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Commission d’enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d’exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l’électricité nucléaire, dans le périmètre du mix électrique français et européen, ainsi qu’aux conséquences de la fermeture et du démantèlement de réacteurs nucléaires, notamment de la centrale de Fessenheim

Jeudi 27 février 2014

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 24

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition de M. Hervé Machenaud, directeur exécutif du groupe Production et Ingénierie d’EDF

L’audition débute à midi cinq.

M. François Brottes. Votre tâche ne va pas être facile, monsieur Machenaud ! Selon les représentants de l’Autorité de sûreté nucléaire que nous avons auditionnés, il a fallu prendre le temps de corriger les erreurs, voire les malfaçons, dont a pâti le chantier de l’EPR de Flamanville. À en croire le directeur de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), la conception même de l’EPR pourrait être contestée, en particulier le choix de sa puissance, qui pourrait poser des problèmes à l’avenir. Quant aux représentants de Greenpeace que nous venons d’entendre, vous connaissez leur point de vue : M. Rousselet, souvent présent à proximité du site, s’exprime régulièrement sur la question.

Nous souhaitons vous interroger moins sur la pertinence du concept d’EPR – dont EDF ne doit pas douter, sans quoi elle ne se serait pas lancée dans sa construction – que sur son coût et sa capacité à résister à tous types de sinistres. Quelle part des surcoûts et des délais de construction faut-il attribuer à sa qualité de prototype ? Que doivent-ils à l’accident de Fukushima, survenu en cours de chantier, et aux pertes de compétence que la filière nucléaire, a subies de l’avis général, en particulier au stade de la construction des centrales ? L’exemple finlandais montre en tout cas à quelles difficultés on peut se heurter avant de parvenir à un réacteur opérationnel de ce type.

Comment assurer à la filière de l’EPR un équilibre économique raisonnable et raisonné ? Dans quelle mesure le prototype de Flamanville est-il destiné à rester singulier ou préfigure-t-il l’avenir ?

Conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, je vous demande de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Hervé Machenaud prête serment)

M. Hervé Machenaud, directeur exécutif du groupe Production et Ingénierie d’EDF. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de me donner l’occasion d’exposer le point de vue d’EDF sur les réacteurs de troisième génération, en particulier sur l’EPR de Flamanville, et, plus généralement, sur notre projet industriel concernant le nouveau nucléaire.

Avant de vous répondre à propos du coût – question majeure –, je rappellerai que nous sommes de loin, et pour quelques années encore, le premier exploitant nucléaire mondial. Nous avons construit et maintenu le parc français avec nos propres forces d’ingénierie, ce qui constitue une exception au niveau mondial, et avec l’ensemble de nos partenaires, dont AREVA, premier fournisseur de réacteurs nucléaires au monde. Notre filière industrielle est, après l’automobile et l’aéronautique, le troisième secteur industriel français pour le nombre des emplois directs. Elle est reconnue dans le monde entier pour sa compétence.

Notre responsabilité industrielle est donc double : c’est celle de l’énergéticien qui doit assurer la relève de ses parcs et, en particulier en France, celle de l’industriel leader de son secteur, qui doit veiller au maintien du tissu industriel dont il a besoin. Nous assumons chacune de ces deux tâches dans l’esprit qui nous a toujours animés : celui d’un opérateur du service public d’abord soucieux de l’intérêt général et responsable, dans son domaine, du patrimoine industriel français.

Parler des réacteurs nucléaires de troisième génération, c’est d’abord parler de l’avenir du nucléaire. Bien entendu, nous préparons aussi l’avenir en nous appuyant sur d’autres filières de production, classiques et renouvelables. Vous savez quel effort nous consacrons en particulier à la recherche et développement en matière d’énergies renouvelables, avec notre filiale EDF Énergies nouvelles. En 2013 comme en 2012, EDF a davantage investi dans ce secteur de son activité que dans le nouveau nucléaire. L’énergie nucléaire n’en reste pas moins une filière de production d’électricité indispensable dans le monde, compétitive, fiable, décarbonée, assurant indépendance énergétique et emploi – c’est d’ailleurs pour cela qu’elle a été choisie dans les années soixante-dix.

On compte plus de 430 centrales en service dans le monde et 70 en construction. Si l’on fait exception de l’Allemagne, de la Suisse et, dans une moindre mesure, de la Belgique, tous les pays disposant du nucléaire poursuivent son exploitation et, pour beaucoup d’entre eux, son développement, et de nombreux pays sans nucléaire ont des projets ou des programmes de construction nucléaire.

M. Denis Baupin, rapporteur. Et le Japon ?

M. Hervé Machenaud. Le Japon a une politique nucléaire qu’il essaie de relancer tout en s’efforçant d’améliorer les conditions de fonctionnement de ses centrales.

