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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 30 octobre 2013

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Libération de quatre otages français

M. le président

2. Questions au Gouvernement

Fiscalité

M. Stéphane Demilly

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Conditions de travail chez Amazon

Mme Isabelle Attard

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Libération des otages français

Mme Nicole Ameline

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Solidarité avec Mme Christiane Taubira

M. Jean Glavany

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Archives de la présidence de la République

M. Olivier Marleix

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Libération des otages français

M. Serge Letchimy

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Taxation des entreprises du commerce et de l’artisanat

M. Damien Meslot

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Zone des cinquante pas géométriques en Martinique

M. Alfred Marie-Jeanne

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer

Difficultés économiques dans le Nord-Pas-de-Calais

M. Bernard Gérard

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Opération Hydre

M. Daniel Boisserie

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Contrat Ecomouv’

M. Joël Giraud

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Entreprise Forgital

M. Dino Cinieri

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Bilan des assises de l’entrepreneuriat

M. Olivier Dussopt

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique

Désindustrialisation de l’Alsace

M. Jean-Louis Christ

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Filière photovoltaïque

M. Serge Bardy

M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Christophe Sirugue

3. Projet de loi de finances pour 2014

Seconde partie (suite)

Défense

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Jean Launay, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Guy Teissier, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères

M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées

M. Alain Marty, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées

M. Serge Grouard, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées

M. Joaquim Pueyo, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées

M. Gwendal Rouillard, suppléant M. Gilbert Le Bris, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées

M. François André

M. Yves Fromion

M. Francis Hillmeyer

M. François de Rugy

M. Jacques Moignard

M. Jean-Jacques Candelier

M. Philippe Nauche

M. Jean-Yves Le Drian, ministre

M. Christophe Léonard

M. Jean-Yves Le Drian, ministre

M. Philippe Vitel

M. Jean-Yves Le Drian, ministre

M. Damien Meslot

M. Jean-Yves Le Drian, ministre

M. Charles de La Verpillière

M. Jean-Yves Le Drian, ministre

M. Yves Foulon

M. Jean-Yves Le Drian, ministre

M. Jacques Lamblin

M. Jean-Yves Le Drian, ministre

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Mission « Défense » (état B)

Amendements nos 138 et 137 , 157 rectifié , 116 , 154, 155, 156 , 113 , 153 , 112 , 158 , 132

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Libération de quatre otages français

M. le président. C’est avec un immense soulagement que nous avons appris hier la libération de quatre otages français détenus au Sahel par des groupes islamistes depuis plus de trois ans. (Applaudissements prolongés sur tous les bancs.) En votre nom à tous, j’associe l’Assemblée nationale à leur joie, à celle de leurs familles et de tous ceux qui les ont soutenus tout au long de cette épreuve.

En cet instant, la représentation nationale adresse ses pensées à nos compatriotes qui sont encore retenus en otage dans le monde et forme le vœu qu’ils soient libérés au plus vite. (Mêmes mouvements.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Fiscalité

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Stéphane Demilly. En premier lieu, je souhaite vous dire à tous que les députés UDI ont accueilli avec une immense joie la libération de nos quatre otages détenus détenus au Sahel. Nous tenons à féliciter le Gouvernement et tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à cette victoire de la liberté. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI, SRC, écologiste, GDR, RRDP et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Monsieur le Premier ministre, comme mes collègues, je fais régulièrement des permanences en circonscription, et les préoccupations évoquées sont à 90 %, vous le savez, celle du logement et de l’emploi. Mais depuis quelques semaines, un troisième sujet a fait son apparition : celui des impôts.

Je ne parle pas des patrons de clubs de foot venus se plaindre de la taxe à 75 %.

Je ne parle pas de la colère des classes moyennes.

Non, je vous parle de gens modestes, dont le revenu tourne autour du SMIC, et qui se découvrent imposables du jour au lendemain sans savoir comment faire face. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Je vais vous donner un exemple concret pour ne pas être taxé – si j’ose dire ! – de propos mensongers. Vendredi dernier, à Péronne, je reçois à ma permanence une dame veuve de soixante-quinze ans ; elle me donne copie de ses deux avis d’imposition 2012 et 2013 : en 2012, son revenu fiscal de référence était de 14 257 euros, elle ne payait pas d’impôt sur le revenu ni de redevance audiovisuelle ; en 2013, son revenu fiscal est de 14 554 euros, c’est-à-dire quasiment la même chose… Mais elle doit payer 244 euros d’impôt sur le revenu plus, de ce fait, 131 euros de redevance audiovisuelle, soit 375 euros d’impôts supplémentaires. Sans même compter les effets de l’inflation, son reste à vivre pour 2013 est donc inférieur à celui de 2012. Après la précarité énergétique, c’est donc la précarité fiscale qui touche les plus modestes des Français !

Monsieur le Premier ministre, sans polémique, je souhaite simplement, comme cette dame qui vous regarde, entendre et comprendre vos explications. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur Demilly, je vous remercie pour votre question précise et posée avec pondération. Elle appelle de ma part une réponse tout aussi précise.

Vous avez raison de rappeler qu’un certain nombre de Français sont entrés, au cours des dernières années, dans l’impôt sur le revenu alors qu’ils n’avaient pas vocation à y être soumis.

M. Christian Jacob. On vous parle de cette année !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ils y sont entrés pour essentiellement deux raisons : La première raison, c’est qu’en 2011 a été décidée la non-indexation du barème de l’impôt sur le revenu (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas le sujet ! Parlez-nous de 2013 !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …alors que, dans le même temps, était supprimée la demi-part des veuves. Ces deux éléments expliquent qu’un nombre important de Français qui ne payaient pas l’impôt sur le revenu en 2011 aient été amenés à le payer en 2012. Je veux vous donner des chiffres précis : en 2011, 2,6 millions de personnes entraient pour la première fois dans l’impôt sur le revenu, et, en 2012, elles étaient 2,9 millions. Cela montre bien l’effet de la non-indexation du barème et de la suppression de cette demi-part.

Nous avons décidé de corriger cette évolution en prenant un ensemble de mesures que je tiens à rappeler. Tout d’abord, en 2013, nous avons mis en place une décote qui avait pour vocation de corriger les effets de la non-indexation. Et puis nous avons décidé, dans le budget pour 2014, de prendre une seule mesure de portée générale concernant l’impôt sur le revenu : la réindexation du barème, que nous avons complétée par une nouvelle décote et par une augmentation du plafond du revenu fiscal de référence.

Quelles sont les conséquences de ces mesures ? Un, des Français entrés dans l’impôt sur le revenu en sortiront ; deux, des Français qui n’avaient pas vocation à y entrer n’y seront pas soumis ; trois, un certain nombre de personnes âgées qui étaient devenus redevables de la taxe d’habitation, la CSG ou la redevance audiovisuelle n’auront plus à les payer. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Conditions de travail chez Amazon

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour le groupe écologiste.

Mme Isabelle Attard. Monsieur le président, nous saluons cette bonne nouvelle concernant les otages français libérés et nos pensées vont vers les sept qui sont encore détenus ainsi qu’à leurs familles.

Chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre du travail.

Je profite de cette question pour proposer à mes collègues députés un changement des règles de notre assemblée. Nous posons nos questions aux ministres en deux minutes. Nos performances ne s’améliorent jamais. Nous semblons incapables d’augmenter notre productivité. Je vous propose qu’à compter de novembre, chaque député dispose d’une seule minute puis, en décembre, de trente secondes. Nous serons ainsi efficaces et productifs. (Murmures sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Cela vous paraît aberrant, injuste ? Tant mieux, car aujourd’hui la Une du Monde diplomatique est consacrée à Amazon, une entreprise à la politique managériale très rigide.

La direction d’Amazon choisit un lieu déclassé, avec un fort taux de chômage et obtient ainsi des aides financières, et une image de bienfaiteur.

Un député du groupe UDI. C’est Montebourg !

Mme Isabelle Attard. Elle recrute un grand nombre d’intérimaires, en promettant un CDI aux meilleurs et organise ses entrepôts de manière stakhanoviste : le salarié ne dispose d’aucune autonomie ; une machine lui dit où aller, quoi faire, chaque déplacement est mesuré, chaque ralentissement provoque un rappel à l’ordre des contremaîtres.

La direction d’Amazon ne demande pas une production fixe à chaque employé mais simplement faire mieux que la veille. C’est donc une course perpétuelle qui ne mène qu’à l’épuisement, et à l’abandon.

Ces conditions de travail que nous refuserions en tant que parlementaire, comment seraient-elles acceptables pour d’autres ?

Cette entreprise prétend créer des emplois alors qu’elle en détruit bien plus dans les chaînes de distribution et surtout chez les libraires indépendants. Ces destructions d’emplois sont pourtant subventionnées par les collectivités locales, alors qu’Amazon pratique abondamment l’évasion et l’optimisation fiscale : le manque à gagner fiscal se chiffre en centaines de millions d’euros.

L’inspection du travail intervient régulièrement dans cette entreprise mais la loi du silence, imposée aux salariés par le règlement intérieur, complique la tâche de ceux qui enquêtent. J’ai aussi été avertie que l’intégralité des données personnelles des salariés serait transmises au siège de Seattle.

Monsieur le ministre, nous vous demandons de lancer une enquête globale sur les pratiques d’Amazon envers ses salariés, en y associant la CNIL, au vu de l’automatisation poussée de l’organisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la députée, chacun connaît bien cette entreprise Amazon qui a installé quatre grandes bases logistiques couvrant une grande partie de notre pays…

M. Marc Le Fur. En Saône-et-Loire !

M. Michel Sapin, ministre. …dans le Loiret, en Saône-et-Loire, dans la Drôme et tout récemment dans le Nord, avec la création de 2 500 emplois de plus d’ici 2015.

Cette entreprise est bien connue de mes services en raison d’une organisation du travail interne qui mérite effectivement d’être suivie très attentivement. Mes services et ceux de l’inspection du travail – qui agissent de manière indépendante – sont intervenus plusieurs fois dans différents établissements du groupe.

D’abord il s’agissait de vérifier les conditions de recours au travail temporaire, un type de contrat très utilisé par l’entreprise dont l’activité fortement saisonnière augmente notamment au moment des fêtes. Mes services ont été très attentifs au respect de la loi en la matière.

Ensuite, il s’agissait de veiller aux conditions de sécurité liées à l’utilisation de certains équipements.

Enfin, les conditions de travail que vous avez décrites nécessitent une surveillance médicale des salariés, tout particulièrement de ceux qui travaillent de nuit, compte tenu de l’organisation du travail. J’ai demandé à mes services, dans le cadre de leur mission, d’être particulièrement attentifs sur l’ensemble du territoire au respect de la loi.

Je leur ai aussi demandé – et cela me semble particulièrement important – d’être les artisans d’un dialogue social au sein de l’entreprise. Sans dialogue social, sans capacité d’expression reconnue aux uns et aux autres – à la direction mais aussi aux salariés – aucune amélioration du climat social n’est possible.

Le respect de la loi d’un côté, c’est la mission de l’inspection du travail ; le dialogue social de l’autre, c’est le travail de mes services. Ainsi, cette entreprise pourra effectivement créer des emplois sans pour autant porter atteinte aux conditions de travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Libération des otages français

M. le président. La parole est à Mme Nicole Ameline, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Nicole Ameline. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Depuis quelques heures, Thierry Dol, Marc Féret, Daniel Larribe et Pierre Legrand ont recouvré la liberté.

C’est un grand soulagement pour la France et c’est une joie immense que nous éprouvons sur tous les bancs de cet hémicycle. Les députés du groupe UMP s’associent pleinement à ce moment d’unité nationale derrière nos compatriotes qui ont souffert de trois ans de privation de liberté dans des conditions très difficiles. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Au moment où la souffrance est grande dans le pays, cette bonne nouvelle doit être saluée comme il se doit. C’est pourquoi nous félicitons toutes celles et tous ceux qui ont œuvré pour obtenir cet heureux dénouement, qu’il s’agisse du président du Niger, du Gouvernement français et bien sûr de nos services qui n’ont cessé depuis le 16 septembre 2010 d’agir sur le terrain.

Mais nous n’oublions pas que sept de nos compatriotes restent otages de leurs ravisseurs au Sahel, au Nigeria et en Syrie : Serge Lazarevic, Gilberto Rodriguez Léal, Francis Collomp, Didier François, Edouard Elias, Nicolas Hénin et Pierre Torres. Nous pensons à eux et nous sommes aux côtés de leurs familles.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous revenir sur les conditions précises de cette libération ? Que répondez-vous au sujet des contreparties évoquées ce soir par le journal Le Monde ? Quels enseignements tirez-vous de cette libération dans le contexte actuel de la nouvelle offensive militaire que nous menons au nord du Mali et à quelques semaines de la conférence sur la paix et la sécurité en Afrique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président de l’Assemblée nationale, vous avez, dès le début de cette séance, trouvé les mots pour saluer cette très heureuse nouvelle.

Madame Ameline, vous avez cité Thierry Dol, Marc Féret, Daniel Larribe et Pierre Legrand que le Président de la République a accueillis dès leur arrivée aujourd’hui sur le territoire national. C’est effectivement une grande joie d’abord pour eux qui ont vécu cette terrible épreuve d’enfermement pendant trois ans et qui ont tenu.

Ils ont su tenir parce qu’ils savaient la solidarité de leurs familles, celle des Français, celle de nombreux citoyens et d’associations qui, dans leurs quartiers, dans leurs villages, dans toute la France, ont manifesté en permanence leur soutien. Leur libération est donc un immense soulagement pour la communauté nationale.

En ce moment, je voudrais avoir une pensée avec vous pour le père de Philippe Verdon, exécuté par le groupe terroriste qui le détenait et dont le corps a été retrouvé en plein désert. Lui, il ne revient pas. La solidarité nationale doit aussi s’exprimer à l’égard de cette famille dans la douleur. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Madame la députée, vous avez salué le travail de tous. Vous avez eu raison et je vous en remercie. Chaque jour, le Président de la République – et je peux en témoigner ici – s’est préoccupé du sort de nos compatriotes détenus en otages. Les membres du Gouvernement, le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian et l’ensemble de nos services dont ceux de Matignon bien sûr, tous étaient mobilisés en permanence, poursuivant le même objectif : la liberté des otages.

Je salue le travail discret, courageux, dangereux de tous ceux qui ont été au contact et ont essayé de tout faire pour la liberté de nos compatriotes détenus en otage. Je les remercie au nom de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR, RRDP et UDI et sur de nombreux bancs du groupe UMP.

Certains craignaient, non sans quelques raisons, que l’intervention française au Mali – qui s’inscrivait dans une volonté de redonner sa souveraineté pleine et entière à ce pays, dans un processus démocratique largement en cours et réussi – ne mette en péril la vie des otages. Aujourd’hui, nous pouvons dire que cette opération a déstabilisé ceux qui pensaient pouvoir tout se permettre.

Cette fermeté et cet engagement ont permis au président du Niger de jouer pleinement son rôle. C’est un ami et un allié sincère et fiable de la France. Les autorités du Niger ont joué un rôle remarquable dans la libération de nos compatriotes détenus en otages. Aujourd’hui, devant la représentation nationale, je voudrais exprimer la reconnaissance de la France au président Issoufou. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Mais, vous l’avez dit, notre tâche ne s’arrête pas là. Après la libération de Daniel Larribe, Marc Féret, Thierry Dol et Pierre Legrand – et vous pouvez imaginez le bonheur de leurs familles qui n’ont jamais renoncé ni désespéré –, mes pensées vont aussi à Serge Lazarevic et Gilberto Rodriguez Léal, tous les deux enlevés au Mali, à Francis Collomp, enlevé au Nigeria, à Didier François, Edouard Elias, Nicolas Hénin et Pierre Torres, enlevés alors qu’ils faisaient leur métier de journaliste en Syrie.

Pour eux aussi, notre engagement – celui du Président de la République, de tout le Gouvernement, de toutes les autorités françaises et, je le sais, de toute la représentation nationale – reste total. Cette détermination à obtenir leur liberté est totale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP et sur de nombreux bancs des groupes UMP et UDI.)

Solidarité avec Mme Christiane Taubira

M. le président. La parole est à M. Jean Glavany, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean Glavany. Comme nous venons de vivre un moment de concorde républicaine, je vous en propose un autre. Nous sommes, dans cet hémicycle, 577 députés qui représentent le peuple français dans sa diversité, avec toutes nos différences – qui s’expriment souvent bruyamment – et même si nous avons beaucoup de progrès à faire, en matière d’âge, de sexe, de couleur de peau et d’origine sociale, pour représenter vraiment la diversité française. Mais la République nous a appris à vivre avec ces différences, à les respecter, elle nous a appris à vivre ensemble. La République, c’est aussi le dépassement de ces différences, parce que, la République, c’est ce qui nous réunit, ce qui nous rassemble : des valeurs – la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité ; notre histoire, aussi, que certains veulent oublier ;

Mme Claude Greff. Bon, ça va !

M. Jean Glavany. et ces combats que nous avons menés tous ensemble, contre toutes les oppressions, toutes les discriminations, contre le racisme et l’antisémitisme. Ces combats sont d’actualité.

Il y a quelques jours, une ministre de la République, garde des sceaux, était en voyage, à Angers, et une manifestation – on a le droit de manifester – se tenait, qui prétendait défendre la famille. On a vu des enfants, des enfants de la République, des gamins, brandir des bananes, et dire : « C’est pour la guenon ! » Eh bien, mes chers collègues, quand des parents amènent leurs enfants à commettre de tels actes, c’est la République qu’on assassine. (Mmes et MM. les députés des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

Quand nous, élus de la République, nous entendons cela, nous ne pouvons pas nous taire. Nous devons crier notre honte et notre révolte. C’est pourquoi je veux dire à Christiane Taubira à la fois notre solidarité affectueuse et notre admiration pour son courage, et, surtout – au nom de tous, j’espère –, notre détermination à ne pas laisser faire ces ignominies. (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le député Jean Glavany, le combat pour nos valeurs, celles qui rassemblent les Français, celles qui font notre force et notre honneur, ce combat ne sera jamais terminé, car trop de nos concitoyens – même si c’est une petite minorité – sont aujourd’hui, chaque jour, victimes de racisme, d’antisémitisme, ou de condamnation, simplement, de leur religion, quelle qu’elle soit, ou en raison de leur couleur de peau ou de leur quartier d’origine. C’est une minorité, mais c’est trop, trop de victimes qui ne supportent plus cela, et elles ont raison. Dans la France telle qu’elle est et telle que nous l’aimons, ces attitudes, ces actes sont inacceptables, et, nous le savons, malheureusement, dans l’histoire, ils ont pu conduire aux pires délits et aux pires crimes.

Alors il faut se ressaisir, et ne jamais céder, à aucun moment. Je sais, profondément, je suis profondément convaincu que l’immense majorité de notre peuple est attachée à ces valeurs et ne se reconnaît pas dans le racisme dont sont victimes certains de nos concitoyens. Et vous avez eu raison, monsieur le député, de rappeler la force de la République, des valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité. Et c’est à nous qu’il appartient de les faire vivre. Et les propos qui ont été prononcés, effectivement, il y a quelques jours,…

Mme Claude Greff. Oh, c’est bon, ça va !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …par une personne qui se prétend candidate à un mandat électoral, contre la garde des sceaux, ministre de la justice, Christiane Taubira, sont malheureusement une illustration encore plus violente de ce que connaissent beaucoup de nos concitoyens, des propos racistes que j’ai immédiatement condamnés, et toute l’Assemblée nationale devrait se lever pour dire non au racisme quand il atteint l’une ou l’un d’entre nous (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), qu’il soit simple citoyen ou ministre de la République. C’est ça, la dignité de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Alors, si la République est capable de dire non, quelles que soient nos sensibilités politiques, que nous soyons de la droite, du centre ou de la gauche, alors la République sera forte et la France sera forte. J’attends de toute la représentation nationale ce message, parce que c’est à la fois un message de solidarité à l’égard d’une femme d’État et un message de solidarité avec les valeurs de la France. (Mêmes mouvements.)

M. Philippe Meunier. Ça suffit ! Ça suffit, l’instrumentalisation !

Archives de la présidence de la République

M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Olivier Marleix. Monsieur le Premier ministre, l’hebdomadaire Valeurs actuelles révèle que le commandant militaire de l’Elysée, le colonel Bio-Farina, aurait demandé au chef des services informatiques d’effectuer des recherches dans les archives de la présidence de Nicolas Sarkozy, en ciblant Nicolas Sarkozy lui-même,…

M. Claude Goasguen. Lamentable !

M. Olivier Marleix. …Claude Guéant, Christine Lagarde, François Pérol et plusieurs avocats. Les plus proches collaborateurs du chef de l’État et, de façon plus étrange, le coordonnateur national du renseignement, auraient suivi personnellement ces investigations. Une telle intervention des collaborateurs de l’actuel Président serait parfaitement contraire à notre droit qui protège les archives d’un Président de la République pendant vingt-cinq voire cinquante ans, sauf autorisation expresse de ce dernier. Or, en l’espèce, aucune autorisation n’a été demandée.

M. Michel Lefait. Et les fadettes ?

M. Olivier Marleix. Pour sa défense, l’entourage de M. Hollande fait valoir qu’il aurait agi dans le cadre de réquisitions judiciaires. Mais, si un juge d’instruction souhaitait obtenir de tels documents, il aurait fallu qu’il s’adresse d’abord à l’ancien chef de l’État. À défaut d’accord, il serait intervenu lui-même et en mandatant la police judiciaire.

Comment imaginer que ce soient les proches collaborateurs de François Hollande qui aillent eux-mêmes plonger leurs mains dans les cartons d’archives de M. Guéant et non pas des magistrats ou des fonctionnaires de police ? Personne ne veut croire, monsieur le Premier ministre, qu’il existe dans notre pays, au plus haut sommet de l’État, quelque cabinet noir alimentant ou manipulant la justice pour régler des comptes politiques. Il s’agit aussi des valeurs de la (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UM

Alors, monsieur le Premier ministre, puisque la Cinquième République veut que ce soit vous qui répondiez à la place du chef de l’État, je vous demande de répondre devant la représentation nationale à deux questions. Oui ou non, des collaborateurs du Président de la République François Hollande ont-ils récupéré ou tenté de récupérer, en infraction avec la loi, des données couvertes soit par la protection des archives, soit par la loi informatique et libertés ? Si oui, quel était le fondement légal de ces investigations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. (Mmes et MM. les députés des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP se lèvent et applaudissent longuement.)

Mme Claude Greff. Quel cinéma !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Merci, monsieur le Président. Merci, monsieur le Premier ministre, pour vos paroles de soutien, qui n’ont jamais manqué, dès la première minute, dès les premières agressions que j’ai subies. Merci, monsieur le député Glavany, et merci à tous, pour cette solidarité, que vous m’avez déjà manifestée, d’ailleurs, par des messages.

Ensuite, avec cette question, quelle dégringolade ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pardon, monsieur le député Marleix, mais votre question est délibérément tournée avec malveillance. (Mêmes mouvements.) L’adage populaire dit que l’on juge les autres selon soi. Vous semblez nostalgique, effectivement, de cette période de chasse aux sorcières, de pantouflages multiples, de sondages suspects et autres histoires sulfureuses. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Claude Greff. Vous nous enfumez du matin au soir !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais ces temps sont révolus !

L’Élysée a été saisi de trois réquisitions judiciaires, auxquelles il a répondu dans le plus strict respect du droit. Elles lui ont été adressées sur le fondement de l’article 99-3 du code de procédure pénale. Étant donné que ces réquisitions comportaient des demandes d’information énoncées précisément, les éléments que vous évoquez n’étaient pas couverts par le protocole de versement des archives de l’ancien Président. L’Élysée a donc respecté la demande des magistrats instructeurs, a transmis les éléments demandés et, en ce qui concerne les éléments qui n’étaient pas disponibles à l’Élysée et qui avaient déjà été versés, parce que nous sommes dans un État de droit, aux Archives nationales, l’Élysée a prié les magistrats instructeurs de s’adresser à celles-ci.

Les éléments qui ont été communiqués l’ont donc été dans le strict respect du droit. L’Élysée est allé plus loin, en prenant l’initiative de désigner un correspondant informatique et libertés qui veille au respect des droits et libertés, ce qui change considérablement par rapport aux pratiques antérieures. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce gouvernement est respectueux de l’autorité judiciaire, il respecte les magistrats, il fait droit à ce que lui impose le respect de la loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Libération des otages français

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Serge Letchimy. Merci, monsieur Glavany, pour les mots que vous avez prononcés. Le droit à la différence est fondamental pour la construction de l’universel. La solidarité que vous affichez vis-à-vis de Mme Taubira est une solidarité vis-à-vis du peuple noir, des peuples différents. Je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères. Après trois années de captivité au Niger, nos quatre compatriotes : Thierry Dol, Marc Féret, Daniel Larribe et Pierre Legrand, ont été libérés. Toute la communauté nationale accueille avec joie cette nouvelle. Je salue le combat mené, pendant ces trois années, par les familles des otages, par leurs proches, et par tous ceux qui ont nourri, depuis les Antilles jusqu’à l’Hexagone, une détermination sans faille et un élan de solidarité qui ont su vaincre l’oubli.

Je rends hommage aux gouvernements successifs de la France qui ont œuvré pour que ce drame trouve une issue favorable.

Mme Laure de La Raudière. Bravo !

M. Serge Letchimy. Je salue enfin le courage de Thierry, de Pierre, de Marc et de Daniel qui ont su résister à des conditions de détention extrêmes. Cet immense soulagement ne doit pas nous faire oublier les sept otages encore séquestrés.

Face à de tels drames, nous devons avant tout faire preuve d’unité, de lucidité et d’une parfaite humilité, en dehors de toute polémique. Car, en de telles circonstances, les seules victoires qui vaillent sont celles de la vie contre la mort, de la paix contre la guerre, du dialogue entre les peuples, et de la fraternité contre toutes les formes de ruptures extrémistes.

Monsieur le ministre, je sais votre engagement et celui du Président de la République. Dans la fermeté, vous avez su réaffirmer ce principe essentiel de la solidarité nationale : la France n’abandonne pas ses ressortissants !

Néanmoins, de nombreuses interrogations se posent – c’est légitime. Pouvez-vous informer la représentation nationale sur les conditions de libération des otages ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Laure de La Raudière. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Mesdames et messieurs les députés, monsieur Letchimy, le Premier ministre a déjà répondu à une question similaire. Je ne reviendrai pas sur ce qu’il a dit. Je ferai simplement état de ce que nous avons vécu depuis hier, Jean-Yves Le Drian et moi. Comme vous le savez, nous avons accueilli nos compatriotes libérés à Niamey.

Je voudrais essayer de répondre à une question : comment peut-on résister à plus de trois ans de captivité ? Comment résister à une captivité d’autant plus éprouvante pour certains otages qu’ils n’avaient aucune nouvelle de l’extérieur ? Il y avait en effet deux groupes, et celui de Daniel Larribe et de Thierry Dol n’avait absolument aucune information sur ce qui se passait en France. Comment peut-on résister à cela ?

D’après ce que nous ont dit les ex-otages, il y a des habitudes à prendre. Il faut, tous les jours, faire un certain nombre d’exercices, de démarches, s’astreindre à une certaine discipline. Il y a aussi l’espoir, et le fait de savoir – sans en avoir de témoignage – qu’en France, chez nous, l’État et les citoyens sont à vos côtés. Je pense que c’est cela qui les a fait tenir.

