardu. Il a eu, en effet, le plus grand mal à nous cacher que la libéralisation du marché de l’énergie était le fait de M. Pierret, ministre socialiste du gouvernement de la France.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . Il fallait le rappeler !

M. François Brottes. On dirait du Lenoir !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Et il s’est heurté à une seconde difficulté : la France dispose d’une énergie 30 % moins chère que la moyenne de l’Union européenne. Elle a l’énergie la plus décarbonée d’Europe : au moment des débats sur les changements climatiques, ce n’est pas rien.

M. Jean Gaubert. Elle n’est pas chère mais elle va le devenir !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. La France a également réduit ses besoins énergétiques, petitement mais, cette année, réellement. Les émissions de gaz à effet de serre y sont réduites de 13,4 % par rapport à 1990 – les derniers chiffres viennent d’être publiés –, ce qui fait qu’elle est l’un des rares pays au monde qui, non seulement respecte le protocole de Kyoto, mais est considérablement en avance sur ses objectifs. Enfin, monsieur Brottes, elle s’est dotée d’un dispositif législatif qui permet d’avoir de la stabilité – c’est-à-dire de la prévision et de l’investissement, ce dont elle a le plus besoin – et un prix régulé à la base et pour le consommateur individuel. Au final, tout se retrouve toujours, monsieur Brottes.

M. Jean Gaubert. Forcément !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. Les augmentations de spéculation ne seront plus possibles. Mais il faut éviter les retards d’investissement, qui finissent toujours par se répercuter sur le prix payé par le consommateur.

Pourquoi donc êtes-vous angoissé à l’idée que c’est le Parlement de la France qui va décider de la composition du prix de l’énergie nucléaire ? En quoi la vérité des prix, quand ils n’entraînent pas d’augmentation pour le consommateur, est-elle gênante ? Si l’on triche avec la vérité du coût complet de la production et de l’investissement, de la maintenance, de la prorogation, du démantèlement éventuel, un jour ou l’autre, nous serons rattrapés par la réalité.

Il est donc temps de voter ce texte : vous savez pertinemment, monsieur Brottes, que, grâce à la double régulation, il n’y aura aucune autre augmentation des tarifs autre que les évolutions normales et traditionnelles.

Vous avez, comme il y a une quinzaine de jours, fait une allusion au gaz : vous pourriez rappeler que la même application du texte, il y a un an, a été suivie d’une baisse de 11,4 %.

M. François Brottes. Ça, c’était bien !

M. Jean Gaubert. Dans ce cas-là, nous aimons bien !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. En fait, vous n’avez qu’un argument : vous voulez faire croire que ce texte entraînera une dérégulation qui se traduira à son tour par une augmentation des prix. C’est faux, archifaux. C’est, au contraire, la première fois que nous connaîtrons une vraie stabilité.

Le seul point sur lequel vous avez été réellement applaudi – et pas seulement sur les bancs de l’opposition –, c’est celui concernant ce que vous appelez la privatisation de la CNR. Je dois à la vérité de dire aux honorables parlementaires que ce texte ne contient pas le moindre article à ce sujet.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C’était un amendement !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. En réalité, vous vous êtes fait applaudir à propos de quelque chose qui ne figure pas dans le projet de loi.

Vous parlez d’une clause de destination. Soyons prudents avec les mots, monsieur Brottes. Il n’y a pas de clause de destination : il est prévu un remboursement de la marge dès lors que l’énergie serait revendue à l’extérieur, de manière non compatible avec la réalité du portefeuille de clients en France. C’est une clause de restitution de marge et de pénalité en cas d’infraction automatique et abusive. Il n’y a donc aucune insécurité juridique.

Telles sont les raisons pour lesquelles il convient de passer à l’examen du texte. Le Gouvernement, pour sa part, s’oppose à votre motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai écouté François Brottes, très bon connaisseur de ce dossier, avec la plus grande attention. Comme j’aime bien les matches, j’ai retenu le score : dix à un, c’est-à-dire dix bonnes raisons de rejeter la loi et une de voter pour.

Nous sommes d’accord avec l’argument en faveur du texte. Un article 10 prévoyait de recourir à une ordonnance pour la transposition du troisième paquet énergie, ce qui était disproportionné. François Brottes a reconnu que tous les groupes, aidés par le président de la commission, avait fait en sorte que les droits du Parlement soient respectés.

J’ai donc écouté attentivement les dix arguments contre le projet de loi. Je dois reconnaître que je suis d’accord avec l’un d’eux : les centristes regrettent qu’ait été repoussée notre volonté de donner à la CRE le pouvoir d’observer les marges. Je ne vois vraiment pas où était le scandale. Nous sortons d’un marché encore largement monopolistique et il aurait été bon, au cas où une marge exorbitante aurait été constatée, de pouvoir saisir le comité de résolution. Quelle mouche a donc piqué notre rapporteur ? Lui, toujours si zen, toujours si calme, a été pris d’une fièvre soudaine qui a débouché sur le recours à une procédure que, en huit ans de Parlement, je n’avais jamais vu appliquer : la deuxième délibération en commission.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Jamais !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . Mais si, il y a des précédents ! Il faut venir plus souvent en commission !

M. Jean Dionis du Séjour. Il faut que le rapporteur retrouve son calme et que nous en débattions tranquillement. Chers collègues de la majorité, vous n’allez pas pouvoir siffler le rôle d’observatoire des marges dans la loi NOME et l’applaudir debout dans la LMA. Avec la LMA, nous traitons d’un marché où l’aval écrase l’amont ; avec la loi NOME, il s’agit simplement de sortir d’un marché monopolistique. Il faut contrôler les marges, notamment celles de l’opérateur historique.

Cela dit, les centristes sont très pragmatiques. L’Union européenne a lancé une procédure contre la France, et notre pays risque fort de perdre : cela lui coûterait des centaines de millions d’euros. Si ce texte fait au moins une chose, c’est de régler ce contentieux entre l’Union européenne et la France. Pour cette toute petite raison pragmatique, les centristes ne voteront pas la motion de rejet préalable.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert, pour le groupe SRC.

M. Jean Gaubert. Le plaidoyer que vient de prononcer M. le ministre ne change rien à la démonstration de François Brottes.

Je ne reviendrai pas sur la question des directives, mais il était temps que, dans cet hémicycle, on rappelle où étaient les responsabilités des uns et des autres, y compris en ce qui concerne l’adoption des directives. François Brottes a très justement rappelé que M. Borotra lui-même revendiquait à juste titre le vote de la directive européenne. En 2000, il s’agissait de transcrire quelque chose qui était déjà inscrit dans les textes. D’autre part, les députés RPR ou UDF de l’époque, qui sont devenus UMP, se plaignaient que cette transcription se fasse a minima et considéraient que nous allions priver les entreprises françaises du bénéfice de l’entrée dans la concurrence. On sait ce qu’il en a été, et toutes les affirmations de notre rapporteur – qui n’ont rien de démonstrations – n’y pourront rien changer. Il faut remercier François Brottes d’avoir, au début du débat, remis les pendules à l’heure.

Deuxième élément, les conséquences de ce texte, dont nous allons évidemment débattre, nous sont déjà connues. Pour les clients industriels, rien n’est sûr, sinon la régulation de l’achat en gros de l’énergie. Cela ne signifie pas que la vente de l’énergie sera régulée. C’est la règle de l’offre et de la demande, qui prévaut depuis le début, qui s’appliquera. Or cette règle, dont certains pensaient qu’elle ferait baisser les prix, les a fait monter. Comme, en outre, vous avez refusé le moindre observatoire susceptible de constater ce qui se passe, l’énergie sera sans doute vendue plus cher, lors des pointes, que, les uns et les autres, nous ne l’aurions souhaité.

S’agissant de cette rente que nous allons donner à des opérateurs privés, qui ne prennent même pas le risque de devenir producteurs, il aurait été assez normal d’aller jusqu’au bout, c’est-à-dire d’en faire profiter jusqu’aux entrepreneurs industriels de ce pays, en particulier les électro-intensifs, pour qui le TARTAM avait été monté.

Une autre chose est certaine, c’est que les clients, les abonnés domestiques, sont déjà sûrs d’avoir perdu. François Brottes a évoqué tout à l’heure la pression aujourd’hui exercée pour faire admettre que l’augmentation des prix est inéluctable. Il se pourrait même que les autorités européennes nous fassent observer, lorsque nous aurons défini le véritable prix de l’électricité de base, que notre prix administré n’est plus assez élevé. Bien évidemment, vous ne pourrez plus, alors, défendre l’idée d’un prix administré qui se réfèrerait à un prix de base moins élevé que celui que vous aurez vous-même défini.

N’y a-t-il que des perdants ? N’y aurait-il pas quelques gagnants ? Les opérateurs que j’ai cités tout à l’heure, qui ne produisent pas, ou, a fortiori , les opérateurs qui produisent mais que la loi laisse volontairement de côté – je pense particulièrement à ce grand groupe qu’est GDF Suez, ce qui nous ramène à la CNR, dont je dirai un mot tout à l’heure – seront les grands gagnants de l’opération. On n’y touche pas, on ne leur donne que des avantages.

EDF y gagne peut-être également. L’éventuelle augmentation des prix de l’électricité administrée permettra à EDF de récupérer les sommes perdues par ailleurs. C’est pourquoi M. Proglio affirme que cette loi est devenue acceptable mais inutile. Elle n’est peut-être pas tout à fait inutile, cependant, pour lui et les autres.

Telles sont les questions cruciales que nous devrons trancher dans le temps qui nous est imparti pour l’examen de ce texte.

Cela dit, il me faut sans doute revenir sur l’amendement Jacob, dont votre collègue secrétaire d’État et vos collaborateurs ne vous ont peut-être pas prévenu et que François Brottes a évoqué tout à l’heure. Vous ne pouvez prétendre qu’il n’y a pas eu de tentative d’appropriation privée d’un bien collectif, en l’occurrence l’eau du Rhône. Les barrages qui existent résultent de concessions limitées dans le temps ; une vente est, en revanche, définitive, à moins d’une expropriation ultérieure, ce qui est beaucoup plus compliqué.

Pour toutes ces raisons, nous voterons la motion de rejet préalable. Trop d’inconnues pèsent. Trop de menaces se profilent, qui contredisent vos affirmations et donnent à penser que les mêmes, souvent les consommateurs particuliers, continueront de payer l’addition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant, pour le groupe UMP.

M. Serge Poignant. Je reconnais la compétence de François Brottes sur les questions d’énergie mais, si nos collègues du groupe SRC s’opposent à l’ouverture des marchés, ils doivent reconnaître la responsabilité du gouvernement de Lionel Jospin.

M. François Brottes. C’est nul !

M. Serge Poignant. Si ce n’est pas le cas, peut-être cherchent-ils plutôt un alibi pour ne pas voter cette loi. Franchement, établir un lien mécanique entre l’augmentation éventuelle des prix et la loi NOME n’est pas crédible. Le ministre l’a bien rappelé.

Par ailleurs, vous savez que le prix résulte, à hauteur de 40 %, du coût de production et, à hauteur de 40 % également, du coût des réseaux. Je n’oublie pas non plus la CSPE, la contribution au service public de l’électricité. Nous sommes tous favorables au développement des énergies renouvelables, mais cela affectera le montant de la CSPE et le prix de l’électricité. Nous devons en avoir pleinement conscience et être réalistes, sans imputer une nouvelle fois à l’ouverture des marchés l’augmentation du prix de l’électricité.

Vous réclamez, chers collègues, une loi responsable. C’en est une ! Oui, nous voulons la sobriété énergétique. Le ministre d’État l’a dit, nous sommes pleinement engagés sur cette voie. Avec cette loi, nous irons encore plus loin sur la question des pointes. L’obligation de capacité ne pèse effectivement pas que sur les moyens de production, elle pèse aussi et prioritairement sur les moyens d’effacement dans le cadre général de la maîtrise de l’énergie, comme l’indiquait la lettre de mission par laquelle M. le ministre d’État me confiait, ainsi qu’à Bruno Sido, la tâche de présider un groupe de travail.

Oui, nous sommes favorables à une énergie nucléaire incontournable.

Oui, nous sommes favorables aux efforts de recherche dans tous les domaines.

S’agissant plus précisément des énergies renouvelables, M. Brottes a évoqué un développement particulier et prioritaire de nos filières. J’aimerais bien que tout le monde le dise de la même manière.

