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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2011-2012

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mardi 18 octobre 2011

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Jean-Christophe Lagarde

1. Projet de loi de finances pour 2012 (suite)

Motion de renvoi en commission

M. Roland Muzeau

M. Jean-Claude Sandrier, M. Michel Diefenbacher, M. Christian Eckert, M. Nicolas Perruchot

Discussion générale

M. Nicolas Perruchot

M. Michel Bouvard

M. Christian Eckert

M. François de Rugy

M. Bernard Cazeneuve

M. Bernard Reynès

M. Jean-Pierre Balligand

M. Daniel Garrigue

M. Hervé Mariton

M. Olivier Carré

M. François Brottes

M. Jean-François Lamour

Mme Chantal Brunel

M. Jean Launay

M. Yves Albarello

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Jean-Christophe Lagarde,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Projet de loi de finances pour 2012 (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012 (nos 3775, 3805).

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la dernière loi de finances de cette législature, force est de constater que malgré un déficit de 102,8 milliards d’euros, la politique du Gouvernement ne change pas d’un iota. La France ne souffre pas d’un problème de dépenses, mais bien de recettes, et c’est le résultat calamiteux de votre politique.

Le déficit est un problème lorsqu’il n’est pas mis au service du développement humain, lorsqu’il ne finance pas les besoins sociaux tels l’éducation ou la santé, lorsqu’il ne permet pas d’investir dans la recherche, les infrastructures et les énergies renouvelables nécessaires à l’essor d’une croissance respectueuse de l’humain et de son environnement.

Or, le projet de loi de finances que vous nous soumettez aujourd’hui prône l’austérité, c’est-à-dire la réduction des dépenses publiques – et au bout du chemin, c’est la récession. Vous continuez de diminuer le pouvoir d’achat de la grande majorité de nos concitoyens en multipliant les taxes en tous genres. Vous alourdissez le prix des mutuelles. Vous poursuivez le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Vous amputez les crédits nécessaires au bon fonctionnement de nos services publics. Enfin, vous reconduisez le gel des dotations pour les collectivités territoriales, alors que vous leur en demandez toujours plus.

Ces mesures, ajoutées à celle du PLFR de septembre dernier, vous permettent d’économiser 11 milliards d’euros. Il est légitime que les Français s’interrogent sur le bien-fondé de votre politique. En effet, d’après le rapport du 30 juin 2010 du député UMP Gilles Carrez, si la fiscalité était restée telle qu’elle était en l’an 2000, l’État français bénéficierait aujourd’hui de 100 à 120 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires par an. Notre rapporteur aurait-il oublié ses propres affirmations ?

L’heure du bilan a sonné pour votre majorité. D’après un rapport de la Cour des comptes de juin 2011, le déficit budgétaire est dû, pour les deux tiers, à la politique menée par votre majorité depuis bientôt dix ans. En une décennie, la dette de la France est passée de 900 milliards à 1 800 milliards d’euros. La situation économique de notre pays vous est donc directement imputable.

Comment expliquer cela ? Non pas que vous soyez totalement incompétents, mes chers collègues, mais il vous manque les outils intellectuels pour comprendre les ressorts de la crise et sortir de vos dogmes. Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie en 2001, a fait une analyse très pertinente de la situation actuelle : « La crise nous contraint à repenser ce que nous avons si longtemps adoré. Cela fait un quart de siècle que règnent certaines idées : les marchés libres et sans entraves sont efficaces ; s’ils font des erreurs, ils les corrigent vite ; le meilleur État est le plus discret ; la réglementation n’est qu’un obstacle à l’innovation ». Et Stiglitz de poursuivre : « Aujourd’hui, même le grand prêtre de l’idéologie néolibérale, Alan Greenspan, reconnaît que quelque chose clochait dans ce raisonnement ». Il conclut que « la crise actuelle a révélé les vices fondamentaux du système capitaliste (…) Il ne s’agit ni d’une question d’individus corrompus ou d’erreurs spécifiques, ni de quelques problèmes à résoudre ou d’ajustements à opérer (…) Face à des problèmes aussi omniprésents et permanents que ceux qui ont accablé le système financier, on ne peut tirer qu’une seule conclusion : ils sont systémiques ».

« Systémique », monsieur le ministre, signifie que ce système que vous défendez corps et âme produit, de lui-même, des crises, des déséquilibres et des inégalités. Le but du capitalisme est de faire toujours plus de profits et ce, le plus rapidement possible. Cette logique à court terme profite exclusivement à la petite minorité que vous représentez : ceux qui possèdent le capital. Elle laisse sur le carreau des milliards de personnes à travers le monde, qui ne peuvent vivre convenablement. Les inégalités se creusent entre les Français les plus modestes et les plus aisés. Les classes moyennes sombrent dans la précarité. Une récente étude de l’INSEE nous apprend qu’en 2010, 8,2 millions de Français vivaient en dessous du seuil de pauvreté – avec moins de 950 euros par mois –, soit 13,5 % de la population française.

M. Jean-Claude Sandrier. Eh oui !

M. Roland Muzeau. Je l’ai dit, vous n’êtes pas incompétents. Vous êtes donc parfaitement coupables de vos choix et de ceux des dirigeants européens qui ont mis en péril les économies de nos pays.

Prenons le temps, si vous le voulez bien, mes chers collègues, d’analyser la crise de la dette des États membres et l’éclatement de la bulle immobilière américaine fin 2007. Les banques du monde entier avaient parié des milliards de dollars sur des produits financiers complexes à haut risque, dits subprimes. Ces produits, qui, je vous le rappelle, avaient la bénédiction des agences de notation – 93 % d’entre eux étaient notés triple A –, ont été, du jour au lendemain, dégradés en produits dits toxiques. Les banques se sont donc retrouvées au bord de la faillite et les États sont intervenus pour les renflouer.

Première faute de Nicolas Sarkozy : contrairement à ce que nous demandions à l’époque, et à ce qu’ont fait les Anglo-Saxons en nationalisant en partie leurs banques, vous avez décidé de sauver les banques et les banquiers en leur prêtant 21 milliards d’euros, sans exiger de contreparties en termes d’objectifs et de gouvernance. Le message envoyé était clair : « continuez en toute impunité et dormez tranquille ! » À ce sujet, le président de l’UPA a déclaré dernièrement : « les banques nous ont lâchés en rase campagne (…) Les crédits sont devenus rares et avec des taux proches de l’usure ».

Au printemps 2010, la crise financière est devenue une crise de la dette des États. Déjà endettés, ils se sont surendettés pour sauver leurs banques, alors que ce sont elles, les responsables de la crise. Qu’ont fait les banques à ce moment-là ? Elles se sont attaquées, avec l’aide des agences de notation, aux États les plus fragiles, en spéculant sur leurs dettes souveraines.

La deuxième faute de Nicolas Sarkozy, plus grave, est de s’être plié aux injonctions des marchés financiers, notamment des agences de notation, au détriment de notre souveraineté. Ces agences, qui échappent à tout contrôle de la puissance publique, imposent pourtant aux États membres, avec l’aide de l’Union européenne et du FMI, des politiques d’austérité budgétaire drastiques qui enfoncent les peuples d’Europe dans la misère. La Grèce, l’Irlande, l’Espagne, l’Italie et la Belgique ont déjà été victimes de cet arbitraire des marchés. De loi de finances en loi de finances, la liste s’allonge. Et aujourd’hui, c’est sur la France que ces agences font planer la menace d’une dégradation de sa note.

Fidèle aux dogmes de la doctrine capitaliste, la seule réponse des dirigeants européens a été de tendre l’autre joue, en imposant des plans de rigueur insoutenables à leurs peuples et en étranglant un peu plus la Grèce. Ces prétendus « plans d’aide », comme vous les nommez, sont en réalité des prêts avec intérêts à des taux usuraires, qui n’ont pas pour finalité de venir en aide au peuple grec souffrant du chômage et des privations.

Alors que cette période de crise du capitalisme est une formidable occasion pour les États de reprendre le contrôle de la finance, vous avez multiplié les erreurs historiques en renforçant le pouvoir des marchés. Nous avons ainsi perdu quatre ans. Dexia en est un triste exemple. La banque étant au bord du gouffre, vous n’avez d’autre choix que de la démanteler en apportant environ 33 milliards d’euros de garanties.

Depuis cinq ans, votre politique de classes est un désastre pour notre pays. Louis XI, pour citer un autre monarque, disait qu’« en politique, il faut donner ce qu’on n’a pas, et promettre ce qu’on ne peut pas donner. » Nicolas Sarkozy a placé son quinquennat sous le signe de cette citation et s’est attelé à la mettre méthodiquement en œuvre. Il donne ce que la France ne peut donner à quelques nantis, et a multiplié, à l’intention des autres, des promesses qui se sont révélées n’être que du vent. Jugez plutôt !

Donner ce qu’il n’avait pas, c’est ce que le Président de la République a fait dès son arrivée en faisant adopter, dans le cadre de la loi TEPA, un élargissement du bouclier fiscal, un aménagement de l’impôt de solidarité sur la fortune, ainsi qu’une forte réduction des droits de succession. Le coût total de l’ensemble de ces mesures s’élève à 15 milliards d’euros chaque année. Avec ces mesures destinées à quelques privilégiés, l’UMP a dilapidé l’argent public, alors que dans le même temps, François Fillon déclarait la France « en faillite ».

Les promesses de ce qu’il ne pouvait pas donner sont celles de son fameux – ou fumeux – slogan de campagne : « travailler plus pour gagner plus ». Alors que, sur les trente dernières années, les salariés ont perdu dix points dans le partage de la valeur ajoutée, concrètement, ce sont 200 milliards d’euros de richesses créées dans le pays qui, chaque année, sont détournés de la poche des salariés au profit du portefeuille des actionnaires. Il était impossible d’augmenter les salaires tout en gavant les boursicoteurs. Le Président le savait, mais il fallait faire un choix : l’UMP a pris le parti des actionnaires, et privilégié la France des rentiers sur la France du travail. La majorité présidentielle n’a rien fait pour augmenter le pouvoir d’achat des salariés.

La prime Sarkozy, qui devait être versée dans les entreprises augmentant leurs dividendes, est une mystification de plus à ranger dans la longue liste des promesses que vous ne pouvez pas tenir. Cette prime n’est qu’une mascarade, comme l’a démontré la proposition honteuse, mais pourtant légale, de l’entreprise Securitas, qui a consenti à verser une prime de 3,50 euros à ses salariés, quand le Gouvernement promettait une prime de 1 000 euros. La colère feinte de Xavier Bertrand à ce sujet ne dupe personne. Mon amie Jacqueline Fraysse l’avait pourtant mis en garde ici même : « Plus les débats avancent, plus nos travaux approfondissent la réflexion, et plus ils nous renforcent dans notre conviction que cette prime est à la fois injuste et inefficace. Elle ne concerne qu’un tout petit nombre de salariés, nous l’avons déjà souligné, elle peut aisément être contournée par le patronat, elle n’est donc pas équitable. De plus, elle ne résout pas le problème du pouvoir d’achat des salariés, ni celui de la pression des actionnaires sur les entreprises ».

Il n’y a qu’une solution pour redonner du pouvoir d’achat aux salariés : une augmentation généralisée des salaires. C’est précisément ce que vous refusez depuis des années de mettre en œuvre, par exemple en gelant le point d’indice de la fonction publique et en persistant à ne pas revaloriser le SMIC, alors que l’inflation sur un an ampute le pouvoir d’achat des Français de 2,2 %.

Balzac écrivait en 1837 : « Les lois sont des toiles d’araignée à travers lesquelles passent les grosses mouches et où restent les petites. » La toile d’araignée de votre politique d’austérité n’est pas tissée d’une autre manière. Qui paye les pots cassés de votre politique ? Ce sont les gens modestes que je rencontre sur les marchés de Gennevilliers, de Colombes et de Villeneuve-la-Garenne – que nous rencontrons tous, sans la moindre exception, dans nos circonscriptions. Ce sont eux qui sont écrasés par votre politique d’austérité, tandis que les privilégiés, les grosses mouches dont parlait Balzac, continuent à profiter pleinement de votre politique.

Votre contribution exceptionnelle de 3 % sur le revenu fiscal, qui ne changera rien à l’affaire, est au mieux un effet de manche pour faire digérer la pilule amère de votre politique d’austérité. Cette contribution participe pour une portion congrue au rétablissement d’une forme de justice fiscale en France. Elle rapportera au budget de l’État à peine plus de 200 millions d’euros, c’est-à-dire rien en comparaison des 1,8 milliard d’euros de réduction sur l’impôt de solidarité sur la fortune que vous avez fait voter en juin dernier.

Monsieur le ministre, assumez devant les Français le résultat de votre politique. Pour votre gouvernement, la justice fiscale, c’est 1,8 milliard d’euros d’impôts de moins pour les plus riches et 11 milliards d’euros de politique d’austérité de plus pour le reste de la population. C’est une injustice criante !

Une autre donnée rend votre contribution sur les hauts revenus particulièrement insuffisante : elle cessera de s’appliquer en 2013, alors que les classes moyennes et populaires continueront à subir l’augmentation du coût de leur mutuelle de santé ou celle des taxes nombreuses que vous avez adoptées. Deux poids, deux mesures : voilà bien la preuve que cette contribution tient de la poudre aux yeux.

De plus, nous apprenons par voie de presse que vous comptez doubler le montant de la taxe sur les sodas, afin de créer une exonération de cotisation de sécurité sociale pour les agriculteurs. Ce n’est pas ce que le monde paysan vous demande. Mon camarade André Chassaigne l’explique dans sa proposition de loi visant à encadrer les prix des produits alimentaires : « Pour les agriculteurs, des mesures d’encadrement apparaissent indispensables pour sortir de la “vente à perte” qui leur est imposée chaque année. C’est par ailleurs l’avenir même de certaines filières, comme les fruits et légumes, et l’activité agricole sur certains territoires, comme en zone de handicap ou de montagne, qui sont compromis à court terme par le maintien d’une totale liberté d’agissement par la distribution. » Ce n’est pas en accentuant le dumping fiscal et social que l’on sortira les agriculteurs de la crise. Faisons plutôt en sorte que la grande distribution n’accapare pas les richesses qu’ils ont créées.

Enfin, ce projet de loi de finances pour 2012 menace notre société car, non content de faire peser sur les collectivités locales le coût du désengagement de l’État, vous continuez votre politique de suppressions massives de postes dans la fonction publique. Ainsi, à travers vos lois de finances successives, 150 000 emplois ont été supprimés dans les écoles, les tribunaux, la recherche, la police et les hôpitaux, au détriment des missions de service public et des missions régaliennes de l’État.

Vous détruisez le lien social et sapez les fondements de notre société en supprimant des classes, en fermant des maternités, comme aux Lilas, tout cela pour économiser cette année 900 millions d’euros. Dans le même temps, 140 milliards d’euros de niches fiscales et sociales bénéficient chaque année aux puissances de l’argent et leur permettent de spéculer sur les marchés financiers et d’engranger des fortunes dans les paradis fiscaux.

Le jeu n’en vaut pas la chandelle. Cet aveuglement doctrinaire sévit aussi dans l’éducation nationale, où vous prévoyez la suppression de 14 000 postes, hypothéquant ainsi les chances de réussite de nombreux élèves, tout en faisant le lit des écoles privées religieuses et des entreprises proposant du soutien scolaire, au détriment de l’école gratuite, laïque et républicaine. La suppression de 3 600 postes au ministère de l’intérieur n’est pas moins inquiétante. Alors que les policiers accumulent des dizaines de jours de récupération non pris et que les commissaires de police peinent à trouver le nombre de policiers suffisant pour conserver des patrouilles la nuit et le week-end, vous diminuez leur présence sur le terrain en sabrant dans les effectifs, qui souffrent terriblement face à une délinquance de plus en plus agressive.

Globalement, tous les ministères sont touchés par vos suppressions de postes. Hormis les services de la justice, seuls ceux du Premier ministre bénéficieront de postes supplémentaires – quarante-neuf pour être précis. Le 22 avril 2012 approchant à grands pas, et les sondages étant ce qu’ils sont, sans doute faut-il davantage d’effectifs pour préparer la candidature à la présidentielle de Nicolas Sarkozy !

