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Commission d’enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d’exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l’électricité nucléaire, dans le périmètre du mix électrique français et européen, ainsi qu’aux conséquences de la fermeture et du démantèlement de réacteurs nucléaires, notamment de la centrale de Fessenheim

Jeudi 10 avril 2014

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 45

Présidence de M. François Brottes Président

– Thème : Risque nucléaire - Évaluation du risque et assurance

Audition jointe de M. Gilles Trembley, directeur du GIE Assuratome, M. Maurice Corrihons, directeur des Spécialités de la Caisse centrale de réassurance, et M. Pierre Picard, professeur au département d'économie de l’École Polytechnique....

M. le président François Brottes. Je remercie MM. Gilles Trembley, Maurice Corrihons et Pierre Picard d’avoir accepté notre invitation. Nous traitons cet après-midi du risque nucléaire, de son impact, de ses effets collatéraux non maîtrisés et de ses modalités d’assurance. Nous n’aborderons pas en revanche la question des probabilités de ce risque ni les différents scénarii auxquels l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a travaillé.

Contrairement à ce que l’on observe dans d’autres domaines tels que la forêt et l’agriculture – où la question des assurances est si complexe à traiter que le ministère continue d’y travailler, alors même que les accidents sont très fréquents – la loi et le règlement ont clairement défini les obligations et responsabilités de la filière nucléaire. Notre but étant d’évaluer les coûts réels de celle-ci, nous souhaiterions examiner si l’assurance y est portée au bon niveau et à quelle fin.

Conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, je vous demande de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(MM. Gilles Trembley, Maurice Corrihons et Pierre Picard prêtent serment.)

M. Pierre Picard, professeur au département d’économie de l’École Polytechnique. Notre régime d’assurance du risque nucléaire est conforme à des principes de responsabilité – limitée, en l’occurrence – des opérateurs et des États qui ont été définis par plusieurs conventions internationales. Lorsque l’on s’intéresse aux coûts d’une activité à risque, il importe de bien garder à l’esprit l’objectif d’internalisation de ce risque, qui vise à faire en sorte que les acteurs économiques dont l’activité est susceptible d’entraîner des conséquences dommageables puissent en être tenus responsables et que ces dommages potentiels s’imputent dans leur calcul économique, pour deux raisons principales. D’une part, parce que de tels mécanismes de responsabilité constituent aussi des incitations permettant d’envoyer les bons signaux-prix et, d’autre part, afin de faciliter l’indemnisation, en favorisant notamment le provisionnement des risques.

Or, le caractère limité de la responsabilité des opérateurs nucléaires et des États signataires des conventions internationales est tel que cette internalisation n’est pas effective, ou du moins est-elle très limitée. Il est en effet difficile de couvrir des risques très importants mais de probabilité extrêmement faible à l’aide de mécanismes d’assurance traditionnels. Un tel constat soulève alors deux questions : d’une part, celle de l’évaluation du coût du risque nucléaire et, d’autre part, celle de son internalisation.

L’évaluation du coût du risque nucléaire ne nous est pas spontanément fournie par le marché sous forme de prix, contrairement à ce que l’on constate pour la majeure partie des activités économiques. Ainsi ma prime d’assurance d’automobile me fournit-elle une indication de ce que je coûte à la collectivité en termes de dommages potentiels lorsque je conduis – même en faisant très attention. Il n’y a en revanche pas de prix de marché des risques nucléaires, la responsabilité étant limitée : il revient donc à la collectivité d’évaluer ce coût.

M. le président François Brottes. Maintenant qu’il est plus facile de changer d’assureur qu’auparavant, la notion de prix de marché risque d’évoluer, y compris dans le domaine des assurances automobiles. Elle persistera, certes, mais cet exemple illustre bien qu’il est possible de faire jouer d’autres paramètres. Cela sera néanmoins plus compliqué dans le nucléaire …

M. Pierre Picard. La question du risque nucléaire nous éloigne des règles traditionnelles du calcul économique public en vertu desquelles, dans le cadre d’un grand projet d’investissement, l’État, lorsqu’il peut mutualiser la totalité de ses coûts d’activité risquée sur l’ensemble de la population, se comporte comme un assureur. Ce n’est pas le cas avec le nucléaire pour lequel toutes les conditions permettant cette mutualisation ne sont pas réunies. En effet, les grandes catastrophes nucléaires constituant des événements rares, on n’a pas affaire à une multitude de petits accidents pouvant se compenser mutuellement et pour lesquels chaque individu pourrait avoir une petite somme à payer tous les ans. De plus, ces grands accidents ont des effets macroéconomiques et sociétaux. Enfin, ils ont des conséquences intergénérationnelles. Pour toutes ces raisons, tout calcul consistant à diviser l’espérance mathématique du coût d’un risque nucléaire par la valeur de l’électricité produite tous les ans n’a pas le moindre fondement méthodologique sérieux. Il n’en aurait que s’il reflétait le comportement des compagnies d’assurance – ce qui n’est pas le cas – ou le calcul économique public d’un État parfaitement capable de mutualiser les risques – ce qui n’est pas possible non plus. Sur le plan méthodologique, l’évaluation du coût du risque nucléaire mérite donc une réflexion approfondie et suppose la prise en compte des dimensions spécifiques de ce risque aux effets à la fois macroéconomiques et de très long terme. De telles dimensions justifient l’ajout d’une prime de risque à cette espérance mathématique, sans doute négligeable en soi.