Une autre question se pose. Comment aller plus loin, comme le permet le traité de Lisbonne, vers une Europe de l’énergie ? Faut-il un nouveau traité ? Faut-il une communauté européenne de l’énergie, une coopération renforcée ou un espace énergétique de type espace de Schengen ? Tous les États membres en ont discuté, dans leurs parlements nationaux respectifs – j’en ai débattu hier et ce matin encore avec le président Lequiller – de même que le Parlement européen.

Je vous assure, mes chers collègues, qu’une vraie solidarité nationale sera nécessaire pour faire admettre et respecter nos spécificités tout en nous acheminant vers une politique énergétique européenne.

Selon moi, non seulement ce projet de loi est responsable mais en plus il est absolument nécessaire. Au-delà des questions de contentieux, il offrira une vraie visibilité à nos entreprises, pour leurs investissements, et aux consommateurs, comme l’ont rappelé M. le ministre d’État, M. le président Ollier et M. le rapporteur.

Je vous invite donc à poursuivre la discussion et à rejeter cette motion de rejet préalable du groupe SRC. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe GDR.

M. Daniel Paul. Je ne comprends pas l’obstination de M. le ministre d’État, de M. le rapporteur et des porte-parole des groupes qui s’apprêtent à voter en faveur de ce texte à cacher, à taire, à minimiser l’inéluctable augmentation des tarifs que nos concitoyens vont subir, ou plutôt je la comprends très bien.

En fait, c’est la logique de l’opération. Nous l’avons tous dit : sa production à 90 % à partir du nucléaire et de l’hydroélectrique et par un système encore empreint de l’histoire qui est la sienne depuis 1946, malgré les bouleversements induits par certains dispositifs depuis quelques années, font de notre électricité l’une des moins chères d’Europe. Comment la concurrence pourrait-elle trouver sa place ? Dans les conditions actuelles, même avec la meilleure volonté du monde, les meilleurs commerçants ne peuvent pas concurrencer EDF. Ce n’est tout simplement pas possible, même en faisant en sorte que les tarifs régulés reflètent un peu mieux la vérité des prix en prenant en compte l’intégralité des charges, et ce n’est pas M. Gonnot qui dira le contraire sur ce point-là.

Le seul moyen pour que la concurrence s’établisse est l’augmentation des prix. Ainsi les nouveaux entrants pourront-ils gagner…

M. Jean Gaubert. Des sous !

M. Daniel Paul. …quelques positions.

Je ne dirai pas qu’ils pourront gagner « des sous », car l’énergie est un secteur qui peut rapporter gros, en particulier si l’objectif visé d’un alignement des tarifs sur les prix européens est atteint. Dans ce cas, ce ne sont pas des sous, c’est du fric, beaucoup de fric ! Tel est l’enjeu.

Recourez donc à toutes les contorsions et précautions oratoires que vous voulez, prétendez qu’il n’y aura pas d’augmentation, que cela ne représente que 40 % du prix de l’électricité qui arrive chez le consommateur, quel qu’il soit ; vous êtes gênés car les Français sont attachés au système né en 1946. Même s’il a été quelque peu bousculé au cours de ces dernières années et même si des millions d’entre eux sont des précaires dans le domaine de l’énergie, les Français savent, fût-ce confusément, que c’est ce système qui est le plus à même de leur garantir une électricité accessible.

Vous y allez à pas comptés, mais je ne crois pas à l’hypothèse d’un bricolage. Simplement, nous avons affaire à des gens qui savent que le sujet est sensible dans l’opinion. En outre, il n’est pas facile d’augmenter les prix en période de crise, d’autant que les échéances de 2012 se rapprochent. Ce sont autant d’obstacles à surmonter. Vous avancez donc à pas comptés, certes, mais sans dévier.

Marcel Boiteux ne dit pas autre chose dans sa lettre du 3 mai 2010, dont j’approuve le fond même si je l’exprimerais peut-être avec d’autres mots : « Emportée par le courant des idées, la France a mis fin au monopole d’EDF et ouvert l’électricité aux disciplines du marché. La pression de la concurrence devait améliorer la gestion, dynamiser les équipes, faire baisser les prix du courant. Une dizaine d’années plus tard, telle la poule qui a couvé un canard, la France ébahie se dépêtre dans les paradoxes, le problème n’est plus de faire baisser les prix, mais d’accepter ou non de les laisser monter pour s’aligner sur ceux du marché européen. On avait ouvert l’électricité à la concurrence pour faire baisser les prix et il faudrait aujourd’hui les élever pour permettre la concurrence. » Fermez le ban, chers collègues. Toute la logique de votre texte, toute la logique de l’opération se trouve résumée dans ces quelques phrases de l’ancien président d’EDF.

Nous voterons bien évidemment la motion de procédure présentée par le groupe SRC. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’énergie n’est pas un bien banal.

D’une part, elle est indissociable du développement humain. Elle est une ressource nécessaire et indispensable, au même titre que l’eau. Aujourd’hui, le problème des besoins énergétiques de la planète est loin d’être résolu : deux milliards d’êtres humains n’ont toujours pas accès à l’électricité et 80 % de l’énergie produite à l’échelle du globe, sont consommés par 20 % de la population mondiale.

Dans notre pays même, cela a été évoqué tout à l’heure, la question de la précarité énergétique est posée avec force dès lors que  8 millions de personnes vivent au-dessous du seuil de pauvreté.

D’autre part, ce n’est pas un bien banal parce que les ressources fossiles se raréfient et que le réchauffement climatique lié aux activités humaines et à l’émission de gaz à effet de serre n’est plus un simple concept, mais s’impose comme une réalité.

Ce secteur est d’autant plus sensible avec la crise que nous connaissons. Les questions énergétiques sont au cœur d’enjeux économiques et sociaux, d'une part pour le coût qu’elles représentent, d'autre part pour les défis environnementaux, sans oublier les questions cruciales de sécurité d'approvisionnement et de sûreté des installations. S’agissant de la sûreté des installations, je ne vise pas uniquement le nucléaire, mais toutes les installations produisant de l’électricité.

C'est dans ce contexte que nous examinons aujourd'hui ce projet de loi portant sur une nouvelle organisation du marché de l’énergie, dite loi NOME. C’est Jean-Louis Mathias, directeur exécutif d’EDF qui a fixé d’une certaine façon le niveau des enjeux en disant : « Cette loi sera la plus importante pour l'organisation du secteur électrique en France depuis 1946, date de la création d'EDF ».

Comme cette référence à 1946 est significative ! À cette époque, au sortir d'un conflit effroyable, dans un pays exsangue, le gouvernement issu de la Libération appliquait une des préconisations du programme du Conseil national de la résistance et mettait en place un système de production, de transport et de distribution de l’électricité, fondé sur une entreprise intégrée, retirant ces missions du champ du marché, pour en faire de véritables missions publiques. Cette décision historique permettait la fourniture d'une électricité dégagée d'objectifs de profits, tant aux entreprises qu'aux particuliers, ce qui ne fut sans doute pas pour rien dans la capacité de notre pays à développer une industrie puissante au cours des années 50 et 60. Et l’on sait ce qu’il en reste aujourd’hui.

C’est cette même décision de 1946 qui allait permettre une autre décision, tout aussi historique, celle de développer plus tard une filière nucléaire, à totale maîtrise publique, devenue en quelques années la base essentielle de la production d'électricité de notre pays.

Ce système s'est largement mis en place en Europe, l'électricité étant considérée comme un bien non ordinaire, un bien vital, non stockable, que l'on ne pouvait laisser entre les mains du marché, sur lequel il ne pouvait être réalisé de profits.

Mais, dès les années 70-80, l'existence de masses de capitaux cherchant à réaliser des profits juteux allait bousculer cet ordre des choses ; la mondialisation ultralibérale allait leur trouver de nouveaux champs d'activité, avec l'objectif politique de réduction des secteurs publics et d'application du dogme de la concurrence. La construction européenne allait s'imprégner de cette politique qui fait du marché et de la concurrence les règles d'or de l'économie, niant les spécificités des différents secteurs qu'elle veut plier à ses exigences. Cet état de fait ne concerne pas le seul secteur de l’énergie ; je pense, entre autres, au domaine des transports. Pour les ultralibéraux, tout est « marchandisable ».

Ainsi, alors que les enjeux de toute réforme touchant à l'électricité devraient être la sécurité des approvisionnements électriques du pays, le développement de moyens de production faiblement émetteurs de C02, la recherche d'une meilleure efficacité énergétique et la construction d'une véritable politique énergétique européenne, l'objet essentiel de la loi NOME est de rendre effective la concurrence dans un secteur où les opérateurs alternatifs ont des difficultés à gagner des parts de marché, malgré les nombreux coups de pouce déjà donnés par le Gouvernement en faveur de la dérégulation.

Ainsi, puisque notre pays avait conservé un puissant secteur public, avec une entreprise publique intégrée, offrant des prix de l'électricité trop bas pour que le privé trouve sa place, les différentes directives et leurs transpositions ont imposé l'ouverture de la concurrence pour les sites industriels consommant plus de 16 gigawattheures par an en 2000 – mais, promis juré, cela s'arrêterait là  –, puis, en 2003, pour les sites consommant plus de 7 gigawattheures par an, pour, en 2004, ouvrir à tous les sites industriels.

Puis ce fut le changement de statut d'EDF et de GDF – mais promis juré, cela s'arrêterait là ! Puis ce fut la privatisation de GDF, puis l'ouverture à la concurrence pour les consommateurs domestiques en 2007, puis la mise en place du TARTAM parce que l'ouverture à la concurrence avait amené une explosion des prix de l'électricité pour les entreprises, puis les menaces sur les tarifs régulés et, enfin – mais sans doute n'est-ce pas fini si la logique libérale actuelle perdure – la mise au point d'une solution pour que, coûte que coûte, les «nouveaux entrants», parmi lesquels GDF Suez, qui n'est quand même pas, si vous me permettez l’expression, un perdreau de l’année, qui n’est pas un opérateur banal, puissent vraiment accéder au marché.

Cela peut apparaître comme du bricolage, mais c'est surtout une politique qui, étape par étape, a visé la mise du secteur de l'électricité sous le joug des marchés financiers. Car comment faire pour concurrencer des tarifs aussi bas que ceux d'une électricité dont la base est, à près de 90 %, d'origine nucléaire et hydraulique, fournie par une entreprise qui applique des tarifs régulés, décidés par l'État ?

La loi NOME constitue une nouvelle étape dans le processus qui conduit à la libéralisation complète du secteur de l'électricité…

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Mais non !

M. Daniel Paul. Bien sûr que si, monsieur le ministre, et vous le savez ! Cela étant, nous sommes conscients de vos efforts pour ne pas reconnaître ce qui est pourtant la réalité…

Cette nouvelle étape vise à contraindre EDF à vendre aux opérateurs privés 25 % de sa production nucléaire, pour qu'ils puissent concurrencer EDF, mais là aussi, promis juré, si la régulation doit s'arrêter en 2015 pour les industries, pas question d'y toucher pour les usagers domestiques. C’est ce que vous n’arrêtez pas de nous répéter depuis le début de la séance.

En permettant cet accès régulé à la base, vous espérez répondre aux injonctions de la Commission européenne et satisfaire les attentes des opérateurs privés qui piaffent d'impatience. Car ils attendent cette loi, comme le montrent leurs déclarations. Wolfgang Anzengruber président du directoire de Verbund, entreprise autrichienne qui contrôle Poweo – je rappelle que l'entreprise a perdu 93,5 millions d'euros en 2009 – a ainsi déclaré : « Sans la réforme, nous devrons abandonner nos 400 000 clients de détail et les rendre à l'opérateur historique ».

Fabien Choné, directeur général de Direct Energie, lequel espère ainsi compenser ses « déficits de compétitivité », déclare : « Tout retard dans la loi NOME constitue une charge supplémentaire pour les opérateurs alternatifs ».

Gérard Mestrallet, PDG de GDF Suez affirme, quant à lui : « Il faut que la nouvelle loi se traduise par une véritable ouverture à la concurrence. En ce qui concerne les industriels, il y a sept ou huit ans, nous avions gagné 7 à 8 % de parts de marché avec des clients prestigieux. Nous les avons tous perdus avec l'avènement du TARTAM ».