Je rends à nouveau hommage au président nigérien. Dans le même temps, je veux vous dire que la France a été fidèle à son message : la France, mesdames et messieurs les députés, ne paye pas de rançon. C’est clair et net ! Le président Issoufou, grâce à ses contacts, a permis cette libération. Le fait que nous ayons mené des opérations militaires au Mali l’a facilitée. Dans ces conditions, tout le monde peut se réjouir – comme vous l’avez fait – de cette issue positive, tout en pensant aux otages qui restent détenus. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Taxation des entreprises du commerce et de l’artisanat

M. le président. La parole est à M. Damien Meslot, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Damien Meslot. Je commencerai par répondre à Mme Taubira. Madame la garde des sceaux, vous voulez être le chantre de la République. Mais, madame, quand on veut être le chantre de la République, il ne faut pas laisser la justice être instrumentalisée par certains ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il vaut mieux, plutôt que de fouiller les poubelles de la République, répondre aux problèmes des Français ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Zéro !

M. le président. On se calme, mes chers collègues !

M. Damien Meslot. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, comme tous les Français, vous n’êtes pas sans savoir que les commerçants et les artisans ont créé plus de 100 000 entreprises nouvelles et 650 000 emplois nouveaux en dix ans. Or votre politique fiscale les asphyxie jour après jour.

M. Thomas Thévenoud. Respire !

M. Damien Meslot. La colère de ces entrepreneurs sacrifiés par votre gouvernement monte. Pourquoi votre gouvernement s’acharne-t-il à ce point sur ces hommes et ces femmes courageux qui travaillent dur et prennent des risques chaque jour pour faire vivre leur entreprise ?

Votre politique fiscale inflige 1,1 milliard d’euros de taxes supplémentaires aux entreprises de l’artisanat. C’est un véritable coup de massue, qui s’ajoute au coût du travail excessif, à la hausse de la TVA au 1erjanvier 2014 et à la difficulté de former des apprentis, sans oublier votre pseudo-réforme des retraites qui va se traduire par une nouvelle hausse des cotisations vieillesses. C’est insupportable !

Les artisans et les commerçants ne peuvent plus accepter que vous les pénalisiez aussi injustement. Monsieur le Premier ministre, vous avez fait un geste en suspendant l’écotaxe. Entendez aujourd’hui la colère des commerçants et des artisans ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Thomas Thévenoud et M. Luc Belot. Ce n’est pas une question !

M. Damien Meslot. Supprimez la hausse de la TVA, entendez le ras-le-bol fiscal de la France qui travaille, stoppez l’avalanche de taxes et réalisez enfin les économies que la France attend ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP. – Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Chers collègues, essayez de retrouver votre calme !

La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, vous avez évoqué, en interpellant Mme la garde des Sceaux, une prétendue instrumentalisation de la justice.

Je vous rappelle simplement qu’il fut un temps où je me battais dans cet hémicycle, avec M. le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, pour connaître la vérité sur un certain nombre de sujets. Je pense notamment à l’attentat de Karachi. (Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP. – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

À cette époque-là il n’était pas possible d’obtenir la constitution d’une commission d’enquête parlementaire, contrairement à aujourd’hui. Nous avons, nous, accepté des commissions d’enquête sur d’autres sujets.

M. Christian Jacob. Vous n’êtes pas bien placés pour nous donner des leçons !

M. Bernard Accoyer. Vous revenez toujours aux mêmes polémiques !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Lorsque les juges d’instructions se proposaient d’enquêter sur cette affaire, ils avaient systématiquement droit à une ordonnance du procureur de la République les empêchant de le faire. Effectivement, monsieur Meslot, nous avons changé d’époque, je vous le confirme ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Thomas Thévenoud. Un à zéro !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous avez évoqué, monsieur Meslot, les commerçants et les artisans. Je tiens à vous indiquer très précisément ce que contient le projet de loi de finances pour 2014 concernant les commerçants et les artisans.

M. Étienne Blanc. Des impôts !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce secteur rencontre effectivement des difficultés. C’est parce que nous en avons conscience que nous avons pris, en loi de finances, un certain nombre de dispositions que je rappellerai rapidement.

D’abord, nous avons décidé d’appliquer le taux réduit de TVA à la construction de logements sociaux, aux petites réparations et à la rénovation thermique. Cela représente un effort de près d’un milliard d’euros, pour le secteur de l’artisanat. À l’heure actuelle, ce secteur souffre ; grâce à ces mesures, il bénéficiera de cet effort.

M. Bernard Accoyer. Et le RSI ? Et la TVA ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous savons que, dans le contexte actuel, le secteur du bâtiment contribue incontestablement au retour de la croissance et de l’emploi.

Ensuite, nous avons mis en place une prime de 1 350 euros pour les ménages qui réalisent des travaux de rénovation thermique. Cette prime constitue aussi un soutien à l’artisanat.

M. Bernard Accoyer. Parlez-nous du RSI !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Par ailleurs, nous avons, au moyen de la réforme des plus-values immobilières, mis en place un dispositif qui corrige les erreurs du passé et qui est de nature à relancer une grande partie de l’activité dans ce secteur. J’ai reçu ce matin le président de l’UPA : je lui ai dit que nous compléterons ces mesures par des mesures de simplification qui aideront le secteur du commerce et de l’artisanat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Zone des cinquante pas géométriques en Martinique

M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Alfred Marie-Jeanne. Au nom de la Martinique tout entière, je souhaite exprimer la joie immense avec laquelle nous avons appris la libération de nos compatriotes Thierry Dol et ses trois compagnons d’infortune, otages au Niger pendant 1 139 jours de calvaire. Mési pou tout moun ki goumen ba yo Merci pour tous ceux qui se sont battus pour eux.

Ma question s’adresse à monsieur Victorin Lurel, ministre des outre-mer.

La zone littorale de Martinique est gérée en partie par la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement et en partie par l’Office national des forêts.

Cette dualité génère deux situations différentes : d’un côté, celle des occupants des cinquante pas géométriques qui péniblement progresse avec l’extension de la durée de vie des agences et l’instauration d’un mécanisme de « titrement ». De l’autre, celle des occupants historiques du domaine privé forestier de l’État qui reste inchangée, car ces terrains demeurent inaliénables et incessibles.

Ces derniers, mécontents des conditions de régularisation préconisées par l’ONF, se sont regroupés au sein d’associations du littoral, en mettant l’accent sur le risque d’expulsion in fine, la convention étant réputée non renouvelable. Les 800 familles concernées, dont des marins-pêcheurs, trouvent exorbitants les tarifs proposés.

En effet, la location à l’hectare peut atteindre 25 000 euros par an, soit plus de 2 000 euros par mois, auxquels s’ajoute le paiement de la taxe foncière et d’autres taxes locatives.

Ce cumul de facteurs est même susceptible de générer des expulsions avant terme en cas de non-respect de la convention. La cessibilité souhaitée, moins onéreuse sur une longue période, implique l’élaboration d’une loi de régularisation.

Ce serait aussi l’occasion de régler les cas hybrides concernant des personnes résidant sur un terrain géré concomitamment par les deux organismes précités.

Monsieur le ministre, il est temps de trouver une solution pérenne à ces réalités complexes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des outre-mer.

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Monsieur le député Alfred Marie-Jeanne, la question de l’occupation et de la protection de la zone dite des cinquante pas géométriques – soit 81,20 mètres – est une question qui fait corps avec l’histoire de nos départements de Guadeloupe et de Martinique, et dont la gestion relève de deux statuts différents.

Vous évoquez la zone des cinquante pas, la zone urbaine et d’urbanisation future gérée par une Agence des cinquante pas géométriques.

J’ai défendu ici même, à l’occasion d’une proposition de loi déposée par le sénateur Larcher, la prorogation pour deux ans supplémentaires de l’existence des agences.

L’opération de régularisation se poursuivra donc dans les conditions que vous savez, et même avec l’aide d’une subvention octroyée par mon ministère.

La deuxième zone comprend les zones naturelles : les forêts domaniales du littoral, représentant 1 636 hectares, 240 kilomètres de côtes, et 90 % du littoral martiniquais. Nous n’ignorons pas la situation de ces 800 familles : des régularisations sont engagées depuis très longtemps par des conventions d’occupations temporaires, qui peuvent aller jusqu’à trente ans.

La situation que vous évoquez, monsieur le député, est exceptionnelle : elle concerne une personne de situation fort enviable occupant une très grande surface. Cela ne représente en rien la situation générale des 800 familles occupant historiquement et de bonne foi ce littoral.

Je rends hommage au travail fait par l’ONF qui, avant la fin de l’année, procédera aux régularisations. (Applaudissements sur certains bancs du groupe SRC.)

Difficultés économiques dans le Nord-Pas-de-Calais

M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Gérard. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. À l’image de l’ensemble du territoire, la situation des entreprises dans le Nord-Pas-de-Calais est préoccupante. Les dirigeants, autant que les salariés, oscillent entre la révolte et la désespérance.

Je pense aux 127 salariés licenciés chez VG GOOSENS, dans ma commune. Les contribuables, particuliers ou chefs d’entreprise, commerçants, artisans, professions libérales, vous disent : « stop aux impôts et aux taxes ».

700 licenciements sont annoncés à La Redoute, monsieur le Premier ministre. Les Trois Suisses ont été vendus à leur concurrent, le groupe allemand Otto.

À la Cristallerie d’Arques, l’inquiétude monte. Des filières industrielles entières, notamment dans les textiles techniques, sont menacées.

Les chiffres sont là : en septembre 2013, 140 procédures de redressement judiciaire ont été décidées au tribunal de commerce de Lille métropole, contre 50 en 2012, et 300 mises en liquidation judiciaire contre 100 en 2012. Cela représente 3 500 suppressions d’emplois. 12 000 emplois sont aujourd’hui menacés dans des entreprises qui ne peuvent plus payer leurs charges.

M. Christian Jacob. Cela ne ressemble pas au baratin de M. Cazeneuve !

M. Bernard Gérard. C’est votre politique qui est en cause, et rien d’autre : ni le passé, ni les autres. Vos réponses, ici trop souvent bravaches, sont reçues dans nos circonscriptions comme des provocations.

L’heure est au réalisme. Il n’est que temps : les entreprises ont besoin de faire du chiffre d’affaires pour embaucher et de trésorerie pour investir. Pour cela, il faut être compétitif, c’est-à-dire baisser les charges et les impôts. C’est l’unique question ; le reste n’a pas de sens.

Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous prendre des décisions qui vont dans le sens de l’entreprise, c’est-à-dire de l’emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Vous nous interrogez sur un certain nombre d’entreprises qui ont des difficultés. C’est le cas depuis longtemps.

Mme Bérengère Poletti. Cela s’accélère depuis 2012 !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Depuis que nous sommes arrivés aux responsabilités, nous avons décidé de nous organiser sur les territoires de façon méthodique.

M. Christian Jacob. Cela ne se voit pas !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Avec les commissaires au redressement productif, et y compris avec les élus que vous êtes, nous recherchons à chaque fois des solutions. Lorsqu’il y a pénurie de ressources, nous organisons les abandons de créance par les créanciers – les banquiers et les actionnaires. Les dirigeants sont parfois remerciés. Malheureusement, un certain nombre de salariés sont aussi amenés à faire des efforts.

Notre stratégie est de conserver nos outils industriels, nos savoir-faire technologiques, nos compétences, et de ne pas laisser partir nos entreprises. C’est très difficile.

Dans le Nord-Pas-de-Calais et dans d’autres régions de France, nous faisons ce travail difficile, courageux et nécessaire. Cette restructuration méthodique aboutit parfois à de bons résultats. Nous connaissons parfois des échecs.

Dans le dossier de La Redoute – auquel j’ai été sensibilisé par Mme Martine Aubry –, nous souhaitons obtenir des précisions de la part de l’actionnaire sur son projet industriel visant à la cession de La Redoute à des fonds d’investissement ou à des industriels supposés.

Mme Laure de La Raudière. Baissez les impôts des entreprises !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Nous souhaitons obtenir une évolution des décisions sur les destructions de postes et des précisions de la part de l’actionnaire, monsieur Pinault, sur les compensations qu’il est prêt à donner au territoire et aux personnes qui sont concernées.

Pour l’instant, nous ne les avons pas. Nous souhaitons donc, avec les élus locaux, les parlementaires de la région de Tourcoing et de Roubaix, les inviter à donner les précisions qui manquent. Je reviendrai vers vous, car nous faisons ce travail tous ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Opération Hydre

M. le président. La parole est à M. Daniel Boisserie, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Daniel Boisserie. Monsieur le ministre de la défense, depuis le début de l’année, la France mène, avec ses alliés, une opération militaire pour secourir le peuple malien, menacé par les djihadistes. L’opération Serval a été un succès militaire, mais surtout une victoire humaine pour les Maliennes et les Maliens. Le formidable élan populaire qui a accompagné l’élection présidentielle des 28 juillet et 11 août illustre parfaitement le retour de l’espoir que doivent désormais concrétiser le président malien et ses équipes.

Les élections législatives du 24 novembre constituent bien évidemment la prochaine étape du changement. La nébuleuse djihadiste autour d’AQMI cherche à perturber le retour de la paix et du développement. Plusieurs attaques ont ainsi été conduites à Tombouctou, à Gao et à Tessalit. Dans cette dernière ville, deux soldats tchadiens et un enfant malien ont récemment été tués, plusieurs autres personnes ont été blessées. Depuis le nord du Mali, les mouvements djihadistes cherchent à se réorganiser.

C’est pour endiguer cette velléité que la France, ses alliés africains, l’armée malienne et la MINUSMA ont lancé, dimanche 20 octobre, une nouvelle initiative militaire. Ainsi, 1 500 hommes sont mobilisés pour l’opération Hydre, la plus importante depuis la fin des combats au mois de mars. Elle permettra de lutter contre les terroristes qui se terrent dans le nord du pays.

La représentation nationale salue, une nouvelle fois, la qualité de l’engagement de nos soldats, lesquels mènent une mission difficile et cruciale pour la stabilité internationale. Monsieur le ministre, pouvez-vous dresser un premier bilan de l’opération Hydre et nous donner des éléments concernant la suite des opérations pour la France et ses partenaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Olivier Falorni et M. Paul Molac. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Je vous remercie, monsieur le député Boisserie, de l’hommage que vous venez de rendre à nos soldats encore présents au Mali. Ils sont aujourd’hui environ 3 000 et seront progressivement 2 000 d’ici à la fin de l’année pour n’être plus qu’un millier pour une durée plus longue et sans que ne soit, pour l’instant, fixée une échéance. Vous avez fait référence à l’opération Hydre. Je profite de votre question pour préciser à la représentation nationale que nous avons qualitativement changé notre action au Mali.

Ce que l’on a appelé la guerre du Mali est derrière nous. Nous sommes maintenant devant des opérations de contre-terrorisme qui nécessitent une grande vigilance pour éviter la renaissance de groupes ou de foyers qui pourraient essayer de perturber l’ordre démocratique qui est en train de renaître. Il s’agit aussi d’une phase de transition permettant d’assimiler à la fois les forces des Nations unies dans le cadre de la MINUSMA et la renaissance de l’armée malienne qui a engagé dans cette opération dite « Hydre » le premier bataillon « Hélou » formé par l’Union européenne à Koulikoro.

Cette opération de grande ampleur a été déjà décidée depuis un certain temps au nord de la boucle du Niger. Elle vise à la vigilance, à la prévention et à la dissuasion. Elle est indépendante des opérations que vous venez d’évoquer et des actes terroristes qui ont ponctué ces jours derniers. Elle se doit poursuivre pendant quelques jours encore. Elle a également pour objectif de sécuriser les élections législatives qui se dérouleront d’ici peu afin que le Mali puisse ainsi retrouver la démocratie, la paix et le développement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Contrat Ecomouv’

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Joël Giraud. Monsieur le président, permettez-moi, à mon tour, d’exprimer, au nom du groupe RRDP, notre solidarité avec les familles d’otages, surtout avec celles qui demeurent dans la peine. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et concerne l’écotaxe poids lourds. Le scandale, ce n’est pas l’écotaxe, mais Ecomouv’. L’écotaxe est une bonne mesure qui permet d’appliquer le principe du pollueur-payeur à des myriades de camions qui dégradent les routes et polluent l’air.

En revanche, le choix très politique arrêté par l’ancien gouvernement de confier le déploiement et la gestion du système à une entreprise privée dans le cadre des partenariats publics privés très décriés par la Cour des comptes interpelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.) L’État a retenu Ecomouv’, une filiale à 70 % de la société d’autoroutes italiennes Autostrade spécialement créée pour ce projet dont on ne connaît pas officiellement le montant de la rémunération.

J’ignore ce qu’il est advenu de l’enquête préliminaire ouverte pour présomption de corruption passive lors du choix du titulaire du contrat. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.) Mais le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé le marché pour atteinte à la transparence avant que le Conseil d’État ne juge en opportunité et valide le choix. Le doute subsiste toutefois, et ce d’autant que la société choisie pour conseiller le ministère travaillait aussi pour le prestataire.

Ma seconde interrogation porte sur les choix d’itinéraires. Alors qu’en Allemagne, en Autriche, la Lkw-Maut a été soigneusement étudiée pour taxer en priorité le transit international des poids lourds en relevant les seuils en matière de tonnage pour protéger les PME-PMI et en installant les portiques aux frontières, il suffit de regarder la frontière franco-italienne pour s’apercevoir que tous les itinéraires alternatifs aux tunnels alpins et aux autoroutes du littoral ont été soigneusement exonérés d’écotaxe, comme si l’on organisait le report du trafic au profit de centaines d’entreprises, majoritairement italiennes, il faut le dire,…

M. Thierry Braillard. Très bien !

M. Joël Giraud. …sur des liaisons gratuites posant des problèmes de sécurité pour les populations.

Ma question est double. Êtes-vous favorable à la création d’une commission d’enquête parlementaire sur les conditions relatives à l’attribution du marché Ecomouv’ ? (« Oui ! » et applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.) Êtes-vous prêt à revoir rapidement le système pour taxer plus durement le transit international de poids lourds que les PME-PMI françaises ? (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député Joël Giraud, votre question me permet de répondre à un certain nombre d’imprécisions concernant la mise en place de l’écotaxe poids lourds, imprécisions que vous avez soulignées. Après la création de l’écotaxe poids lourds dans la loi de finances votée en décembre 2008, le précédent gouvernement a décidé de confier la mise en place du dispositif, à savoir l’installation, l’entretien des portiques, le système informatique et les équipements de contrôle, à une société privée, ce qui est assez inédit,…

M. Claude Goasguen. Et le partenariat public-privé ?

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. …et qui a été elle-même créée de toutes pièces pour cette fonction. Après une procédure lancée par M. Borloo en mai 2009, le contrat de partenariat de la société Ecomouv’ a été signé par Nathalie Kosciusko-Morizet, François Baroin et Valérie Pécresse. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Ils sont où ?

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Cet accord mentionne la durée du contrat – treize ans –, le loyer de 250 millions par an versé à la société Ecomouv’ (« Hou ! » sur les bancs du groupe SRC) et le versement par l’État d’une indemnité de 800 millions en cas de rupture du contrat signé par nos prédécesseurs. (Mêmes mouvements.)

M. le président. On écoute la réponse !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Un décret a d’ailleurs été signé deux jours avant le second tour de l’élection présidentielle faisant porter la responsabilité de l’application de l’écotaxe poids lourds sur ce gouvernement. Nous étions liés, ligotés par le contrat signé par nos prédécesseurs, ce qui m’a amené à souligner en commission à la représentation parlementaire que, si nous avions pu, nous aurions procédé autrement. Je précise par ailleurs, puisque cela n’a pas été mentionné, qu’il ne s’agit pas d’un impôt supplémentaire, mais bien de la volonté de faire payer par les utilisateurs et non plus par les contribuables la modernisation des infrastructures ! C’est pourquoi nous allons relever ce défi de l’écotaxe. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Entreprise Forgital

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dino Cinieri. Monsieur le Premier ministre, la situation de la vallée de l’Ondaine dans le département de la Loire est dramatique. Les plans de restructuration succèdent aux plans de sauvegarde de l’emploi dans cette vallée fortement touchée par la crise économique, où plus de 50 % de la population habite dans un logement social et où le revenu moyen par habitant est de 800 euros par mois selon l’INSEE.

Des fleurons de notre industrie souffrent et s’apprêtent à licencier des centaines de salariés. Après Aperam à Unieux, où soixante-quinze salariés sont menacés, Aubert et Duval à Firminy, où soixante-quatorze suppressions de postes sont annoncées, c’est aujourd’hui au tour d’Altia, au Chambon-Feugerolles, où vingt-six licenciements sont en cours, et, surtout, de Forgital, toujours au Chambon-Feugerolles, où je me suis rendu lundi dernier pour soutenir les salariés en grève illimitée après l’annonce de quatre-vingt-dix licenciements, soit la moitié des effectifs. Lors de cette visite, j’ai ressenti la colère légitime de ces salariés, mais j’ai surtout perçu leur désespoir. J’ai lu de la détresse dans les yeux de ces ouvriers, une détresse que nous ne pouvons ignorer et face à laquelle nous avons le devoir d’agir, sans polémique politicienne et dans le seul intérêt général.

Il est urgent que le Gouvernement prenne la mesure des difficultés et intervienne sur ce territoire, en soutenant l’innovation, qui est notre unique chance face à la concurrence mondiale, en aidant les industriels locaux à se diversifier, en travaillant à la recherche de repreneurs pour les sites en difficulté, en accompagnant les salariés dans les négociations avec les dirigeants établis hors de France, notamment dans le cas de Forgital, dont les actionnaires italiens refusent le dialogue.

Monsieur le Premier ministre, j’ai appris ce matin dans la presse locale que vous vous rendiez dans la Loire, et, plus précisément, à Saint-Etienne, lundi prochain. Vous engagez-vous à venir avec M. Montebourg rencontrer les dirigeants et salariés des entreprises que je viens de citer, et, en particulier, ceux de Forgital ?

M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Nous suivons de très près, monsieur le député, le dossier de l’entreprise Forgital. Il s’agit d’une entreprise de fonderie, qui a perdu des marchés et du chiffre d’affaires. L’actionnaire italien a décidé de s’adapter pour éviter que l’entreprise dans son ensemble ne disparaisse et, sur le terrain, le dialogue a été interrompu. Des difficultés sont apparues et, malheureusement, les tensions sont extrêmement fortes.

D’abord, même lorsqu’il y a des difficultés très graves à affronter, ce qui est le cas dans votre région, ce qui est le cas dans cette entreprise, il faut toujours maintenir le dialogue entre les salariés et les dirigeants des entreprises, même si c’est difficile, et le dialogue doit être sincère et de bonne foi. Les élus, comme vous, comme M. Juanico et un certain nombre de députés de votre beau département, y veillent, quelle que soit leur sensibilité politique.

L’actionnaire a annoncé qu’il était prêt à faire évoluer sa position sur le périmètre et l’ampleur du plan social qu’il a décidé. Il a demandé en contrepartie le déblocage de l’occupation. Sur le terrain, le préfet, le commissaire au redressement productif veillent à trouver des solutions et, notamment, à aider sur le plan économique et industriel l’entreprise à obtenir des marchés qui lui font défaut. C’est à l’ensemble des partenaires de trouver des solutions. Je vous remercie d’y participer.

Puisque nous allons en effet dans la Loire lundi, j’irai rencontrer l’ensemble des partenaires de ce cas très difficile, pour lequel nous souhaitons une solution positive. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je vous remercie, monsieur le ministre.

Joyeux anniversaire ! (Sourires et applaudissements sur divers bancs.)

Bilan des assises de l’entrepreneuriat

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Olivier Dussopt. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée aux petites et moyennes entreprises.

Les premiers signes d’une reprise économique sont toujours encourageants mais ils ne doivent évidemment pas remettre en cause l’ambition, l’énergie et les moyens que le Gouvernement consacre aux petites et moyennes entreprises.

Les élus de territoires industriels, comme le nord de l’Ardèche, que j’ai l’honneur de représenter ici, savent tout particulièrement combien ce soutien aux PME est important. La réindustrialisation de nos territoires, leur capacité à créer des emplois passent par ces hommes et ces femmes qui consacrent toute leur énergie à créer ou à reprendre des entreprises, souvent petites ou moyennes mais bien ancrées dans nos régions.

Au-delà des efforts de tout le Gouvernement, qu’a rappelés Arnaud Montebourg, pour faire face aux plans sociaux et aux plans de sauvegarde qui sont parfois annoncés, les petites et moyennes entreprises ont besoin de confiance, de soutien et de simplification. La simplification, c’est, par exemple, le projet de loi simplifiant les relations entre les entreprises et l’administration que nous allons adopter. Le soutien, ce sont les mesures du pacte de compétitivité pour les aider à faire face à la concurrence internationale et accompagner les innovations, source de croissance. C’est aussi la mise en place de nouveaux outils de financement des PME. La confiance, enfin, c’est, par exemple, la réforme de la taxation des plus-values ou encore la suppression de l’indicateur 040 de la Banque de France, qui pouvait stigmatiser celles et ceux qui, en dépit de leurs efforts, avaient connu des difficultés ou un échec. Et je pourrais citer d’autres mesures mises en œuvre à la suite des assises de l’entrepreneuriat que vous avez animées.

Madame la ministre déléguée, vous connaissez ces chefs d’entreprise qui osent, investissent, et, parfois, redonnent un avenir à des secteurs traditionnels. Vous avez reçu certains d’entre eux lundi dernier avec le Premier ministre pour faire un bilan des assises de l’entrepreneuriat. Pouvez-vous nous donner les premiers éléments de ce bilan mais, surtout, nous dire où en est la mise en œuvre des mesures de soutien aux petites et moyennes entreprises et quelles sont vos priorités pour les prochaines assises de l’entrepreneuriat ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique. Vous avez raison, monsieur le député, nos entreprises sont la clé du redressement économique de notre pays. Depuis dix-huit mois, nous tenons un discours clair vis-à-vis des PME, et ce gouvernement est entièrement mobilisé pour les accompagner les soutenir, les aider.

Vous voyez tous les jours dans vos circonscriptions, et j’en vois aussi avec Arnaud Montebourg, des hommes et des femmes mobilisés, qui accordent parfois beaucoup plus d’importance à leurs salariés qu’à leurs profits, qui souhaitent faire avancer notre pays et qui ne veulent pas faire de l’humain une variable d’ajustement. Cette France entrepreneuriale, nous lui tendons la main.

Les assises de l’entrepreneuriat que j’ai animées en début d’année ont réuni plus de 300 acteurs. Dix-huit parlementaires ont d’ailleurs été associés très étroitement à ce travail. Vous avez cité des mesures issues des assises, comme la suppression de l’article 040, qui stigmatisait inutilement l’échec, ou des dispositions qui sont discutées actuellement, la création du PEA-PME, la réforme de la taxation des plus-values mobilières ou celle du statut de jeune entreprise innovante, que la droite avait fortement raboté, dispositions qui seront adoptées si le Parlement en décide ainsi. Je pense aussi à une mesure importante qui est l’assouplissement du cadre réglementaire de la finance participative. Je procède actuellement à des consultations et elle entrera en vigueur à partir du printemps prochain. Il y a également un objectif emblématique, poursuivi par Vincent Peillon : rapprocher l’école de l’entreprise et sensibiliser les jeunes, de la sixième à la terminale, à l’esprit d’entreprise et au goût du risque.