La France et L’Europe vont mal. Ce n’est pas dramatiser la situation que de l’admettre. Dans quelques mois, le peuple français se trouvera devant un choix radical : continuer comme avant et subir le système capitaliste, ou rompre avec celui-ci en soumettant la finance à la loi de l’intérêt général. Certes, il sera ardu de tordre le cou au système de l’argent roi. Mais la période qui s’ouvre est propice. La France a encore un poids suffisant pour diffuser ses idées auprès de ses partenaires européens et construire enfin « l’Europe sociale », chère à Jaurès ainsi qu’aux 55 % de Françaises et de Français qui, je vous le rappelle, ont rejeté en 2005, lors du référendum, le projet de constitution européenne que vous vouliez leur imposer. Cette opinion avait été exprimée avec force, au regard de la très forte mobilisation des électeurs. Vous avez décidé de la mépriser en imposant quand même cette constitution.

Si vous aviez écouté ce message, probablement n’en serions-nous pas là. Les méfaits de ce système inégalitaire sont désormais connus de tous. Les gens rejettent le caractère fatal et exclusif d’un système qui pousse les hommes à l’égoïsme en les enchaînant aux lois de la concurrence libre et toujours faussée. Depuis cinq ans, en plus de la crise économique mondiale, vous avez poussé l’indécence à son maximum en choyant une seule catégorie : les nantis, les privilégiés, les puissants de ce monde, au détriment de l’intérêt collectif. Face à votre politique de classe, les Français attendent une politique de justice sociale et fiscale. Le Front de gauche démontre quotidiennement, grâce à ses militants et à ses élus, que les leviers pour réaliser cette politique égalitaire existent et que l’urgence est d’avoir un peu de courage et de mettre en œuvre une autre répartition des richesses entre le capital et le travail.

M. Jean-Claude Sandrier. Très bien !

M. Roland Muzeau. Je l’ai dit au début de mon intervention : la France souffre non pas d’un problème de dépenses, mais de recettes.

Prenons le temps de revenir sur certains chiffres. Les niches fiscales, jugées par vos services – en l’occurrence, l’inspection des finances – inefficaces ou peu efficaces et qui profitent aux plus riches et aux grandes entreprises, coûtent à l’État 53 milliards d’euros tous les ans. Si vous aviez donné les moyens à l’administration fiscale de lutter contre la fraude fiscale, 30 à 40 milliards d’euros auraient pu être récupérés chaque année. Votre prétendue lutte contre les paradis fiscaux permet à des territoires comme le Belize – bien connu de tous ! – de soustraire 20 milliards de dollars chaque année, au bas mot, aux finances publiques des États. Pourtant, la taxe sur les transactions financières, que vous vous refusez à mettre en place, pourrait rapporter plus de 200 milliards d’euros rien qu’en Europe.

Les chiffres sont là, monsieur le ministre. Si nous les additionnons, le déficit disparaît. Vous cachez la vérité aux Français lorsque vous leur dites que l’austérité est la seule solution. Tout est question de volonté, de courage politique et de sens de l’intérêt général.

Aujourd’hui, les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche portent une politique de long terme contre un système à bout de souffle. Pour nous, contrairement à vous, la devise républicaine est un idéal que nous voulons faire vivre. C’est pourquoi, tout au long de l’examen des articles de votre projet de loi, nous avancerons des propositions concrètes de justice fiscale et sociale.

En voici quelques-unes, parmi tant d’autres : créer un pôle financier public via la nationalisation des banques ; séparer la fonction de banque d’affaires et de banque de dépôt et taxer les transactions financières ; interdire aux agences de notation d’évaluer les dettes souveraines ; fixer le SMIC à 1 700 euros et plafonner les salaires dans un rapport de un à vingt fois le SMIC ; mettre en place un nouveau barème plus progressif de l’impôt sur le revenu, en conformité avec l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ; imposer le capital de la même façon que les revenus du travail. Voilà quelques pistes de réformes à entreprendre immédiatement.

Je terminerai sur ces quelques mots de Jacques Généreux,…

M. Charles de Courson. Le bien nommé ! (Sourires.)

M. Roland Muzeau. …professeur d’économie : « Donnez-nous une semaine, un mois peut-être, et, en voyant ce que, nous, on peut faire, tous les Européens sauront aussitôt que le seul et unique obstacle à une autre politique... c’est leur gouvernement. »

Je vous demande donc, mes chers collègues, de redonner la primauté à l’humain plutôt qu’à la finance en votant notre motion de procédure. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. À défaut d’une semaine, monsieur Muzeau, vous aviez trente minutes et n’en avez utilisé que dix-neuf. Je vous en remercie. (Sourires.)

La commission et le Gouvernement ne souhaitant pas répondre, nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe GDR, sans doute pour renforcer les propos de son collègue.

M. Jean-Claude Sandrier. Pas seulement. Comme je vois la difficulté qu’il y a à répondre à la brillante intervention de mon collègue, je vais m’y mettre moi-même ! (Sourires.)

Ce renvoi du texte en commission peut se justifier par deux raisons. La première suffirait d’ailleurs en elle-même : c’est le décalage important, qui apparaît vraisemblable – voire aujourd’hui admis – entre la prévision de croissance sur laquelle repose ce budget, c’est-à-dire 1,75 %, même si vous l’avez revue à la baisse, et ce que tout le monde s’accorde à prévoir, c’est-à-dire une croissance de 0,8 % à 1,2 % pour l’année prochaine. La vitesse à laquelle sont allées les choses montre d’ailleurs à la fois la gravité de la situation et l’accélération de la crise que nous traversons. Ne pas revenir maintenant sur ce budget constitue une grave erreur. On sait bien que, dans un mois et demi, vous nous soumettrez un projet de loi de finances rectificative pour nous proposer encore 10, 20 et peut-être 25 milliards d’économies sur la dépense publique.

La seconde raison est liée à ce que je viens de dire : il faut prendre en compte le fait que le problème du déficit est dû, non pas à la dépense publique, contrairement à ce que vous dites, mais bien à une crise des recettes. Des exemples ont été donnés – vous les entendrez plusieurs fois au cours des prochains jours –, mais je voudrais rappeler quelques chiffres fournis par vos services. Les niches fiscales, plus ce qu’on appelle les modalités particulières de calcul de l’impôt, représentent très exactement 146 milliards d’euros. Ce que nous vous proposons, toujours en nous fondant sur les éléments donnés par vos services, c’est de prendre 50 milliards sur ces niches.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Claude Sandrier. Les exonérations de cotisations sociales, qui, selon la Cour des Comptes, ne servent pas l’emploi, représentent 25 milliards. En ce qui concerne l’évasion fiscale, on n’arrive même pas à la mesurer, puisque les chiffres varient de 30 à 50 milliards. Mais admettons que l’on puisse récupérer malgré tout 25 milliards. Voilà déjà 100 milliards d’euros que l’on peut récupérer pour résorber le déficit.

Pour conclure – car le président me presse – il faut arrêter le détournement d’argent qui existe dans notre pays.

Mme Chantal Brunel. Oh !

M. Jean-Claude Sandrier. Je rappelais cet après-midi que les cinq cents plus grosses fortunes de France, qui possédaient il y a dix ans 6 % du produit intérieur brut, en possèdent actuellement 12 %, malgré la crise – on pourrait même dire : grâce à la crise. Il faut arrêter ce scandale et prendre enfin l’argent où il est pour le rendre notamment au service public et le consacrer à la relance de l’activité économique.

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Diefenbacher, pour le groupe UMP.

M. Michel Diefenbacher. L’intervention de notre collègue M. Muzeau avait incontestablement le mérite de la concision, mais elle avait un petit inconvénient : sincèrement, elle ne comportait aucun argument.

Nous avons entendu une litanie de critiques de toute nature contre la politique du Gouvernement. Nous avons noté, une fois encore, cette extraordinaire cécité à l’égard du monde dans lequel nous vivons. Ce décalage entre le discours et la réalité ne peut que conduire le groupe UMP à voter contre cette motion. C’est évidemment ce que je recommande à tous mes collègues.

Et puisque le seul élément précis de l’intervention de notre collègue Muzeau est qu’il a des propositions d’amendement à déposer, avançons ! Venons-en à la discussion générale, examinons les articles, et sans perdre de temps, repoussons cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) 

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe SRC.

M. Christian Eckert. Monsieur le ministre, mes chers collègues, notre collègue Diefenbacher parle de cécité. Mais dans quel monde vit-il ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Dans vos circonscriptions, mes chers collègues, n’entendez-vous pas comme nous la souffrance sociale…

M. Marc Francina. Vous allez nous faire pleurer.

M. Christian Eckert. …l’étonnement, pour ne pas dire l’indignation, devant les inégalités sociales, devant les inégalités fiscales ? Je suis ébahi de vous entendre nous reprocher de rester fermés au monde. Allez donc dans vos circonscriptions ! Assumez votre politique, assumez la souffrance que votre politique fiscale a engendrée, et vous voterez sans hésitation, comme le groupe SRC va le faire, la motion de renvoi de notre collègue Roland Muzeau.

Il a évoqué les inégalités. Il a parlé ensuite des banques, car les agences de notation ne sont les seules à avoir les yeux fixés sur elles, nos concitoyens aussi. Ils s’étonnent, car finalement, après avoir prôné les prêts hypothécaires au moment de sa campagne, le Président Sarkozy, qui imaginait bien les mettre en œuvre en France,…

M. Jean-Claude Sandrier. Heureusement, il n’a pas eu le temps !

M. Christian Eckert. …Fort heureusement en effet, car nous aurions alors connu des faillites à la Lehman Brothers.

Il a dénoncé aussi tous les méfaits de votre politique, sur lesquels nous reviendrons dans le débat si, par hasard, vous ne votiez pas cette motion de renvoi en commission.

Il a également évoqué le dévoiement, par votre faute, du mot « réforme ». Désormais, pour nos concitoyens, il est devenu synonyme de souffrance, de régression. C’est pour cela que le groupe SRC votera sans hésitation la motion de renvoi en commission qu’a brillamment défendue notre collègue Roland Muzeau.

M. le président. Pour le groupe Nouveau Centre, la parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Quelques mots pour essayer d’éclairer nos collègues…

M. Christian Eckert. Nous n’avons pas besoin d’être éclairés : nous voyons clair !

M. Nicolas Perruchot. Bien entendu, le groupe Nouveau Centre ne votera pas cette motion de renvoi en commission, pour plusieurs raisons que je vais exposer rapidement.

Monsieur Muzeau, vous avez d’abord expliqué que la France avait un problème de recettes. Tous les observateurs économiques, y compris ceux de gauche, nous disent qu’aujourd’hui, il faut agir sur la dépense. S’il peut être intéressant d’imaginer que l’on peut agir uniquement sur la recette pour sauver le système, je vois mal comment vous le pourriez dès lors que vous continueriez à augmenter les dépenses, comme ce serait le cas. C’est une première difficulté.

Poursuivant votre propos, vous avez indiqué que les mesures qui avaient été prises par l’actuel gouvernement étaient faites pour sauver les banques et les banquiers. Vous avez simplement omis de dire qu’il fallait aussi sauver l’épargne des Français. Je pense qu’il serait utile et intéressant d’expliquer à toutes celles et tous ceux qui épargnent, et ils sont des millions dans notre pays,…

M. Christian Eckert. Si vous voulez faire peur aux gens, continuez comme ça !

M. Nicolas Perruchot. …que vous auriez préféré, vous, ne pas sauver leur épargne ! (Protestations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. Chers collègues, laissez M. Perruchot donner son explication de vote.

M. Christian Eckert. C’est un élément évidemment essentiel qui a permis les décisions que nous avons prises aujourd’hui. Là encore, vous êtes à côté du sujet.

Vous dites enfin que la faute de Nicolas Sarkozy est d’avoir cédé aux agences de notation et vous expliquez, en vous appuyant sur le cas grec, combien nous sommes soumis au diktat de ces agences et des grandes institutions financières internationales. Mais la structure de la Grèce n’est pas totalement identique à celle des autres pays de la zone euro et quand un peuple, comme c’est le cas actuellement, refuse de payer l’impôt, qui est l’ADN économique commun de la zone euro, on peut avoir quelques doutes, voire quelques incompréhensions face au plan de sauvetage proposé. Dès lors que personne n’accepte d’abonder les recettes d’un pays en très grande difficulté, comment voulez-vous que nous puissions, les uns et les autres, le sauver ?

Enfin, vous dites que l’on n’a rien fait pour le pouvoir d’achat des salariés, mais toutes les solutions que vous préconisez ne feront qu’accroître celui des personnels de la fonction publique : pas un mot n’a été dit sur la façon d’augmenter les salaires dans le privé.

M. Roland Muzeau. Si, le SMIC à 1 700 euros.

M. Nicolas Perruchot. Moi, monsieur Muzeau, j’ai travaillé dans une PME, j’ai été chef d’entreprise. Vous pouvez toujours décréter le SMIC à 1 500 euros…

M. Roland Muzeau. 1 700 euros !

M. Nicolas Perruchot. Mais quand une entreprise ne peut pas le payer, elle ne le paie pas.

M. Roland Muzeau. Je vous ai donné des recettes pour le faire.

M. Nicolas Perruchot. Mais non, quand on ne peut pas, monsieur, on ne le paie pas ! Allez expliquer aux patrons de TPE et de PME – il y en a de gauche comme de droite – comment faire. Depuis des années, on entend cela et je n’ose imaginer que l’on puisse décréter le SMIC à 1 500 euros, surtout pour les très petites entreprises. Vous ne pourrez pas le faire, c’est une utopie complète.

M. Roland Muzeau. En 68, c’était pareil, et le salaire minimum a bien augmenté de 30 % !

M. Nicolas Perruchot. Enfin, vous parlez de suppressions massives des postes dans la fonction publique. C’est une ritournelle habituelle.

Vous avez parlé de l’éducation nationale. C’est un cas intéressant, car ce ministère compte 126 000 personnels administratifs pour 850 000 enseignants. La vraie question, c’est de savoir s’il n’aurait pas fallu consacrer un plus grand nombre des postes créés à mettre des enseignants devant les élèves.

Vous avez conclu que le système était à bout de souffle. Je ne sais pas de quel système vous parliez. Vous aurez compris, en tout cas, que notre vision est différente de la vôtre.

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je n’entrerai pas, en ces quelques minutes, dans la description détaillée d’une situation difficile et complexe.

La crise actuelle de la zone euro et les difficultés du budget et de l’économie de la France ont deux origines : la première, c’est la crise de 2008 dite crise de subprimes, qui a plongé nos économies dans une très grande difficulté ; la seconde, ces trente ans de laxisme budgétaire, dont nous sommes malheureusement les héritiers. Il est bon de rappeler que, si la situation est aussi alarmante que certains veulent le dire, nous le devons aux décisions prises depuis le milieu des années 70, gouvernements de droite et de gauche confondus…

M. Christian Eckert. Mais oui, c’est ça !

M. Nicolas Perruchot. …car le niveau d’endettement n’est pas seulement le résultat des cinq dernières années, mon cher collègue.

Quant à la crise de 2008, elle était systémique. L’inquiétude de l’Union européenne face à l’état des finances publiques de la zone euro – et en particulier, en décembre 2009, face aux difficultés de la Grèce – a amené à la baisse de la note de nos amis grecs. En janvier 2010, nous avions droit au plan d’austérité espagnol. Quelques jours plus tard, le premier plan d’économie pour la Grèce était mis en place, le pays ayant été placé sous surveillance de la Commission. En mars 2010, le déficit portugais s’établissait à 9,3 % du PIB, ce qui entraînait un plan d’austérité. Enfin, en quelques mois se succédèrent : l’aide de l’Union européenne et du FMI à la Grèce contre le plan d’austérité ; le plan d’austérité de l’Italie dont la dette avait atteint, à la mi-2010, 120 % du PIB ; la révision à la hausse du déficit irlandais ; la demande d’aide internationale du Portugal ; et en juin 2011, le nouveau plan d’austérité pour la Grèce.

Donc, la crise se propage, la zone euro a aujourd’hui bien des difficultés à l’endiguer et elle résulte, bien entendu, de la situation que j’ai décrite auparavant. À l’évidence, la crise de l’endettement public en Europe ne se limite pas au seul cas grec et surtout elle est sans commune mesure avec tout ce que nous avions, les uns et les autres, prévu.