Enfin, « Si l'on veut que la concurrence se développe, il faut permettre aux fournisseurs alternatifs d'accéder à cette capacité de production nucléaire, qui est un bien commun de la nation », a estimé Pierre-Franck Chevet, directeur général de l'énergie et du climat au ministère de l'énergie et du développement durable, autrement dit chez vous, monsieur le ministre d’État.

Pourtant, les usagers ne veulent pas de cette libéralisation. Ils sont même de moins en moins nombreux à la souhaiter. Et pour cause, ils n'ont rien à y gagner, au contraire !

Ainsi, 95 % des Français ne souhaitent pas changer de fournisseur. Les chiffres publiés par la CRE, en mars dernier, témoignent de ce peu d'enthousiasme : au 30 septembre 2009, 1 215 000 sites, sur un total de près de 30 millions, sont en offre de marché pour l'électricité, dont 1 200 000 chez un fournisseur alternatif. Les rares Français qui se disent prêts à changer de fournisseur le feraient, pour 49 % d’entre eux, pour une offre à un meilleur prix, pour 23 % pour une offre comprenant des énergies renouvelables, et pour 15 % pour un meilleur service. C'est le contraire qui va se produire si cette loi est votée.

Dans ce secteur, ce n'est pas la concurrence qui fait baisser les tarifs, mais la capacité à optimiser économiquement et techniquement un système électrique dont les fondamentaux s'accommodent mal – pour ne pas dire  pas du tout  – de la concurrence. Certains pays, comme les États-Unis ou le Royaume-Uni, qui ont été des pionniers en la matière, sont aujourd'hui beaucoup plus prudents. Je vous invite, chers collègues, à observer ce qui se passe actuellement en Californie, qui n’est pourtant pas un État où règne un socialisme contraint ! Les Californiens s’interrogent sur les dérives qui menacent leur État et réfléchissent sur l’ouverture du marché à une plus grande concurrence. Ils disent ne pas comprendre pour quelle raison les Français, qui disposent d’un système tel que celui que nous connaissons aujourd’hui, voudraient en changer.

Les consommateurs ne s'y sont d’ailleurs pas trompés ! Pourquoi restent-ils chez l'opérateur historique ? Pas parce qu'ils ignorent la possibilité de changer de fournisseur, mais simplement parce qu'ils se méfient du privé en matière d'électricité, ils savent la pertinence d'EDF et que l'on ne fait pas son marché, en matière d'électricité, comme on le fait pour une marchandise banale. Plus confusément peut-être, ils savent que les tarifs d'EDF sont inférieurs à ceux de beaucoup d'autres pays : en fait, de 27 % à la moyenne européenne pour les ménages et de 33 % pour les industriels, et les cinquante-huit réacteurs nucléaires mis en service entre 1977 et 2000 permettent à l'opérateur historique de mettre sur le réseau un mégawattheure au prix régulé de 34 euros environ, quand les concurrents se fournissent sur un marché de gros à un prix beaucoup plus élevé, avant de le revendre à leurs clients.

Alors que la concurrence nous est toujours présentée comme la panacée pour baisser les tarifs, développer l'innovation et améliorer les services rendus aux consommateurs, en matière d'électricité, nos concitoyens devinent que la libéralisation n'a d’autre objet que de faire monter les prix au niveau de ceux des autres pays européens et ils se méfient des marchands d'électricité qui rentabiliseront leurs capitaux en augmentant leurs prix.

La production, le transport et la distribution d'électricité supposent des investissements préalables dans des infrastructures ne pouvant être assumés par une entreprise privée. Aux montants colossaux nécessitant une forte solvabilité, s'ajoute un retour sur investissement à très long terme, ce qui n'intéresse pas les investisseurs privés, qui recherchent plus que jamais le profit maximal et rapide. La fourniture d'électricité dans des conditions de sécurité optimale et à un tarif raisonnable n'est que secondaire, tout comme le renouvellement du parc de production ou la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. L'économie de marché n'a jamais aussi bien porté son nom : la finalité, c'est le marché.

Je citerai un extrait de l'étude d'impact réalisée préalablement à l'examen de ce texte, qui résume bien les causes et effets de ce projet de loi : « (...) on observe depuis plusieurs trimestres une stagnation des parts de marché des fournisseurs alternatifs sur le segment des clients non résidentiels, notamment en raison du TARTAM, et un faible développement des fournisseurs alternatifs sur le segment des clients résidentiels. Sur ce dernier segment, les fournisseurs alternatifs ne disposent pas de source d'approvisionnement en électricité compétitive par rapport au coût moyen de production d'EDF, lequel repose essentiellement sur le nucléaire, et ne disposent donc pas des moyens leur permettant de faire des offres compétitives par rapport aux tarifs réglementés ». Dans votre propre texte, vous reconnaissez cette situation.

Décidément, les obstacles à la libéralisation complète sont difficiles à surmonter, qu'il s'agisse du dispositif né de 1946 ou de l'attachement de la population, mais aussi de responsables économiques. Ils disent leurs craintes, leurs inquiétudes devant les évolutions possibles des prix.

Après avoir vainement essayé de gagner des parts de marché, dans des conditions parfois douteuses, c'est l'approvisionnement à la source que vous avez choisi : EDF devra céder 25 % de son électricité nucléaire à ses propres concurrents. Mais, vous promettez que le prix de vente de l'électricité dans le cadre des contrats d'accès régulé à la base permettra à EDF de couvrir ses coûts et de bénéficier d'une rentabilité dite « normale ». On aimerait d’ailleurs savoir, monsieur le ministre d’État, ce que vous entendez par « rentabilité normale ».

Rappelons à ce sujet qu’EDF, dont l’actionnaire principal est l’Etat à 85 % – la loi permet même d’abaisser cette participation à 70 %‚–, pourrait se satisfaire d’une opération se traduisant par une vente de 25 % de son électricité nucléaire à un tarif proche du TARTAM, ce qui assurerait l’entreprise et son actionnaire principal de la rentabilité espérée. Mais cela signifierait une augmentation importante de l’ensemble des tarifs régulés, car comment imaginer le maintien, à moyen terme, de tarifs régulés, censés couvrir l’intégralité des coûts, et qui seraient plus bas que ceux qui auront été consentis aux entreprises ? Gageons que la Commission européenne sera vigilante à ce sujet !

Aujourd’hui, le différentiel entre le TARTAM et le tarif régulé – en ce qui concerne l’électricité fournie au réseau de transport – est d’environ 20 % : or, rappelez-vous, c’est une augmentation de ce niveau que demandait il n’y pas si longtemps le président d’EDF de l’époque, Pierre Gadonneix, quelques mois avant son départ...Je ne pense pas que ce soit le fruit du hasard si nous retrouvons aujourd’hui cette perspective d’augmentation.

En fait, ce qui se prépare, c’est une augmentation forte des tarifs de l’électricité, que ce soit pour les consommateurs domestiques ou les industriels. Mais on peut penser que les intérêts d’EDF seront préservés, et donc aussi ceux de son principal actionnaire. En fait, dans cette opération, c’est l’usager, domestique et industriel, et le service public de l’électricité qui seront les grands perdants.

Cela n’empêche pas certains opérateurs, regroupés au sein d’un collectif appelé « Libre choix », d’exiger que la loi « fixe des tarifs de gros inférieurs à ceux proposés par EDF à ses clients particuliers ». L’objectif est de pouvoir concurrencer les tarifs régulés tout en s’octroyant une marge bénéficiaire la plus large possible.

De toute façon, une fois de plus, la représentation nationale ne pourra pas avoir son mot à dire sur ce prix, puisqu’il sera fixé par décret après promulgation de la loi !

Cette mesure est un hold-up inacceptable. Les centrales nucléaires ont été construites grâce à des emprunts souscrits par EDF, garantis par l’État et remboursés par le produit de la vente de l’électricité.

Quant à l’engagement des « bénéficiaires » de ne vendre cette électricité qu’à des clients sur le territoire français, je le qualifie de mascarade : les règles européennes étant ce qu’elles sont, rien ne pourra s’opposer, en fait, au contournement de cette règle qui n’est là que pour rassurer ceux qui auraient besoin de l’être !

Alors, certes, vous confirmez EDF comme le seul opérateur du nucléaire dans notre pays, mais on sait, monsieur le ministre d’État, ce que vaut une telle promesse dès lors que le processus de libéralisation du secteur n’est pas remis en cause mais qu’au contraire, vous poursuivez dans le chemin qui mène à la dérégulation totale. On sait d’ailleurs la volonté de GDF Suez de prendre sa part dans la production électronucléaire dans notre pays.

Certains à droite proposent même d’aller plus loin, en permettant à GDF Suez de disposer de la majorité absolue dans le capital de la CNR, tout en refusant que la production hydroélectrique dont disposent des fournisseurs privés soit déduite de leurs droits de tirage sur le nucléaire d’EDF. Au point où nous en étions, vous aviez même envisagé que le prochain paquet  énergie  européen soit transposé sans passer devant le Parlement, par ordonnance, comme si ces questions ne posaient plus de problème. C’est inacceptable. Cela n’a pas été accepté, et c’est bien. Mais cela montre l’état d’esprit qui régnait au début de la discussion de ce texte.

Votre projet de loi impose aussi à chaque fournisseur de contribuer à la sécurité d’approvisionnement en électricité en France continentale, en apportant la garantie qu’il détient, directement ou indirectement, la capacité d’effacement de consommation ou de production nécessaire pour satisfaire la demande de ses clients lors des pointes de consommation. L’électricité ne pouvant être stockée, comme chacun le sait, il faut produire à chaque instant la quantité demandée. Or celle-ci fluctue fortement dans le temps : au cours d’une même journée, selon les rythmes domestiques et industriels, et selon les saisons, puisque le chauffage et l’éclairage représentent une part importante de la demande.

Selon les économistes Claude Crampes et Thomas-Olivier Léautier, la fourniture d’électricité ne représente qu’une faible part du coût total. Le transfert de parts de marché entre fournisseurs n’aurait qu’un impact limité sur la structure à long terme du secteur électrique français. Le véritable impact économique de la loi serait ailleurs, dans la création d’un « marché de capacités ». Ces garanties seraient échangeables sur un marché à créer. Je ne crois pas que ces sommes seront affectées à de l’investissement. Je crois au contraire qu’il s’agit en fait d’un nouveau terrain de jeux ouvert à la spéculation.

Ce projet de loi propose également de fixer une tarification incitative à la maîtrise de la consommation d’énergie, notamment lors des périodes de pointe. Entre incitation et pénalisation, il n’y a qu’un pas. Cela signifie-t-il que le chauffage en période de grands froids, comme on a pu en connaître dernièrement, deviendra un luxe que beaucoup de foyers modestes ne pourront plus se permettre ?

Cela signifie-t-il que l’électricité sera vendue à un prix plus élevé à ces moments de pointe – ce qui serait une manière inédite de responsabiliser les usagers –, ou alors les opérateurs proposeront-ils des offres alléchantes à condition d’accepter des coupures à ces mêmes moments ?

Tout comme on connaît les conséquences des mesures liées aux tarifs. La disparition en 2015 des tarifs vert et jaune, auxquels ont accès les professionnels, et l’évolution de ceux appliqués aux particuliers constituent un premier pas vers la disparition totale des tarifs réglementés. À consommation égale, et si les tarifs restent stables au niveau européen, cela se traduira par une hausse de 50 % de la facture.

D’ailleurs MM. Crampes et Léautier ne s’y sont pas trompés : « On peut espérer que c’est une première étape vers la suppression des tarifs » – réglementés. Mais ils restent lucides : « Il est trop tôt pour crier victoire ». Et ils ont raison, car la suppression des tarifs réglementés n’aurait pas pour objectif de faire baisser les prix, ni d’améliorer le service offert aux consommateurs, mais de générer un profit financier, un dividende supplémentaire, sur le dos du consommateur, en faisant entrer le dispositif français dans le cadre libéralisé européen.

Quant à la CRE, comment croire à son rôle de régulateur indépendant ? Généralement, les régulateurs sont là pour contraindre les opérateurs historiques. On a pu le constater dans les télécoms. On va le constater dans le secteur postal, où le régulateur est d’ailleurs le même, puisqu’il s’agit de l’ARCEP. On le constate également dans le secteur de l’énergie, où l’objectif est de faire en sorte que la concurrence s’installe : il faut donc que l’opérateur historique fasse de la place. Dans trois ans, selon la loi, la Commission de régulation de l’énergie déterminera les prix réglementés à partir de données techniques et financières. La puissance publique n’aura plus son mot à dire.