Dans ces conditions, il existe essentiellement deux manières d’internaliser le coût du risque, c’est-à-dire d’envoyer les signaux-prix adéquats. La première consiste à étendre le fonctionnement des marchés – d’assurance, notamment – et la seconde à faire en sorte que la collectivité joue le rôle d’auto-assureur en provisionnant une somme à déterminer. Quant à la première solution et, notamment à la manière d’améliorer les dispositifs assurantiels en vigueur, je vous renvoie aux interventions des deux autres participants à cette audition. Si la révision des conventions existantes a accru la responsabilité limitée des opérateurs et des États, les plafonds de responsabilité demeurent extrêmement faibles par rapport aux scénarios que l’on peut retenir – raison pour laquelle les mécanismes assurantiels ont été étendus en Allemagne où plusieurs opérateurs nucléaires ont établi entre eux des systèmes de mutualisation. Cependant, ces mécanismes de marché ayant leurs limites, comment faire pour que les finances publiques – et celles des opérateurs – assurent ce provisionnement ?

Je ferai ici une analogie entre le risque nucléaire et les risques financiers systémiques. Si le coût des grandes catastrophes nucléaires de Three Mile Island en 1979, de Tchernobyl en 1986 et de Fukushima en 2011 fut très faible en termes de victimes, il fut néanmoins considérable pour l’industrie nucléaire puisque l’on a complètement arrêté toute construction de réacteur nucléaire après l’accident de Three Mile Island. Et il y a eu davantage de grands accidents nucléaires que de crises financières systémiques – c’est-à-dire de crises ayant comme facteur déclencheur des faillites bancaires dont les épargnants sont au départ les seules victimes, mais qui ont ensuite des conséquences sur l’ensemble du système économique mondial : les analystes considèrent en effet qu’avant la crise systémique qui a commencé avec la crise des subprimes, puis qui s’est prolongée avec la crise des dettes souveraines, la dernière grande crise de ce type fut celle des années 30.

M. le président François Brottes. Votre comparaison s’arrête lorsque l’on compare le nombre de banques concernées par les crises financières au nombre de réacteurs ayant subi un accident …

M. Pierre Picard. Certes, mais il s’agit de crises d’ensemble ! Quoi qu’il en soit, l’industrie financière et les régulateurs financiers internationaux ont fait évoluer la régulation financière dans le cadre des accords de Bâle III qui réglementent le provisionnement des risques financiers afin d’y faire contribuer les banques. L’imputation du risque par le provisionnement importe donc autant si ce n’est davantage que l’extension des mécanismes de marché, cette dernière étant inévitablement et rapidement vouée à trouver ses limites. Il existe des formes de provisionnement naturel, telles que les émissions de capital des opérateurs nucléaires, et d’autres plus complexes. Cela étant, demander à un opérateur nucléaire d’accroître son capital en émettant davantage d’actions qu’il ne le ferait s’il ne se souciait que du financement de ses investissements et de l’indemnisation des risques dans le cadre d’une responsabilité limitée aura inévitablement un coût pour lui. Ce coût correspond à la valorisation de la contribution au risque collectif que l’on exige de l’opérateur. Si les mécanismes de transfert – qu’ils soient assurantiels ou autres – ont des limites, l’État peut donc également agir sur d’autres instruments afin d’améliorer l’internalisation des risques.

M. le président François Brottes. Lorsque l’on souscrit une assurance automobile sans jamais avoir d’accident par la suite, les primes que l’on verse servent aux autres. Les banques et l’activité financière sont vouées à exister éternellement, ou du moins aussi longtemps qu’il y aura de l’activité économique, alors que les réacteurs nucléaires sont destinés à s’arrêter un jour. Et lorsque l’on a provisionné pour s’assurer contre le risque d’accident d’un réacteur, le jour où celui-ci s’arrête et donc où le risque disparaît, que fait-on de cet argent ? Il pourrait certes servir à provisionner le risque du réacteur voisin, mais qui est lui aussi voué à s’arrêter. Et la probabilité d’accident est très faible. Le raisonnement est donc beaucoup plus complexe s’agissant du risque qu’il ne l’est pour la gestion des déchets nucléaires et le démantèlement des centrales – qui supposent obligatoirement de provisionner. Dans le cas du risque, si aucun accident ne se produit et que les assureurs récupèrent ces provisions au passage, ils bénéficieront d’un enrichissement sans cause.

M. Pierre Picard. Lorsqu’un opérateur maintient un risque en auto-assurance – au sens où il n’a pas de partenaires à qui le transférer –, s’il le provisionne, il le transfère quand même aux investisseurs qui acceptent de prendre des parts dans son entreprise. Le provisionnement s’apparente donc à tout mécanisme de transfert de risque. Simplement, si l’on considère l’activité d’un opérateur nucléaire comme limitée dans le temps, lorsque le capital devra in fine être liquidé, les actionnaires récupèreront leur mise. On ne raisonne généralement pas en se fondant sur l’idée que les entreprises ont une durée de vie finie …

M. le président François Brottes. … mais l’on y est obligé dans le cas des réacteurs car aucun d’entre eux ne sera jamais éternel, ce qui n’est pas forcément vrai pour d’autres technologies.

M. Pierre Picard. Si jamais l’on passe à des technologies beaucoup moins risquées, que le capital auparavant nécessaire au provisionnement du risque devient superflu et qu’aucun accident ne s’est produit au bout de trente ans, les actionnaires seront contents qu’on leur rachète leurs actions à bon prix, voire qu’on leur verse des dividendes confortables.

Cela étant dit, lorsque l’on auto-assure un risque parce qu’il n’existe pas de mécanisme dédié pour le transférer, on a le choix entre plusieurs solutions. On peut très bien ne rien faire et considérer que l’on se procurera les ressources nécessaires si jamais un accident se produit. L’État pourra ainsi emprunter sur le marché national ou les marchés internationaux. Mais les générations futures sont alors victimes de ce choix puisqu’il faut des dizaines d’années pour rembourser les emprunts de reconstruction. Si l’on considère au contraire qu’il n’est pas possible de faire porter sur elles les conséquences d’un tel événement, on peut décider de mettre un peu d’argent de côté. Le provisionnement du risque n’est pas l’alpha et l’oméga de l’auto-assurance puisque l’on peut toujours arbitrer entre ces deux possibilités. Cela étant, reporter dans le futur le financement du risque soulève non seulement une question technique de choix de taux d’actualisation, mais aussi une question éthique d’arbitrage entre différentes générations.

M. le président François Brottes. Ma question était de savoir que faire des provisions effectuées lorsque l’on arrête un réacteur et qu’aucun accident ne s’est produit : peuvent-elles servir à provisionner le risque d’autres réacteurs en fonctionnement ? Est-il pertinent de provisionner pour ensuite redistribuer des dividendes alors que d’autres risques existent dès lors que la filière n’est pas arrêtée ? C’est là une des spécificités de notre sujet de réflexion.

M. Pierre Picard. On aura certes immobilisé du capital pendant trente ans. Mais lorsque l’on n’a aucun accident de voiture, on a toujours l’impression d’avoir souscrit une assurance automobile pour rien alors qu’en réalité, on aura contribué, grâce au mécanisme de mutualisation des risques, au provisionnement du risque des autres automobilistes.

M. le président François Brottes. Le cas est fort différent car on est alors solidaire d’autrui. En outre, la probabilité des accidents de voitures est beaucoup plus élevée que celle d’un accident nucléaire. Il y a donc bien une spécificité du risque nucléaire. Monsieur Trembley, avez-vous des solutions à nous proposer en la matière ?

M. Gilles Trembley, directeur du GIE Assuratome. Pas sur ce point précis. Mon exposé liminaire portera sur les modalités de fonctionnement de la première tranche d’assurance qui couvre la responsabilité civile des exploitants nucléaires et qui s’élève à 91 millions d’euros, soit les fameux 600 millions de francs institués dans les années 90. Compte tenu de l’intensité du risque potentiel et des spécificités du droit, il a été décidé par la communauté des assureurs, en France comme dans tous les pays du monde dotés du nucléaire civil, de cantonner ce risque dans le cadre de pools organisés par marché. Le marché français a ainsi organisé Assuratome, pool de réassurance dont sont membres la plupart des assureurs et réassureurs du pays et qui est destiné à couvrir les exploitants nucléaires, tant en matière de dommages matériels que de responsabilité civile. Assuratome dispose d’équivalents dans une vingtaine de pays. Les capacités de couverture des dommages matériels étant insuffisantes, les pools se réassurent les uns les autres.