Avant tout, cette crise est une crise de confiance, celle des marchés en la capacité des États à rembourser leur dette. Elle ne s’arrête pas aux frontières de quelques pays européens car, après la Grèce, l’Irlande, l’Italie, l’Espagne et le Portugal, elle pourrait malheureusement s’étendre à notre pays, que l’agence Moody’s vient de mettre sous surveillance. Une éventuelle dégradation de notre note souveraine aggraverait le coût de notre endettement.

Ajoutons à cela le besoin très important de recapitalisation des banques européennes chiffré par Christine Lagarde à près de 200 milliards d’euros, et l’on voit à quel point la situation est tendue. Cela nécessite, de notre part à tous, de faire des choix courageux.

Pour ce budget comme pour les budgets précédents, nous n’avons, nous centristes, eu de cesse de demander une baisse plus forte de la dépense publique. Charles de Courson et Philippe Vigier y reviendront. Nous n’avons eu de cesse d’aller plus loin dans ce que nous appelions déjà, pour notre part, « l’austérité », mot que l’on peut désormais employer à cette tribune. Notre marge de manœuvre semble assez limitée. Mais la solution que nous préconisons est la seule susceptible de redresser nos finances publiques : une réduction importante du déficit public dès aujourd’hui.

La situation économique de la France l’exige. La situation dans la zone euro la rend absolument nécessaire. Nous proposerons donc des mesures en ce sens et nous espérons que vous pourrez, monsieur le ministre, les retenir. Elles visent à la fois à préserver notre économie et à recouvrer très rapidement une nécessaire capacité d’emprunt. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Mes chers collègues, la crise de la dette souveraine qui atteint de nombreux pays européens nous rappelle l’importance de maîtriser notre budget et de réduire notre déficit. Il ne s’agit pas, comme cela a été dit tout à l’heure, de satisfaire aux desiderata, aux exigences de telle ou telle agence de notation, mais de prendre en compte le fait qu’une dette peut atteindre un point de non-retour – comme l’illustrent le cas grec ou les difficultés dans lesquelles s’enfonce notre voisin italien – à partir duquel cette dette excessive fait boule de neige : s’ensuit immanquablement une hausse des taux d’intérêt, donc de la charge de la dette, qui réduit nos marges de manœuvre.

Si cette situation devait se produire en France, ce sont nos concitoyens, ne l’oublions pas, qui, les premiers, en paieraient le prix à travers les sacrifices douloureux qu’ils devraient consentir. Avec la perte de toute marge de manœuvre budgétaire, c’est aussi, comme le rappelait Philippe Séguin, une part de notre souveraineté nationale qui s’évanouirait.

Je souscris donc pleinement aux orientations du présent projet de loi, qui doit permettre de ramener notre déficit de 95,5 milliards d’euros en 2011 à 81,7 milliards d’euros en 2012, et de respecter ainsi l’objectif d’un déficit de 4,5 % du PIB. Compte tenu des incertitudes qui pèsent sur l’année à venir, je souscris également au vœu exprimé par notre rapporteur général d’améliorer ce solde au cours de notre discussion.

Le projet de loi de finances pour 2012 est placé sous le signe du rétablissement des finances publiques et d’un effort qui porte sur tous les secteurs : effort supplémentaire demandé aux plus aisés de nos concitoyens ; effort de maîtrise de la dépense fiscale ; effort de maîtrise des dépenses de l’État ; effort de maîtrise des dépenses des opérateurs.

Côté recettes, le PLF prévoit une hausse des prélèvements obligatoires de l’ordre de 0,6 %, qui, dans le contexte actuel, participe de la crédibilité du redressement de nos comptes publics. Sans cet effort, l’objectif de déficit public ne pourrait être atteint. Le montant prévisionnel des recettes fiscales nettes atteint ainsi 283,4 milliards, contre 265,5 milliards, et dépasse enfin le niveau de 2008.

Outre la croissance spontanée des recettes fiscales, le PLF pour 2012 conjugué au collectif budgétaire de septembre prévoit 9,3 milliards de ressources supplémentaires, pour lesquelles l’effort est partagé entre les ménages et les entreprises.

Du côté des particuliers, un effort significatif a été demandé aux Français lors du collectif budgétaire de septembre, avec l’alourdissement de la fiscalité sur les plus-values immobilières. Dans ce texte, nous retrouvons cette logique avec la mise en place d’une taxation exceptionnelle sur les hauts revenus. Sur ce point, j’adhère pleinement à la proposition de la commission des finances de ramener son seuil de 500 000 à 250 000 euros par part et d’en adapter le taux. Cette proposition permettra de porter le rendement de la taxe de 200 à 410 millions, tout en restant un bon point d’équilibre et en maintenant l’attractivité fiscale de notre pays.

Le retour à l’équilibre ne saurait reposer cependant sur la seule quête de nouvelles recettes. Il exige pour une part au moins égale la « sécurisation des recettes existantes », pour reprendre une expression qu’affectionne notre rapporteur général.

Le présent projet de loi fixe un objectif de dépenses fiscales pour 2012 à 65,9 milliards, en baisse de 1,6 milliard d’euros. L’orientation est bonne, et l’inscription dans la loi d’un objectif de dépense fiscale restera un acquis de cette législature et de cette majorité.

Je m’interroge cependant sur sa fiabilité, les objectifs précédents ayant été systématiquement dépassés, monsieur le ministre, en raison notamment d’une évaluation par trop conservatrice de l’évolution « naturelle » de ces dépenses et d’une mauvaise évaluation tout court de certaines d’entre elles. D’année en année, le coût de la prime pour l’emploi est ainsi systématiquement sous-évalué de 200 millions, celui du crédit d’impôt pour le développement durable a longtemps erré et reste, avec une estimation à 1,9 milliard pour 2011, sujet à caution, et je ne parle pas du bilan du bonus-malus automobile évoqué ici même hier.

Pour atteindre cet objectif, le PLF comprend donc des mesures destinées à contenir la dépense fiscale. Ces mesures sont légitimes, mais on peut se demander, au regard de la difficulté à respecter cet objectif, si elles ne devraient pas être amplifiées. Comme d’autres, j’apporterai ma contribution à cet ouvrage à travers quelques amendements. On peut cependant regretter que, cette année encore, le recours à un coup de rabot général ait été retenu, au détriment d’une approche plus ciblée, à laquelle le rapport rendu par l’Inspection générale des finances, pour perfectible qu’il soit, devait ouvrir la voie. Nous avions pourtant été nombreux à insister sur la nécessaire discrimination dans ce domaine. En effet, nombre de dépenses fiscales répondent à un objectif parfaitement légitime, et il ne faudrait pas que leur atténuation aboutisse à vider le dispositif de son intérêt.

Il convient aussi, dans le même ordre d’idées, d’être attentif à ne pas créer de distorsions d’attractivité entre différents dispositifs, à la faveur d’un changement de périmètre ou de taux ou d’un coup de rabot. En 2009, une telle distorsion avait ainsi amené à l’arrêt total des investissements dans les résidences, de tourisme ou pour seniors, nécessitant l’adoption d’un dispositif parallèle pour ces résidences. De la même façon, la réforme du dispositif Malraux a certes permis de diviser son coût, passé de 50 millions en 2008 dans l’ancien système à 5 millions en 2011 dans le nouveau, mais cela s’est fait au détriment de nombre d’opérations de restauration dans les centres anciens.

Enfin, quels que soient les progrès qui pourront être faits en matière de recettes, il n’y aura pas de réduction significative du déficit et de la dette sans réduction des dépenses de l’État et un meilleur contrôle des opérateurs.

Ce PLF est le second à appliquer la règle du « zéro valeur hors charge de la dette et pensions » introduite par la loi de programmation des finances publiques. L’application de cette nouvelle norme devrait théoriquement aboutir, en 2012, à un recul en volume de 0,02 %. En l’occurrence, les mesures volontaristes prises par le Gouvernement permettront d’aller jusqu’à 0,2 %. Des efforts importants d’économies ont été réalisés par l’État pour tenir ce double objectif, et l’on ne peut que s’en féliciter.

Il en va ainsi de l’évolution de la masse salariale. Les effectifs de la fonction publique d’État n’ont cessé d’augmenter jusqu’en 2006 pour frôler, malgré les transferts de la décentralisation, les 2 400 000 équivalents temps plein travaillé. Les efforts de réduction menés depuis 2007 à travers le non-remplacement d’un départ en retraite sur deux aboutiront enfin, en 2012, et pour la première fois depuis 1945, à une réduction de la masse salariale de l’État de 167 millions. Ces dernières années, la réduction du nombre de personnels de l’État n’avait en effet pas suffi, à elle seule, à réduire la masse salariale, les économies brutes engrangées étant consommées par les mesures catégorielles, l’évolution du glissement vieillesse technicité et les redistributions. En 2012, les suppressions nettes de poste s’élèveront à 30 512 ETPT, permettant une économie brute de 970 millions et une économie nette de 167 millions. Les efforts entrepris depuis 2007 commencent donc à payer, grâce à la suppression de près de 150 000 ETPT autorisant une économie brute sur le quinquennat de 4 milliards d’euros.

M. Christian Eckert. Et en net ?

M. Michel Bouvard. Cela étant, si l’on consolide masse salariale et compte des pensions, et les deux éléments sont bien liés, la perspective s’inverse. La progression des pensions est en effet extrêmement dynamique, avec une augmentation de près de 25 % du nombre des pensionnés en dix ans et un montant de pensions versées passé de 35,4 milliards en 2005 à 48 milliards en 2011, soit une augmentation de 35,6 % en six ans due aux évolutions démographiques. En 2012, ce montant devrait encore augmenter de 1,9 milliard, soit une nouvelle augmentation de près de 4 %.

Face à cette situation et à l’impossibilité de peser sur l’évolution des pensions, il n’y a donc pas d’autres solutions que de poursuivre dans la voie de la réduction des effectifs de la fonction publique d’État. Mais cette réduction exige désormais une application différenciée, avec notamment un effort distinct entre les échelons centraux et les échelons déconcentrés. Ceci nous rappelle également qu’embaucher un fonctionnaire est un acte grave. Je le dis en pensant à ce qui figure dans certains programmes : Quand vous embauchez un fonctionnaire d’État, vous créez une charge pour l’État jusqu’au décès de la veuve, c’est-à-dire globalement pour soixante-cinq à soixante-dix ans puisqu’il y a la réversion à verser.

M. Nicolas Forissier. Absolument.

M. Michel Bouvard. Je voudrais finir en évoquant le cas des opérateurs, sur lequel la mission d’information sur la mise en œuvre de la LOLF et moi-même avons eu l’occasion de nous exprimer à maintes reprises.

Leur contrôle est en net progrès depuis plusieurs années maintenant, avec notamment l’identification sur le « jaune opérateurs » des dettes de ces derniers, adoptée sur mon initiative en 2010, la mise sous plafond d’emplois et l’obligation de recensement de leur patrimoine. L’an dernier, la loi de programmation de finances publiques a de plus interdit aux organismes divers d’administration centrale, hors CADES, d’emprunter au-delà de douze mois. Cette décision, dans la droite ligne des recommandations du rapport Camdessus, devrait à terme contribuer très positivement à la maîtrise de l’endettement de l’État.

L’effort de réduction des effectifs engagés par l’État doit théoriquement se décliner également chez les opérateurs depuis 2011. En pratique, l’article 37 prévoit une baisse restreinte de 1 106 ETPT, deux fois inférieure à celle prévue en 2011, pour un plafond de 373 456 emplois. Cette évolution doit être accentuée, mais en distinguant, parmi les opérateurs, ceux qui ont une véritable activité industrielle et commerciale et qui, dès lors qu’ils ont des ressources propres et gagnent des parts de marché, doivent relever d’une logique autre que l’encadrement des ETPT. À défaut, le plafond d’emplois devient une limite au développement de ces opérateurs industriels, ce, in fine, au détriment de l’État.

Il y a tout lieu, par ailleurs, d’être satisfait de ce que le PLF s’intéresse enfin aux recettes affectées aux opérateurs, passées de 7,3 à 8,7 milliards entre 2007 et 2011. J’approuve pleinement les mesures de prélèvement sur les opérateurs qui disposent d’un excès de trésorerie lié à ces affectations. Il importe particulièrement, comme je l’avais déjà demandé l’an dernier, que le Parlement puisse faire le point sur l’évolution de ces affectations, sur les usages qui en sont faits et sur les mesures de rebudgétisation qui pourraient être prises. Il en va de la légitimité de l’action parlementaire en matière budgétaire.

En conclusion, ce projet de loi, qui contribue de manière très volontaire à l’affermissement des recettes de l’État et à la maîtrise de ses dépenses, aura tout le soutien du groupe UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Première remarque générale, faut-il agir plus sur les dépenses que sur les recettes ? Sans être jésuite, je pense qu’il faut probablement, parce que la situation est difficile, agir sur les deux volets.

M. Michel Bouvard. Jusque-là, nous sommes d’accord.

M. Christian Eckert. Vous le savez d’ailleurs, monsieur le ministre, puisque c’est ce que vous faites. Vous n’osez pas le dire mais, dans le plan de M. Fillon, les 12 milliards présentés comme des économies ne sont pas des économies mais bien, pour 11 milliards, le résultat des prélèvements supplémentaires. En effet, les réductions de certaines dépenses fiscales ou les mesures de taxation ne sont finalement que des hausses d’impôt. L’honnêteté intellectuelle aurait commandé, plutôt que de vous présenter comme les plus grands « économiseurs » depuis 1945…

M. Michel Bouvard. Sur la dépense publique, oui.

M. Christian Eckert. …que vous assumiez le fait que vous jouez finalement et sur la dépense et sur la recette. Il est vrai que, chez vous, les mots « hausse généralisée de l’impôt » ont été bannis depuis longtemps.

Deuxième remarque, finalement, monsieur le ministre, vous êtes un ministre de rupture par rapport à votre prédécesseur. Mme Lagarde n’avait qu’une expression à la bouche, la « sortie de crise »,déclinée à toutes les sauces. On avait l’impression que toutes les difficultés étaient derrière nous. Mais, depuis quelques semaines, vous n’avez de cesse d’insister sur la crise qui pèse sur l’Europe et sur notre pays. Je suis heureux que vous ayez cette lucidité. Il suffit de regarder, dans les circonscriptions, les entreprises, que ce soit les petites, les moyennes ou même les grosses, pour constater qu’elles ne voient pas la sortie de crise qui avait été vantée depuis quelques mois.

Autre rupture, monsieur le ministre, votre prédécesseur à cette tribune ne cessait de dire que le système bancaire français était radicalement différent de celui de nos voisins et qu’il n’y avait absolument aucun danger. Mais, sitôt franchi l’Atlantique, Mme Lagarde a découvert le besoin de recapitaliser les banques. C’est vrai que ce sera probablement nécessaire, et je ferai des propositions – un de mes prédécesseurs à cette tribune a évoqué une somme de 200 milliards d’euros.

En disant que c’est la crise et qu’il faut recapitaliser, vous êtes donc un ministre de rupture par rapport à Mme Lagarde qui, elle, voyait la crise derrière nous et ne voyait pas le besoin de recapitaliser les banques.

Je voudrais insister un instant sur trois points particuliers, sur lesquels nous reviendrons dans le débat.

Premièrement, je voudrais évoquer la taxe sur les hauts revenus. Un débat a eu lieu pour savoir ce qu’était un haut revenu. Certains s’y sont livrés il y a déjà quelques années, cela leur avait d’ailleurs été fortement reproché. Vous hésitez sur le seuil : vous aviez annoncé 500 000 euros, cela descendrait à 250 000 euros, et même peut-être à 150 000 euros si l’on suivait certains députés, y compris de la majorité. Quel courage ! Quelle témérité !

À 250 000 euros par part, votre taxe ne s’appliquera qu’à partir de 500 000 euros pour un couple. Il faut que les Français sachent qu’un couple qui percevrait 510 000 euros de revenus, c’est-à-dire plus de quarante fois le SMIC, devrait acquitter la somme extraordinaire de 300 euros puisque votre taxe de 3 % ne s’applique que sur la fraction qui dépasse le seuil retenu. Quelle révolution !