La concurrence libre et non faussée n’existe pas. On connaît les effets de la libéralisation, notamment sur l’état du réseau de distribution. À force d’investir à tout va en Europe et dans le monde, EDF a abandonné les nécessaires investissements sur le territoire national. Et si certains se félicitent des résultats du groupe porté par l’international, c’est au détriment des réseaux français, en raison de l’absence de politique d’entretien et d’investissements préventifs. Certains ici ont pu le montrer récemment, à l’occasion des tempêtes qui ont affecté leurs territoires.

Ainsi, dans un premier temps, les dépenses totales de maintenance, préventive et corrective, ont certes pu être diminuées. Mais les dépenses de maintenance corrective ont augmenté pour atteindre aujourd’hui 57 % des dépenses totales de maintenance. Ce pourcentage est excessif, ce qui n’est satisfaisant ni pour la qualité du service ni pour le niveau des dépenses de distribution.

Le passage de la tempête Klaus sur le sud-ouest du pays en janvier 2009 a révélé l’état pitoyable des réseaux de distribution d’électricité.

La loi NOME risque d’avoir les mêmes effets en matière de production d’électricité, de capacité à investir dans le prolongement de la durée de vie des réacteurs, après accord de l’ASN : 600 millions d’euros par réacteur, selon l’estimation qu’a faite M. Proglio devant la commission des affaires économiques, soit 35 milliards d’euros s’ajoutant aux investissements liés à la production, mais aussi à toute la chaîne qui va de la production au consommateur.

Comment accepter aussi ce moratoire de cinq ans sur la contribution aux fonds dédiés en matière de déchets ? Dans ma région, où il y a un débat public autour de l’EPR, je vous assure, chers collègues, que cette proposition a un effet désastreux. Désastreux. Au moment où des préoccupations se font jour à ce sujet, où le Gouvernement va faire, conformément à la loi de 2006, des choix lourds concernant l’avenir, une telle décision n’est tout simplement pas acceptable.

Enfin, le silence est total sur la contribution au service public de l'électricité, alors que tout fait craindre son augmentation, d’autant que l’on sait que son montant actuel ne couvre pas l’ensemble des charges : ainsi, EDF devrait abonder son montant de plus d’un milliard d’euros par an pour couvrir l’intégralité des engagements pris.

Autant de questions lourdes, qui méritent, selon nous, d’être examinées au moment où vous entendez poursuivre dans la voie d’une libéralisation dangereuse, et qui justifient cette motion de renvoi en commission.

Pour autant, nous ne soutenons pas le statu quo . Nous proposons la mise en place d’un « pôle public de l’énergie » redonnant à notre pays la maîtrise de son dispositif de production, de transport et de distribution.

Au niveau européen, nous proposons une Agence européenne de l’énergie, pour une coopération renforcée entre pays autour d’objectifs communs. Et il en existe de nombreux : la mise à disposition de tous les usagers de l’Union européenne, domestiques et industriels, d’une électricité au meilleur prix ; la réduction des émissions de gaz à effet de serre ; la recherche ; le droit à l’énergie et la réduction des inégalités ; les groupements d’achat de long terme ; la sécurité d’approvisionnement et l’interconnexion des réseaux nationaux, tout en respectant, évidemment, les spécificités et l’indépendance de chaque pays. Voilà qui aurait du sens, et qui nous changerait des objectifs de la concurrence libre et non faussée !

Nous refusons l’étape que vous nous proposez, et parce que nous estimons que c’est le fond même de votre texte qui n’est pas acceptable, nous ne rentrerons pas dans une discussion qui chercherait à l’amender, et qui ainsi rentrerait finalement dans le jeu proposé par le Gouvernement. C’est pourquoi nous opposerons des amendements de suppression à chaque article du texte.

Chers collègues, comment ne pas voir que la crise actuelle redonne tout son sens à la maîtrise publique d’une industrie aussi essentielle à notre pays ? Comment ne pas voir que le libéralisme financier est aujourd’hui mis en cause, y compris dans des pays qui l’ont porté aux nues il y a quelques années ? Comment ne pas voir que la course à la rentabilité est remise en question par les peuples ? Comment ne pas voir que la construction européenne elle-même est interpellée ? Et on le voit bien, en particulier, avec la crise financière, économique et sociale actuelle.

Nous estimons donc qu’il est encore temps d’examiner toutes les conséquences d’un tel texte, à moyen et à long terme, sur les moyens de production de l’électricité qui nous est nécessaire.

Nous estimons qu'il est encore temps d'approfondir les conséquences de cette loi sur les tarifs applicables aux clients domestiques confrontés aux effets de la crise, mais aussi aux entreprises, qui ont besoin de visibilité à long terme et qui s'inquiètent d'une libéralisation synonyme d'une augmentation des prix, leur faisant perdre le bénéfice des efforts consentis par la nation depuis un demi-siècle pour doter notre pays d’un système de production conséquent. De ce point de vue, les informations relatives aux conséquences pour la SNCF sont éclairantes et préoccupantes, au moment où cette grande entreprise publique est elle-même en difficulté.

Nous estimons qu'il est encore temps de mesurer les conséquences d'une suspension pendant cinq ans des versements d'EDF au fonds dédié, conformément à la loi de 2006 sur les déchets.

Comment prétendre que toutes ces questions ont été approfondies alors que les seuls arguments mis en avant pour justifier ce texte ont porté sur « l'obligation » faite par la Commission européenne de satisfaire à ses injonctions, faute pour la France de risquer une condamnation !

Permettez-nous de penser que l'importance de l'électricité dans notre vie sociale et économique comme l'intérêt du pays devraient inspirer au Parlement et au Gouvernement une autre attitude que la soumission aux diktats des marchés financiers et les conduire à proposer, en France et en Europe, une autre construction du secteur énergétique que celle qui est aujourd'hui imposée.

Ce sont autant de raisons qui motivent cette motion de renvoi en commission que je vous appelle à soutenir, dans l'intérêt même de notre pays, de son économie, de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je veux expliquer pourquoi la commission ne souhaite pas que le texte revienne devant elle.

M. Paul, avec beaucoup de constance et des arguments que l’on connaît, a préconisé une stratégie totalement différente de celle que nous voulons soutenir. Il ne servirait à rien de revenir sur les détails, car nous pourrons, article par article et amendement par amendement, expliquer pourquoi M. Paul se trompe. J’espère qu’à la fin de l’examen de ce texte, ainsi convaincu, il ne persistera pas dans l’erreur et le votera. (Rires.)

M. Jean Gaubert. Pour cela, vous aurez un peu de travail !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Le rapporteur, Jean-Claude Lenoir, a fait sur le projet un excellent travail, avec lequel n’avait rien à voir ce que vous avez développé, monsieur Paul. Vous vous êtes servi d’artifices de notre règlement pour critiquer le projet mais pas les travaux en commission. Puisque vous n’en avez pas parlé, je vais le faire.

Le rapporteur a procédé à vingt-cinq auditions, ce qui est considérable pour un tel texte. La commission a tenu plus de vingt heures de débat, au cours de six séances différentes. Nous avons auditionné à deux reprises M. de Ladoucette, le président de la Commission de régulation de l’énergie, et le président d’EDF, Henri Proglio. Nous avons examiné 230 amendements, ce qui n’est pas très important, en définitive, et prouve que l’opposition n’avait pas tellement d’arguments à opposer. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Gaubert. Vous êtes bien présomptueux, monsieur le président !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Le rapporteur est même allé à Bruxelles rencontrer le directeur général de l’énergie.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . Eh oui, je voyage !

M. Daniel Paul. Parlons-en !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Tous les contacts nécessaires ont été pris pour ces travaux effectués en commission. J’ai souvenir que vous avez, avec talent et arguments, développé vos propres théories. Il vous est même arrivé de considérer que ce que nous faisions allait dans le bon sens. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Daniel Paul. Mensonge !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce n’est pas pour autant, je le reconnais, que vous avez voté nos articles et notre texte.

Vous avez en quelque sorte reconnu que nous inclinions, dans certains cas, dans la bonne direction.

M. Jean Gaubert. Comme le roseau !

M. Daniel Paul. Mensonge encore !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Même pas incliné ? (Sourires.)

M. Daniel Paul. Non !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je ne forcerai pas le destin ! (Sourires.)

Je considère qu’il revient à la majorité de rejeter cette motion, dans laquelle je ne vois aucun argument justifiant le retour du texte devant notre commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. M. Paul a bien fait de retracer l’histoire, le contexte et l’origine de ce projet de loi de libéralisation et d’ouverture du marché de l’électricité. J’en proposerai moi-même un petit complément dans mon intervention au cours de la discussion générale.

Il a également rappelé à juste titre combien cette contrainte de vendre 25 % de la production nucléaire de base d’EDF au privé était attendue par l’ensemble des prédateurs,…

M. Jean Dionis du Séjour. Oh !

M. Yves Cochet. …qu’il a cités et qui sont intéressés par la libéralisation. Évidemment, tout cela a pour cadre l’idéologie de la marchandisation à outrance de l’électricité.

Je raconterai aussi, comme il l’a fait avec raison, que ce n’est que la moitié de l’histoire, mais d’une mauvaise histoire.

M. Paul a également démontré la nécessaire étatisation de l’électricité nucléaire, d’une part, compte tenu de son origine, d’autre part, parce que les investissements sont extrêmement lourds et le retour sur investissements très long. C’est une bonne démonstration.

Il s’est interrogé sur la pertinence du chauffage électrique, notamment en période de grand froid, comme celle que l’on a connue au début de cette année et de l’année 2009. Alors qu’on pensait tenir une grande innovation technologique dans l’association du nucléaire et du chauffage électrique, il faut malheureusement constater que les demandes de pointe ne font qu’accélérer les centrales à flamme. Par conséquent, paradoxe, plus il y a de chauffage électrique, plus il y a d’émissions de gaz à effet de serre.

M. Claude Gatignol. Ce n’est pas vrai !

M. Yves Cochet. Ce ne sont pas les tentatives d’effacement administratif de la pointe qui résoudront ce problème. Il devient indispensable d’effacer le chauffage électrique, mais vous n’y êtes pas prêts parce qu’il faut toujours soutenir la demande. Toujours plus ! Telle est la devise.

M. Paul s’est interrogé sur l’indépendance de la CRE ; je le fais aussi.

Les coûts de maintenance de l’ensemble du système électrique, notamment les grands réseaux de transport et de distribution, non seulement augmentent mais vont continuer à augmenter, notamment à cause du vieillissement des installations, mais aussi de la complexification du système électrique.

Enfin, je pense que les propositions de M. Paul, notamment celle de la création d’un pôle public de l’énergie ou d’une agence européenne de régulation, valent un débat qu’il conviendrait d’avoir en commission, puisque, compte tenu des amendements votés et du texte issu de la commission, il ne pourrait pas intervenir en séance. C’est pourquoi je propose que nous votions cette motion de renvoi en commission.

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeneuve.

M. Bernard Cazeneuve. Le débat montre l’extraordinaire complexité du sujet que nous avons à traiter et l’ensemble des paradoxes qui émaillent cette loi de transposition, que le rapporteur Jean-Claude Lenoir a essayé de défendre.

Je vais reprendre certains des arguments avancés par Daniel Paul, qui montrent très bien le paradoxe auquel nous sommes confrontés et le très grand danger qui menace le secteur public de l’énergie si la logique que la Gouvernement nous invite à suivre ce soir allait à son terme.

Nous sommes dans une situation où, de loi de transposition en loi de transposition, nous avançons de plus en plus dans la déréglementation du marché de l’électricité et dans le démantèlement du service public de l’énergie en France. Aujourd’hui, nous nous intéressons à l’accès régulé à la base d’électricité produite par EDF pour permettre aux fournisseurs alternatifs d’entrer de plain-pied dans ce marché dérégulé. Toutefois cela concerne aussi l’ensemble de la filière électronucléaire française, puisque nous avons vu, il y a quelques mois, sur l’aval du cycle, le Gouvernement prendre des décisions assez funestes pour Areva en engageant notamment la vente de la branche transmission et distribution. Pourtant, cette activité constitue un élément de profitabilité très important du groupe, qui en tirait près de 45 % de ses profits. Après cet acte de démantèlement, nous voyons d’autres risques peser sur l’entreprise, à la fois sur sa gouvernance et sur les modalités de sa recapitalisation nécessaire pour faire face à ses obligations d’investissement à venir.