La Chine et la Russie présentent des programmes nationaux extrêmement ambitieux et sont devenus des acteurs incontournables sur le marché international. Le Russe RosAtom construit un réacteur par an, et bientôt trois ; il propose à l’international une offre très complète allant de la formation au financement total du projet, et a décroché de très nombreux appels d’offres, en Turquie, en Finlande, en Jordanie, au Bangladesh et au Vietnam. Quant aux entreprises chinoises, elles construisent à un rythme soutenu sur leur territoire. Elles n’ont pas encore obtenu de véritables contrats d’export de technologies, sinon au Pakistan ; mais, en attendant de disposer d’un réacteur de troisième génération exportable, elles négocient des partenariats et investissent dans des projets de construction. D’autres pays, nouveaux entrants aussi divers que la Pologne, la Turquie, l’Arabie Saoudite, le Pakistan, le Bangladesh, le Chili, le Vietnam, la Thaïlande ou l’Indonésie, envisagent de recourir à la production d’origine nucléaire en raison des avantages de cette énergie, tout en l’intégrant à des « cibles » de mix énergétique très variables d’un pays à l’autre : le charbon est majoritaire en Pologne alors que le nucléaire et le solaire le sont en Arabie Saoudite.

Les réacteurs de troisième génération, progressivement associés à ces constructions et projets, n’ont pas de définition précise, mais cette génération se démarque principalement de la précédente par la prise en considération des accidents graves. À la conception des réacteurs de deuxième génération, construits à partir des années 1970, présidait l’idée de rendre impossible ou infiniment peu probable un accident grave provoquant des rejets significatifs dans l’environnement. Leur conception, du moins celle d’origine, n’intègre donc pas la possibilité d’un tel accident, en particulier celle d’une fusion du cœur qu’ils sont censés exclure. Or Three Mile Island, Tchernobyl puis Fukushima ont montré que de tels accidents pouvaient arriver. D’où la principale caractéristique des réacteurs de troisième génération, conçus pour rendre ces accidents encore moins probables, mais surtout pour en intégrer la possibilité et en limiter les effets sur l’environnement, grâce par exemple à l’installation d’un récupérateur de corium, comme dans l’EPR, ou à d’autres dispositifs dont vous avez parlé la semaine dernière, comme la rétention du corium en cuve.

Cela ne signifie pas que nos réacteurs en exploitation soient moins sûrs. Plus que du modèle de réacteur, la sûreté dépend en effet de l’exploitant, de sa culture, de sa formation et, le cas échéant, des modifications qu’il opère dans la conception. Je suis entièrement d’accord avec le président de l’IRSN, qui a récemment insisté sur ce point. Depuis sa construction, nous avons continûment procédé à des modifications de notre parc, que ce soit en tirant les leçons d’accidents comme celui de Three Mile Island – et, aujourd’hui, de Fukushima – ou en exploitant le retour d’expérience tiré de l’exploitation de nos centrales et des incidents que nous avons pu rencontrer. Dominique Minière vous a ainsi expliqué la semaine dernière que nos centrales avaient été équipées de recombineurs d’hydrogène, pour éviter les explosions, et de filtres à sable qui retiennent en cas de rejet 99,9 % du césium, principal agent de contamination de l’environnement. Si la centrale de Fukushima avait été équipée de tels filtres, les populations évacuées auraient pu revenir rapidement sur leur lieu d’habitation. Qu’il s’agisse des réacteurs en exploitation ou des nouveaux réacteurs, notre objectif comme exploitant est donc le même : tout mettre en œuvre pour éviter, quel que soit l’accident, une contamination à long terme des territoires.

Les réacteurs de troisième génération intègrent cet objectif dès l’origine. Tous les constructeurs ont à leur actif le développement d’un modèle ou de plusieurs modèles de cette génération. En voici quelques exemples. L’EPR est le fruit d’un projet franco-allemand ; quatre réacteurs sont actuellement en construction : Olkiluoto 3, Flamanville 3 et deux en Chine, à Taishan. L’AP1000, réacteur américano-japonais de Westinghouse et Toshiba, est plus petit, dit de sûreté passive, et de fabrication modulaire comme dans la construction navale : quatre sont en construction en Chine et autant aux États-Unis. S’y ajoutent le russe AES-2006 et une version en cours de développement, le TOI. Cinq AES-2006 sont en construction : quatre en Russie et un en Biélorussie. Plusieurs projets chinois sont développés par les trois opérateurs principaux : CGN (China Guangdong Nuclear Power Holding Group), CNNC (China National Nuclear Corporation) et SNPTC (State Nuclear Power Technology Corporation), créé pour le projet d’AP1000 ; ils devraient converger à terme vers un modèle unique. Deux réacteurs devraient être lancés prochainement sur le modèle ACP1000 de CNNC. Et je ne parle pas des Coréens, ni des réacteurs bouillants américano-japonais.