Fort de ce bilan, le Premier ministre a effectivement lancé l’idée d’une nouvelle rencontre de l’entrepreneuriat au printemps prochain, dont les priorités seront cette fois les PME et les jeunes. Nous voulons en effet que les PME créent davantage d’emplois et que les jeunes servent aussi les PME pour transformer l’économie de notre pays et favoriser la croissance. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Désindustrialisation de l’Alsace

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Christ, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Louis Christ. Monsieur le ministre du redressement productif, la direction du groupe Sony Alsace vient d’annoncer le lancement d’un plan de sauvegarde pour l’emploi qui devrait se traduire par 154 suppressions de postes sur le site de Ribeauvillé.

Ce plan fait suite à une série d’autres plans de restructuration dans de grandes sociétés du Centre-Alsace, principalement dans la filière métallurgique. Parmi ces sociétés, nous trouvons Mahle Pistons, Wrigley, Timken, Behr France, Ricoh, toutes entreprises à capitaux étrangers qui sont parmi les premiers employeurs de France.

Dans le seul secteur industriel de la métallurgie, pas moins de 1 140 emplois ont été détruits ces derniers mois dans ce bassin de vie. Sur un an, l’évolution du chômage dans les territoires concernés est éloquente : plus 11,2 % sur le bassin de Colmar, plus 12,8 % sur le bassin de Sélestat, selon les données statistiques de la direction départementale du travail du mois d’août. Je n’invente pas les chiffres.

L’Alsace devient ainsi la victime d’une véritable hémorragie d’emplois, liée à un processus de désindustrialisation largement enclenché. Les industriels expliquent devoir recourir à ces restructurations, voire délocalisations, en raison d’un coût du travail excessif qui ne leur permet plus de rester compétitifs, y compris face à leurs concurrents européens.

Le constat est amer. Votre politique de prélèvements sociaux détourne les investisseurs étrangers de la France et réduit l’attractivité économique de notre pays. Aujourd’hui, c’est un drame social sans précédent qui frappe l’Alsace, laquelle avait jusque-là la réputation d’être une région industrieuse et prospère.

Monsieur le ministre, quelles actions énergiques le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour recréer de la croissance et renverser de manière significative la courbe du chômage sur ce territoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le député, dans la région Alsace comme dans d’autres, tous les territoires font face à des difficultés. J’ai expliqué tout à l’heure comment, au sujet de deux autres régions, nous nous y prenions pour organiser le maintien des outils industriels, même à taille plus réduite, de manière que, lorsque la croissance sera au rendez-vous, ces entreprises puissent à nouveau se déployer et embaucher.

Vous posez la question de la compétitivité, qui n’est pas un sujet que le Gouvernement ignore. Il y a eu le rapport Gallois, à la suite duquel des décisions ont été prises. Nous avons fait le choix de travailler sur les trois coûts de production : coût du travail, coût du capital, coût de l’énergie.

S’agissant du coût du travail, le crédit d’impôt compétitivité emploi arrive dans son uniformité et son universalité au 1er janvier 2014 pour toutes les entreprises. Je peux vous dire que les 20 000 entreprises qui, les premières, l’ont demandé, avec le soutien de la Banque publique d’investissement, ne sont pas fâchées de l’avoir obtenu, car il permet de rétablir des marges, d’investir, parfois d’embaucher, parfois de convertir des CDD en CDI.

En ce qui concerne le coût du capital, nous avons créé la Banque publique d’investissement pour réduire les coûts d’accès au capital pour l’ensemble des PME qui n’accèdent plus au système bancaire, lequel ne veut plus prêter ou, lorsqu’il prête, le fait à un coût trop élevé.

M. Jean Launay. C’est vrai !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Enfin, la question du coût de l’énergie est traitée dans le cadre des arbitrages dans le débat sur la transition énergétique. Nous souhaitons que l’industrie bénéficie d’une énergie moins chère.

M. Jacques Myard. Nucléaire !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Cela nous permettra de défendre notre compétitivité.

Voilà les mesures que nous prenons. C’est un travail de longue haleine, difficile, mais nous pouvons réussir ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Filière photovoltaïque

M. le président. La parole est à M. Serge Bardy, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Serge Bardy. Monsieur le ministre de l’écologie, l’énergie, nous le savons bien, est l’un des grands enjeux du vingt et unième siècle. Elle est au cœur de la transition écologique que nous portons. Nos sociétés sont engagées dans un double défi : elles doivent, d’une part, réduire leur consommation d’énergie tout en préservant les modes de vie et, d’autre part, trouver de nouvelles sources d’énergie plus propres et plus durables.

Dès le mois de mai 2012, nous nous sommes attelés à la tâche. De nombreux efforts ont ainsi été fournis pour développer les énergies alternatives : plan éolien off-shore et éolien en outre-mer, lancement de la méthanisation en lien avec le monde agricole, doublement de la production photovoltaïque dès cette année.

Chacun l’a compris, le défi vert dépasse la seule dimension de la préservation de la planète, il est aussi un enjeu économique considérable. Notre majorité redonne du pouvoir aux producteurs, à ceux qui innovent et qui créent ; c’est la raison pour laquelle elle est en pointe pour développer l’économie verte.

Nous vous savons très sensible à la défense des intérêts de l’industrie photovoltaïque française et européenne, soumise à la concurrence déloyale des émergents et à un problème de structuration lié à un manque de visibilité, notamment dans le domaine réglementaire.

L’économie verte est l’un des grands gisements d’emploi qui offrira des postes à tout niveau de qualification et sur tout le territoire. Les besoins sont colossaux et la France doit tout faire pour être au rendez-vous et muscler son offre. L’économie verte est indispensable pour déployer la stratégie économique environnementale et sociale de la France. Monsieur le ministre, quelles annonces pouvez-vous nous présenter aujourd’hui pour renforcer la filière photovoltaïque dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le député, la transition énergétique commande de développer les énergies renouvelables et vous avez bien raison de le dire. Dans ce contexte, le secteur du photovoltaïque souffre, c’est vrai. Des entreprises sont menacées. Je pense au cas de l’usine Bosch de Vénissieux, dont la situation résulte d’abord du choix du groupe allemand de sortir de l’activité du solaire.

Vous l’avez rappelé, le Gouvernement a pris des mesures d’urgence, dont les effets commencent à se faire sentir puisque, au troisième trimestre 2013, 200 mégawatts ont été installés, soit autant que l’ensemble des deux premiers trimestres.

D’ailleurs, si certaines entreprises souffrent, d’autres se portent bien, comme NEOEN, Fonroche en Aquitaine, Voltec en Alsace, ou encore ACO-Énergie. Pour conforter cet élan, le Gouvernement lancera début 2014 un appel d’offres pour les installations photovoltaïques. Tous dispositifs de soutien confondus, au moins 800 mégawatts seront garantis jusqu’en 2017.

Oui, le secteur souffre, monsieur le député, et le Gouvernement prendra ses responsabilités pour positionner la filière vers plus de valeur ajoutée sur le territoire national et vers des productions à haut rendement. Mais si le secteur photovoltaïque souffre énormément, c’est aussi parce qu’il paie cher la politique du gouvernement précédent, mélange d’erreurs réglementaires, de signaux contradictoires, de bulle financière (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Bernard Accoyer. Ça suffit !

M. Philippe Martin, ministre. …avec pour résultat 10 000 emplois détruits en 2010 et 2011. Vous pouvez être amnésiques, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, mais, nous, nous ne sommes pas oublieux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Christophe Sirugue.)

Présidence de M. Christophe Sirugue

vice-président



M. le président. La séance est reprise.

3

Projet de loi de finances pour 2014

Seconde partie (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2014 (no1395 et 1428).

Défense

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la défense (n1428, annexes 10 et 11 ; n1431, tome IV ; n1433, tomes II à VII).

La conférence des présidents a décidé que l’examen en séance des missions de la seconde partie de la loi de finances se déroulera désormais en cinq phases : intervention du Gouvernement pour une durée de cinq minutes ; intervention des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis pour cinq minutes chacun et, le cas échéant, des présidents de commission pour cinq minutes également ; intervention des porte-parole des groupes pour cinq minutes chacun ; séquence de questions-réponses d’une durée de deux minutes par question et par réponse ; mise aux voix des crédits des missions et des éventuels articles rattachés.

La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, après la commission élargie qui nous a permis d’aller, je l’espère, au fond des choses, je veux rappeler que le projet de loi de finances pour 2014 a une importance toute particulière pour la mission « Défense ». Il correspond en effet à la première annuité du projet de loi de programmation militaire, examiné en ce moment même par le Parlement. Ce budget est en tout point conforme aux engagements du Président de la République. Il consacre un effort de défense important, maintenu à 1,5 % du produit intérieur brut ; en parallèle, il fait de la sincérité budgétaire un objectif de très court terme, pour bâtir une programmation solide.

Le montant des ressources pour 2014 est préservé au niveau de la loi de finances initiale de 2013. Au total, le budget de la mission « Défense » s’élève donc à 31,4 milliards d’euros. Pour rendre compatible ce maintien de notre effort de défense avec l’impératif du redressement des comptes publics, l’allocation de ressources exceptionnelles à hauteur d’1,8 milliard d’euros, assortie de plusieurs garanties, et la mise en œuvre d’économies interviennent dès l’année prochaine. Concernant les ressources exceptionnelles, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire en commission, ce 1,8 milliard d’euros est composé des crédits du nouveau programme d’investissements d’avenir, du produit de cessions d’emprises immobilières et d’autres ressources exceptionnelles pour 70 millions d’euros, dont des redevances versées au titre des cessions de fréquences hertziennes, déjà réalisées lors de la précédente loi de programmation.

Les économies, quant à elles, porteront d’une part sur le fonctionnement, d’autre part sur la masse salariale. Le ministère prévoit une baisse nette de ses dépenses de fonctionnement de l’ordre de 100 millions d’euros. Cette contribution représente environ 11 % des 900 millions d’euros d’économies sur le fonctionnement consenties par l’État – proportion qui correspond à la part du budget de la défense dans le budget de l’État, hors dette et pensions. Les baisses d’effectifs prévues, avec 7 881 emplois supprimés en 2014, contribuent à l’effort gouvernemental de stabilisation des effectifs. Issues de la précédente programmation, elles sont conformes à la trajectoire de la nouvelle loi de programmation militaire et font l’objet d’un dispositif d’accompagnement social rénové. Dans un ministère qui a déjà connu plusieurs vagues de déflations, cette contribution en effectifs au rétablissement des comptes publics a un prix singulier. J’en prends toute la mesure et je continuerai d’appliquer ma méthode fondée sur l’écoute, la concertation et l’analyse fonctionnelle.

M. Bernard Deflesselles. Explosif !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je privilégierai toujours les forces opérationnelles. Par ailleurs, je rappelle que le ministère de la défense reste l’un des principaux recruteurs de l’État, avec 17 000 recrutements militaires et civils en 2014.

M. Bernard Deflesselles. L’un des principaux débaucheurs également !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Ces économies nous permettent de mettre en œuvre, dès 2014, les choix volontaristes du projet de loi de programmation militaire en faveur de l’équipement des forces, de l’activité opérationnelle, du renseignement ou encore de la cyberdéfense. Aussi la dépense en faveur de l’équipement augmente-t-elle pour atteindre 16,4 milliards d’euros, afin d’assurer la modernisation des armées et le renouvellement de nos matériels. L’effort en faveur de la recherche et de la technologie est maintenu, ce qui est vital à la fois pour nos armées et pour l’économie de notre pays. Initiée en 2013, la remontée des crédits en faveur de la préparation et de l’activité opérationnelles – éléments-clés de la crédibilité du nouveau modèle d’armées – se poursuit en 2014.

In fine, le budget 2014 traduit des choix qui peuvent être difficiles, mais que le Gouvernement assume, parce qu’ils sont indispensables pour concilier autonomie stratégique et souveraineté budgétaire. Aujourd’hui, je forme donc le vœu que l’Assemblée nationale valide cette première étape du chemin difficile mais ambitieux que nous avons tracé pour faire réussir notre défense dans le cadre du projet de loi de programmation militaire. Je vous remercie pour votre attention et vous prie de m’excuser, car je vais devoir bientôt m’absenter quelques instants pour des raisons protocolaires : Bernard Cazeneuve me remplacera au banc du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. François Cornut-Gentille rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour la préparation de l’avenir.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le ministre, madame la présidente, mes chers collègues, nous n’éviterons pas dans l’hémicycle la répétition du débat un peu vif que nous avons eu en commission élargie. Ce débat opposait d’une part le Gouvernement et sa majorité, qui considèrent que nous pouvons maintenir notre excellence militaire à condition que la trajectoire de la LPM soit strictement exécutée, d’autre part l’opposition, pour qui il existe un risque – quand ce n’est pas une certitude – de déclassement. Au-delà de cette opposition attendue dans un débat démocratique, je voudrais souligner deux points d’accord d’où pourraient découler deux propositions sur lesquelles j’aimerais entendre votre avis, monsieur le ministre.

Premier point d’accord : pour nous tous, la défense est un domaine où l’excellence de la France n’est pas discutée. Cette réalité qui nous rassemble doit impliquer, dans notre manière d’aborder le sujet, une certaine exigence de qualité et d’écoute, indispensable au cours de cette discussion comme de celle à venir sur la loi de programmation militaire. Second point d’accord : nous avons bien vu, au cours de la commission élargie, l’enjeu très important que représente le bouclage de la fin d’année 2013. Nous sommes tous conscients du fait que ce bouclage conditionne l’entrée dans la LPM et, partant, la crédibilité de sa trajectoire.

M. Philippe Vitel. Absolument !

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial. La réponse sera connue dans quelque temps. Il ne faut pas être dans les impressions ou dans les procès d’intention de part et d’autre. Puisque ce débat doit être relativement bref, prenons le temps en juin, en loi de règlement, d’examiner dans quelles conditions s’est bouclé le budget 2013 et quels y sont les points particulièrement sensibles. Pourrions-nous faire de la loi de règlement, monsieur le ministre, un moment important de discussion du budget de la défense ? Nos débats y gagneraient et nous pourrions étayer d’autant mieux notre échange s’agissant de la menace ou de l’absence de menace pesant sur le budget de la défense.

M. Bernard Deflesselles. Tout à fait ! Ce serait très utile.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial. Enfin, à l’occasion de ce budget puis de la loi de programmation militaire, nous discuterons des milliards d’euros qui pour certains suffisent ou de ceux que l’on aurait pu espérer en plus ; mais si la question budgétaire est très importante, le montant de la dépense n’est pas en soi un indicateur de son efficacité et notre débat ne doit pas se résumer à celui-ci. Rappelons-nous en effet les années 1930 : les forces politiques françaises ont fini par consentir un effort supplémentaire pour la défense, mais la doctrine était mauvaise. Il ne suffit donc pas de discuter du volume d’argent – suffisant ou excessif selon les parties – mais de son utilisation.

Permettez-moi une nouvelle suggestion : je ne remets pas en cause l’exercice institutionnel, absolument nécessaire, du Livre blanc, mais ce cadrage est par nature contraint. Il conviendrait de doser entre les institutions et de veiller, en parallèle de cette démarche institutionnelle, à ne pas scléroser le débat sur la défense. C’est là notre rôle de parlementaires. Nous devrions donc envisager la création, au sein de l’institution militaire comme de notre assemblée, de cellules de réflexion pour interroger de l’extérieur ce Livre blanc. Il s’agirait d’une réflexion assez libre, qui permettrait, en posant un certain nombre de questions, de valider ou d’interroger les options du Livre blanc, qui doit être un cadre et non une bible définitive.(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour le budget opérationnel de la défense.

M. Jean Launay, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget 2014 de la mission « Défense » consacre le maintien d’un effort financier important de la nation, avec la reconduction de 31,4 milliards d’euros de crédits de paiement, hors pensions – soit le même niveau qu’en 2012 et 2013 – dont 1,76 milliard d’euros de ressources exceptionnelles.

Ce haut niveau de ressources représente 1,5 % du produit intérieur brut, ce qui permet de concilier souveraineté budgétaire et souveraineté stratégique.

Ce budget s’inscrit donc pleinement dans le cadre des nouvelles orientations stratégiques issues du Livre blanc et de la loi de programmation militaire, dont l’Assemblée vient d’être saisie à la suite du Sénat. Il est essentiel de souligner l’unité de pensée qui relie ces trois documents : le Livre blanc a servi de référence à la rédaction de la loi de programmation militaire, tandis que le budget 2014 recouvre de fait la première annuité de la période couverte par la loi de programmation. Je me réjouis donc que cet examen débute prochainement dans notre assemblée. Il est en effet impératif que les armées puissent disposer d’un cadre de référence clair et réaliste pour les années à venir, alors que de nombreuses décisions doivent être anticipées un ou deux ans à l’avance, notamment en matière d’acquisition et de maintien en condition opérationnelle des équipements.

Si le budget de la mission « Défense » pour 2014 est sanctuarisé…

M. Bernard Deflesselles. Non, il ne l’est pas !

M. Jean Launay, rapporteur spécial. …il n’en définit pas moins de nouvelles priorités. Les crédits d’équipement passent ainsi de 16 à 16,5 milliards d’euros, puis atteindront 17,2 milliards d’euros, en moyenne, sur la période couverte par la loi de programmation militaire, entre 2014 et 2019. Les programmes à effet majeur représenteront 5,7 milliards d’euros dès 2014.

Ce haut niveau d’équipement, qui permet de ne renoncer à aucun programme majeur, s’accompagne d’une hausse de 5 % des crédits consacrés à l’entretien programmé du matériel. Il faut ajouter à cela l’ouverture de 1,5 milliard d’euros au titre du programme « Excellence des industries technologiques de défense », dont la majeure partie profitera au Centre de l’énergie atomique, ce qui aura un impact direct sur le maintien du volet « dissuasion » de notre outil de défense. Ces efforts d’équipement visent à accroître la disponibilité technique des matériels, mais surtout à privilégier l’activité opérationnelle des forces. Contrairement à ce que l’on a pu entendre, notamment en commission, l’entraînement des forces restera à un haut niveau…

M. Guy Teissier, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Non, il descendra à un niveau minimal !

M. Jean Launay, rapporteur spécial. …mais la méthode de calcul change : désormais, les OPEX ne seront plus comptabilisées au titre des journées d’activité et d’entraînement.

Ce budget permet également de renforcer les services de renseignement et les effectifs des forces spéciales – qui bénéficieront de 1 000 personnels supplémentaires – ainsi que les études amont. Pour mettre en œuvre ces priorités, il faudra poursuivre les efforts de rationalisation des effectifs et de réduction des dépenses de fonctionnement. Concernant la masse salariale, nous devrions assister à une décrue en valeur, et non plus seulement en volume, à l’horizon 2015. Les réductions d’effectifs atteindront ainsi 7 881 équivalents temps plein en 2014 et concerneront davantage les fonctions de soutien et d’encadrement que les unités opérationnelles. Une attention accrue sera également portée au taux d’encadrement, qui ne devra pas dépasser 16 % à l’horizon 2019.

Ces restructurations feront l’objet d’un suivi étroit des personnels et des territoires. En 2014, 195,2 millions d’euros seront ainsi consacrés aux mesures d’accompagnement et, sur l’ensemble de la période 2014-2019, des outils financiers, d’un montant de 933 millions d’euros, seront mobilisés en faveur de l’incitation au départ et de la mobilité.

Les territoires touchés par des fermetures de régiments seront également accompagnés grâce à une enveloppe spécifique de 150 millions d’euros, qui servira notamment à financer des actions de revitalisation conjointes avec la Banque publique d’investissement.

Le budget du ministère de la défense pour 2014 s’inscrit donc pleinement dans le cadre des objectifs fixés par le Livre blanc et la loi de programmation militaire. Nous devrons être vigilants, année après année, quant à son exécution correcte.

Avec un budget maintenu à son niveau actuel jusqu’en 2016, puis en croissance entre 2017 et 2019, il est clair que le déclassement stratégique de notre pays, n’en déplaise aux déclinistes de tous horizons, n’est ni une réalité, ni même une éventualité.

La représentation nationale a toujours manifesté un attachement particulier à notre outil de défense. Nous partageons l’idée que la place des militaires reste essentielle, dans le domaine tant de la réflexion stratégique que de l’organisation du ministère et, naturellement, de l’action armée. Je m’étonne donc, pour le regretter, que ce terme de « déclassement » ait été employé, la semaine dernière, lors de l’examen du budget en commission élargie. Je m’étonne aussi, en le regrettant tout autant, que certains de nos collègues de l’opposition aient employé ce terme lors de récentes questions d’actualité – oubliant que les questions de défense s’inscrivent dans une continuité stratégique et politique – et préfèrent relayer des critiques circonstancielles, émises, au demeurant, dans la plupart des cas, par des voix non autorisées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yves Fromion. Heureusement qu’il y en a une à la tribune…

M. le président. La parole est à M. Guy Teissier, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

M. Guy Teissier, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente, je tiens, avant toute chose, à rendre hommage à nos soldats déployés en opération dans le monde entier et, plus particulièrement, aux militaires de Serval.

M. Bernard Deflesselles. Très bien !

M. Guy Teissier, rapporteur pour avis. Connaissant bien nos militaires, je ne doute pas de leur capacité à s’engager dans des conditions difficiles et à accomplir leur mission coûte que coûte. Leur professionnalisme, leur courage et leur abnégation représentent l’un des plus puissants ressorts de nos armées. Ils mènent, ces jours-ci au Mali, une opération résolue pour empêcher la résurgence de groupes terroristes et pour contribuer, par là même, au bon déroulement des élections législatives. Puisse leur mission être un succès, comme elle l’a été jusqu’à présent.

Comme je l’évoque dans mon rapport, l’armée française y a fait preuve d’un savoir-faire reconnu. Elle a montré sa grande réactivité, puisque l’intervention a débuté quelques heures à peine après la décision du chef de l’État. Elle a mis en œuvre des capacités enviées par nos alliés, qu’elle est sans doute l’une des rares armées au monde à détenir : je pense en particulier aux opérations d’aérolargage et à notre haut degré d’interarmisation.

Assurément, la France dispose d’un outil militaire performant, et cela, mes chers collègues, grâce aux efforts du précédent gouvernement (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.), qui a maintenu un budget militaire en croissance entre 2009 et 2012. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mais il n’est pas sûr qu’avec votre budget, monsieur le ministre, nous puissions continuer de dire la même chose d’ici peu de temps. (« Eh non ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Deflesselles. En effet !

M. Guy Teissier, rapporteur pour avis. Le budget que vous nous avez présenté, en effet, s’inscrit dans le cadre d’un nouveau Livre blanc et d’un projet de loi de programmation militaire décevants. Vous connaissez ma position : un Livre blanc doit toujours être guidé par une ambition pour la France, et c’est ce qui le caractérise habituellement. Le vôtre…

Mme Émilienne Poumirol. Ce n’est pas le nôtre !

M. Guy Teissier, rapporteur pour avis. …n’a pas d’autre but que d’adapter votre politique à un budget contraint. Vous proposez la poursuite de la baisse des effectifs, un rétrécissement du format des armées et une nouvelle réduction des contrats opérationnels. Alors même que vous déclarez le contraire, vous prenez acte de la baisse de nos ambitions.

Mme Émilienne Poumirol. Ça suffit !

M. Guy Teissier, rapporteur pour avis. De surcroît, on peut légitimement craindre, à terme, un déclassement de notre pays.

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. C’est un discours que l’on aurait pu tenir il y a deux ans !

M. Guy Teissier, rapporteur pour avis. Je sais, monsieur le ministre, que vous n’aimez pas ce terme. Reconnaissez toutefois qu’alors même qu’il serait indispensable d’exécuter à 100 % la loi de programmation militaire pour assurer le maintien a minima de certaines compétences, la trajectoire budgétaire que vous retenez repose sur des paris dont nous savons qu’ils seront difficilement tenus. Je pense notamment aux ressources exceptionnelles, dont la fragilité est une évidence.

Dès lors, le modèle d’armée que vous proposez pour 2025 sera-t-il atteint ? J’en doute, et je crains que nos forces ne basculent définitivement vers un modèle qui n’aura plus rien à voir avec nos prétentions, avec notre rang de membre permanent du Conseil de sécurité, de puissance encore présente sur tous les continents, à la tête du deuxième domaine maritime mondial.

Avant de conclure, je souhaite revenir sur un point soulevé par mon collègue Michel Terrot, qui m’a suppléé mercredi dernier en commission élargie. À ma demande, il a interrogé le ministre de la défense sur le calendrier des fermetures et des déplacements d’unités, rendus inévitables par la poursuite de la réduction du format des armées. En réponse, le ministre a indiqué qu’il n’annoncerait les réductions d’effectifs et leurs conséquences qu’année après année.

Plusieurs députés du groupe SRC. Eh oui !

M. Guy Teissier, rapporteur pour avis. On voit qu’il y a des élections municipales !

Mme Émilienne Poumirol. Non, cela n’a rien à voir !

M. Guy Teissier, rapporteur pour avis. Bien sûr que non, Dieu nous en garde… Cette réponse peut difficilement être entendue, et encore moins par les militaires : vous savez très bien que la période est plus qu’anxiogène pour les hommes et les femmes qui servent notre défense. Comment bâtir des projets si l’on ne sait pas où l’on sera l’année prochaine, où l’on inscrira ses enfants à l’école ? Il ne faut pas tarder : les personnels ont besoin de savoir. Cette situation nuit au moral des armées, d’autant que ce manque de visibilité est propice à toutes les rumeurs. La presse, par exemple, a déjà émis des hypothèses sur des fermetures à venir. Cette situation n’est pas saine.

Telles sont les observations que je voulais formuler sur les crédits de la mission « Défense ». La commission des affaires étrangères a émis un avis favorable aux crédits de cette mission mais, à titre personnel, il m’est difficile d’en faire autant. Souhaitant montrer mon soutien à nos soldats, aujourd’hui sur le terrain, je voterai contre ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l’environnement et la prospective de la politique de défense.

M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon rapport porte sur le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », constitué de crédits qui préparent l’avenir et connaissent une augmentation globale de 3,9 %. Je tiens à saluer l’effort dont bénéficient la recherche et, tout particulièrement, avec des crédits en progression de 6,2 %, les études amont, qui constituent le socle des innovations technologiques de demain. À ce propos, je ferai une remarque sur la contribution aux écoles. J’exprime mon accord avec les rapporteurs, qui proposeront tout à l’heure un amendement : en effet, l’évolution financière des écoles – je le dis au ministre du budget – devrait être la même pour l’ensemble de l’enseignement supérieur français, que les établissements dépendent de l’enseignement supérieur et de la recherche ou d’autres ministères, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

J’en viens à deux thèmes sur lesquels j’ai souhaité porter un éclairage : les drones et la cyberdéfense. L’Afghanistan, puis l’opération Serval ont démontré, si besoin était, que les drones sont désormais une composante à part entière des outils stratégiques mis en œuvre dans la conduite des opérations. Ils permettent – c’est l’une de leurs qualités majeures – de protéger la vie de nos soldats : à Uzbin, en Afghanistan, on a malheureusement vu à quoi menait une opération ne bénéficiant pas de leur déploiement. Or, dotée d’une flotte de drones MALE exsangue, la France n’a pu faire face seule, au Mali, aux besoins nécessités par l’immensité de ce territoire, et a dû compter sur l’aide des États-Unis, qui les ont mis à sa disposition.