La question qui nous est présentée aujourd’hui affectera également le service public de la production énergétique, dont Daniel Paul a eu raison de rappeler les caractéristiques. Celles-ci tiennent à l’histoire de notre pays, au fait que près de 80 % de notre production énergétique résultent du nucléaire, et que, depuis des décennies, sous tous les gouvernements, notre pays a souhaité que l’État maîtrise la production énergétique à la fois en raison des obligations de sécurité qui pèse sur ce secteur et pour garantir notre indépendance énergétique. D’autres pays qui n’ont pas fait ces choix sont soumis à la volatilité du cours des matières premières énergétiques à travers le monde. Si nous avons aujourd’hui des prix réglementés de 30 % inférieurs à ceux de l’Union européenne et de 45 % inférieurs à ceux de l’Allemagne, c’est bien parce qu’il existe une particularité du dispositif de production énergétique en France. Cette loi risque de le remettre en cause.

Le Gouvernement, dans la loi de transposition qu’il nous présente, est confronté à un cruel dilemme. S’il permet à EDF, qui va ouvrir 25 % de sa base aux fournisseurs alternatifs, de poursuivre ses investissements, de renouveler le parc électronucléaire, en vendant cette base au juste prix – le ministre pourrait-il d’ailleurs nous dire quel serait ce prix ? –, c’est au consommateur qu’il fera payer le coût final de cette politique. Comme l’a dit la CRE, si l’on passe à un prix de vente du mégawatt à 42 euros aux fournisseurs alternatifs, le consommateur final verra sa facture augmenter de 11 % dès l’année prochaine et de 3,5 % par an jusqu’en 2025. S’il renonce à faire payer cette facture au consommateur final, c’est EDF qui sera empêchée de réaliser la modernisation de ses installations.

Cette politique qui nous est proposée nous préoccupe au plus haut point. C’est pourquoi nous demandons au Gouvernement et à la commission de bien vouloir accepter le réexamen en commission du texte, afin que nous puissions aller au bout de la réflexion. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. J’ai bien apprécié le rappel historique de M. Paul au Comité national de la Résistance, qui a eu un grand mérite au regard de la politique énergétique de la nation. Effectivement, c’était le général de Gaulle avec l’ensemble de la représentation nationale, communistes mais aussi démocrates chrétiens…

M. Yves Cochet. Le MRP !

M. Jean Dionis du Séjour. …qui y siégeait. Toutefois, lui attribuer tout le mérite de la politique nucléaire française, c’est abuser. On ne peut quand même pas tout lui donner ! Ainsi, en 1974, dans un contexte de guerre du Kippour et de premier choc pétrolier, c’est le Président Giscard d’Estaing, avec deux Premiers ministres, Jacques Chirac et Raymond Barre, qui a fait l’essentiel de la politique électronucléaire française. Ce serait bien de le reconnaître.

M. Yves Cochet. C’est le Gouvernement Messmer !

M. Jean Dionis du Séjour. Pensez dans la durée, de 1974 à 1980.

Si la lecture du passé de Daniel Paul est honnête intellectuellement, elle est tout de même marquée par la nostalgie du bon vieux temps du monopole national. On peut, ou non, le regretter mais ce temps est fini : le marché de l’électricité n’est plus national ; il est clairement européen.

L’opérateur historique, auquel nous tenons tous, réalise plus de 50 % de son chiffre d’affaires à l’extérieur du territoire. Comment fait-on, dans ces conditions, pour ne pas organiser, un minimum, la concurrence sur notre territoire national ? Comment allez-vous expliquer cela aux Allemands à E.ON, à l’ensemble de la communauté européenne ? Cela ne marche pas. Là, très clairement, le Gouvernement prend acte que la bonne échelle au niveau énergétique est l’Europe. J’ai d’ailleurs été heureux de vous entendre appeler de vos vœux une agence de l’énergie européenne.

Ce texte est une étape importante. Il fallait la franchir. Elle est très imparfaite, du fait du jeu des influences françaises ; nous y reviendrons au cours du débat. Nous pensons que cette étape est modeste. Elle mérite d’être accomplie. Nous rejetterons donc la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au commencement était l'Europe. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yves Cochet. C’est biblique !

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme, l'Europe, encore une fois, nous aura fait bouger dans le bon sens : d'abord, par l'adoption des directives du paquet Énergie ; ensuite par la surveillance qu'elle exerce dans leur mise en œuvre par les États membres.

Aussi la Commission européenne qui – disons la vérité –est le fait fondateur de ce texte, a-t-elle initié à l’encontre de la France, dès le 4 avril 2006, une procédure pour manquement dans la mise en œuvre de la directive Paquet Énergie 2003/54 et son article 3 qui interdit aux États toute discrimination à l'égard des droits et des obligations des entreprises du secteur. Encore une fois, l'Europe avait raison à un double titre.

D’une part, la France – c’est un choix – est aujourd'hui le seul pays de l'Union où l'opérateur historique en électricité n'a pas été contraint de vendre une partie significative de ses moyens de productions nucléaires. Aujourd'hui encore, la totalité de nos cinquante-huit tranches de nucléaire sont propriétés exclusives d'EDF,…

M. Daniel Paul. Heureusement !

M. Jean Dionis du Séjour. …ce qui n’est pas le cas de nos voisins. Ainsi la Belgique a contraint son opérateur historique, ElectraBel, à vendre une partie de sa production nucléaire à EDF.

D’autre part, le marché français de l'électricité est aujourd'hui ultra-dominé par EDF, qui contrôle 87 % des abonnés professionnels et 96 % des abonnés particuliers.

Bien entendu, le gouvernement français sait que l'Union européenne a raison dans la procédure qu'elle a ouverte contre lui et qu'il est objectivement sous la menace d'une amende au coût exorbitant. Il prend donc l'initiative du rapport Champsaur, qui sera remis le 24 avril 2009 au Gouvernement, rapport aux travaux duquel plusieurs de nos collègues ont été associés.

Ce rapport envisage plusieurs pistes pour que la France réponde à l'injonction européenne, mais c'est finalement la solution d'un accès régulé à la base, à hauteur de 25 % de celle-ci, soit environ 100 terawattheures, qui est retenue. Néanmoins, selon nous, il aurait été bon de poser clairement et en termes politiques la question de la base retenue. Le nucléaire oui, mais quid de la production électrique hydraulique répondant aux critères d'une production en base, c'est-à-dire ininterrompue, vingt-quatre heures sur vingt-quatre ?

Il fallait, aux yeux des centristes, ouvrir ce concept de base au-delà du nucléaire, aux centrales au fil de l'eau, car ces dernières y répondent pleinement. Le rapport Champsaur, dans sa page 4, paragraphe 6, ne dit pas autre chose quand il affirme : « L’électricité de base est typiquement produite par des centrales nucléaires et hydroélectriques au fil de l'eau fonctionnant en permanence. »

Les centristes ont soulevé cette question fondamentale en commission. Nous nous sommes vu opposer une fin de non-recevoir, recentrant le texte uniquement sur le nucléaire. C’est dommage ! Il y a, en effet, dans le monde énergétique français, un vieux contentieux : celui des conditions de la cession des centrales hydrauliques de la CNR en 2002, dans des conditions particulièrement avantageuses pour l'acquéreur, le groupe GDF-Suez.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . C’était le Gouvernement Jospin !

M. Jean Dionis du Séjour. Il est vrai que la responsabilité des socialistes est entière ; vous avez raison, monsieur le rapporteur.

Ne pas intégrer les centrales hydro-électriques au fil de l'eau, non seulement celles de la CNR mais aussi les autres, c'est laisser à penser que cette affaire de la CNR continue à être dérogatoire dans notre paysage énergétique. À notre avis, il s’agit d’un mauvais choix. Le groupe Nouveau Centre affirme cela de manière parfaitement décontractée et libre, comme l'a montré notre prise de position ouverte à une modification de l'actionnariat de la CNR permettant la prise de la majorité dans cette société par le groupe GDF-Suez au service d'un projet d'entreprise qui ferait de cette société l’un des leaders français et européen en matière d'hydro-électricité.

Enfin, pour le Nouveau Centre, l'objectif de ce projet de loi d'« inciter les fournisseurs alternatifs à investir dans les capacités de production, à produire de l'électricité » est un bon objectif, un objectif prioritaire.

Parlons franc : l'accès régulé à la base est certes souhaitable à court et moyen terme, mais il doit être limité dans le temps et être progressivement décroissant afin d'inciter les fournisseurs alternatifs à devenir des producteurs alternatifs.

Cette évolution serait le gage d'une véritable concurrence sur le marché de l'électricité. Cette véritable concurrence ne pourra en effet opposer que de véritables producteurs d'électricité entre eux. Dans ce marché, jamais des acteurs qui se contenteraient d'être simplement des distributeurs ne pourront créer un rapport de force suffisant avec les producteurs. Les résultats actuels négatifs de Poweo et de Direct Énergie – plusieurs collègues l’ont indiqué – sont là pour témoigner de la précarité des modèles économiques d'entreprise basés uniquement sur l'achat et la revente d'énergie.

Avec l'adoption de la loi NOME, l'Union européenne a fait savoir qu’elle était, à ce jour, satisfaite de la réponse française.

Le premier objectif du Gouvernement, à savoir l'arrêt du contentieux européen, est en bonne voie, et ce n'est pas négligeable pour nous, députés du Nouveau Centre. Pour créer une véritable concurrence, il fallait ouvrir l’accès à la base ; le Gouvernement l’a fait et je l’en félicite.

Pour autant, la loi NOME crée-t-elle les conditions d'une concurrence effective qui profitera aux consommateurs professionnels ou particuliers ? Franchement, nous nous interrogeons.

La loi NOME crée un accès contingenté et régulé à la base, avec un prix administré dans un secteur où la revente aux professionnels jusqu’en 2015 et aux particuliers est, elle aussi, contrainte par des tarifs réglementés. C'est un système administré et encadré dans lequel il y a peu de place pour des initiatives en services ou en prix qui inciteraient les consommateurs à choisir le meilleur fournisseur.

On a avancé tout à l’heure l’idée que les consommateurs n’avaient pas envie de changer de fournisseurs. Pourquoi voudrait-on qu’ils le fassent ? Qui rend les meilleurs services, qui fait les meilleurs prix dans ce système contraint ?

Nous abordons là un point plus fondamental. Au cœur de ce dispositif se pose en effet la question du prix de l'accès régulé à la base. Le texte ne dit rien de précis à ce sujet, sauf qu'il confie au Gouvernement la tâche de le fixer et qu'il est de notoriété publique que nous nous acheminons vers un tarif de 40 à 42 euros le mégawattheure, en continuité, si possible, avec le TARTAM. Or ce prix, selon la CRE et les concurrents d'EDF, est bien au-dessus du prix de 34 euros le mégawattheure, qui semble être le prix de revient le moins contesté et qui, en tout cas, est celui auquel la branche commerciale d'EDF achète en interne son électricité à la production d'EDF.

Comment feront les concurrents d'EDF lorsqu'ils l'achèteront à 42 euros, et qu'ils seront tenus aux mêmes tarifs de vente qu'EDF ?

Nous exprimons de nouveau notre scepticisme quant à l'efficacité de la NOME pour créer une véritable concurrence. Au mieux, elle permettra l'émergence définitive d'un duopole énergétique français avec EDF, d'une part, et GDF-Suez, d'autre part. Toutefois soyons clairs : rien ne sera possible en matière de concurrence tant que la question du prix d'achat de l'électricité, donc de l'accès régulé à la base ne sera pas traitée de manière équitable.

Or cela est une histoire bien française : la loi donne à l'État la responsabilité de fixer le prix de l'ARB, et ce pendant trois ans. De plus la loi donne à l'État la responsabilité de fixer les tarifs réglementés aux consommateurs finaux pendant cinq ans. La messe est dite.

Vous n'avez pas voulu sortir, pour le moment, du conflit d'intérêt dans lequel se trouve placé l'État français depuis plus de soixante-cinq ans ; conflit d'intérêt parce qu'il est à la fois actionnaire principal d'EDF à 84,9 %, c’est-à-dire d'une société qui a dégagé 3,9 milliards d'euros en 2009 – ce qui ne représente pas une petite somme, même à l'échelle des finances publiques de la France – et parce qu'il est confirmé par ce texte comme régulateur et décideur d'un prix déterminant sur les résultats d'EDF.