Au-delà des batailles de technologie, tous ces pays et constructeurs traversent une phase de mise au point et d’apprentissage et connaissent des difficultés et des retards dans le développement de leurs réacteurs de troisième génération. Ainsi, l’AP1000 de conception Westinghouse pose des problèmes liés à la fabrication modulaire ainsi qu’au fonctionnement et à l’assurance qualité des pompes, qui, immergées, peuvent difficilement faire l’objet d’une maintenance pendant la durée de vie du réacteur. Quant aux Chinois, ils sont en retard sur leur propre modèle de troisième génération alors même qu’ils visent à en équiper leurs sites de bord de rivière, qu’ils continuent à développer.

Le premier défi industriel consiste donc à livrer et à faire démarrer ces réacteurs. Il s’agit ensuite d’engager de véritables fabrications industrielles assurant la qualité des réalisations et l’équilibre économique des projets.

Tant que les réacteurs n’ont pas démarré et qu’ils ne sont pas développés à une échelle industrielle, il est très difficile de comparer les coûts et les performances de ces nouveaux modèles. Leur multiplicité témoigne toutefois d’un bouillonnement d’initiatives qui rappelle à certains égards le foisonnement technologique de la première génération, avant les années 1970. Au fond, la situation actuelle au niveau mondial évoque celle de la fin des années 1960 en France, lorsque plusieurs modèles étaient en cours d’expérimentation avant le choix de la filière à eau pressurisée, qui s’est généralisée dans le monde – à ceci près que les besoins en développement nucléaire sont maintenant tirés par les pays extérieurs à l’OCDE, principalement la Chine. Il me semble vital que l’industrie française, qui bénéficie d’un modèle robuste alliant la filière industrielle et l’exploitant le plus expérimenté au monde, joue ses cartes et trouve sa place dans ce développement mondial.

L’EPR a été développé par EDF, par des électriciens allemands et par AREVA, associé avec Siemens, dans les années 1990. Ce réacteur nucléaire est le fruit de l’expérience accumulée de l’exploitation de centrales nucléaires pendant plusieurs décennies, notamment en France et en Allemagne. C’est aujourd’hui le premier réacteur de troisième génération licencié par quatre autorités de sûreté différentes : française, finlandaise, chinoise et britannique – et sa certification est en cours aux États-Unis. Quatre EPR, je l’ai dit, sont en cours de réalisation dans le monde : en France, à Flamanville, où EDF, investisseur et maître d’ouvrage, sera l’exploitant ; en Finlande, où un consortium formé par AREVA NP et Siemens AG construit l’EPR d’Olkiluoto pour le compte du client TVO (Teollisuuden Voima Oyj), dans le cadre d’un contrat de type clé en main ; enfin en Chine, où les deux EPR de Taishan 1 et 2 sont réalisés par la Taishan Nuclear Power Joint Venture Company, filiale détenue à 70 % par CGN et à 30 % par EDF, qui en assurera également l’exploitation.

En France, le chantier de l’EPR de Flamanville 3 a été lancé par la loi de 2005, à la fois pour laisser ouverte l’option du nucléaire et pour préparer le renouvellement du parc. En effet, notre projet de prolongation du parc existant ne doit pas nous empêcher de préparer l’avenir : il faudra de toute façon un jour le remplacer. Sans préjuger des choix de politique énergétique à cet horizon, notre responsabilité industrielle consiste bien à rendre possible le choix du nucléaire, qui sera aussi celui de la continuité de notre filière.

Ce projet a fait suite à une interruption de près de quinze ans de toute construction de centrale. Il cumule donc dès l’origine les deux difficultés de ce que nous appelons une tête de série ou, plus exactement, une « première du genre » – first of a kind, disent les Américains –, et de la reprise d’une construction neuve. Il n’est dès lors pas représentatif d’une filière EPR industriellement mature qui pourrait être développée par la suite – car c’est bien l’effet de standardisation qui a permis de construire le parc français à un coût inférieur de moitié à celui qu’ont supporté les États-Unis et l’Allemagne.

Le projet d’EPR à Flamanville fait aujourd’hui l’objet d’un pilotage très rigoureux, qui résulte d’un plan d’action prioritaire lancé en 2010 et qui a permis de mieux maîtriser le coût et les délais du chantier. L’avancement des travaux, en matière tant d’études que de réalisation, offre désormais une idée stabilisée du budget à terminaison. Bien entendu, compte tenu de l’ampleur du chantier, des risques et des incertitudes demeurent, mais ils sont clairement identifiés et font l’objet de plans d’action spécifiques permettant d’anticiper les difficultés et de regagner les marges, par exemple grâce à l’utilisation d’un simulateur pleine échelle pour préparer les essais d’ensemble puis de démarrage. Nous disposons à ce jour d’une vision détaillée des risques et de ce qui reste à faire, y compris par nos prestataires. Le planning et les coûts n’ont pas évolué depuis deux ans. Nous avons récemment franchi deux étapes très importantes : la pose du dôme en juillet 2013, puis, le mois dernier, l’introduction de la cuve dans le bâtiment réacteur. L’année 2014 verra la poursuite des montages, mais aussi les premiers essais de mise en service des équipements.