M. le président François Brottes. Quelle place l’Allemagne occupe-t-elle dans ce contexte ?

M. Gilles Trembley. Il existe aussi un pool allemand …

M. le président François Brottes. Qui perdure ?

M. Gilles Trembley. Absolument ! Vous avez par ailleurs tout à fait raison de souligner que les réacteurs ne sont pas voués à durer éternellement – une voiture non plus, d’ailleurs ! Reste que même si l’on décide d’arrêter tous les réacteurs en France, leur assainissement et leur démantèlement dureront des années, au cours desquelles un risque non négligeable perdurera.

M. le président François Brottes. Il n’y aura plus de risque de fusion !

M. Gilles Trembley. Mais un risque de contamination extérieure demeurera – risque certes plus faible, mais suffisant pour remplir la première tranche d’assurance.

Pour en revenir à l’organisation de l’assurance nucléaire, chaque pool réunit la capacité qui lui est fournie par ses membres et l’utilise pour assurer les exploitants nucléaires. Les polices d’assurance en responsabilité sont soumises à un agrément de la sous-direction des assurances de la direction du Trésor. La tarification est quant à elle établie sur la base d’une analyse des risques et du coût potentiel des sinistres, en fonction de l’environnement des sites concernés. Objective et sans faute, la responsabilité est concentrée sur l’exploitant nucléaire : celui-ci est obligé de s’assurer jusqu’à une limite fixée à 91 millions d’euros, qui va être portée à 700 millions, avec tous les problèmes que cela soulève pour l’assurance même.

M. le président François Brottes. Est-ce à dire que ce dispositif nous prémunit de tout contentieux ?

M. Gilles Trembley. La loi oblige l’exploitant à trouver une garantie financière ou une assurance pour couvrir sa responsabilité et le rend objectivement responsable. Il ne peut donc s’exonérer de sa responsabilité ni intenter de recours contre un tiers, sauf cas très particulier.

M. le président François Brottes. Tout est donc dans l’expression « sauf cas très particulier » ! Quant à vous, monsieur Corrihons, vous intervenez en réassurance …

M. Maurice Corrihons, directeur spécialités de la Caisse centrale de réassurance. Mon exposé portera sur le transfert de risque dans la chaîne de l’assurance, qui part de l’assureur pour passer par le réassureur puis par le rétrocessionnaire et, enfin, par les alternatives dans le cadre de la réassurance financière ou du transfert alternatif de risque (ART).

Tout risque ou portefeuille de risques souscrit par une compagnie d’assurances peut aujourd’hui être mutualisé ou fragmenté en pools, lorsqu’il s’agit de risques extrêmes. Il peut également être réparti ou transféré à un deuxième étage – celui de la réassurance – la compagnie d’assurances réduisant ainsi la volatilité de son portefeuille. Le réassureur lui-même peut couvrir ses expositions en transférant le risque à un troisième niveau, celui de la rétrocession. Il s’agit là d’un système pyramidal de transfert des risques, le nombre d’assureurs étant plus important que celui des réassureurs, eux-mêmes plus nombreux que les rétrocessionnaires.

M. le président François Brottes. Êtes-vous assujetti à des règles comparables à celles des Accords de Bâle III pour les banques ? Un incident systémique est en effet tout aussi plausible dans le secteur des assurances que dans le secteur bancaire …

M. Maurice Corrihons. Nous sommes effectivement soumis à la directive Solvency II, réglementation avec laquelle nous nous efforçons de nous mettre en conformité d’ici à 2016. Il existe un dispositif permettant aux assureurs, réassureurs et rétrocessionnaires de limiter leur exposition au risque en la transférant aux marchés financiers et non plus à la réassurance traditionnelle.

Quant à la caisse centrale de réassurance (CCR), elle est habilitée, avec la garantie de l’État, à intervenir, au cas où l’assurance privée ne pourrait pas satisfaire la demande, en cas de risque de guerre sur les transports pour les corps de navire et les facultés, d’engagement de la responsabilité civile des exploitants nucléaires, de catastrophe naturelle ou encore d’attentat ou d’acte terroriste.

S’agissant des principes généraux de l’assurance nucléaire, les polices portant sur les dommages matériels garantissent l’exploitant contre les dommages d’incendie, les événements naturels et les bris de machines portant sur les biens et installations lui appartenant. Quant au régime juridique de la responsabilité civile de l’exploitant nucléaire, il est issu de la convention de Paris de 1960 qui définit une responsabilité objective, sans faute, exclusivement canalisée sur l’exploitant et limitée quant à son montant et à sa durée. Ce régime est fondé sur un principe de non-discrimination à l’égard des victimes d’un incident nucléaire, indépendamment de leur nationalité, de leur domicile ou de leur lieu de résidence.