Juge et partie, cela n'a jamais fait bon ménage.

Et le jeu d'influence qui se déroule aujourd'hui autour du prix de l'ARB n'est pas sain. L'Union européenne est sans doute satisfaite par le concept de l'ARB. On peut craindre qu’elle ne tarde pas à être en désaccord avec la France sur cette question centrale du prix. C'est en ce sens que nous vous disons, avec gravité, que ce texte important et positif est lourd de contentieux futurs sur la question des prix.

Pour en sortir, le Nouveau Centre vous propose une vision cohérente qui s'appuie sur quatre décisions fondatrices :

Premièrement, installer la CRE comme régulateur fort en lui confiant le pouvoir de fixation du prix de l'ARB, dès la promulgation de la loi.

Deuxièmement, confier à la CRE l'administration des tarifs réglementés de manière à pouvoir réguler l'achat et la vente d'électricité.

Troisièmement, confier à la CRE la responsabilité de l'observation des marges réalisées par les distributeurs spécialisés dans l'achat et la revente d'électricité, y compris bien sûr pour l'opérateur historique.

Quatrièmement, donner à la CRE le pouvoir de sanction en cas de marges exorbitantes.

C'est cette vision d'ensemble que le Nouveau Centre a proposée en commission où elle avait d’ailleurs été adoptée. Faut-il beaucoup de nervosité et finalement peu de conviction pour avoir utilisé la procédure de deuxième délibération – certes légale, nous le reconnaissons – mais peu glorieuse en termes démocratiques ?

M. Régis Juanico. C’est vrai !

M. Jean Dionis du Séjour. À l'encontre de cette vision, nous avons beaucoup ri en entendant le procès qui nous était fait à nous, centristes, libéraux, sociaux, européens, vrai procès en dirigisme, bien peu crédible.

M. Daniel Paul. La pire des insultes !

M. Jean Dionis du Séjour. Nous n'avons pas eu de mal en commission à pointer les contradictions de la majorité à laquelle nous appartenons, en matière de régulation. Ainsi, pour la LMA, elle votera debout, avec des trémolos dans la voix, dans l'enthousiasme, l'installation d'un observatoire des marges sur le marché agricole où l'aval – la grande distribution – écrase l'amont – les producteurs – et qui le dénonce en faisant un procès en dirigisme contre la loi NOME sur un marché qui sort péniblement du monopole.

Bref, mes chers collègues, dans l'hémicycle, le Nouveau Centre vous proposera à nouveau sa vision forte et cohérente d'un régulateur au pouvoir élargi, condition sine qua non de sortie d'un marché monopolistique. Il est probable que nos déterminismes français fassent qu'une autre voie soit choisie, au moins pour cette échéance. Ce serait dommage, mais nous nous armerons de patience.

De toute façon, l'histoire imposera la vision européenne et le régulateur fort. Et si nous osions, mes chers collègues, ne pas perdre de temps ; et si nous osions sortir des conflits d'intérêt à la française, bref si nous osions une véritable nouvelle organisation du marché de l'électricité ?

Mes chers collègues, les centristes vous invitent à l'audace.

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après les travaux de la commission Champsaur, après la proposition de loi sur la réversibilité des tarifs et la prolongation nécessaire du TARTAM jusqu'au 31 décembre 2010, je me félicite, au nom du groupe UMP, de la présentation de ce projet de loi dit NOME : nouvelle organisation du marché de l'électricité.

Il nous faut, en effet, trouver une voie de passage entre deux écueils : le contentieux avec la Commission européenne et l'élimination de toute régulation des prix, en amont et en aval.

Il nous faut renforcer la lisibilité de notre système tout en respectant nos obligations européennes, M. le ministre d’État l'a parfaitement exprimé.

Nous devons aussi assurer aux acteurs du marché de l'électricité, qu'ils soient consommateurs industriels ou individuels, producteurs ou distributeurs, une réelle prévisibilité, une réelle sécurité en sortant de la situation actuelle insatisfaisante tout en préservant notre système français.

Notre situation n'est en effet pas satisfaisante, même si elle a préservé des régimes de prix en lien avec les coûts de production. Elle n'est pas satisfaisante car elle est instable depuis l'ouverture des marchés qui, je le rappelle, date de l'année 2000 avec une loi qui, bien que modifiée sept fois, n'est pas aboutie car fondée sur des dispositifs transitoires. De plus, comme je l'ai déjà précisé, elle est critiquée par la Commission européenne.

Le cadre manque ainsi de la lisibilité nécessaire aux objectifs fondamentaux de la politique énergétique : l'incitation aux investissements tant du côté production que du côté consommateur.

Pour autant, la France a légiféré et réglementé afin que les prix restent liés aux coûts du parc nucléaire, heureux héritage du Général de Gaulle ; M. le président de la commission l’a rappelé. Cet objectif demeure pour nous incontournable. Les consommateurs français payent l'électricité environ 30 % moins cher qu'ailleurs en Europe. Notre parc de production est en effet plus compétitif que le parc moyen européen, donc que les prix de marché.

Nous partageons donc pleinement les objectifs de ce projet de loi.

En premier lieu, il s'agit de passer d'une régulation en aval, portant sur le consommateur, à une régulation en amont, exercée sur la production, et de favoriser le développement de la concurrence et de l'intelligence des réseaux.

En deuxième lieu, il s'agit, par la construction des prix et la régulation en amont, de permettre le maintien des tarifs correspondant aux performances passées et à venir du système, tout en garantissant une visibilité.

En troisième lieu, il s'agit de demander, voire d'imposer, aux différents opérateurs de réduire l'ampleur des pointes par des moyens d'effacement et de production. Je me félicite, au nom du groupe de travail, que le ministre d’État Jean-Louis Borloo m’a demandé de présider, avec le sénateur Bruno Sido, que cette mesure plutôt novatrice figure dans ce projet de loi.

Pour ce qui est de la composition de la CRE, il s'agit d'instaurer une autorité composée de membres siégeant à temps plein dans la plus totale indépendance, le nombre de sièges faisant encore discussion parmi mes collègues.

Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que le texte proposé aujourd'hui par le Gouvernement est le résultat d'une négociation difficile mais approfondie avec la Commission européenne, Il définit un prix dit ARB – accès régulé à la base – qui est une disposition fondamentale du projet et que la commission des affaires économiques a fait évoluer en ARENH comme l'a souligné notre rapporteur Jean-Claude Lenoir.

Ce prix comprend toutes les charges du parc nucléaire historique, ni plus ni moins, notamment les investissements d'allongement de durée de vie des centrales existantes, le traitement des déchets et le démantèlement, mais pas le financement du renouvellement du parc qui, lui, sera examiné dans cinq ans.

Les concurrents d'EDF pourront acquérir, à ce prix, l'électricité de base nécessaire à l'approvisionnement de leurs clients en France sans pour autant s'enrichir « sans cause » par la revente sur les marchés européens.

Le système sera étroitement contrôlé, limité en temps – quinze ans –, en volume – consommation de base des clients alternatifs –, plafonné, de l'ordre de 25 % de la production du parc nucléaire historique, soit environ 120 TWh dont 20 TWh pour RTE, et révisé régulièrement.

Je pense que la mesure est proportionnée tant pour EDF que pour la concurrence. J'ajoute que des accords industriels entre EDF et ses concurrents pourront se substituer à l'accès régulé, celui-ci étant « un produit directeur ».

Les tarifs réglementés sont explicités, confortés et pérennisés pour tous les petits clients – ménages et professionnels –, ce qui n'était pas évident vis-à-vis de Bruxelles. Pour les gros clients, ils s'éteindront fin 2015 avec le marché. Précisons pour nos collègues de Corse et d'outre-mer que les tarifs réglementés demeureront dans les zones non interconnectées.

Je ne reviendrai pas sur l'obligation de capacité que j'ai mentionnée dans mon introduction si ce n'est pour dire qu'aujourd'hui les fournisseurs n'ont aucune obligation de concourir à la sécurité d'approvisionnement alors que les investissements sont requis en semi-base ou en pointe, que ces investissements ne me paraissent pas rémunérés à leur juste valeur et que la pointe de consommation est chaque année plus difficile à passer.

Cette disposition demandera du temps pour une application effective. Vous proposez cinq ans, ce qui me paraît raisonnable tout en rappelant que les acteurs eux-mêmes ont décidé de se mettre autour d'une table sous l'animation de RTE pour faire des propositions et j'ai proposé dans mon rapport que, en cas de non-entente, soit mise à l'étude une obligation d'effacement.

Je ne reviendrai pas non plus sur la CRE, si ce n'est, au-delà de sa composition, pour dire qu'à nouvelle régulation, nouveau régulateur. Ses pouvoirs sont fort justement étendus, sachant aussi que le conseil supérieur de l'énergie donnera son avis sur les textes les plus structurants.

Mes chers collègues, le vote de ce projet de loi, avec mise en place dans les plus brefs délais, est absolument nécessaire, tant pour répondre aux contentieux de la Commission européenne – transposition de directive et aide de l'État – que pour une stabilité et une bonne lisibilité de notre marché intérieur avec la spécificité que nous défendons.

Permettez-moi, monsieur le secrétaire d’État, de saluer le président de la commission économique, Patrick Ollier, qui s'est beaucoup impliqué dans la préparation de ce projet de loi…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous y avez vous-même largement contribué !

M. Serge Poignant. …et notre rapporteur Jean-Claude Lenoir, qui a siégé à la commission Champsaur, pour son travail, son éclairage et sa compétence reconnue dans le domaine de l'énergie.

Monsieur le secrétaire d’État, le groupe UMP apportera son entier soutien à ce projet de loi qui peut paraître technique mais dont l'importance politique ne saurait faire l'objet du moindre doute. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Dionis du Séjour. Un gaulliste en mouvement !

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je m’adresserai en premier lieu au président de séance pour lui dire que nous apprécierions que les services de l’Assemblée nationale respectent les objectifs du Grenelle de l’environnement. Je m’explique.

J’imagine, chers collègues, que vous avez tous constaté à quel point il faisait froid dans l’hémicycle et que le froid qui y règne n’a rien à voir avec la température extérieure : il est dû à une climatisation excessive…

M. Yves Cochet. Très juste !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . Je reconnais qu’il fait froid.

M. Jean Gaubert. …qui n’est pas forcément imputable aux agents de cette enceinte. Nous devons cependant nous interroger, en particulier dans une institution telle que la nôtre, sur nos pratiques en matière de climatisation comme de chauffage.

M. William Dumas. Il faut faire des économies.

M. Jean Gaubert. Si cela se passait ainsi en province, on parlerait de gaspillage !

Force est de constater que nous sommes mal à l’aise dans un hémicycle glacial entretenu par un froid artificiel en rien justifié en plein mois de juin ! (Applaudissements sur divers bancs des groupes SRC et NC.) Je savais que les applaudissements n’émaneraient pas uniquement de l’opposition.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . Ils applaudissent pour se réchauffer ! (Sourires.)

M. Jean Gaubert. En effet ! Vous n’avez tout de même faire ce qu’on appelle chez moi une « fouée de maçon ».

J’en viens au sujet qui nous occupe.

Il n’y a pas si longtemps, on entendait dire que le projet de loi était inacceptable car dangereux. Brusquement, il devient acceptable, mais inutile. À qui doit-on ce diagnostic ? Au président d’EDF M. Proglio lui-même, pas plus tard que la semaine dernière devant la commission des affaires européennes.

Mme Frédérique Massat. Voilà !

M. Jean Gaubert. Je vous renvoie aux minutes de son audition. Je résume : le drame a été évité, mais, en fait, cela ne sert pas à grand-chose.

Je viens d’entendre le rapporteur annoncer qu’il y aurait un nouveau projet ; ce ne sera que le dixième depuis 2000, soit un tous les ans. Comment voulez-vous que les entreprises et encore moins nos concitoyens s’y retrouvent ?

Nous en sommes à attendre le contrordre avant d’exécuter l’ordre, ce qui évite le désordre. Cela rappelle des souvenirs à ceux qui, comme moi, ont fait leur service militaire.

Les opérateurs se disent que, puisque rien n’est encore stabilisé, il est prudent d’attendre.