Au-delà de Flamanville 3, notre projet industriel prévoit plusieurs étapes. La première, déjà engagée, consiste à tirer le meilleur parti pour nos chantiers à venir du retour d’expérience des réalisations en cours : Flamanville 3, mais aussi Olkiluoto 3, bien que nous n’y ayons pas participé, et ce grâce à notre partenariat avec AREVA. Ces expériences ont déjà bénéficié aux deux EPR de Taishan, où de nouvelles techniques de génie civil ont pu être développées et mises en œuvre avec succès : le délai séparant le premier béton de la pose du dôme a été réduit de moitié entre Olkiluoto 3 et Taishan 1. Le chantier de Taishan profitera à son tour à nos projets ultérieurs, en Grande-Bretagne et ailleurs.

La deuxième étape, engagée elle aussi, est l’optimisation de l’EPR, à laquelle travaillent EDF et AREVA dans le prolongement de ce retour d’expérience et dans le but de répondre à de nouveaux appels d’offres. Différentes options sont à l’étude. Certaines relèvent de la seule optimisation – par exemple, le réalignement des voiles de béton de façon à limiter les reprises de charge, donc la densité de ferraillage et la quantité de béton – et ne remettent pas en cause le design du réacteur ni, par conséquent, sa certification. D’autres interventions, plus profondes, permettront d’évoluer progressivement vers un nouveau design qui fera l’objet d’une nouvelle certification et rendra le réacteur plus sûr, plus efficace et plus économique. Une conception de base (basic design) de ce nouveau réacteur pourrait débuter à l’été 2014, ce qui serait compatible avec les calendriers saoudiens.

Enfin, dans le but d’étendre notre offre de réacteurs, nous travaillons également avec AREVA et nos partenaires chinois à la conception d’un modèle de 1 000 mégawatts, destiné à l’export.

Au total, il s’agit pour nous et nos partenaires de continuer à écrire une histoire industrielle. Nous avons construit en France six modèles correspondant à trois paliers de puissance. Cette histoire dépend bien sûr de la filière que nous exploitons en France et des EPR que nous construisons. Elle a pour fil directeur le retour d’expérience de l’exploitation et de la construction. Premier exploitant mondial, nous disposons évidemment d’une expérience unique au monde, qui fait référence et qui intéresse la plupart des pays désireux de démarrer ou de redémarrer un programme nucléaire. Cette histoire a donc vocation à s’écrire aussi à l’échelle mondiale. Même si, bien entendu, chaque pays a ses spécificités et souhaite à juste titre impliquer sa propre industrie, notre développement international est indispensable pour obtenir une forme d’effet de série et pour accumuler une expérience que nous ne pouvons plus acquérir sur le seul sol français en attendant le renouvellement de notre parc.

Dans cette évolution, la France doit naturellement prendre une place particulière : point de départ, elle doit aussi être une ligne de mire permanente si l’on veut préserver la possibilité de remplacer le parc existant, au moins en partie, par du nucléaire de troisième génération. Ce remplacement est d’une telle ampleur qu’il doit être préparé et anticipé. Les premiers réacteurs de 900 MW auront cinquante ans aux alentours de 2030, ce qui implique des investissements au tournant de 2020 si l’on veut commencer de les remplacer, au moins en partie, par de nouveaux réacteurs. Il s’agit donc de faire mûrir dès aujourd’hui une troisième génération en France et dans le monde, grâce à notre industrie, pour, le moment venu, remplacer aisément des réacteurs en fin de vie.

La filière nucléaire réunit 2 500 entreprises en France, dont une écrasante majorité de PMI et PME extrêmement dynamiques sur le marché intérieur et à l’international ; 200 000 salariés techniques directs ; environ 450 000 emplois directs, et sans doute près d’un million si l’on tient compte des emplois que vaut à la France le coût comparativement bas de son électricité. Elle va recruter 110 000 personnes d’ici à 2020. EDF recrute pour sa part 3 000 personnes par an dans ce secteur.

L’histoire du nucléaire français, l’une des plus belles réussites de l’histoire industrielle mondiale, représente pour notre pays un atout à long terme, technologique, économique et politique. La France peut en être fière, mais soyez sûrs que notre filière saura en écrire les nouvelles pages.

M. le président François Brottes. Merci, monsieur Machenaud, mais nous ne sommes pas ici dans un congrès ou dans un colloque. Si je vous pose une question, ce n’est pas pour que vous vous lanciez dans un long exposé sans y répondre !

M. Bernard Accoyer et M. Michel Sordi. C’est ce qu’a fait Greenpeace !

M. le président François Brottes. Cela vaut de toutes les personnes que nous auditionnons.

Certes, l’exercice est difficile et vos propos, même s’ils ne sont pas nouveaux, ne sont ni hors sujet, ni dépourvus d’importance. Mais ce que nous voulons, c’est que vous répondiez à nos questions : que doivent retard et surcoûts au défaut de compétences consécutif à l’interruption de la construction et aux mesures post-Fukushima ? Le fait que l’EPR soit un prototype exclut-il de retrouver les mêmes problèmes de coût et de délais lorsqu’on en viendra à la construction de réacteurs en série ? Greenpeace estime à 10 % la baisse de coût résultant de l’effet série : qu’en pensez-vous ? Y a-t-il ou non des enseignements à tirer de ce qui s’est passé avec l’EPR finlandais ? Nous avons besoin d’éléments précis pour tirer nos conclusions des exposés parfois divergents que nous entendons.

M. Hervé Machenaud. Je vous prie de m’excuser et je vais m’efforcer de vous répondre de manière aussi précise et complète que possible, en m’appuyant d’abord sur les données objectives et connues, en essayant ensuite de tirer les leçons de l’expérience d’EDF dans la construction du parc nucléaire.

Le coût de construction de Flamanville 3 est aujourd’hui estimé à 8,5 milliards d’euros. C’est le budget que nous avons annoncé il y a près de deux ans. Sur ce total, 900 millions environ sont identifiés comme des coûts propres à la tête de série, liés essentiellement à de l’ingénierie, et amortissables sur la série. Il faut aussi tenir compte des difficultés, également propres à la tête de série, de mise en œuvre du génie civil, qui nous ont causé bien des ennuis liés à l’évolution de la préparation, en particulier à des évolutions techniques auxquelles on a procédé de manière quelque peu théorique et insuffisamment adaptée à la réalité industrielle. En d’autres termes, nous nous sommes fixé à nous-mêmes des contraintes qui n’étaient ni constructives ni réalistes du point de vue industriel. Nous évaluons à 1,5 milliard d’euros environ le coût de ces difficultés et des retards qui s’ensuivent. Ces deux calculs ramènent le coût de l’EPR à 6 ou 6,5 milliards d’euros.

Le fait de reprendre la construction après quinze ans d’interruption a mobilisé non seulement EDF, mais l’ensemble de l’industrie. En matière industrielle, l’efficacité résulte essentiellement de la pratique. Si Taishan a été un tel succès, aussi rapide, cela résulte du retour d’expérience joint au fait que les entreprises chinoises construisent dix centrales nucléaires par an. La tête de série du 1 300 MW de Paluel 1 a coûté 25 % de plus que l’ensemble de la série du 1 300 MW ; pour le palier N4, les deux tranches de Chooz B ont coûté 25 % de plus que les deux tranches de Civaux, mais la première, Chooz B1, a coûté deux fois plus cher, en raison d’accidents technologiques touchant en particulier le contrôle commande.

Nous pouvons donc raisonnablement espérer obtenir une baisse de l’ordre de 25 %
– par rapport aux 8,5 milliards d’euros annoncés – grâce à l’effet de standardisation, formule que je préfère à celle d’« effet de série », ou à l’effet d’apprentissage.

M. le président François Brottes. Cela reste sensiblement supérieur à ce qui était prévu.

M. Hervé Machenaud. Oui. Mais le travail que nous menons avec AREVA sur la plateforme dite « Pologne » et notre réflexion en vue d’améliorer la sûreté et l’efficacité, sur la base de cet EPR et éventuellement de modèles évolutifs, nous permettent d’escompter une baisse notable de ce montant à assez long terme. En ce qui concerne l’EPR de série, nous restons en tout cas dans la fourchette indiquée par la Cour des comptes, c’est-à-dire entre 70 et 90 euros par MWh.

Rappelons que le coût du programme nucléaire français s’élève aujourd’hui à quelque 1 200 euros 2012 par MW, soit deux fois moins que celui des programmes américain et allemand et trois fois moins que ceux de Sizewell ou du programme japonais. Cela résulte de la courbe d’apprentissage – les centrales à charbon installées en Chine valent quatre à cinq fois moins cher qu’en Europe parce que les Chinois en construisent deux par semaine –, mais aussi de l’excellence de notre modèle industriel et de notre filière industrielle, caractérisés par l’intégration entre l’exploitant et les concepteurs et fournisseurs principaux : AREVA et Alstom, d’une part, et l’ensemble des PME qui viennent à l’appui de l’exploitant, de l’autre.

M. le rapporteur. Monsieur Machenaud, je serai un peu moins lyrique que vous s’agissant de notre excellence supposée, surtout en ce qui concerne l’EPR de Flamanville. Les problèmes rencontrés sur le chantier, et que vous avez reconnus vous-même, étaient-ils totalement imprévisibles ? Pourquoi avoir prétendu construire cet EPR en quatre ans si, comme nous l’a dit tout à l’heure M. Repussard, ce n’était guère sérieux ? Le surcoût et le retard par rapport à ce qui était annoncé, à propos desquels nous ne disposons pour l’instant que d’hypothèses, ne risquaient-ils pas de mettre durablement en péril la crédibilité de l’entreprise ?

Quel est le coût du kWh de l’EPR de Flamanville ? Faut-il déduire de vos propos qu’il s’élèvera à 25 % de plus que les 70 à 90 euros par MWh estimés par la Cour des comptes pour l’EPR de série ?

Ces évaluations supposent que le réacteur soit disponible à 90 % pendant soixante ans. Un taux de disponibilité aussi élevé pendant une durée aussi longue vous paraît-il crédible, compte tenu de ce que nous savons aujourd’hui du mode de fonctionnement des installations nucléaires ? D’autre part, compte tenu de l’évolution des cours de l’électricité, des technologies alternatives au nucléaire et de leur coût, n’est-il pas quelque peu anachronique de construire des installations censées durer soixante-dix à quatre-vingts ans – de la conception à la fin de vie – et équilibrer leur budget sur toute cette période ? Tant de choses peuvent arriver dans l’intervalle, notamment du point de vue de la production ! Plus le réacteur est puissant, plus il faut de temps pour qu’il devienne rentable. N’est-ce pas une faiblesse structurelle ?

L’EPR de série fera, dites-vous, baisser les coûts, mais ce n’est pas ce que l’on constate à propos du projet de centrale de Hinkley Point, dont les réacteurs devraient coûter 9,5 milliards d’euros. En outre, si la Commission européenne l’accepte, le prix de l’électricité qui y sera produite – environ 110 euros par MWh – doit être garanti pendant trente-cinq ans. Est-ce raisonnable ? Est-ce compétitif ?

La courbe de l’investissement financier dans le nucléaire, établie par votre entreprise et consultable sur Internet, met en évidence trois « bosses ». Premièrement, les investissements initiaux consentis pour construire le parc actuel, soit environ 100 milliards d’euros selon la Cour des comptes. Deuxièmement, le coût de la maintenance et du grand carénage, dont nous avons parlé avec M. Minière la semaine passée ; il reste élevé au-delà de 2025, de sorte que le montant annoncé, de 55 milliards d’euros jusqu’à cette date, serait dépassé – d’un tiers environ, semble-t-il, ce qui le porterait à 75 milliards. Troisièmement, l’investissement massif dans le renouvellement, c’est-à-dire la construction de nouveaux réacteurs de troisième génération, qui nous occupe aujourd’hui. À combien d’EPR correspond-il, compte tenu du montant de 6 à 6,5 milliards par réacteur que vous venez d’évoquer ? Comment ces coûts ont-ils été évalués ? Les représentants de la CFDT nous ont parlé d’un « mur d’investissements » ; il est vrai que ces derniers sont appelés à augmenter considérablement par rapport aux dernières décennies, avec le grand carénage et les mesures post-Fukushima, puis la construction de nouveaux réacteurs.

M. Hervé Machenaud. S’agissant de la durée du chantier de Flamanville, EDF avait envisagé au début des années 2000 d’avancer le travail d’ingénierie de détail, de moitié environ, préalablement au début des travaux. Mais le projet était encore trop incertain, de sorte que l’on a renoncé à cette anticipation. Au moment où il a ensuite été décidé de construire l’EPR, l’évaluation s’est fondée sur le coût, les quantités et la durée de fonctionnement du N4. Dans l’intervalle, la réglementation et les contrôles ont été substantiellement modifiés – sans compter les difficultés propres à la tête de série et les faiblesses liées aux problèmes de mobilisation de l’industrie, largement responsables du retard pris.

Ailleurs dans le monde, la plupart des très grands projets de ce type ont eux aussi donné lieu à des prolongations de chantiers notables. Cela résulte d’une perte de maîtrise industrielle que nous nous efforçons aujourd’hui de reconquérir. Quant à notre crédibilité future, le fait que les délais aient été entièrement revus il y a deux ans et soient désormais tenus au jour près me semble très rassurant.

L’estimation des coûts s’est également fondée, probablement à tort, sur le N4 alors que le contexte était très différent. Partir de Civaux pour construire un EPR n’était probablement pas la bonne référence…

Nous n’avons pas évalué depuis 2008 le coût de production de l’EPR de Flamanville en le ramenant au MWh, car le résultat ne serait pas significatif dès lors qu’il s’agit d’une tête de série. En outre, les 25 % dont j’ai parlé s’appliquent au coût de construction, lequel ne représente que 50 à 60 % du coût de production au MWh, ce qui les ramène à 12 à 15 %.

M. le rapporteur. À combien le kWh sorti de Flamanville va-t-il revenir ? Vous devez bien en avoir une idée !

M. Hervé Machenaud. Nous ne faisons jamais ce calcul, pour aucune tête de série ni aucune centrale isolée.

M. le rapporteur. Le réacteur devra bien fonctionner, et il restera isolé pendant un certain temps puisque aucun autre n’est en chantier.

M. Hervé Machenaud. Nous calculons le coût de production par MWh de notre parc en France – dont l’EPR fera partie dès qu’il sera exploité –, mais pas de chacune des centrales qui le composent. En effet, ce coût dépend largement des choix de positionnement, d’arrêt, etc., liés aux arbitrages entre les différents réseaux de production et les différentes centrales, pour des raisons de sûreté ou de maintenance.