On se heurte malheureusement, depuis dix ans, à un gouffre capacitaire. Le ministère de la défense a décidé de le combler, en achetant des drones sur étagère : deux appareils vont bientôt voler au Mali ; ils seront aux standards américains mais pourront évoluer en Europe. Est-on sûr, toutefois, de pouvoir franciser, ou du moins européaniser ces drones ? Les Allemands et les Italiens n’ont en effet pas pu le faire. Dès lors qu’ils sont en notre possession pour une certaine durée, va-t-on lancer un programme réaliste de développement de drones MALE européens dans les plus brefs délais ?

En matière de drones tactiques – qui sont au plus près des théâtres d’opération –, ne répétons pas les erreurs du passé, ne changeons pas d’orientation avant l’achèvement du programme Watchkeeper, dont je rappelle qu’il bénéficie d’une coopération franco-britannique. En effet, il ne faudrait pas que nous soyons victimes d’une rupture capacitaire : les nouveaux drones tactiques devront être sur le terrain d’ici 2017, c’est-à-dire demain.

Par ailleurs, ainsi que le rappelle l’actualité, l’affaire Snowden a révélé que l’État a été aveugle et sourd. Aussi la cyberdéfense constitue-t-elle l’un des enjeux majeurs de notre avenir. Pendant que je vous parle, des entreprises françaises et européennes sont espionnées, des ordinateurs sont compromis, des conversations et des messages sont enregistrés – peut-être même les vôtres, mes chers collègues –, et ce, alors même que la plupart des victimes l’ignorent. Le projet de loi de programmation militaire, qui nous sera bientôt soumis, contient des mesures essentielles, telles que l’autorisation donnée aux services de l’État de prendre des mesures à caractère défensif et offensif et l’obligation de mise à niveau et de déclaration d’incidents à la charge des opérateurs d’importance vitale. Mais cela ne suffira pas. Il est évident que le Gouvernement doit demander une révision de la gouvernance mondiale d’internet, aujourd’hui aux mains des États-Unis. La prise de conscience doit être plus vaste, et, sans céder à la paranoïa, nos concitoyens doivent prendre conscience du danger et adopter les bons réflexes, car les comportements individuels ont une influence déterminante sur la sécurité de tous. La cybersécurité doit être déclarée grande cause nationale, afin que l’hygiène informatique soit diffusée auprès du plus grand nombre. Il faut informer le public et inclure le numérique dans les programmes éducatifs.

Cela ne se fera pas si un « dépyramidage » total est conduit au sein de la direction générale de l’armement. À cet égard, les chercheurs qualifiés sur les sujets de l’information doivent être traités à part au sein de la direction. Je l’ai constaté et ce constat est partagé, notre pays manque de spécialistes dans ce domaine. Il faut donc que nos universités forment des gens pour que les recrutements qui sont prévus dans la loi de programmation militaire puissent se faire. J’ai remarqué au cours de l’élaboration de ce rapport qu’il y avait malheureusement une coupure totale entre la défense et les universités françaises. Il faut faire en sorte que les universitaires, les spécialistes d’organisme de recherche comme l’INRIA, l’Institut national de recherche en informatique et en automatique, et les personnels de la DGA travaillent ensemble sur les sujets informatiques.

Parallèlement, l’interaction duale entre la défense, la recherche académique et les industriels doit nous permettre de passer à la vitesse supérieure si on veut que la France tienne son rang en Europe.

Pour conclure, mes chers collègues, à ces quelques réserves près, j’émets un avis favorable à l’adoption des crédits du projet de loi de finances pour 2014 relatifs à l’environnement et à la prospective de la politique de défense. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Marty, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour le soutien et la logistique interarmées.

M. Alain Marty, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour 2014, première année de la nouvelle programmation militaire, le budget destiné au soutien et à la logistique interarmées est stable et s’inscrit globalement dans la continuité de celui de 2013, dernier exercice de la précédente programmation, qui était lui-même présenté comme un budget de transition. D’une loi de programmation à l’autre, les grands équilibres restent donc les mêmes. Les contraintes importantes qui pèsent sur le financement des soutiens ne s’allègent pas.

Je souligne quelques aspects qui sont en progression. Concernant les infrastructures, 2014 sera marquée par une reprise des investissements pour près de 10 % en autorisations d’engagement. Mais nous savons que les besoins sont considérables pour l’accueil des nouveaux matériels. Je note la proposition développée lors de la commission réunie la semaine dernière qui consiste à terminer les travaux du plan Vivien, plan de valorisation de l’infrastructure de vie des engagés volontaires, au cours de cette nouvelle loi de programmation militaire et je m’en réjouis.

On peut aussi saluer la hausse des crédits de fonctionnement des bases de défense, chroniquement sous-dotés.

M. François André. Oui !

M. Alain Marty, rapporteur pour avis. L’annonce faite la semaine dernière à Castelnaudary est à saluer.

Pour 2014, les crédits de fonctionnements s’élèvent à 817 millions d’euros. Il convient cependant de préciser que sont notifiés pour 2014 des marchés forfaitaires pluriannuels pour le gaz et pour l’électricité – ils représentent respectivement 77 et 41 millions d’euros – pour la période 2015-2017.

Lors de la réunion de la commission élargie, j’ai souhaité appeler l’attention du ministre sur les systèmes d’information du ministère : je pense à la création d’un système d’information ressources humaines unique et à celle du logiciel DAD pour la gestion des pensions et des accidents du travail. Il est important que le basculement vers ces nouveaux systèmes se fasse en toute sécurité. Nous connaissons les conséquences du logiciel Louvois. Il ne faudrait pas que ces nouveaux systèmes informatiques posent les mêmes problèmes.

Il est des aspects plus préoccupants. Le secrétaire général de l’administration a insisté sur la manœuvre RH qui sera délicate. Réduire les soutiens de 14 500 postes sera un exercice excessivement difficile.

Nous avons également des marges de manœuvre réduites sur le plan des infrastructures, puisque nous devons faire face à l’arrivée de nouveaux matériels, rénover les infrastructures qui sont vieillissantes et améliorer les conditions de vie de nos militaires.

Telles étaient les remarques que je souhaitais faire au sujet du programme 212 et des quatre actions du programme 178.

De manière plus générale, je souhaite éviter la polémique sur les questions de défense : c’est une attitude chère au ministre. Je tiens ici à saluer l’action de ce dernier : je respecte son engagement. J’ai même l’honnêteté de le féliciter quand il parvient à obtenir des arbitrages favorables à nos armées auprès du chef de l’État ou de Bercy. Mais lui et moi pouvons avoir des analyses divergentes sur la situation actuelle.

À cet égard, la nouvelle diminution des effectifs de 23 500 personnels en plus des 10 175 emplois qui restent à supprimer au titre de la précédente loi de programmation militaire me préoccupe. Cette nouvelle réduction risque de mettre sous tension nos capacités miliaires. Je note que le ministère de la défense a été exemplaire dans la conduite des réductions d’effectifs. Fallait-il aller au-delà ? Je regrette la réduction de nos forces opérationnelles, qui perdent une brigade et passent de 72 000 à 66 000 hommes, soit un militaire opérationnel pour 1 000 habitants.

M. Jean-François Lamour. Eh oui !

M. Alain Marty, rapporteur pour avis. Mon collègue socialiste rapporteur du budget de l’armée nous disait l’année dernière que le format était juste suffisant ; cette année, il est devenu « cohérent ». Je m’inquiète tout de même : peut-on, dans un monde où les zones de crise sont toujours aussi nombreuses, réduire ainsi nos effectifs d’une brigade et dire que cela est cohérent ?

Je connais et je comprends la nécessité de réduire notre dette. Pour autant, je ne partage pas forcément les choix du Gouvernement. Je considère que nous avons recours de façon trop importante à l’impôt et pas assez à la réduction des dépenses publiques.

M. François André. Vous venez de dire le contraire !

M. Alain Marty, rapporteur pour avis. Je ne crois pas non plus que l’éducation de nos enfants sera meilleure en créant 60 000 postes de fonctionnaires en plus dans l’éducation nationale. J’aurais préféré que la défense soit une priorité affichée du Gouvernement.

M. Guy Teissier, rapporteur pour avis. Absolument !

M. Alain Marty, rapporteur pour avis. Pour ces raisons, tout en respectant l’action du ministre, je ne voterai pas cette loi de finances pour 2014. Chacun vote en conscience. Je le fais en pensant à cette belle citation du général de Gaulle que notre présidente a affiché dans notre salle de commission : « La défense ! C’est la première raison d’être de l’État. Il n’y peut manquer sans se détruire lui-même. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Serge Grouard, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l’air.

M. Serge Grouard, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous conviendrez sans doute avec moi que cinq minutes sont quelque peu dérisoires pour évoquer un sujet aussi important que le budget de l’armée de l’air, qui représente plusieurs milliards d’euros. C’est la raison pour laquelle je me permettrai de renvoyer au rapport pour avis que j’ai rendu par écrit. Je voudrais centrer mon propos sur quelques points qui me paraissent aujourd’hui essentiels.

Nous avons une obligation de lucidité. Je le dis même si cela peut déplaire : la France et l’Europe subissent actuellement et depuis quelque trente ans une logique de basculement de la puissance du monde occidental vers l’Asie. Et la France est sur la voie du déclassement stratégique. Cela ne date pas d’aujourd’hui, cela dure depuis plus de vingt ans, mes chers collègues.

En outre, il faut bien admettre que l’Europe que nous appelons de nos vœux est malade dans sa volonté d’exister, comme le disait il y a bien longtemps Nietzsche, en tant qu’acteur politique majeur sur la scène internationale. Alors que la fin de l’empire soviétique et le moindre besoin de protection des États-Unis nous donnaient une formidable opportunité historique, nous la regardons passer.

Nous avons en même temps le devoir de mettre en garde, parce que la France, au cours de son histoire, a trop souvent chèrement payé son impréparation militaire : 1870, 1914, 1940, la pire de nos défaites, devraient encore raisonner dans nos mémoires comme autant d’avertissements. Or, dans la précédente loi de programmation, 44 000 postes ont été supprimés.

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis. 54 000 !

M. Serge Grouard, rapporteur pour avis. Il fallait arrêter là, c’était déjà beaucoup ; c’était trop. Je l’ai déjà dit en commission. Et que faisons-nous aujourd’hui ? Nous en rajoutons : 34 000 suppressions de plus.

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis. 24 000 !

M. Serge Grouard, rapporteur pour avis. À l’arrivée, en dix ans, nos armées, que nous chérissons tous, auront perdu pratiquement 80 000 hommes et femmes alors que le monde réarme, en tout cas certaines parties du monde.

Nous avons également une exigence morale vis-à-vis de soldats admirables auxquels je veux rendre un hommage appuyé. L’hommage ne doit cependant pas se limiter aux mots : l’exigence morale serait, d’abord, de leur donner les moyens de remplir les missions que le pouvoir politique leur confie et, ensuite, de leur manifester la reconnaissance de la nation.

M. Guy Teissier, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Serge Grouard, rapporteur pour avis. Quand je vois la vétusté des casernements militaires, mes chers collègues, j’ai honte.

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. C’est vrai !

M. Gwendal Rouillard, suppléant M. Gilbert Le Bris, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Toues les bâtiments publics sont vétustes !

M. Serge Grouard, rapporteur pour avis. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé et demandé que les casernements militaires soient éligibles au plan ANRU 2 ; ce ne serait que justice. J’espère profondément qu’il sera donné suite à cette proposition.

Enfin, nous avons le besoin impérieux de proposer un projet politique ambitieux pour la France, je le pense profondément, et pour l’Europe : il faut rompre avec cette logique d’attrition des moyens, cesser, comme le diraient les militaires, de faire des coups d’arrêt et de se replier en bon ordre. Le ministre de la défense fait tout ce qu’il peut pour se replier en bon ordre, et je lui en sais gré, mais ce n’est pas le bon choix politique aujourd’hui.

M. Bernard Deflesselles. C’est Bercy qui impose les choix !

M. Serge Grouard, rapporteur pour avis. Il faut au contraire faire en sorte que la France soit un leader européen en matière de défense et que, forte de cette position, elle puisse construire l’Europe de la défense que nous appelons de nos vœux. Ce n’est pas en agrégeant nos faiblesses que nous construirons l’Europe de la défense ; c’est en créant un môle fort autour duquel les autres viendront s’agréger. C’est une possibilité, une perspective historique qui se présente à la France aujourd’hui. Je crains malheureusement que nous ne nous engagions pas sur ce chemin, et je le regrette.

M. le président. Cher collègue, le temps de parole est le même pour tous les orateurs. Veuillez conclure.

M. Serge Grouard, rapporteur pour avis. Monsieur le président, je vais conclure.

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis. Où est l’armée de l’air dans votre intervention ?

M. Serge Grouard, rapporteur pour avis. J’ai largement évoqué l’armée de l’air en commission, cher collègue, et j’ai posé toutes les questions que je souhaitais sur le sujet. Je me permets de vous renvoyer au rapport que j’ai écrit.

Permettez-moi d’ajouter un dernier mot, monsieur le président.

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis. Non, non, non, ça suffit !

M. le président. Je vous demande de faire comme tout le monde, cher collègue : de respecter votre temps de parole.

M. Serge Grouard, rapporteur pour avis. Aujourd’hui, le ministre fait ce qu’il peut pour tenir un budget de la défense qui est en attrition permanente. C’est pour cette dernière raison que je ne peux le soutenir, malgré toute sa bonne volonté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Joaquim Pueyo, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour les forces terrestres.

M. Joaquim Pueyo, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Pour ce qui concerne mon périmètre de compétence, c’est-à-dire les crédits de l’armée de terre ventilés dans plusieurs programmes, le projet de loi de finances pour 2014 est conforme au projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 : il conduit l’armée de terre sur la voie d’une réforme au terme de laquelle elle aura un format certes plus resserré, mais également plus cohérent qu’aujourd’hui.

Compte tenu des contraintes budgétaires, que nul ici n’ignore, il y a donc un progrès. L’armée de terre a en effet connu des années difficiles, y compris en 2013, dernier exercice de la précédente période de programmation militaire : ses équipements n’ont pas été suffisamment renouvelés et les surcoûts de ses opérations extérieures n’ont pas été intégralement pris en compte, alors même que l’armée de terre y a montré son excellence. C’est également l’armée de terre qui subit le plus les dysfonctionnements du système Louvois, ainsi que les difficultés de fonctionnement des bases de défense.

Que prévoit donc le budget 2014 ? Ni plus ni moins que la mise en œuvre de ce que planifient le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et le projet de loi de programmation militaire 2014-2019, dont le budget 2014 est la première application.

Ce budget donne la priorité à l’activité. Ainsi, l’accent est mis sur la préparation opérationnelle, dont les moyens sont préservés et dont l’organisation a été réformée. De même, 2014 est une année cruciale pour la relance des commandes d’équipements, avec notamment la confirmation ou la relance du programme Scorpion. Ce programme d’ensemble permettra de renouveler de façon progressive et cohérente les matériels de l’armée de terre.

De plus, dans ce budget 2014, les dépenses d’entretien programmé du matériel et du personnel sont cohérentes avec le nouveau format de l’armée de terre.

J’ai consacré une partie de mes travaux à une étude approfondie des forces spéciales. En effet, le Livre blanc et le projet de LPM prévoient de les renforcer en accroissant leurs effectifs d’un tiers environ, pour les porter à 4 000 hommes. S’il faut saluer cet effort qui tire les conclusions de l’importance croissante qu’ont prise les forces spéciales dans nos engagements depuis la création du commandement des opérations spéciales en 1992, ni le Livre blanc ni le projet de LPM ne précisent comment sera opéré ce renforcement et dans quelles conditions se fera l’articulation avec la restructuration de l’armée de terre, laquelle fournit aujourd’hui près de 75 % des effectifs des forces spéciales.

Il ressort de mes travaux qu’il faut avant tout préserver cette articulation et ne pas faire des forces spéciales une quatrième armée. Plutôt que de placer un régiment supplémentaire sous l’autorité du COS, mieux vaut procéder à des renforcements des capacités dans les unités de forces spéciales existantes et veiller à ce que les forces spéciales collaborent de façon bien articulée avec les unités de l’armée de terre qui possèdent des matériels ou des compétences d’une haute technicité.

Restent, bien entendu, dans le budget pour 2014 certains points méritant une attention particulière.

Premièrement, les conditions de vie et de travail de l’armée de terre. Au fil des années, les restrictions budgétaires se sont traduites par des décalages ou des annulations de programmes de rénovation de ces infrastructures, qu’il s’agisse des infrastructures de vie ou, parfois, de travail. La poursuite du plan Vivien doit permettre d’améliorer les conditions de vie de nos soldats dans leurs casernes.

Deuxièmement, Louvois, qui affecte indéniablement le moral des armées – je n’y reviendrai pas, une mission ayant été conduite sur ce sujet.

Troisièmement, la situation des matériels de l’armée de terre. Il y a eu de grands progrès : j’ai pu constater moi-même combien les hommes sont satisfaits, par exemple, du VBCI et de l’équipement Félin. Force est pourtant de constater que les équipements les plus modernes côtoient aujourd’hui des matériels plus vétustes – je pense particulièrement à nos VAB et AMX10 qui vont arriver à bout de souffle.

M. Bernard Deflesselles. Eh oui !

M. Joaquim Pueyo, rapporteur pour avis. Si le programme Scorpion a été maintenu dans son principe et dans sa cohérence, qui fait tout son potentiel d’économies en dépenses de maintien en condition, les cibles capacitaires ont été réduites et les calendriers de livraison étalés. Il faudra calculer au plus juste les commandes, dans un double souci d’économie et de prévention des ruptures de capacité.

Quatrièmement, les ressources humaines. L’exercice 2013 a été une année difficile dans ce domaine : le dérapage de la masse salariale des années précédentes a nécessité un ajustement rigoureux en matière de recrutement comme de tableaux d’avancement. Pour 2014 et au-delà, des déflations et des restructurations sont prévues, ce qui nécessite des explications, une véritable pédagogie de la réforme et un accompagnement social adapté. Je tiens à souligner à cet égard l’importance de notre dispositif d’aide à la reconversion, tout en relevant que ce point est bien pris en compte dans le projet de loi de programmation militaire.

En tout état de cause, le présent projet de loi de finances préserve les moyens de l’armée de terre et lui donne les moyens de remplir pleinement son contrat opérationnel. C’est pourquoi la commission de la défense a adopté les crédits concernés. Au terme de la loi de programmation militaire, mes chers collègues, l’armée de terre sera une armée de premier plan en Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Gwendal Rouillard, suppléant M. Gilbert Le Bris, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour la marine.

M. Gwendal Rouillard, suppléant M. Gilbert Le Bris, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la défense, monsieur le ministre délégué chargé du budget, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Gilbert Le Bris, actuellement en déplacement à l’étranger. Je vais m’attacher à vous présenter les conclusions de notre rapporteur et à vous faire part de certaines de nos réflexions.

Je tiens tout d’abord à saluer l’action de l’ensemble de nos forces armées, notamment celle de nos marins qui font preuve chaque jour d’un grand professionnalisme, d’un grand dévouement et d’un sens du devoir remarquable.

Le budget 2014 est le premier exercice de la séquence couverte par la future loi de programmation militaire 2014-2019, actuellement en débat au Parlement. Dans cette perspective, il est rassurant de constater que, l’an prochain, les forces navales bénéficieront d’une revalorisation substantielle de leurs moyens, avec des autorisations d’engagement en hausse de 7,75 % et des crédits de paiement en augmentation de 3,4 %.

Il convient toutefois de rester lucide – le mot a d’ailleurs été utilisé. Compte tenu des difficultés budgétaires que connaît notre pays, cette augmentation n’est en réalité qu’une simple accalmie dans un grain budgétaire persistant. Toutefois, cette accalmie est bienvenue ; elle permettra notamment la régénération des matériels et des équipements.

Nos premières réflexions auront trait aux effectifs. La marine est l’armée la moins dotée en hommes. L’an prochain, les forces navales comprendront environ 35 000 équivalents temps plein, contre 101 000 pour les forces terrestres et plus de 40 000 pour les forces aériennes.

Nous tenons à rappeler que, par le passé, la marine a consenti de lourds efforts en termes d’effectifs – la région de Lorient, que j’ai l’honneur de représenter, en sait quelque chose. À cet égard, la marine a sans doute été touchée encore plus durement que les autres composantes de nos forces, du fait de son dimensionnement en hommes relativement modeste.

Ces efforts ne s’arrêteront pas là, puisque les forces navales auront vocation à participer à la déflation de postes prévue sur la durée de la loi de programmation militaire 2014-2019. Sans exonérer la marine d’une participation à cet effort, il conviendra d’être attentif à sa situation particulière et respectueux de ses spécificités en matière de ressources humaines.

En effet, les forces navales font face à des problématiques singulières pour ce qui est de la gestion de leurs ressources humaines, avec l’existence de micropopulations très spécialisées. Nous pensons par exemple, Gilbert Le Bris et moi-même, aux spécialistes du nucléaire – tant en matière de propulsion que d’armement – ou aux personnels d’appontage sur les porte-avions. Le ministère mène actuellement une analyse fonctionnelle des postes concernés. Il convient de saluer cette démarche qui permettra d’éviter l’écueil des suppressions aveugles et homothétiques et qui devrait s’effectuer dans le respect de la structure d’emplois originale de la marine.

Notre dernière réflexion sur les effectifs concerne l’ensemble de nos armées. Les capacités opérationnelles devraient être relativement préservées de la déflation, ce dont il convient de se réjouir. Toutefois, nous devons rester conscients du fait que l’opérationnel reste fortement dépendant du soutien. Il ne faudrait donc pas solliciter trop le soutien, au risque d’entamer par ricochet l’opérationnel.

Par ailleurs, nous souhaitons évoquer la question des forces de souveraineté. Celles-ci, déployées dans nos territoires ultramarins, remplissent, à l’exception de la dissuasion, tout le spectre des fonctions stratégiques : connaître et anticiper, prévenir, protéger et intervenir. Elles assurent la protection du territoire français et des intérêts de notre pays. À ce titre, la conclusion du programme BSAH – bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers – doit figurer au premier rang des priorités. Il est impératif que les premiers navires de ce type soient effectivement disponibles selon le calendrier prévu, soit deux unités livrées en 2017. Dans le cas contraire, dans l’hypothèse de retards trop importants, le risque est celui d’une réelle rupture capacitaire.

En conclusion, il faudra donc rester vigilant à l’avenir aux moyens consacrés à la marine nationale. En qui concerne l’année 2014, nous vous invitons à adopter les crédits de la mission « Défense » et à réaffirmer ensemble l’ambition maritime de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l’équipement des forces et la dissuasion.

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la défense, monsieur le ministre délégué chargé du budget, mes chers collègues, avec l’examen de ce projet de loi de finances pour 2014, nous inaugurons une nouvelle séquence, celle de l’entrée en vigueur prochaine du projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019.

Notre niveau d’ambition stratégique demeure très élevé, car ce projet de loi de programmation veille à préserver l’ensemble des compétences de nos armées et leur cohérence d’ensemble. Il tient cependant compte de la réalité de nos comptes publics, afin que son exécution ne s’éloigne pas, cette fois, de la trajectoire initiale. Si elle se veut plus réaliste que la précédente, la future loi de programmation doit permettre d’assurer un large renouvellement des équipements des forces armées, auquel le programme 146 « Équipement des forces » apporte la  contribution la plus importante.

L’effort d’équipement de nos forces armées pour les années à venir sera en effet tout à fait significatif, puisqu’il s’élèvera à 102,7 milliards d’euros pour la période 2014-2019, soit 54 % des ressources totales du projet de loi de programmation militaire, pour une dotation annuelle en moyenne, sur la période, de 17,1 milliards d’euros. Il s’agit là d’une décision politique forte qui a pour but de préserver notre armée et notre tissu industriel.

Cette dotation annuelle est certes moins importante que celle prévue par la précédente LPM, qui était de 17,3 milliards, mais – et c’est ce qui compte – elle est supérieure à l’exécution constatée sur la période, à savoir 15,9 milliards.

Pour l’année 2014, première annuité de cette LPM, les crédits d’équipement du projet de loi de finances sont au rendez-vous de la programmation : ils s’élèvent à 16,5 milliards d’euros, contre 16 milliards en 2013, dont 12,2 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 10,3 milliards de crédits de paiement pour le seul programme 146.

L’année 2014 sera marquée par le lancement de plusieurs nouveaux programmes, dont beaucoup étaient attendus avec impatience par nos forces armées, car ils répondent à des lacunes capacitaires qui avaient été clairement identifiées lors des opérations récemment menées. Je pense notamment aux avions ravitailleurs MRTT, aux drones MALE ou encore au programme Scorpion, dont le lancement constitue un véritable soulagement pour l’armée de terre.

Je me suis intéressé, pour la préparation de mon rapport, aux principes de différenciation et de mutualisation qui constituent, avec la volonté de conserver notre autonomie stratégique et la cohérence de notre modèle d’armée, deux des quatre principes directeurs de notre nouvelle stratégie de défense définie par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

La différenciation des forces consiste à adapter leur équipement et leur entraînement en fonction des missions qu’elles sont appelées à remplir : dissuasion, protection, coercition ou gestion de crise. C’est un principe d’efficacité, d’économie et de spécialisation relative.

Au-delà de l’entraînement des hommes, l’application du principe de différenciation doit permettre une modernisation plus ciblée des équipements. Certains secteurs clés seront ainsi clairement privilégiés. Il s’agit de ceux où la supériorité technologique est le facteur déterminant pour le succès de l’opération – je pense par exemple à l’entrée en premier, aux frappes dans la profondeur ou aux opérations de nos forces spéciales.

Dans ce cadre, le projet de loi de programmation prévoit par exemple la poursuite du programme FREMM, la livraison de vingt-six Rafale supplémentaires pour l’armée de l’air ou encore, pour l’armée de terre, le renforcement des moyens lourds. Dans le même temps, certains programmes pouvant être employés dans le cadre de missions moins prioritaires mais tout aussi essentielles seront prolongés, comme les Mirage 2000 ou les patrouilleurs maritimes d’outre-mer.

Par ailleurs, la mutualisation, nécessaire complément de la différenciation, doit nous permettre de mieux rentabiliser certaines capacités rares et critiques mais indispensables en les employant quand c’est possible au bénéfice d’autres fonctions stratégiques ou de missions différentes. Cela doit nous permettre de tirer un meilleur parti de l’acquisition et de l’utilisation de certaines des capacités les plus coûteuses. C’est le cas pour le grand programme MRTT, lancé dès 2014, mais aussi pour les programmes issus d’une coopération internationale, tels l’A400M, le FREMM ou le NH90.

Ce choix politique pragmatique doit permettre à nos forces armées de continuer à exercer l’éventail des missions qui leur sont confiées, tout en respectant nos engagements budgétaires qui doivent garantir la souveraineté de notre pays.

L’exécution de cette LPM devra donc être menée avec conviction et vigilance, principalement dans la première période triennale. Sa réussite sera le fruit de la mobilisation de tous les acteurs de la défense : les armées, les industriels, mais aussi les élus. La deuxième période triennale devrait prévoir un desserrement budgétaire venant alléger les contraintes et restaurer des marges de manœuvre que nos armées devront investir dans le respect des délicats équilibres entre les conditions de vie, d’entraînement et d’équipement de nos soldats. C’est un enjeu essentiel pour l’accomplissement de leurs missions, donc pour la préservation de notre souveraineté et de notre sécurité nationale.

Le projet de loi de finances pour 2014, première annuité de notre LPM, est bien en cohérence avec ses ambitions et ses objectifs. La commission a donc donné, monsieur le ministre, un avis favorable à ce budget. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la Présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Je suis la seule femme ce soir à parler de défense. Je me tourne vers mes collègues femmes, que je sais très assidues en commission : j’espère qu’il n’en ira pas de même lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire.

Mme Geneviève Gosselin-Fleury et Mme Sylvie Pichot. Très bien !

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le ministre du budget, laissez-moi exprimer le plaisir que nous avons de vous retrouver parmi nous, vous qui avez été longtemps un membre éminent de notre commission.

Au nom de l’ensemble des membres de la commission et des députés présents cet après midi, je veux adresser au Président de la République du Niger, M. Mahamadou Issoufou, qui est intervenu pour libérer nos otages, nos félicitations, nos sincères remerciements et notre profonde reconnaissance.

Des Français sont encore retenus : nous savons que les services du ministère, qui travaillent dans l’ombre, continuent d’œuvrer inlassablement pour leur libération.

M. Yves Fromion. Très bien !

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Le « déclassement stratégique », évoqué par Guy Tessier, entre autres, est un totem de la droite, tout particulièrement lorsque la gauche est au pouvoir.

M. Jean Launay, rapporteur spécial. Erreur « stratégique » !

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Vous êtes toujours les bons exécuteurs de la loi de programmation militaire et nous sommes, bien sûr, les plus mauvais. De grâce, un peu de modestie, chers collègues ! Un bon budget de la défense est d’abord un budget que l’on peut financer, et que l’on financera.

M. Yves Fromion. On en reparlera !

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Le ministre a défendu avec ténacité son budget et su obtenir de bons arbitrages, pour la première année de la loi de programmation militaire. Nous l’avons soutenu. Vous le savez comme moi, il y a continuité de l’État : des engagements pris il y a dix ou trente ans se concrétisent aujourd’hui. Que le pouvoir ait été tenu par la droite ou la gauche, personne n’y a fait défaut.

Il n’y a donc pas de déclassement stratégique ; en revanche, il y a un héritage. Je ne voulais pas en parler, mais les attaques sont telles que je vais m’y atteler. Quel est l’héritage de la loi de programmation militaire précédente ? Les effets de la RGPP d’abord, 54 000 suppressions d’emploi et 16 000 externalisations, les bases de défense ensuite, Louvois et Balard, enfin, l’absence de drones.

Les suppressions d’emploi sont un sujet à part entière. À l’époque, personne ne pouvait expliquer le chiffre de 54 000 – certains parlaient de 44 000 – ; il semblerait simplement que le ministre en ait décidé ainsi. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Le ministère a payé très cher pour faire partir ces 40 000 personnes, sans réellement cibler les postes. Il s’est efforcé de redistribuer des économies, de fait inexistantes, ce qui a alourdi encore le coût de la réforme.

Les externalisations devaient permettre de faire des économies ; elles sont un gouffre financier. Prenons l’exemple de la flotte des véhicules de la gamme commerciale : l’externalisation a entraîné une diminution du parc et creusé le déficit. Faute de renouvellement du marché, il a fallu racheter l’ensemble du parc aux loueurs, après avoir cédé le précédent aux domaines.

M. Grouard a évoqué les BdD, sujet sur lequel le ministre s’est exprimé devant la commission. Pour être régulièrement sur le terrain, nous constatons leur état et le sous-dimensionnement de leur budget.

Louvois, c’est la cerise sur le gâteau ! On a d’abord supprimé les emplois civils – 700 environ – avant de demander à l’armée de terre de les remplacer par le personnel militaire. Une réussite, sur laquelle la commission s’est particulièrement attardée…

Je terminerai par Balard, un projet de plus de 4 milliards d’euros, un loyer annuel supérieur au budget d’activité de l’armée de terre et une clause de rupture qui implique que l’État verse 700 millions d’euros à Bouygues s’il dénonce le contrat. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Voilà la réalité !

Mme Émilienne Poumirol. Un scandale !

M. Yves Fromion. Vous êtes dans la provocation, madame la présidente, ce n’est pas votre rôle !

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Il nous faut, pour la continuité de l’État, assumer cet héritage. Malgré cela, et après avoir consenti les efforts que vous savez, le budget est au rendez-vous. Sa part dans le PIB n’a pas diminué, il est à niveau égal et il existe une clause de revoyure. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Fromion et M. Philippe Vitel. C’est faux !

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. La vérité est parfois difficile à entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous en venons aux porte-parole des groupes.

La parole est à M. François André, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. François André. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs, chers collègues, avec 31,4 milliards d’euros inscrits dans ce projet de loi de finances 2014, montant stable en valeur, l’effort de défense de la France est sanctuarisé, en dépit de la contrainte financière considérable que subit notre pays.

M. Damien Meslot. Et les recettes exceptionnelles ?

M. François André. Ce budget est le point d’équilibre – la ligne de crête, a dit M. le ministre –, entre les impératifs de souveraineté financière et de souveraineté stratégique. Il se veut ambitieux, réaliste et surtout sincère.

Les membres du groupe SRC félicitent le ministre d’avoir su convaincre de la nécessité de disposer, dans le temps long, des moyens de protéger nos intérêts vitaux et d’assumer nos responsabilités à l’échelle du monde – Serval en est la démonstration la plus récente.

M. Yves Fromion. Serval fait aussi partie de l’héritage !

M. François André. Inspiré des conclusions du dernier Livre blanc, ce premier budget de la loi de programmation militaire 2014-2019 se caractérise par l’énoncé de choix prioritaires clairs.

En premier lieu, l’équipement de nos forces et l’entretien programmé des matériels sont abondés de 500 millions d’euros pour atteindre 16,5 milliards. Ces crédits doivent permettre de poursuivre la modernisation des armées et le renouvellement des matériels : nos manques capacitaires et l’obsolescence de certains de nos équipements sont connus. Le budget 2014 permettra d’y répondre par la livraison d’une nouvelle frégate multi-missions, de quatre avions de transport A400M – dont notre collègue Grouard n’a pas parlé – de quatre hélicoptères Tigre ainsi que de 77 véhicules blindés d’infanterie, pour ne citer que quelques exemples.

Ce budget permet aussi des commandes nouvelles, au premier rang desquelles un sous-marin de type Barracuda, le drone MALE ou encore l’avion MRTT, sans oublier le lancement du nécessaire programme Scorpion. Le Gouvernement ne se contente pas de regretter nos manques capacitaires : il pourvoit aux besoins.

Il renforce, cette année encore, les crédits dédiés à l’activité des forces avec notamment une hausse de 5,5 % des montants alloués à l’entretien programmé des matériels indispensables à la préparation et à l’entraînement de nos soldats. Oui, le Gouvernement ne se résigne pas à voir diminuer l’activité opérationnelle de nos forces : il prend les mesures budgétaires nécessaires pour stopper cette tendance.

M. Marcel Rogemont. Très bien, il fallait le rappeler !

M. François André. Le budget 2014 prépare également le futur : 3,6 milliards d’euros sont consacrés à la recherche et au développement, avec notamment un volume d’études amonts fixé à 750 millions d’euros, qui permettront au tissu industriel français de développer les compétences technologiques indispensables à la réalisation des programmes futurs. Les sujets ne manquent pas : drones, cyberdéfense, renouvellement des forces de dissuasion.

Ce gouvernement ne tombe pas dans la facilité qui consiste à faire des crédits d’étude et de recherche une variable d’ajustement, sacrifiant le futur pour mieux desserrer la contrainte du présent. Nous le soutenons dans cette priorité de long terme. Tout comme nous soutenons le ministère dans les efforts qu’il doit consentir pour réduire, enfin, les déficits abyssaux que connaît notre pays.

M. Marcel Rogemont. Et d’où proviennent ces déficits ?

M. Damien Meslot. Ils datent de l’élection d’un certain François Mitterrand ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. François André. Ces efforts, qui portent sans surprise sur les dépenses de fonctionnement et sur la masse salariale, ne sont pas décidés à l’aveugle, en l’absence de toute analyse fonctionnelle. Vous avez parlé, madame la présidente, du contre-exemple scandaleux de Louvois, dont il serait intéressant de connaître un jour la vraie responsabilité politique.

La poursuite de la déflation des effectifs – 7 800 en 2014 – sera conduite avec le souci de rationaliser les structures, en particulier sur les fonctions soutiens, et d’accompagner les restructurations nécessaires tant pour les personnels que pour les territoires concernés – 334 millions d’euros sont prévus à cet effet.

Il est certain que l’exercice ne sera pas facile, tant ce ministère a déjà consenti des efforts considérables à tous les échelons. Toutefois, la simplification des procédures, le recours accru à la dématérialisation, sans oublier la notion de dépyramidage des effectifs, doivent pouvoir y contribuer.

Monsieur le ministre, de la parfaite exécution de ce budget 2014, comme des suivants, dépend le respect de la trajectoire de la loi de programmation militaire, laquelle se veut ambitieuse, réaliste et sincère. Des procédures de contrôle encore plus strictes sont sans doute nécessaires aujourd’hui. Elles le seront encore davantage demain. Comptez sur l’attention des députés SRC pour vous y aider. En attendant, c’est avec détermination que nous appelons à voter en faveur de ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour le groupe Union pour un mouvement populaire.

M. Yves Fromion. Avant de commencer mon propos, je voudrais souligner la singularité qui consiste à ce que le ministre de la défense ne soit pas présent. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis. Ne soyez pas polémique ! Il a expliqué les raisons de son absence.

M. Yves Fromion. Cela ne met pas en cause Bernard Cazeneuve, qui connaît toute l’estime que je lui porte. Nous avons un débat, et le ministre de la défense est absent. Avouez que c’est tout de même extraordinaire !

Ce projet de budget 2014 constitue le marqueur de la loi de programmation militaire 2014-2019 et c’est bien pourquoi il nous inquiète tant. Le ministre ambitionne de respecter deux impératifs : le maintien de l’effort consacré par la nation à sa défense et la contribution du ministère à l’équilibre des finances publiques. Si l’on peut lui donner acte, hélas, de sa réussite à faire de la défense le premier contributeur à la solution des ennuis budgétaires du Gouvernement, on ne peut malheureusement le créditer du même succès pour ce qui est de la qualité et de l’ampleur de son effort pour donner à nos forces armées des moyens conformes aux ambitions du Livre blanc. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Ce projet de budget ne peut être qualifié de crédible avec 2,5 milliards d’euros – au bas mot – de reports, 1,7 milliard de gel et de surgel, sur le devenir desquels nous n’avons jamais obtenu de précision, 1,7 milliards de recettes exceptionnelles, non totalement consolidées, et la perspective d’une mise en réserve pour 2014 portée au taux de 7%. Les chiffres parlent d’eux-mêmes !

Le ministre répète à qui veut l’entendre qu’il a hérité en 2012 de 3 milliards d’euros de report de charges, mais regardez où nous en sommes dès ce deuxième budget ! Dans ce contexte, la contribution de 100 millions d’euros du ministère de la défense à la réduction des dépenses de fonctionnement de l’État est une véritable provocation.

Pour résoudre l’équation budgétaire insolvable posée avec le Livre blanc, le Gouvernement poursuit la déflation d’effectifs prévue par la précédente loi de programmation militaire. Soit, mais je voudrais rappeler que le principe était que les économies ainsi réalisées restaient acquises à la défense. Or on n’en est plus là ! C’est quasiment, nombre pour nombre, autant d’enseignants qu’il recrute en 2014 que de soldats dont il prive la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Charles de La Verpillière. Très bien !

M. Yves Fromion. Le groupe UMP s’indigne, par ma voix, que le Gouvernement détourne la procédure de déflation d’effectifs, que nous avons assumée, pour honorer la promesse du candidat Hollande aux électeurs du monde enseignant.

M. Philippe Meunier. Très bien !

M. Yves Fromion. On peut comprendre l’indignation que suscite une pratique si scandaleuse au sein de nos forces armées qui mesurent ainsi la piètre considération que leur porte le Président de la République, chef des armées, alors qu’il a pu compter sur ces mêmes forces au Mali.

Vous ne consacrez par ailleurs que 16,5 milliards d’euros aux équipements, ce qui ne suffira pas pour respecter les engagements antérieurement pris, que vous confirmez, ni ceux qui relèvent de votre initiative.

Alors, vous faites de la « cavalerie » si je puis m’exprimer ainsi.

Vous vous targuez de lancer le programme Scorpion. Très bien, mais les échéances calendaires sont aussi incertaines qu’éloignées ! Il en va de même des deux MRTT, renvoyés après la loi de programmation militaire. Même chose pour l’ANL.

Vous commandez le missile MMP. C’est très bien, mais dans le même temps, vous consacrez la perte définitive de la compétence canonnerie gros calibre que la France est seule à partager en Europe avec l’Allemand Rheinmetal.

Vous commandez treize LRU qui seront fabriqués par l’Allemand Krauss Maffei et deux drones REAPER produits aux États-Unis. Vous lancez MUSIS, déjà largement engagé par vos prédécesseurs, lesquels ont vainement tenté une coopération européenne. Vous promettez de lancer CERES pour prendre le relais des démonstrateurs Essaim et Elisa en service actif.

Vous augmentez les moyens dédiés à l’EPM–MCO, ce qui est une bonne mesure car cette dimension essentielle au fonctionnement de nos forces avait été mal calibrée dans la précédente loi de programmation militaire.

M. Christophe Léonard. Quel aveu !

M. Yves Fromion. Vous faites dans le domaine de la cybersécurité un effort que nous approuvons mais, au final, vous vous appliquez à conduire la réalisation du programme d’équipement figurant à la loi de programmation militaire 2009–2014 avec des moyens financiers encore plus insuffisants. Les conséquences sont d’ores et déjà prévisibles : on s’achemine vers des forces armées « bonzaï » dont les capacités sont de plus en plus virtuelles.

Si vous me jugez excessif, prenez donc la peine, monsieur le ministre, de vous faire communiquer, demain matin, l’état exact et sincère de la disponibilité des équipements figurant aux tableaux des effectifs et dotations de nos unités. Vous aurez ainsi l’image de la paupérisation de nos armées.

Il serait illusoire et dangereux de faire, à l’instar du Président de la République, de l’opération Serval la jauge de nos futurs besoins capacitaires. Serval a mis en lumière la valeur exceptionnelle de nos combattants et de leurs chefs mais elle a montré nos limites dans un contexte opérationnel global que l’on ne peut même pas qualifier de moyennement intensif.

Monsieur le ministre, il est évident que personne de bonne foi ne peut croire que le Gouvernement fait pour la défense de notre pays le mieux possible dans un contexte budgétaire extrêmement contraint. Le cadre budgétaire, c’est vous qui le posez en fonction de vos priorités politiques.

M. François André. Et de nos dettes !

M. le président. Merci de conclure.

M. Yves Fromion. On évoque de plus en plus souvent la perspective du déclassement stratégique de notre pays. Pour se rassurer, certains nous comparent à ce qui se fait de pire en Europe en matière de renoncement. La vérité est qu’avec cette loi de finance, funeste avant-garde de votre loi de programmation militaire, vous nous invitez à consentir au déclassement, vous nous invitez à faire avec vous le pas de trop.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le député !

M. Yves Fromion. Vous rappelez-vous, monsieur le ministre, le rang occupé par la défense parmi les soixante propositions du candidat Hollande ? Le soixantième, le dernier rang ! Oui, monsieur le ministre, le dernier rang ! Pour toutes ces raisons, le groupe UMP ne soutiendra pas votre projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Francis Hillmeyer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Francis Hillmeyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce qui fait consensus dans cet hémicycle, c’est bien la valeur de ces femmes et de ces hommes, soldats de France, qui composent notre armée. Ils sont notre fierté. Ensemble, ils ont démontré la grandeur de notre nation et son implication dans la défense des libertés et des droits de l’Homme, dans la lutte contre le fondamentalisme, en particulier dans le cadre de l’opération Serval au Mali.

La France sera-t-elle encore capable, demain, de mener avec succès des opérations semblables à celles conduites en Côte d’Ivoire, en Libye, en Afghanistan ou au Mali ? Je l’espère vivement, bien que les plus grandes inquiétudes soient permises. L’affaiblissement de nos forces armées paraît inéluctable et irréversible et la réduction de nos effectifs ne va pas dans le sens d’une armée plus forte.

Je vous entends, monsieur le ministre, lorsque vous dites que nous garderons la meilleure armée d’Europe. Certainement, mais cela est dû, comme je l’ai déjà exprimé, à la qualité de nos militaires et de leur matériel. Demain, moins nombreux, ils ne pourront plus avoir les mêmes engagements opérationnels. Cette réduction de nos moyens dans le contexte actuel des menaces multiples que nous connaissons, nous interroge sur nos possibilités à nous défendre. C’est dans cette perspective que je dois vous faire part, monsieur le ministre, des craintes de notre groupe concernant ce budget pour 2014, tout comme nous l’avions déjà fait pour le Livre blanc.

Ce budget n’est ni bon, ni mauvais, il s’inscrit plutôt dans une continuité.

M. Jean-Paul Bacquet. Il est toujours meilleur qu’avec Morin !

M. Francis Hillmeyer. Nous ne pouvons cependant faire l’économie d’une réflexion de fond sur les objectifs de notre politique de défense. Ce budget traduit le maintien des ambitions stratégiques de notre pays, alors que les moyens financiers ne suivent pas.

Ce sont 2,2 milliards d’euros supplémentaires qu’il aurait fallu consacrer annuellement à notre armée pour prendre en compte les évolutions spontanées de la défense.

La défense contribue déjà de manière significative à l’effort de redressement de notre pays, mais ne peut être une variable d’ajustement budgétaire.

Pour mémoire la part du PIB consacrée à la défense était de 3,42 % en 1990, de près de 3 % en 1995, puis de 2,67 % en 2009 pour se réduire progressivement à 1,5 %. C’est la plus grosse ponction financière de l’État, sans pour autant désendetter le pays !

Faudra-t-il un événement dramatique pour que le Gouvernement se rende compte que ce ministère doit être considéré comme prioritaire ? Mais il sera peut-être trop tard !

Le retour d’OPEX, s’il est glorieux pour nos soldats, l’est moins pour notre matériel. Pas moins de 1400 véhicules sont à remettre en état mais le budget prévoit un étalement sur cinq années, à raison de 120 millions d’euros par an. Ce n’est pas raisonnable et nous allons retrouver une situation déjà connue, où l’on démonte des véhicules pour permettre à d’autres de fonctionner.

M. Jean-Paul Bacquet. Oui, vous avez laissé le parc se dégrader.

M. Francis Hillmeyer. Qu’en est-il de notre maintien en condition opérationnelle – MCO ?

La loi de programmation militaire 2014-2019 prévoit de supprimer 23 500 postes en plus des 54 000 prévus dans la précédente loi de programmation militaire. Je saisis l’occasion pour défendre, monsieur le ministre, la Brigade Franco-Allemande, qui risque de se voir amputée du 110e régime d’infanterie basé à Donaueschingen. « Ce serait le mauvais message au moment où la politique européenne de défense prend forme » a déclaré l’un de nos collègues parlementaires allemands.

Certes, me direz-vous, la BFA est difficilement employable, mais là aussi il ne s’agit que d’une volonté politique, les militaires étant prêts à tout engagement dans le cadre de leurs missions.

Revenons par ailleurs sur le moral de nos troupes : de retour en France, ils retrouvent des casernes qui nécessitent plus qu’un ravalement de façade. Je tiens à saluer vos récentes annonces, monsieur le ministre, relatives à un déblocage exceptionnel de 30 millions d’euros pour améliorer le fonctionnement des bases de défense. Pensez également aux gendarmes qui peinent à boucler leurs budgets de fonctionnement et d’équipement.

Vous nous répondrez, monsieur le ministre, que la baisse du budget de la défense est une donnée commune à de nombreux pays européens, mais nous devons réfléchir globalement : l’Europe est bel et bien le seul continent dont les dépenses militaires baissent. Cette erreur peut nous être préjudiciable.

Le groupe UDI croit fermement en l’Europe de la défense. La mise en commun des moyens conduirait à la formation d’un ensemble réellement puissant, capable de prendre toute sa place sur la scène internationale, mais également source d’économies réfléchies et pertinentes. Il vous appartient de prendre des initiatives pour jouer enfin le rôle moteur qui doit être le nôtre auprès de nos partenaires européens. Les députés du groupe UDI sont tout à fait conscients de la difficulté de la période pour la défense et du poids écrasant des contraintes budgétaires nationales mais l’angoisse dans les armées et l’industrie de la défense est telle qu’ils déplorent que ce budget n’y réponde pas. C’est donc avec amertume qu’ils ne pourront voter ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Paul Bacquet. Eh bien, ils ont tort !

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Monsieur le ministre, madame la présidente, messieurs les rapporteurs, chers collègues, permettez-moi tout d’abord saluer la libération de quatre otages Français retenus au Sahel, au Mali et au Niger, ainsi que l’action du ministre de la défense dans cette opération. J’aurai également une pensée, non seulement pour les otages qui restent prisonniers dans d’autres pays mais aussi pour Denis Alleix, agent de la DGSE, qui a perdu la vie lors d’une opération tentée pour le libérer.

La séquence budgétaire que nous venons de vivre aura au moins été porteuse d’une bonne nouvelle : dans cinq ans, à en croire le ministre de la défense qui s’exprimait il y a quelques jours devant notre commission, la France disposerait de la meilleure, de la plus grande armée d’Europe ! Permettez-moi de m’interroger sur les critères d’une telle prévision mais aussi sur l’intérêt d’un tel objectif qui me semble plus quantitatif que qualitatif.

Certes, le ministre de la défense a engagé des chantiers importants, qu’il s’agisse du prolongement des restructurations, de la réduction des dépenses de fonctionnement ou de la prise en compte des besoins opérationnels des armées en matière de préparation des forces et de petit équipement. Cependant, pour le groupe écologiste, ni la loi de programmation militaire, ni ce budget qui en constitue la première annuité, ne concrétise les véritables choix stratégiques et budgétaires qui s’imposaient.

S’agissant de la doctrine, alors que le Livre blanc offrait une opportunité de débattre de nos priorités, vous avez reconduit, au nom du dogme dépassé de l »assurance-vie », la posture de vos prédécesseurs en matière de dissuasion alors qu’un certain nombre de questions méritaient d’être posées, sur la pertinence de cette force dont les « angles morts » sont multiples, sur son adaptation aux menaces contemporaines telles que le terrorisme et les guerres asymétriques, sur son articulation aux forces conventionnelles, sur les économies réalisables sur la composante aérienne et la permanence en mer, sur les risques humains, sanitaires et environnementaux qu’elle engage.

Que nos points de vue divergent est une chose, monsieur le ministre. Que le débat n’ait pas lieu, sur des décisions d’une telle portée financière et stratégique, en est une autre, et j’espère que vous saisirez l’occasion de la prochaine loi de programmation pour combler cette lacune.

La dissuasion française est « devenue, par tabou, le parent pauvre de la réflexion stratégique » écrivait récemment un directeur de l’école de guerre. C’est une analyse à laquelle de plus en plus de hauts responsables politiques et militaires souscrivent mais qui ne saurait prévaloir indéfiniment.

Nous devons ouvrir le débat au-delà du cercle très fermé des décideurs politiques, militaires et industriels aussi ai-je déposé deux amendements pour supprimer les crédits alloués à la dissuasion nucléaire. Rappelons que, chaque, année, cette force coûte plus de 3 milliards d’euros au budget de la nation.

J’en viens au reformatage des armées. Je salue les premières mesures de rationalisation engagées qui permettront d’économiser 100 millions d’euros en dépenses de fonctionnement pour l’année à venir. Je me réjouis également que de nouvelles dispositions permettent de réduire la proportion d’officiers supérieurs. Pour mémoire, l’armée de terre compte à elle seule plus de 170 généraux pour seulement 15 brigades, ce qui est difficilement justifiable.

Malheureusement, les mesures que vous proposez restent marginales puisqu’elles se limitent à 1 % de réduction du nombre d’officiers supérieurs en cinq ans. Rappelons que la Cour des comptes, dans son bilan à mi-parcours de la précédente loi de programmation, nous avait alertés sur l’incohérence de la politique du ministère de la défense en matière de ressources humaines. Alors que 54 000 postes ont été ou doivent être supprimés dans le cadre des engagements du précédent Gouvernement, la masse salariale n’a cessé de croître, augmentant de plus d’1 milliard d’euros entre 2008 et 2011.

Un dispositif transitoire, fondé sur l’accompagnement et la solidarité, est nécessaire. Il en va d’un impératif budgétaire mais aussi stratégique puisque les crédits économisés sur les dépenses en personnels permettraient de financer des investissements essentiels tels que l’équipement élémentaire des militaires du rang. J’en profite pour souligner que je joins ma voix à celle de la présidente de notre commission de la défense pour dénoncer le scandale Louvois et saluer les efforts du ministre de la défense pour essayer d’y remédier.

En définitive, en entretenant le mythe d’une armée capable d’intervenir sur tous les fronts et en refusant de se concentrer sur des priorités mieux définies, la défense française reste condamnée à un grand écart capacitaire que ni la loi de programmation militaire ni ce budget ne permettront de réduire, c’est pourquoi nous voterons contre.

M. Denis Baupin. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Moignard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Moignard. Avant toute chose, je tiens à saluer le plan d’urgence exceptionnel de 30 millions d’euros que vous avez annoncé il y a quelques jours pour améliorer le quotidien des armées, monsieur le ministre, confirmant ainsi la priorité donnée à la défense.

En effet, conformément au choix du Président de la République, l’effort consacré à la défense est maintenu par un budget stabilisé en valeur pour 2013, ainsi que pour les trois exercices suivants. Avec 31,4 milliards d’euros par an, ce budget restera le troisième de l’État, après ceux de l’éducation nationale et de la charge de la dette, et le premier en termes d’investissement public. En outre, il s’intègre dans une nouvelle loi de programmation militaire pour 2014-2019 qui se veut réaliste, car elle est guidée par deux impératifs : le maintien de l’effort consacré par la Nation à sa défense – compte tenu d’un large spectre de risques et de menaces – et la prise en compte de l’objectif gouvernemental de redressement des finances publiques.

Il faut bien le rappeler, la précédente programmation pour 2009-2014, fondée sur une croissance du budget de 1 % en volume à partir de 2012, n’a pas été financée. Elle a conduit à une impasse budgétaire et à des étalements importants des programmes d’armement. Autant le dire tout net : à la fin de 2012, l’écart accumulé entre les investissements prévus pour l’équipement des forces et les crédits avait atteint 34 milliards d’euros, soit l’équivalent d’un budget annuel total !

Ainsi cette nouvelle loi de programmation, en sanctuarisant nos moyens – la France est le seul État européen à le faire – doit nous permettre de conserver la possibilité d’assumer à la fois la protection du territoire et de la population, la dissuasion nucléaire et l’intervention sur des théâtres extérieurs, soit en mission de gestion de crise soit en mission de guerre.

Les crédits de la mission « Défense » du budget 2014, première annuité de cette nouvelle loi de programmation militaire, illustrent cette ambition, puisque le niveau de ressources est identique à celui de 2013, et ce grâce à l’apport de recettes exceptionnelles – d’un montant de 1,8 milliard d’euros – provenant du produit des cessions d’emprises immobilières, du nouveau programme d’investissements d’avenir et de diverses redevances versées par les opérateurs privés au titre des cessions de fréquences. Ces nouveaux apports permettront donc en 2014 de réduire les crédits budgétaires. Ensuite, les crédits d’équipement augmentent de 500 millions d’euros, avec une programmation en hausse de 5,5 % pour l’entretien des matériels et un dégagement de crédits de 14 % au profit des munitions et des petits équipements. Enfin, un effort – 750 millions d’euros de crédits –– est fourni en matière de recherche et de technologie afin de préserver la compétitivité économique de l’industrie de défense et d’accompagner la montée en puissance de la cyberdéfense.

