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Commission d’enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d’exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l’électricité nucléaire, dans le périmètre du mix électrique français et européen, ainsi qu’aux conséquences de la fermeture et du démantèlement de réacteurs nucléaires, notamment de la centrale de Fessenheim

Jeudi 20 février 2014

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 20

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition de M. Dominique Minière, directeur délégué à la direction Production-Ingénierie (EDF)

L’audition débute à onze heures cinq.

M. le président François Brottes. À l’issue de la précédente audition du président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et du directeur général de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), personne ne semble savoir ce que signifie le « grand carénage » ni combien il coûtera. On ignore donc qui peut établir des devis, hormis le maître d’ouvrage. Nous souhaitons donc vous interroger sur le sujet, Monsieur Minière. On nous dit que vous êtes sous tension, en tant qu’opérateur, à cause d’une accumulation d’exigences et d’une difficulté à faire face en termes de ressources humaines et en termes d’investissements. Nous attendons donc de votre part des réponses franches.

Conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, je vous demande de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Dominique Minière prête serment.)

M. Dominique Minière, directeur délégué à la direction Production-Ingénierie (EDF). Merci de nous donner la possibilité d’affirmer notre conviction quant à la sûreté et à la fiabilité de notre parc en exploitation et à notre capacité de continuer de l’améliorer – élément-clef de notre projet industriel.

Nous avons la responsabilité de l’exploitation du premier parc nucléaire mondial et, comme le prescrit l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), le premier responsable de la sûreté, c’est l’exploitant. La sûreté, qui est notre premier souci, s’est constamment améliorée au cours du temps, grâce, en particulier, au retour d’expérience. Tous les dix ans, sous le contrôle de l’ASN, nous procédons à une réévaluation complète du référentiel de sûreté. La conception est revue en profondeur en intégrant le retour d’expérience et les évolutions techniques et scientifiques. Notre parc a déjà tenu beaucoup plus que sa promesse d’origine en donnant à la France une électricité sûre, compétitive, décarbonée, contribuant à l’indépendance énergétique du pays et autour de laquelle s’est constituée une filière industrielle elle-même exceptionnelle, riche en emplois, troisième secteur après l’automobile et l’aéronautique.

Aussi notre projet est relativement simple : il consiste à maintenir et à exploiter ce parc aussi longtemps que ce sera possible et utile pour la collectivité. Il nécessite bien entendu des travaux de maintenance et d’amélioration de la sûreté que nous sommes prêts à engager comme nous l’avons toujours fait jusqu’à présent.

Le cap des quarante années est important et la question se pose de la possibilité d’une prolongation au-delà. Nous sommes les premiers conscients qu’il s’agit d’une étape majeure sur les plans politique, technique, réglementaire et sous l’angle financier. Nos centrales ont été conçues et construites pour une durée de vie technique de quarante ans. Les études de dimensionnement et la qualification des matériels ont bien été réalisées pour quarante ans. En même temps, elles ont été construites sur le modèle américain, celui de Westinghouse, avec des centrales de référence qui sont en voie d’obtenir une licence de soixante ans.

M. le président François Brottes. C’est l’équivalent de cinquante ans chez nous, puisque, apparemment, les Américains prennent pour point de départ le premier béton.

M. Dominique Minière. Non, le point de départ, chez eux, comme chez nous, c’est la connexion au réseau. Il y a bien quarante ans entre la date de connexion au réseau et la date de fin de licence – pour les États-Unis, car, en France, il n’y a pas de licence de quarante ans puisque le principe est d’améliorer le niveau de sûreté tous les dix ans. Nous disposons de toutes les données sur la situation américaine et nous pouvons, si vous le souhaitez, vous les faire parvenir.

La centrale de Beaver Valley, par exemple, qui a servi de référence pour notre palier de 900 mégawatts (MW), a obtenu l’équivalent d’une prolongation jusqu’à soixante ans. La centrale de South Texas, plus récente, qui nous a servi de référence pour le palier de 1 300 MW, est en passe d’obtenir une même prolongation. Plus généralement, la Nuclear Regulatory Commission (NRC) a déjà accordé une prolongation d’activité au-delà de quarante ans et jusqu’à soixante ans pour 74 des 100 réacteurs américains, et, à la fin de 2012, toujours aux États-Unis, 21 réacteurs ont déjà dépassé une durée de fonctionnement de quarante ans.

Outre la question de la sûreté, la possibilité d’aller au-delà de quarante ans d’exploitation repose sur deux éléments essentiels. Il faut, tout d’abord, que tous les composants de nos centrales puissent fonctionner en toute sûreté au-delà de cette durée. Dans une centrale nucléaire, tous les composants sont remplaçables, à l’exception de la cuve et de l’enceinte de confinement. Les composants remplaçables font l’objet soit de rénovation soit de remplacement. Cela correspond au cycle normal de vie des matériels concernés. Ainsi, les générateurs de vapeur, les alternateurs, les transformateurs ont souvent des durées de vie technique comprises entre vingt-cinq et trente-cinq ans, en France comme ailleurs. Ces composants nécessitent soit de grosses opérations de rénovation – comme les rebobinages d’alternateurs –, soit des opérations de remplacement – pour une large partie, par exemple, des générateurs de vapeur. Ces investissements sont donc souvent nécessaires au bout d’environ trente ans et, une fois réalisés, ils permettent aux composants de fonctionner techniquement pendant trente nouvelles années. La cuve et l’enceinte de confinement font pour leur part l’objet de programmes de surveillance, de recherche, de maintenance particulièrement élaborés. Ces programmes nous conduisent à estimer que la plupart de nos réacteurs peuvent fonctionner jusqu’à soixante ans au moins.