Les nombreuses simulations que nous avons réalisées le confirment : le taux de disponibilité annoncé est crédible. Cela s’explique par l’existence de quatre trains de sûreté et d’un train supplémentaire, ce qui permet d’assurer la maintenance en exploitation, et par les modalités de gestion du combustible.

M. le rapporteur. Si je comprends bien, il convient de distinguer la disponibilité du fonctionnement : vous ne faites pas l’hypothèse que le réacteur va fonctionner 90 % du temps pendant soixante ans, mais qu’il en est capable.

M. Hervé Machenaud. Exactement.

Quant aux soixante ans, ce que vous appelez une faiblesse peut être considéré comme une force : celle de savoir que l’on pourra produire pendant cette durée à un prix fixe assuré qui se situe dans la fourchette basse de tous les moyens alternatifs. Les trois dernières décennies attestent de cette stabilité et le point de vue des économistes sur les coûts de production le confirment : le nucléaire construit il y a trente ans constitue aujourd’hui en Europe le moyen de production le plus économique. Quel sera le prix du gaz dans vingt ans ? Quelle autre source d’énergie permettrait de s’engager en 2015 sur un prix ferme pour soixante ans ?

À propos de Hinkley Point, les 92 livres sterling par MWh doivent être rapportés au prix d’exercice (strike price) de l’éolien, qui s’élève à 90 livres en Grande-Bretagne et à 85 euros en France ; l’ordre de grandeur est le même pour les cycles combinés à gaz. Dans ce domaine, le prix est quasiment le même en livres et en euros, parce que l’énergie est plus chère de 30 % en Grande-Bretagne.

D’autre part, si l’EPR de Hinkley Point bénéficie d’un effet d’apprentissage dont le prix tient compte, il s’apparente en même temps à une tête de série. En effet, la réglementation anglaise diffère beaucoup de la nôtre pour des raisons historiques. Les règles relatives au risque d’incendie ou au contrôle commande ont conduit à redimensionner les bâtiments, ce qui n’est pas sans conséquences. En outre, le site très particulier de la centrale, au bord d’un estuaire où les marées sont très fortes, nécessite des travaux souterrains et maritimes lourds pour aller chercher l’eau et la rejeter très loin. De plus, si l’EPR de Flamanville bénéficie de toutes les installations du parc destinées notamment à la gestion des combustibles, il faut à Hinkley Point construire des piscines spécifiques. Bref, de nombreuses causes structurelles expliquent le surcoût.

Rappelons enfin que les 92,5 livres sterling par MWh correspondent à un prix de vente et non à un coût. Il convient de distinguer les deux, une rentabilité affichée étant nécessaire pour attirer les investisseurs.

M. le rapporteur. Quelle est-elle ?

M. Hervé Machenaud. Elle est de 10 % ; le chiffre est public.

J’en viens à la courbe de l’investissement financier dans le nucléaire. Monsieur le rapporteur, vous faites l’hypothèse que le grand carénage coûterait 75 milliards d’euros et non 55. Nous l’avons toujours dit, cette bosse des investissements résulte de plusieurs facteurs, dont le cap des quarante ans, qui nécessite des modifications, une augmentation significative du niveau de sûreté et le remplacement de gros composants comme les générateurs de vapeur ou les alternateurs. C’est le grand carénage, dont nous avons évalué le coût à 55 milliards d’euros entre 2012 et 2025, ce qui ne signifie pas que l’on n’aura rien fait auparavant et que l’on ne fera plus rien ensuite : il s’agit d’un ordre de grandeur de l’effort à consentir durant cette période.

M. le rapporteur. Ce qui veut dire que le coût global du grand carénage est supérieur à 55 milliards.

M. Hervé Machenaud. Un outil industriel fait l’objet d’une exploitation et d’une maintenance permanentes. Ce que l’on a appelé le grand carénage correspond précisément à la bosse localisée entre 2012 et 2025 et qui représente 55 milliards d’investissements, dont 10 dus aux mesures post-Fukushima.

M. le président François Brottes. Nous devons connaître le détail de la somme. EDF, qui est le seul à en disposer puisque l’Autorité de sûreté nucléaire ne l’a pas, s’est engagé à nous le fournir d’ici à la fin de nos travaux.

M. Hervé Machenaud. Ce sera fait, bien sûr.

La troisième bosse de la courbe – présentée, je le rappelle, dans un document à usage interne exposant les perspectives financières de l’entreprise – donne, je le répète, un ordre de grandeur, une image. Il s’agissait de relativiser le coût du grand carénage, qui paraît considérable, et de montrer l’intérêt que présente la prolongation de la durée de vie des centrales. Nous nous sommes fondés sur l’hypothèse d’une reconstruction de 63 gigawatts, soit une quarantaine d’EPR, à un coût équivalent au coût cible que j’ai indiqué.

M. le président François Brottes. Il s’agit d’un « document de travail à valeur informative non contractuelle ».

M. Hervé Machenaud. En somme, l’industriel EDF, opérateur de service public responsable de l’alimentation du pays en électricité, soulève là la question de savoir ce qu’il faut faire à l’approche de la fin de vie du parc nucléaire existant. Si ce n’est pas aux centrales nucléaires que l’on recourt, ce sera à un autre moyen, auquel cas il faut dire lequel et à quel prix. Or, aujourd’hui, il n’existe pas de moyen alternatif plus économique que le nucléaire.

M. le rapporteur. Dans votre hypothèse, la construction de quarante EPR coûterait 240 à 260 milliards d’euros.

M. Hervé Machenaud. Oui, mais y a-t-il une solution alternative qui coûterait moins ?

M. le rapporteur. Je cherche seulement à éclairer la décision à prendre le moment venu.

M. Patrice Prat. Monsieur Machenaud, les représentants de Greenpeace estiment que la compétitivité de l’électricité produite par l’EPR ne serait pas garantie. Qu’en pensez-vous ?

Si l’on suppose que l’EPR participera d’un cercle vertueux attendu du nucléaire de demain, quelles seraient les conséquences précises de son exploitation sur l’ensemble de la filière, s’agissant notamment des matières valorisables et des déchets ?

Puisque vous avez évoqué des perspectives d’optimisation, peut-on envisager que l’EPR utilise le MOX ? EDF a-t-elle des projets en ce sens ?

M. Hervé Machenaud. En ce qui concerne la compétitivité, au niveau dont nous parlons et compte tenu des objectifs fixés à l’EPR optimisé et aux modèles qui en dériveront
– puisque c’est l’activité industrielle qui permet de réduire substantiellement les coûts –, je maintiens qu’il n’existe à mes yeux aucun moyen alternatif dont le coût de production soit aussi faible.

À titre de comparaison, le coût d’un cycle combiné à gaz, sur lequel nous n’avons aucun contrôle, est aujourd’hui de 70 à 100 euros par MWh – pour combien de temps ? Quant aux énergies renouvelables, leur intermittence entraîne des surcoûts, de sorte que même l’éolien terrestre, le plus économique, est aujourd’hui très au-dessus des 100 euros, pour ne rien dire de l’éolien offshore ni du solaire.

Et je ne parle même pas des conséquences de cette intermittence sur l’équilibre global du mix énergétique ni du fait, toujours passé sous silence, que ces énergies renouvelables ne permettent pas une couverture systématique de la pointe de consommation –par exemple celle d’un soir de février où l’Europe se retrouve prise dans une zone de haute pression. Bref, il ne peut s’agir que d’une source d’énergie complémentaire. Il faut donc conserver les autres moyens nécessaires à la production le jour de la pointe, mais ces autres moyens arrêtés lorsqu’il y a du vent perdent alors en compétitivité et en rentabilité, ce qui renchérit encore le coût réel moyen de la production.

Dès lors, pour disposer d’une production durablement stable et mobilisable au moment où on en a besoin, l’EPR reste de loin le moyen le plus compétitif.

S’agissant du cycle du combustible, avec l’EPR, la production de déchets ultimes par kW est relativement réduite. L’utilisation de MOX pourrait donc être envisagée parmi les pistes d’optimisation. Mais, aujourd’hui, on « moxe » l’équivalent de notre production annuelle de plutonium. L’équilibre concerne donc la matière plus que le mode de production.

Plus généralement, nous avons été interrompus dans un processus d’amélioration continue de l’efficacité industrielle des réacteurs nucléaires en France. Nous améliorons constamment la sûreté de nos centrales par des modifications qui résultent de retours d’expérience, de sorte que les centrales conservent le même niveau de sûreté grâce à l’effet de standardisation. C’est cette standardisation progressive qui fait la force du parc nucléaire français : dès que l’on trouve une nouveauté, on l’installe dans l’ensemble du parc.

C’est ce processus que nous devons poursuivre. Nous observons les difficultés que nous rencontrons en construisant l’EPR, nous verrons en l’exploitant comment l’améliorer peu à peu et nous intégrerons ces améliorations au modèle suivant. On peut par exemple se demander s’il est plus sûr d’avoir deux enceintes qu’une seule, cinq trains de sûreté plutôt que deux. Bref, nous devons procéder à une analyse approfondie de la sûreté ; elle est en cours.

M. le président François Brottes. Merci.

L’audition prend fin à treize heures cinq.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire

Réunion du jeudi 27 février 2014 à 11 heures

Présents. - M. Bernard Accoyer, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Denis Baupin, M. François Brottes, Mme Sabine Buis, Mme Françoise Dubois, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, Mme Frédérique Massat, M. Patrice Prat, M. Michel Sordi, M. Stéphane Travert, Mme Clotilde Valter

Excusés. - M. Damien Abad, M. Philippe Baumel, M. Jean-Pierre Gorges, Mme Sylvie Pichot, M. Franck Reynier, M. Éric Straumann