Certes, ce budget marque les premières déflations d’effectifs avec la suppression de 7 881 emplois, mais ces suppressions sont conformes aux orientations du Livre blanc et de la loi de programmation militaire. Afin qu’elles se déroulent dans des conditions optimales, le personnel, militaire comme civil, bénéficiera d’un plan d’accompagnement social consistant en trois éléments principaux : une incitation au départ et à la mobilité des militaires par le versement d’un pécule spécialisé et d’une allocation d’aide à la mobilité du conjoint ; un accompagnement des personnels civils par une indemnité de départ volontaire des fonctionnaires et par une prime de restructuration de service ; un plan de formation destiné à la reconversion du personnel en situation de réorientation professionnelle.

Rappelons que, malgré cette baisse d’effectif, la défense demeurera le premier recruteur de l’État, avec 17 000 recrutements visant notamment de nombreux jeunes peu ou pas qualifiés et leur ouvrant des opportunités professionnelles au sein du ministère puis, plus tard, dans la vie civile.

Enfin, concernant le financement de la participation de nos armées aux opérations extérieures, la prévision de dépenses est fixée à 450 millions d’euros, contre 630 millions auparavant. En effet, nos troupes vont se désengager totalement d’Afghanistan et progressivement du Mali, où les effectifs sur place passeront de 4 500 à 1 000 militaires dans le cadre de l’opération Serval. Cela étant, compte tenu de la fragilité de la situation au Mali où des combats continuent d’opposer des rebelles à l’armée malienne et où des attentats djihadistes ont encore lieu, il nous faudra veiller attentivement à l’évolution de la situation et, in fine, de notre contingent sur place. Le cas échéant, la péréquation interministérielle prendrait en charge le surcoût éventuel des dépenses et préserverait ainsi les crédits d’équipement du ministère.

Voici donc un budget qui permet de concilier un nécessaire redressement des finances publiques avec un niveau d’ambition porté au mieux en cette période et adapté aux nouveaux besoins de sécurité et aux responsabilités internationales de notre pays. C’est pourquoi le groupe RRDP le votera.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Jacques Candelier. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je ne serai pas agressif et resterai courtois. Ce budget 2014 est celui de la continuité. Or, une telle continuité ne va pas de soi : la Cour des comptes a par exemple considéré que les bases de défense étaient coûteuses et aberrantes. M. le ministre a lui-même admis qu’il n’était pas certain que leur création ait donné des résultats ; et pourtant, il affirme ne pas avoir l’intention de les remettre en cause ! Un plan d’urgence de 30 millions d’euros a été annoncé pour améliorer les conditions de travail dans ces bases. Cela s’apparente à un simple sparadrap en attendant que cette réforme veuille bien produire des résultats.

En 2014, un montant de 195 millions sera consacré aux mesures d’accompagnement des restructurations. En clair, on continue de payer pour supprimer des emplois. L’année prochaine, les effectifs seront réduits de 7 881 emplois ; comme toujours, on nous dit que l’essentiel de l’effort portera sur l’administration et le soutien. En réalité, l’état de nos forces opérationnelles dépend précisément du soutien et de l’administration. Malgré cela, les coupes dans les dépenses de fonctionnement continuent, diminuant d’autant les crédits dont disposent nos forces pour le carburant, le transport ou la communication.

La modernisation de l’action publique ne donne lieu à aucun audit permettant de nous éclairer. S’agissant des personnels hors forces opérationnelles, il est inquiétant d’entendre le chef d’état-major de l’armée de terre et le secrétaire général pour l’administration nous expliquer que l’identification des marges est difficile : la navigation à vue continue. Gare à ne pas provoquer un nouveau scandale Louvois ! A l’époque, le problème tenait autant du logiciel que de l’organisation.

Avec cette mission, la politique d’externalisations massives se poursuit. Jusqu’à présent, elles ne touchaient que des services périphériques ; désormais, elles concernent des missions de sécurité. Le maintien en condition opérationnelle représentant 70 % du coût total de possession d’un matériel, notre outil de défense devient un gisement de profits pour le secteur privé. Symbole spectaculaire de la montée en puissance du recours au privé, le projet Balard-Bouygues accumule retards et surcoûts.

Il est par ailleurs prévu une augmentation des crédits d’équipement de 16 à 16,5 milliards d’euros. Cela se fait sans aucune prise en compte du coût des matériels et de plusieurs sophistications excessives. Comme de nombreux militaires, nous considérons que l’armée pâtit de certaines technologies de prestige.

Nous souhaitons que soient réorientées les priorités de sorte que les missions puissent être accomplies dans de meilleures conditions. Depuis 1998, jamais nous n’avons dépassé 7 000 hommes sur la totalité des engagements opérationnels. Ce n’est donc pas la réduction du format opérationnel qui nous inquiète, mais la disponibilité du matériel. La réduction du nombre de frégates, de patrouilleurs et d’avions de combat, la limitation du nombre de jours en mer des navires ou de l’entraînement des pilotes mettent en péril la protection de notre espace aérien et maritime.

Si nous saluons les efforts consentis pour les drones, le ravitaillement en vol et le transport logistique, il faut tout mettre en œuvre pour assurer notre indépendance, donc inciter la fabrication nationale, voire européenne, des matériels dont nous avons besoin, car nous ne pouvons dépendre des Américains. Nous saluons aussi l’augmentation des moyens en hommes et en crédits affectés aux services de renseignement et à la cyberdéfense.

Cela étant, ces changements sont marginaux. L’arme nucléaire reste la clé de notre défense et représente une dépense de 3,4 à 3,5 milliards d’euros, soit 9,3 millions par jour et 12 % des crédits. Pourquoi croyez-vous donc que certaines puissances développent leurs arsenaux nucléaires, sinon parce que nous continuons de moderniser les nôtres ? La France doit respecter le traité de non-prolifération et négocier un désarmement nucléaire généralisé. L’abandon de la composante aérienne, qui coûte 260 millions d’euros, serait une première étape sur la voie d’un monde sans armes nucléaires.

Enfin, il est opportun de réduire les crédits consacrés aux OPEX, c’est-à-dire de réduire nos interventions à l’étranger ; mais cela pourrait bien n’être que de l’affichage, puisque l’on renforce la présence de nos troupes en République Centrafricaine et que des opérations lourdes continuent au Mali. Le recrutement de forces spéciales marque de toute façon une tendance à l’armée de projection, ce qui nous inquiète. Nous en profitons pour nous féliciter de l’implication de nos soldats dans leur engagement.

En conclusion, nous estimons qu’il est contreproductif en temps de crise de continuer à réduire des emplois. Selon un ancien chef d’état-major de l’armée de terre, les fermetures de sites programmées jusqu’en 2015 équivalent à « rayer de la carte 38 Florange » ! Il est également étonnant d’avaliser des choix comme les bases de défense, la réintégration dans le commandement de l’OTAN et la professionnalisation de l’armée, cordialement et judicieusement remise en cause par M. Kader Arif lors de l’examen du budget des anciens combattants.

Un dernier mot sur la Syrie : nous saluons votre disponibilité et votre écoute, monsieur le ministre, mais nous demandons que la décision grave de livrer des équipements militaires à la Coalition nationale syrienne soit examinée par le Parlement.

Les députés communistes et du Front de gauche voteront contre ce budget.

M. le président. Nous en venons aux questions. Nous commençons par celles du groupe socialiste, républicain et citoyen.

La parole est à M. Philippe Nauche.

M. Philippe Nauche. Il y a six mois, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale dessinait une stratégie militaire renouvelée autour du principe de l’autonomie stratégique s’appuyant sur le maintien d’une industrie de défense qui soit l’une des meilleures au monde. Avec 4 000 entreprises, 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 165 000 emplois directs et indirects en France et 25 à 40 % de la production destinée à l’exportation, l’industrie de défense est l’un des moteurs de la compétitivité de l’économie française. Diverse, innovante et duale, elle garantit notre sécurité d’approvisionnement en équipements de souveraineté et en systèmes d’armes critiques ainsi que leur adaptation aux besoins opérationnels.

Cet impératif industriel se traduit, dans le projet de loi de programmation militaire que nous examinerons dans quelques semaines, par un effort financier conséquent s’élevant à 102,7 milliards d’euros pour la période 2014-2019, soit une dotation annuelle moyenne de plus de 17 milliards d’euros courants. Ce niveau de dépense permettra de poursuivre les programmes en cours et, ainsi, de préserver les principaux secteurs de compétence de notre industrie de défense. Il permettra également de combler certaines lacunes capacitaires que nous avons pu constater lors de l’opération Serval au Mali – je pense aux drones de surveillance, au ravitaillement en vol ou encore au transport stratégique. Enfin, il préparera l’avenir malgré un contexte budgétaire contraint, avec un investissement important en direction de la recherche et de la technologie.

Le projet de loi de finances pour 2014 est la première concrétisation législative de votre ambition industrielle, monsieur le ministre. Pouvez-vous nous détailler ce qu’il prévoit en matière de modernisation de nos forces armées et dans quelle mesure il permettra de combler les lacunes capacitaires dont vous avez hérité en prenant vos fonctions ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Vous avez raison, monsieur le député, de souligner l’importance de l’industrie de défense pour notre pays. Elle est d’abord un instrument d’autonomie stratégique, mais aussi une grande force à l’exportation, dont vous avez rappelé la part en pourcentage.

Nous avons tenu à renforcer cette dynamique dans la loi de programmation militaire, puisque les crédits affectés aux nouvelles commandes et à l’équipement des forces passeront de 16 à 18,2 milliards en fin de programmation, et à 16,4 milliards dès cet exercice budgétaire – avec le maintien des grands programmes, mais aussi la résolution de certaines lacunes capacitaires par la commande d’avions ravitailleurs et de drones MALE et par le lancement du satellite d’écoute CERES. Nous avons en effet subi les conséquences de ces lacunes lors de la guerre du Mali ; il convenait d’y remédier. En outre, nous recevrons dès 2014 livraison de matériels tels que les avions A400M, le premier étant déjà récemment arrivé sur la base d’Orléans, les hélicoptères Tigre ou encore une frégate FREMM. L’an prochain nous passerons également commande d’un quatrième sous-marin Barracuda et lancerons l’avion multirôle de ravitaillement en vol – en l’espèce, ce n’est nullement une promesse en l’air puisque les premières commandes seront passées dès 2014. Nous poursuivrons par ailleurs les programmes en coopération, dont pas un seul n’est touché, et nous renforcerons nos capacités dans les domaines où nous avions des lacunes. En clair, notre programmation permettra à l’industrie de défense de tenir toute sa place.

M. le président. La parole est à M. Christophe Léonard, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Léonard. Conformément aux engagements du Président de la République, les crédits du budget de la défense sont maintenus en 2014 à un montant de 31,4 milliards d’euros. Avec une dette publique qui a dévissé au cours des deux précédents quinquennats pour atteindre 90,2 % de notre PIB à la fin 2012, cet effort financier conjugue indiscutablement les impératifs de souveraineté nationale et budgétaire.

S’agissant des ressources humaines, il est prévu en 2014 une déflation des effectifs de 7 881 ETP travaillés. Ces décisions sont désormais connues. À cet égard, monsieur le ministre, vous avez indiqué les cinq principes qui s’appliqueront aux arbitrages année après année : toucher le moins possible aux unités opérationnelles dans la limite d’un tiers des déflations effectuées, éviter au maximum les dissolutions d’unités, prendre en considération les paramètres d’aménagement du territoire, faire des choix en cohérence avec le schéma d’organisation de nos forces, enfin, intégrer les contraintes économiques, y compris en termes d’aménagements existants dans les garnisons.

À cet égard, je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité de ne pas oublier, au cours de cet exercice difficile, notre histoire de France, fondement par essence du lien armée-nation. Pour illustrer mon propos, je rappellerai le lourd tribut payé par mon département, celui des Ardennes, aux trois conflits armés de 1870, 1914-1918 et 1939-1945. Ce douloureux passé est indéniablement le socle sur lequel se fonde l’attachement si particulier qui lie la population ardennaise à ses militaires et qui explique aujourd’hui le taux élevé de recrutement de personnels au 3e régiment du génie de Charleville-Mézières, où votre visite prochaine est très attendue.

Par ailleurs, les projections d’économies attendues de la réduction des personnels doivent être clairement établies. La Cour des comptes a en effet souligné l’échec cuisant de la précédente loi de programmation militaire sur ce point. Vous avez affirmé en commission élargie que les gains budgétaires donneront des marges de manœuvre pour le maintien des forces en condition opérationnelle, victimes commodes des ajustements budgétaires successifs.

M. le président. Merci, mon cher collègue.

M. Christophe Léonard. L’augmentation de 5 % des crédits dédiés au maintien en condition opérationnelle pour l’année 2014 marque d’ores et déjà une volonté d’inverser la tendance. Néanmoins, quelles sont les garanties chiffrées d’ici à 2019 dont vous disposez concrètement au titre de ces économies ?

M. Bruno Le Roux. Très bien !

M. Yves Fromion. Voilà M. le ministre bien embêté !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je ne suis pas bien embêté, car je suis confronté à une situation que vous connaissez, les uns et les autres, sur tous les bancs.

M. François André. Et pour cause !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Elle a été rappelée par la Cour des comptes. Les déflations d’effectifs qui ont eu lieu au cours des dernières années – je le dis volontiers devant M. le ministre du budget qui me le rappelle de temps en temps avec raison – ont été lourdes et ne se sont pourtant pas traduites par une diminution de la masse salariale, au contraire : on diminue les effectifs et on augmente la masse salariale. Nous avons fait ensemble cette constatation récemment. Nous devons donc améliorer notre maîtrise de la masse salariale. Telle est ma principale préoccupation, car c’est ainsi que nous améliorerons l’efficacité, d’une part, et l’attractivité des carrières, d’autre part.

En outre, comme chacun l’a aussi observé au cours des dernières années, la déflation était assortie d’une progression du nombre d’officiers et de grades supérieurs. Le « dépyramidage » était donc inexistant, ce qui entraînait des frustrations. Il faut remédier à cela par une meilleure maîtrise des ressources humaines du ministère de la défense, ce à quoi j’entends m’employer.

Vous avez énuméré, monsieur le député, les critères que je prendrai en considération pour évaluer les déflations, en particulier les éventuelles dissolutions d’unités. Comme je l’ai dit à plusieurs reprises, je souhaite qu’elles soient aussi réduites que possible. J’ai indiqué les critères de mes choix, que j’annoncerai tous les ans à l’été. Vous avez insisté sur le concept de « désert militaire » : si le lien entre unités et citoyens est insuffisant sur un territoire donné, cela peut affecter le lien armée-nation. Cela fait aussi partie des critères en fonction desquels je prendrai mes décisions au cours des années à venir.

M. le président. Nous en venons aux orateurs du groupe UMP.

La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Monsieur le ministre, nous avions présenté il y a dix-huit mois, la présidente Adam et moi-même, un rapport de la commission de la défense sur l’action de l’État en mer. Nous y attirions l’attention sur l’état de nos bâtiments de surveillance et d’intervention maritimes, âgés pour la plupart de plus de vingt ans. Je vous rappelle que notre pays possède la deuxième zone économique exclusive au monde, étendue sur onze millions de kilomètres carrés. Nous devons aussi assurer la sécurité de nos ressortissants et de nos équipements stratégiques dans nos territoires ultramarins, répartis sur toutes les mers du monde. Le programme BATSIMAR, visant à remplacer nos bateaux vieillissants, prévoyait une commande de dix-huit navires pour un montant initial de 540 millions d’euros. Un partenariat public-privé, évoqué dans la loi de finances 2013, devait aboutir avant la fin de cette année. Il n’en a rien été et il paraît que le principe même du PPP a été remis en question.

La DGA a lancé un projet d’appel d’offres pour des bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers, mais il ne comprend plus aujourd’hui que huit unités. Plusieurs de nos entreprises ont répondu : CMN a proposé la Vigilante-1400, l’ECNIM le multi-purpose vessel et DCNS, associé en JV avec Louis-Dreyfus Armateur, l’Adroit.

Notre pays doit mettre en place une véritable stratégie navale incluant une stratégie de déploiement de nos moyens maritimes. Dans ce contexte, où en est réellement le dossier, monsieur le ministre ? Nous orientons-nous vers un PPP, un achat patrimonial ou un achat de prestation de service incluant la mise en condition opérationnelle ? Pouvons-nous caresser l’espoir de voir démarrer un jour le programme BATSIMAR ? À combien d’unités évaluez-vous le niveau de rupture capacitaire ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Vous savez, monsieur le député, l’attention particulière que je porte aux questions maritimes, à notre sécurité maritime en particulier. Elle se traduit par un certain nombre d’engagements inscrits dans le projet de loi de programmation. Ainsi, je viens de prendre la décision d’attribuer à un chantier naval la commande de trois bâtiments multi-missions inscrite dans le projet de loi de programmation et dans le budget 2014. Nous ne prenons donc pas de retard. Vous avez évoqué une préoccupation qui est aussi la mienne : le choix des bateaux de soutien et d’assistance hauturiers dits BSAH. Ils sont bien au nombre de huit, le chiffre est inchangé.

M. Philippe Vitel. Il y en avait dix-huit initialement !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je crains, monsieur le député, que vous ne confondiez avec BATSIMAR, dont je parlerai ensuite, car il importe de distinguer les compétences et les caractéristiques des différents bateaux.

Sur ce point particulier, une opération PPP avait été lancée. Les résultats financiers ne nous en paraissent pas satisfaisants. Je réfléchis donc au moyen d’acquérir ces bateaux le plus rapidement possible, en patrimonial ou en affrètement, en obérant le moins possible le budget de la défense tout en disposant d’un outil efficace à même de remplir les missions confiées.

Quant au programme BATSIMAR, nous n’y renonçons pas. Il est inscrit dans le projet de loi de programmation militaire et dans le Livre blanc. Il sera au rendez-vous en 2020. Le renouvellement nécessaire à la sécurité de nos mers aura donc bien lieu. Celle-ci est aussi assurée par notre flotte de frégates de surveillance, qui compte six bâtiments, et par nos dix-sept frégates de premier rang. Tout cela constitue une flotte de présence tout de même très significative.

M. le président. La parole est à M. Damien Meslot.

M. Damien Meslot. Ma question porte sur le dysfonctionnement du logiciel de paie Louvois. Depuis dix-neuf mois, ce logiciel est victime de bugs informatiques à répétition qui créent d’importantes difficultés financières pour de nombreuses familles de militaires. Certains militaires ne perçoivent plus le moindre euro de solde, d’autres reçoivent une paie extraordinaire – plus de 130 millions d’euros ont été versés en trop. Cela a profondément affecté le moral des soldats et de leurs familles. Faute de paie, les familles de militaires ont multiplié les impayés de loyers, ce qui les a placées dans des situations difficiles. De nombreux couples ont connu des découverts bancaires et ont dû payer des agios que les banques refusent de négocier. Enfin, de nombreux militaires ont dû faire face à une menace de recouvrement d’impôts par les services fiscaux.

Les dérapages du logiciel Louvois concernent les effectifs de l’armée de terre, de l’armée de l’air et de la marine ainsi que ceux du service de santé des armées, soit potentiellement 160 000 personnes. Au total, le logiciel aurait causé 35 millions d’euros de moins-perçu, auxquels s’ajouteraient 117 millions d’euros dus à des dysfonctionnements antérieurs à sa mise en place et 130 millions d’euros de trop-perçu. Ce qui me choque le plus, c’est l’impunité générale. Il ne s’agit pas de chercher des boucs émissaires, mais de désigner clairement les responsables, car ce qui n’était qu’un échec est devenu un scandale.

M. Eduardo Rihan Cypel. Les responsables, c’est vous !

M. Yves Fromion. Comme c’est intelligent !

M. Damien Meslot. Ne soyez pas si impatients, chers collègues socialistes, vous verrez que je n’attribue en aucun cas la responsabilité dudit scandale à M. le ministre. Si vous avez la sagesse et l’intelligence d’attendre un peu, vous verrez que ce qui figurait déjà dans mon rapport n’incrimine en aucun cas M. le ministre.

M. Eduardo Rihan Cypel. La réponse, vous la connaissez !

M. Damien Meslot. Des gens n’ont pas pris les mesures nécessaires au bon moment, aucune correction n’a été effectuée et le logiciel Louvois a été lancé sans filet de protection ni plan B en cas d’échec. Vous n’êtes pas personnellement responsable de ces dérives, monsieur le ministre. Je souhaiterais néanmoins savoir si le ministère de la défense compte compenser les agios bancaires que certains de nos militaires ont dû payer…

M. le président. Merci, mon cher collègue.

M. Damien Meslot. J’ai été interrompu, monsieur le président.

…et intervenir auprès des banques pour résoudre la situation des militaires en difficulté. Comptez-vous remplacer ce logiciel défectueux ? Enfin, pouvez-vous chiffrer le coût total des dysfonctionnements pour nos armées ?

M. le président. Je vous rappelle que chaque intervenant a deux minutes pour poser sa question.

M. Damien Meslot. J’ai été interrompu par un collègue socialiste !

M. le président. Vous n’étiez pas obligé de lui répondre.

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Si on me lance sur Louvois, je peux tenir facilement plus de deux heures. (Sourires.) Je m’efforcerai néanmoins d’être bref. Vous avez parlé de désastre et de scandale, monsieur le député : j’approuve. J’ai été confronté à la difficulté il y a un an, pas davantage. J’ai alors mesuré l’ampleur des dégâts qui sont en effet inacceptables et dont vous avez fait la description, ainsi que moi-même à plusieurs reprises lors de mes auditions devant votre commission. J’ai immédiatement mis en place des dispositifs visant à remédier aux lacunes les plus évidentes et à leurs conséquences les plus graves sur l’ensemble des personnels militaires. J’ai ainsi immédiatement fait arrêter le logiciel dans l’armée de l’air, car il fallait endiguer le désastre le plus rapidement possible. Je souhaite qu’aucun militaire ne soit victime de ces inconséquences, en aucune manière. C’est une nécessité pour la République.

À chacun de mes déplacements dans les unités, je demande que l’on me fasse un point sur Louvois et je présente les excuses de la République aux militaires. Ils sont victimes d’inconséquences décisionnelles ou opérationnelles et d’un dispositif mal adapté, mal préparé et mis en œuvre avant même l’arrêt du précédent. On a donc arrêté l’ancien tout en mettant en place le nouveau, ce qui était quand même très difficile. Cette période s’achève et nous poursuivrons l’accompagnement des militaires. Les chefs de corps ont reçu les moyens financiers pour remédier aux situations d’urgence et je constate qu’ils les utilisent.

Je souhaite qu’aucun personnel militaire ne soit victime, disais-je, y compris fiscalement ; nous avons donné des consignes très précises aux services fiscaux à cet égard. Il s’agit à présent de déterminer ce que nous allons faire. Dans un mois, après analyse et expertise à l’intérieur et à l’extérieur du ministère de la défense, je prendrai des décisions : il faudra alors ou bien réparer le logiciel, si c’est possible, ou bien se lancer dans un nouveau système. Dans ce dernier cas, nous prendrons le temps de la mise en œuvre afin d’obtenir un dispositif sérieux, à même d’éviter les graves dysfonctionnements que vous avez évoqués.

M. le président. La parole est à M. Charles de La Verpillière.

M. Charles de La Verpillière. Monsieur le ministre, le budget de la défense pour 2014 est la troisième étape de l’affaiblissement des armées françaises entamé après l’élection de M. Hollande.

M. Daniel Boisserie. Avant !

M. Charles de La Verpillière. La première fut le Livre blanc de la défense, dans lequel le Président de la République a renoncé à l’ambition militaire censée être celle d’un grand pays, membre permanent du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies.

M. Jean Launay, rapporteur spécial. Tout en nuances ! On voit que vous ne l’avez pas lu !

M. Eduardo Rihan Cypel. On peut vous en prêter un exemplaire !

M. Charles de La Verpillière. La deuxième fut la loi de programmation militaire, qui reporte aux calendes grecques les grands projets d’armement et sacrifie notre industrie de défense. Enfin, le budget de 2014 constitue le passage aux travaux pratiques. En effet, 7 881 emplois civils et militaires seront supprimés l’année prochaine. Il s’agit d’une véritable saignée, qui est très mal vécue par les personnels civils et militaires de la défense.

Afin de relayer leurs inquiétudes, je voudrais vous poser deux questions. Premièrement, pourquoi revient-il à la défense de financer les promesses du candidat Hollande, comme la création de 60 000 postes dans l’éducation nationale, sans oublier les dizaines de milliers de contrats aidés que le Gouvernement crée ou prolonge dans une tentative désespérée de cacher la hausse du chômage ?

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis. Vous radotez ! Ce que vous dites est scandaleux !

M. Charles de La Verpillière. Deuxièmement, pourquoi annoncez-vous au compte-gouttes les fermetures de bases que la réduction des effectifs entraînera forcément ? Les Français ont le sentiment que vous reportez au lendemain des élections municipales l’annonce des mauvaises nouvelles qui bouleverseront la vie des familles et affaibliront nos territoires.

M. Yves Fromion. C’est vrai !

M. Charles de La Verpillière. Monsieur le ministre, le Président de la République avait promis que nos armées ne seraient pas la variable d’ajustement de sa politique budgétaire. Nos concitoyens savent désormais qu’il s’agit là d’une nouvelle promesse non tenue. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il est dommage que je n’aie pas eu l’occasion de débattre avec vous dans le cadre de la commission élargie qui s’est tenue la semaine dernière : sans doute aurais-je disposé de plus de temps pour vous donner toutes les explications qui me paraissent nécessaires. Sans vouloir me livrer à la polémique – ce n’est pas mon habitude –, il me paraît cependant utile de faire un rappel objectif : les 7 881 emplois déflatés en 2014 ne sont que la conséquence de la précédente loi de programmation militaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Alain Marty. C’est vrai !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Par ailleurs, l’engagement du Président de la République de sanctuariser le budget de la défense est tenu, puisque le budget dont nous discutons aujourd’hui, s’élevant à 31,4 milliards d’euros, est au même niveau que les budgets des deux années précédentes. De ce point de vue, même si le montant des crédits ne correspond pas forcément à ce que vous souhaitiez, vous devez admettre que l’effort de défense s’inscrit dans la continuité – ce que vous pourrez constater au cours de l’application de l’ensemble de la loi de programmation militaire.

Nous avons conservé l’ensemble des programmes majeurs initiés antérieurement, en y ajoutant de quoi combler nos lacunes capacitaires constatées. De ce fait, il faut intégrer à l’enveloppe de 31,4 milliards d’euros, en plus des programmes antérieurs, les ravitailleurs, le satellite CERES ainsi que les drones – au sujet desquels l’absence de décision se faisait sentir depuis un certain temps.

Je suis tout à fait disposé à vous donner des explications détaillées en particulier, monsieur le député, afin de vous convaincre du fait qu’en 2019, lorsque nous atteindrons le terme de la loi de programmation militaire, l’armée française sera la première armée d’Europe, y compris en termes d’effectifs. Nombre de nos voisins européens considèrent en effet le budget de la défense comme une variable d’ajustement, ce qui n’est pas le cas chez nous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Yves Fromion. C’est une médiocre considération !

M. le président. La parole est à M. Yves Foulon.

M. Yves Foulon. Monsieur le ministre, les budgets, tels qu’ils nous sont proposés, intègrent dans leurs calculs des recettes exceptionnelles, issus en grande partie de la vente d’équipements ou d’emprises foncières militaires – par nature hypothétiques. Le maintien de ces crédits étant directement tributaire des recettes exceptionnelles, on peut craindre qu’ils ne soient pas au rendez-vous, du fait du marasme économique ambiant.

La France compte aujourd’hui trois fois moins de militaires qu’il y a vingt ans. Si nous faisons maintenant des économies sur les équipements, il nous faudra vingt ou trente ans pour rattraper ce retard. D’ici à 2019, les effectifs devraient encore diminuer de 34 000 personnes, ce qui équivaut à la suppression d’environ sept régiments. Alors que, nous le savons tous, le nombre d’opérations extérieures se multiplie – après l’Afghanistan, la Libye et le Mali, nous serons bientôt engagés en Centrafrique –, nous assistons, dans le même temps, à une réduction des effectifs et des moyens. Au rythme actuel, la France risque de ne plus pouvoir mener d’opérations extérieures, alors que la menace – en particulier extrémiste – se fait de plus en plus forte, notamment sur le continent africain. L’autonomie de notre pays, ainsi que sa position géostratégique, vont ainsi se réduire comme peau de chagrin.

La sanctuarisation du budget en pourcentage du PIB est un leurre, car le pays est, au mieux, en stagnation. Dans ces conditions, monsieur le ministre, comment pensez-vous maintenir la puissance française ? Aurons-nous encore les moyens d’intervenir sur la scène internationale ? Aurons-nous encore la capacité d’assurer la sécurité de nos concitoyens ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je vais poursuivre l’explication que j’ai commencée lors ma précédente réponse en vous disant, monsieur le député, qu’à la fin de l’exercice de la loi de programmation militaire, la France, avec 187 000 militaires et 55 000 civils, sera le premier pays d’Europe sur le plan militaire, y compris en termes d’effectifs. En effet, à la même époque, on comptera 185 000 militaires allemands et 160 000 militaires britanniques – et, en ce qui concerne la France, je ne compte même pas les effectifs de la gendarmerie.

Pour ce qui est des ressources exceptionnelles, j’ai déjà dit à plusieurs reprises que les inquiétudes exprimées au sujet de l’année 2013 se sont révélées infondées, tout comme le seront les inquiétudes pour 2014, comme chacun peut d’ores et déjà le constater au vu de ce budget. Je suis convaincu que le budget de la défense se maintiendra et que l’enveloppe budgétaire de la loi de programmation militaire que vous aurez à examiner prochainement nous permettra d’honorer les engagements pris.

Par ailleurs, quand vous vous interrogez sur la capacité de nos forces à assumer telle ou telle mission, je crois que vous faites preuve d’imagination, et que vous êtes un peu négatif ! En fait, avec 66 000 militaires de l’armée de terre projetables en 2019, nous avons de quoi faire ! J’ajoute que le projet de loi de programmation militaire prévoit la capacité de mener, dans le cadre d’une gestion rapide de crise, trois opérations simultanées sur des théâtres extérieurs différents, par la mise en œuvre d’un contrat opérationnel validé par le chef d’état-major de l’armée de terre, de la marine ou de l’armée de l’air. Je ne partage donc absolument pas votre pessimisme et votre vision négative du budget de la défense, monsieur le député. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Tout à l’heure, en une intervention incisive, Mme la présidente de la commission de la défense a dit que le ministre de la défense avait défendu son budget. Certes, il l’a défendu, mais contre qui, si ce n’est contre son propre gouvernement et sa propre majorité ? Si le ministre est convaincu que la défense nationale est une priorité, il n’en est pas de même pour nombre de membres de la majorité. J’en donnerai un exemple très simple : alors que le Gouvernement et la majorité décident de créer, à prix d’or, 200 000 emplois d’avenir destinés à aider à l’intégration et à la formation d’un certain nombre de publics (« Et alors ? Tant mieux ! » sur les bancs du groupe SRC)…

M. Eduardo Rihan Cypel. Allez dire aux jeunes au chômage que vous vous en plaignez !

M. Jacques Lamblin. …ils décident, dans le même temps, de supprimer prochainement 20 000 à 25 000 postes de militaires du rang. Pourtant, la défense nationale est reconnue pour son efficacité en matière de formation, d’intégration, d’assimilation et d’éducation. Pour ma part, je vois là une certaine incohérence. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur pour avis. Vous, vous êtes plus cohérents : vous supprimez les deux !

M. Jacques Lamblin. Dans ce contexte, que fait le ministre du budget – peut-être le ministre le plus dangereux pour la défense nationale ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Selon une logique implacable, il prend l’argent là où sa majorité le ressent le moins douloureusement et là où les victimes protestent le moins, c’est-à-dire au budget de la défense nationale !

À force de réserves de précaution, de gels et de surgels, le budget 2013 se voit amputé de 5 % de ses crédits, évanouis dans la nature. Le budget est une chose, la loi de règlement en est une autre – et c’est celle qui compte. La loi de règlement pour 2013 va-t-elle montrer une exécution de 100 % du budget de la défense, ou seulement de 95 % ? C’est, à mes yeux, la question essentielle – qui se posera d’ailleurs dans les mêmes termes pour le budget de 2014.

M. Yves Fromion. Bonne question !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jacques Lamblin. Vous pourriez retourner la question que je viens de vous poser à votre collègue chargé du budget, monsieur le ministre !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je ne vais certainement pas m’en prendre à M. le ministre du budget…

M. Yves Fromion. C’est dommage !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. …à qui me lient des relations extrêmement amicales, qui ne m’obligent jamais à recourir à l’emploi de matériel militaire quand je discute avec lui, bien au contraire – il est d’ailleurs toujours préférable d’avoir de bonnes relations avec le ministre chargé du budget, chacun en conviendra. (Sourires.)

M. Alain Marty. Oui, cela vaut mieux !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Vous avez en fait une vision erronée des choses, monsieur le député. Comment sanctuarise-t-on un budget de la défense ? Tout simplement en indiquant le montant que l’on estime correspondre à des besoins capacitaires et opérationnels. La question est celle de savoir, non pas si l’on prévoit plus ou moins de postes, mais si l’on dispose d’une masse financière suffisante pour remplir les missions que le Président de la République a souhaité assigner à la défense nationale. J’estime qu’avec un montant de 190 milliards d’euros sur la période de la loi de programmation militaire, nous sommes en mesure de répondre au contrat opérationnel conclu avec nos armées.

À partir de ce montant, nous déclinons nos besoins : d’une part, ceux qui étaient engagés, d’autre part, ceux qui étaient insuffisamment gagés ou avaient été sous-estimés – je pense en particulier à la préparation opérationnelle, qui a souvent servi de variable d’ajustement au sein du budget des armées, mais aussi à la nécessité de renforcer les commandes industrielles, qui implique de prévoir l’avenir en réservant des crédits pour la recherche et l’innovation. En plus de tout cela, il faut évidemment acheter des MRTT et des drones, et ce n’est qu’une fois toutes ces opérations effectuées que l’on se trouve placé face à la nécessité de procéder à une déflation d’effectifs. Ladite déflation n’a d’ailleurs pas à être comparée aux mesures prises au sujet des contrats d’avenir ou des emplois de l’éducation nationale : elle n’a vocation à être appréciée qu’au regard des missions que nous assignons à notre défense et de sa capacité à répondre aux trois missions fondamentales que sont la dissuasion, la capacité de projection et la protection du territoire – trois missions auxquelles ce budget et la loi de programmation militaire répondent parfaitement.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Je veux remercier M. Lamblin pour sa question extrêmement nuancée et amicale, qui a le mérite de me donner le sentiment que je ne suis pas venu pour rien ! (Sourires.) Je confirme ce qu’a dit M. Le Drian, à savoir le fait que nous sommes, l’un et l’autre, attachés à ce que le budget de la défense puisse disposer des moyens de l’exécution de la loi de programmation militaire dans des conditions permettant au Parlement d’exercer ses pouvoirs de contrôle et au Gouvernement d’honorer les engagements qu’il a pris en termes d’équipements et de projection de nos forces.

Pour des raisons tenant à nos excellentes relations personnelles, mais aussi et surtout pour respecter les instructions très fermes ayant été données par le Président de la République, chef des armées, Jean-Yves Le Drian et moi-même travaillons en parfaite harmonie pour atteindre ce but. Nous avons conscience, l’un comme l’autre, de la situation dans laquelle se trouve le budget de la défense depuis plusieurs années. François Cornut-Gentille sait à quoi je fais allusion, puisque, durant la précédente législature, nous avons tous deux été rapporteurs pour le suivi de la réforme du ministère de la défense.

Lorsqu’on évoque les recettes exceptionnelles et le Programme d’investissements d’avenir – le PIA –, je me souviens d’une époque où la commission de la défense examinait les recettes exceptionnelles reprogrammées d’année en année, au point qu’il nous arrivait de dire qu’elles portaient bien leur nom ! Je me souviens également d’une époque où les déflations d’effectifs, les investissements sur un certain nombre d’infrastructures et les économies attendues de la révision générale des politiques publiques ne dégageaient pas la totalité des ressources attendues pour procéder aux investissements nécessaires dans l’équipement de nos forces. Enfin, je me souviens d’engagements pris, mais non tenus – je pense à l’augmentation de 1 %, à compter de 2012, des crédits d’équipements du ministère de la défense, qui devaient conforter les crédits d’équipements précédents.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial. Très bon rappel !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Soyez assurés que Jean-Yves Le Drian et moi-même n’avons nullement l’intention de voir se reproduire des choses semblables à celles que je viens d’évoquer. C’est pourquoi, à la fois pour ce qui concerne la fin de gestion et la suite, dans le respect très rigoureux des équilibres budgétaires auxquels nous devons nous conformer, nous travaillons ensemble pour que la défense dispose des moyens dont elle a besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions.

Mission « Défense » (état B)

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Défense », inscrits à l’état B.

La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement n138.

M. Denis Baupin. Avec votre permission, je soutiendrai conjointement les amendements nos 138 et 137, monsieur le président.

M. le président. Je vous en prie, cher collègue.

M. Denis Baupin. Les amendements nos 138 et 137 s’inscrivent dans le débat stratégique que François de Rugy a tenté d’engager tout à l’heure, un débat qui se pose au niveau national comme au niveau international.

Il se pose au niveau national, d’abord, parce qu’il a été lancé par un certain nombre de personnalités qui ont pris position au cours des derniers mois. Il s’agit d’anciens Premiers ministres, tels Michel Rocard et Alain Juppé, d’anciens ministres de la défense, tel Paul Quilès, ou encore de généraux, tels le général Norlain ou le général Desportes, qui s’interrogent tous sur la pertinence, à l’heure actuelle, de consacrer autant d’argent à la dissuasion nucléaire. Il est vrai que, lorsqu’on se penche sur les différents conflits dans lesquels la France est engagée – je rappelle que notre groupe n’a pas ménagé son soutien à l’engagement de la France au Mali ou en Syrie –, on constate que la composante nucléaire n’est d’aucune utilité à notre pays ; en revanche, elle nous prive de capacités d’intervention dans des opérations unilatérales ou multilatérales où notre engagement serait utile.

La question se pose également au niveau multilatéral. La France s’est engagée, aux termes de l’article 6 du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, à agir pour le désarmement nucléaire multilatéral. D’ores et déjà, 146 États se sont déclarés favorables à un projet de convention pour l’élimination des armes atomiques. Plusieurs grandes puissances, dont les États-Unis, ont pris des initiatives visant à engager des discussions au niveau international en vue de la suppression des armes de destruction massive. Je souligne d’ailleurs que nous nous sommes tous félicités, dernièrement, que des initiatives aient été prises au sujet d’autres armes de destruction massive, à savoir les armes chimiques – lesdites initiatives ayant même été saluées par le prix Nobel de la paix. Or, les armes chimiques sont souvent considérées comme le nucléaire du pauvre.

Pour être crédible, un pays comme le nôtre, qui veut, à juste titre, la suppression des armes de destruction massive et qui souhaite empêcher certains États – je pense, par exemple, à l’Iran ou à la Corée du Nord – de posséder l’arme nucléaire, doit au minimum respecter la parole qu’il a donnée dans le cadre du TNP et donc agir pour le désarmement nucléaire multilatéral. L’amendement n138 est donc un amendement d’appel.

Quant à l’amendement n137, il est de repli puisqu’il concerne seulement la composante aéroportée, laquelle ne représente que 15 % des actions relatives à la dissuasion nucléaire, l’essentiel relevant de la dissuasion sous-marine.

Par ces deux amendements, le groupe écologiste veut ouvrir le débat. On pourrait ainsi aboutir à des économies substantielles susceptibles d’être affectées à d’autres opérations ou à la prévention des conflits, voire à d’autres missions. Le ministre du budget ayant quelque souci pour boucler le budget général, notre initiative pourrait l’aider.

M. le président. La parole est à M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial, pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 138 et 137.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial. La commission n’a pas été saisie de ces amendements ; je donnerai un avis à titre personnel, les crédits dont je suis rapporteur spécial incluant la dissuasion. Nous avons déjà eu ce débat avec M. Baupin l’année dernière ; peut-être, à force d’en discuter, parviendrons-nous à le convaincre et l’amènerons-nous à évoluer.

Dans les partis de gouvernement, le consensus est déjà ancien sur la dissuasion. Ce consensus n’est pas né, contrairement à ce que pense M. Baupin, de l’absence de débats, d’un silence généralisé, mais d’une analyse de la situation du monde. Il y a trois faits majeurs. Tout d’abord, le rôle des puissances atomiques dans les années qui viennent n’est sans doute pas appelé à diminuer – même si on peut le déplorer –, y compris dans des pays émergents. Dès lors, s’engager dans une procédure de désarmement dans ce contexte serait peut-être sympathique mais peu réaliste.

Ensuite, je rappelle que la doctrine française est celle de la stricte suffisance. Avant que la France ne désarme, il faut déjà que certains pays s’y soient engagés fortement. Je crois que c’est un concept absolument essentiel. J’ajoute que le nucléaire dans notre pays n’a pas seulement une dimension militaire, c’est un moteur formidable en matière d’innovation technologique et un moteur très puissant pour notre industrie.

Enfin, nous sommes tous attachés, y compris le parti écologiste, à une certaine diplomatie française. Je ne pense pas que ce soit notre puissance économique qui nous donne cette capacité à être entendu dans le monde au-delà de la réalité française en tant que telle : c’est le fait nucléaire qui fait porter plus loin notre voix.

Par ailleurs, M. Baupin a évoqué Alain Juppé, mais pour en avoir rediscuté avec lui, je pense qu’il a évolué sur la question et qu’il regrette un peu l’article qu’il a commis il y a quelque temps.

S’agissant de la composante nucléaire, deux remarques : premièrement, elle ne coûte pas très cher ; deuxièmement, la dissuasion est un concept global qui rassemble dimensions nucléaire et stratégique. L’avis est donc défavorable.

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Je n’ai rien à ajouter à ce que vient de dire le rapporteur spécial. Rejet.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Ces amendements n’ont pas été présentés devant la commission de la défense, mais j’émettrai bien sûr, comme mon collègue de la commission des finances, un avis défavorable. La France est un pays exemplaire s’agissant de l’application du TNP. Il est important de le rappeler. À certains commentateurs, cercles de réflexion, voire à d’anciens généraux, qui pensent que si cette ligne budgétaire était supprimée, le budget de la défense s’en porterait mieux, je réponds que c’est une naïveté car bien évidemment, les moyens de financement ainsi dégagés ne reviendraient pas dans le giron de la défense mais seraient tout bonnement supprimés. Par conséquent, opposer forces conventionnelles et force nucléaire est une très mauvaise idée.

M. le président. La parole est à M. Christophe Guilloteau.

M. Christophe Guilloteau. Le rapporteur spécial et la présidente de la commission de la défense ont excellemment analysé ces amendements. Chaque année, le groupe écologiste monte au créneau pour nous expliquer que la France se porterait bien mieux si elle n’avait pas de dissuasion nucléaire. Mais il ne faut pas se raconter d’histoire : la France a un tel rôle dans le monde parce qu’elle en dispose. Si notre pays ne l’avait pas, il n’aurait pas un tel rang militaire. Votre amendement n138, monsieur Baupin, est purement fantaisiste. Quant à votre amendement de repli, même s’il se veut sympathique, il soulève des questions qui ne se posent même pas.

Vous faites référence à certains militaires, ce qu’a relevé Mme la présidente Adam, mais s’ils avaient été de bons militaires, cela se saurait. Je rappelle que ceux dont vous faites mention ont vu leur carrière stoppée, et c’est une très bonne chose.

M. Alain Marty, rapporteur pour avis. Il ne faut pas être agressif, mon cher collègue !

M. Christophe Guilloteau. Ces mentors de la défense se croient autoriser aujourd’hui à donner des leçons de bons sentiments, mais on aurait bien voulu qu’ils le fassent à l’époque. Monsieur Baupin, comme chaque année, sans vouloir voler au secours du Gouvernement, qui est assez grand pour se défendre tout seul, j’affirme que vos amendements ne méritent pas d’être tant défendus.

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. C’est chaque année un plaisir de défendre ces amendements, mon cher collègue (Sourires), comme d’entendre que vous êtes pour la liberté de parole au sein de l’armée et que les généraux auraient dû exprimer leur point de vue contre l’arme atomique lorsqu’ils étaient d’active. Votre souhait pourrait être entendu par les gradés comme une invitation à s’exprimer – cela dit, quand on voit le comportement de certains, on peut se poser des questions.

Monsieur le rapporteur spécial, vous dites que leur position sur la dissuasion nucléaire permettrait de distinguer les partis de gouvernement de ceux qui ne le sont pas, mais vous me semblez diverger des choix du Président de la République et du Premier ministre, qui ont décidé de composer le Gouvernement avec des farfelus comme nous. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Serge Grouard, rapporteur pour avis, , M. Alain Marty et , rapporteur pour avis. C’est en effet leur choix !

M. Denis Baupin. Nous sommes élus par le peuple tout autant que nos collègues. Quand vous dites que l’ensemble des députés ici présents sont attachés à la dissuasion nucléaire, je dois vous rappeler qu’il n’y a pas de députés plus légitimes que les autres, pas de ministres provenant de partis de gouvernement et d’autres non. Il y a donc lieu d’avoir un débat dans lequel on se respecte. Vous parlez de « stricte suffisance », mais l’on entendait les mêmes propos à l’époque du plateau d’Albion, et puis on en a tout de même supprimé la composante nucléaire. De même, supprimer la composante aéroportée ne nous ferait pas passer du jour à la nuit en matière de dissuasion nucléaire.

Enfin, il y a vraiment une divergence importante entre nous sur le fait que le rayonnement de la France serait lié à son arme atomique.

M. Philippe Vitel. Vous ne savez pas ce qu’est le rayonnement !

M. Denis Baupin. Quand nous avons tout à l’heure applaudi debout notre collègue Glavany après son intervention aux questions d’actualité sur les valeurs de la République, que nous défendons, j’ai eu l’impression que le rayonnement de la France repose plus sur un certain nombre de conceptions, de valeurs, que sur l’arme atomique.

M. Serge Grouard, rapporteur pour avis. C’est le même discours pacifiste qu’on entendait dans les années trente !

M. Denis Baupin. Notre capacité à engager des discussions multilatérales, comme le président Barak Obama y a invité, accroîtrait plus qu’il ne le diminuerait le rayonnement de notre pays.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Bien entendu, la question de la dissuasion nucléaire fait l’objet d’un large consensus dans cet hémicycle. Mais je ne crois pas que celle-ci participe d’un quelconque rayonnement de la France, mais de la sécurité du monde et, avant tout, de la sécurité de nos concitoyens.

M. Philippe Vitel. Eh oui !

M. Bruno Le Roux. La différence par rapport à l’année dernière, c’est qu’il y a quelques mois, en Syrie, l’arme de destruction massive du pauvre a été utilisée, et nous nous y sommes opposés. Je ne reviens pas sur le débat à ce sujet, mais l’objectif était bien que les stocks soient détruits et que l’on n’ait pas demain accès à de telles armes. Pour porter la voix de la sécurité du monde, il faut avoir des arguments, l’un des principaux étant l’équilibre sur lequel est fondé le concept de dissuasion à laquelle participe la France. Je ne dirai pas que c’est ce qui lui permet de parler aujourd’hui au monde, mais elle peut s’asseoir autour de la table avec quelques autres pays, non pas pour être ici ou là le gendarme mais pour peser sur la sécurité collective d’un monde aujourd’hui soumis à de multiples attaques. Je considère que le concept de la dissuasion, porté par la France et par d’autres pays, assure une protection sur laquelle, certes, il convient de s’interroger régulièrement, mais vis-à-vis de laquelle notre cohésion ne doit pas faire défaut.

M. Alain Marty, rapporteur pour avis. Bravo !

(Les amendements nos 138 et 137, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 157 rectifié et 116, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement n157 rectifié.

M. Yves Fromion. Cet amendement a trait à une question très importante : celle de la capacité d’entraîner nos soldats. La lecture des indicateurs de performance figurant dans le bleu budgétaire confirme les difficultés existantes. L’indicateur 5.1 « Niveau de réalisation des activités et de l’entraînement », figurant à l’objectif 5 du programme 178, apporte la confirmation d’une réduction dangereuse, et pour tout dire inacceptable, des ratios d’entraînement de nos forces. Les journées d’activité par homme Terre, les heures de vol des pilotes, les jours de mer par bâtiment Marine sont réduits de façon déraisonnable. Je vous concède, messieurs les ministres, que cela ne date pas forcément d’aujourd’hui.

C’est d’autant plus grave que derrière les ratios moyens se dissimulent de très fortes disparités dans l’entraînement de nos soldats. Outre qu’une telle situation fait courir un risque à notre sécurité collective, elle va se révéler profondément démotivante et démobilisatrice pour nos soldats, dont la capacité opérationnelle est directement liée à leur degré d’entraînement et à leur aguerrissement. C’est pourquoi je propose d’abonder d’un milliard d’euros le programme 178 « Préparation et emploi des forces ».

On m’objectera que j’amputerais ainsi les crédits affectés au nucléaire. C’est vrai, mais tout le monde connaît ici la règle du jeu. Chacun connaît la lacune importante qui affecte les crédits dédiés à l’entraînement de nos forces, et j’entends adresser un signal fort au ministre de la défense. Après, libre à lui, s’il préfère transférer ces crédits d’une autre ligne, de choisir celle qui lui semble la plus opportune, mais il va de soi que ce qui se rapporte aux investissements pour l’avenir ayant pour effet d’abonder très largement l’action 01 du programme 402, c’est ici que j’ai porté mon choix. Je sais, monsieur le ministre, que vous allez être sensible à mon amendement et lui donner suite.

M. Philippe Meunier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Yves Foulon, pour soutenir l’amendement n116.

M. Yves Foulon. Mon amendement rejoint celui de mon collègue Fromion. Nous sommes face à une réduction drastique de l’entraînement de nos forces. Sous couvert de différenciation, bon nombre de soldats n’auront donc plus d’entraînement et seule une fraction de nos forces armées conservera une capacité réellement opérationnelle. Cela fait courir un risque à notre sécurité collective et va se révéler démotivant et démobilisateur pour nos soldats, leur capacité opérationnelle étant directement liée à leur degré d’entraînement.

Il s’agit d’abonder significativement le programme 178 par prélèvement sur le programme 402, action 01. Si vous pensez devoir procéder autrement, je m’en remets comme mon collègue à votre sagesse, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, rapporteur spécial, pour donner l’avis de la commission.

M. Jean Launay, rapporteur spécial. Chers collègues, il me faut d’abord rappeler que les OPEX ne sont plus intégrées dans le calcul des journées d’activité, ce qui explique que les objectifs soient en apparence moins élevés pour 2014 dans les documents budgétaires. Les chiffres du bleu budgétaire sont à cet égard trompeurs. J’ai évoqué le changement de la méthode de calcul dans la discussion liminaire.

Dans vos exposés sommaires, vous estimez que sous couvert de différenciation, bon nombre de soldats n’auront plus d’entraînement.

Dois-je vous rappeler que tous les chefs d’état-major que vous citiez ont donné leur accord à la différenciation, un principe réaliste qui permettra à terme de dégager des économies. D’ailleurs, nous appliquons nous-mêmes ce principe à l’Assemblée nationale : les 577 députés que nous sommes n’ont pas besoin d’être tous présents en séance publique – la preuve – à n’importe quel moment et quel que soit le sujet.

M. Yves Fromion. N’importe quoi !

M. Jean Launay, rapporteur spécial. La spécialisation des tâches et donc la création d’une armée de métier portent en elles-mêmes le principe de différenciation.

De plus, c’est le programme 412 que vous souhaitez priver de 80 % de ses crédits, si l’on additionne l’effet de vos différents amendements. Or celui-ci est indispensable pour améliorer les équipements liés à la dissuasion, d’une part, et au prélèvement d’observations spatiales, d’autre part.

M. Yves Fromion. Ce n’est pas la même ligne !

M. Jean Launay, rapporteur spécial. Je vous renvoie au long mais utile débat qui vient d’avoir lieu sur la dissuasion. Avis défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. On demande au Gouvernement de faire preuve de sagesse et c’est bien ce qu’il a fait puisque, depuis de nombreuses années, l’activité opérationnelle est la variable d’ajustement du budget de la défense, vous l’avez reconnu vous-mêmes. Or, dans le budget pour 2014, l’ensemble de l’activité opérationnelle et de l’entretien programmé des matériels qui y est lié va augmenter de 5,5 %. C’est l’une des priorités du projet de loi de programmation militaire. Certes, c’est moins spectaculaire que de passer des commandes spécifiques de matériels de haute tenue technologique, mais l’essentiel est d’avoir des militaires bien entraînés.

Tout au long de l’application de la loi de programmation militaire, les crédits affectés à la préparation opérationnelle seront donc en augmentation sensible. J’ai ainsi inversé la tendance, sans avoir recours à des artifices, des amendements irréalistes. Le programme d’investissement d’avenir ne peut en effet financer que des actions très précises, liées à l’innovation et à l’anticipation de la recherche, et des réalisations qui ne verront le jour que tardivement, ce qui est le cas du nucléaire mais aussi du spatial. Techniquement, ce n’est donc pas possible.

Sur le fond, j’ai inversé une tendance que j’ai constatée en arrivant au Gouvernement. Je demande donc le rejet de ces amendements.

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis. Nous sommes d’accord !

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion.

M. Yves Fromion. Dont acte, monsieur le ministre. Mais quand on côtoie les militaires et que l’on parle avec eux, leurs discours diffèrent largement de vos propos. Lors du débat en commission élargie, j’ai cité le cas de pilotes qui, au bout de six mois dans leur unité, n’ont volé qu’une quinzaine d’heures et ne peuvent pas passer de qualification, tandis que les pilotes plus anciens perdent la leur. Dans certaines unités, pendant six mois, un seul hélicoptère sur sept est en état de voler.

« Je règle ces problèmes », nous dites-vous.

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. C’est vrai !

M. Yves Fromion. Je ne conteste pas les avancées qui figurent dans votre budget, mais elles ne sont pas suffisantes. Vous le savez aussi bien que moi, et nos militaires le savent aussi.