Sur le plan purement technique, la capacité de nos cuves à résister aux accidents graves est nettement meilleure que celle des cuves américaines, tout simplement parce que les nôtres ont été fabriquées grâce au tissu industriel français très développé des années 1980, créé grâce à l’effet palier que nous avons collectivement constitué. On constate bien le paradoxe technique, injuste pour la réputation de notre industrie, selon lequel l’exploitation des cuves américaines est prolongée alors qu’elle ne pourrait excéder quarante ans chez nous. Ce paradoxe ne manquera pas d’être exploité demain par les concurrents d’AREVA pour le nucléaire neuf.

M. le président François Brottes. Nous avons évoqué ce matin la cuve de la centrale de Tricastin.

M. Dominique Minière. Elle recèle quelques défauts, en effet, sur lesquels je pourrai revenir si vous le souhaitez, défauts qui restent sous surveillance et qui n’ont pas évolué depuis trente ans.

Ensuite, nous devons améliorer le niveau de sûreté de nos réacteurs à un niveau fixé par l’ASN, sous le contrôle du Parlement, notamment de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. En effet, vous le savez, la réglementation française, formalisée par la loi de 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, ne prévoit pas, contrairement à la réglementation américaine, de limitation dans le temps à l’autorisation d’exploiter, mais elle repose sur des examens de sûreté périodiques, à un intervalle maximal de dix ans, qui conditionnent la poursuite de l’exploitation.

À chacun de ces examens, la loi exige qu’une réévaluation à la hausse du niveau de sûreté soit opérée, qui doit prendre en compte le retour d’expérience et l’amélioration des connaissances. En tant qu’exploitant, et donc premier responsable de la sûreté, nous partageons largement l’approche d’amélioration permanente. Nous la menons depuis le début des années 1990, avant même qu’elle n’ait été codifiée par la loi. Pour des réacteurs construits pour des décennies, il est en effet fondamental d’améliorer le niveau de sûreté en prenant en compte, d’abord, l’amélioration de la connaissance – nous disposons de moyens de calcul grâce auxquels nous pouvons modéliser des phénomènes impossibles à modéliser dans les années 1970 –, ensuite, le retour d’expérience des incidents et des accidents dans le monde.

Ainsi, à la suite de ceux de Three Mile Island en 1979 et de Tchernobyl en 1986, nous avons installé dans nos centrales des équipements – les recombineurs ou les filtres à sable – qui, s’ils avaient été mis en place à Fukushima, auraient évité les explosions d’hydrogène et la contamination des territoires pour plusieurs dizaines d’années. Il n’empêche que, après Fukushima, nous voulons aller encore plus loin avec un objectif simple : ne pas avoir, quel que soit l’accident, de contamination du territoire à long terme. C’est le sens des travaux de renforcement de la conception que nous menons sur nos réacteurs.

On nous a également invités à faire face à l’inconcevable. Or l’inconcevable ne pouvant par définition être pris en compte au moment de la conception, nous avons mis en place, pour compléter celle-ci, la force d’action rapide nucléaire.

C’est aussi le sens des actions que nous menons au sein de l’Association mondiale des exploitants nucléaires, présidée par un représentant d’EDF, mais aussi le sens du soutien que nous apportons à l’ASN ainsi qu’aux travaux de l’AIEA, tant à l’occasion de la précédente convention sur la sûreté nucléaire, il y a deux ans, qu’à l’occasion de la prochaine qui sera présidée par André-Claude Lacoste.

Enfin, il faut prendre en compte l’évolution de l’environnement. Nous avons ainsi revu en profondeur et augmenté la robustesse de nos installations aux inondations, tenant compte du retour d’expérience et de la multiplication d’événements climatiques, comme la tempête de 1999.

Nos centrales passent progressivement l’étape des trente ans. Une troisième visite décennale vient de se terminer pour dix-neuf réacteurs, dont cinq ont reçu un avis positif pour la poursuite de leur exploitation.

M. le président François Brottes. Dont la centrale de Fessenheim.

M. Dominique Minière. En effet.

L’ASN n’a pas identifié d’éléments mettant en cause la capacité d’EDF à maîtriser la sûreté des réacteurs de 900 MW jusqu’à quarante ans. Cet avis générique est important, même si les autorisations doivent être obtenues réacteur par réacteur.

L’extension de la durée de fonctionnement au-delà de quarante ans a déjà fait l’objet d’échanges nourris avec l’ASN. Pour franchir ce seuil, l’ASN a demandé à EDF que la réévaluation de sûreté à l’étape de quarante ans soit faite au regard des objectifs de sûreté définis pour les nouveaux réacteurs. Cet objectif ambitieux n’a pas d’équivalent dans le monde et nous le comprenons dans la mesure où le franchissement du seuil technique des quarante ans sera concomitant avec la présence de réacteurs de troisième génération dont la conception répond à des exigences de sûreté renforcées en France et dans le monde. Ces exigences visent à limiter pour les populations, dans l’espace et dans le temps, les conséquences d’un accident grave, avec fusion du cœur.

Nous y avons travaillé dès les années 2010 et, à la suite des travaux du groupe permanent d’experts réuni en janvier 2012, l’ASN a confirmé, dans sa lettre du 28 juin 2013, que la méthodologie que nous proposions était globalement satisfaisante. Ce courrier définit les attentes de l’ASN quant au référentiel de sûreté pour préparer les quatrièmes visites décennales des centrales de 900 MW, attentes qui correspondent au programme de travail sur la durée de fonctionnement réalisé par EDF. Dans un courrier que j’ai signé la semaine dernière, pour répondre aux demandes de compléments de l’ASN, nous formulons des propositions concrètes pour l’amélioration de la sûreté de l’entreposage des combustibles usés.

Ces discussions avec l’ASN vont se poursuivre en 2014. Elles sont habituelles pour chaque examen de sûreté et portent sur l’ensemble du palier de 900 MW. Elles n’enlèvent rien au fait que, in fine, l’ASN se prononcera réacteur par réacteur pour une période de dix ans après chaque visite décennale. Il faut prendre garde, dans une telle discussion, de mélanger les objectifs de sûreté – dont la définition incombe à l’ASN, sous votre contrôle – et les moyens de les atteindre, dont la responsabilité incombe à l’exploitant, avec l’aide du tissu industriel. EDF a ainsi engagé un programme de travaux à la fois pour maintenir son parc en bon état de fonctionnement et améliorer la sûreté, et dans la perspective de rendre possible une prolongation de l’exploitation au-delà de quarante ans.

Ces investissements destinés à conserver la compétitivité du parc nucléaire existant pour la durée de la prolongation représentent un coût significatif pour EDF : de l’ordre de 55 milliards d’euros d’ici à 2025. Les travaux menés par la Cour des comptes en la matière en 2012 ont évalué à 54 euros 2010 par MWh le coût complet économique de production du parc nucléaire existant pour la période 2011-2025 – investissement initial, combustible, exploitation, déconstruction, mais en intégrant déjà cette charge de rénovation et d’amélioration continue de la sûreté. Nous travaillons avec la Cour pour lui permettre d’actualiser ses chiffres dans le cadre de l’enquête que votre commission lui a confiée. Je puis d’ores et déjà vous indiquer que nos estimations sur les coûts d’investissements ont peu changé depuis le rapport de janvier 2012, car nous avons mis en place un dispositif de maîtrise de ces projets permettant d’en sécuriser la réalisation et d’en limiter la charge industrielle et financière.

Nous parvenons ainsi à un chiffre d’environ 55 euros par MWh, à comparer au coût des solutions alternatives : le coût de développement des moyens thermiques classiques est de l’ordre de 70 à 100 euros par MWh ; le tarif actuel de rachat des moyens ENR (énergies renouvelables) est de 85 à 300 euros par MWh, sans intégrer les surcoûts de renforcement du réseau, en particulier de distribution et de back up que ces énergies nécessitent du fait de la variabilité de leur production.

Du point de vue économique, le parc nucléaire existant constitue donc la source de production d’électricité la plus compétitive et la plus décarbonée, au moins pour la décennie à venir. Bien entendu, cela ne préempte en rien les choix de politique énergétique qui pourront être faits. Le parc existant nous donne en effet du temps pour préparer le mix électrique de demain avec des filières éprouvées sur le plan économique et industriel.

Enfin, ces investissements constituent également, surtout en cette période de crise économique, une véritable opportunité pour notre industrie, en particulier pour la filière nucléaire française. Le comité stratégique de la filière nucléaire française, présidé par M. Montebourg, a évalué à 110 000 le nombre d’embauches à réaliser d’ici à 2020 dans la filière du nucléaire, pour le parc existant et le nouveau nucléaire. Il s’agit d’emplois hautement qualifiés dans la métallurgie, la mécanique, l’électronique. Ces embauches sont pour partie le renouvellement d’emplois existants et pour partie des créations nettes d’emplois. Ils sont largement répartis sur le territoire. Une partie d’entre eux sont locaux, au plus près des centrales, donc dans des territoires souvent déshérités sur le plan économique et industriel.

Notre projet industriel est de maintenir et d’exploiter le parc nucléaire existant qui procure une électricité sûre, compétitive et décarbonée. Il suppose la réalisation d’investissements à la fois de maintenance lourde et d’amélioration de la sûreté qui n’ont de sens que dans une perspective de prolongation du parc, compte tenu de l’ampleur et du calendrier de ces investissements. Une certaine visibilité est donc nécessaire dans la perspective de prolonger l’exploitation des réacteurs, même si les autorisations ne sont octroyées in fine que tranche par tranche tous les dix ans. Ce projet ne préempte aucun choix politique de long terme, notamment en matière d’énergies renouvelables et de maîtrise de la demande d’électricité, qui sont désormais une priorité stratégique du groupe EDF : le résultat pour 2013 montre une croissance de 23 % de la production d’ENR et, pour la quatrième année consécutive, un volume d’investissements de développement plus élevé pour les ENR que pour l’énergie nucléaire.

Aussi, pour nous, la prolongation du parc nucléaire existant n’est-elle pas contradictoire mais complémentaire avec la diversification des moyens de production d’énergie. Je vous rappelle que, en matière de puissance électrique installée en France, le parc nucléaire représente 63 % de la puissance EDF et 49 % de l’ensemble des moyens électriques installés.

M. Denis Baupin, rapporteur. Votre propos liminaire m’a quelque peu laissé sur ma faim. Les représentants de l’ASN nous ont d’emblée signifié qu’il n’y avait absolument aucune garantie de possibilité de prolongation de l’exploitation de nos centrales au-delà de quarante ans. Il est, selon eux, trop tôt pour se prononcer ; il faut attendre l’horizon 2018-2019.

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas ce que nous avons compris !

M. le rapporteur. Vous n’étiez pas présent, monsieur Accoyer, mais nous pourrons réinviter M. Chevet pour le confirmer.

Il n’y a pas aujourd’hui de référentiel de sûreté connu pour la prolongation. Vous avez néanmoins l’air très confiant, monsieur Minière, sur la possibilité de la mener à bien. Comment amener les réacteurs existants au niveau de l’EPR, notamment en ce qui concerne le récupérateur de corium, la bunkerisation des piscines ? Disposez-vous en la matière d’évaluations de coûts, puisque l’ASN indique qu’il ne lui revient pas de les chiffrer ?

Quant au grand carénage, selon les documents de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), ceux de l’ASN mais aussi d’EDF, il aurait pour principal objectif de supprimer les avaries génériques qui ont conduit à la diminution de la disponibilité du parc nucléaire, et donc au remplacement, notamment, de générateurs de vapeur, mesures qui n’ont rien à voir avec la prolongation de l’exploitation au-delà de quarante ans, mais qui sont nécessaires pour éviter que la disponibilité du parc ne continue de chuter. Qu’y a-t-il donc derrière ce grand carénage ? À ma stupéfaction, l’ASN n’en sait rien ! Quels investissements concernent la remise à niveau du parc existant pour qu’il continue de fonctionner jusqu’à l’étape des quarante ans ? Quels sont les investissements qui concernent la mise en œuvre des évaluations complémentaires de sûreté ? Vous dites les estimer à environ 10 milliards d’euros, pour préciser ensuite que la moitié serait en fait déjà mobilisée pour le grand carénage. Pouvez-vous nous donner plus de détails sur ces 10 milliards d’euros ? Cette somme est-elle revue à la hausse au regard des dernières préconisations de l’ASN ?

Vous évoquez la somme de 55 milliards d’euros à l’horizon 2025. Et au-delà ? Nous voyons circuler des chiffres : 70 milliards, 100 milliards… Si l’on prend l’horizon 2035, quel sera le niveau d’investissement : en restera-t-on à 3 ou 4 milliards d’euros par an ? Faudra-t-il donc ajouter 30 à 40 milliards d’euros pour atteindre l’année 2035 ? Quel est le niveau exact des investissements pour les cinquante-huit réacteurs français ?

Quelle est la rentabilité de ces investissements pour les générateurs de vapeur qui ont été remplacés dans vingt-deux réacteurs ? En tant qu’exploitant, certes, vous souhaitez la prolongation de l’activité des réacteurs et, du reste, vous réalisez déjà des investissements, notamment pour les générateurs de vapeur. Êtes-vous d’accord avec la CRE, qui estime qu’un tel générateur s’amortit en une dizaine d’années ? Globalement, quelle est la capacité financière d’EDF pour répondre à ces investissements, sachant que l’endettement du groupe est très important, et quelle est sa capacité industrielle alors qu’il existe une tension au sein d’EDF pour répondre aux besoins de maintenance des réacteurs, avant même que ces gros investissements n’aient été lancés ?

M. Jean-Pierre Gorges. Monsieur le rapporteur, M. Chevet n’a pas tenu les propos que vous lui avez prêtés : il n’a pas contredit M. Repussard, représentant l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), un scientifique, quand celui-ci a dit que la sûreté était satisfaisante. Je vous invite à relire le compte rendu.

Nos centrales ont été prévues pour durer quarante ans, mais l’on change des composants au bout de trente ans. Aussi, si l’on arrête la centrale au bout de quarante ans, on devra payer ces composants pendant dix ans seulement. L’amortissement financier ne correspondra pas à l’amortissement technique, puisque ces composants peuvent vivre trente ans. Cette donnée a-t-elle été modélisée ?

Vous soutenez, monsieur Minière, que la prolongation de l’exploitation à soixante ans ne poserait pas beaucoup de problèmes en termes de sûreté, et vous acceptez qu’on vous en demande plus tous les dix ans. Je suis convaincu, pour ma part, que la transition énergétique se fera vers le nucléaire, vers la quatrième génération, puisque l’on disposera alors d’un combustible dont les réserves seront quasi illimitées : on passera de 130 ans à plus de 5 000 ans. La transition énergétique doit-elle du reste se faire avec le nucléaire ou avec l’éolien, le photovoltaïque dont les coûts, aléatoires, nécessitent des subventions de l’État, et qui contribue donc au déficit des comptes publics ?

M. le rapporteur. C’est faux !

M. Jean-Pierre Gorges. Bien sûr que si, puisqu’on achète la production plus cher qu’on ne la revend ! La Cour de justice de l’Union européenne considère que c’est interdit, ce que confirmera, je pense, le Conseil d’État.

Je regrette de ne pas avoir entendu l’avis de M. Repussard sur la quatrième génération – rien ne doit pouvoir m’empêcher d’obtenir deux avis, faute de quoi, si vous ne laissez pas le peu de députés présents poser des questions, monsieur le président, le travail de la commission s’en trouvera tronqué.

M. le président François Brottes. Les personnes que vous mentionnez seront à nouveau entendues.

M. Jean-Pierre Gorges. Je suis certainement le plus grand cumulard de France et je participe pourtant aux travaux de la commission d’enquête.

On évoque l’horizon 2040-2050 pour l’avènement de la quatrième génération. Or, si l’on prolonge l’activité des centrales existantes jusqu’à soixante ans, parviendra-t-on à faire la jonction techniquement, financièrement et politiquement ? Et qu’en sera-t-il de la recherche qui risque d’être surtout consacrée à la sécurisation de la quatrième génération, au détriment des autres domaines ?

M. Michel Sordi. Quelles sont les différences techniques en matière de sûreté entre le parc français et la centrale de Fukushima ? Quels sont les atouts d’une prolongation de l’exploitation des centrales au-delà de quarante ans ? De quel mix énergétique avons-nous besoin pour assurer notre indépendance énergétique, garantir un approvisionnement stable en électricité et limiter la production de dioxyde de carbone ?

Mme Frédérique Massat. J’ai lu récemment qu’EDF avait révisé le calendrier du grand carénage, prévoyant une montée en charge plus progressive des investissements avec, désormais, une estimation portée de 4 à 5 milliards d’euros. Qu’en est-il ?

Je lis, en outre, que ce lissage vise à faciliter la planification des chantiers, mais aussi à aider les fournisseurs à monter en gamme. Quand le nouveau programme des investissements sera-t-il présenté à la CRE ? Je lis encore qu’il devrait être également présenté à la présente commission d’enquête. Quand disposerons-nous de cette présentation ?

En outre, vous prévoyez que le coût du mégawattheure sera de 55 euros pour le grand carénage. Quel serait-il pour des réacteurs neufs ?

M. Dominique Minière. L’ASN ne nous a pas demandé de mettre le parc au niveau des réacteurs de la troisième génération, mais d’avoir des objectifs de sûreté identiques à ceux concernant les réacteurs de troisième génération. Nous n’avons pas laissé vieillir les réacteurs de deuxième génération sans leur apporter d’améliorations. Les objectifs de sûreté se sont ainsi rapprochés. Grâce aux visites décennales, la probabilité de fusion du cœur en cas d’événement interne sera quasi égale à celle de l’EPR. Il s’agit donc d’une transition douce.

Les 55 milliards d’euros prévus pour le grand carénage se répartissent comme suit : 10 milliards d’euros pour le déploiement des modifications post-Fukushima ; 20 milliards d’euros pour les investissements réalisés lors des arrêts de tranche, notamment des visites décennales ; 15 milliards d’euros pour la maintenance lourde des gros composants ; 10 milliards d’euros au titre d’autres projets patrimoniaux, concernant l’environnement, le risque incendie ou le risque « grand chaud, grand froid ».

Nous avions commencé à travailler sur le programme de la durée de fonctionnement en 2010, c’est-à-dire bien avant l’accident de Fukushima survenu en mars 2011, et nous considérions déjà que, pour mener à bien la prolongation de fonctionnement, nous devrions ajouter des moyens d’électricité et des moyens d’alimentation en eau – un accident nucléaire se produit quand un réacteur n’est plus alimenté en eau et en électricité. L’accident de Fukushima et les conclusions des évaluations complémentaires de sûreté ont confirmé la validité des dispositions que nous envisagions. Il faudrait en ajouter d’autres, et c’est pourquoi nous parlons souvent de 10 milliards d’euros dont 5 déjà engagés.