M. William Dumas. Il est urgent d’attendre !

M. Jean Gaubert. Pour ma part, je pose la question de savoir si ce projet de loi est aussi inutile que M. Proglio veut bien le dire. Je n’en suis pas complètement persuadé.

Désormais, on parle d’ARENH et non plus d’ARB. Je préfère cette appellation car chez nous, en Bretagne, l’ARB, c’était l’armée révolutionnaire bretonne, que je n’ai jamais beaucoup appréciée et, à chaque fois que ce sigle est prononcé, il me fait bondir.

Avec l’ARENH, on va tourner en rond comme dans une arène ! Ils seront nombreux à tourner en rond, même si quelques-uns récupéreront leurs billes.

Dans la mesure où il s’agissait de faire profiter à l’économie française des avantages compétitifs d’une partie de notre énergie, pourquoi n’y a-t-on pas inclus le secteur de l’hydraulique, qui est extrêmement compétitif et qui est amorti…

M. Jean Dionis du Séjour. C’est une erreur !

M. Jean Gaubert. …ou la CNR, même si celle-ci a fait l’objet de quelques débats pour d’autres raisons ? Pourquoi traiter de la même façon ceux qui peuvent bénéficier du nucléaire à bon compte dans un pays voisin ? Autant de questions qui mériteraient des réponses précises.

Le but poursuivi est de faire profiter l’économie de la production d’électricité à bas coût. Il n’est pas certain qu’il sera atteint. Certes, d’autres opérateurs commerciaux pourront profiter de l’avantage compétitif d’EDF avec des contreparties faibles car elles s’inscrivent dans une durée courte contrairement à la production nucléaire. Ils ont donc intérêt à accepter ces petites contreparties plutôt que de s’engager dans la production à long terme, dans un marché aussi fluctuant. Tout cela pour faire marcher la concurrence. Il serait dramatique que les concurrents ne puissent prendre des parts de marché parce que les prix proposés par EDF seraient trop bas, Daniel Paul l’a très bien évoqué.

D’ordinaire, on entend dire que les services publics sont la cause de tous nos malheurs et qu’ils coûtent très cher à l’État. Aujourd’hui, on entend l’inverse, à savoir que, parce que le service public de l’électricité ne coûte pas assez cher, il ne permet pas aux opérateurs privés de venir le concurrencer !

Depuis 2000, je crois m’être exprimé sur tous les projets de loi relatifs à l’énergie ; je risque donc fort de me répéter.

Tout repose sur le dogme selon lequel la concurrence ferait systématiquement baisser les prix.

Mme Frédérique Massat. C’est évidemment faux !

M. Jean Gaubert. Elle fait baisser les prix lorsque l’on se trouve en situation de surproduction. Elle ne les fait pas baisser en situation de marché tendu.

Je me permets de rappeler que, en d’autres temps, j’ai été producteur de cochons et que si j’avais été le seul producteur en France, je vous garantis que je me serais arrangé pour que les prix soient élevés, pour en produire un peu moins par rapport à la demande. Cela fait forcément monter les prix. Vous en avez tous des exemples. Inutile de rappeler l’été 2003 qui fut un révélateur chez un certain nombre de nos grands libéraux qui ont poussé certains à nous critiquer – M. Lenoir n’était pas du nombre – au motif que nous n’en faisions pas assez pour faire profiter les entreprises de la concurrence. Ils ont pu constater qu’en 2003, le libre marché pouvait aller dans le sens de l’augmentation des prix et de la spéculation.

Autant cela peut fonctionner lorsqu’il s’agit d’énergies stockables – gaz, charbon, pétrole –, autant c’est impossible avec l’énergie électrique.

La question qui se pose réellement est celle de savoir si ce que vous proposez va foncièrement changer les choses. Je suis prêt à applaudir si vous réussissez à tuer la spéculation sur les marchés de l’énergie, mais je doute que cela se passera ainsi.

Vous savez vous-mêmes que cela ne se passera pas ainsi ; ce n’est peut-être même pas ce que vous voulez. J’en veux pour preuve le courroux que vous a inspiré, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, l’amendement défendu en commission par nos collègues du Nouveau Centre, qui n’était pourtant pas si violent, et qui a déjà été abondamment commenté ; je n’y reviens pas.

La réalité, la voici : le texte permettra sans doute à de nouveaux opérateurs d’entrer sur le marché, mais il n’est pas tout à fait certain que ceux que vous présentez comme sa cible – les entreprises, en particulier les électro-intensifs – bénéficieront de l’opération.

Enfin, je le répète, la loi de l’offre et de la demande continuera de s’appliquer à ces entreprises, de telle sorte que les spéculations ne sont pas exclues, puisqu’il n’est prévu aucun engagement précis des opérateurs à répercuter sur la vente l’avantage obtenu à l’achat.

Tels sont les termes du débat que nous devons avoir sur ce sujet. Pourquoi en sommes-nous là ? Parce qu’en Europe, nous sommes meilleurs que les autres. En effet, comme le disait en substance Joseph Stiglitz, les Européens, et singulièrement les Français, sont des gens extraordinaires : non seulement ils n’arrivent pas à faire marcher des trucs qui ne marchaient pas, mais, quand ils ont des trucs qui marchent bien, ils sont capables de les démonter ! C’est ce que nous avons fait avec le marché de l’énergie…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur . La loi de 2000 ! La loi Jospin !

M. Jean Gaubert. … et c’est ce que l’on continue de faire, suivant un autre vieux principe, qui ne plaira pas à certains : de même que, si le communisme ne marchait pas, c’était parce qu’on n’était pas assez communistes, quand aujourd’hui le libéralisme ne marche pas, c’est parce qu’on n’est pas assez libéral ! Malheureusement, ce n’est pas tout à fait vrai.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le communisme n’a jamais marché, lui ! Nuance !

M. Jean Gaubert. Monsieur le secrétaire d’État, vous qui êtes bien renseigné, vous savez que les différentes solutions que vous cherchez sincèrement à apporter au problème auquel nos électro-intensifs sont confrontés ne seront pas entièrement satisfaisantes. Ils le disent du reste eux-mêmes. Certains pays, hors d’Europe et en Europe, ont quant à eux trouvé des solutions.

Voyez ce qu’a fait le Canada, en particulier au Québec : ce pays pourtant très libéral, membre du groupe de Cairns, oublie très vite son libéralisme quand il s’agit de défendre ses intérêts particuliers. L’énergie en est un premier exemple, notamment l’avantage décisif donné aux producteurs d’aluminium.

Monsieur le président de la commission des affaires économiques, dans quinze jours, nous examinerons la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche ; lorsque l’on parlera de régulation, nous aurons intérêt à étudier le système qu’ont instauré les Canadiens, qui n’a rien de libéral, mais que nul ne conteste car nul ne veut les attaquer.

Voyez également les solutions qu’ont trouvées nos voisins allemands ou espagnols. Ainsi, j’aimerais que l’on nous explique comment les Espagnols sont parvenus à lier par un accord Iberdrola et Rio Tinto afin que cette entreprise électro-intensive puisse se fournir en énergie à bon compte. Nous ne sommes sans doute pas capables de faire de même, sauf, comme le diraient certains, quand la gauche est au pouvoir : l’opération Péchiney à Dunkerque fut réglée sous le gouvernement Rocard, et l’entreprise s’en souvient encore, reconnaissant qu’elle n’aurait jamais obtenu la même chose des plus libéraux.

On a beaucoup dit que nous serions exposés à la menace de sanctions de Bruxelles.

M. Jean Dionis du Séjour. Eh oui !

M. Jean Gaubert. Comme les gamins à l’école !

M. Jean Dionis du Séjour. Au commencement était l’Europe !

M. Jean Gaubert. Et comme ne font pas nécessairement nos voisins, y compris les plus européens !

M. Régis Juanico. Eh oui !

M. Jean Gaubert. Je suis de ceux qui pensent qu’en cas de conflit, il n’est pas complètement anormal d’argumenter jusqu’au bout pour défendre nos positions, y compris en acceptant d’aller devant la justice européenne.

M. Jean Dionis du Séjour. En la matière nous ne sommes tout de même pas très costauds !

M. Jean Gaubert. Nous en reparlerons.

Cela étant, sur le principe, j’ai le sentiment que, depuis 2002 et l’acte d’allégeance de Mme Fontaine en matière d’énergie, qu’elle revendiquait elle-même en novembre 2003 devant notre collègue M. Gonnot, nous avons décidé de ne plus rien contester, y compris ce qui était contestable.

Ce n’est pas ce que font les Allemands, sans doute plus astucieux que nous : quand on les conteste, ils répondent précisément, poliment, mais fermement. Nous aurons l’occasion d’évoquer dès la semaine prochaine – puisque la commission des affaires économiques tient le haut du pavé dans cet hémicycle, monsieur le président de la commission – la manière dont ils ont répondu à la Commission européenne à propos de l’urbanisme commercial.

M. William Dumas. Exact !

M. Jean Dionis du Séjour. Là, on est plus costauds !

M. Jean Gaubert. Je dois dire que nous serions fiers si cette argumentation avait été écrite par des fonctionnaires français. Cependant je n’oublie jamais que, lorsque les fonctionnaires français écrivent, c’est sous l’autorité des ministres ; et si on ne leur demande pas d’écrire cela, ils ne le feront certainement pas.

Je n’aurai pas le temps d’évoquer l’opération CNR, mais je veux parler de la CSPE. À ce propos on évoque différentes situations et un collègue a abordé le sujet.

Le compte n’y est plus ! Vous savez qu’EDF est aujourd’hui largement perdant, car les règles existantes ne sont pas appliquées et l’entreprise ne perçoit pas de compensation. Les chiffres ont été fournis par M. Proglio la semaine dernière ; ils sont publics et connus. Néanmoins je veux en ajouter un autre, qui n’est pas entièrement neutre : l’année dernière, les branchements pour les ENR, qui n’ont été comptés par personne, ont coûté 140 millions d’euros à ERDF. Cet argent était censé, dans le TURP, aller au renforcement des réseaux, surtout en milieu rural, ce qui n’aura sans doute pas lieu.

M. William Dumas. Exactement !

Mme Frédérique Massat. Eh non, il n’y a pas été !

M. Jean Gaubert. Dans ce domaine aussi, il faudra refaire un jour les comptes. Je ne suis pas un défenseur effréné d’EDF, mais on ne pourra pas continuer de tirer l’entreprise à hue et à dia pour faire plaisir aux uns et aux autres sur tout le territoire, et parfois à l’étranger, sans jamais lui accorder les compensations nécessaires.

Mon dernier point, monsieur le secrétaire d’État, qui n’est pas un point de détail, concerne toutes les incitations fiscales prévues en matière non d’isolation – je les crois tout à fait justifiées, mais cela va moins vite‚–, mais d’achat de matériel de substitution d’énergie. Je n’ai pu intervenir à ce sujet dans le cadre du Grenelle, car je ne pouvais être présent.

À ce propos je déclare publiquement ici que, lorsque, dans mon département nous devons procéder à des renforcements électriques très coûteux pour alimenter des pompes à chaleur afin de permettre à des particuliers de chauffer leur piscine parce qu’ils bénéficient ainsi d’un avantage fiscal, je me révolte. En tant que président d’un syndicat d’électricité, je suis obligé de payer, mais, de grâce, mettez un peu d’ordre dans ce domaine. Cela devient totalement insupportable.

En effet, cet avantage fiscal peut paraître scandaleux quand on en bénéficie pour une pompe à chaleur qui ne chauffe pas une habitation, mais une écurie. Il est en lui-même discutable dans la situation actuelle. J’appelle votre attention sur ce point. Nous ne pourrons supporter cela plus longtemps.

En disant cela, je ne m’éloigne pas de notre débat. En effet chaque fois que l’on réalise des travaux pour permettre à une pompe à chaleur de démarrer, c’est autant d’argent qui ne va pas au réseau et qui pèse sur le prix de l’énergie, lequel est acquitté par tous nos concitoyens, qui auront un jour des raisons de se révolter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, à l’instar de certains orateurs, notamment M. Brottes et M. Daniel Paul, je reviendrai brièvement sur l’histoire de l’électricité en France – sans remonter à ses débuts, certes, mais j’exposerai mon propre point de vue sur la question, puisqu’il diffère du leur.