Il faut le dire parce que cette mesure va sans doute faire l’objet de discussions entre vous – entre les révolutionnaires, les réformistes, les conservateurs, cela va être la course à celui qui sera le plus gauchiste sur les bancs de la majorité – et pendant qu’on occupera les gazettes, on ne parlera pas des choses qui fâchent. Ainsi donc, un couple dont les revenus atteignent 510 000 euros paiera royalement 300 euros au trésor public : mes chers collègues, vous conviendrez avec moi qu’en matière de correction des inégalités fiscales, on a vu mieux.

M. Daniel Garrigue. C’est très juste !

M. Christian Eckert. Vous évoquez un rapport de 400 millions d’euros, montant énorme bien entendu pour les salariés, mais qui ne représente que le tiers des sommes que vous demanderez aux mutuelles de santé puisque leur contribution à ce budget s’élèvera à 1,2 milliard. N’oublions pas, à cet égard, que l’année dernière vous aviez déjà demandé à ces mutuelles un effort de même importance. En deux ans, vous aurez demandé six fois plus à ceux qui ne peuvent plus payer leurs mutuelles de santé qu’aux hauts revenus, qui commencent à quarante fois le SMIC pour un couple de salariés.

Tout cela est sans rapport avec les correctifs qu’il faudrait apporter aux inégalités fiscales qui existent dans ce pays.

J’en viens à mon deuxième point : les banques. Après avoir estimé que les stress tests avaient donné de merveilleux résultats il y a quelques mois, aujourd’hui tout le monde s’accorde, semble-t-il, sur la nécessité de recapitaliser les banques. Comme par hasard, les banques renouent avec les bénéfices pour des raisons diverses et variées, en grande partie parce qu’elles ont reconstitué des provisions et parce que les banques de dépôt se montrent un peu plus rigoureuses dans la perception des frais auprès à leurs clients. Dans ces conditions, disons-le clairement, que ces bénéfices leur servent à se recapitaliser !

Or que constate-t-on ? Qu’un tiers de ces bénéfices, parfois plus, est redistribué sous forme de dividendes aux actionnaires. Il faut donc dissuader les banques – faute de pouvoir le leur interdire – de faire une telle utilisation de leurs bénéfices. Vous disposez d’une arme formidable pour cela : la taxation. Vous avez in fine refusé de majorer l’impôt sur les sociétés pour les banques et les organismes financiers au motif qu’alourdir leur imposition serait les pénaliser alors qu’ils ont besoin de se recapitaliser. Nous vous proposerons un amendement visant à taxer les sommes redistribuées sous forme de dividendes afin de pousser les banques à utiliser leurs bénéfices, parfois très importants, en vue de se recapitaliser.

Bien sûr, il faudra accompagner ce mouvement d’efforts en matière de régulation et de surveillance. Nous avons eu un débat hier sur le rôle de l’Autorité de contrôle prudentiel. Je maintiens, malgré vos arguments que j’ai eu l’occasion de démonter, que l’ACP doit être plus présente : au lieu de se contenter de mener des contrôles sur pièces, elle doit multiplier les contrôles sur place.

Enfin – et j’en termine, monsieur le président –, j’arrive à mon troisième point, la fameuse RGPP. Dans le cadre d’une mission parlementaire, j’ai reçu aujourd’hui des recteurs qui ont expliqué que s’ils entamaient une réunion en indiquant qu’elle était organisée dans le cadre de la mise en œuvre de la RGPP, la confiance était rompue et rien n’en sortait. Vous avez commis des erreurs de méthode sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir, monsieur le ministre.

J’ai bien écouté notre collègue Michel Bouvard qui pointait les économies réalisées au titre de la RGPP. Pour cette année, elles se seraient élevées à 900 millions d’euros bruts. En réalité, une fois les retours catégoriels et autres correctifs pris en compte, ces économies ne sont, en net, que de 167 millions d’euros. Mes chers collègues, 167 millions d’euros pour 30 000 emplois supprimés dans la fonction publique, cela représente combien de classes, combien d’écoles qui ferment ? combien de services publics de proximité qui disparaissent en laissant nos territoires désertés ?

M. Michel Bouvard. La RGPP a représenté plus de 4 milliards d’économies sur la mandature !

M. Christian Eckert. Monsieur Bouvard, vous parlez de 4 milliards d’économies brutes mais vous n’avez cité aucun chiffre pour les économies nettes.

M. le président. Je vous prie de ne pas répondre, monsieur Eckert, il vous faut conclure.

M. Christian Eckert. Une simple règle de trois nous montrerait que les chiffres réels sont nettement inférieurs, à coup sûr bien inférieurs au 1,8 milliard de cadeaux sur l’ISF que vous avez faits il y a quelques mois seulement.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe GDR.

M. François de Rugy. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, chers collègues, nous examinons à partir de ce soir le dernier projet de loi de finances initial de ce quinquennat. J’insiste sur le mot « initial » car nous ne savons pas encore à combien de projets de loi de finances rectificative nous aurons droit d’ici à la fin de la session parlementaire. On peut légitimement s’interroger au vu du très grand nombre de celles-ci pour la seule année 2011, la dernière ayant été discutée ici même hier soir. La veille de l’examen du budget pour 2012, on en était donc encore à débattre d’une loi de finances rectificatives pour 2011 ! Certes, on peut considérer que cette discussion était liée à un événement extérieur puisqu’elle portait sur Dexia, mais avec les lois rectificatives précédentes, le Gouvernement a passé son temps à défaire ce qu’il avait fait auparavant.

Le « meilleur » exemple reste bien sûr le bouclier fiscal, mesure phare du début du mandat de Nicolas Sarkozy, annoncée dès juillet 2007. Le Gouvernement se sera finalement rendu compte de son erreur, erreur dans laquelle il a persisté plusieurs années. Le coût moyen de cette mesure aura été de 600 millions à 700 millions d’euros par an et en 2014, date à laquelle le bouclier fiscal sera supprimé, son coût global atteindra plus de 4,5 milliards, somme qui correspond aux économies censées avoir été réalisées en année pleine au bout de cinq ans grâce au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux.

Voilà bien ce qui caractérise le bilan de ce quinquennat.

Un Président, se croyant en quelque sorte tout permis en matière fiscale, a joué aux apprentis sorciers en demandant au Parlement d’avaliser successivement la suppression de la taxe professionnelle, après avoir fait une annonce tonitruante qui n’était absolument pas préparée, et la baisse de la TVA dans la restauration, qui a conduit, en pleine période de déficit, à rayer de notre budget près de 3 milliards d’euros de recettes fiscales.

La réalité, c’est que ces erreurs ont eu des effets parfois dramatiques sur l’équilibre de nos finances publiques. Il faut rappeler quelques chiffres en cette heure de bilan du quinquennat. Lors de l’élection de Nicolas Sarkozy, la dette publique représentait 64,2 % du PIB et le déficit 2,7 % ; aujourd’hui, nous atteignons un record avec une dette publique à 83,3 % du PIB et un déficit à plus 7 %. En valeur absolue, rappelons que le déficit est actuellement évalué par vos services, monsieur le ministre, à plus de 95 milliards d’euros, ce qui laisse à penser que l’on frôlera les 100 milliards d’euros à la fin de l’année 2011.

Je sais que vous serez tenté, monsieur le ministre, de nous dire que c’est la crise qui explique cette situation. Mais – et nous devons le rappeler chaque fois que l’occasion nous en est donnée – les rapports de la Cour des comptes, institution on ne peut plus sérieuse, objective et neutre, sont très clairs : près des deux tiers du déficit sont structurels, ce qui correspond à près de cinq points de PIB, conséquence directe des politiques fiscales aussi injustes qu’inefficaces que vous avez mises en place depuis plus de quatre ans. Si nous n’avions pas eu à subir le poids extrêmement lourd de ces mesures successives, notre déficit serait passé d’ores et déjà sous la barre des 3 % de PIB.

Le schéma qui guide le Gouvernement en matière de finances est malheureusement assez simple : il annonce en grande pompe la mise en place d’une nouvelle mesure parée de toutes les qualités, censée résoudre tous les maux ; ensuite, il se rend compte, au mieux, que la mesure ne fonctionne pas ou, au pire, qu’elle aggrave la situation des finances de la France ; alors, soit il annule purement et simplement la mesure, comme ce fut le cas tardivement pour le bouclier fiscal, soit il la compense en allant en quelque sorte faire les poches des Français, ce qui est plus grave. C’est un véritable concours Lépine auquel le Gouvernement s’est livré, monsieur le ministre, pour inventer de nouvelles taxes.

On peut saluer l’imagination dont il a su faire preuve lorsqu’il s’est agi de s’attaquer avec tant de constance au porte-monnaie des classes moyennes : cela a été la taxe sur les factures de téléphone et d’internet, puis la taxe sur les contrats de complémentaire santé, deux fois alourdie, ensuite, cette incroyable invention de la hausse de la TVA sur les parcs à thème, plus récemment la taxe sur les sodas, auparavant, il y avait eu le relèvement de la redevance télévisuelle pour les personnes âgées à laquelle nous avons réussi à faire échec en révélant le projet aux Français. J’en passe et des pires.

En ce qui concerne les promesses restées sans effet, je voudrais insister sur la baisse de la TVA dans la restauration qui a créé une nouvelle niche fiscale totalement injustifiée et toujours aussi inefficace. En tout cas, ses effets bénéfiques pour l’économie n’ont toujours pas été démontrés. J’en veux pour preuve les propos que le Président de la République lui-même adressait au tenancier d’un café …

M. François Baroin, ministre. « Tenancier », non !

M. François de Rugy. …au propriétaire d’un café, si vous préférez : « vous ne devez pas vous rappeler qui vous a accordé cette mesure mais qui vous l’enlèvera ». Il n’a pas cherché à en vanter les bénéfices pour l’économie en général et le secteur en particulier, il a simplement souligné l’importance de s’en souvenir au moment des élections. Rappelons que M. Bertrand, lorsqu’il était secrétaire général de l’UMP, n’a rien trouvé de mieux que d’envoyer des cartes d’adhésion de son parti à tous les cafetiers de France pour leur signifier qu’ils devaient se montrer reconnaissants et adhérer à l’UMP.

M. François Baroin, ministre. Cela a pu vous arriver !

M. François de Rugy. Non, je n’ai jamais envoyé de cartes pour pousser à adhérer à mon parti après qu’une mesure a été prise en faveur de telle ou telle catégorie ! Je trouve triste que l’on en soit arrivé à jouer avec les finances publiques en consacrant des sommes aussi considérables à satisfaire les intérêts de clientèles électorales.

L’an dernier, vous avez également voulu nous servir comme une grande mesure la prime de 1 000 euros. Puis l’on a pu constater que dans certaines grandes entreprises, cette prime se réduisait à 3,50 euros, cela a été rappelé récemment.

Nous pourrions encore évoquer l’exonération de cotisations sur les heures supplémentaires pour un coût de 4,5 milliards d’euros !

Plus globalement, il faut dire que vous avez accordé une attention particulière aux classes les plus privilégiées, aux plus hauts revenus, aux plus gros patrimoines. Vous avez voulu faire croire que vous reveniez sur cette politique en supprimant le bouclier fiscal mais vous avez fait un cadeau fiscal deux à trois fois plus important aux plus aisés en supprimant une grande partie de l’ISF. Pendant que vous orchestriez un faux débat autour de la taxe sur les parcs à thèmes, vous faisiez passer une mesure beaucoup plus lourde consistant en la hausse de la taxe sur les conventions d’assurance applicable aux mutuelles – j’y reviendrai par voie d’amendement pour la dénoncer encore une fois.

Bien sûr, vous essayez – séance de questions au Gouvernement après séance de questions au Gouvernement – de rejeter la responsabilité de cette situation sur d’autres, sur la crise, voire sur vos prédécesseurs – mais il faut remonter loin, maintenant, pour trouver un Gouvernement de gauche, puisque cela fait presque dix ans.

M. François Baroin, ministre. Vous aviez tapé tellement fort ! (Sourires.)

M. François de Rugy. Mais vous avez beau essayer, les Français sont écœurés de cette politique. Ils vous ont sanctionnés, d’ailleurs : vous avez perdu cinq élections intermédiaires ! Élections municipales, européennes, régionales, cantonales, sénatoriales : ces cinq défaites électorales ne vous ont pas suffi, et vous avez continué.

Je l’avais dit en 2007 : votre politique est en réalité particulièrement perverse. Vous commencez par creuser le déficit par des cadeaux fiscaux, puis vous criez au loup : il faut, dites-vous, réduire les dépenses de protection sociale, les services publics ; enfin, le bouquet final, c’est que ceux qui ont reçu les cadeaux fiscaux pourront s’enrichir encore un peu plus grâce à ces déficits, grâce à la hausse des taux d’intérêt. Nous y sommes aujourd’hui, monsieur le ministre : les agences de notation, devant lesquelles vous vous prosterniez, viennent de vous dire que la note de la France pouvait être dégradée, c’est-à-dire que les taux d’intérêt pourraient augmenter. Ce ne sera pas perdu pour tout le monde. Ce sera perdu pour le budget de l’État et pour les Français qui devront payer ; mais certains s’enrichiront encore un peu plus, ceux qui ont de gros patrimoines et dont une partie de l’immense épargne est placée en obligations d’État.

Vous auriez pu, en cinq ans, engager une réforme fiscale. Vous en aviez le temps, et vous aviez d’ailleurs fait de grandes déclarations sur ce sujet : le Président de la République serait, disait-il lui-même, un grand réformateur. Mais vous ne l’avez pas fait ; au contraire, vous avez aggravé les inégalités du système fiscal actuel.

Nous donnons, nous, rendez-vous aux Français aux élections, présidentielle puis législatives, du printemps 2012, pour leur proposer une vraie réforme fiscale, qui fusionnera l’impôt sur le revenu, la CSG et la CRDS, et qui rétablira de la progressivité et de la justice dans notre système fiscal.

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeneuve.

M. Bernard Cazeneuve. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, puisque nous abordons le dernier exercice budgétaire de la législature, vous me permettrez d’évoquer un sujet qui, dans cet hémicycle, a toujours été très consensuel : le budget de la défense nationale.

Lors de la dernière convention de l’UMP, deux esprits extraordinairement nuancés et subtils, MM. Copé et Mariton…

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Mariton, parfois, il est vraiment subtil. (Sourires.)

M. Bernard Cazeneuve. …stigmatisaient la position du parti socialiste en indiquant qu’il y avait une bonne majorité, qui sanctuarisait le budget de la défense, et une mauvaise opposition, qui s’apprêtait à le sacrifier. Je voudrais donc profiter de la discussion qui nous rassemble ce soir pour essayer d’examiner la façon dont votre gouvernement a traité le budget de la défense au cours des cinq années qui viennent de s’écouler – en mesurant ce budget non pas à l’aune de ce que nous aurions souhaité faire nous-mêmes, mais à l’aune de ce que vous vous proposiez de faire à l’origine.

Je veux d’abord rappeler que le budget de la défense nationale a vu la suppression, grâce à la réforme du ministère de la défense et sur la durée de la loi de programmation militaire, de 54 000 emplois. Cela fait du ministère de la défense le meilleur élève de la révision générale des politiques publiques.

Le Président de la République, à l’occasion d’un discours prononcé porte de Versailles au mois de juillet 2008, avait énoncé les objectifs de cette réforme. Par fidélité à sa pensée – c’est d’ailleurs le meilleur moyen de juger de son action –, je voudrais rappeler quelles étaient les grandes orientations de ce discours. (Sourires.) Il nous disait que les armées n’avaient aucune raison d’échapper à l’ambition de rupture qu’il avait portée comme un slogan tout au long de la campagne présidentielle ; nous allions voir, sous sa présidence, avec lui chef des armées, à quel point la rigueur s’emparerait de la gestion des affaires de l’État en matière de défense, et à quel point les militaires s’en porteraient mieux. Il préconisait, d’ailleurs, que les économies faites par le ministère de la défense soient intégralement réinvesties au profit de ce même ministère, de manière à atteindre un objectif qui, si j’ai bonne souvenance, était à peu près : avec moi, chef des armées, vous aurez une armée plus svelte, davantage projetable et mieux équipée.

Les 54 000 emplois supprimés devaient engendrer des économies très importantes, qui permettraient d’atteindre ces objectifs.

Monsieur le ministre des finances, je voudrais savoir quel niveau ont réellement atteint ces économies.

Lorsque la réforme a été engagée, le ministre de la défense de l’époque, M. Morin, nous avait annoncé que ces 54 000 suppressions d’emploi permettraient une diminution de la masse salariale d’environ 4 milliards d’euros, ce qui – une fois comptées les mesures d’accompagnement social et les coûts de restructuration, notamment les coûts d’infrastructure – devait dégager sur la période de la loi de programmation militaire un solde net d’économies de 2,7 milliards. Cette somme devait être intégralement réinvestie dans les équipements dont nos armées ont besoin.

Au mois de juillet 2010, le successeur de M. Morin indiquait que, sur la période allant de 2008 à 2015, le niveau d’économies serait de 4,9 milliards. Il avait donc augmenté de plus de 2 milliards. Quelques mois plus tard, au mois de janvier 2011, le ministre de la défense citait le chiffre de 6,7 milliards d’euros ; cette somme devait, encore une fois, être investie pour équiper nos armées.

Je voudrais, monsieur le ministre, savoir lequel de ces chiffres est le bon. Je voudrais d’autant plus le savoir que j’ai beaucoup de mal à comprendre comment le niveau d’économies peut augmenter quand celui des recettes diminue et que celui des dépenses augmente.

Vous avez en effet décidé, l’an dernier, de taxer le budget du ministère de la défense de 3,7 milliards d’euros : vous vous en souvenez, monsieur le ministre, c’était la contribution du ministère de la défense au plan de rigueur et de réduction des déficits souhaité par le Gouvernement.

Ce ministère, meilleur élève de la révision générale des politiques publiques, qui avait consenti un effort tout à fait considérable et s’était entendu promettre toutes sortes de choses par le Président de la République, recevait donc en guise de remerciement cette décision du Gouvernement d’une taxation à hauteur de 3,7 milliards, c’est-à-dire un milliard de plus que le niveau d’économies qui pourrait résulter de la réforme. De ce fait, l’investissement dans l’équipement de nos forces des économies permises par la réforme au terme d’un effort considérable n’était plus possible.

Les ministres nous disaient alors que, certes, le Gouvernement prélevait ces 3,7 milliards d’euros, mais que ce n’était pas tragique parce que le ministère disposait de recettes exceptionnelles.

Ces recettes exceptionnelles, qui étaient évaluées à 3,4 milliards d’euros, devaient – vous vous en souvenez, monsieur le ministre – résulter de trois éléments : la vente de l’usufruit des satellites de télécommunications militaires ; la vente des emprises immobilières du ministère de la défense ; la vente des fréquences hertziennes au terme de la décision prise par l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

Je voudrais rappeler, monsieur le ministre, ce qu’ont été ces recettes exceptionnelles en réalité. En 2009, vous aviez prévu de réaliser 1,6 milliard d’euros de recettes exceptionnelles ; vous en avez réalisé 600 millions. En 2010, sur une prévision de 1,2 milliard, vous en avez réalisé 100 millions. Il y a donc un décalage d’à peu près 2 milliards entre le niveau des recettes exceptionnelles prévues et celui que vous avez réalisé. Et, chaque année, vous inscrivez des recettes qui ont pour épithète « exceptionnelles », et le sont même tellement que, inscrites toutes les années, elles ne sont jamais réalisées : d’exceptionnelles, elles deviennent tout à fait improbables. (Sourires.)

Enfin, le Président de la République avait promis que, à compter de 2012, il augmenterait de 1 % par an le budget d’équipement de nos forces, afin qu’il passe de 15 à 18 milliards d’euros. Mais on nous explique que ce 1 % ne sera pas donné, compte tenu de la crise à laquelle nous sommes confrontés – ce que, par ailleurs, on pourrait très bien comprendre.

Nous voyons donc un ministère de la défense qui affiche des économies supplémentaires, alors que la démonstration vient d’être faite que les recettes, elles, diminuent.

Mais, pour aller au bout de la démonstration, il faut ajouter que les dépenses, elles, augmentent. Les dépenses d’infrastructure – la Cour des comptes l’a très bien montré dans son référé de 2011 – ont augmenté de près de 124 %. Les dépenses du ministère ont augmenté du fait de la projection de nos forces sur de multiples théâtres d’opérations : on l’a vu, nous avions inscrit dans la loi de finances initiale 633 millions d’euros, et la dépense s’élèvera finalement à environ 1,2 milliard ; il faudra mobiliser la réserve interministérielle. Le financement de notre participation à l’OTAN représente un surcoût de 80 millions d’euros par an. Je pourrais aussi évoquer notre base à Abou Dabi, souhaitée mais pas inscrite au budget. Tout cela représente des dépenses supplémentaires, non prévues : les dépenses augmentent ainsi bien au-delà de ce qui avait été inscrit dans la loi de programmation militaire.

Faisons le bilan : les dépenses augmentent ; les recettes diminuent ; et, par la voix du ministre de la défense, le Gouvernement nous explique que le niveau des économies augmentera de façon très importante. Pouvez-vous, monsieur le ministre, m’expliquer cette curieuse équation ? J’avoue qu’elle dépasse mon entendement – je ne suis pas le seul dans ce cas, car certains de mes collègues de la majorité ont également un peu de mal à comprendre.

Enfin, je voudrais terminer par un sujet de préoccupation important, et qui rejoint les questions régulièrement posées par le Gouvernement, y compris d’ailleurs lorsque, à l’occasion des questions au Gouvernement, il invective tel ou tel candidat, tel ou tel responsable du parti socialiste – puisque les membres de l’opposition seraient tous, collectivement, irresponsables, tandis que vous seriez, vous, systématiquement vertueux.

Je veux parler du Balardgone, c’est-à-dire de cette idée de rassembler les états-majors à Balard. Ce n’est pas une mauvaise idée ; il n’est d’ailleurs pas exclu que ce rassemblement finisse, grâce à la mutualisation qu’il autorisera, grâce aux économies qu’il engendrera, par se révéler une bonne chose pour les affaires de l’État. Mais je voudrais simplement remarquer que l’on ne peut pas, d’une part, vouloir une règle d’or destinée à mettre de la vertu partout dans les comptes de l’État, et d’autre part mettre en place un dispositif qui conduira M. Bouygues à investir 700 millions d’euros, et l’État, au terme de vingt-sept ans de partenariat public-privé, à payer à M. Bouygues 4,2 milliards d’euros, dont 800 millions d’euros de frais financiers !

M. Christian Eckert. Bravo !

M. Bernard Cazeneuve. Je cherche en vain où est l’économie pour l’État dans ce curieux montage qui comme beaucoup de PPP conduit l’État à financer une partie des profits des partenaires privés. Je voudrais que vous nous indiquiez comment vous analysez ce projet, attribué à un consortium d’entreprises sans vérification de sa conformité au plan local d’urbanisme.

Comment analysez-vous cette affaire, qui n’est sans doute pas une mauvaise affaire, mais qui mériterait d’être plus rigoureusement maîtrisée, afin que le ministère de la défense puisse vraiment faire des économies ?

On explique, à l’occasion de la convention de votre parti, que nous sacrifierions le budget de la défense quand l’actuelle majorité le garantirait. Mais la démonstration est faite que celle-ci a déjà sacrifié ce budget. Quel que soit, demain, le Gouvernement, qu’il soit l’actuel gouvernement reconduit ou un autre, la réalité budgétaire s’imposera au ministre de la défense, qui devra rendre des arbitrages douloureux. Dans le contexte contraint des finances publiques, la tentation existera toujours de faire du budget de la défense une variable d’ajustement du budget de l’État : il faudra à tout prix résister pour qu’il n’en soit pas ainsi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Reynès.

M. Bernard Reynès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais vous parler d’agriculture. Mais je ne veux pas ici tenir sur la crise de l’agriculture des propos purement incantatoires ; je voudrais plutôt me concentrer sur le problème de la main-d’œuvre dans ce secteur crucial de notre activité économique, et plus particulièrement évoquer les conséquences désastreuses de son coût élevé pour ce secteur.

Ce diagnostic, est partagé par mes collègues du Nouveau Centre, notamment Jean Dionis du Séjour et Charles de Courson.

Les écarts de salaire sont de un à vingt au sein de l’Union européenne ; à titre d’exemple, il est de 6 euros en Allemagne, du double en France. Le constat est ravageur : l’Allemagne gagne 10 % de surface agricole utile alors que nous perdons un département chaque décennie. Ce sont les secteurs qui emploient le plus de main-d’œuvre qui souffrent le plus ; je pense par exemple à la filière fruits et légumes.

Depuis 2004, l’emploi permanent de l’ensemble du secteur de la production agricole baisse de 2,4 % par an. Cette baisse de l’emploi agricole et la faiblesse de l’embauche de salariés permanents sont liées au poids excessif du coût de la main-d’œuvre.

Aussi une mesure consistant à transférer une partie du financement de la protection sociale des salariés permanents vers la fiscalité permettrait-elle d’alléger le coût du travail et favoriserait l’emploi, tout en conservant un haut niveau de prestations sociales.

C’est l’une des conclusions du rapport que j’ai remis à M. le ministre de l’agriculture, à l’issue de la mission que m’avait confiée le Premier ministre. C’est aussi l’esprit de l’amendement qu’a déposé Charles de Courson et qu’a validé la commission des finances : il vise à financer une exonération de charges par une taxe sur les boissons à sucres ajoutés, recette qui sera votée dans la première partie du projet de loi de finances. Pour ma part, je présenterai, dans le cadre de l’examen de la seconde partie de la loi de finances, un amendement clairement fléché en faveur des agriculteurs, qui prévoit une baisse des charges de 1 euro entre 1 SMIC et 1,1 SMIC et un abattement dégressif entre 1,1 et 1,4 SMIC.

Une fois n’est pas coutume, nous avons été plusieurs parlementaires à nous rendre en délégation à Bruxelles auprès de la Direction générale de l’emploi et de la Direction générale de l’agriculture afin de nous assurer que cet amendement ne serait pas assimilé à une aide d’État et donc entaché d’un risque d’euro-incompatibilité. Je remercie Charles de Courson, Jean Dionis du Séjour et Jacques Remiller qui m’ont accompagné dans cette démarche. Je tiens d’ailleurs à souligner l’esprit de collégialité qui a marqué nos travaux, en liaison avec les services du Premier ministre, du ministère du budget, du ministère de l’agriculture et avec le président de notre groupe, Christian Jacob.

Enfin, j’ajoute que cette mesure fait suite à un engagement du Président de la République, mais aussi du Premier ministre dans le discours qu’il a prononcé, à Saint-Malo, au congrès de la FNSEA, et du ministre de l’agriculture dans cet hémicycle.

Après l’exonération des charges pour les travailleurs saisonniers, cette mesure est très attendue par le monde agricole qui ne veut pas être payé avec des mots, comme l’a maintes fois déclaré le ministre de l’agriculture, M. Bruno Le Maire.

Monsieur le ministre, avant l’examen de la seconde partie de la loi de finances, il est nécessaire que le Gouvernement s’engage à ce que les sommes votées dans la partie recettes soient réellement affectées à la diminution des charges du travail permanent en agriculture.

M. Michel Vergnier. Ce n’est pas gagné !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais dire quelques mots sur la situation des collectivités locales. Après avoir parlé, hier soir, du financement des collectivités locales et notamment de la situation de Dexia, je souhaite aujourd’hui appeler votre attention, d’une part, sur l’inadaptation du présent budget à la situation des collectivités – et faire le point, notamment, sur les dotations et tout particulièrement sur la dotation globale de fonctionnement – et, d’autre part, sur la question de la péréquation, sujet qui me tient à cœur et qui intéresse aussi le rapporteur général.

Il faut appeler un chat un chat : 41,469 milliards de dotation globale de fonctionnement sont gelés…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Oui !

M. Jean-Pierre Balligand. …ce qui revient à laisser l’inflation éroder le pouvoir d’achat et réduire l’investissement public. Cette érosion ne fera que s’aggraver en 2012, alors que se profile un choc inflationniste importé par l’envolée du prix des matières premières. Ainsi, l’inflation prévue par l’OFCE en 2012 est de 1,2 %. On peut en prévoir le résultat : pour les collectivités, une crise des liquidités et une perte de pouvoir d’achat de 496,8 millions d’euros.

Le projet de loi de finances pour 2012 augmente la dotation globale de fonctionnement de 64 millions d’euros en raison des nouvelles missions qui incombent aux collectivités. Or cette augmentation de 0,2 % par rapport à 2011 ne couvre même pas l’évolution de l’indice des prix. Les collectivités territoriales auront un budget inférieur en termes réels à l’année 2011 avec des missions supplémentaires. Le Gouvernement ne vise donc qu’à prétendre indemniser les collectivités pour leurs nouvelles missions, sans leur donner les moyens d’assumer les anciennes sur les bases réelles de 2011, d’autant que, à l’article 7, la non-indexation du montant de certaines dotations de fonctionnement et d’investissement impose déjà un lourd tribut aux collectivités territoriales.

De plus, à l’article 9, l’évolution des compensations d’exonération de fiscalité directe locale privera les collectivités de 223 millions d’euros. L’État confie donc de nouvelles missions aux collectivités territoriales en leur allouant un budget de 70 millions, pendant qu’il leur prend 223 millions d’euros et laisse l’inflation amoindrir leur budget pour l’accomplissement de leurs missions traditionnelles. L’amendement que le groupe socialiste déposera vise donc à maintenir le budget des collectivités territoriales en termes réels, à missions identiques et, bien entendu, à incorporer leurs nouvelles missions.

Au total, le gel des dotations coûtera 719,8 millions d’euros aux collectivités en 2012. On peut raconter tout ce qu’on veut, voilà la facture !

M. Michel Vergnier. C’est précis !

M. Jean-Pierre Balligand. J’évoquerai à présent une question déjà abordée par la loi de finances de 2010, qui avait mis en place un dispositif de péréquation – certes imparfait – pour les régions et les départements, tout en reportant d’une année la décision concernant les communes et les intercommunalités. Mon collègue Laffineur et moi-même avons travaillé sur ce dossier avec la commission des finances. Nos collègues sénateurs ont fait de même, ainsi que les associations d’élus. Nous en sommes maintenant au stade du verdict. Le débat a tourné autour de six strates : première strate entre un et 10 000 habitants, deuxième strate entre 10 000 et 20 000 habitants, troisième strate entre 20 000 et 50 000 habitants, quatrième strate entre 50 000 et 100 000 habitants, cinquième strate entre 100 000 et 200 000 habitants, enfin sixième strate au-delà de 200 000 habitants. Cette analyse n’a fait l’objet d’aucun litige et mon propos ne pourra donc pas être taxé de sectarisme. Les maires et responsables d’agglomérations de plus de 200 000 habitants sont favorables à un scénario sans strates. Le problème, c’est que la loi de finances prévoit une pénalisation de toutes les petites et moyennes villes de France.

Mme Catherine Quéré et M. Michel Vergnier. C’est vrai !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Non, on ne peut pas dire cela !

M. Jean-Pierre Balligand. Je vais vous le démontrer. La mise en place des strates constitue une erreur sociale, car les petites et moyennes communes ont le potentiel financier agrégé moyen par habitant le plus faible. À cet égard, les différences entre les communes de moins de 10 000 habitants et les communes de plus de 200 000 habitants vont du simple au double.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il faut parler des dépenses !

M. Jean-Pierre Balligand. J’y viendrai.

Il n’est pas sérieux de prétendre qu’une commune de 30 000 ou 40 000 habitants a moins de charges de centralité qu’une commune de 200 000 habitants. Depuis plusieurs années, tous les indicateurs de la DGCL montrent que les villes de moins de 30 000 habitants ont des charges de centralité très importantes. La proposition du Gouvernement fait fi de tout cela.

Pour que les choses soient claires, je citerai quelques chiffres. Le potentiel financier agrégé national – sans strates – est de 989 euros. Pour la première strate, c’est-à-dire pour les communes de moins de 10 000 habitants, il est de 668 euros, alors qu’il s’élève à 1 296 euros pour les communes de plus de 200 000 habitants. On passe bien du simple au double.

Regardons où est localisée la richesse, et en particulier la CVAE : les industries ne sont pas dans les grandes agglomérations, mais dans les villes petites et moyennes, celles-là même qui ont beaucoup perdu avec la réforme de la taxe professionnelle. Je ne discute pas du bien-fondé de cette réforme, car on peut comprendre que le Gouvernement ait agi de la sorte, mais encore faut-il en tirer les conclusions.

Les petites villes et les villes moyennes sont sanctionnées, tout comme les petites communes rurales de vingt à cent habitants qui n’ont aucune charge de centralité, qui n’ont même aucune charge.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il faut sortir les communes isolées.

M. Jean-Pierre Balligand. Je sais de quoi je parle, car j’ai été adjoint au maire d’une commune de 290 habitants avant de devenir maire du chef-lieu d’arrondissement. Il faut arrêter de raconter des histoires.

En mettant les communes de dix habitants avec celles de 8 000 ou 9 000 habitants, on obtient un potentiel financier agrégé très faible. Toutes les communes qui ont un potentiel financier légèrement supérieur vont passer à la casserole à partir de 668 euros, mais celles qui comptent plus de 200 000 habitants ne contribueront qu’à partir de 1 296 euros, ce qui change tout. Le système est totalement injuste. Si je m’exprime avec autant de passion, c’est parce qu’on ne peut pas demander des efforts supplémentaires aux villes qui ont le plus perdu avec la réforme de la fiscalité. On sait bien que c’est là où il y a des pôles de recherche, là où sont implantées les universités – par exemple à Orsay, Grenoble, Toulouse ou Bordeaux –, là où sont situés les sièges de sociétés – dans les Hauts-de-Seine et à Paris notamment – que la CVAE est la plus forte. Mais là où sont implantées les industries, on assiste à un effondrement, puisque seule la CFE sera acquittée, car il y a peu de valeur ajoutée.

Mme Catherine Quéré et M. Michel Vergnier. Absolument !

M. Jean-Pierre Balligand. On nous avait promis un rattrapage dans ce budget, mais il n’est pas du tout à la hauteur. Quelques élus, toutes tendances confondues, sont surpris.

M. le président. Monsieur Balligand, merci de conclure !

M. Jean-Pierre Balligand. Je conclus.

Vous savez que je n’ai pas pour habitude de polémiquer, mais je considère qu’il faudra réexaminer ce dossier dans le cadre de la deuxième partie de la loi de finances.

M. Michel Vergnier. Cela devait être fait !

M. Jean-Pierre Balligand. Il n’est pas normal que les petites villes et les villes moyennes paient les pots cassés de la péréquation, dont elles auraient dû être les principales bénéficiaires, alors qu’elles ont déjà beaucoup perdu avec la réforme de la taxe professionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Monsieur le ministre, le projet de loi que vous présentez marque incontestablement des évolutions intéressantes.

Vous semblez d’abord renoncer au tout économies budgétaires que vous défendiez encore il y a peu et vous paraissez enfin admettre que vous jouez à la fois sur les dépenses et sur les recettes.

Ensuite, alors qu’il y a quelques mois vous échangiez un peu de bouclier fiscal contre beaucoup plus d’ISF, voilà que vous instituez une taxe exceptionnelle sur les hauts revenus, après que quelques spécialistes des bonus et des retraites chapeaux se sont médiatiquement déguisés en bourgeois de Calais pour supplier le fisc de les imposer un peu plus.

Enfin, avec pour objectif un déficit de 4,5 % du PIB s’inscrivant dans une trajectoire devant aboutir à 3 %, vous revenez dans la logique du pacte de stabilité et remisez au magasin des accessoires de campagne une règle d’or que plus personne, ni à gauche ni à droite, n’ose désormais défendre.

Mais, monsieur le ministre, pour répondre aux défis économiques et financiers auxquels nous sommes confrontés, pour retrouver les voies de l’indépendance, de la croissance et de l’emploi, il faudrait aller beaucoup plus loin et répondre à deux exigences.

Il faut d’abord, dans l’esprit de la Ve République, allier l’effort et la justice. L’effort, c’est celui qu’il faut consentir, par l’activité et par les prélèvements, pour réduire le déficit et la dette. La justice, c’est faire en sorte que la charge soit équitablement partagée et tout simplement que l’on demande plus à ceux qui ont les moyens de donner plus. Cela supposerait un « mix » fiscal que vous ne voulez pas envisager.

Il s’agirait de rendre à l’impôt sur le revenu son caractère redistributif, ainsi que le proposent d’ailleurs une soixantaine de députés de votre majorité, d’établir un second taux réduit de TVA – je propose de le fixer à 12 % – et d’y soumettre les biens et les services, la restauration, les œuvres d’art, qui ne répondent pas aux critères d’un taux à 5,5 %. Il conviendrait en outre d’accentuer certains impôts sur les revenus du patrimoine et sur les patrimoines élevés au profit des finances publiques, de la sécurité sociale et de la CADES.

La seconde exigence consisterait à retrouver une véritable crédibilité et la capacité d’agir au sein de l’Europe. Il s’agit d’abord d’anticiper les difficultés avec lucidité – je pense à la dette grecque – au lieu de ne décider qu’en subissant les événements. Il y faut une fermeté que tous doivent accepter, mais il y faut aussi de la solidarité. Il convient également d’avoir le courage de dire aux opinions publiques qu’on ne sauvera pas l’euro et tout ce qui va avec lui sans qu’il nous en coûte un minimum.

D’autre part, nous devons avoir l’ambition de nous donner de nouveaux instruments de croissance. La mobilisation autour des investissements de long terme, qui s’ébauche autour de la Banque européenne d’investissement, de la Caisse des dépôts et de quelques autres, doit être renforcée. Il s’agit de développer également l’idée d’euro-obligations finançant des investissements d’avenir, ainsi que l’a proposé l’ancien président de la Commission, M. Jacques Delors.

Voilà quelques-unes des mesures qui rétabliraient l’esprit de justice et de confiance qui fait encore, monsieur le ministre, si cruellement défaut à votre projet. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de budget témoigne d’un effort poursuivi, accentué pour le rétablissement des finances publiques. Cet effort est louable, il est indispensable, à la fois contraint et assumé.

En même temps, il doit être compris et soutenu par nos concitoyens. Pour cela, monsieur le ministre, il est important de parler clairement. Comme on l’a dit : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. » Je suis de ceux qui pensent que notre politique serait à la fois plus vigoureuse, mieux comprise, mieux partagée, si elle était mieux désignée.

Je fais partie de ceux qui n’ont pas de pudeur à employer le mot « rigueur », une rigueur engagée dans les faits par le Gouvernement, puisqu’il n’avait pas d’autre choix. Il a donc agi intelligemment. J’approuve le progrès réalisé dans la maîtrise de la dépense par le biais, notamment, de l’augmentation de certains impôts sur laquelle les opinions peuvent différer.

Associons-nous complètement nos concitoyens à cette double démarche ? Il faut sans doute la leur expliquer mieux.

En ce qui concerne les impôts – le rapporteur général l’a rappelé –, nous les avons depuis quelque temps augmenté de manière non négligeable,…

M. Christian Eckert. Quelle lucidité !

M. Hervé Mariton. …en particulier ceux des plus favorisés, ce qui ne justifie aucune émotion particulière, mais ce qui irait mieux en le disant, afin que la dimension de justice et que les modalités de répartition de l’effort soient mieux comprises par nos concitoyens.

Que, dans l’effort budgétaire, entre maîtrise des dépenses et augmentation des impôts, le curseur ne soit pas placé à l’endroit idéal, nous l’avons répété à plusieurs reprises. Que l’effort ne puisse se réaliser sans solliciter l’impôt, je peux le concevoir, le comprendre, mais cela irait mieux – j’y insiste – si le Gouvernement l’affirmait plus explicitement, s’évitant ainsi la multiplication de petites mesures parfois intelligentes et pleines de sens, parfois assez curieuses et qui, souvent, aboutissent à des débats, des polémiques qui ne sont pas tout à fait à la hauteur des choix budgétaires qui s’imposent à nous.

Je le répète – et, à en juger par les messages qui nous sont transmis aujourd’hui, nous le vérifierons dans les mois qui viennent– , la maîtrise de la dépense doit rester la priorité. Si des mesures sont prévues concernant l’impôt, il vaut mieux, pour que nos concitoyens comprennent et partagent la stratégie économique et fiscale du Gouvernement et de la majorité, les assumer, les identifier clairement et faire en sorte qu’il s’agisse de choix politiques assumés plutôt que d’une addition de mesures contingentes dont la cohérence n’est pas toujours évidente à saisir.

Je rejoindrai le propos – peut-être pour l’avoir tenu moi-même pendant longtemps – du rapporteur général, rappelant que la réduction des niches fiscales revient à une augmentation d’impôts.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très juste !

M. Hervé Mariton. Lorsque l’évaluation de dispositifs est défavorable et conduit à leur réforme, tout cela est compréhensible. Mais attention à la chasse aux niches fiscales, à la battue que certains voudraient engager, qui constituerait à sa manière un choc fiscal que l’opposition appelle peut-être de ses vœux mais que, pour notre part, nous ne souhaitons pas.

Passé une certaine dose…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cela s’appelle une surdose.

M. Hervé Mariton. …et passé les mesures sans doute de bons sens quelquefois prises par le Gouvernement, l’adresse terminologique ne dupera plus nos concitoyens.

Au fond, monsieur le ministre, par nécessité, nous avons une volonté de rigueur. Comme vous le dites et comme le Président de la République lui-même le souligne fort à propos, la rigueur ne doit pas représenter un coup de massue fiscale. La rigueur, c’est d’abord la maîtrise de la dépense.

M. le président. Merci de bien vouloir conclure, mon cher collègue.

M. Hervé Mariton. La France est la France dans le monde. Il y a des choix à opérer. Il existe des différences politiques, un clivage entre la majorité et l’opposition, un clivage entre la droite et la gauche qu’il faut assumer clairement pour que nous soyons soutenus clairement par nos concitoyens.

M. le président. Je vous remercie pour cette conclusion, monsieur Mariton.

M. Hervé Mariton. Mais je conclus, monsieur le président…

M. le président. Vous avez largement dépassé votre temps de parole, mon cher collègue.

M. Hervé Mariton. L’effort budgétaire du Gouvernement est louable, il faut l’assumer et le poursuivre.

M. le président. La parole est à M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, j’ai entendu certains d’entre nous chercher à situer le projet de budget pour 2012 dans le contexte de la crise actuelle.

Pour ma part, je me suis penché sur les anticipations d’il y a trois ans pour ce même budget 2012. Le rapport de 2009 de la Cour des comptes prévoyait pour l’année prochaine un déficit budgétaire de 6 % du PIB quand le Gouvernement prévoit aujourd’hui un chiffre de 4,5 %. Mieux : le déficit structurel qui, selon la Cour, atteignait 3,5 % du PIB en 2008, ne sera plus que de 2,6 % en 2012.

Pourquoi ce résultat ? Simplement parce que le travail de fond engagé depuis 2007 inverse une tendance dont la Cour des comptes avait situé l’origine dans les années 1990.

Révision tant décriée des cartes judiciaire et militaire, réorganisation de l’État, non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, autant de réformes structurelles qu’il fallait engager et qui commencent de porter leurs fruits.

La gauche explique avoir conquis le Sénat du fait du ras-le-bol des territoires qui n’en pourraient plus de subir ces réformes. Pourquoi pas ? On peut certes flatter les conservatismes pour gagner une élection. Mais s’agit-il du chemin à suivre pour le pays, dans un monde en pleine mutation ? Souvent, en politique, la voix du courage est la plus raisonnable. C’est sans doute aussi pour cette raison que les Français savent que ces décisions prises hier évitent aujourd’hui un vrai budget d’austérité.

En 2012, le montant des pensions et des prestations sociales va augmenter au rythme de l’inflation, soutenant ainsi la demande. De même, le budget de la recherche ou celui de certains programmes d’infrastructures voient leurs crédits augmenter, ce qui est nécessaire pour soutenir l’investissement public et privé.

Cela suffit-il ? Non, car avec 55 % de dépenses publiques par rapport au PIB, les dépenses ne sont pas supportables à terme. Malgré ce que certains prétendent, notre taux de prélèvements obligatoires, déjà très élevé, comme vient de le souligner Hervé Mariton, ne laisse aucune marge de manœuvre du côté des recettes si nous voulons préserver notre capacité à croître. Soutenir le contraire est un mensonge avéré.

Supprimer les principales niches fiscales – emplois familiaux, TVA sur les travaux, quotient familial, heures supplémentaires, abattements pour les retraités, fiscalité sur l’assurance-vie –, comme le propose la gauche, si je lis les propositions des candidats à la candidature, attaquerait directement le pouvoir d’achat des classes moyennes et donc le cœur de la demande.

M. Christian Eckert. Étiez-vous donc à la convention de l’UMP cet après-midi ?

M. Olivier Carré. C’est pourquoi il faut poursuivre avec opiniâtreté la réduction des dépenses publiques. Il ne s’agit pas du chemin le plus facile mais du plus utile pour le pays. On peut assouplir la méthode employée jusqu’à présent mais rien ne serait plus dangereux qu’un changement brutal, qu’il s’agisse de la fiscalité ou de l’embauche rapide de milliers d’agents publics. Le cap a été donné et ne doit pas varier.

Une véritable révolution des mentalités s’opère, qui devrait tous nous inspirer : un nombre croissant de Français estiment que dépenser plus n’est pas la solution au problème. Pour certain, c’est même devenu « le » problème.

Il faut proposer des politiques qui font davantage appel à la confiance, à la responsabilité et à l’initiative personnelle.

Pour diminuer les dépenses publiques de quatre points du PIB en cinq ans, afin d’en revenir à un taux proche de celui d’il y a à peine une dizaine d’années, il existe des pistes : allègement des normes pour les collectivités territoriales et pour les entreprises – plus de 17 milliards d’euros sont concernés –, poursuite du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et extension de ce principe à d’autres secteurs de l’administration que celui de l’État, révision de certains programmes de la LOLF, réorientation de la politique du logement, rebudgétisation des politiques publiques dans les DOM-TOM, baisse du coût de gestion des administrations publiques – qui laisse prévoir l’apparition de nombreux gisements –, lutte contre la fraude sociale – je pense au rapport de la MECSS cosigné par les représentants de tous les groupes politiques de l’Assemblée –, poursuite du gel des interventions.

Une baisse de la dépense bien ordonnée, s’accompagnant d’augmentations limitées et fléchées d’un allégement des normes réglementaires, d’une plus grande confiance à l’égard des collectivités territoriales, favorisera la croissance. Si, dans le même temps, nous prenons à bras-le-corps les problèmes de compétitivité de la France, mis en évidence par l’excellent rapport des syndicats CFDT, CGC, MEDEF, CGPME, intitulé Approche de la compétitivité française, et si nous mettons en œuvre la plupart des solutions que ces syndicats préconisent en commun, alors nous desserrerons l’étau que nous imposent les déficits, ceux des comptes publics comme ceux du commerce extérieur.

Telles sont les conditions qui permettront à la France d’être utile à l’Europe. Une France forte pour une Europe forte, c’est la perspective dont nous avons impérativement besoin aujourd’hui.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Très bien !

M. Jean Proriol. Excellent !

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le ministre, votre gouvernement avait proclamé la victoire du pouvoir d’achat sur la crise. C’était un autre temps. Depuis, un Français sur trois a renoncé à se soigner, un Français sur sept vivait en 2009 sous le seuil de pauvreté, selon une étude récente de l’INSEE, qui ne prend d’ailleurs pas en compte la montée de la précarité en 2010 et 2011 !

Dans son dernier texte sur la consommation, celui défendu par M. Lefebvre, votre gouvernement n’a agi sur aucun des leviers tendant à soutenir vraiment la consommation ou le pouvoir d’achat. Votre seule arme a consisté à renforcer théoriquement la protection des consommateurs en donnant plus de pouvoirs à la DGCCRF, votre administration. Manque de chance, nous n’y aurons pas cru longtemps, puisque le budget dont nous discutons ce soir acte la réduction importante du budget de la DGCCRF – moins 1,2 million d’euros –, alors que cette direction était pourtant déjà en sous-effectif : ses moyens ont baissé de 17 % depuis 2010. De qui se moque-t-on ? disait l’autre.

Les masques tombent. Mais le masque le plus caricatural, le sacrifice le plus durable, c’est bien celui de l’environnement. L’élan du Grenelle est bel et bien brisé. Et, ce soir, il gît littéralement à nos pieds. Le plus grave, dans cette affaire, ce n’est même pas que vous ayez trahi vos promesses – nous y sommes maintenant habitués. Le plus grave, le plus impardonnable, c’est que tout le monde en paiera le prix : nous, nos enfants et nos arrière-petits-enfants. Car les dernières évaluations des conséquences des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial sont alarmantes : nous dépasserions les quatre degrés Celsius d’augmentation de la température à la fin du siècle, quand le protocole de Kyoto avait estimé à deux degrés la limite à ne pas dépasser. Or que constatons-nous ce soir ? Une baisse globale des moyens affectés à l’action « Lutte contre le changement climatique » de près de 20 % ! Quel beau signal envoyé à nos partenaires européens et aux autres pays, à quelques semaines d’une conférence internationale cruciale pour la suite du protocole de Kyoto !

Nous constatons également que les moyens de l’ADEME ne suivent pas la montée en puissance de ses missions. Son président nous a même récemment avoué que « la capacité d’instruction et de production de l’ADEME a atteint ses limites ». Comme pour la DGCCRF, plus la liste des missions s’allonge, moins il y a de moyens pour les assumer.

Autre signal, qui est un signal d’absence, celui-ci : toujours pas de contribution carbone à l’horizon. Le sujet apparaît en creux et en négatif, par le biais de la tentative de rattrapage de votre bourde – passez-moi l’expression – de sous-évaluation des quotas de CO2 attribués par l’Union européenne pour nos industriels jusqu’en 2012. Le problème est que vous avez voulu faire payer à nos industries lourdes, déjà en difficulté, le prix de vos erreurs, en taxant leur chiffre d’affaires pour 2012. Et, après, on parle de désindustrialisation : vous l’aurez cherché !

En matière de politique énergétique, je ne peux m’empêcher de sourire à la lecture du rappel des objectifs de la loi de programmation énergétique de 2005. Je pense notamment à celui qui entendait « limiter les pollutions ainsi que les rejets liquides ou gazeux liés à l’extraction et à l’utilisation des combustibles, en particulier les émissions de gaz à effet de serre ». Je rappellerai poliment que, il y a quelques jours encore, vous avez une nouvelle fois rejeté la proposition de loi du groupe SRC tendant à interdire le forage profond pour aller extraire les hydrocarbures dits de « roche mère ». D’ailleurs, en Île-de-France, les permis d’exploration d’huile de schiste sont toujours en vigueur.

Vous tentez ici, maladroitement, de relativiser l’augmentation de la consommation finale d’énergie en 2010, ou encore de maquiller votre bilan en matière de développement des énergies renouvelables.

Le photovoltaïque, une nouvelle fois, est la grande victime de votre politique de gribouille : après avoir stoppé net l’élan de la filière, vous rabotez encore les dernières incitations pour cette énergie renouvelable, sans promouvoir pour autant les autres filières, où nous accusons un retard préjudiciable, et où le potentiel de développement est pourtant le plus intéressant pour nos territoires : l’éolien, la géothermie, la production d’électricité à partir de la biomasse, ou encore le solaire thermique.

Mais votre échec le plus cuisant se trouve là où les enjeux étaient les plus lourds : je veux parler de la rénovation du bâti existant, responsable de 45 % de nos consommations d’énergie finale et de 25 % des émissions de CO2. Certes, vous entendez ici promouvoir les « bouquets de travaux » en mettant fin au crédit d’impôt développement durable, lequel est limité, tenez-vous bien, au remplacement des fenêtres en maison individuelle. Vous tentez aussi de rattraper l’échec de l’éco-PTZ, qui aura profité à trois fois moins de ménages que ne l’escomptait votre majorité. Cela me rappelle vaguement le cuisant échec de la maison à 100 000 euros.

Mais il reste que les dépenses fiscales liées aux dépenses d’équipement de l’habitation principale en faveur des économies d’énergie et de développement durable subissent un sérieux coup de rabot, de moins 1,2 milliard d’euros, alors qu’il s’agit là d’un investissement productif et vertueux tout à fait essentiel pour l’avenir.

Nous restons sur notre faim, alors que, pour répondre à nos objectifs européens de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, il s’agirait de rénover lourdement, dès aujourd’hui, 1 million de logements par an.

Et ce n’est pas le verdissement du dispositif Scellier dans le neuf qui réglera le problème. Vous ne ferez, en réalité, que continuer à accompagner la spéculation immobilière, « tendance verte » – ça fait bien –, sans vous attaquer aux problèmes de fond et aux tendances lourdes.

À cet égard, je relève que vous vous entêtez à faire supporter aux ménages les travaux de rénovation de leur logement situé en périmètre des sites Seveso, alors que le Grenelle avait prévu un crédit d’impôt de 40 %, de nature à permettre aux collectivités et aux industriels d’assurer le reste du financement avec les ménages.

Même sur la sécurité de nos concitoyens, vous rabotez.

En matière de transports, nous ne voyons pas comment vous comptez réellement développer les transports en commun. Ou plutôt, nous avons vu, à l’occasion du fameux projet de loi « Warsmann », dit de « simplification administrative », adopté il y a peu, comment vous avez cherché à raboter le financement des autorités organisatrices de transports, via la baisse du versement transport dû par les entreprises.

Nous avons, par ailleurs, subi votre choix d’abandonner purement et simplement le wagon isolé, pourtant indispensable pour développer le fret dans nos territoires.

Nous avons aussi regretté l’autorisation donnée aux camions de 44 tonnes, comme nous regrettons aussi ce soir le nouveau report de l’éco-redevance poids lourds à la mi-2013.

En matière de déchets, vous persévérez à donner une prime fiscale à l’incinération et la mise en décharge, qui constituent, notez-le bien, un frein objectif à la réduction et au recyclage des déchets.

En matière de préservation de la biodiversité, c’est le néant absolu ! Après avoir reculé dans le domaine de la lutte contre les pesticides, votre projet de budget ne contient aucune disposition visant à supprimer les subventions néfastes à la biodiversité. Et les abeilles survivent dans la terreur, lorsqu’elles survivent.

La pertinence du maintien de l’exonération fiscale pour les agrocarburants de première génération n’est même pas remise en cause, alors qu’elle coûtera encore 200 millions d’euros en 2012, soit dix fois plus que le crédit d’impôt biologique, pourtant jugé bénéfique pour l’environnement et insuffisant pour répondre à la demande actuelle en produits biologiques.

L’inspection générale des finances, monsieur le ministre, a eu l’occasion d’appeler à la révision de la fiscalité des biocarburants, compte tenu de son inefficacité et même de ses effets tout à fait pervers.

Il n’y a rien non plus sur la fiscalité du patrimoine naturel, qui nous semble pourtant être une piste plus qu’intéressante.

Enfin, comment ne pas parler d’un sujet qui m’est cher, celui de la forêt, qui est non seulement un bien d’intérêt public, et devrait être considérée, même lorsqu’elle est privée, comme un bien commun de l’humanité, en raison des services environnementaux, sociaux et économiques qu’elle nous rend ? Vous entendez créer ici une contribution à la surface aux frais de garderie de l’Office national des forêts, dont les communes devront s’acquitter. C’est un vrai sujet. À l’heure actuelle, la contribution des communes couvre en moyenne environ 15 % du coût du régime forestier. Il est vrai que le système de frais de garderie, calculés uniquement sur les ventes de bois, conduit à ce que les communes qui vendent peu de bois – et souvent, elles n’ont pas le choix, parce qu’elles n’ont pas le droit de collecter – contribuent peu au financement des missions de surveillance ou de suivi des aménagements forestiers.

Les communes forestières – du moins la majorité d’entre elles –, conscientes de la nécessité d’instaurer plus de solidarité, ont d’ores et déjà accepté une contribution de 2 euros par hectare de forêt relevant du régime forestier, montant qui paraît déjà élevé pour beaucoup d’entre elles, compte tenu du fait que de nombreuses communes forestières sont des communes pauvres, notamment en montagne.

Pourquoi prévoir la possibilité de 4 euros par hectare, si vous ne voulez pas l’appliquer ? Vous dites que, pour 2012, ce seront 2 euros. Mais pourquoi ne pas attendre d’autres lois de finances pour réévaluer éventuellement cette contribution, dans la discussion et la transparence ? Avec ce montant de 4 euros, votre texte n’est pas conforme aux engagements pris devant les communes forestières par le ministre chargé du dossier.

La réalité, c’est que vous avez pour objectif d’augmenter rapidement ce montant pour vous décharger du financement des missions d’intérêt général de l’Office national des forêts. Ce sont déjà 700 emplois que l’ONF doit supprimer aux termes du nouveau contrat État-ONF. Après 3 000 suppressions en dix ans, c’est une nouvelle saignée que vous promettez à cet opérateur historique que vous cassez méthodiquement.

Le malaise des agents de l’ONF est pourtant concret, avec malheureusement des conséquences humaines dramatiques.

L’ONF doit être doté des moyens nécessaires, les missions de ses agents doivent être respectées et mises en valeur. La vie de la forêt s’inscrit dans la durée, et pas dans la durée d’une seule loi de finances.

Élan brisé du Grenelle, absence de politique industrielle durable, manque d’ambition et de moyens dans la lutte contre le changement climatique, absence de toute prise en compte de l’explosion de la précarité énergétique, rabotage des organismes d’État pourtant indispensables pour mener la transition énergétique et environnementale qui devrait s’imposer à notre économie et à notre société : l’État stratège est une nouvelle fois le grand absent de votre politique, non plus cette fois au bénéfice de l’État actionnaire, comme j’ai pu souvent le dénoncer en ce qui concerne l’énergie, mais pour sauver un État en voie de banqueroute. Monsieur le ministre, ce budget est la traduction d’une erreur durable ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est plus facile de promettre des dépenses que d’annoncer des économies. L’opposition a beau jeu de critiquer un gouvernement qui prend ses responsabilités, quand son candidat à la présidentielle, son tout nouveau candidat, tout beau, tout propre, est définitivement lié par un plan de 50 milliards d’euros – vous avez bien entendu – de dépenses nouvelles non financées.

M. Christian Eckert. Encore un qui était à la convention de l’UMP !

M. Alain Rodet. Contrairement à sa réputation, M. Lamour n’est pas un très fin bretteur !

M. Jean-François Lamour. Ce budget, nous le savons, n’est pas un budget comme les autres. Notre devoir est de l’assumer. Notre devoir est surtout de l’expliquer. L’effort de maîtrise des dépenses publiques, qui mobilise la majorité depuis plusieurs années déjà, doit être accentué cette année à cause de la crise des dettes souveraines, à cause des risques – et nous en avons un exemple aujourd’hui même – que cette crise fait courir aux économies occidentales.

Il est donc indispensable de contenir les déficits, afin de mettre la France en mesure de tenir ses engagements, en mesure de rester solvable.

Le gouvernement de François Fillon nous propose, par votre voix, monsieur le ministre, un budget réaliste, responsable, le premier, depuis 1945, qui voie les dépenses de l’État diminuer. Mais, même dans cette perspective, ce budget n’en a pas moins été conçu dans un esprit de justice et d’équité. Nous devons en effet veiller à ce que tous participent à l’effort collectif, à proportion de leurs moyens. C’est le sens de l’amendement que Gilles Carrez, notre rapporteur général, plusieurs de nos collègues et moi-même avons déposé afin d’abaisser les seuils d’imposition à la contribution exceptionnelle de 3 % sur les hauts revenus. Cet amendement, adopté en commission des finances, fixe désormais le seuil de déclenchement à 250 000 euros, avec une majoration du taux applicable aux contribuables qui dépassent 500 000 euros de revenu.

En portant de 7 000 à 25 000 le nombre de contribuables concernés par la taxe, les recettes attendues augmenteront de 210 millions d’euros par rapport au projet du Gouvernement, pour atteindre 410 millions d’euros. C’est là, je crois, un signe tangible du sens que notre majorité souhaite donner à l’effort national.

Élu de Paris, je me réjouis, en outre, que ce projet de budget soit l’occasion de tenir compte de la situation de ceux de nos concitoyens qui habitent le centre des grandes agglomérations, c’est-à-dire les zones où le marché de l’immobilier est particulièrement tendu. La plupart d’entre eux ne peuvent être que locataires de leur résidence principale. L’achat d’une résidence secondaire en province peut être le moyen de se constituer une épargne en vue, par exemple, d’un investissement futur, en vue de la retraite, mais surtout en vue d’une nécessaire, d’une impérieuse mobilité professionnelle.

L’amendement que vous avez déposé, monsieur le rapporteur général, avec notre collègue Michel Bouvard et moi-même, vise à exonérer de plus-value la première cession d’une résidence secondaire lorsque le cédant n’est pas propriétaire de sa résidence principale. Ce dispositif doit permettre de prendre en compte cet obstacle désormais insurmontable que représente la primo-accession à la propriété.

Enfin, en tant que rapporteur spécial de la mission « Anciens combattants », je ne peux que me satisfaire que ce budget particulièrement contraint soit aussi celui de la reconnaissance.

M. Louis Giscard d’Estaing. Tout à fait !

M. Jean-François Lamour. Je vois, monsieur Louis Giscard d’Estaing, que vous allez dans mon sens, et je vous en remercie.

Vous le savez, le Président de la République avait pris l’engagement de porter la retraite du combattant à quarante-huit points d’indice avant la fin de la législature. Nous avions milité, mes collègues Patrick Beaudouin, Georges Colombier et moi-même, pour qu’une mesure soit prise en ce sens, même dans un contexte budgétaire difficile.

C’était au fond un devoir moral, que nous avions à l’égard de ceux qui ont combattu pour notre pays. Quatre points supplémentaires, cela représente 74 millions d’euros en année pleine. Ces quatre points supplémentaires sont inscrits dans le présent projet de loi de finances, la commission les a validés, et je souhaite à présent que notre assemblée puisse les acter, en séance publique, le 15 novembre prochain.

Mes chers collègues, la retraite du combattant sera ainsi passée de trente-trois points d’indice en 2006 à quarante-huit points d’indice en 2012, alors que la majorité précédente n’avait rien fait.

M. Philippe Vigier. Rien !

M. Jean-François Lamour. C’est-à-dire que la retraite de combattant est passée de 462 euros à 665 euros.

Je conclurai brièvement, à l’adresse de nos collègues de l’opposition. Ce budget, mes chers collègues, est la preuve qu’on peut être responsables tout en restant justes. C’est là, je crois, tout ce que les Français attendent de leurs représentants. Ils vont être amenés à choisir, au cours des mois qui viennent, entre prodigalité débridée – c’est de la gauche que je parle – et sens des responsabilités, et je ne doute pas un instant qu’ils sauront se déterminer sans peine.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Brunel.

Mme Chantal Brunel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année, le budget intervient à nouveau dans un contexte international de crise, et notre endettement menace notre souveraineté. Aussi, je souhaite articuler mon propos autour de deux sujets qui me paraissent essentiels : les économies sur les dépenses de l’État et la lutte contre la fraude.

En ce qui concerne les économies sur les dépenses de l’État, la RGPP et l’ensemble des efforts réalisés par notre Gouvernement depuis 2007 ont incontestablement eu des effets que je salue. Mais, devant l’approfondissement de la crise mondiale, devant les médiocres perspectives de croissance pour notre pays et pour l’Europe, face à la menace de dégradation de la note française par l’agence Moody’s, il me semble que nous devons aller plus loin.

Nos compatriotes qui sont appelés à faire des efforts ne comprendraient pas que l’État ou les collectivités locales ne donnent pas l’exemple.

Le premier poste de dépenses est celui des frais de personnel. Le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux a été mené courageusement, mais nous venons de constater que l’économie correspondante a été, au cours des dernières années, en grande partie absorbée par des renforts temporaires, des heures supplémentaires, des augmentations de salaires. Il apparaît que, aujourd’hui, la situation implique une vigilance accrue sur ces points.

Nous avons vu, au cours des dernières années, fleurir de nombreux organismes dans la mouvance de l’État qui ne devraient pas survivre à la disparition des raisons qui ont justifié leur création : une vision critique doit nous amener à procéder à des regroupements ou à des suppressions.

Nous devons également passer au tamis toute une série de subventions plus ou moins reconduites par la force de l’habitude. Au titre de la mission « Travail et emploi », dont j’ai l’honneur d’être la rapporteure au titre de la commission des finances, je proposerai la limitation des crédits d’impôt liés aux emplois à domicile aux aides strictement essentielles, en excluant du dispositif les prestations que l’on peut qualifier de loisirs : cours de gymnastique, danse, musique ou encore coaching, qui bénéficient d’une déduction fiscale à ce titre.

Outre ces efforts, un moyen particulièrement efficace de récolter les fonds nécessaires au sauvetage de notre économie réside dans la lutte acharnée contre tous les circuits de fraude. Les Français qui travaillent dur, qui ont des difficultés, ne peuvent supporter le spectacle insolent des fraudeurs trop souvent impunis. Nous le savons tous, un certain nombre de prestations, comme le RSA, la CMU, les aides au logement, ou encore l’ASPA sont fraudées de manière importante. En ce qui concerne la CMU, par exemple, les professionnels de santé dans nos circonscriptions en font régulièrement état.

Je suis outrée par le langage de certains qui, considérant que ces prestations concernent les moins fortunés de nos concitoyens, pensent qu’il convient de les laisser tranquilles et de ne pas leur infliger une double peine en procédant à des contrôles. La puissance publique a le droit et le devoir de contrôler l’argent ou les avantages qu’elle distribue directement ou indirectement.

M. Philippe Vigier. Tout à fait !

Mme Chantal Brunel. La fraude est difficile à supporter en temps ordinaire ; elle est totalement intolérable en ces temps difficiles.

J’ajoute que ces mécanismes généreux ont souvent été créés rapidement sans mettre en place les garde-fous indispensables pour éviter la fraude, et qu’il est beaucoup plus difficile d’agir aujourd’hui.

La TVA européenne fait également l’objet d’une fraude massive, rarement citée. Les journaux se font certes régulièrement l’écho de scandales et des mesures ont enfin été prises à l’échelle européenne en ce qui concerne la TVA sur le CO2, mais le phénomène demeure s’agissant des transactions ordinaires. Divers organismes, à commencer par Europol, ont évalué la fraude annuelle sur la TVA en Europe à plus de 100 milliards d’euros. Ce sont 100 milliards perdus pour rien, alors que cette somme représente plus que le premier volet du plan d’aide à la Grèce. À l’échelle de notre pays, l’impact de la fraude à la TVA est estimé à 15 milliards d’euros : c’est presque 18 % de notre déficit public en 2012 ; c’est presque le montant du déficit de la sécurité sociale.

En son temps déjà, Maurice Lauré, inventeur de la TVA, avertissait qu’elle ne peut se passer de frontières et que, en supprimant tout contrôle physique aux frontières, compte tenu de la disparité de nos législations et de nos administrations fiscales et douanières, la fraude serait gigantesque. Pour des raisons d’affichage politique, nous n’avons pas souhaité conserver un organisme de contrôle aux frontières. Aujourd’hui, la sanction est sévère.

Il n’en demeure pas moins que cette fraude massive à la TVA, environ trois à quatre fois supérieure à la fraude évaluée avant l’acte unique, ne peut plus durer. Je serais heureuse de connaître les mesures qui vont être enfin prises, car cela fait près de vingt ans que l’on a conscience du problème et que l’on se berce de mesures inopérantes.

M. le président. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’une des rares choses en rapport avec un vrai débat budgétaire que nous ait dit Mme la ministre du budget dans sa déclaration liminaire est que la croissance était « convalescente ». Le problème, c’est qu’elle n’est qu’embryonnaire et n’atteindra probablement pas votre hypothèse de 1,75 %.

Le président de la commission des finances l’a dit, il y a trois raisons à cela. En premier lieu, la faiblesse de la croissance de la consommation des ménages entraîne chômage, précarité et diminution du pouvoir d’achat. En deuxième lieu, les investissements s’affaissent, les entreprises n’ayant plus les moyens d’investir et à cela vient s’ajouter la baisse des possibilités de recours au crédit. En troisième lieu, l’importance du déficit du commerce extérieur devrait contribuer à affaiblir notre croissance. En bref : l’hypothèse de croissance est surévaluée.

La ministre a également évoqué la sanctuarisation de la DGF. Sur ce sujet des dotations aux collectivités territoriales, je souhaite souligner trois points majeurs : le gel des dotations aux collectivités, la DGF n’augmentant que de 0,2 % à périmètre constant ; les 200 millions d’euros mis à la charge des collectivités territoriales au sein du milliard d’euros destiné à augmenter la réserve de précaution et la résorption du déficit budgétaire ; l’incertitude sur les regroupements intercommunaux à venir, car l’accroissement du coefficient d’intégration fiscale augmente mécaniquement la dotation globale de fonctionnement des intercommunalités, d’autant plus qu’il y a parallèlement une augmentation de la population intercommunale. Sur qui pèseront les réductions, dès lors que nous sommes dans des dotations à périmètre constant ? Nous le savons d’autant moins que nous n’avons pas de simulation financière sur les dotations fiscales des périmètres intercommunaux à venir ou nouveaux.

Avec Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France, je partage un souhait : que l’État ne soit pas tenté de réduire les dotations de péréquation verticales qu’il verse en estimant que la péréquation horizontale va prendre le relais.

En effet, le projet de loi de finances pour 2012 prévoit la création d’un fonds de péréquation intercommunal dont la montée en charge sera progressive, de 250 millions d’euros en 2012 à 1 milliard d’euros en 2015. Il sera alimenté par des prélèvements sur les communautés les plus riches. On devine que les débats seront vifs, en particulier pour définir l’agrégat que constitue la richesse potentielle de l’intercommunalité. Mais comment intégrer un prélèvement sur une commune riche appartenant à une intercommunalité pauvre ? Comment exclure du prélèvement des communes pauvres appartenant à une intercommunalité riche ? Comment juger de l’appréciation de la richesse par strate démographique ? La richesse des communes s’apprécie-t-elle uniquement à l’aune de leur taille ?

La question de la péréquation est donc posée. Parmi les 41 milliards d’euros de dotation globale de fonctionnement versés aux collectivités locales, 23,62 milliards sont destinés au bloc communal : 7 milliards aux intercommunalités et 16,62 milliards aux communes. Les dotations dites de péréquation – dotation de solidarité rurale, dotation de solidarité urbaine, dotation nationale de péréquation – pèsent à peine 3 milliards d’euros. S’agissant toujours du bloc communal, la masse la plus importante constitue la dotation forfaitaire de 13,78 milliards d’euros, avec en particulier une dotation de base à hauteur de 6,7 milliards d’euros.

J’avance que cette dotation est inégalitaire, et contraire à l’égalité invoquée le vendredi 7 octobre dernier devant les congressistes de l’Association nationale des élus de la montagne par le président Accoyer lui-même. J’ajoute que, en elle-même, cette dotation est antipéréquatrice. En effet, elle est versée dans une fourchette comprise entre 64 euros et 128 euros par habitant, en fonction de la taille des communes. Les 4,6 millions d’habitants des 19 000 communes de moins de 500 habitants se voient attribuer 64 euros, et les 6 millions d’habitants des onze communes de plus de 200 000 habitants, 128 euros. En résumé, ne devrions-nous pas commencer par corriger – certes progressivement –, cette inégalité entre habitants qui déséquilibre la vie sur les territoires. N’est-il pas dangereux de substituer la péréquation horizontale à ce que l’on appelle la péréquation verticale réalisée par l’État par le biais de la DGF ?

Parmi les 200 millions que vous voulez faire porter aux collectivités territoriales, il me paraît évident que vous irez chercher dans les dotations verticales. Nous serons donc très vigilants pour que les progrès de la péréquation horizontale ne soient pas contrebalancés par des régressions dans la péréquation verticale.

Monsieur la ministre, ce projet de budget entraîne les collectivités territoriales dans un cycle dépressif. Déjà, leur part dans les investissements publics diminue, passant de près de 75 % à 63 %. Vous poursuivez les attaques contre les territoires, contre la capacité d’investissement des collectivités et contre l’investissement public tout court.

Je veux évoquer préventivement, avec la vision de l’administrateur de l’Agence de l’eau Adour-Garonne que je suis, la situation des agences de l’eau. Ces opérateurs à ressources propres sont souvent cités en exemple comme l’une des meilleures façons de récupérer les coûts d’un service public sur l’usager. La ponction envisagée par l’État, évoquée dans le journal Le Monde au début du mois d’octobre et chiffrée à 55 millions d’euros, va-t-elle être mise en œuvre par un amendement nocturne de fin de débat budgétaire ? Touchera-t-elle les agences et, si c’est le cas, à quel niveau ? Si vous en avez l’intention, monsieur le ministre, permettez-moi de vous demander de répondre à ma question et d’entendre les arguments qui plaident pour la sauvegarde des marges de manœuvre et d’investissement des agences de l’eau.

Elles le font aux côtés des collectivités, départements et régions, dont ce n’est pas à proprement parler la compétence, mais qui accompagnent ainsi les collectivités rurales afin de répondre aux directives-cadres telles que celle sur les eaux résiduaires urbaines.

Un amendement scélérat, n° 118, présenté par notre collègue Mariton pourrait annoncer les vôtres, bien qu’il ait été repoussé en commission cet après-midi.

En tant que président de la commission programme et finances de l’Agence de l’eau Adour-Garonne, je mesure bien la présence de l’État. Il désigne président et directeur général. Les ministères assurent une tutelle serrée, au point que, l’an dernier, le budget pour 2011 a été retoqué en première lecture pour 75 000 euros sur un total de 275 millions d’euros.

Monsieur le ministre, l’État n’ignore rien de l’action des agences, de la mise en œuvre de leur programme d’intervention, de la situation de leurs finances. Il est parfaitement informé du fait que les fonds de roulement des agences sont grevés par des engagements financiers, représentant, en moyenne, une année complète de recettes, dont aucune tutelle n’a jusqu’à présent demandé le provisionnement.

Une ponction de ces fonds de roulement mettrait les agences dans l’incapacité d’honorer leurs engagements auprès des collectivités territoriales, qui en sont les premières bénéficiaires, à hauteur de 70 à 80 % des montants annuels engagés.

En puisant ainsi dans les fonds de roulement des agences, l’État porterait un coup supplémentaire à la capacité financière des collectivités. Ce n’est vraiment pas le moment.

Pour prolonger l’intervention de François Brottes, je remarquerai que, parmi les engagements du Grenelle, ceux relatifs à l’eau sont parmi les rares en passe d’être tenus, précisément grâce au dispositif des agences, qui en a permis le financement sur le moyen terme et le long terme, et grâce à l’engagement des collectivités sur ces enjeux qui, je le répète, ne relèvent pourtant pas de leurs compétences obligatoires.

Il paraît donc essentiel que, au lieu de mettre en péril l’équilibre financier des agences de l’eau par une ponction de leur trésorerie, l’État s’appuie sur elles et sur leur partenariat avec des élus locaux, veille à les préserver et leur laisse les moyens nécessaires à la poursuite de leur politique de développement durable.

Telle est, monsieur le ministre, notre vision de l’investissement public, celle qui est positive, vertueuse, dynamique.

Laissez l’initiative aux collectivités décentralisées, aux établissements publics de l’État, porteurs d’investissements et de croissance, et peut-être nous approcherons-nous ensemble de l’hypothèse de croissance sur laquelle vous avez fondé votre budget.

M. le président. La parole est à M. Yves Albarello.

M. Yves Albarello. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais commencer par saluer le courage du projet de budget que nous allons examiner. Par ses objectifs et par ses équilibres, il répond à la gravité de la situation financière. Ce budget, nous n’allons pas l’examiner à huis clos, mais sous le regard des générations futures et sous celui de nos partenaires européens et du monde. Tous verront que la France tient bon dans la tempête.

Un défi redoutable nous est lancé : poursuivre et intensifier le redressement des finances publiques sans bloquer la reprise économique. La ligne est claire, les objectifs sont définis. La méthode pour les atteindre peut varier, mais sans s’éloigner de l’esprit général du texte. Pour une raison simple : entre deux abîmes, il n’y a qu’une ligne de crête, et nous y sommes !

Pour la France, comme pour tous ses partenaires, le risque est double : d’un côté, céder aux sirènes des partisans du report indéfini du redressement de nos finances publiques, et c’est risquer la banqueroute ; de l’autre, soumettre le pays à une telle cure d’austérité qu’elle entraînerait un risque de récession.

Lorsque les politiques monétaires expansionnistes n’ont plus d’effet et que les dépenses publiques multiplient le déficit, lorsque la dévaluation de la monnaie n’est plus possible, lorsque la coordination européenne des politiques budgétaires reste théorique, il n’y a qu’une issue : réduire le déficit et surtout modifier la structure des dépenses et des prélèvements publics.

Nous devons réduire les dépenses sans effet sur la croissance et, symétriquement, augmenter les impôts neutres pour la croissance et réduire ceux qui la freinent. C’est la ligne générale de ce budget. Pour la première fois depuis 1945, les dépenses de fonctionnement de l’État diminuent de 1 milliard. Les recettes s’accroissent d’environ 3 milliards. La réduction du déficit public se poursuit : 7,1 % du PIB en 2010, 5,7 % en 2011 et 4,5 % en 2012. C’est un bon début. Mais il faudra amplifier l’effort.

Nous nous réjouissons que la restructuration des dépenses et des recettes soit engagée. Nous approuvons qu’elle soit inspirée de la justice sociale et de l’efficacité économique. En effet, 82 % des hausses d’impôts prévues concernent les grands groupes et les ménages les plus aisés : c’est normal et juste, vu les efforts demandés à l’ensemble de la population. C’est pertinent économiquement, les PME étant beaucoup plus créatrices d’emplois que les grands groupes. Les revenus du travail doivent être préférés aux revenus du capital, et nous voulons abaisser les seuils d’application de la taxe exceptionnelle sur les hauts revenus.

À propos du maintien des dépenses créatrices de croissance, je voudrais évoquer un sujet qui soulève des polémiques injustifiées. Le Gouvernement a décidé de sauvegarder et même d’augmenter le budget de la recherche. C’est parfaitement logique, comme il est logique de poursuivre la RGPP dans l’éducation nationale. Le budget de l’éducation nationale ne baisse pas : il se stabilise. Tout démontre que le facteur clé de performance pour un système scolaire n’est pas le fait qu’il y ait vingt-trois ou vingt-cinq élèves par classe, mais le contenu des programmes, les méthodes utilisées et enfin la qualité et la motivation du personnel enseignant. C’est le cas dans les pays les plus performants du monde, comme la Finlande. L’alternative est stricte : ou bien nous aurons un peu moins d’enseignants, plus motivés et mieux payés, ou bien nous aurons toujours plus d’enseignants, de moins en moins payés. Nous avons choisi la première solution. Ceux qui, à gauche, prétendent que nous pouvons, dans l’état actuel de nos finances publiques, avoir plus d’enseignants mieux payés sont des menteurs ou des irresponsables ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Autour de la question des finances publiques, nous devrions avoir une véritable union nationale – nous observons au contraire une fuite en avant de la gauche. Elle refuse la règle d’or…

M. Jean Launay. Vieille histoire !

M. Yves Albarello. …tout en jurant qu’elle l’appliquera plus tard. Elle a multiplié, dans le cadre de la primaire du parti socialiste, les promesses de dépenses inconsidérées, tel François Hollande qui mêle à une rigueur de façade un esprit de gabegie budgétaire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Rodet. Parlez-nous du budget, pas de François Hollande ! Vous vous prenez pour Maurice Barrès, pour Léon Daudet ?

M. Yves Albarello. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais laisser le dernier mot au général de Gaulle, qui, le 28 décembre 1958, invitait les Français à un effort conduisant au renouveau : « Sans l’effort de remise en ordre avec les sacrifices qu’il requiert et les espoirs qu’il comporte, nous resterons un pays à la traîne, oscillant perpétuellement entre le drame et la médiocrité. Au contraire, si nous réussissons la grande entreprise nationale de redressement financier et économique, quelle étape sur la route qui nous mène vers les sommets ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Et il a réussi !

M. le président. Mes chers collègues, le ministre, étant impressionné par cette citation du général de Gaulle après qu’on l’eut rappelé à son gaullisme originel toute la soirée d’hier, je vais lever la séance.

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, mercredi 19 octobre, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2012.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 19 octobre 2011, à zéro heure cinq.)