Que se passera-t-il après 2025 ? La Cour des comptes enquête, et nous lui fournissons l’ensemble des éléments de la trajectoire. Puisque la Cour travaille, si j’ai bien compris, pour votre commission, vous aurez accès à toutes les données. La plupart des remplacements auxquels nous devons procéder doivent intervenir au bout de vingt-cinq à trente ans. Notre parc a démarré, pour l’essentiel, entre 1980 et 1990, les dernières tranches en 1992. La plupart des grosses opérations auront été menées d’ici à 2025, et c’est pourquoi nous mettons l’accent sur cette année-là ; ce qui ne signifie pas pour autant que d’autres opérations ne seront pas à prévoir ensuite, notamment sur des réacteurs de 1 300 MW qui sont un peu plus jeunes.

Pour ce qui est de la capacité financière d’EDF, notre projet industriel depuis 2008-2009 est d’étendre la durée de fonctionnement de notre parc. Nous devons donc prévoir les ressources financières pour y répondre, ressources conditionnées par la vente d’électricité sur les marchés. Je vous rappelle, en outre, que l’endettement du groupe a baissé en 2013. Nous progressons et nous finançons le début du programme, car, j’y insiste, le grand carénage n’a pas vocation à naître d’un coup, mais c’est progressivement que nous rénovons notre parc et améliorons sa sûreté.

M. le rapporteur se demande par ailleurs si nous ne sommes pas déjà dans une situation difficile concernant les arrêts de tranche. L’augmentation de la durée des arrêts en 2013 est imputable à la progression du volume des activités à mener. Celles-ci sont de plusieurs types. Certaines consistent à remplacer les gros composants, et ce ne sont pas celles qui entraînent les retards. Grâce à ces activités, jamais notre parc n’a été aussi fiable : pendant les six premiers mois de l’année 2013, nous avons eu la plus basse indisponibilité fortuite jamais rencontrée. On note également une hausse des activités de modifications qui, elles non plus, n’ont pas d’impact sur la durée des arrêts de tranche puisqu’elles sont instruites suffisamment à l’avance. Enfin, la hausse des activités liées à la maintenance courante est due pour partie à une exigence de fiabilité de nos équipements, mais aussi, au moins à hauteur de 25 %, à des exigences supplémentaires de l’ASN depuis six ans. C’est ce dernier type d’activités qui a le plus fort impact sur la durée des arrêts. Nous travaillons à la diminution de ces activités.

M. le président François Brottes. Les arrêts sont-ils toujours programmés ? Le rapporteur parlait d’intermittence, et donc d’arrêts intempestifs.

M. Dominique Minière. Les arrêts pour renouvellement du combustible sont programmés et prévus pour une certaine durée, qui a augmenté. Et nous avons de temps à autre des arrêts fortuits, non prévus. Grâce aux investissements que nous sommes en train de réaliser pour fiabiliser notre parc, leur part se réduit progressivement pour ne plus atteindre que 2,5 % du temps.

M. le rapporteur. Certes, mais quand, par exemple, comme la semaine dernière, les deux réacteurs de Flamanville s’arrêtent en même temps, on ne peut nier que l’impact d’un arrêt fortuit sur le réseau est totalement différent de l’impact produit par un arrêt programmé.

M. Dominique Minière. C’est aussi pourquoi notre objectif est de réduire au maximum les arrêts fortuits. C’est le sens de nos investissements dans les gros composants, en vue de fiabiliser notre parc. Nous étions bien contents, il y a trois ans, de disposer de nos tranches nucléaires pour faire face à un hiver très dur, les autres moyens de produire de l’électricité ne brillant pas par leur présence lors des heures de pointe de consommation. Un parc nucléaire fiabilisé est un atout dans le mix énergétique.

Je reviens sur le renouvellement des compétences. Il est massif au sein de notre groupe : nous aurons renouvelé, entre 2007 et 2015, quelque 50 % de nos effectifs. Nous avons mis en place une gestion prévisionnelle des emplois et compétences. Nous avons embauché près de 10 000 personnes sur un socle de 28 000 personnes, en augmentant les effectifs, au total, de 5 300 personnes. Nous avons, par ailleurs, multiplié par 2,5 le volume d’heures de formation. Nous cherchons à augmenter la vitesse d’acquisition de l’expérience de nos salariés.

Enfin, nous avons renforcé nos méthodes de préparation des arrêts de tranche par davantage d’anticipation, en figeant notamment les programmes des arrêts très en amont, et nous cherchons à faire évoluer nos organisations durant les arrêts pour permettre plus d’activités, en appliquant le principe du 2×8 ou une plage élargie, comme le font de nombreux industriels.

Une de nos grandes préoccupations, et qui concerne l’avenir, est la capacité de l’ASN et de l’IRSN à conduire leurs instructions en temps et en heure alors que leurs moyens, notamment en effectifs, n’ont pas augmenté. Nous avons, pour notre part, anticipé en embauchant, en formant…

M. le président François Brottes. Ce n’est donc pas vous qui êtes en tension, mais eux…

M. Dominique Minière. L’instruction de la troisième visite décennale des réacteurs de 1 300 MW devrait être close en octobre 2014, soit six mois seulement avant le début du premier arrêt sur le site de Paluel. Il nous semblerait anormal de devoir choisir – pour ce qui est des équipes de travail – entre la fin de l’instruction des dossiers de Flamanville 3I et l’instruction des dossiers du parc en exploitation uniquement à cause des moyens réduits de l’ASN et de l’IRSN, alors qu’il s’agit de deux dossiers fondamentaux pour l’économie française. Je rappelle que la moitié des taxes sur les installations nucléaires de base payées par EDF constituent le budget de ces deux organismes, et qu’EDF acquitte 90 % de cette taxe.

J’en viens aux atouts de la prolongation. Il s’agit de bénéficier, sur le plan économique, d’un coût complet du mégawattheure de 55 euros, pour une énergie nucléaire décarbonée, qui contribue à l’indépendance énergétique du pays. Nous avons bien conscience que nous n’obtiendrons pas d’autorisation de prolongation de l’activité jusqu’à soixante ans dans l’immédiat – la loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire donne une visibilité de dix ans, non de vingt. Nous discutons donc avec l’ASN d’une prolongation de dix années, soit un total de cinquante ans. En même temps, nous nous préparons à la situation qui prévaudra au terme de ces cinquante ans. Cela justifie, par exemple, l’installation d’un réacteur de type EPR à Flamanville 3. Il sera intéressant, par ailleurs, de prendre en compte le retour d’expérience dans la conception des futurs réacteurs.

J’ai lu dans la presse que le calendrier du grand carénage aurait fait l’objet de révisions. Nous avons travaillé sur un programme de montée en charge plus progressive que celui initialement envisagé. Nous avons donc lissé le programme pour en renforcer la maîtrise et la faisabilité industrielle, mais aussi la faisabilité financière. Cette courbe revue est actuellement présentée à la Cour des comptes qui vous y donnera accès.

Il existe, monsieur Sordi, d’importantes différences entre les réacteurs de Fukushima et les nôtres, notamment grâce à toutes les améliorations de conception que nous avons apportées depuis les accidents de Three Mile Island et de Tchernobyl. Nous avons mis en place des recombineurs à hydrogène, des filtres à sable, si bien que, en cas de fusion du cœur, notre objectif – et nous sommes en mesure de le tenir très largement – est d’éviter une contamination à long terme des territoires. Je rappelle que les filtres à sable retiennent le césium qui est responsable de la contamination à long terme des territoires autour de Fukushima. Une telle démarche suppose que les exploitants prennent vraiment leurs responsabilités, tant dans le design initial que dans ses évolutions.

À ce titre, je rappellerai un fait que vous ignorez peut-être. Fukushima se trouvait à 120 kilomètres de l’épicentre du séisme. On oublie que la centrale d’Onagawa, exploitée par le groupe japonais Tohoku Electric Power Company, se situait, elle, à 60 kilomètres de l’épicentre et a subi une vague beaucoup plus importante. Seulement, Tohoku est un exploitant responsable et avait étudié les précédents tsunamis, concluant qu’il fallait caler les plateformes des trois centrales à quinze mètres de hauteur, même si, d’un point de vue économique, il faudrait tenir compte du coût du pompage de l’eau pour l’apporter à bonne hauteur. La sûreté, à ses yeux, devait primer. Bilan : le site d’Onagawa a subi un tsunami de quatorze mètres et n’a donc pas été inondé. En revanche, les villages alentour l’ont été et la population s’est réfugiée… dans la centrale.

M. le rapporteur. Je tiens à rectifier ce qui a été dit : les énergies renouvelables, en France, ne sont pas subventionnées.

MM. Jean-Pierre Gorges et Michel Sordi. Si, par le biais du nucléaire…

M. le rapporteur. Elles font l’objet d’un tarif d’achat qui n’a aucun impact sur le déficit public. Le nucléaire, lui, est largement subventionné.

M. le président François Brottes. C’est la contribution au service public de l’électricité (CSPE) qui finance les énergies renouvelables, et non le budget de l’État, en effet. Ce sont les consommateurs qui les financent.

M. le rapporteur. Monsieur Minière, vous n’avez pas répondu à certaines de mes questions, que je vais donc reformuler. Le rôle d’une commission d’enquête parlementaire n’est pas d’attendre les réponses que vous donnerez à la Cour des comptes ; si nous vous invitons, c’est pour que vous nous donniez les éléments que nous sommes en droit d’attendre, notamment de la part de représentants d’une entreprise détenue à 85 % par l’État.

À combien évaluez-vous le coût du grand carénage non pas à l’horizon 2025 mais, par exemple, à l’horizon 2035 ? Il s’agit de savoir si les chiffres dont nous entendons parler sont réels.

Qu’en est-il de la rentabilité des générateurs de vapeur sur dix ans ? Est-il exact, comme l’estime la CRE, qu’ils sont rentabilisés au bout de dix ans sans qu’il soit nécessaire de prolonger ?