Il y a CNR et CNR : il y a la CNR – la Compagnie nationale du Rhône – et le CNR – le Conseil national de la Résistance –, comme l’a fort justement rappelé M. Paul. Et c’est dans le sillage du CNR, il y a plus de soixante ans, que l’on a décidé la construction nationalisée d’un opérateur principal, EDF, et l’adoption de tarifs réglementés.

Puis, à l’occasion du premier choc pétrolier, en 1974, on a résolu de fonder la production électrique sur le nucléaire, alors qu’elle reposait jusqu’alors, majoritairement, sur des centrales à flamme, notamment à fioul lourd. Cette politique est le fruit d’un compromis que l’on pourrait qualifier d’historique – comme l’on disait en Italie il y a quelque temps‚–, et désormais rompu – on vient de le voir‚–, entre quatre grands acteurs influents de l’histoire de France : les gaullistes, les communistes, la CGT et le corps des Mines, qu’il ne faut jamais oublier même s’il n’est pas sur le devant de la scène.

Pourquoi ce compromis, qui a duré très longtemps, est-il aujourd’hui rompu ? Parce que, dans les années soixante-dix, l’idéologie du libéralisme économique, promue par des penseurs comme Friedman et Hayek, que certains d’entre vous connaissent, a commencé à se répandre dans le monde. Et, jusqu’à aujourd’hui, elle n’a cessé d’influencer la plupart des décideurs politiques et économiques, qui croient ainsi, depuis trente-cinq ou quarante ans, que la main invisible du marché est préférable à toute autre forme de régulation de l’économie.

On observa donc, à l’OMC comme au sein de l’Union européenne, un vaste mouvement de libéralisation – on parle par euphémisme d’« ouverture » – des marchés et d’abaissement des protections, évidemment présenté comme un progrès amenant plus de démocratie et plus de concurrence, donc des prix plus bas.

Malheureusement, c’est bien sûr le contraire qui s’est passé : on ne peut nier que l’économie mondiale et européenne connaît une crise structurelle, que l’on voit s’aggraver depuis septembre 2008. Bravo au libéralisme économique ! On ne peut nier non plus que les inégalités entre le Nord et le Sud, et entre les pays du Nord eux-mêmes, connaissent une augmentation importante ; les travaux de l’École d’économie de Paris le démontrent largement. Enfin, on ne peut nier que nous assistons à une dévastation environnementale qui ne cesse de s’aggraver, au point de menacer, au cours des décennies à venir, la possibilité même d’une vie civilisée sur terre.

Cette entreprise, qui a formidablement réussi et s’est répandue jusqu’en Chine, est donc tout à fait condamnable. Cette confiance dans la main invisible comme moyen de réguler l’économie a amené au bord de l’effondrement ce que l’on a pu appeler les trois piliers du développement durable : l’économique, le social et l’écologique. L’échec de cette politique est patent. Le confirment la crise financière, la crise grecque et celle que connaissent d’autres pays de l’Union européenne ; et ce n’est pas fini ; cela ne fait même que commencer.

Cependant, si nos amis communistes s’opposent aujourd’hui à ce mouvement général entamé après la guerre, c’est uniquement à cause de la dimension capitaliste et libérale de cette politique énergétique, et non de ce que j’appelle son caractère prométhéen…

M. Michel Piron. Ah !

M. Yves Cochet. Mais oui !

M. Michel Piron. J’aime bien la formule !

M. Yves Cochet. Les philosophes en discutent depuis vingt-cinq siècles, mon cher collègue !

M. Michel Piron. Et cela durera probablement encore longtemps !

M. Yves Cochet. Encore que, selon la légende grecque, Prométhée a été puni pour avoir volé le feu. Mais il s’agit de la légende réelle ; la légende légendaire, si je puis dire, continue, elle ! On en verra les effets dans cette loi ; j’y reviendrai.

M. Michel Piron. Le mythe est inextinguible !

M. Yves Cochet. Absolument !

Le caractère prométhéen et productiviste, disais-je, de cette politique est incarné par le choix de la centralisation nucléaire et la recherche d’une croissance supplémentaire des moyens de production électrique. C’est ce que l’on peut appeler le « toujours plus », monsieur Piron : plus de production, plus de consommation, plus de centralisation, une plaque électrique plus continentale ; tel est le credo non interrogé, mais commun aux partis de droite et de gauche traditionnels.

Tel n’est pas le principe que nous défendons, et qui repose sur l’existence d’un certain nombre de petits producteurs locaux d’électricité issue de sources d’énergie renouvelable, sous une forme coopérative. Pour nous, l’opposition n’est pas entre EDF et un gros opérateur privé, mais entre le nucléaire et les énergies renouvelables.

Aujourd’hui, on ne dit plus « nucléaire », mais « décarboné » : cela fait plus chic. On retrouve ici ce nouveau langage euphémisant dont je parlais tout à l’heure.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. C’est une réalité !

M. Jean Dionis du Séjour. C’est tout de même vrai !

M. Yves Cochet. Le nucléaire a d’autres inconvénients !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. C’est une autre question !

M. Yves Cochet. Je n’y reviendrai pas, car nous en avons déjà parlé.

Mme Fontaine, qu’a citée l’orateur précédent à propos du grand débat national sur l’énergie, a dit en 2002 ou 2003 : « Entre le nucléaire et l’effet de serre, il faut choisir. » Je ne qualifierai pas ce propos ; mais le débat n’est pas exactement celui-là.

Ces petits producteurs locaux, disais-je, insérés dans des réseaux locaux à structure maillée – à n +1 ou n +2, pour reprendre les termes de la théorie des graphes – conféreraient une forte résilience au système.

C’est seulement par une appropriation locale, à travers des sociétés coopératives ou d’économie mixte, et par une résilience locale, à travers un réseau maillé fondé sur les économies d’énergie, d’une part, et les sources d’énergie renouvelable, d’autre part, que nous pourrions parvenir à une structure solide. Les grands réseaux européens fondés sur le nucléaire, avec dix-neuf centrales et cinquante-huit réacteurs, sont fragiles : nous avons pu le constater au début de l’année 2009 et au début de l’année 2010 et nous aurons encore à le constater. Le théorème de von Foerster, que M. Piron connaît peut-être, a établi que plus vous êtes interconnectés, plus vous êtes fragiles et moins vous avez de pouvoir sur l’ensemble du système. Or ce phénomène est encouragé par la loi NOME.

En outre, nous souhaitons – vous aussi apparemment – diviser par deux la consommation d’électricité en vingt ans. Pour nous, cela passe par la promotion de la sobriété et de l’efficacité énergétiques et non par la poursuite de la course à la croissance qui produira de plus en plus de malheurs économiques, sociaux et environnementaux, à tous les échelons.

La loi NOME est donc une étape supplémentaire dans l’aveuglement énergétique du Gouvernement et dans la contradiction principale de la droite en ce domaine, qui naît de l’incompatibilité entre le nucléaire et la libéralisation, comme l’a souligné M. Paul.

D’un côté, le nucléaire est très capitalistique et risqué ; il exige des coûts de construction élevés et une parfaite maîtrise industrielle que seul l’État ou EDF peuvent assumer en France. Un opérateur privé ne choisirait jamais le nucléaire pour produire de l’électricité car le retour sur investissement est long et risqué et les exigences de sécurité sont extrêmement fortes. Il préférerait construire une turbine à gaz, à peu près aussi puissante, pour laquelle les coûts sont beaucoup moins élevés et le retour sur investissement plus rapide.

De l’autre côté, l’idéologie du libéralisme et l’ouverture du marché, proposées par le Gouvernement et imposées par la Commission européenne, implique de mettre en concurrence un grand nombre d’entreprises, ce qui n’est pas compatible avec le nucléaire, lequel suppose une quasi-nationalisation.

La loi NOME tente de résoudre cette contradiction.

M. Michel Piron. De la vraie dialectique !

M. Yves Cochet. Elle organise le partage de la rente nucléaire et hydroélectrique – je ne sais pas si la question de la CNR reviendra sous forme d’amendement – entre EDF et les entreprises privées qui sont ses propres concurrentes en organisant un pseudo-marché de l’électricité en France tout en préservant des tarifs réglementés pour ne pas heurter les abonnés à l’électricité, qui sont aussi des électeurs, et la CGT. Cette loi est une sorte de monstre politique et juridique, qui ne ressemble à rien, un bijou de complexité technocratique et bureaucratique qui tente de concilier les contraires.

Dans ce projet de loi, on ne trouve rien sur la sobriété énergétique, rien sur la décentralisation de la production, ….

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Cela est hors sujet !

M. Jean Dionis du Séjour. En effet !

M. Yves Cochet. …rien sur les énergies renouvelables, rien non plus sur les tarifs et la tarification qu’il faudrait pourtant proposer dans ce cadre-là.

M. Jean Dionis du Séjour. Ce n’est pas l’objet du texte !

M. Yves Cochet. J’en viens précisément à la question de la tarification, qui est mon dernier point.

L’idée initiale est simple : pour s’orienter vers la sobriété et l’efficacité énergétiques, autrement dit pour inciter aux économies d’énergie avant l’augmentation de la production, la tarification progressive doit remplacer les barèmes en vigueur, qui pour la plupart sont essentiellement dégressifs. Voilà le progrès décisif que devrait contenir toute loi d’orientation des marchés de l’électricité. Hélas, aucune disposition en ce sens ne figure dans votre projet de loi, monsieur le secrétaire d’État.

Actuellement, dans le secteur marchand, les tarifications sont dégressives. Autrement dit, un consommateur modeste paie plus cher son électricité qu’un consommateur aisé ou un industriel ; vous pouvez le constater tous les jours. Cela pose un double problème d’équité sociale et d’incitation au gaspillage.

Pour ce qui est de l’équité, le fait que les consommateurs modestes paient plus cher leur électricité que les consommateurs aisés est accentué par les derniers barèmes de consommation du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité, le TURPE. Cela contredit le principe bien connu d’égalité entre les consommateurs à travers la péréquation – défendue par ailleurs par les tenants de la loi, mais on n’en est pas à une contradiction près –, laquelle a conduit à créer un mécanisme de redistribution des charges par la contribution au service public de l’électricité.

Pour ce qui est de la sobriété, qui devrait être la priorité de la politique énergétique de la France au lieu de l’accroissement de la production, la dégressivité correspond à une prime au gaspillage puisque le consommateur énergétivore va payer son exubérance électrique de moins en moins cher.

M. Jean Dionis du Séjour. Il continue !

M. Yves Cochet. Eh oui, monsieur Dionis du Séjour !

Par la dégressivité, on récompense le vice du gaspillage. Symétriquement, cette dégressivité décourage les efforts individuels ou collectifs de sobriété électrique, au point même que l’État est obligé d’intervenir de manière compensatrice pour inciter, malgré tout, nos concitoyens et nos industriels à la sobriété. Je vous renvoie entre autres au Grenelle de l’environnement.

Nous voici face à une politique totalement contradictoire en matière énergétique. Le particulier ou l’industriel n’économisent que sur la partie variable de leur facture, celle qui correspond à l’énergie consommée, mais ils ne peuvent agir sur la partie fixe qui correspond à l’abonnement. Par exemple, un petit consommateur dont l’abonnement porte sur 3 kilowattheures, s’il essayait de diminuer de 10 % sa consommation électrique, ne verrait sa facture baisser que de 5 %. Il n’est donc pas du tout rentable pour lui de consentir de gros efforts car ils n’occasionneraient pas une réduction proportionnelle de ses frais. Il en va de même pour les gros consommateurs. Bref, il est toujours beaucoup plus intéressant, avec cette politique des tarifs, de consommer plutôt que d’économiser.

La tarification progressive, qui devrait être au cœur de la loi NOME, inverse cette logique de gaspillage en rendant le signal-prix cohérent avec les objectifs poursuivis : l’équité sociale et la sobriété. Une première mesure en faveur de la progressivité pourrait être d’éliminer la part fixe de la facture, soit l’abonnement, ce qui ne figure bien évidemment pas dans votre loi.

Une autre mesure consisterait à ériger en consommation de référence la consommation d’un consommateur sobre et vertueux, puis de moduler le tarif à la hausse pour les gros consommateurs-gaspilleurs. Là encore, voilà une mesure absente de votre loi. J’ajoute que ces tarifs progressifs sont dans l’esprit de la directive de 2009 sur les marchés de l’électricité.

Ces principes d’équité, de sobriété et de progressivité des tarifs étant hélas absents de votre texte, nous ne le voterons pas.

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma