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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2011-2012

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 29 février 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Le Fur

1. Projet de loi de finances rectificative pour 2012

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Discussion générale

M. Pierre Gosnat

M. Jérôme Chartier

M. Christian Eckert

M. Charles de Courson

M. Daniel Garrigue

M. Pierre-Alain Muet

Texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture

Explication de vote

M. Pierre Gosnat

Vote sur l’ensemble

2. Organisation du service et information des passagers dans les entreprises de transport aérien

M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports

M. Éric Diard, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Motion de rejet préalable

M. Daniel Goldberg

M. Charles de Courson, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Pierre Gosnat, M. Yves Nicolin

Discussion générale

M. Charles de Courson

M. Pierre Gosnat

M. Yves Nicolin

M. Jean Mallot

M. Jean-Paul Chanteguet

M. Thierry Mariani, ministre

Texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture

Explication de vote

M. Daniel Goldberg

Vote sur l’ensemble

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)

1

Projet de loi de finances rectificative pour 2012

Lecture définitive

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en lecture définitive du projet de loi de finances rectificative pour 2012 (nos 4423).

La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le rapporteur général, cet après-midi, le Sénat a adopté la question préalable et, de fait, a rejeté le projet de loi de finances rectificative pour 2012.

M. Charles de Courson. Merci au Sénat !

M. Pierre Gosnat. Très bien !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement vous demande donc de statuer en dernier ressort sur le texte que vous avez adopté en nouvelle lecture – et qui sera très certainement le dernier texte financier de cette session parlementaire.

M. Christian Eckert. Vous aviez déjà dit cela la dernière fois !

Mme Valérie Pécresse, ministre. J’avais simplement dit qu’il n’y aurait pas de troisième plan de rigueur, monsieur Eckert, et je n’ai pas menti.

Au cours de nos débats, nous avons eu dans cette assemblée de vrais dialogues, animés et exigeants, mais toujours constructifs. Le Gouvernement a conscience que les délais d’examen ont été très courts et ont contraint votre commission des finances à accomplir un travail considérable en un temps record. Je dois à l’honnêteté de dire que ce n’était pas la première fois sous mon mandat.

Pour autant, la qualité de nos échanges n’en a pas été affectée et je tiens pour cela à remercier l’ensemble des parlementaires, de la majorité comme de l’opposition…

M. Pierre Gosnat. C’est aimable !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …ainsi que les collaborateurs de la commission des finances.

Mesdames et messieurs les députés, vous avez une nouvelle fois prouvé que le Gouvernement pouvait compter sur l’excellence de votre expertise. Vous avez démontré, s’il en était encore besoin, que lorsque l’urgence l’exige, votre mobilisation et votre réactivité sont exemplaires. Or, nous le savons tous, pour répondre au défi de la croissance, la réactivité et la détermination sont deux armes essentielles.

Dans cette assemblée, le débat a bel et bien eu lieu. Et je regrette qu’il n’en ait pas été de même au Sénat.

Mme Marie-Christine Dalloz. Hélas !

Mme Valérie Pécresse, ministre. La démocratie, c’est accepter le dialogue, c’est accepter, lorsqu’il s’agit de l’avenir de notre pays, de confronter nos idées et surtout de débattre projet contre projet. La Haute Assemblée n’a pas voulu honorer ce rendez-vous. Pour ma part, j’y vois tout simplement une crainte des sénateurs de l’opposition : la crainte que soit mise en lumière la pauvreté d’une argumentation qui, faute de propositions tangibles, est fondée sur le contre-pied systématique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Christian Eckert. Oh, oh, oh !

M. François Scellier. C’est pourtant bien vrai !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Cette posture, c’est celle d’une gauche sur la défensive, qui semble placer les querelles partisanes au-dessus de l’intérêt de la France ; une gauche qui, pour contester les réformes de ce projet de loi de finances rectificative, n’a d’autres choix que de recourir à la caricature. Car, au fond, nous le savons tous : la question de la compétitivité, qui est au cœur de ce texte, est aujourd’hui incontournable. Nous ne retrouverons pas le chemin de la croissance si nous n’y prêtons pas une attention de tous les instants, et personne ne pourra se payer le luxe de remettre en cause nos réformes sans en faire payer le prix à l’ensemble des Français.

M. Pierre Gosnat. Surtout aux riches !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous savez, les projets de micro-taxe sur les ultra-riches ne sont que le paravent d’un choc fiscal généralisé sur les classes moyennes et sur les Français les plus fragiles. J’ai bien regardé le projet de François Hollande…

M. Pierre Gosnat. Mon candidat à moi, ce n’est pas François Hollande, c’est Jean-Luc Mélenchon !

Mme Valérie Pécresse, ministre. J’ai bien écouté le candidat socialiste auquel vous allez vous rallier entre les deux tours, monsieur le député, car je ne pense pas que vous vous abstiendrez au second tour.

M. Pierre Gosnat. Jean-Luc Mélenchon sera au second tour !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ne croyez pas ceux qui vous disent qu’ils vont taxer les ultra-riches : ils taxent en réalité de 4 milliards d’euros tous les Français pour la réforme de la dépendance et de 5 milliards d’euros tous les Français pour revenir sur la réforme des retraites, soit 9 milliards de choc fiscal pour tous les ménages. C’est quand même beaucoup plus que 250 millions pris à ceux qui gagnent plus de 1 million d’euros !

M. Pierre Gosnat. Ça, ce sont les propositions de François Hollande, pas celles de Jean-Luc Mélenchon !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il faut regarder la réalité en face : l’hypertaxation n’est pas une politique, pas plus aujourd’hui qu’hier. L’exigence, c’est d’abord la baisse de la dépense et des politiques de réforme pour améliorer la compétitivité de nos entreprises et notre économie. C’est l’évidence même, et tous ceux qui, dans les circonstances actuelles, jugent déraisonnable et injustifié de baisser le coût du travail dans notre pays, vivent en dehors de la réalité.

Mesdames et messieurs de l’opposition, il est temps d’être lucides : oui, nous avons un déficit de compétitivité, oui, les entreprises sont tentées de délocaliser leur production, et oui, la baisse du coût du travail contribuera à résoudre ces difficultés. Le débat sur le coût du travail était attendu depuis des années, sur les bancs de la droite comme sur ceux de la gauche ; il a enfin eu lieu, dans cet hémicycle, grâce à vous. Et je tenais, là encore, à vous exprimer toute ma reconnaissance, quelle que soit la diversité des points de vue qui se sont exprimés ici.

Bien sûr, dans le même temps, il faut agir sur la compétitivité hors prix. La gauche a découvert cette dimension il y a peu. Cette conversion est bien tardive. Permettez-moi de vous rappeler que le Gouvernement agit dans cette direction depuis 2007 et que la gauche a constamment refusé de voter les réformes que nous avons proposées dans ce domaine : ainsi la réforme du crédit d’impôt recherche, que nous avons triplé, ou celle de la taxe professionnelle.

Avec les 35 milliards d’euros des investissements d’avenir, avec la réforme de l’université, avec le renforcement d’OSÉO, nous avons créé un environnement favorable au développement de nos entreprises.

M. Christian Eckert. Ça ne marche pas !

M. Pierre Gosnat. Les présidents d’université ne sont pas d’accord !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Et ce projet de loi de finances rectificative est l’occasion d’aller encore plus loin, avec notamment le renforcement du plan de développement de l’apprentissage ou la création d’une banque de l’industrie.

Mesdames et messieurs les députés, il n’y aura pas de croissance possible si nous ne tenons pas également nos engagements en matière de réduction des déficits publics.

M. Daniel Garrigue. Il serait temps !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Oui, monsieur Garrigue, mais ce n’est pas un choix : c’est une obligation et c’est le respect de la parole de la France.

C’est pourquoi, à côté des mesures de compétitivité, ce texte tire aussi toutes les conséquences sur le budget de l’État de la révision de croissance de 1 à 0,5 %. Grâce à notre gestion exemplaire des comptes publics et grâce à la prudence de nos hypothèses, qui nous a notamment conduits à augmenter…

M. Pierre Gosnat. Le chômage !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …à 6 milliards d’euros notre réserve de précaution en loi de finances initiale, l’impact de la baisse de la croissance sur les ressources de l’État est entièrement absorbé sans avoir besoin d’un troisième plan de rigueur. Non, nous ne demanderons pas un euro supplémentaire aux Français.

M. Christian Eckert. Vous plaisantez ?

M. Pierre Gosnat. Et la TVA, c’est quoi ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je maintiens : malgré cette nouvelle prévision, nous atteindrons les 4,5 % de déficit prévu en 2012. Je vous entends encore caricaturer cette réforme ; je vous le répète une dernière fois : la baisse du coût du travail sera de 13,6 milliards, la hausse de la TVA sera de 10,6 milliards…

M. Pierre Gosnat. C’est une régression !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …et la hausse des prélèvements sur les revenus du patrimoine de 2,6 milliards. La hausse de la TVA sera inférieure à la baisse du coût du travail. Pas un euro supplémentaire n’ira dans les caisses de l’État et les prix n’ont aucune raison d’augmenter, puisque le coût des produits français va baisser beaucoup plus que la TVA n’augmentera. Cessez donc de caricaturer la réforme que nous vous présentons ce soir : nous avons eu l’occasion, des heures durant, d’en expliquer l’équation économique et fiscale. Elle est équilibrée, ce n’est pas une mesure antidéficit, ce n’est pas une mesure de rendement, ce n’est pas une hausse globale d’impôt ; c’est un transfert de charges financières et une modification du financement de la sécurité sociale pour préserver notre modèle social et accroître l’emploi en France.

J’ajoute que, dans notre pays, le spectre de la récession s’éloigne.

M. Christian Eckert. Oh, oh, oh !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Eckert, ne vous réjouissez pas qu’une menace de récession pèse sur la France ! Ce n’est pas drôle !

M. Christian Eckert. Je ne m’en réjouis pas, madame !

M. Pierre Gosnat. Ce qui est drôle, c’est ce que vous dites !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le spectre de la récession s’éloigne parce que le dernier trimestre 2011 n’a pas été un trimestre de récession. La sérénité revient dans la zone euro grâce au traité que le Président de la République et la Chancelière Merkel ont négocié.

M. Pierre Gosnat. Soumettez-le à référendum !

Mme Valérie Pécresse, ministre. La confiance commence à revenir dans la zone euro grâce au mécanisme européen de stabilité – que vous avez refusé de voter, lui aussi. Pendant des mois, vous avez martelé que nous ne tiendrions pas nos objectifs de déficit,…

M. Christian Eckert. En matière de déficits, vous vous y connaissez !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …que nous ne tiendrions pas nos objectifs de croissance, que nous allions faire un troisième plan de rigueur.

M. Charles de Courson. Chut ! Chut !

M. Pierre Gosnat. Combien de chômeurs en plus ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Et tout cela, c’était à cause de Nicolas Sarkozy. Monsieur de Courson, je vous prends à témoin : ne disaient-ils pas que c’était à cause de Nicolas Sarkozy ?

M. Pierre Gosnat. M. de Courson est complice !

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est sans doute mon dernier discours de la législature, et vous me permettrez de le faire un peu plus étoffé qu’à mon habitude. J’aurais aimé que l’opposition reconnaisse que, si nous avons fait mieux en matière de déficit, si nous avons tenu nos objectifs de croissance, si nous n’avons pas fait de troisième plan de rigueur…

M. Christian Eckert. Vous en avez au moins deux à votre actif !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …c’est grâce à la politique économique de Nicolas Sarkozy. Le raisonnement a contrario est implacable, monsieur Eckert.

C’est pourquoi nous prolongeons dans ce texte – un texte qui méritait un débat approfondi et que nous avons élaboré en coresponsabilité – notre engagement de réduction des déficits.

Dans ce débat, votre rapporteur général a bien évidemment, comme à son habitude, tenu une place centrale. Votre expérience et votre connaissance fine des questions budgétaires et fiscales, cher Gilles Carrez, se sont encore une fois révélées indispensables pour éclairer nos travaux et les enrichir. Vous avez soutenu la voix de la majorité et du Gouvernement avec force et conviction ; pour tout cela, je tenais, en son nom, à vous remercier très sincèrement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Je veux également saluer le travail accompli par l’ensemble de la commission des finances, et par son président Jérôme Cahuzac, qui n’est pas là ce soir mais qui mérite néanmoins aussi de voir sa présidence et son magistère salués.

Je tiens enfin à exprimer la reconnaissance du Gouvernement à tous les parlementaires de la majorité, qui ont été un soutien indéfectible à son action dans une réforme qui n’était pas si simple à porter, notamment aux présidents Christian Jacob et Yvan Lachaud, à qui vous transmettrez mes amitiés et tout mon respect. Comme à leur habitude, ils ont répondu présent pour mobiliser l’ensemble de la majorité et ils ont veillé à la qualité de nos échanges.

Mesdames et messieurs les députés, grâce au travail que nous avons conduit ensemble – dans ce collectif budgétaire comme dans tous ceux qui l’ont précédé cette année –, la France sera au rendez-vous de la compétitivité et de l’équilibre budgétaire, avec, au bout du chemin, une croissance forte et durable dont tous les Français bénéficieront. Je vous remercie d’y avoir pris toute votre part. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire, lundi, n’ayant pas abouti et le Sénat ayant, cet après-midi, adopté à nouveau une question préalable et rejeté du coup le projet de loi de finances rectificative, il nous revient, conformément à l’article 45, alinéa 4, de la Constitution, de statuer à nouveau sur le texte que nous avons adopté hier soir, mais cette fois définitivement.

M. Charles de Courson. Si ce n’est pas beau, la procédure, tout de même !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Comme c’est probablement ma dernière intervention – restons prudents ! – sur une loi de finances, je voudrais exprimer un certain nombre de remerciements.

M. Pierre Gosnat. Il y a de l’inquiétude dans l’air !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’ai fait les comptes : au cours de cette législature, nous aurons examiné vingt-cinq lois de finances et plus de quinze durant la précédente. S’y ajoutent, parce que certaines mesures n’ont pas toujours pris la forme d’une loi de finances, une bonne dizaine de textes divers de nature économique ou financière : ainsi le texte fondateur sur le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat.

M. Christian Eckert. Ça, c’était un boulet !

M. Pierre-Alain Muet. Fondateur… Des fondations de sable !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous imaginez les heures, les journées, les nuits de travail, de présence en commission ou dans cet hémicycle que tout cela a représenté. Aussi, avec un peu d’émotion, je souhaite adresser mes remerciements les plus sincères, et d’abord à vous tous, mes chers collègues : vous m’avez constamment apporté votre appui, votre soutien, mais aussi, et j’y ai toujours été très sensible, vos propositions, vos idées, vos observations. Nous avons eu ensemble un vrai dialogue et mené un travail constructif, un travail d’équipe, pour essayer en permanence d’améliorer ces lois de finances qui jouent un rôle si important dans le travail du législateur. Soyez-en très profondément remerciés !

Je voudrais ensuite m’adresser à Mme la ministre et, avec elle, à tous les ministres qui se sont succédé.

Nous avons la chance, depuis cinq ans, de voir nos ministres, du fait du dédoublement de Bercy, fonctionner par paire.

M. Charles de Courson. En couple !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Là où auparavant, nous n’en avions qu’un, nous avons eu le bonheur d’en avoir deux, qui opèrent en toute harmonie, entre le cinquième et le sixième étage.

Je tiens, madame la ministre, à vous faire part à mon tour de toute ma reconnaissance pour la confiance dans laquelle nous avons constamment travaillé avec vous, avec vos prédécesseurs, ainsi qu’avec vos collaborateurs qui, eux aussi, se sont succédé à un rythme assez rapide. Mais nous avons toujours trouvé l’écoute nécessaire. Nous vous avons harcelés de questionnaires – et ce n’est pas fini : j’en ai encore un à signer tout à l’heure ! Après tout, la législature ne s’achèvera qu’au mois de juin et encore bien des questions se posent. Vous avez toujours fait preuve d’une grande disponibilité et de compréhension, et vous avez toujours travaillé de façon très positive.

J’ai aussi beaucoup apprécié, madame la ministre, lorsque nous avions un peu de temps pour préparer les lois de finances…

M. Pierre-Alain Muet. C’était assez rare !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cela n’a pas été le cas de cette toute dernière loi de finances, mais nous avons mené ensemble un travail très constructif – et je crois parler au nom de tous nos collègues. Ainsi en a-t-il été de la réforme, profonde, de la fiscalité du patrimoine, qui a pris la forme d’une loi de finances au milieu de l’année dernière : nous en avions engagé l’étude dès le début janvier. Certains s’en souviennent : entre ce que nous imaginions lors de la première réunion et le texte que nous avons finalement adopté au bout de six mois, le progrès a été considérable. De même sur la réforme de la taxe professionnelle – travail également très important. Sans doute devrons-nous procéder encore à quelques ajustements, mais je note avec une grande satisfaction que, quoi qu’il arrive, cette réforme s’inscrira probablement dans le paysage financier et fiscal des collectivités locales comme des entreprises dans les années à venir.

M. Pierre Gosnat. À Ivry, cela nous a fait perdre 30 millions d’euros !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Soyez vraiment remerciée, madame la ministre, pour la qualité de ces relations. Pour faire de bonnes lois, et notamment des lois de finances, nous avons besoin de ce travail de collaboration entre le Gouvernement et le Parlement. Et, compte tenu de la complexité des sujets, ce travail nécessite du temps. C’est le message que je voudrais faire passer : on ne fait du bon travail qu’en s’inscrivant dans un minimum de durée.

Mais il est un autre message que je voudrais faire passer à cette occasion : la qualité première de la loi fiscale, c’est sa stabilité, et sa qualité seconde, la simplicité.

M. Pierre Gosnat. On est mal partis !

M. Pierre-Alain Muet. Pour l’instant, on monte surtout des usines à gaz !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Autant dire, vous le voyez, qu’il nous reste beaucoup d’efforts à faire… Mais c’est là une appréciation générale qui vaut pour toutes les législatures, et point n’est besoin d’espérer pour entreprendre ! Reste que nous devons avoir constamment en tête cet objectif.

Je veux ensuite remercier les administrateurs qui se sont succédé à la commission des finances – à un rythme moins soutenu que les collaborateurs des ministres, mais tout de même ! –, avec lesquels nous avons noué des relations de travail de grande qualité. Nous avons la chance d’avoir des administrateurs extrêmement compétents, extrêmement fiables, extrêmement disponibles et extrêmement sympathiques.

La présidence de la commission des finances ayant été – c’était une nouveauté – confiée à l’opposition, l’ambiance de travail aurait pu en être modifiée. Mais la qualité d’ensemble, qu’il s’agisse des méthodes de travail, du souci de transparence ou de l’exigence permanente de faire le mieux possible, a été totalement maintenue. Derrière moi sont assis, côte à côte, la responsable de la division A qui travaille avec la présidence, et le responsable de la division B qui travaille avec le rapporteur général : tout a parfaitement fonctionné et l’on ne soulignera jamais assez la grande qualité des administrateurs de notre assemblée – comme de ceux du Sénat.

Nous avons conduit en commission mixte paritaire un travail particulièrement lourd – Jérôme Chartier, qui y a participé systématiquement, et Charles de Courson le savent. J’ai regretté, chers collègues de l’opposition, que le Sénat ait adopté la question préalable, car cela a un inconvénient : cela interdit tout travail en CMP. Pour ma part, j’ai beaucoup apprécié la première commission mixte paritaire sur la première loi de finances de la session : elle s’était tenue au Sénat en octobre dernier, si ma mémoire est bonne. Le sujet était peut-être moins compliqué – le problème des garanties des banques –, mais nous avions fait du très bon travail.

Enfin, je veux remercier l’ensemble des personnels de l’Assemblée, ici présents, car nous avons passé nombre d’heures et de nuits ensemble dans cet hémicycle.

Je terminerai par tous les présidents de séance. À travers le président Le Fur, ce soir, je voudrais remercier les présidents qui ont toujours remarquablement présidé nos débats, faisant preuve, parfois, de la rapidité indispensable – je pense à la séance d’hier soir – ou prenant le temps nécessaire lorsqu’il fallait s’arrêter sur un sujet. Vous avez toujours su le faire de façon parfaite.

Les discussions sur les lois de finances dans cet hémicycle sont pratiquement toujours intéressantes. Certes, il peut y avoir quelquefois un peu de flibuste, mais c’est finalement assez rare : la plupart du temps, nous réussissons à avoir une discussion qui fait progresser la compréhension des sujets. Je souhaite que nous continuions dans cette voie, mais en gardant un objectif, et je m’adresse à tout le monde…

M. Charles de Courson. La réduction des déficits !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Exactement, monsieur de Courson ! Cela ne m’étonne pas que vous lisiez aussi facilement dans mes pensées !

L’objectif intangible qui doit être le nôtre, c’est la réduction de nos déficits et l’équilibre progressif de nos comptes. Des comptes non équilibrés, c’est un abandon de souveraineté. Comme le disait si bien Mendès France, une nation qui n’arrive pas à équilibrer ses comptes, c’est une nation qui s’abandonne. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) La perte de souveraineté est vraiment la dernière chose que je souhaite à notre pays. C’est ce qui doit nous unir tous dans un même effort. Le temps est venu de redresser nos comptes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. Merci, monsieur le rapporteur général, pour vos aimables propos. J’associe, bien sûr, tous les fonctionnaires qui sont au plateau et l’ensemble des personnels de cette maison. Sachez que c’est toujours un plaisir de présider les débats budgétaires !

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre Gosnat, qui saura poursuivre dans cette ambiance consensuelle et sympathique. (Sourires.)

M. Pierre Gosnat. Bien évidemment, monsieur le président ! Gilles Carrez est du Val-de-Marne comme moi !

M. le président. Il est vrai que c’est un voisin : seule la Seine vous sépare !

M. Pierre Gosnat. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, j’ai écouté avec beaucoup d’attention ce que vient de dire Gilles Carrez. J’ai eu l’étrange l’impression d’assister à une sorte de réunion familiale lors d’une cérémonie d’adieux. Il y avait quelque chose d’émouvant : on saluait tout le monde, les partants et les autres… À croire que vous aviez déjà tourné la page !

Mme Valérie Pécresse, ministre. De la législature seulement !

M. Pierre Gosnat. Quoi qu’il en soit, je remercie Gilles Carrez, mon collègue du Val-de-Marne, pour le travail qu’il accomplit. D’ailleurs, j’ai souvent remarqué, ici comme en d’autres endroits, qu’il n’avait pas tout à fait la même position que le Gouvernement. Il nous est même arrivé de nous retrouver sur quelques sujets très importants.

Mais pour ma part, je me félicite du vote du Sénat. Il n’y a pas de motif à le critiquer et je ne comprends pas la remarque de Mme la ministre : le Sénat a parfaitement sa légitimité. Nous ne sommes pas les seuls à pouvoir avoir raison, à moins que l’on ne décide que le Sénat ne doit pas exister. Vous savez que les communistes, d’ailleurs, ne sont pas forcément des défenseurs de cette assemblée ; mais en tout état de cause, elle existe, et son vote ne saurait être critiqué.

Et pour ce qui est de celui de l’Assemblée, je me faisais une réflexion : je trouve notre hémicycle un peu désert ce soir, eu égard à l’importance du vote que nous allons produire. Tristan Bernard avait raison de dire : « Venez armés, l’endroit est désert ! »

M. Jean-Claude Mathis. Ils vont arriver !

M. Yves Nicolin. Et combien y a-t-il de communistes ? Vous êtes tout seul !

M. Pierre Gosnat. Je reviens au contenu de ce projet de loi de finances rectificative pour 2012 : de nouvelles mesures de rigueur, qui viennent conclure de la pire des façons le quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Rappelez-vous comment ces cinq années ont commencé : l’État français s’est montré dispendieux comme jamais il ne le fut, pour servir les intérêts des plus riches, des actionnaires et des puissants. C’est ainsi que vous avez fait adopter dès le 22 août 2007, à travers la loi TEPA, le bouclier fiscal et une diminution des droits de succession. Quand vous parlez de dépenses, monsieur Carrez, c’est de cela qu’il faut parler !

M. Jean Mallot. Il a raison !

M. Pierre Gosnat. Puis les cadeaux fiscaux se sont multipliés comme des petits pains…

M. Jean Mallot. Des gros pains, plutôt !

M. Pierre Gosnat. Diminution par deux du montant de l’impôt de solidarité sur la fortune, adoption de la niche Copé qui permet aux grands groupes d’échapper à l’impôt sur les sociétés lors de la vente d’une filiale, suppression de l’impôt de bourse, suppression de la taxe professionnelle… Je l’ai dit tout à l’heure, monsieur le rapporteur général, à Ivry, cela nous coûte 30 millions sur trois ans ! Ce sont en tout 12 milliards d’euros qui échappent chaque année depuis cinq ans aux ressources de l’État, soit au total 60 milliards d’euros, l’équivalent du budget annuel de l’éducation nationale. Voilà la réalité !

M. Jean Mallot. C’est vrai !

M. Pierre Gosnat. Face aux attaques des spéculateurs et de leur bras armé, les agences de notations…

M. Jean Mallot. Cela fait rire l’UMP, en plus ! Quel scandale !

M. Pierre Gosnat. Ce n’est pas marrant !

Face aux attaques des spéculateurs, Nicolas Sarkozy, son gouvernement et les députés UMP ne se sont pas décidés à revenir en arrière, à réfléchir et à annuler les privilèges consentis.

Bien au contraire, vous avez opté pour la fuite en avant. Vous avez ainsi décidé de rançonner, pour un montant de 31 milliards d’euros, les familles moyennes et modestes au travers de trois plans d’austérité présentés en moins de six mois. Le doublement de la taxe sur les complémentaires santé et les mutuelles, le déremboursement de certains médicaments, l’augmentation de la TVA sur les produits de première nécessité et cette nouvelle augmentation de la TVA sur les produits courants ne sont que la facture des cadeaux fiscaux et des exonérations que Nicolas Sarkozy a accordés aux nantis de ce pays.

M. Jean Mallot. Il a raison !

M. Pierre Gosnat. Le chef de l’État ne s’est pas comporté en président de la République, celui qui protège, mais en président des riches. Nicolas Sarkozy a fait le choix des puissances de l’argent contre celui de l’intérêt supérieur du peuple de France.

Par ailleurs, votre projet de taxe Tobin, madame la ministre, ne change rien aux propos que je viens de tenir. C’est ce que l’on pourrait appeler une taxe « Canada Dry ». Personne ne peut croire que Nicolas Sarkozy, après trois années d’inaction, s’en prend enfin aux spéculateurs et cherche, comme il le disait dans son discours de Toulon en 2008, à sanctionner au moins financièrement les responsables du naufrage et de cette crise dont nous subissons aujourd’hui encore les effets néfastes. Avec ce simulacre de taxe sur les transactions financières, l’UMP tente une manœuvre de diversion…

M. Yves Nicolin. Ce n’est pas vrai !

M. Pierre Gosnat. …destinée à faire oublier aux Français les moins aisés que ce sont eux qui supportent et paient 85 % des mesures d’austérité contenues dans ce PLFR.

M. Jean Mallot. Ils ne sont pas dupes !

M. Pierre Gosnat. Le dispositif qui nous est présenté ce soir est une usine à gaz législative. Cela s’explique par votre volonté de n’appliquer cette taxe qu’à une infime partie des échanges spéculatifs : ainsi, une centaine seulement de titres d’entreprises seront concernés par votre taxe alors que la France compte 770 entreprises cotées en bourse. Vous voulez nous faire adopter un mécanisme au rabais, madame la ministre : cette contribution ne rapportera au pays que 1,1 milliard d’euros par an alors qu’en 2010, le volume des échanges financiers a atteint en France 146 000 milliards d’euros, selon le rapport présenté par Philippe Douste-Blazy en septembre 2011.

Je vous rappelle que la proposition de taxation des transactions financières défendue communément par le groupe GDR et nos collègues allemands, les députés de Die Linke, le 1er décembre 2011, permettait d’apporter 15 milliards d’euros de ressources supplémentaires à l’État : autrement dit, 14 milliards d’euros d’écart entre une vraie mesure et sa caricature ! C’est bien la preuve que lorsque vous parlez de taxe sur les transactions financières, il y a pour le moins un abus de langage !

La majorité présidentielle est habituée aux manipulations de ce genre. La meilleure preuve, mes chers collègues, en est cette déclaration de Nicolas Sarkozy en octobre 2011 dans l’émission Face à la crise lors de laquelle il s’opposait à une hausse généralisée de la TVA en déclarant : « Pour une raison assez simple : c’est que ça pèserait sur le pouvoir d’achat des Français, sur la consommation des Français, ce qui serait injuste. » alors qu’un rapport de la Cour des comptes de mars 2011, analysant la hausse de la TVA en Allemagne, indiquait, contrairement à ce que vous disiez, madame la ministre, « qu’une augmentation de trois points de la TVA avait contribué pour 2,6 points à la hausse des prix en 2007. »

M. Jean Mallot. Exactement !

M. Pierre Gosnat. Et que faites-vous ? Vous décidez d’une augmentation de la TVA ! Vous adoptez, dans ce PLFR, la mesure la plus injuste et la plus dangereuse pour nos concitoyens. L’aspect social de cette TVA n’est qu’un mirage, une tromperie imaginée. La députée UMP Chantal Brunel elle-même avouait à L’Express, le 14 février dernier : « La TVA, j’ai vu, mais le social, pas vraiment… » Les consommateurs eux non plus n’ont rien vu de social dans cette TVA. En revanche, ils savent qu’ils connaîtront des fins de mois encore plus difficiles. Alors que les promoteurs de la TVA dite sociale annonçaient des augmentations de salaire pour les travailleurs, il n’en sera rien, et les produits français n’en tireront aucun avantage de compétitivité. Cette TVA prétendument sociale et son corollaire, l’exonération des cotisations allocations familiales, n’ont qu’un but : « défaire méthodiquement », pour reprendre les propos de Denis Kessler, le système de sécurité sociale issu du Conseil national de la Résistance.

M. Jean Mallot. C’est exactement cela !

M. Pierre Gosnat. Vous voulez que la sécurité sociale soit financée par les consommateurs, qu’ils soient salariés, chômeurs ou retraités, en lieu et place d’un financement par des cotisations de sécurité sociale assises sur un partage des richesses créées par le travail. La logique sous-jacente de ce transfert de financement n’est que de donner encore et toujours plus d’argent au patronat et aux riches actionnaires. Comme le dit le baron Seillière dans Les Échos de ce matin, « les préoccupations économiques et morales ne sont pas convergentes… » Et d’ajouter : « De toute façon, pour quelqu’un qui est au SMIC, ces chiffres n’ont aucun sens. »

Quant à l’argument que vous brandissez de la création de 100 000 emplois, il est fortement contesté. À supposer que ce chiffre soit bon, il en coûterait à la collectivité 130 000 euros par emploi créé !

En tout état de cause, permettez-moi d’être sceptique sur ces prétendues créations de postes. M. Eric Heyer, directeur adjoint du département analyse et prévision à l’Observatoire français des conjonctures économiques déclare : « Si les entreprises ne répercutent pas entièrement la baisse de cotisation sur les prix, ou si les autres pays européens réagissent à ce qui s’apparente à une dévaluation, alors il faut craindre des destructions de postes ».

De fait, les patrons et les actionnaires sont les seuls bénéficiaires de cette TVA. Ils pourront, grâce à elle, profiter d’une nouvelle exonération de cotisations de sécurité sociale d’un montant de 13 milliards d’euros, qui tombe quasiment du ciel à quelques jours des élections.

La preuve a été faite par des économistes de gauche comme de droite :…

Mme Marie-Christine Dalloz. Lesquels ? Il faudrait nous les citer !

M. Pierre Gosnat. Cette hausse de la TVA ne freinera en rien les délocalisations et n’aidera en rien à maintenir l’emploi.

Il y a donc urgence à appliquer dans ce pays d’autres propositions, comme celles présentées par le Front de gauche : nous revaloriserons le SMIC à 1 700 euros…

M. le président. Il va falloir conclure, cher collègue.

M. Pierre Gosnat. Je termine, monsieur le président.

Nous revaloriserons le SMIC à 1 700 euros pour permettre aux salariés de vivre dignement. Nous rétablirons l’impôt de solidarité sur la fortune. Par la fiscalité, nous établirons un revenu maximum fixé à vingt fois le revenu médian, c’est-à-dire, tout de même, à 360 000 euros maximum par an. Nous instaurerons quatorze tranches d’impôt sur le revenu afin d’établir la progressivité de l’impôt pour que les familles moyennes et modestes paient proportionnellement moins d’impôts que les riches.

M. Yves Nicolin. Vive l’Union soviétique !

M. Pierre Gosnat. Voilà quelques mesures significatives portées par le Front de gauche et son candidat Jean-Luc Mélenchon.

Bien entendu, madame la ministre, nous voterons contre votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mais je tiens, à nouveau, à féliciter pour son travail mon collègue et voisin Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Merci !

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Nous avons bien entendu Pierre Gosnat.

M. Jean-Claude Mathis. Malheureusement.

M. Jean Mallot. Cela va être moins bien maintenant !

M. Jérôme Chartier. Pour ma part, je reviendrai, si vous le voulez bien, sur la tonalité des propos tenus par Mme Valérie Pécresse et M. Gilles Carrez.

Il est vrai que le moment est particulier. M. Pierre Gosnat n’a pas eu le temps de participer à l’ensemble de nos débats depuis cinq ans mais, à moins d’une surprise, nous voici pratiquement au terme d’une législature qui ara connu le plus grand nombre de lois de finances de toutes les législatures de la Ve République.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Oh oui !

M. Christian Eckert. Il est temps que cela s’arrête ! À chaque fois, c’est une nouvelle régression !

M. Jean Mallot. Oui ! Finissons-en, et au suivant !

M. Jérôme Chartier. Il ne faut jamais présager de l’avenir, mais cette législature très particulière restera également dans les mémoires comme celle durant laquelle nous avons dû examiner des textes en un temps record par la nécessité de l’urgence. Gilles Carrez s’en souvient parfaitement : lorsque nous étions au cœur de la crise financière, nous n’avions pas une semaine de plus, notamment lorsque nous avons mis en place le plan de sauvetage des banques. Nous avons été réactifs, présents, mobilisés, opposition comme majorité, pour faire face à une situation tout à fait exceptionnelle, comme n’en avait jamais connu la France sous la Ve République.

Je voudrais donc, au nom de mes collègues du groupe UMP, me joindre aux remerciements adressés tant par Valérie Pécresse que par Gilles Carrez à la présidence, bien sûr, mais aussi à l’ensemble des fonctionnaires de l’Assemblée nationale, exemplaires, et de la commission des finances, toujours disponibles.

Je remercie également les collaborateurs du groupe UMP, eux aussi toujours présents, mobilisés. Je suis sûr que ceux du groupe socialistes l’ont été tout autant…

M. Jean Mallot. Les collaborateurs du groupe socialiste sont excellents !

M. Étienne Blanc. Mais pas aussi bons que les nôtres !

M. Jérôme Chartier. …comme ceux du groupe Nouveau Centre…

M. Jean Mallot. Ils sont moins nombreux, certes !

M. Jérôme Chartier. …et du groupe de la Gauche démocrate républicaine. Nous avons tous des collaborateurs qui ne comptent pas leur temps, et je tiens à les saluer tout particulièrement.

Puis, en cette fin de session et de législature, je me suis dit, en guise de clin d’œil à cette heure tardive, que ce serait l’occasion de remettre quelques prix.

Le prix de l’assiduité tout d’abord : je voudrais le remettre à tous mes collègues ici présents et particulièrement à ceux de la commission des finances. Ils ont toujours été présents dans les débats et se sont donné beaucoup de mal pour nous écouter, tant Gilles Carrez que moi-même, même lorsqu’il nous arrivait d’être un peu longs, et pour assumer leurs responsabilités. Je tiens vraiment à les en saluer.

Il n’est pas là, mais je suis sûr que cela lui sera rapporté. J’ai un prix incontournable : celui du stakhanoviste monomaniaque… Et c’est Jean-Pierre Brard qui l’a obtenu.

Mme Marie-Christine Dalloz. Excellent !

M. Jean Mallot. Je pensais que c’était Gilles Carrez, le stakhanoviste !

M. Jérôme Chartier. Stakhanoviste pour son intransigeance légendaire, à ne jamais céder sur rien, notamment sur ses amendements. Monomaniaque parce que les plus attentifs d’entre nous auront remarqué que, par goût personnel, il s’adonnait à la lecture régulière des noms des Français les plus riches, dans un palmarès qui n’appartient qu’à lui et dont il nous a livré encore la substantifique moelle pas plus tard qu’hier.

M. Jean Mallot. Ah ! Tatie Liliane !

M. Jérôme Chartier. Ce prix du stakhanoviste monomaniaque, il n’y avait que Jean-Pierre Brard pour l’obtenir !

Vient ensuite le prix de la sincérité contrariée : ce sera pour Pierre-Alain Muet, champion toutes catégories. Économiste, partial certes, mais que j’ai connu sincère à ses débuts, il a dû malheureusement mettre cette qualité de côté en devenant le porte-parole du groupe socialiste…

M. Pierre Gosnat. C’est un enterrement de première classe !

M. Jérôme Chartier. …et en troquant la rhétorique économique pour la joute politique – exercice dans lequel, chacun le sait, je suis bien le seul à rester sincère. (Rires.)

M. Jean Mallot. Et modeste !

M. Jérôme Chartier. Le prix de l’éloquence, il faut le reconnaître, revient à Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Orateur redoutable de l’opposition et président ombrageux dans un premier temps – on s’en souvient encore avec Gilles Carrez –,…

M. Jean Mallot. Et si vous parliez du projet de loi ?

M. Jérôme Chartier. …il a commencé à se madériser à l’aide d’une petite fiole contenant un élixir appelé la « migaudine », qui permet de présider sans jamais se renier, même si, chacun peut l’observer, il a encore quelques efforts à accomplir.

Il est un prix qui m’impressionne particulièrement au bout de ces cinq années : le prix, incomparable, du politico-fiscalo-technicien. Il ne pouvait être décerné qu’à Charles-Amédée de Courson qui, en plus d’être charmant, est un connaisseur émérite de la technique fiscale. Qu’il en soit salué.

M. Jean Mallot. Quand allez-vous parler du projet de loi ?

M. Jérôme Chartier. Je l’ai fait hier, mais vous n’étiez pas là, mon cher collègue !

Je voudrais saluer, avec un prix tout spécial,…

M. Pierre Gosnat. Merci, monsieur le directeur. On se croirait à l’école !

M. Jérôme Chartier. …Gilles Carrez, qui reçoit le prix du rapporteur général ès tout. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Pierre-Alain Muet. Très bien !

M. Jérôme Chartier. Il est connaisseur, il est pédagogue, il est batailleur, il est compréhensif, il est très complet – trop complet, disent certains, mais ce sont de mauvaises langues. J’ajoute, à titre personnel, que Gilles Carrez est un ami et qu’à ce titre, je le remercie de ces cinq années passées en sa compagnie.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est réciproque !

M. Jérôme Chartier. Le prix de l’opposant choc revient à Christian Eckert, récent dans cette fonction mais manifestement prometteur ! (Sourires.) Je suis certain qu’il ne nous décevra pas,…

M. Jean Mallot. Préparez-vous !

M. Jérôme Chartier. …toujours dans l’opposition pour encore quelques années !

M. Pierre Gosnat. Pourquoi dans l’opposition ?

M. Jérôme Chartier. Je voudrais également remercier tous les ministres qui se sont succédé dans les responsabilités contraignantes, voire astreignantes, de la gestion des comptes publics durant cette législature.

Je décernerai une mention toute spéciale à Éric Woerth, qui est resté ministre des comptes publics et de la fonction publique le plus longtemps, et dont chacun d’entre nous a encore en mémoire la connaissance, la diplomatie et, me semble-t-il, l’éternelle élégance.

M. Pierre Gosnat. C’est émouvant !

M. Jérôme Chartier. François Baroin, ministre politique et technique de haute volée, lui a succédé avec brio, et Valérie Pécresse poursuit cette ligne de façon tout aussi efficace. Qu’ils en soient remerciés !

M. Jean Mallot. La droite s’amuse et le chômage monte. La droite s’amuse et la dette se creuse !

M. Jérôme Chartier. Nul n’oublie le talent, l’élégance et la stature exceptionnelle de Christine Lagarde pour qui nous pouvons tous, je crois, avoir une pensée particulière.

Mme Marie-Christine Dalloz. Et une fierté !

M. Jérôme Chartier. Une fierté, c’est vrai, pour son parcours. Nous lui souhaitons beaucoup de réussite dans sa responsabilité actuelle.

Enfin, mes chers collègues, je voudrais vous dire, en tant qu’orateur du groupe UMP, le plaisir que j’ai eu à exercer cette responsabilité pendant cinq ans. Que l’on soit dans l’opposition ou dans la majorité, être l’orateur d’un groupe est une affaire qui n’est jamais simple, mais une responsabilité toujours passionnante, qui repose sur la confiance des présidents de groupe ; et je tiens à cet égard à remercier Jean-François Copé et Christian Jacob de leur soutien indéfectible.

M. Jean Mallot. En tout cas, Chartier ne joue pas dans le rôle de muet !

M. Pierre Gosnat. Vous avez oublié Sarkozy !

M. Jean Mallot. Et les vice-présidents de l’Assemblée !

M. Jérôme Chartier. À cette occasion, je remercie aussi les vice-présidents du groupe, présents ici.

Tout cela pour atteindre un objectif, Pierre Gosnat a raison de le rappeler, celui d’un Gouvernement, d’une majorité, d’un homme qui a une intuition, d’un homme qui a su prendre les bonnes décisions, qui a su avoir les bonnes réactions. Cet homme, c’est Nicolas Sarkozy. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Pierre Gosnat. Je vous ai sauvé la mise, vous l’aviez oublié !

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Jean Mallot. Enfin du contenu !

M. Philippe Vitel. Ça va être moins drôle !

M. Christian Eckert. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, je ne vais pas vous convier à une cérémonie des César ou des Oscars.

M. Yves Nicolin. Des nanars !

M. Christian Eckert. Je pourrais m’associer à tous les remerciements qui ont été exprimés, mais je n’en adresserai qu’un seul, à notre rapporteur général (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) dont j’ai mesuré la précision, la pédagogie et le souci de répondre systématiquement, même sur des sujets minimes. En tout cas, j’ai beaucoup appris à la lumière de sa façon de travailler.

Je voudrais revenir brièvement sur les conditions d’examen non seulement de ce projet de loi, mais également d’autres textes.

Monsieur le rapporteur général, vous nous avez parlé tout à l’heure de stabilité et de simplicité. Avouez que sur les deux points, c’est loupé !

Pour ce qui est de la stabilité, vous aviez, dans l’euphorie de cet été victorieux de 2007, fait voter la loi TEPA. Nous estimons que c’était une faute, mais, à la limite, pourquoi pas ? Le problème, c’est qu’il y a eu une deuxième faute, autrement plus grave : le Gouvernement a trop tardé pour détricoter certaines dispositions qui pouvaient peut-être s’envisager en période de croissance significative, mais qui ne pouvaient plus se concevoir à la lumière de la crise de 2008. Vous avez beaucoup trop tardé à revenir en arrière.

Madame la ministre, je regrette que, depuis quelques semaines, et particulièrement ces derniers jours, cette tribune serve plus à juger les programmes qu’à parler des actes que vous posez. Vous faites des procès d’intention aux uns et aux autres – aux uns plutôt qu’aux autres d’ailleurs.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous, vous n’en faites pas, bien sûr !

M. Jean Mallot. On ne peut pas : vous avez un bilan, mais pas de projet !

M. Christian Eckert. L’exercice pourrait consister à juger de votre bilan ; nous l’avons fait, c’est légitime. Mais nous nous sommes attachés, je crois, avec notre groupe, à parler du fond des textes que vous défendez et des actes que vous assumez en responsabilité, ce qui est tout à votre honneur, mais que nous contestons, ce qui est notre droit.

Vous parliez de stabilité et de simplicité. J’ai un très mauvais souvenir, monsieur le rapporteur général, à propos de ce que vous appelez la suppression de la taxe professionnelle. Reconnaissons que ce texte avait été très mal travaillé.

M. Jean Mallot. Pas travaillé du tout, plutôt !

M. Christian Eckert. Qui plus est, aujourd’hui, il est totalement inconnu. Je suis un élu local, comme beaucoup d’entre vous, mais je suis à peu près incapable d’expliquer à mes collègues élus, maires et a fortiori conseillers municipaux, comment tout cela fonctionne. Avouez que vous-même avez été parfois bien en difficulté pour mesurer la portée financière de décisions que vous avez prises dans une urgence rare : souvenez-vous de cet amendement de quatre-vingt-dix-sept pages que vous aviez élaboré avec les moyens dont vous disposiez : à peine seuls deux ou trois d’entre nous à la commission des finances – dont je ne suis pas : je pense à Jean-Pierre Balligand et Marc Laffineur – étaient capables, avec vous bien entendu, de le décortiquer ! Ce faisant, nous avons légiféré à l’aveugle.

Les conséquences se font ressentir aujourd’hui. De nombreux dirigeants de petites entreprises, de nombreux petits commerçants ou artisans nous le disent : ils ne comprennent pas, on leur avait annoncé que la taxe professionnelle n’existait plus, et pourtant, ils reçoivent encore des titres de recouvrement. Ce n’est pas une plaisanterie, madame la ministre : certains formulaires de renseignements que votre administration envoie aux contribuables font encore mention de la taxe professionnelle !

Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit hier, mais je voudrais, dans le temps qui m’est imparti, approfondir le petit échange que nous avons eu avec Charles Amédée de Courson à propos de l’étude de l’INSEE sur le coût du travail. Vous ne cessez de répéter que le coût du travail est la seule motivation de votre loi de finances rectificative ; je crois qu’il faut combattre un certain nombre d’idées reçues.

Vous avez cité hier, monsieur de Courson, des extraits du rapport de l’INSEE. Et je me suis un peu fâché lorsque vous m’avez dit que je ne l’avais pas lu. Je l’avais lu et je l’ai relu.

M. Yves Nicolin. Mais vous aviez mal lu !

M. Charles de Courson. Ou trop rapidement !

M. Christian Eckert. L’école de la République m’a appris à lire, mes chers collègues, et parfois aussi un peu à compter.

M. Yves Nicolin. Peut-être pas à assimiler !

M. Christian Eckert. Je voudrais vous citer quelques extraits de cette étude que j’ai ramenée ici ce soir pour combattre des idées reçues.

Cette étude porte sur l’évolution du coût du travail entre 1996 et 2008. Dès l’introduction, on lit que la France se trouve dans une position médiane en termes d’évolution : autrement dit, l’évolution des coûts salariaux français se trouve dans la médiane des pays européens, certes plus forte que celle de l’Allemagne mais dans la médiane.

M. Louis Giscard d’Estaing. D’accord.

M. Christian Eckert. Deuxième élément, il est écrit que le coût horaire de la main-d’œuvre dans les entreprises manufacturières est aujourd’hui très légèrement encore inférieur à celui de l’Allemagne.

M. Jean Mallot. Eh oui.

M. Christian Eckert. Il est de 33,16 euros pour la France contre 33,37 euros pour l’Allemagne. Le coût du travail est encore aujourd’hui moins cher en France.

M. Charles de Courson. Mais il y a douze ans, l’écart était de combien ?

M. Louis Giscard d’Estaing. Oui, quelle a été la tendance ?

M. Christian Eckert. Ce n’est pas forcément le meilleur classement, mais cela nous place au cinquième rang dans les pays de l’Union.

Vous ne cessez de dire que la cause en est les trente-cinq heures.

M. Yves Nicolin. Malheureusement.

M. Christian Eckert. En France, le coût horaire a crû en euros courants à un rythme annuel de 3,4 %. Et l’étude montre que, sans les trente-cinq heures, à situation égale, cette croissance aurait été de 3,1 %.

M. Charles de Courson. Eh oui !

M. Christian Eckert. Cela veut dire que 10 % seulement de l’augmentation du coût de la main-d’œuvre est dû à l’effet des trente-cinq heures.

M. Louis Giscard d’Estaing. Cela fait 10 % quand même !

M. Jean Mallot. Cela laisse 90 % pour le reste !

M. Christian Eckert. Ce n’est pas une augmentation de 10 % qui serait liée aux trente-cinq heures, mais 10 % de l’augmentation : 3,4 % au lieu de 3,1 % sans les trente-cinq heures.

M. Louis Giscard d’Estaing. Quand même !

M. Jean Mallot. Ne faites pas semblant de ne pas comprendre, cher collègue.

M. Christian Eckert. Rappelons enfin que, dans le secteur automobile, le coût de la main-d’œuvre la plus chère parmi tous les pays de l’Union européenne est celui de l’Allemagne. Il est aujourd’hui de 29 % supérieur à celui observé en France. Il était d’ailleurs de 49 % en 1996.

M. Charles de Courson. Absolument ! C’est ce que j’ai dit hier.

M. Christian Eckert. C’est-à-dire que cet écart a diminué sur le secteur automobile et sur lui seul.

Vous voyez bien que, contrairement à l’idée reçue, ce n’est pas forcément le différentiel de main-d’œuvre qui explique la différence de compétitivité.

M. Charles de Courson. C’est l’un des éléments !

M. Christian Eckert. Enfin, l’étude observe que la compétitivité est bien meilleure en France qu’en Allemagne.

Je pourrais multiplier les chiffres, mais vous aurez compris qu’il faut combattre les idées reçues qui consistent à dire que la France serait le pays d’Europe où la main-d’œuvre serait la plus chère. Dans les industries les plus soumises à la compétitivité, on voit bien que ce n’est pas le coût horaire du travail qui est le seul déterminant ; nous avons regagné, grâce à la compétitivité, une bonne part du différentiel par rapport à nos voisins.

Je termine, puisque le temps nous est compté, par un constat : vous êtes depuis dix ans au pouvoir, mes chers collègues.

M. Jean Mallot. Et voilà !

M. Christian Eckert. C’est beaucoup, dix ans.

M. Pierre-Alain Muet. C’est trop !

M. Bernard Deflesselles. Et on compte bien y rester.

M. Christian Eckert. La démocratie a conduit à cela, je n’ai pas à juger si c’est trop ou trop peu, personne n’a volé ici sa place : vous n’êtes pas arrivés ici par effraction, mes chers collègues. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Deflesselles. Nous sommes arrivés ici par la volonté du peuple !

M. le président. Nous écoutons M. Eckert, qui va conclure d’ailleurs.

M. Christian Eckert. Vous ne pouvez pas revenir sur des décisions d’il y a trente ans, des décisions d’il y a vingt-cinq ans, mais vous avez eu tout le loisir de faire quarante lois de finances initiales ou rectificatives : vous aviez largement les moyens de votre politique. Les Français vont être invités à juger du bilan que nous serons amenés à partager avec eux. C’est la démocratie qui nous ramènera ou qui nous éloignera dans les mois qui viennent. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Merci une fois encore, monsieur le rapporteur général, pour votre pédagogie et votre patience.

M. Louis Giscard d’Estaing. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, je ne vais pas refaire un énième discours, tous les arguments ont été avancés hier.

M. Jean Mallot. C’est vous qui dites cela ?

M. Charles de Courson. Je voudrais parler de tout autre chose.

Cela fait dix-neuf ans que Gilles Carrez et moi-même siégeons à la commission des finances. Nous avions appris que le débat budgétaire, c’était les trois L : litanie, liturgie et léthargie.

M. Pierre Gosnat. C’est loin des trois A !

M. Charles de Courson. Dans cette quatrième législature à laquelle nous participons avec Gilles Carrez, ce n’est plus vrai.

Tout d’abord, il y a eu une véritable co-production sur certains textes.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Sur certains en effet.

M. Charles de Courson. On a parlé de la réforme de la fiscalité du patrimoine ; et, osons le dire, c’est la commission des finances qui a sauvé le Gouvernement sur la réforme de la taxe professionnelle – cela fait plaisir d’avoir le sentiment de temps en temps de ne pas être totalement inutiles.

M. Pierre Gosnat. On va en payer le prix sur les investissements publics !

M. Charles de Courson. Autre nouveauté, le fait de confier, alors que ce n’était pas dans le règlement, la présidence de la commission des finances à un membre de l’opposition. Je pense que c’était une bonne réforme et que l’opposition le reconnaît.

M. Pierre Gosnat. Pas vraiment.

M. Charles de Courson. Tellement bonne d’ailleurs que nos collègues sénateurs ont fini par l’appuyer aussi.

M. Christian Eckert. Heu !

M. Pierre Gosnat. Ce n’est pas une bonne idée.

M. Charles de Courson. Je vois notre collègue qui s’interroge. Je le répète, je crois que c’est une bonne chose. Je ne suis pas de ceux qui pensent que l’opposition doit être négligée.

M. Jean Mallot. Ce n’est pas ce qu’il a dit ni ce qu’il a voulu dire.

M. Christian Eckert. On n’a pas eu le choix.

M. Charles de Courson. Dans une démocratie, l’opposition a un rôle positif à jouer. Il est donc normal qu’elle soit associée à la bonne marche des institutions et qu’elle soit correctement informée de ce qui se passe.

Je voulais faire une deuxième remarque qui ne fera peut-être pas plaisir à tout le monde mais qui, hélas ! n’en est pas moins la vérité.

Vous avez tous lu le traité intergouvernemental. Je le résume en deux articles : pas plus de 0,5 de déficit structurel et surtout, même si l’on y a moins prêté attention, une réduction pour tous, en vingt ans, du taux d’endettement public à 60 %. Puisque nous en sommes à 90 % d’endettement, cela signifie trente points en moins, soit 1,5 point par an sur vingt ans.

Comme je m’ennuyais un peu ce week-end, je me suis livré à quelques calculs. Savez-vous à quel niveau il faut situer le solde budgétaire pour atteindre cet objectif du traité intergouvernemental ? Autour d’un excédent de 1 % ! À combien en serons-nous cette année ? À 4,5 % de déficit – et ce sera difficile à tenir puisque la croissance est plus faible que prévue. Mais il faut tenir bon. Nous revenons de plus de 7 %, nous arrivons à 4,5 %. Mais vous voyez le chemin qu’il nous reste à faire ! Et j’entends des candidats – que certains reconnaîtront – persister dans les promesses de nouvelles hausses de dépenses et des augmentations massives de recettes : jamais ils ne pourront les tenir. Et six mois après votre arrivée au pouvoir, mes chers collègues, vous inverserez totalement votre politique, et vous serez alors caramélisés dans l’opinion publique !

M. Louis Giscard d’Estaing. Il a raison !

M. Jean Mallot. Allons, monsieur de Courson, vous n’avez pas encore perdu ! Battez-vous !

M. Charles de Courson. Notre rapporteur général l’a dit tout à l’heure : le devoir de tous les démocrates dans cette campagne présidentielle devrait être de répondre à cette question : où allons-nous continuer à réduire les dépenses et où allons-nous nous autoriser quelques hausses de recettes ? Voilà ce que devrait être le débat démocratique, si nous voulons atteindre cet excédent structurel de 1 % – et non 0,5 % –, quelle que soit la majorité. Cela signifie 100 milliards d’efforts, entre la réduction des dépenses et l’augmentation des recettes. Autant vous dire qu’une législature n’y suffira pas, et qu’il en faudra sans doute deux pour y parvenir.

Je voudrais remercier pour conclure tous nos collègues de la commission des finances : après tout, c’est une commission plutôt sympathique… Ne sommes pas bien nombreux à y travailler, mais nous y nous retrouvons tout de même à une quinzaine, nous nous connaissons tous et nous débattons avec plaisir.

M. Jean Mallot. Il y a notamment eu une semaine où j’en ai été membre : elle était particulièrement sympathique !

M. Charles de Courson. Merci également aux administrateurs, et aussi à ceux qui, derrière les ministres, les alimentent en munitions, en argumentaires. Merci enfin à tous ceux qui travaillent devant et derrière notre cher président, et à tous nos collègues qui s’intéressent un tant soit peu aux finances publiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Jean Mallot. On l’applaudit !

M. Daniel Garrigue. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, puisque nous sommes à l’heure des prix et des hommages, je voudrais pour ma part, malgré nos divergences politiques, saluer chez Gilles Carrez une indépendance d’esprit et un courage politique qui sont caractéristiques du gaullisme.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Merci !

M. Jean Mallot. Une certaine capacité également à avaler des couleuvres !

M. Daniel Garrigue. Je voudrais également rendre hommage à l’ouverture d’esprit et au souci d’équilibre qui auront marqué la présidence de Jérôme Cahuzac.

Mais nous sommes à l’heure des bilans, et mon bilan de l’action du Gouvernement depuis 2007 tiendra en trois points.

En premier lieu, vous avez détruit durablement et sans doute définitivement l’idée selon laquelle la droite gérait mieux les finances publiques que les autres forces politiques.

M. Jean Mallot. C’est clair !

M. Daniel Garrigue. Vous avez, ce faisant, réussi à affaiblir gravement notre crédibilité vis-à-vis de nos partenaires. Il y a encore quelques années, la relation franco-allemande était équilibrée. En laissant filer les déficits dès 2007, vous avez ruiné cette confiance, qui aurait pourtant été si utile face à la crise.

Enfin, vous laissez, avec près de 100 milliards de déficit annuel et 1 800 milliards de dette publique, nos finances publiques dans la situation la plus grave que nous ayons connue depuis 1958. À ceci près qu’en 1958, nous avions le retour du général de Gaulle, la possibilité d’émettre un emprunt massif et la capacité, beaucoup moins évidente dans le contexte actuel, car on ne peut recommencer deux fois la même opération, à faire revenir les capitaux dans un climat de confiance. Enfin et surtout, l’environnement international était infiniment plus porteur qu’aujourd’hui.

Autant dire que nous entrons dans une période qui, au lendemain des élections, va se révéler extraordinairement difficile. Face à cette situation, nous aurons besoin de trois choses, et pour commencer d’abord, d’efforts. Je regrette que, dans cette campagne électorale, le débat saute chaque jour du coq à l’âne et ne permette pas de répondre à la véritable inquiétude des Français devant la gravité de la situation. Celle-ci exige un effort sans précédent, en matière de dépense comme en matière de recettes, et il faudrait que l’on ait le courage de le dire à nos compatriotes.

Mais cet effort ne peut être possible sans une volonté profonde de justice. Volonté profonde de justice fiscale, ce que vous avez ignoré tout au long de ces cinq années, volonté profonde de justice sociale, volonté profonde d’association et de contractualisation : cela aussi, nous ne l’avons guère connu tout au long de cette période.

Il faut enfin de l’ambition, une ambition que ne peut passer que par l’Europe, et je regrette encore une fois que vous ne vous soyez pas donné les moyens d’affirmer des ambitions plus fortes en matière de construction européenne. Il y eut beaucoup de proclamations dans le cadre du G20, mais malheureusement bien peu de réalisations effectives : nous attendons encore l’essentiel des directives et des règlements.

Ce que nous souhaiterions surtout, c’est que l’effort de réduction des déficits et de la dette dans chacun des États aille de pair avec une véritable initiative de croissance à l’échelle de l’Union européenne. Ce sont ces enjeux qui seront demain au cœur de l’élection présidentielle, et je suis persuadé que les Français feront les choix indispensables. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je voudrais à mon tour, au nom du groupe socialiste, remercier la présidence et les services de l’Assemblée nationale : c’est un vrai bonheur de travailler avec nos administrateurs. Je veux également remercier le président de la commission des finances et le rapporteur général, et dire à Gilles Carrez que nous sommes nombreux, sur les bancs de l’opposition, à apprécier la qualité de ses rapports et son ouverture d’esprit. Cela a beaucoup contribué à la qualité de nos débats, même si ceux-ci restent ce qu’ils doivent être dans une démocratie : des confrontations. Aussi prendrai-je encore quelques instants pour rappeler ce que nous pensons de ce projet de loi : avec ce transfert de cotisations sur la TVA, vous conjuguez l’erreur et l’injustice.

Erreur de diagnostic d’abord : le vrai secret de la compétitivité dans nos économies développées, c’est l’innovation,…

M. Charles de La Verpillière. Le PS a donc du souci à se faire !

M. Pierre-Alain Muet. …la capacité à se spécialiser dans les produits haut de gamme : c’est donc une politique industrielle active en relation avec les régions.

Si notre déficit extérieur s’est creusé depuis 2003, très progressivement au départ, puis de 10 milliards supplémentaires chaque année pour atteindre 70 milliards, c’est en grande partie en raison de la désindustrialisation de notre pays, qu’atteste la perte 750 000 emplois dans l’industrie depuis dix ans, dont près de 400 000 depuis cinq ans. Si nous enregistrons 70 milliards de déficit quand les Allemands ont un excédent de 150 milliards, c’est tout simplement parce que le poids de l’industrie dans la valeur ajoutée en Allemagne est presque deux fois plus élevé que chez nous. Du reste, lorsque l’on compare les régions françaises, on s’aperçoit que celles qui sont en excédent ou en équilibre commercial sont aussi celles qui ont gardé une part importante de l’industrie. Le vrai secret de la compétitivité passe donc par une politique industrielle active.

Erreur économique ensuite : dans la conjoncture actuelle, ce transfert enfoncera un peu plus notre pays dans le ralentissement économique. J’ai bien entendu, madame Pécresse, vos simulations et les créations d’emploi que vous attendiez, mais j’aurais aimé en avoir le détail et comprendre comment vous parvenez à ces résultats. Pour avoir lu le rapport Besson en son temps, je n’y ai rien trouvé de tel, et les instituts qui se livrent à des simulations n’obtiennent pas non plus les mêmes résultats. Quoi qu’il en soit, il est un paramètre que vous oubliez totalement et qui pourtant doit être de temps en temps mentionné par vos services : l’asymétrie complète entre la répercussion d’une augmentation de coût ou de taxe sur les prix et la répercussion d’une baisse de coût ou de taxe sur les prix. Du fait de cette asymétrie, et contrairement à ce que vous nous affirmez, la TVA, comme toujours, se répercutera très rapidement à la hausse sur les prix,…

M. Charles de Courson. De combien ?

M. Pierre-Alain Muet. …tandis que les allègements de cotisation se répercuteront, eux, très lentement, voire pas du tout. Le résultat en sera un effet dépressif sur l’économie. C’est en tout cas ce que traduisaient les simulations que présentait en 2004 à la commission des finances du Sénat un ministre des finances qui s’appelait… Nicolas Sarkozy !

Après l’erreur, l’injustice. La TVA, vous le savez, pèse trois fois plus dans le budget d’une famille modeste que dans celui d’une famille aisée ; qui plus est, avec cette réforme, vous allez faire fait payer une seconde fois aux retraités des cotisations qu’ils ont déjà payées tout au long de leur vie active.

Si l’on prend enfin le total de vos hausses de TVA, soit 13 milliards d’euros, on atteint à peu près le montant du paquet fiscal, ce qui résume cette législature du début à la fin : vous avez commencé par des cadeaux fiscaux aux plus fortunés ; vous terminez par des hausses de taxe qui toucheront tous les Français !

Quant à votre prétendue taxation des transactions financières, elle n’est là que pour faire oublier le vide sidéral des résultats du président sortant dans le domaine international. Dans celui-là comme dans beaucoup d’autres, il avait tout promis : la fin des paradis fiscaux, la régulation financière, les eurobonds, la taxation des transactions financières. Il n’aura pas tenu ni obtenu grand-chose ; je comprends dès lors qu’il tente de faire oublier son bilan par un traité qui ne règle rien et par le rétablissement d’un impôt de bourse qui existait depuis un siècle et qu’il a supprimé en 2008.

Vous faites référence à la crise de 1929. Effectivement, cette crise a des points communs avec celle que nous traversons : les dérives financières, mais aussi la formidable explosion des inégalités. Or quand Roosevelt arrive au pouvoir en 1933, il va prendre trois séries de mesures : le New Deal bien sûr, mais aussi la séparation des banques d’affaires des banques de dépôt et la création d’un taux dissuasif sur les plus hautes rémunérations – en fait, c’est Hoover qui avait commencé. Roosevelt l’a porté à 79 % en 1936, puis à 91 % de 1941 jusqu’en 1964 ; jusqu’aux années quatre-vingt, autrement dit pendant cinquante ans, ce taux marginal restera proche de 80 % en moyenne.

Et si l’économie mondiale et l’économie américaine se sont aussi bien portées dans l’après-guerre, dans la période de Bretton Woods, c’est qu’elles conjuguaient la montée en puissance de la protection sociale, une régulation financière effective et la réduction des inégalités par la fiscalité.

Conforter la protection sociale, réguler réellement la finance en séparant les activités de dépôt des activités spéculatives des banques, rétablir la justice fiscale et instaurer un taux marginal dissuasif sur les rémunérations excessives, qui traduisent plus l’appropriation d’une rente que la rémunération du talent : voilà trois mesures fortes qui tracent un chemin pour sortir de la crise. C’est ce chemin que propose aujourd’hui François Hollande aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La discussion générale est close.

Texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture

M. le président. J’appelle maintenant, conformément au troisième alinéa de l’article 114 du règlement, le projet de loi dans le texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Explication de vote

M. le président. La parole est à M. Pierre Gosnat, pour l’explication de vote du groupe GDR.

M. Pierre Gosnat. La ministre a centré son discours introductif sur le coût du travail. Mais sur les inégalités sociales, pas un mot. La fortune de M. Arnault équivaut à un million de SMIC. Mais vous n’en avez pas parlé. Les patrons du CAC 40 ont obtenu une augmentation de 34 % de leurs revenus. On n’en a pas parlé. Le coût du travail, il faut en discuter, mais il faut discuter aussi des inégalités.

De toute façon, que le travail ait un coût, est-ce quelque chose de rétrograde ? Dans notre société, n’est-il pas nécessaire, indispensable, que les salariés obtiennent des augmentations qui leur permettent de se loger, se nourrir, avoir des loisirs, une automobile, bref de vivre correctement ?

M. Philippe Meunier. On est loin de l’économie.

M. Pierre Gosnat. Est-ce que vous n’êtes pas en train de créer une situation du type de la Grèce, dans laquelle les salariés se retrouveront au chômage, ne pourront plus vivre normalement, ce qui conduira l’économie nationale dans l’impasse ?

Pour notre groupe, augmenter les salaires est absolument indispensable.

M. Philippe Vitel. Mais avec quoi ?

M. Pierre Gosnat. Et il faut lutter contre les injustices sociales dont je viens de parler. La protection sociale, il faut l’assurer. Aujourd’hui, des millions de gens ne peuvent plus se payer une mutuelle.

Il faut de l’investissement public. Nous allons payer cher la suppression de la taxe professionnelle. Ce sont des millions que nos villes ne pourront plus investir dans les travaux publics.

La route que vous empruntez est suicidaire pour notre pays. J’espère bien que dans quelques semaines, nous sortirons de cette impasse.

M. Philippe Vitel. La route suicidaire, c’est celle de la Grèce, de l’Espagne et du Portugal !

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi tel qu’il résulte du texte de l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

2

Organisation du service et information des passagers dans les entreprises de transport aérien

Lecture définitive

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, de la proposition de loi relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports (n° 4425).

La parole est à M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports.

M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports. Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, mesdames, messieurs les députés, je me réjouis de vous retrouver aujourd’hui pour terminer enfin l’examen de la proposition de loi déposée par Éric Diard, que je tiens à saluer pour le remarquable travail qu’il a effectué sur ce texte.

Vous êtes appelés à statuer définitivement, en vertu du dernier alinéa de l’article 45 de la Constitution, sur cette proposition de loi. Elle vise à améliorer l’information des passagers aériens en cas de mouvement social et à permettre aux compagnies aériennes d’organiser leur service afin de garantir à nos concitoyens la possibilité de circuler enfin librement tout en respectant le droit de grève.

La France doit en effet pouvoir prendre des dispositions en ce sens, d’autant que celles que nous envisageons sont bien moins contraignantes que celles que l’on observe chez nos voisins européens.

La réussite incontestable de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs a inspiré ce texte, alors même que les entreprises du transport aérien exercent leur activité dans un secteur concurrentiel. Le climat apaisé de ces derniers jours montre d’ailleurs que les salariés du transport aérien ont bien compris que l’esprit de cette proposition de loi n’est en rien de remettre en cause leur droit de grève.

S’agissant de l’accord signé hier entre la direction d’Air France et le SNPL sur la stabilité des plannings des personnels navigants, je tiens à indiquer qu’il s’agit d’une question d’organisation strictement interne à la compagnie. Il vise à mettre fin à une instabilité juridique sur l’interprétation, en période de grève, des dispositions de l’accord en vigueur depuis 2006. Dans les faits, les vols continueront d’être normalement assurés par des pilotes non grévistes volontaires, comme c’est déjà le cas depuis longtemps.

Et sachez que cette clarification ne porte atteinte à aucun des avantages dont bénéficieront les passagers grâce à la présente proposition de loi.

Lors de son examen en deuxième lecture le 22 février dernier, votre assemblée a amendé ce texte de façon significative. Je me réjouis à cet égard de la qualité des échanges et du travail qui a été conduit, et je souhaiterais insister sur trois de ces évolutions.

D’abord, la modification rédactionnelle apportée à la disposition sur le champ d’application de la proposition de loi a permis de mieux circonscrire celui-ci, en précisant très clairement que l’ensemble des entreprises ou des établissements œuvrant dans le transport aérien ne sont concernés que dans la mesure où ils concourent directement à l’activité de transport aérien de passagers.

Ensuite, la portée des obligations de déclaration vingt-quatre heures à l’avance a été clarifiée afin de prévenir les interprétations abusives que certains d’entre vous avaient dénoncées à juste titre.

M. Jean Mallot. Ah ! À juste titre !

M. Thierry Mariani, ministre. Il a donc été précisé que l’obligation de déclarer sa renonciation à la participation à la grève n’a de sens qu’à la condition que la grève ne soit pas achevée. En effet, dès lors qu’une grève a pris fin, ou qu’elle n’a pas commencé, il est légitime et utile d’affirmer que le salarié peut bien évidemment continuer son travail sans avoir à déclarer qu’il renonce à faire grève. De même, lorsqu’un salarié a participé à la grève et qu’il est mis un terme à celle-ci dans son entreprise, il peut reprendre immédiatement son travail, sans avoir à déclarer sa reprise vingt-quatre heures à l’avance. Cette modification permet de tenir compte de la réalité du terrain et de ne pas oublier les raisons qui avaient conduit M. Nicolin et M. Rochebloine à déposer un amendement suite à certains abus constatés, dans leur région, à la SNCF.

Enfin, les dispositions qui prévoient le recours à une sanction disciplinaire ont été adaptées en cohérence avec les précisions apportées au régime de déclaration de vingt-quatre heures à l’avance. En effet, non seulement il était prévu que la faculté de sanction s’exerce sous le contrôle vigilant du juge, mais il a également été précisé, par amendement, qu’une sanction ne peut être encourue qu’en cas de manquement répété à l’obligation de déclaration de renoncement à la participation à la grève ou à l’obligation de déclaration de reprise de service après participation à la grève.

Ainsi, ce qui pourrait être sanctionné est le fait de chercher à contourner l’obligation de déclaration de renoncement ou de reprise de service dans le but d’empêcher l’organisation du service, et ainsi, bien sûr, l’information des passagers.

Le texte tel qu’il vous est soumis aujourd’hui respecte véritablement les équilibres indispensables entre le droit de grève et la sauvegarde de l’ordre public, ce que chacun a compris, sauf certains qui, visiblement, n’ont pas envie de comprendre.

M. Jean Mallot. Soyez poli !

M. Thierry Mariani, ministre. Je ne vous visais pas, mais si vous vous reconnaissez…

Ce texte permettra un dialogue social apaisé sans pénaliser des millions de Français.

M. Bernard Deflesselles. Absolument !

M. Thierry Mariani, ministre. Mesdames, messieurs les députés, nous vivons aujourd’hui un moment important.

Cette proposition de loi constitue une avancée majeure pour le droit à une information fiable et précise des passagers du transport aérien en cas de mouvement social affectant ce secteur.

La loi du 21 août 2007 instaurant un service minimum dans les transports terrestres de voyageurs constitue l’une des grandes réformes de ce quinquennat, une réforme que la gauche a combattue en 2007 mais que, désormais, son candidat trouve tellement bonne qu’il n’entend pas la remettre en cause. De même, je ne doute pas que ce texte portera ses fruits en permettant des progrès indéniables.

Désormais les Français, qui aspirent légitimement à voyager ou à se déplacer, ne seront plus régulièrement laissés dans l’incertitude jusqu’au dernier moment et pénalisés au moment des grands départs. Et l’image de la France dans ce domaine en sortira grandie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Éric Diard, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Éric Diard, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je rapporte de nouveau devant vous au nom de la commission du développement durable la proposition de loi relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports, que j’ai déposée le 22 novembre 2011.

M. Jean Mallot. Comme titre, on ne fait pas plus long !

M. Éric Diard, rapporteur. Nous sommes en lecture définitive, après que le Sénat a rejeté la proposition cet après-midi en adoptant la question préalable.

M. Pierre Gosnat. Très bien !

M. Bernard Deflesselles. Quelle erreur !

M. Daniel Goldberg. Nous allons faire de même !

M. Éric Diard, rapporteur. Du moins l’adoption de la question préalable a-t-elle eu le mérite d’éviter l’adoption de tout amendement au Sénat.

Je reviens d’abord sur l’accord, médiatisé, conclu entre la direction d’Air France et un syndicat de pilotes. Cet accord ne remet nullement en cause, comme je l’ai parfois lu, les dispositions de la proposition de loi.

M. Jean-Paul Chanteguet. Criez-le bien fort, pour vous en convaincre !

M. Éric Diard, rapporteur. Bien au contraire. C’est parce que, grâce à la nouvelle loi, elle pourra connaître le personnel gréviste quarante-huit heures à l’avance que la direction d’Air France vient de mettre fin au contentieux qui l’opposait au syndicat majoritaire des pilotes à propos de la stabilité des plannings.

M. Thierry Mariani, ministre. Nous favorisons le dialogue social !

M. Éric Diard, rapporteur. Grâce à cette loi, il est mis fin à un imbroglio juridique.

M. Daniel Goldberg. Un autre commence !

M. Éric Diard, rapporteur. De surcroît, chers collègues, en cas de grève, Air France n’a jamais prévu, pour des raisons de sécurité évidentes, d’affecter des pilotes qui ne seraient pas volontaires.

M. Thierry Mariani, ministre. Cela, ils ne l’ont jamais compris !

M. Éric Diard, rapporteur. Le secteur aérien est très conflictuel. Au cours de ces trois dernières années, le trafic a été perturbé pendant 176 jours,…

M. Pierre Gosnat. Et pourquoi ?

M. Éric Diard, rapporteur. …suite à des mouvements de grève. Dans une grève, le personnel perd de l’argent, mais les compagnies également. Le dernier mouvement, entre le 6 et le 10 février, a coûté 34 millions d’euros à Air France. M. Mariani a eu raison de rappeler que cette compagnie est dans une situation financière précaire. Elle ne peut plus se permettre, au cours des prochaines années, autant de jours de conflit, au risque d’être condamnée à moyen terme.

Le transport aérien est particulièrement fragile. Dans cette vaste chaîne d’éléments interdépendants, la défaillance d’un maillon a immanquablement des répercussions sur l’ensemble.

M. Pierre Gosnat. Il faut nationaliser !

M. Éric Diard, rapporteur. Les activités de transport aérien ont un caractère concurrentiel, à la différence des transports terrestres. Il n’y a pas, ici, de service public, ni de service minimum.

Je rappelle les trois axes de cette proposition de loi.

D’abord, elle encourage le dialogue social et la prévention des conflits et incite employeurs et syndicats à conclure des accords cadre.

M. Jean Mallot. Pas besoin de loi pour cela !

M. Éric Diard, rapporteur. Ensuite, elle crée une obligation pour les compagnies aériennes d’informer les passagers, vingt-quatre heures à l’avance, des perturbations dues à des grèves.

Enfin, elle crée une obligation, en cas de grève, pour les seuls salariés dont l’absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols, d’informer leur employeur, quarante-huit heures à l’avance, de leur intention de participer à la grève.

M. Jean Mallot. C’est anticonstitutionnel.

M. Éric Diard, rapporteur. Cette proposition s’inspire bien évidemment de la loi du 21 août 2007 sur les transports terrestres réguliers de voyageurs, que le candidat socialiste déclare maintenant vouloir maintenir s’il est élu,…

M. Jean Mallot. Alors, votez pour lui !

M. Pierre Gosnat. Pas Mélenchon !

M. Éric Diard, rapporteur. …alors qu’en 2007, il parlait d’une « atteinte intolérable au droit de grève » !

En première lecture, le 24 janvier, nous avons ajouté un dispositif d’information de l’employeur par le salarié ayant déclaré son intention de faire grève ou étant en grève vingt-quatre heures avant de reprendre son travail, et ce afin de tenir compte de certains dysfonctionnements constatés dans les transports terrestres.

Je souligne également que ce texte n’est pas une réponse à la grève de décembre 2011, car il a été déposé auparavant. Le personnel gréviste ne connaissait même pas son existence lors du mouvement.

M. Thierry Mariani, ministre. Ni la gauche !

M. Éric Diard, rapporteur. Sur ce texte, nous avons mené quinze heures d’audition et auditionné vingt-huit personnes. C’est loin d’être négligeable pour un texte très concis, bien plus concis que la loi de 2007 sur les transports terrestres.

Enfin, on ne peut évoquer, en l’espèce, l’article L. 1 du code du travail, qui prévoit la consultation préalable des partenaires sociaux : il ne s’applique pas pour une proposition de loi, mais seulement pour un projet.

M. Jean Mallot. C’est bien pour cela que vous êtes passés par une proposition de loi : il s’agissait de contourner cette obligation !

M. Éric Diard, rapporteur. Il faudrait savoir. Lorsque le Gouvernement dépose un projet, vous nous traitez de godillots, lorsque des parlementaires déposent une proposition, vous regrettez que ce ne soit pas un projet !

M. Bernard Deflesselles. Eh oui !

M. Éric Diard, rapporteur. Cette proposition de loi ne limite en rien le droit de grève, qui est constitutionnellement garanti. Les salariés doivent informer leur employeur au préalable de leur intention de faire grève afin que ce dernier puisse, à son tour, informer les passagers. Les déclarations individuelles des salariés sont couvertes par le secret professionnel…

M. Pierre Gosnat. C’est une plaisanterie !

M. Éric Diard, rapporteur. …et les employeurs indélicats sont passibles de sanctions prévues par le code pénal.

Nous défendons le droit de grève tout en prenant en compte d’autres principes, comme la liberté d’aller et de venir et la sécurité publique.

Mes chers collègues de l’opposition, quand on vous parle de troubles à l’ordre public dans les aéroports, je vois que vous tiquez. N’avez-vous donc jamais vu les images d’aéroports bondés où se pressent des passagers à bout de nerfs ?

M. Thierry Mariani, ministre. Ils s’en moquent !

M. Éric Diard, rapporteur. Que faites-vous des personnes qui dorment à même le sol sans savoir si leur vol est maintenu ou annulé ?

M. Yves Nicolin. Ce sont parfois des familles entières avec des enfants !

M. Thierry Mariani, ministre. Ils ne sont pas humains ! (Sourires.)

M. Éric Diard, rapporteur. Pensez-vous aux personnels débordés qui se font insulter par des passagers désemparés ?

M. Bernard Deflesselles. Tout ça ne vous laisse pas insensibles, tout de même ?

M. Jean Mallot. Monsieur Deflesselles, vous en faites beaucoup ! L’Oscar du meilleur acteur a déjà été attribué. Cela dit, vous devriez vous en inspirer : il s’agissait d’un rôle muet !

M. Éric Diard, rapporteur. Puisque, pour vous, la crise n’existe pas et n’a jamais existé, je comprends qu’il ne puisse pas y avoir non plus de troubles à l’ordre public dans les aéroports !

Le texte qui vous est soumis défend le droit de grève. Il est fondé sur le respect dû aux salariés, mais aussi aux passagers que nous sommes tous.

En nouvelle lecture, les sanctions dont sont passibles les salariés ont été allégées pour préserver les agents de bonne foi. Le dispositif de déclaration du salarié désireux de quitter le mouvement de grève a été amélioré. Cet après-midi, j’ai entendu certains sénateurs de gauche dire que la majorité n’avait pas le monopole de l’empathie envers les passagers : sachez que l’opposition n’a pas plus celui de l’empathie envers les salariés !

Cet après-midi encore, un sénateur de gauche avouait qu’un conflit n’avait pas le même impact si les passagers n’étaient plus concernés. Vous voulez placer les passagers au centre du conflit. Nous voulons faire exactement le contraire ! Nous voulons que les passagers ne soient plus partie prenante de conflits auxquels ils sont étrangers.

M. Bernard Deflesselles. Et dont ils sont victimes !

M. Éric Diard, rapporteur. J’ai la conviction profonde que ce texte est attendu par nos concitoyens. (« Oui ! » sur les bancs du groupe NC.) Il permettra de garantir le droit de grève et la continuité de l’activité de transport aérien. Il permettra surtout de mieux respecter le passager. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la volonté du Gouvernement et de la majorité de faire vite aboutit à mal régler des situations de conflit. Cette volonté est restée entière : coûte que coûte, il fallait avancer le plus rapidement possible, sans doute dans le dessein électoral de flatter une certaine partie de l’opinion. Finalement, un peu comme l’a dit Éric Diard, vous continuez d’opposer les salariés et les passagers alors que, de notre point de vue, il faut faire tout le contraire. Nous voulons pouvoir combiner les intérêts légitimes des uns et des autres.

M. Jean Mallot. Évidemment !

M. Daniel Goldberg. Pis encore, vous avez créé le conflit avec votre proposition de loi. Le mouvement déclenché au début du mois de février a eu une certaine ampleur. Il a surtout concerné l’ensemble des professions du secteur aérien qui se sont mobilisées.

M. Thierry Mariani, ministre. Il n’y avait que les pilotes !

M. Daniel Goldberg. Vous avez même réussi à créer le « devoir de grève ». Je dois avouer que le concept nous avait échappé lors de la première lecture de la proposition de loi. Vous imposez au salarié de rester en grève vingt-quatre heures après qu’il a fait part de sa volonté de ne plus l’être. Ce « devoir de grève » n’existait même pas dans les régimes que vous vilipendez habituellement : vous faites très fort !

M. Thierry Mariani, ministre. C’est notre côté social ! (Sourires.)

M. Yves Nicolin. Vous auriez dû passer deux mois dans le département de la Loire. Vous auriez compris ce dont nous parlons !

M. Daniel Goldberg. Votre méconnaissance de la réalité du monde de l’aérien nous stupéfie. Elle dépasse tout ce que nous pouvions imaginer.

Vous voulez décalquer en matière de transport aérien la loi du 21 août 2007 sur le transport terrestre, mais nous avons déjà énuméré un certain nombre d’écueils car il existe de nombreuses différences entre les deux secteurs.

Dans l’aérien, il n’y a pas de mission de service public. Alors qu’il n’existe pas de préavis syndical collectif, vous créez un préavis individuel. L’aérien est un secteur concurrentiel qui compte 120 000 salariés, dont certains sont totalement précarisés, et près de 1 000 entreprises. Cela n’a rien à voir avec un secteur dans lequel évoluent deux entreprises publiques habituées au dialogue social. L’aérien ce sont des personnels et des entreprises diversifiés ainsi que de multiples chaînes de sous-traitance.

Ce n’est pas moi, mais notre collègue Christian Blanc, fin connaisseur de la RATP et d’Air France, qui disait, le 24 janvier dernier, à cette tribune : « Je pense, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que ce texte ne règle en rien les problèmes qui peuvent se poser et que vous voulez combattre. »

M. Thierry Mariani, ministre. Depuis, la proposition de loi a été améliorée !

M. Éric Diard, rapporteur. Vous n’avez même pas lu le texte dont vous parlez !

M. Daniel Goldberg. Des motifs constitutionnels justifient l’adoption de cette motion. J’en citerai quelques-uns.

Le législateur peut limiter le droit de grève en conciliant d’une part les intérêts professionnels, ceux des salariés, et, de l’autre, l’intérêt général, représenté, sans doute, par celui des passagers.

M. Éric Diard, rapporteur. Pas « sans doute » : c’est certain !

M. Daniel Goldberg. Pour notre part, nous défendons le droit de grève. J’ai cru comprendre que le ministre, le rapporteur et l’ensemble des parlementaires le défendaient également. Il s’agit d’un droit de valeur constitutionnelle. Mais nous, nous allons plus loin : nous considérons qu’une grève dans une entreprise est un échec dû à une défaillance du dialogue social.

M. Éric Diard, rapporteur. Bien sûr !

M. Daniel Goldberg. Je ne connais aucun salarié heureux de perdre une journée de salaire pour exprimer ses revendications.

M. Éric Diard, rapporteur. Personne n’est heureux : ni les salariés, ni les voyageurs, ni les compagnies !

M. Daniel Goldberg. La Constitution nous donne mandat de permettre l’exercice du droit de grève dans le cadre des lois qui le réglementent, à condition toutefois que ce droit puisse s’exercer de façon suffisamment large. En effet, si une loi porte atteinte au droit de grève, les restrictions en question doivent être justifiées et être le plus mesurées possible en fonction de l’objectif fixé.

En l’espèce, contrairement à l’argument que vous avez mis en avant, il n’y a aucun objectif à valeur constitutionnelle dont la sauvegarde justifierait les mesures proposées.

M. Éric Diard, rapporteur. Ah bon ?

M. Daniel Goldberg. Il s’agit là de la première des raisons pour lesquelles vous devez adopter la motion de rejet préalable.

L’argument de la continuité du service, qui était utilisé dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, a heureusement été abandonné : il vaut pour les services publics, pas pour le transport aérien.

La sécurité des personnes et des biens n’est pas un objectif ayant valeur constitutionnelle. De plus, en matière de transport aérien, il n’y a aucun danger particulier, comme il peut en exister pour d’autres activités économiques.

Les motifs d’ordre public ne sont pas des motifs à valeur constitutionnelle avérée. Quant à la liberté du commerce et de l’industrie qui a été invoquée en commission, elle a une valeur de constitutionnalité douteuse. Elle est d’ailleurs loin de ne concerner que le seul secteur du transport aérien. Un tel argument laisserait entendre que vous voulez étendre la limitation du droit de grève à d’autres secteurs concurrentiels du secteur privé.

Donc, pas d’objectif à valeur constitutionnelle à sauvegarder.

M. Éric Diard, rapporteur. Et la liberté d’aller et venir ?

M. Daniel Goldberg. Le deuxième motif qui doit vous pousser à adopter la motion de rejet préalable tient à la forte remise en cause du droit de grève par ce texte. Il porte atteinte à un droit de valeur constitutionnelle.

Aucun des risques mis en avant n’est propre aux mouvements sociaux, y compris, si l’on allait dans votre sens, ceux liés à l’ordre public ou à la sécurité des personnes et des biens. Le transport aérien peut être bloqué tout à fait indépendamment des mouvements sociaux. M. le ministre se souvient de ce qui s’est passé l’hiver dernier lorsque tout a été bloqué. Les risques n’étant pas propres à l’exercice du droit de grève, ce dernier ne doit pas être réglementé de ce seul fait.

Par ailleurs, vous vous opposez au droit de ne plus faire grève. Vous empêchez le salarié de travailler s’il veut quitter le mouvement social.

M. Éric Diard, rapporteur. Non !

M. Daniel Goldberg. Ce n’est pas acceptable.

Le droit à l’information des passagers que vous avez mis en avant n’est pas constitutionnel. Dans votre texte, vous renvoyez à la seule responsabilité des salariés, jamais à celle des entreprises du secteur. Cela non plus n’est pas acceptable.

Une troisième raison de voter cette motion est liée à la question suivante : à qui la proposition de loi s’applique-t-elle ?

La réponse a changé à plusieurs reprises. Une première version a consisté à dire que le texte ne s’appliquait à personne, ou à tout le monde, ce qui revient au même. Dans une seconde version, la réponse semblait être apportée par un renvoi à l’article R 216-1 du code de l’aviation civile. Aujourd’hui, sont concernés « les salariés dont l’absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols ». Mais quels sont les salariés en question ?

M. Éric Diard, rapporteur. Avez-vous lu la proposition de loi ?

M. Daniel Goldberg. Qui décidera quels seront les salariés concernés ? J’ai bien lu le texte qui nous est soumis : la question se pose. Mais, en fait, nous le savons parfaitement : ce seront les employeurs. L’employeur de chaque entreprise décidera si tel ou tel salarié pilote ou lié à l’escale concourt directement à la réalisation des vols.

J’ajoute que l’on oublie trop facilement la dimension internationale de cette affaire qui n’est pas sans poser un certain nombre de questions.

Pour toutes ces raisons, voter la motion de rejet préalable semble être une nécessité.

M. Jean Mallot. C’est une nécessité !

M. Daniel Goldberg. Par ailleurs, le protocole du 16 février 2010, que nous avons tous voté et qui oblige à la consultation préalable des partenaires sociaux, n’a pas été respecté. La commission des affaires sociales de notre assemblée n’a pas été saisie de ce texte, et elle ne s’en est pas saisie elle-même.

M. Éric Diard, rapporteur. C’est son droit !

M. Daniel Goldberg. Le dépôt d’une proposition de loi a permis de contourner l’obligation de recueillir l’avis du Conseil d’État.

M. Éric Diard, rapporteur. C’est comme cela, je n’y peux rien !

M. Daniel Goldberg. Il n’y a pas eu de dialogue social préventif avant le dépôt du texte. Et bien sûr, il n’y a pas eu d’étude d’impact,…

M. Éric Diard, rapporteur. C’est normal !

M. Jean Mallot. Ils avaient peur des résultats !

M. Daniel Goldberg. …qui n’est une obligation que pour les projets de loi. Là encore, c’est pour la contourner que vous avez décidé de passer par une proposition de loi.

M. Éric Diard, rapporteur. Je suis parlementaire : je ne peux pas déposer de projet de loi ! Je suis désolé !

M. Daniel Goldberg. Cela fait tout de même beaucoup d’écueils pour le dialogue social quand on prétend vouloir faire de la prévention des conflits le centre de la proposition de loi.

Malgré le rejet de Sénat, vous avez voulu avancer coûte que coûte pour faire passer une loi inapplicable.

M. Éric Diard, rapporteur. Les sénateurs n’ont même pas examiné le texte !

M. Daniel Goldberg. Parfois, la chance n’est pas de votre côté : à l’époque de la sarkozye flamboyante, quand vous marchiez sur les flaques d’eau, cela vous donnait des airs de Moïse. Aujourd’hui, cela vous donne des allures de Boudu, que l’on n’a même pas envie de sauver des eaux. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Yves Nicolin. Ce n’est pas Moïse qui marchait sur l’eau !

M. Daniel Goldberg. Hier, un accord entre Air France et le syndicat des pilotes de ligne vient de mettre à bas votre texte.

M. Éric Diard, rapporteur. Cela ne change rien !

M. Daniel Goldberg. Cela change tout, au contraire. Cela crée deux sortes de salariés de l’aérien : ceux dont le planning ne pourra pas être modifié et ceux dont le planning pourra l’être.

M. Éric Diard, rapporteur. C’était déjà le cas depuis 2009 !

M. Daniel Goldberg. Peut-être, mais, dans ce débat, cela change tout ! Cela crée deux catégories de salariés pour l’application de votre texte, ce qui est, à notre sens, totalement anticonstitutionnel.

Chers collègues, renoncez à votre texte ! Votez notre motion de rejet ! Laissez le dialogue social s’installer et aboutir !

M. Philippe Meunier. Vous êtes le parti de l’immobilisme !

M. Daniel Goldberg. Nous vous soutiendrons si vous allez dans ce sens et, je peux même vous dire mieux que cela : à partir du 7 mai, nous, nous le ferons ! (Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Meunier. Attendez le vote des Français !

M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Charles de Courson. Il semble que nos collègues de l’opposition ne connaissent pas la Constitution française.

M. Éric Diard, rapporteur. Ni la modestie !

M. Charles de Courson. Elle garantit le droit de grève « dans le cadre des lois qui le réglementent ».

Le droit de grève est un droit constitutionnel, qui doit être articulé avec d’autres droits constitutionnels comme la liberté d’aller et venir, la liberté du travail et d’autres droits publics reconnus.

L’attitude constante de nos collègues de gauche, qui ont toujours refusé tout encadrement du droit de grève, est absolument excessive. Le texte que l’on nous propose n’a rien à voir avec un service minimum : il s’agit de mettre en place un service garanti qui permettra de savoir quels avions vont décoller ou atterrir. Vous parlez d’une affaire !

C’est donc sans aucune hésitation que je vous invite à repousser cette motion. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet, pour le groupe SRC.

M. Jean-Paul Chanteguet. Nous estimons que ce texte porte atteinte au droit constitutionnel qu’est le droit de grève, car il n’y a pas d’objectif de valeur constitutionnelle à sauvegarder, qu’il s’agisse de la continuité du service, de la sécurité, de l’ordre public ou de la liberté du commerce.

Les raisons qui devraient vous conduire à voter cette motion de rejet préalable sont nombreuses ; j’en rappellerai quelques-unes. Tout d’abord, ce texte prend la forme d’une proposition de loi du groupe UMP, afin de permettre au Gouvernement de se soustraire aux obligations qui lui incombent lorsqu’il dépose un projet de loi.

M. Yves Nicolin. C’est le règlement !

M. Jean-Paul Chanteguet. Ensuite, ainsi que Daniel Goldberg l’a dit il y a quelques instants, cette proposition de loi, qui concerne pourtant le droit de grève, n’a fait l’objet d’aucune concertation avec les partenaires sociaux. En outre, le Conseil d’État n’a pas rendu d’avis, en dépit de sérieux doutes quant à la constitutionnalité du texte, et aucune étude d’impact n’a été réalisée. Enfin, la commission des affaires sociales ne s’est pas saisie du texte,…

M. Éric Diard, rapporteur. C’est son droit !

M. Jean-Paul Chanteguet. …ce qui n’a pas manqué de nous surprendre, dès lors qu’il relevait de son domaine de compétences.

Pour ces raisons et bien d’autres encore, qui ont déjà été évoquées, le groupe SRC votera la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Gosnat, pour le groupe GDR.

M. Pierre Gosnat. Les élus communistes et du Parti de gauche voteront bien entendu la motion de rejet préalable.

Monsieur de Courson, vous opposez toujours des objections au droit de grève : le droit de circuler, le droit de produire, le droit de ceci ou de cela. Mais, si l’on additionne ces différentes objections, on aboutit à une situation dans laquelle le droit de grève n’existe plus.

Mme Françoise Hostalier. Mais si. Le droit de grève, c’est le droit de ne pas travailler, ce n’est pas le droit d’empêcher les autres de circuler !

M. Bernard Deflesselles. Vous, vous êtes pour le devoir de grève !

M. Pierre Gosnat. La question fondamentale qui nous est posée est donc bien celle de garantir constitutionnellement le droit de grève à tous les salariés.

Mme Françoise Hostalier. Ils l’ont !

M. Pierre Gosnat. Arrêtez donc de multiplier les objections à l’exercice de ce droit ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour le groupe UMP.

M. Jean Mallot. Ah, ça va être subtil !

M. Yves Nicolin. Votre remarque est particulièrement basse, monsieur Mallot. Mais ce n’est pas grave.

À une semaine de la suspension des travaux de l’Assemblée, l’opposition tente, une fois de plus, de retarder l’adoption de textes utiles à nos concitoyens par des motions de procédure et autres subterfuges dilatoires. Mais la détermination de la majorité est totale : nous voterons cette proposition de loi.

Voulons-nous mettre en péril le droit de grève dans notre pays ? Non.

M. Pierre Gosnat. Bien sûr que si !

M. Yves Nicolin. Chers collègues de l’opposition, une fois que cette proposition de loi sera votée, vous ne manquerez pas de saisir le Conseil constitutionnel. Une fois de plus, celui-ci rejettera vos griefs et vous serez bien obligés de constater qu’elle ne remet absolument pas en cause le droit de grève dans notre pays.

Dans quelques mois, beaucoup de nos compatriotes souhaiteront, après avoir beaucoup travaillé, profiter de leurs congés payés, qui sont un acquis de 1936. Ils ont le droit de partir en vacances. Or, pour cela, ils ont le droit d’utiliser des transports, qu’ils soient publics ou privés. Nos compatriotes ont, certes, le droit de faire grève, mais ils ont aussi et surtout le droit d’être informés des conséquences de ces grèves et de bénéficier d’un service minimum qui leur permettra de rejoindre leur famille et de passer quelques moments heureux avec leurs proches. Vous, vous leur déniez ce droit. Nous, nous souhaitons concilier le droit de grève avec la liberté de circulation, qui permet de partir en vacances, mais aussi de travailler. Car beaucoup de gens qui contribuent à la croissance du PIB de la France prennent les transports en commun. Nos transports publics doivent donc pouvoir fonctionner.

Cette proposition de loi doit être débattue. C’est pourquoi le groupe UMP ne votera pas cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Charles de Courson, premier orateur inscrit.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’entends dire, ça et là, que la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en lecture définitive devrait être enterrée du fait de la signature d’un accord entre la direction d’Air France et le Syndicat national des pilotes de ligne. Il n’en est rien !

Tout d’abord, le texte de l’accord stipule qu’une fois fixé, le planning des pilotes restera stable. La direction ne pourra pas obliger un pilote ayant volé tout dernièrement à reprendre du service. Quoi de plus naturel ? C’est une mesure de bon sens pour la sécurité des vols et des passagers. Seuls les pilotes volontaires pourront se voir affecter de nouveaux programmes de vol alors qu’une grève est annoncée. Réaffecter contre leur gré ces professionnels ne saurait garantir la sécurité nécessaire au transport aérien. D’où l’accord signé par la direction d’Air France, qui a bien conscience de ces enjeux.

Par ailleurs, le texte est loin d’être mort, car le compromis signé entre la direction et les pilotes d’Air France prend acte de la volonté du Parlement et du Gouvernement d’assurer une meilleure information des passagers. Les grévistes devront ainsi, sous peine de sanction, se déclarer quarante-huit heures à l’avance. L’objectif poursuivi par la proposition de loi est bien celui-là. Les compagnies aériennes pourront communiquer les prévisions de trafic suffisamment tôt et mobiliser les personnels non grévistes et/ou volontaires afin d’assurer un service garanti.

Toute polémique est donc à proscrire en ce qui concerne l’organisation interne de cette compagnie, dans la mesure où l’accord conclu entre la direction et les syndicats ne porte pas d’atteinte grave aux bénéfices que nos concitoyens retireront de cette excellente proposition de loi.

Le groupe Nouveau Centre a soutenu cette excellente proposition de loi depuis son dépôt et il s’associera à son adoption. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Gosnat.

M. Pierre Gosnat. Mes chers collègues, l’agenda délirant de cette fin de mandature nous oblige à nous prononcer à nouveau sur cette proposition de loi quelques jours seulement après son adoption en nouvelle lecture. C’est un coup de force. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Vous vous en doutez, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche n’ont pas changé d’avis : ils sont résolument opposés à cette proposition de loi de casse du droit de grève. Du reste, mardi dernier, mes collègues et camarades Roland Muzeau et André Chassaigne étaient avec les salariés et le front syndical, tout près de l’hémicycle, pour dire ensemble notre refus d’une telle réforme. Il faudrait peut-être que vous l’entendiez !

Je voudrais, tout d’abord, revenir sur le calendrier absurde de cette navette parlementaire. Le texte dont nous débattons a été examiné il y a quelques heures seulement au Sénat : ce n’est plus une navette, c’est un supersonique !

M. Philippe Meunier. Dans le domaine aérien, cela n’a rien d’étonnant !

M. Thierry Mariani, ministre. C’est le ministère des transports, que voulez-vous !

M. Pierre Gosnat. Si je me félicite du vote des sénatrices et des sénateurs, je déplore votre précipitation, qui est d’autant plus absurde qu’entre-temps, un accord – certes, loin d’être exemplaire – signé par les pilotes et la direction d’Air France est venu en quelque sorte remettre en cause l’utilité de ce texte.

M. Thierry Mariani, ministre. Ce n’est pas vrai !

M. Yves Nicolin. Air France n’est pas la seule compagnie concernée par le texte !

M. Pierre Gosnat. Dès lors, comment justifier votre précipitation, si ce n’est par une sorte d’acharnement à faire passer un texte électoraliste, dont l’objectif est d’opposer les passagers des transports aériens aux salariés de ce secteur. La division, toujours la division : c’est votre fonds de commerce !

M. Éric Diard, rapporteur. C’est le vôtre !

M. Pierre Gosnat. En faisant croire que les dysfonctionnements de l’aérien sont le fait des grèves, vous cherchez à escamoter la cause première des retards, des blocages, de la désorganisation et du manque d’information : la libéralisation du transport aérien. En effet, le démantèlement des opérateurs publics – rappelons-nous d’Air France et d’Air Inter – et la ruée d’une multitude d’acteurs sur ce nouveau marché au titre de la règle de la concurrence dite libre et non faussée ont abouti à la création d’une véritable jungle. Les entreprises de ce secteur précarisent, licencient, sous-traitent, dégradent les conditions de travail, accélèrent les rotations, délocalisent les contrats de travail et la maintenance des appareils, augmentent le temps de travail et sabrent dans les procédures de sécurité. La qualité du service en pâtit grandement, et vous en êtes d’ailleurs souvent les témoins.

Ainsi, tout récemment, la compagnie française Air Méditerranée a créé une filiale grecque et immatriculé ses appareils en Grèce. Les contrats de travail concernés sont alignés sur le droit du travail grec, de sorte que l’entreprise profite de la diminution des cotisations et des salaires, qui sont divisés par deux. Qu’avez-vous fait pour vous y opposer ? Quant à nous, nous nous insurgeons contre ces pratiques qui, de toute évidence, deviennent la règle et sont étendues aux dizaines de milliers de salariés français du secteur aérien.

Ce sont ces pratiques indignes qui créent les dysfonctionnements que vous faites mine de déplorer.

N’est-il pas temps de se poser les vraies questions ? Quand ferez-vous le bilan des politiques ultralibérales menées depuis trente ans ?

M. Éric Diard, rapporteur. Nous nous éloignons du sujet !

M. Pierre Gosnat. Quand rendra-t-on obligatoire un audit sur les privatisations, les ouvertures de capital et les filialisations ? Quel est le bilan du tout libéral, qui consiste dans la destruction systématique du service public ? Ce dogme a du plomb dans l’aile, comme le montre la crise actuelle. Pourtant, vous vous acharnez, et ce débat en est une nouvelle preuve.

Puisque nous sommes convoqués pour la deuxième fois en une semaine afin d’examiner cette proposition de loi absurde, j’exige, au nom de notre groupe et, plus généralement, du Front de gauche, que le Conseil constitutionnel soit saisi.

La semaine dernière, mon collègue André Chassaigne a évoqué les multiples aberrations que comporte ce texte, qu’il s’agisse de sa démarche réactionnaire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) – oui, réactionnaire, puisqu’il marque un retour en arrière – ou de son contenu technique. Pour ma part, j’insisterai sur le caractère manifestement anticonstitutionnel de votre attaque contre le droit de grève dans l’aérien. En effet, chacun le sait, ce droit a valeur constitutionnelle. Pour le supprimer – puisque tel est votre objectif –, il vous faut donc vous fonder sur d’autres principes de même valeur. C’est ainsi que vous avez apporté des limitations au droit de grève lorsqu’un service public est concerné ; il s’agissait d’une première entaille. Or, elle est de nature à établir l’inconstitutionnalité du présent texte, puisque les entreprises du secteur des transports aériens sont des entreprises privées qui ne sont pas chargées de missions de service public.

M. Éric Diard, rapporteur. Vous n’avez pas lu le texte !

M. Pierre Gosnat. Seule peut être invoquée l’exception des dessertes de la Corse, mais elle ne saurait justifier un bridage généralisé du droit de grève en France.

Vous invoquez également la sécurité des personnes et des biens. Mais, comme le remarquent MM. Éric Millard et Antoine Lyon-Caen, professeurs de droit à l’université de Paris-ouest, cette obligation n’a de valeur constitutionnelle que si les activités concernées présentent des dangers particuliers, comme c’est le cas de la production d’énergie nucléaire. Cet argument n’est donc pas valable pour le transport aérien, dont les activités ne présentent pas un tel danger.

Enfin, l’exposé des motifs de votre proposition de loi prétend justifier la suppression du droit de grève par le fait qu’un mouvement social constituerait un « trouble à l’ordre public ». Tout est dit : pour vous, la grève n’est pas un moyen de défense des droits des salariés, c’est un désordre qu’il faut combattre. Pourquoi ? Parce que la grève et les mouvements sociaux vous font peur : les rassemblements de travailleurs, l’action collective et la contestation d’un système que vous servez quotidiennement vous sont insupportables !

M. Éric Diard, rapporteur. C’est votre discours dépassé qui est insupportable !

M. Pierre Gosnat. Prenons l’exemple de la mobilisation de la semaine du 6 février contre cette proposition de loi. A-t-elle troublé l’ordre public, monsieur le ministre ? Non. Je cite à nouveau les représentants de la doctrine juridique que j’ai mentionnés : « L’utilisation d’un mot ne suffit pas à établir un objectif de valeur constitutionnelle ».

Ainsi, votre charge contre le droit de grève n’est tout simplement pas fondée en droit. C’est la raison pour laquelle il nous semble particulièrement indispensable de saisir le Conseil constitutionnel.

Ce qui rendra impossible l’exercice du droit de grève, c’est bien sûr le dispositif d’auto-déclaration de participation au mouvement quarante-huit heures à l’avance.

Le Syndicat national des pilotes de ligne note, à juste titre, qu’il s’agit là de créer un préavis individuel, alors même que la loi n’impose pas de préavis collectif.

M. Éric Diard, rapporteur. Ça a changé !

M. Pierre Gosnat. D’autre part, avec la pression qui existe aujourd’hui sur les salariés, les multiples plans sociaux, le nombre de personnels en CDD, selon le SNPL, « un salarié désireux de conserver son emploi n’aurait d’autre alternative que de ne pas faire grève ». Vous le savez très bien, et c’est la raison pour laquelle vous présentez cette loi !

Alors qu’aujourd’hui, en période de crise et d’explosion du chômage, se priver de journées de salaire en participant à un conflit social est déjà un acte de courage, il deviendra bientôt impossible de le faire sans risquer de perdre son emploi ! Pourtant, les salariés qui participent à ces mobilisations n’ont d’autre objectif que de défendre leurs droits, leurs emplois, leurs conditions de travail – particulièrement malmenées dans le domaine du transport aérien. Plus généralement, c’est un outil de travail, une part de la richesse productive de la nation qu’ils veulent préserver.

Le front syndical est totalement uni face à votre initiative. Les salariés sont vent debout contre cette réforme…

M. Éric Diard, rapporteur. Ça ne s’est pas tellement vu ! Ils ont oublié de m’écrire !

M. Pierre Gosnat. …qui signifie, pour eux, la fin de leur pouvoir de revendication. Dans votre obsession antisociale, vous les maltraitez à coup de lois rétrogrades ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Éric Diard, rapporteur. C’est votre discours qui est rétrograde !

M. Pierre Gosnat. Sachez que nous, communistes, resterons toujours à leur côté sur le front des luttes pour l’emploi, les salaires et les droits. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. Il n’y a plus de communistes ! Vous ne le saviez pas ?

M. Pierre Gosnat. C’est la raison pour laquelle, une fois de plus, nous voterons résolument contre ce texte. Nous défendons, pour notre part, une nouvelle constitution pour une VIe République (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP)...

M. Thierry Mariani, ministre. Voyez-vous ça !

M. Pierre Gosnat. Permettez que dans cette assemblée, on parle de république, mes chers collègues !

M. Philippe Meunier. Celle des soviets ?

M. Pierre Gosnat. Une VIe République, disais-je, dans laquelle le droit de grève serait inattaquable.

C’est pour promouvoir ce projet que le Front de gauche organise, le 18 mars, une grande marche à Paris jusqu’à la Place de la Bastille – à laquelle je vous invite, mes chers collègues de droite !

M. Yves Nicolin. Non merci ! Nous aurons mieux à faire !

M. Philippe Meunier. Il y en a qui travaillent, monsieur !

M. Pierre Gosnat. J’appelle l’ensemble de nos concitoyens à nous y rejoindre, avec notre candidat Jean-Luc Mélenchon !

M. Charles de Courson. Et le droit de grève dans les régimes communistes, qu’est-ce que vous avez fait pour le défendre ?

M. Jean Mallot. Allons, mon cher collègue, n’en faites pas trop !

M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin.

M. Yves Nicolin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui en dernière lecture la proposition de loi relative à l’organisation du service et à l’information des passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports.

Je me réjouis que nous puissions enfin voir l’aboutissement de ce texte. À l’issue de son rejet par le Sénat en deuxième lecture, il revient en effet à l’Assemblée nationale de statuer définitivement sur ce texte majeur déposé par notre collège Éric Diard, qui doit permettre aux passagers de circuler librement, tout en respectant le droit de grève.

Au terme de son examen par le Parlement, permettez-moi de revenir brièvement sur le contexte qui a présidé à cette proposition de loi, ainsi que sur les modifications utiles et opportunes qui ont été apportées à ce texte, tant en commission du développement durable qu’en séance publique.

Comme vous le savez, le secteur du transport aérien de passagers est aujourd’hui marqué par une conflictualité assez forte. On dénombre ainsi 176 jours de grève dans ce secteur au cours des trois dernières années – nous avons d’ailleurs encore en mémoire plusieurs grèves récentes. Or, ces grèves peuvent entraîner des troubles à l’ordre public lorsque de nombreux passagers sont en attente, mais aussi provoquer des risques importants en matière d’exercice des missions de service public liées à l’activité portuaire. Enfin, la liberté d’aller et venir des passagers peut être mise en cause, ainsi que la liberté du commerce.

Aussi, la présente proposition de loi vise à concilier le principe constitutionnel du droit de grève avec la sécurité publique, la continuité du service et la libre circulation des personnes. Au terme de son examen par le Parlement, je tenais à saluer la rédaction équilibrée de ce texte, qui a bénéficié, à l’Assemblée nationale, d’ajouts et de précisions particulièrement utiles – on ne peut pas en dire autant du Sénat.

La proposition de loi repose sur trois piliers essentiels permettant de renforcer l’organisation du service et l’information des passagers. Le premier axe de cette proposition de loi est l’instauration, pour les entreprises concourant directement à l’activité de transport aérien de passagers, d’un dispositif de dialogue social préventif à l’exercice du droit de grève.

L’employeur et les organisations syndicales représentatives pourront donc engager des négociations en vue de la signature d’un accord-cadre organisant une procédure de prévention des conflits et tendant à développer le dialogue social. Compte tenu du fait que le transport aérien n’est pas tenu d’exercer une mission de service public, il s’agit là d’un encouragement, et non d’une obligation semblable à celle existant dans le transport terrestre de voyageurs. En application de cet accord, l’exercice du droit de grève ne pourra intervenir qu’après une négociation préalable entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives envisageant de recourir au droit de grève.

Le second axe de ce texte, c’est l’obligation de déclaration individuelle de participation au mouvement de grève, faite quarante-huit heures à l’avance, pour le salarié dont l’absence affecte directement la réalisation des vols. Cette déclaration permettra aux entreprises de connaître à l’avance l’état des effectifs et aux passagers de savoir si leur vol est assuré ou non la veille de leur départ. Le non-respect répété de cette obligation pourra faire l’objet, sous le contrôle du juge, d’une éventuelle sanction disciplinaire. Ce délai de prévenance individuelle apparaît donc tout à fait équilibré.

Par ailleurs, notre assemblée a souhaité introduire un délai de reprise de vingt-quatre heures qui semble particulièrement bienvenu. Le salarié qui a déclaré son intention de participer à la grève et qui renonce à y participer, ou qui décide de reprendre son service, devra informer son employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l’heure prévue de sa participation à la grève ou de sa reprise, afin que l’employeur puisse l’affecter. Cette disposition, applicable dans le transport aérien, le sera également, à mon initiative, dans les transports terrestres de voyageurs.

Dans le département de la Loire, durant 75 jours d’affilée, quelques dizaines de salariés de la SNCF se sont déclarés grévistes quarante-huit heures à l’avance, comme le voulait la loi, avant de venir prendre leur service le matin, sans prévenir qu’ils renonçaient à faire grève. Personne ne pouvait remettre les trains en marche, mais ces personnes étaient payées, n’étant plus en grève ! Cette grève perlée a désorganisé l’ensemble des travailleurs du département pendant 75 jours, avec, pour certaines des personnes concernées, des conséquences graves pouvant aller jusqu’au licenciement – plusieurs exemples nous en ont été rapportés. C’est à cette pratique que nous avons voulu mettre fin avec le délai de reprise de vingt-quatre heures.

M. Jean Mallot. C’est une faille de la loi de 2007. Nous vous l’avions dit à l’époque.

M. Yves Nicolin. Comme nous l’avons précisé à l’initiative du rapporteur, cette information ne sera pas requise lorsque la grève n’a pas lieu ou lorsque la reprise de service est consécutive à la fin de la grève.

Je tenais également à souligner que nous avons souhaité introduire la possibilité pour les parties au conflit de désigner un médiateur, afin de favoriser le règlement amiable de leurs différends. Nous avons également prévu qu’au-delà de huit jours de grève, l’employeur, une organisation syndicale représentative ou le médiateur puisse décider de l’organisation par l’entreprise d’une consultation ouverte aux salariés concernés par les motifs de la grève et portant sur la poursuite de celle-ci.

Enfin, le dernier axe de cette proposition de loi repose sur le droit de tout passager de disposer d’une information gratuite, précise et fiable sur l’activité assurée. Les entreprises de transport aérien devront délivrer cette information vingt-quatre heures avant le début de la perturbation, afin que les passagers puissent s’organiser.

Pour l’ensemble de ces raisons, mes chers collègues, le groupe UMP votera avec conviction cette proposition de loi qui constitue une réelle avancée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Mariani, ministre. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Thierry Mariani, ministre. Ça, c’est moins bien !

M. Jean Mallot. Monsieur le président, monsieur le ministre – vous noterez que je vous salue en dépit de votre remarque désobligeante –, mes chers collègues, la proposition de loi grâce à laquelle notre collègue Éric Diard compte bien entrer dans l’histoire (Rires et exclamations)

M. Éric Diard, rapporteur. Au minimum !

M. Thierry Mariani, ministre. C’est déjà fait !

M. Jean Mallot. …poursuit, ce soir, son parcours chaotique.

Certes, la formule « lecture définitive » figurant à l’ordre du jour de notre assemblée peut donner à penser que ce parcours s’achève, mais il n’en est rien. Si ce texte est adopté, il devra être examiné par le Conseil constitutionnel, ce qui aboutira certainement, selon nous, à un désaveu.

M. Yves Nicolin. C’est un pur fantasme !

M. Jean Mallot. Quand bien même une partie de ce texte survivrait au crible du juge constitutionnel, tout ce qui apparaît, jour après jour, sur la véritable nature du dispositif et les professions et activités qu’il est censé concerner montre que son application poserait plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait.

Le 23 novembre 2011, Éric Diard, député, fait innocemment enregistrer à la présidence de l’Assemblée une proposition de loi « visant à assurer la sauvegarde de l’ordre public et la continuité du service dans les aéroports ».

M. Éric Diard, rapporteur. C’était le 22 novembre, mais peu importe !

M. Jean Mallot. Cette proposition de loi se fixe pour objectif « d’assurer aux passagers une information précise et fiable sur l’état du trafic de la compagnie aérienne concernée par l’exercice du droit de grève ». Elle prétend pour cela instaurer un dispositif de dialogue social préventif, complété par une obligation de déclaration individuelle confidentielle de participation à la grève quarante-huit heures à l’avance. Elle affirme qu’une information des passagers vingt-quatre heures à l’avance sur l’état du trafic « garantira leur sécurité » – on se demande ce que la notion de sécurité vient faire là-dedans, mais passons.

Je note que la proposition de loi initiale ne fait pas référence à la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, dont elle décalque pourtant le dispositif – comme si l’auteur du texte avait déjà conscience que ce glissement lui faisait franchir la frontière de l’anticonstitutionnalité.

M. Éric Diard, rapporteur. Quelle interprétation !

M. Jean Mallot. Notre collègue était-il alors convaincu que sa proposition de loi, simple texte d’affichage, avait vraiment vocation à se trouver inscrite à l’ordre du jour et discutée dans l’hémicycle ? Je n’en suis pas sûr.

M. Éric Diard, rapporteur. Je n’en ai jamais douté !

M. Jean Mallot. A-t-il, sans le vouloir, déclenché les mouvements de grève qui allaient le placer sous les feux de la rampe ? Toujours est-il que, lors des conflits sociaux de fin décembre 2011, le Gouvernement a sauté sur l’occasion et, retrouvant les accents de l’été 2007 – aidé en cela par le retour de l’ambiance de campagne électorale présidentielle – a déclaré vouloir « en finir avec les grèves à répétition », selon les termes employés par Thierry Mariani dans une tribune publiée dans Les Échos du 24 janvier 2012.

M. Thierry Mariani, ministre. Bonne lecture !

M. Jean Mallot. La presse a observé que le Gouvernement voulait « briser la grève dans les aéroports », « profiter des grèves dans l’aérien pour imposer le service minimum ». Quelles que soient vos dénégations, monsieur le ministre, il est évident que votre cible n’est autre que le droit de grève – et votre remède affiché, le service minimum…

M. Thierry Mariani, ministre. Garanti !

M. Jean Mallot. …ce que vous avez d’ailleurs confirmé lors de la séance de questions au Gouvernement du 7 février dernier, ici même, déclarant : « Nous avons instauré un service minimum qui permet aux usagers de la SNCF et de la RATP de ne plus être pénalisés. C’est ce que nous voulons faire dans le secteur aérien. »

M. Éric Diard, rapporteur. Il s’agit d’un service garanti !

M. Jean Mallot. Le bouc émissaire, comme diraient certains – ou le poumon du malade imaginaire, comme diraient d’autres –, c’est le gréviste, cause supposée de tous les maux dans les transports aériens, comme il l’avait été dans les transports terrestres de voyageurs en 2007 !

Pour autant, votre démarche de transposition du dispositif de 2007 dans le secteur aérien se heurte à de nombreuses difficultés. D’abord, vous voulez appliquer ce dispositif à des salariés qui ne sont pas chargés d’une mission de service public, mais exercent dans un secteur libéralisé concurrentiel. Par ailleurs, vous voulez imposer un préavis de grève individuel là où la loi n’impose pas de préavis collectif.

À l’occasion de la discussion de cette proposition de loi, vous prétendez également traiter et résoudre l’une des failles de la loi de 2007 : le cas des salariés qui, s’étant déclarés grévistes quarante-huit heures à l’avance, viennent finalement travailler le jour J. Le service est désorganisé, ou réorganisé, mais ces salariés ne sont pas grévistes. Vous avez, pour cela, inventé le « devoir de grève », en vertu duquel tout salarié qui s’est déclaré gréviste devrait attendre vingt-quatre heures avant de reprendre le travail ! Devant l’absurdité de ce remède adopté en première lecture, vous avez tenté, en nouvelle lecture, de colmater la brèche en prévoyant que le délai de vingt-quatre heures ne serait pas obligatoire lorsqu’il est « mis fin à la grève ». Ce faisant, vous retombez sur une difficulté que vous rencontrez depuis le début, à savoir la nécessité de concilier démarche collective de grève et préavis individuel. Un salarié déclaré gréviste pourra parfaitement, pour une raison ou pour une autre, de bonne foi, décider de reprendre le travail ou, tout simplement, de ne pas faire grève, alors que le mouvement collectif n’aura pas cessé. Il sera alors bel et bien obligé de ne pas reprendre son travail avant vingt-quatre heures, sous peine de sanctions. C’est ubuesque !

M. Éric Diard, rapporteur. Non, ça a changé !

M. Jean Mallot. Dans le domaine du transport aérien, on pense en premier lieu aux personnels navigants. Or, la loi du 8 décembre 2009 interdit déjà, de fait, à ces personnels de faire grève en escale, disposant que « le personnel navigant est tenu d’assurer son service tel qu’il a été programmé entre deux passages à l’une des bases d’affectation ». Lorsque l’on rapproche cette interdiction de la nouvelle obligation d’un préavis individuel de quarante-huit heures, on ne peut que constater la quasi-impossibilité, pour les personnels navigants, de recourir à la grève – mais peut-être est-ce là ce que souhaitent le Gouvernement et sa majorité ?

L’affaire s’est sérieusement compliquée ces derniers jours. La direction d’Air France – compagnie qui assure une part prédominante des vols intérieurs français et une part importante des vols vers les destinations européennes – vient de signer, avec le Syndicat national des pilotes de ligne, un accord qui met à mal l’application effective de la loi dont nous débattons ce soir.

M. Thierry Mariani, ministre. Ça ne change rien !

M. Jean Mallot. Aux termes de cet accord, « le planning du personnel navigant et technique est stable en toutes circonstances et en toutes périodes, et ce sans exception ».

M. Éric Diard, rapporteur. Le principe de stabilité date de 2009 !

M. Jean Mallot. « Toute modification du planning, dit le texte, doit faire l’objet d’un accord entre la compagnie et le navigant concerné. » Bonjour l’adaptation du service après collecte des préavis de grève individuels confidentiels quarante-huit heures à l’avance ! C’est impossible.

Décidément, ce gouvernement a du mal avec la négociation sociale. Il est vrai qu’avec sa majorité UMP, il a tout fait pour ignorer et contourner le dialogue social. Au lieu de recourir à l’artifice de la proposition de loi pour éviter l’application de la loi Larcher de janvier 2007, qui faisait obligation de proposer une négociation sociale sur ce sujet avant de légiférer, et au lieu de vous asseoir, mes chers collègues de l’UMP, sur le protocole dont s’est dotée notre assemblée pour appliquer un traitement analogue aux propositions de loi, n’aurait-il pas été plus simple et plus efficace de faire confiance à la démocratie sociale et à l’esprit de responsabilité des partenaires sociaux ?

Le plus probable est qu’ils auraient trouvé un accord permettant de concilier l’exercice du droit de grève avec une information satisfaisante des passagers,…

M. Éric Diard, rapporteur. Pourquoi voulez-vous changer la règle du jeu en cours de route ?

M. Jean Mallot. …puisque tel était, paraît-il, votre objectif ?

Rappelez-vous qu’à l’époque de l’examen de ce qui allait devenir la loi du 21 août 2007, les syndicats consultés avaient tous souligné le caractère inutile du dispositif envisagé…

M. Éric Diard, rapporteur. Non, pas tous !

M. Jean Mallot. …et les risques qu’il comportait, sans pour autant créer les conditions d’une meilleure prévention des conflits.

Mais, à défaut d’accord, la rédaction d’un projet de loi vous aurait permis, d’abord, de réaliser une étude d’impact, dont l’utilité apparaît manifeste à chaque moment de nos débats, et ensuite, de bénéficier de l’avis du Conseil d’État,…

M. Éric Diard, rapporteur. Pourquoi éliminer les partenaires sociaux ?

M. Jean Mallot. …lequel vous aurait évidemment rappelé que toute disposition visant à limiter et encadrer l’exercice du droit de grève – car c’est bien de cela qu’il s’agit, monsieur de Courson –, liberté constitutionnellement protégée, ne doit pas être disproportionnée.

Or, on le voit bien, votre proposition de loi et son dispositif ne se justifient pas au regard des objectifs que vous avez annoncés successivement, et de façon fort imprécise. Reprenons-les l’un après l’autre.

Le droit à l’information. Depuis quand est-ce un droit ayant valeur constitutionnelle ?

La continuité du service. Nous ne sommes pas dans un service public.

La sécurité des biens et des personnes. Quelle est, à cet égard, la spécificité du transport aérien ?

L’ordre public. Quel risque spécifique peut-on avancer ?

Pourquoi, par glissements progressifs, ne pas en venir à limiter le droit de grève dans les boulangeries ?

M. Daniel Goldberg. C’est vrai !

M. Éric Diard, rapporteur. Ben voyons !

M. Jean Mallot. Le Conseil d’État vous aurait également rappelé que le Conseil constitutionnel, à propos de la loi de 2007, avait considéré que « l’obligation de déclaration préalable […], qui ne saurait être étendue à l’ensemble des salariés, n’est opposable qu’aux seuls salariés dont la présence détermine directement l’offre de services ». Il vous aurait donc conseillé de ne pas retenir ce périmètre particulièrement large et relativement flou que vous décrivez s’agissant des activités, des entreprises et des salariés qui seraient concernés par votre proposition de loi.

M. Éric Diard, rapporteur. Toutes les professions concernées figurent dans le texte !

M. Jean Mallot. En réalité, le Gouvernement et sa majorité UMP sont dans une démarche purement électoraliste. Ils prennent les grévistes en otage, au service d’une opération supplémentaire de division des Français. Ils oublient que les salariés ne font pas grève par plaisir ou par jeu.

M. Éric Diard, rapporteur. On l’a dit !

M. Jean Mallot. La grève est toujours la reconnaissance implicite d’un échec du dialogue social…

M. Éric Diard, rapporteur. Ça aussi, on l’a dit !

M. Jean Mallot. …et de toute tentative d’amélioration des conditions de travail et de rémunération des salariés.

C’est sur les sujets suivants que, si elle était responsable, la majorité devrait se pencher : comment réduire les causes de la grève ? Comment rendre meilleures les conditions de vie et de travail des salariés ? Pour rechercher le point d’équilibre entre les intérêts des uns et des autres, comment faire vivre et aboutir le dialogue social ? Mais de tout cela, le Gouvernement et l’UMP ne se soucient guère ; c’est bien ce que nous leur reprochons. Ce soir encore, nous voterons donc contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Jean-Paul Chanteguet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l’adoption par le Sénat d’une seconde motion opposant la question préalable à la délibération sur la proposition de loi relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers, ce texte nous revient pour une lecture définitive ; c’est la troisième fois que nous l’examinons.

Pour justifier sa proposition de loi, notre rapporteur invoque la sauvegarde de l’ordre public, de la sécurité et de la santé des personnes, puisque, par exemple, sur la plateforme aéroportuaire de Roissy-Charles-de-Gaulle, 60 % des passagers effectuent des vols en correspondance, ce qui peut, en cas de mouvement de grève important, créer des troubles, dans la mesure où les capacités d’hébergement ne permettraient pas de répondre aux besoins.

M. Éric Diard, rapporteur. Bien sûr ! Vous n’avez jamais vu cela ?

M. Jean-Paul Chanteguet. Nous ne pouvons entendre cette justification, d’une part, parce que, contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, la conflictualité dans le secteur du transport aérien de voyageurs s’est sensiblement réduite au cours de ces dernières années,…

M. Éric Diard, rapporteur. Elle n’existe pas pour vous ! Vous êtes comme Hollande, vous vivez dans le monde des Bisounours !

M. Jean-Paul Chanteguet. …et, d’autre part, parce que les salariés des sociétés de sécurité aérienne, qui ont déclenché cet important mouvement social à la fin de l’année 2011, ce qui a d’ailleurs suscité la colère de Nicolas Sarkozy et l’inscription de cette proposition à notre ordre du jour, sont régis par une convention collective qui les oblige à déposer un préavis de cinq jours avant le début de toute grève.

Avec cette proposition de loi, le Gouvernement, très attaché à l’instauration d’un service minimum dans les transports, aura trouvé le véhicule législatif approprié lui permettant de faire adopter son propre texte, au travers de sa réécriture complète.

M. Éric Diard, rapporteur. Il s’agit d’une transcription et non d’une réécriture !

M. Jean-Paul Chanteguet. Si de nombreux parallèles sont faits avec la loi de 2007, ils sous-estiment la spécificité du transport aérien, qui n’est pas régi par un grand opérateur intégré, mais pour lequel, de l’agent de sûreté au commandant de bord, toute une chaîne d’intervenants contribue à la bonne réalisation des vols.

De plus, la situation dans les transports terrestres est bien différente, puisque les entreprises assurent une mission de service public, contrairement au secteur aérien,…

M. Éric Diard, rapporteur. Nous avons bien distingué les deux !

M. Jean-Paul Chanteguet. …à l’exception de l’exploitation des lignes OSP, comme celles avec les Antilles ou la Corse.

La principale disposition de ce texte, qui oblige les salariés à informer le chef d’entreprise de leur intention de participer à un mouvement de grève au plus tard quarante-huit heures à l’avance, concerne essentiellement des salariés d’entreprises privées, qui n’ont, à ce jour, aucun préavis de grève à respecter, n’étant soumis en la matière qu’au droit du travail.

En s’engageant dans cette voie, nous risquons de créer un grave précédent, puisque nous encadrons le droit de grève par une déclaration individuelle préalable au conflit, ce qui constituerait une première dans le secteur privé. Celle-ci peut-elle constituer une atteinte au droit de grève ? La question se pose légitimement. En effet, dans sa décision n° 2007-556 du 16 août 2007, le Conseil constitutionnel n’a pas considéré que la déclaration préalable faite quarante-huit heures avant le début d’un mouvement portait au droit de grève une atteinte disproportionnée, au motif qu’elle ne concerne que les salariés « dont la présence détermine directement l’offre de service »,…

M. Jean Mallot. Eh oui !

M. Jean-Paul Chanteguet. …que sa méconnaissance « ne confère pas à l’exercice du droit de grève un caractère licite » et qu’elle « ne s’oppose pas à ce qu’un salarié rejoigne un mouvement de grève déjà engagé et auquel il n’avait pas initialement l’intention de participer, ou auquel il aurait cessé de participer, dès lors qu’il en informe son employeur au plus tard quarante-huit heures à l’avance ».

Cependant, le Conseil constitutionnel a posé le principe selon lequel l’obligation de déclaration individuelle ne saurait être étendue à l’ensemble des salariés.

M. Éric Diard, rapporteur. Tout à fait ! Elle ne l’est pas dans ce texte !

M. Jean-Paul Chanteguet. Les rédactions retenues, tant pour les entreprises que pour les salariés concernés, rendent ce risque d’inconstitutionnalité tout à fait plausible.

En votant ce texte, nous risquerions de créer un grave précédent, puisque nous encadrerions le droit de grève, ce qui constituerait une première dans le secteur privé. D’ailleurs, notre rapporteur, qui a compris que le principe de continuité du service ne pouvait être utilisé, invoque celui de la liberté de circulation, que le Conseil constitutionnel ne retiendra certainement pas, dans la mesure où le transport aérien est en concurrence sur toutes les dessertes avec d’autres modes de transport. À l’intérieur même de l’aérien, plusieurs compagnies assurent les mêmes lignes.

Comme l’ont déjà noté plusieurs autres intervenants, il est une information qui, si elle est confirmée, limitera grandement les effets de la loi que la majorité va définitivement voter dans quelques minutes. En effet, nous avons appris par la presse que la compagnie Air France avait signé la semaine dernière un accord avec le Syndicat national des pilotes de ligne qui prévoit que « le planning du personnel navigant technique est stable en toutes circonstances et en toutes périodes, et ce sans exception ».

Air France s’interdit donc de réaffecter les pilotes non grévistes en congé pour améliorer le trafic, sauf à obtenir au cas par cas l’accord de chaque pilote concerné.

M. Éric Diard, rapporteur. Cela concerne seulement les pilotes en dispersion, pas ceux qui sont en congé ou en réserve ! Il faut être précis !

M. Jean-Paul Chanteguet. Il sera alors plus difficile pour Air France d’assurer les vols les plus chargés, en particulier aux heures de pointe, et donc de répondre à l’un des objectifs de cette proposition de loi, en l’occurrence minimiser les perturbations engendrées par un mouvement social.

Plutôt qu’un encadrement du droit de grève, le récent conflit dans les aéroports appelle à un renouveau du dialogue social. Nous voterons donc contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

M. Thierry Mariani, ministre. Monsieur le président, je répondrai brièvement aux orateurs.

Comme vous l’avez affirmé, monsieur Nicolin, cette proposition de loi est un texte indispensable qui répond aux demandes et aux préoccupations de nos concitoyens. Il est essentiel de reconnaître le droit à une information fiable et précise des passagers du transport aérien. Ce texte organise bien, comme l’a reconnu M. de Courson, un service garanti aux passagers, et non un service minimum imposé aux salariés.

M. Jean Mallot. Ah bon ? Vous avez donc changé d’avis ?

M. Thierry Mariani, ministre. C’est pourquoi ce texte vise l’ensemble des entreprises qui concourent directement au transport aérien de passagers. Cette proposition n’est en rien, monsieur Mallot, un texte de circonstance. Il n’a aucun lien avec le récent conflit ayant affecté la sûreté aéroportuaire. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Ce texte n’est donc en rien une démarche électoraliste pour contourner le droit, notamment le droit de grève, auquel nous sommes tous ici particulièrement attachés. Il n’ouvre en rien la voie à un encadrement généralisé du droit de grève pour tous les salariés. Il ne s’agit pas davantage de soumettre à l’obligation de déclaration individuelle d’intention de grève l’ensemble des salariés du champ des transports aériens. Comme vous le savez très bien, seuls sont concernés ceux dont l’absence serait de nature à affecter directement la réalisation des vols.

M. Jean Mallot. Mais le texte est trop large !

M. Thierry Mariani, ministre. Je vous répète la même chose à chaque fois et je ne désespère pas que vous saisissiez enfin l’objet de cette proposition de loi, que vous avez hélas mal compris.

Nous n’avons donc pas l’intention d’entraver le droit de grève, monsieur Chanteguet.

M. Jean Mallot. C’est pourtant ce que vous faites !

M. Thierry Mariani, ministre. Nous voulons au contraire affirmer, s’il en était besoin, la primauté du dialogue social et de la prévention des conflits, préoccupation que nous pouvons tous partager et qui trouve justement son illustration dans l’accord qui vient d’être signé à Air France.

M. Pierre Gosnat. Il n’y avait pas besoin de la loi, alors !

M. Thierry Mariani, ministre. C’est aussi l’un des résultats de cette proposition de loi que d’avoir favorisé le dialogue social. Ce problème attendait d’être résolu depuis plusieurs années. Eh bien, grâce à la proposition de M. Diard, c’est fait, même si vous ne l’avez toujours pas compris.

L’objectif de ce texte, monsieur Gosnat, est non pas de diviser, mais d’apaiser. Ce projet, on l’a dit, a fait l’objet de nombreuses consultations par le rapporteur ; j’ai moi-même reçu l’intersyndicale. Bref, cette proposition de loi permettra aux entreprises de connaître à l’avance l’état de leur effectif disponible, et donc aux passagers de savoir enfin, la veille de leur départ, si leur vol est assuré.

Cette proposition de loi me paraît donc concilier le respect du droit de grève avec la légitime préoccupation d’assurer la liberté de se déplacer, de préserver la nécessaire sécurité publique dans les aéroports, de ne pas mettre en danger la santé des passagers malades et de donner enfin aux clients des compagnies aériennes une information fiable, précise et gratuite. C’est pourquoi le Gouvernement ne partage bien sûr pas les critiques de constitutionnalité que vous avez formulées, messieurs Mallot et Goldberg.

En conclusion, au moment où, en France, nos compagnies aériennes sont dans une situation fragile et très fortement concurrentielle, c’est peut-être aussi un moyen – parmi d’autres – de leur donner un peu plus de sécurité et de favoriser un développement de leur activité dans un climat de confiance et de manière aussi sereine que possible. Tel est l’un des buts de cette proposition de loi déposée par Éric Diard et qui, je n’en doute pas, sera adoptée dans quelques minutes, pour l’ensemble des passagers qui bénéficieront désormais d’un service garanti.

Je prends date, monsieur Mallot : si par malheur il arrivait, en un jour forcément lointain, que vous vous retrouviez dans la majorité, je suis persuadé que vous ne changerez pas cette loi, pas davantage, d’ailleurs, que celle de 2007, parce que vous en aurez découvert les bénéfices qui, pour le moment, vous sont toujours cachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture

M. le président. J’appelle maintenant, conformément au troisième alinéa de l’article 114 du règlement, la proposition de loi dans le texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Explication de vote

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg, pour l’explication de vote du groupe SRC.

M. Daniel Goldberg. Beaucoup de choses ont déjà été dites à cet instant du débat…

M. Jean Mallot. Mais pas tout !

M. Daniel Goldberg. …mais j’ai écouté les arguments qui viennent d’être apportés par M. le ministre comme par les intervenants dans la discussion générale.

On nous dit que ce ne sont pas tous les salariés du monde de l’aérien qui seront concernés par cette proposition de loi.

M. Thierry Mariani, ministre. C’est vrai !

M. Daniel Goldberg. Peut-être, mais le texte dispose : « Sont considérés comme salariés dont l’absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols »…

M. Thierry Mariani, ministre. Oui, directement !

M. Daniel Goldberg. …« les salariés des exploitants d’aérodrome et des entreprises, établissements ou parties d’établissement mentionnés à l’article L. 1114-1 qui occupent un emploi de personnel navigant ou qui assurent personnellement l’une des opérations d’assistance en escale mentionnée au même article L. 1114-1, de maintenance en ligne des aéronefs, de sûreté aéroportuaire, de secours et de lutte contre l’incendie ou de lutte contre le péril animalier. »

C’est donc l’ensemble des personnels qui travaillent dans l’une de ces entreprises qui entrent dans le champ de cet article, et non pas simplement ceux qui concourent directement au départ d’un vol. Cet argument prouve donc que cette proposition de loi est anticonstitutionnelle.

M. Thierry Mariani, ministre. Mais non !

M. Daniel Goldberg. En effet, un salarié qui ne participerait pas à l’organisation et au départ direct d’un vol tel jour serait contraint de se soumettre à votre dispositif.

Comme vous ne définissez pas précisément le champ de cette future loi, cette dernière ne s’appliquera qu’avec difficulté. Mais elle ne s’appliquera pas, puisque le Conseil constitutionnel la censurera, à moins que vous ne nous rejoigniez en votant contre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi telle qu’elle résulte du texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

(L’ensemble de la proposition de loi est adopté.)

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, jeudi 1er mars 2012 à neuf heures trente :

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République slovaque relatif à la coopération en matière administrative ;

Discussion du projet de loi autorisant la ratification de l’accord de partenariat économique entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et les États du CARIFORUM, d’autre part ;

Discussion du projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar ;

Discussion du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise relatif à la mobilité des jeunes et des professionnels ;

Ces quatre textes faisant l’objet d’une procédure d’examen simplifiée en application de l’article 103 ;

Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique ;

Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi tendant à faciliter l’organisation des manifestations sportives et culturelles ;

Discussion de la proposition de loi sur l’enfance délaissée et l’adoption ;

Discussion de la proposition de loi tendant à renforcer l’effectivité de la peine complémentaire d’interdiction du territoire français et visant à réprimer les délinquants réitérants.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 1er mars 2012, à zéro heure quinze.)