Quelle est votre évaluation du coût supplémentaire qu’engendreraient les préconisations de l’ASN en matière de référentiel de sûreté sur la prolongation ? Vous précisez qu’il ne s’agit pas d’amener les réacteurs actuels au niveau de l’EPR, mais au niveau de sûreté de l’EPR… On peut entendre la subtilité, mais malgré tout, M. Chevet nous a parlé de récupérateur de corium, de protection des piscines… Quel en est donc le coût, selon vous ?

Un audit interne a été réalisé au sein d’EDF sur le grand carénage. Qu’en est-il résulté et peut-il nous être transmis ?

Enfin, le Gouvernement et le Parlement auront à se prononcer, dans les mois qui viennent, sur la politique énergétique du pays. Quel est, à vos yeux, le taux de probabilité de prolongation jusqu’à soixante ans des réacteurs nucléaires existants ?

M. Dominique Minière. Je n’ai pas voulu dire que les informations que nous transmettions ne devaient passer que par la Cour des comptes ; si c’est l’impression qu’ont donnée mes propos, je vous présente mes excuses.

Je n’ai pas sous la main les chiffres concernant le grand carénage après 2025, mais je vous les transmettrai au plus tôt.

En ce qui concerne la rentabilité des générateurs de vapeur, une partie de ces derniers, notamment dans les centrales les plus anciennes, étaient remplacés plutôt avant le seuil de trente ans, mais pas au-delà. Nous ne nous sommes donc jamais posé la question, en termes de sûreté, quand nous remplacions un générateur de vapeur après vingt-cinq ou trente ans, de savoir s’il fallait vraiment le faire, puisque nous l’avons toujours fait. Pour les réacteurs qui restent, notamment pour ceux de 1 300 MW, les générateurs de vapeur ont un meilleur niveau de conception. Le seuil de remplacement, ici, n’est plus de trente ans, mais plutôt de trente-cinq à quarante ans. Dès lors se pose une question industrielle, d’autant qu’il faut commander les générateurs de vapeur cinq à sept ans avant leur mise en place. Nous avons donc besoin d’une certaine visibilité quant à l’autorisation de prolonger nos réacteurs au-delà de quarante ans, faute de quoi nous serons plongés dans l’incertitude au moment de prendre nos décisions.

M. Chevet a bien rappelé qu’il fallait distinguer objectifs de sûreté et moyens pour les atteindre. L’objectif est bien d’éviter la contamination du territoire à long terme par les gaz émis lors d’un accident ou par le corium. Il n’existe pas qu’une seule technique pour traiter le corium : le récupérateur de corium de l’EPR en est une parmi d’autres. Des travaux sont menés, pour des réacteurs d’une certaine puissance, sur la possibilité de garder le corium en cuve afin d’éviter qu’il n’en sorte – il s’agit de l’in-vessel retention (IVR). Nous en sommes encore en la matière au stade de la recherche. Mais cette technique a été incorporée dès la conception pour certains réacteurs. Nous aurons, dès le premier semestre, des échanges sur la question avec l’ASN.

Ces aspects ont été pris en compte dans les 55 milliards d’euros évoqués. Une partie de cette somme constitue une provision pour le passage de la quatrième visite décennale. Nous sommes prudents et les chiffres que nous donnons comportent une part de provisions. La semaine dernière, par exemple, les prescriptions de l’ASN faisant suite à l’accident de Fukushima n’ont pas eu d’impact sur notre courbe, car nous avions constitué des provisions, prévoyant quelles pourraient être les conclusions de l’instruction en cours. C’est notre métier d’industriel.

Ainsi, en tant qu’industriel, compte tenu de ce que je sais, j’estime que 100 % de nos réacteurs pourront être exploités jusqu’à soixante ans. Je n’ai sur ce point, d’un point de vue technique, aucun état d’âme.

Vous évoquiez l’existence d’un audit interne. Il n’y en a pas eu. Vous faites peut-être allusion à une mission d’évaluation sur le grand carénage conduite au sein d’EDF. Je la connais bien pour l’avoir pilotée. C’est à cette occasion qu’il est apparu qu’on pouvait davantage lisser la montée en charge et donc mieux maîtriser ce programme sur le plan industriel, tant chez nous que chez nos fournisseurs.

M. le rapporteur. Pourrez-vous nous transmettre ce rapport ?

M. Dominique Minière. Il n’y a pas eu de rapport à proprement parler, mais j’ai mené une mission d’évaluation qui se termine par la courbe réévaluée, courbe que je me suis engagé à vous communiquer.

M. le président François Brottes. Nous vous remercions.

L’audition s’achève à douze heures cinq.

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Membres présents ou excusés

Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire

Réunion du jeudi 20 février 2014 à 10 h 30

Présents. - M. Bernard Accoyer, M. Christian Bataille, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Denis Baupin, M. Yves Blein, M. François Brottes, Mme Sabine Buis, Mme Françoise Dubois, M. Jean-Pierre Gorges, Mme Frédérique Massat, M. Patrice Prat, M. Michel Sordi

Excusés. - M. Philippe Baumel, Mme Sandrine Hurel, Mme Sylvie Pichot, M. Franck Reynier