Le protocole modificatif de 2004 à la convention de Paris a porté la limite de responsabilité de l’exploitant de 91,5 à 700 millions d’euros, et ce, à la charge de l’assureur, que ce dernier l’assume par une prise d’assurance ou par garantie financière. En outre, ce texte étend le champ des garanties aux dommages à l’environnement, aux mesures de sauvegarde et aux événements naturels à caractère exceptionnel. La limite de garantie s’entend par site nucléaire – la difficulté étant que plusieurs sites peuvent être touchés par un même événement, notamment en cas de tremblement de terre ou de crue dans la vallée du Rhône. Si la première tranche relève de l’exploitant, la deuxième tranche, à la charge de l’État dans lequel l’accident se produit, a été portée de 108 à 500 millions d’euros. Enfin, la troisième tranche, qui correspond à la contribution de tous les États contractants, a été portée de 140 à 300 millions. Cette garantie s’élève donc au total à 1,5 milliard d’euros contre 340 millions aujourd’hui. Les difficultés que soulèvent ces nouvelles règles sont les mêmes en France que dans tous les États signataires de la convention et du protocole.

J’exposerai à présent le mécanisme de réassurance que l’État pourrait envisager d’instituer dans l’hypothèse où le marché privé de l’assurance et de la réassurance ne pourrait couvrir les dommages prévus par le protocole de 2004. L’État ne peut en effet intervenir que si le risque n’est pas assurable par le secteur privé. L’opérateur ou l’exploitant est garanti par un assureur « fronteur » entièrement réassuré, sur les risques qu’il couvre, par le pool de réassurance qu’est Assuratome. Outre ce pool national, les pools étrangers peuvent eux aussi apporter une capacité de réassurance dans le cadre d’une mutualisation entre opérateurs. La CCR pourrait quant à elle intervenir avec une garantie d’État dans le cadre d’une convention de réassurance avec Assuratome.

Pour terminer, je présenterai une comparaison de ce système avec des dispositifs d’assurance à plusieurs étages couvrant d’autres risques exceptionnels, faisant intervenir des assureurs, des réassureurs privés et une réassurance par la CCR avec la garantie de l’État. À cet égard, le groupement d’intérêt économique le mieux adapté est en l’occurrence le groupement chargé de la gestion de l’assurance et de la réassurance des risques d’attentats et d’actes de terrorisme (GAREAT), créé le 1er janvier 2002 à la suite des attentats du 11 septembre 2001, pour couvrir les risques dont la police est supérieure à 20 millions d’euros. Dans le cadre des polices d’assurance, si l’assureur ne peut s’exonérer de garantir le terrorisme à l’assuré, cette obligation n’est en revanche pas imposée au réassureur. Une telle situation étant très inconfortable pour les assureurs, les représentants de la profession se sont entretenus avec les réassureurs sous l’égide des pouvoirs publics, à la suite de quoi a été institué un dispositif de mutualisation regroupant les quelque 200 membres des organisations professionnelles.

Au 1er janvier 2014, les membres du pool d’assureurs du GAREAT conservent entièrement en rétention une première ligne de 400 millions d’euros et ce GIE se protège par un programme de réassurance privée, en faisant appel à un marché ouvert jusqu’à un certain seuil. Avec la garantie de l’État, la CCR a ainsi signé une convention avec le GAREAT afin de le garantir au-delà du seuil de capacité que lui fournit le marché privé.

M. le président François Brottes. Entre la guerre, l’attentat terroriste et l’accident nucléaire, quel événement vous paraît-il le plus probable ?

M. Maurice Corrihons. Nous raisonnons sur des événements extrêmes, qu’ils soient le fait de l’homme ou de la nature, dont la probabilité d’occurrence est extrêmement faible. Il est cependant difficile de dire lequel d’entre eux aurait la plus forte probabilité de se produire.

M. Denis Baupin, rapporteur. J’ai bien compris, monsieur Picard, qu’il vous était difficile de chiffrer le coût du risque nucléaire et d’en définir les mécanismes d’internalisation adéquats. Mais en tant que rapporteur de cette commission d’enquête, mon objectif consiste à comparer entre elles les différentes filières de production électrique en termes de risque d’accident afin de déterminer quelle subvention virtuelle l’État apporte à la filière nucléaire en instituant ce type d’assurance. Car si nombre de personnes ne sont guère rassurées par le nucléaire, c’est bien parce qu’il présente un risque. Or l’une des manières de calculer le risque à internaliser consiste à mesurer le coût auquel s’élèverait l’assurance s’il devait être assuré.

J’ai d’ailleurs trouvé votre propos tout à fait pertinent lorsque vous avez jugé illégitime que ce soit les générations futures qui assument les conséquences financières d’un accident nucléaire plutôt que ceux qui consomment aujourd’hui l’électricité produite par les centrales et les dirigeants politiques ayant décidé de recourir à cette technologie pour la fournir. Si j’entends bien les remarques formulées par le président de la commission en matière de provisionnement du risque et reconnais que la situation du nucléaire n’est pas comparable à celle des millions de véhicules automobiles aujourd’hui en circulation, il reste que l’on recense cinquante-huit réacteurs en France et plusieurs centaines au niveau mondial. Ne pourrait-on par conséquent instituer un système de mutualisation du risque entre ces réacteurs, même si tous, parmi eux, ne représentent pas le même risque ?

MM Trembley et Corrihons ont quant à eux évoqué les modifications apportées par le protocole de Bruxelles à la convention de Paris et notamment le fait que le plafond de responsabilité des exploitants ait été porté de 91,5 à 700 millions d’euros : bien que ce plafond demeure très en deçà du coût potentiel d’un accident nucléaire, quelles sont les conséquences d’une telle augmentation sur le système d’assurance ? M. Trembley a certes parlé à ce propos de « bouleversement », mais il est resté très évasif. Or on peut lire dans le document de référence d’EDF que « le groupe EDF ne peut garantir que dans les pays où il est exploitant nucléaire, les plafonds de responsabilité fixés par la loi ne seront pas augmentés ou supprimés. Ainsi les protocoles portant modification de la convention de Paris et de la convention de Bruxelles, actuellement en cours de ratification, prévoient un relèvement de ces plafonds. L’entrée en vigueur de ces protocoles modificatifs ou toute autre réforme visant à relever les plafonds de responsabilité des exploitants nucléaires pourrait avoir un impact significatif sur le coût de l’assurance que la société n’est pas aujourd’hui en mesure d’estimer. Et le groupe ne peut pas garantir que les assurances couvrant cette responsabilité seront toujours disponibles ou qu’il arrivera toujours à maintenir ces assurances. » De toute évidence, EDF prend ici les plus grandes précautions pour expliquer aux potentiels actionnaires les conséquences de ces modifications.

Autre question d’ordre technique : dans son rapport, la Cour des comptes estime que la construction de pools nationaux est anticoncurrentielle et manque de transparence. Qu’en pensez-vous ? En outre, si les exploitants ont obligation de se couvrir par garantie bancaire ou par assurance à concurrence des montants fixés dans les conventions internationales, il n’existe selon la Cour aucun moyen de vérifier que ces obligations sont remplies parce qu’il n’existe aucune liste des exploitants devant s’y conformer et que la garantie financière instituée doit être agréée par le ministère de l’économie – cette exigence n’étant pas respectée. Datant de 2012, ces remarques sont-elles toujours pertinentes ou bien l’exploitant nucléaire principal et les autres entreprises nucléaires se sont-ils assurés comme ils le doivent depuis lors ?

Quant aux mécanismes de réassurance, comment sont-ils censés fonctionner dans l’hypothèse défavorable d’un accident dépassant le plafond d’assurance, et dont l’IRSN a évalué le coût moyen entre 120 et 450 milliards d’euros – selon qu’il s’agit d’un accident grave ou d’un accident majeur ? L’IRSN a certes précisé qu’il s’agissait de coûts globaux qui n’étaient pas totalement indemnisables, mais leur partie indemnisable dépassera les 1,5 milliard d’euros.

Qu’adviendrait-il en cas d’accident dont les conséquences – telles que les nuages radioactifs – ne se limiteraient pas au territoire national ? Ma question vise notamment les centrales de Fessenheim et de Cattenom. Quelle indemnisation nos voisins pourraient-ils alors réclamer à l’État français ?

Enfin, le risque nucléaire étant exclu des contrats d’assurance couvrant les biens mobiliers et immobiliers des particuliers, si l’on doit demain évacuer une grande ville ou une ville moyenne devenue inhabitable du fait d’un nuage radioactif, comment ces particuliers pourront-ils se faire indemniser de la perte de biens acquis après avoir économisé toute leur vie ? Faudrait-il prévoir, dans le cadre de la loi sur la transition énergétique, des mécanismes d’indemnisation comparables à ceux qui ont été instaurés en cas de catastrophe naturelle ?

M. Gilles Trembley. Le relèvement légal du plafond d’assurance de 91,5 à 700 millions d’euros représente effectivement un saut très important pour les assureurs. Il nous faudra donc déterminer avec nos autorités de tutelle, le ministère des finances, comment parvenir à nous y conformer, les dispositions législatives et réglementaires actuelles ne nous le permettant pas, sauf à des conditions de prix exorbitantes.

Quant à l’augmentation de la durée de prescription pour les dommages corporels de 10 à 30 ans, elle posera des problèmes de provisionnement importants aux assureurs, que nous avons également signalés aux pouvoirs publics.

M. le rapporteur. Le protocole datant de 2004, n’a-t-on aucunement progressé en dix ans ?

M. Gilles Trembley. La volonté de ratifier le protocole de 2004 est relativement récente. Cela fait néanmoins un certain temps que nous avons signalé ce problème à l’État. Sans doute avons-nous mis du temps à réagir mais le sujet fait désormais débat …

S’agissant des pools, il n’est pas tout à fait exact d’affirmer qu’ils ont un caractère anticoncurrentiel : les exploitants nucléaires ont en effet institué deux mutuelles spécialisées dans le risque nucléaire, l’une pour les dommages matériels et l’autre pour la responsabilité civile. C’est ainsi que la police de responsabilité civile d’EDF ne relève pas d’Assuratome.

Quant à savoir si les polices d’assurance des exploitants nucléaires ont bien été agréées par les autorités de tutelle, la réponse est affirmative en ce qui concerne les exploitants assurés par Assuratome – EDF, le Commissariat de l’énergie atomique et Areva. Et il est évident que la nouvelle police de responsabilité civile d’exploitant nucléaire en cours d’élaboration chez Assuratome le sera également.

Si les particuliers ne disposent d’aucune couverture du risque nucléaire dans leur police d’assurance multirisques habitation, c’est parce que c’est la responsabilité civile de l’exploitant nucléaire qui couvre tous les dommages susceptibles d’affecter les biens et personnes en cas de sinistre nucléaire majeur.

M. le rapporteur. Mais que se passe-t-il une fois dépassé le plafond des 700 millions d’euros ?

M. Gilles Trembley. Au-delà, la couverture ne relève plus de la responsabilité des assureurs. Jusqu’à 91,5 millions d’euros aujourd’hui, et 700 millions demain, c’est la responsabilité civile de l’exploitant – qu’il s’agisse d’EDF, d’Areva ou du CEA – qui sera mise en jeu dans le cadre de son contrat d’assurance si jamais la population et les entreprises situées autour d’un site sont contaminées : l’ensemble des tiers lésés pourront réclamer des indemnités à l’exploitant dans le cadre de son contrat d’assurances.

M. le rapporteur. Si le plafond est nettement dépassé, qui sera indemnisé en premier ?

M. Gilles Trembley. Dans la tranche qui relève des assureurs, l’État français accorde une priorité à l’indemnisation des dommages corporels.

M. Maurice Corrihons. L’allongement de la durée de prescription de dix à trente ans signifie non pas que les victimes devront attendre plus longtemps pour être indemnisées, mais qu’elles disposeront d’un délai plus long pour se faire dédommager. Il s’agit donc pour elles d’une avancée.

M. le rapporteur. Concrètement, en cas d’accident, si l’on dépense les 700 millions d’euros prévus par les textes pour indemniser les dommages corporels et matériels des victimes identifiées, comment fera-t-on si l’on en identifie d’autres au bout de deux ans ? Cela est-il régulé par les textes ou bien le premier arrivé sera-t-il le premier servi ?

M. Gilles Trembley. Il m’est difficile de vous répondre en théorie tant chaque cas est particulier. Un groupe de travail piloté par la direction Énergie et climat et chargé de la question des sinistres de grande ampleur a prévu d’instaurer un dispositif permettant d’évaluer le plus rapidement possible le coût potentiel de l’indemnisation des dommages corporels par rapport à celui de l’indemnisation des dommages matériels, afin de pouvoir cantonner les sommes nécessaires au règlement de l’indemnisation des dommages corporels. Dans le cas de Fukushima, les dommages corporels sont restés limités …

M. le rapporteur. Pour l’instant ! Mais attendez une trentaine d’années !

M. Gilles Trembley. Il est effectivement très complexe de déterminer la part respective des dommages corporels et matériels, surtout que les assurances sont plafonnées. Mais si le cas devait se présenter, il serait traité de façon spécifique.

M. Maurice Corrihons. Il me semble que vous m’avez interrogé sur les transferts de risques entre les différents étages d’assurance …

M. le rapporteur. Ma question était de savoir comment financer les 450 milliards d’euros de dommages évalués par l’IRSN.

M. Maurice Corrihons. Je ne saurais vous répondre. Quant au niveau des transferts de risques, il sera déterminé par le marché et non par la CCR : les marchés privés de l’assurance, de la réassurance et de la rétrocession doivent déterminer les capacités qui peuvent être transférées sur les marchés financiers. Il revient ensuite aux pouvoirs publics d’évaluer les compléments à apporter, le cas échéant.

M. le président François Brottes. Monsieur le rapporteur, êtes-vous satisfaits de cette réponse extrêmement claire et limpide ? Le monde des assurances ne relève pas d’une science exacte …

M. le rapporteur. J’entends bien que vous n’ayez pas forcément la réponse. Reste que mon incompréhension est totale !

M. Pierre Picard. L’un des objectifs du rapporteur étant de comparer le coût du risque et, partant, l’efficacité relative des différentes filières énergétiques, il lui faut prendre en compte dans son calcul le coût de l’ensemble des externalités existantes, y compris celui des émissions de gaz à effet de serre. Quant à la méthode de calcul proprement dite, en cas de grande catastrophe, c’est à l’État qu’il revient, au-delà des limites de couverture assignées aux mécanismes d’assurance, d’opérer un arbitrage éthique et politique entre le coût qui sera financé ex post par l’emprunt, c’est-à-dire par les générations futures, et celui qu’il accepte de supporter. Un tel arbitrage tient au degré de probabilité que l’on assigne à la catastrophe et aux scénarios sur lesquels on s’appuie pour en évaluer les coûts, et comportera toujours un élément d’extrême arbitraire. Une fois cet arbitrage opéré, reste à définir des mécanismes de provisionnement de la partie du coût de la catastrophe à laquelle on souhaite se préparer : on peut ainsi demander à l’opérateur nucléaire d’accroître son capital et à un expert financier de calculer le coût de la rémunération des actionnaires sur toute la durée de vie de ce provisionnement, en fonction du coût du capital.

Quant à savoir s’il serait possible d’améliorer le fonctionnement et la portée des mécanismes d’assurance traditionnels, il existe deux manières d’étendre la taille du provisionnement. Puisque nous avons déjà évoqué le mécanisme de mutualisation entre les pools, sachez qu’aux États-Unis, la présence de plusieurs opérateurs nucléaires a permis l’instauration d’un mécanisme tout à fait spécifique, défini par le Price-Anderson Act, de responsabilité conjointe obligatoire entre tous les opérateurs en cas d’accident, si jamais la première tranche – celle de l’opérateur directement impliqué – est dépassée. Ce système permet ainsi aux Américains de disposer d’une capacité de plus de 10 milliards d’euros, soit une somme bien supérieure à celle que l’on pourrait mobiliser en France. Autre exemple : en Allemagne, les quatre opérateurs nucléaires ont depuis peu une responsabilité illimitée – évolution qui s’est accompagnée d’un accroissement des mécanismes d’assurance. Il existe par ailleurs d’autres mécanismes de transfert de risque : ainsi, depuis une vingtaine d’années, les assureurs concernés par les grands risques ont développé des innovations financières afin de pallier les insuffisances de capacité qui s’étaient fait jour sur les marchés de réassurance à la suite de grandes catastrophes naturelles : il existe notamment des obligations-catastrophes pour les ouragans, les tremblements de terre et les risques de mortalité liés à des épidémies. Il vaudrait donc la peine d’aller de l’avant en recourant à ce type d’innovations. Il serait certes complexe, mais pas impossible, d’élaborer des obligations nucléaires, sachant par exemple que les agences de notation spécialisées sont capables de calculer le prix de provisionnement d’un risque de grand tremblement de terre en Californie et de déterminer le pourcentage à additionner au taux de base de telle sorte que les investisseurs acceptent de financer pendant plusieurs années des obligations-catastrophes. Encore faut-il que les acteurs aient la volonté d’innover car les conventions internationales, en limitant la responsabilité de leurs clients, limitent de ce fait la tâche des assureurs et des réassureurs qui ne sont guère incités à améliorer leur capacité d’indemnisation ni à connaître le prix du risque d’assurance.

M. le président François Brottes. Pour poursuivre votre comparaison avec les États-Unis, en France, les opérateurs qui gèrent les réacteurs et les unités en démantèlement sont tous publics. L’État est donc impliqué dans tous les cas de figure, soit en tant qu’actionnaire principal, soit en tant que propriétaire, et sa responsabilité est plus largement engagée que sur les seuls sites dont il est propriétaire. Cela ne règle certes pas le problème des dommages que pourraient subir nos pays voisins, les pools internationaux pouvant ne pas suffire. Toujours est-il que l’on ne peut comparer différents pays qu’en tenant compte de chacune de leurs spécificités.

Quoi qu’il en soit, nous vous remercions pour tous ces éclaircissements.

L’audition s’achève à dix-huit heures trente.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire

Réunion du jeudi 10 avril 2014 à 17 heures

Présents. - M. Denis Baupin, M. François Brottes

Excusés. – Mme Sylvie Pichot, M. Franck Reynier, M. Stéphane Travert

NB : les document mis à la disposition de la commission sont accessibles en fin de la version pdf.