Cet amendement n’est pas dirigé contre vous et votre action. Il dresse le constat d’insuffisances criantes dont vous n’êtes pas responsable mais dont nous avons le devoir de prendre conscience et auquel nous devons apporter une réponse crédible. Mon collègue Foulon et moi-même, nous disons que les moyens que vous avez inscrits ne sont pas à la hauteur de ce que nous pouvons ambitionner.

M. le président. La parole est à M. Yves Foulon.

M. Yves Foulon. Monsieur le ministre, vous considérez qu’abonder le programme 178 serait une bonne chose car le renforcement de l’entraînement de nos forces serait bénéfique pour les soldats et pour la sécurité collective. Si, pour ce faire, nous ne pouvons puiser dans le programme 402, comme vous nous le dites, c’est tout simplement parce que le budget général est insuffisant, de sorte que vous êtes obligé de trouver une solution insatisfaisante pour la nation.

M. Philippe Vitel. Absolument !

(Les amendements nos 157 rectifié et 116, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 154 et 113, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement n154.

M. Yves Fromion. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai également les amendements nos 155 et 156 puisqu’ils ont le même objet, même si leur cible diffère : l’armée de terre pour le premier, la marine et l’armée de l’air pour les suivants.

M. le président. Je vous en prie, monsieur Fromion.

M. Yves Fromion. L’esprit de ces amendements est le même que celui des amendements précédents portant sur l’entraînement des forces. Depuis des années, nous savons que les EAC, c’est-à-dire les équipements d’accompagnement, subissent une sous-dotation budgétaire. Or ces équipements sont indispensables pour mettre du liant dans le fonctionnement de nos forces armées, entre les grands programmes à effet majeur, les équipements lourds, et le quotidien du soldat, le marin ou l’aviateur, sur le terrain. Une foule d’équipements sont indispensables mais qui, ne figurant pas dans les bleus budgétaires, servent trop souvent de variable d’ajustement.

Une fois encore, monsieur le ministre, je sais que vous avez fait un effort. Mais je considère – et les faits me donnent raison – que cet effort n’est pas suffisant pour répondre à la problématique posée. Il est donc du devoir des parlementaires qui sont, comme vous, au contact de nos unités opérationnelles, de souligner cette carence, cette lacune, et de vous demander de faire un effort supplémentaire. Tel est le sens des trois amendements que j’ai déposés. J’espère, monsieur le ministre, que vous allez nous donner une intense satisfaction.

M. le président. La parole est à M. Yves Foulon, pour soutenir l’amendement n113.

M. Yves Foulon. Monsieur le ministre, je rejoins mon collègue Fromion : il faut plus, tout simplement. D’ailleurs, cet amendement est motivé par les auditions successives des chefs d’état-major qui ont clairement mis en avant une réelle sous-dotation budgétaire affectant les équipements d’accompagnement et de cohérence.

Les EAC financent l’acquisition de munitions, d’entraînements ainsi que des matériels concourant directement à l’activité opérationnelle. Nous vous proposons donc d’abonder les crédits inscrits à l’action 2 du programme 178 « Préparation des forces terrestres ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Jean Launay, rapporteur spécial. Chers collègues, nous pouvons partager avec vous le souci de développer l’activité opérationnelle des forces. C’est d’ailleurs la marque de ce projet de loi de finances pour 2014, puisqu’il intègre un effort substantiel en faveur des équipements d’accompagnement et de cohérence du programme 178.

Monsieur Fromion, vos trois amendements traitent de ces fameux EAC : l’amendement n154 pour les forces terrestres, l’amendement n155 pour les forces navales et l’amendement n156 pour les forces aériennes.

Les crédits inscrits dans ce projet de loi de finances pour 2014 sont supérieurs de 15 % à ceux inscrits dans le projet de loi de finances pour 2013. Prenons l’exemple des forces navales : les EAC de la marine sont revalorisées de 45 millions d’euros par rapport à 2013, ce qui représente un effort significatif.

Anticipant un peu sur la discussion du projet de loi de programmation militaire, j’indique que l’entretien programmé du matériel progresse de 5,5 %. Cette priorité à laquelle nous sommes attachés, vous et nous, est donc déjà défendue dans le budget 2014.

J’émets donc un avis défavorable à ces amendements, d’autant qu’ils prévoient des ponctions sur les moyens de la dissuasion dont il vient d’être rappelé qu’elle constituait encore, à la suite du Livre blanc, la pierre angulaire de notre politique de défense.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur Fromion, vous savez la réponse que je vais vous faire. En arrivant, j’ai fait le constat – mais je ne rejette la faute sur personne – que vous avez rappelé : le petit matériel était le parent pauvre du budget, ce qui affecte la capacité d’entraînement et est très déstabilisant pour le moral. J’ai inversé largement la tendance, puisque la hausse est de 18 % par rapport au budget 2013, lui-même en augmentation par rapport au budget, nettement insuffisant, de l’année 2012.

Le fait de défavoriser ces petits matériels était une tendance un peu pérenne du budget de la défense. Il faut y remédier. Je le fais sans ponctionner les crédits affectés au nucléaire. Avis défavorable à ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion.

M. Yves Fromion. Je m’attendais évidemment à cette réponse, encore que j’aurais pu souhaiter une réponse beaucoup plus positive, mais je suis sans illusion.

Nous prenons acte de vos déclarations et nous vous donnons rendez-vous dans un an.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. D’accord !

M. Yves Fromion. Nous verrons alors comment cela se passe dans les unités et comment réagissent les militaires, dont vous dites qu’ils ont de quoi satisfaire leurs besoins opérationnels. Nous pourrons alors en parler très librement et en toute transparence.

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Absolument !

M. le président. La parole est à M. Yves Foulon.

M. Yves Foulon. Monsieur le ministre, nous savons comment cela se passera dans un an puisque nous savons déjà que ces crédits sont insuffisants, en dépit des efforts que vous avez consentis. Vous souhaitez les abonder, mais vous ne le faites pas. Cela démontre, une fois de plus, que le budget global consacré à la défense par le Gouvernement est insuffisant.

M. Philippe Vitel. C’est la vérité !

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le ministre, vous avez raison de dire qu’il faut faire évoluer ces budgets…

M. François André. Et il le fait !

M. Patrick Hetzel. …et vous l’avez déjà fait. Pour notre part, nous considérons qu’en matière de petits équipements, les efforts ne sont pas suffisants. Pour s’en convaincre, il suffit de lire les comptes rendus des auditions des chefs d’état-major des différentes armées. C’est un vrai sujet. Ceux d’entre nous, nombreux, dont les circonscriptions accueillent des régiments ont des échanges avec les colonels concernés, qui leur racontent les difficultés qu’ils rencontrent.

Les 50 millions d’euros de crédits prévus par cet amendement seraient bienvenus si nous ne voulons pas, dans un an, être contraints de dresser un constat d’échec.

(Les amendements nos 154 et 113, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(Les amendements nos 155 et 156, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 153 et 112, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement n153.

M. Yves Fromion. Il s’agit ici d’une question d’une importance considérable. Vous nous avez expliqué, monsieur le ministre, que le projet de loi de programmation militaire n’emportait pas de conséquence en termes de rupture de capacité.

Or, dans le projet de loi de programmation militaire et donc le projet de loi de finances dont nous débattons, vous avez pris la décision d’interrompre toute commande du canon CAESAR dont nous connaissons par ailleurs les immenses qualités. Cette décision a pour effet d’arrêter la ligne de production de la canonnerie de Nexter-Systems, ainsi que cela nous a été confirmé notamment par le délégué général à l’armement et par le chef d’état-major de l’armée de terre. Vous-même n’avez pas contesté cette décision.

Cette décision est très grave, car, vous le savez peut-être encore mieux que moi, en Europe, deux pays seulement disposent de la compétence artillerie gros calibre : la France, avec Nexter-Systems, et l’Allemagne, avec Rheinmettal. Si nous la perdons, nous deviendrons définitivement tributaires d’industriels étrangers, que ce soit pour nos pièces d’artillerie ou pour les canons de nos chars.

Puisque vous avez décidé de ne pas commander d’autres canons pendant l’application la loi de programmation militaire, mon amendement vise à maintenir un flux de commandes de l’ordre de cinq armes par an – ce qui n’est pas considérable –, donc les compétences et la ligne de production de la canonnerie.

C’est aussi extrêmement important du point de vue de l’exportation. Nous avons des prospects importants, solides ou plus incertains : des pays européens – que je ne citerai pas – et l’Inde – que je peux citer parce qu’ils sont plus loin. Si nous envoyons le signal que nous abandonnons la ligne de production de notre artillerie, ce n’est pas encourageant pour les acheteurs potentiels.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, de maintenir un flux de production, faible mais suffisant néanmoins pour que la ligne de fabrication de notre canonnerie soit maintenue et que l’on puisse ultérieurement la relancer si c’est nécessaire, en tout cas permettre l’exportation.

M. le président. La parole est à M. Yves Foulon, pour soutenir l’amendement n112.

M. Yves Foulon. Le CAESAR, on le sait tous, est un équipement de très grande qualité. La DGA a livré le 1erjuillet dernier le premier canon d’artillerie. Depuis lors, il a fait ses preuves, sur tous les théâtres où nos soldats ont été engagés. La dotation actuelle de nos forces est de soixante-dix-sept canons.

La fabrication d’une tranche supplémentaire d’une soixantaine de pièces était prévue sur la période 2014-2019 par la précédente LPM 2009-2013.

M. François André. Il y avait beaucoup de choses prévues !

M. Yves Foulon. Cette perspective ne s’est pas concrétisée dans l’actuel projet de loi, ce qui menace la pérennité de l’activité de l’unité de fabrication d’artillerie de Nexter à Bourges.

La compétence artillerie gros calibre que la France est pratiquement seule, avec l’Allemagne, à détenir en Europe est donc menacée de disparition car elle devient totalement dépendante de l’exportation de ce canon. Une telle perspective apparaît en totale contradiction, monsieur le ministre, avec l’affirmation selon laquelle la LPM 2014-2019 n’entraîne aucune perte de compétence.

C’est pourquoi cet amendement a pour objet l’inscription d’une somme de douze millions d’euros au programme 146 pour permettre la commande de six canons CAESAR.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Launay, rapporteur spécial. Tout d’abord, je ne développe pas les arguments visant à contester le gage choisi pour financer cette modification des crédits.

Sur le fond, effectivement, aucune commande de canon CAESAR n’est prévue dans le projet de loi de programmation militaire. Si ce projet de loi de finances est bien la première déclinaison de la LPM, alors il y a quelque cohérence à ce qu’aucun crédit ne soit affecté à une telle commande, qui n’a pas été jugée stratégique au regard du nouveau modèle d’armée issu des travaux du Livre blanc de 2013. Les choix nécessaires compte tenu de l’état des finances publiques de notre pays nous amènent finalement à émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’ai bien compris que la question posée était plus celle de la pérennité que celle de la capacité de l’artillerie,…

M. Yves Fromion. Nous sommes d’accord !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. …sur laquelle nous avons eu, l’autre jour, une discussion, et nous avons fini, je crois, par être d’accord.

Je suis, pour ma part, très confiant sur la capacité à l’export, qui permettra de garantir la continuité de la production de CAESAR par l’entreprise Nexter. Cependant, comme vous vous interrogez sur ce point, je propose que l’on inscrive cette question à l’ordre du jour de la révision de 2015 si, d’aventure, le plan de charge de Nexter ne lui permettait pas de continuer la ligne CAESAR. Je vous propose de conclure ainsi notre débat.

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale, , des forces armées et plusieurs députés du groupe SRC. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christophe Guilloteau.

M. Christophe Guilloteau. Merci, monsieur le ministre, pour cette avancée. Il s’agit, en effet, de garantir la pérennité de la ligne de production.

Il se trouve que j’ai vu le canon CAESAR à l’œuvre en Afghanistan, au Mali. Nous avons là un outil extraordinaire et, au-delà, un savoir-faire propre à l’usine Nexter de Bourges. Ne perdons pas cette capacité. Je suis convaincu que ce serait aussi une vraie difficulté pour l’export. Même si, aujourd’hui, nous espérons obtenir, avec notre agent sur place, un marché en Inde, quand bien même l’équipement y porte un nom différent, ce désengagement serait redoutable, d’abord, pour l’armée française et, ensuite, pour notre export. Je note l’avancée proposée, monsieur le ministre, et je vous en remercie.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Je veux à mon tour saluer les propos que vous venez de tenir, monsieur le ministre. Vous avez entendu un certain nombre d’arguments. Il est clair que le Gouvernement est très attaché au développement de la compétitivité de notre industrie. Or il est un domaine dans lequel celle-ci n’est pas contestable, c’est le secteur de l’armement. Il est essentiel de faire en sorte que ce fleuron industriel puisse non seulement se maintenir mais se développer dans les années à venir. L’enjeu, pour Nexter, est majeur : assurer le développement dans la durée des lignes de production de CAESAR. C’est pourquoi ces amendements ont tout leur sens.

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier.

M. Philippe Meunier. Monsieur le ministre, vous nous avez trouvés à vos côtés pour défendre la dissuasion nucléaire contre certains collègues de la majorité. Nous vous remercions maintenant de suivre l’amendement de M. Fromion qui vise à assurer la pérennité de la filière de la grosse canonnerie. (Exclamations sur plusieurs bancs.) Cela démontre que nous pouvons parfois nous entendre lorsqu’il s’agit de l’intérêt national.

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion.

M. Yves Fromion. Nous avons bien compris, monsieur le ministre, que vous vous engagiez de façon ferme. Ce qui est important, c’est que vous vous ralliiez non pas à l’amendement n153 tel qu’il est mais à l’esprit de cet amendement. Je suis donc tenté, devant l’assurance que vous nous avez donnée, de le retirer. Vous nous avez effectivement très largement répondu.

Ajoutons, certains ne le savent peut-être pas, qu’il y a un lien extrêmement étroit entre l’arme et la munition lorsqu’il s’agit d’artillerie. Or nous avons la chance, en France, d’avoir avec Nexter à la fois le fabricant du canon et le fabricant de la munition – nous sommes les seuls dans ce cas en Europe, puisque les choses sont différentes en Allemagne. C’est un avantage tellement considérable que cela a permis de fabriquer le CAESAR, une arme aujourd’hui sans équivalent au monde. Il est donc extrêmement important de garder cette compétence canonnerie, très utile pour nos forces.

Compte tenu de l’engagement solennellement pris par le ministre, je retire donc l’amendement n153.

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Très bien !

M. Jean Launay, rapporteur spécial. Attitude constructive !

(L’amendement n153 est retiré.)

M. le président. Retirez-vous l’amendement n112, monsieur Foulon ?

M. Yves Foulon. Oui, monsieur le président, compte tenu de la proposition faite par M. le ministre.

(L’amendement n112 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement n158.

M. Yves Fromion. Je représente l’Assemblée nationale au Conseil supérieur de la réserve, et c’est pour cette raison que j’ai déposé cet amendement avec ma collègue Marianne Dubois, mais je pense, monsieur le président, qu’elle aura des arguments beaucoup plus percutants que les miens pour convaincre le ministre de faire, en faveur de la réserve, un effort supplémentaire, en plus de ce qui est, nous dit-on mais je ne suis pas convaincu, déjà fait.

M. le président. La parole est à Mme Marianne Dubois.

Mme Marianne Dubois. La réserve opérationnelle est en sous-effectif et les réservistes, dans leur ensemble, ne bénéficient pas d’un nombre de jours suffisant pour, d’une part, acquérir ou maintenir leur qualification et, d’autre part, contribuer à un degré suffisant au renforcement de l’armée professionnelle. Le montant des moyens budgétaires affectés à la réserve militaire, qui s’élève aux environs de 70 millions d’euros, est, au mieux stagnant. Avec la déflation de 7 000 militaires que connaissent cette année nos armées, cela impose d’abonder une dotation budgétaire affectée à la réserve opérationnelle.

À cet égard, une progression de cinq millions d’euros par an de la dotation budgétaire affectée à la réserve durant la prochaine LPM 2014-2019, paraît un objectif raisonnable. Ainsi en 2019 cette dotation budgétaire atteindrait-elle cent millions d’euros. Il est donc proposé d’abonder de cinq millions d’euros le programme 178 « Préparation et emploi des forces ». Cela implique un transfert de crédit de cinq millions d’euros du programme 402 « Excellence technologique des industries de défense », action 01, vers le programme 178 « Préparation et emploi des Forces ».

Nos réservistes méritent un effort réellement significatif. Donnons-leur des moyens à la hauteur de leur engagement au service de nos armées et de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christophe Guilloteau. Bravo !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Launay, rapporteur spécial. Chacun de nous a bien conscience de l’importance de la réserve opérationnelle. Je veux juste préciser que, si les crédits stagnent,…

M. Yves Fromion. C’est vrai !

M. Jean Launay, rapporteur spécial. …ce n’est pas au niveau de 70 millions d’euros, c’est au niveau de 78,3 millions d’euros dans le PLF 2014. On peut donc parler d’une quasi-stabilisation des crédits, puisque leur montant était, en 2013, de 80,2 millions d’euros.

Le problème de la réserve opérationnelle, on en a bien conscience, n’est pas seulement budgétaire. C’est un problème global, qui nécessite de se pencher sur les questions d’organisation et de sécurisation des parcours des réservistes, de recrutement. Le ministre nous rappellera quelles déclarations il a pu faire à ce propos.

En l’état, c’est un avis défavorable que j’exprime, mais le ministre va donner sa position au sujet de la réserve opérationnelle.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je comprends l’intention. Cependant, j’ai pris l’engagement, je vous l’ai déjà annoncé en commission, de maintenir les crédits liés à la réserve, de les stabiliser, de les augmenter au fur et à mesure des échéances de la loi de programmation militaire pour enrayer le déclin de ce qui était une variable d’ajustement. Je me suis engagé très solennellement, au Conseil supérieur de la réserve, sur cet objectif, et je crois avoir été entendu et approuvé.

J’appelle donc au rejet de l’amendement d’autant plus qu’il est difficile, techniquement, d’imputer des crédits du nucléaire sur la réserve sans complications épistémologiques majeures. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Ce sujet de la réserve et celui, évoqué tout à l’heure, de l’entraînement et de l’exercice des militaires d’active révèlent un travers général, qui n’est pas propre au ministère de la défense nationale mais que l’on retrouve dans tous les ministères, plus généralement toutes les administrations, quand il s’agit de faire des économies : le premier réflexe, c’est de tirer sur les dépenses de fonctionnement. Non seulement c’est démobilisateur pour les personnels, qui ne peuvent plus s’entraîner, mais il est, j’y insiste, irrationnel de la part des décideurs de prendre des décisions qui aboutissent à ce que les personnels soient payés à attendre au lieu d’être dans l’engagement, au risque de perdre leurs compétences, parce qu’on ne leur donne pas les moyens de travailler. Je le répète : ce travers n’est pas propre à la défense. Il y a sans doute de meilleures solutions pour faire face aux contraintes budgétaires que celle qui consiste, pratiquement toujours, à couper le robinet des dépenses de fonctionnement quotidien.

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion.

M. Yves Fromion. Monsieur le ministre, vous-même et un certain nombre d’entre nous le savent, cela fait des années et des années que nous remettons sur le métier la question de la réserve : on a fait des lois, on les a défaites, puis on en a refait d’autres. Cela fait quinze ans que j’entends parler de cette question !

Tout ce qu’on peut dire, et vous le savez bien, c’est que nos réserves manquent d’argent. Elles ne manquent pas d’enthousiasme – les réservistes sont notamment des gens impliqués – mais, très franchement, elles fonctionnent mal, à cause d’un manque de moyens. Si l’on met de côté la gendarmerie, qui, elle, a une utilisation beaucoup plus effective des réserves – peut-être parce que c’est plus concret –, on constate, notamment dans l’armée de terre, un manque de moyens et de crédits considérable, qui explique en grande partie la désaffection des réservistes pour leur engagement et le fait que les réserves s’étiolent, et ce quel que soit le Gouvernement. Ce n’est pas une attaque contre vous, vous l’avez bien compris : cela relève de notre responsabilité collective. Quoi qu’il en soit, il faut arrêter de se raconter des histoires : ou il y a des moyens, ou il n’y en a pas.

(L’amendement n158 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, rapporteur spécial, pour soutenir l’amendement n132.

M. Jean Launay, rapporteur spécial. Par cet amendement, qui a été examiné en commission élargie la semaine dernière et adopté par les membres présents de la commission des finances, nous voulons attirer l’attention du ministre sur la question du financement des études à l’École polytechnique. Les élèves de celle-ci sont sous statut militaire et bénéficient d’études gratuites, rémunérées même, ainsi que d’une petite aide personnalisée au logement. Ce coût est supporté par la nation et se justifie pleinement si l’on considère que ces élèves pourront fournir des cadres supérieurs, des ingénieurs qualifiés à l’État, notamment aux armées.

Or force est de constater que de moins en moins d’élèves intègrent la fonction publique d’État, en raison notamment de la facilité des conditions de rachat des frais de scolarité offerte aux élèves qui décident de travailler dans le secteur privé.

Ainsi, s’ils choisissent de ne pas intégrer un corps d’État à leur sortie, les élèves peuvent suivre une formation complémentaire dispensée par un organisme agréé par l’école qui les exonère complètement du coût de rachat de la scolarité. Par contre, ceux qui intègrent un corps d’État – soit, d’après les derniers chiffres dont nous disposons, environ un quart des élèves – doivent ensuite travailler dix ans pour l’État ou bien rembourser ce que l’on appelle la « pantoufle », dont le montant est de l’ordre de 50 000 euros.

Nous souhaitons susciter le débat sur cette question, car nous considérons que cette situation est injuste : ceux qui choisissent de travailler pour l’État sont plus lourdement pénalisés que ceux qui choisissent d’emblée de travailler pour le privé !

Nous estimons que les élèves qui se dérobent à l’obligation de servir l’État – qui justifie, à l’origine, les moyens investis pour l’École polytechnique – devraient être soumis au même régime de remboursement de la scolarité que les autres. Tel est le débat que nous avons ouvert en commission élargie avec la complicité active de Mme la présidente de la commission de la défense.

Je sais qu’un certain nombre de préconisations, d’arrêtés, de décrets sont en cours d’étude pour modifier cet état des choses – M. le ministre y reviendra certainement dans sa réponse. Mais nous attirons l’attention de la représentation nationale sur ce point. Nous voulons savoir où en est cette réforme, pour la faire aboutir. En effet, il y a là, à notre sens, un dérèglement notoire.

M. le président. La parole est à M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial. J’ajouterai simplement un mot puisque j’ai cosigné cet amendement avec Jean Launay. Cet amendement a suscité une certaine émotion : nous avons été appelés au téléphone à ce sujet.

Permettez-moi de rappeler dans quel état d’esprit nous l’avons rédigé. Nul ne nie la qualité de l’École polytechnique et l’apport qu’elle représente pour la nation. Soyons clairs sur ce point : il ne s’agit pas de mettre cette école en difficulté. Par ailleurs, nul ne nie la nécessité de redéfinir les conditions du pantouflage. Je crois qu’il y a un accord sur ce point : les conditions actuelles du pantouflage ne sont pas satisfaisantes et il y a lieu de faire évoluer les choses. La Cour des comptes l’a dit, mais pas seulement : tous les gens qui se saisissent de ce sujet en conviennent. Au-delà de la question de la pantoufle, il nous faut mener une réflexion plus large sur l’École polytechnique pour redéfinir ses liens avec la défense nationale – je pense pour ma part que ce lien doit subsister mais qu’il doit être en quelque sorte réinventé – et avec l’industrie – on sait qu’un certain nombre de brillants sujets de cette école se sont plutôt orientés vers la finance que vers l’industrie.

Nous appelons donc à réfléchir à ces questions, sur lesquelles il peut y avoir consensus. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement. J’espère qu’il suscitera un large accord parmi les députés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je comprends parfaitement la préoccupation exprimée par les députés qui ont déposé cet amendement. Elle est d’ailleurs partagée par l’École polytechnique elle-même, qui en a fait état lors de son conseil d’administration du 27 juin. Quant au Gouvernement, il a décidé d’engager une réflexion sur ce sujet, qui doit aboutir dans les semaines ou les mois à venir à une modification du dispositif existant. C’est la raison pour laquelle je vous saurai gré de bien vouloir retirer cet amendement, dans l’attente de l’aboutissement de cette réflexion.

M. le président. La parole est à Mme la Présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Nous avons soutenu cet amendement, car il y a une sorte d’injustice dans le traitement des jeunes formés par les écoles dépendant du ministère de la défense. Je rappelle, par exemple, que les étudiants qui sont formés pour devenir des médecins militaires sont tenus de rembourser leur scolarité – qui représente un montant très important – s’ils ne souhaitent pas continuer dans l’armée, et c’est bien normal. Il en est de même pour les ingénieurs – par exemple, les ingénieurs d’armement – qui sont formés notamment dans les écoles dépendant de la direction générale de l’armement. Il me semble donc légitime que la même règle soit appliquée à l’ensemble de ces étudiants, quelle que soit leur formation. Comme François Cornut-Gentille et Jean Launay l’ont dit, cela ne remet pas en cause l’excellence de cette école, ni son maintien.

Je rappelle également, en tant que présidente de la commission de la défense, que nous allons diminuer de manière importante le nombre d’officiers dans les différentes armes – je pense plus particulièrement à l’armée de terre, dont dépend l’École polytechnique. Or celle-ci compte aujourd’hui à peu près 1 000 officiers qui émargent, et ne seront pas touchés par les diminutions d’effectifs dans cette arme. Cela doit être pris en considération.

J’ai bien pris note de la proposition de M. le ministre, qui a évoqué la possibilité de prendre rapidement des mesures, dans les semaines ou les mois à venir, pour faire évoluer les règles applicables à cette école – car il ne convient peut-être pas de faire évoluer son statut. Je n’ai pas d’avis à donner quant au retrait ou au maintien de cet amendement. Néanmoins, si cet amendement est retiré, nous attendrons ce décret avec une certaine impatience.

M. le président. La parole est à M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial. Je crois qu’il n’y a pas lieu de retirer cet amendement, bien au contraire. Il m’a permis de discuter longuement, ce matin, avec le président de l’École polytechnique, qui a dit très clairement que la réforme de la pantoufle est absolument nécessaire. Il a également fait une déclaration dans Le Figaro qui me paraît aller dans notre sens : « Si cette sortie des députés nous permet d’activer le calendrier, nous applaudissons ».

Le président de l’École polytechnique nous dit que la nouvelle pantoufle est prête, et qu’il attend les décrets nécessaires. Le ministre du budget nous dit que ces décrets seront bientôt pris. Je propose donc de voter cet amendement aujourd’hui, quitte à rétablir en seconde lecture les crédits supprimés si les décrets dont a parlé M. le ministre sont publiés d’ici un mois. Si c’est un peu plus long, nous rétablirons ces crédits dans la loi de finances rectificative.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. D’abord, afin de répondre à la préoccupation que traduit cet amendement, je vous garantis – j’en prends ici l’engagement – que le Gouvernement prendra, dans le courant de l’année 2014, la totalité des dispositions nécessaires à la satisfaction de l’objectif que vous poursuivez.

Ensuite, j’attire votre attention sur le fait que si nous ne procédons pas dans cet ordre, nous priverons l’École polytechnique d’une partie de son budget. Cela risque de la déstabiliser, et ce n’est pas souhaitable. Pour des raisons de pragmatisme, d’efficacité, de cohérence, dès lors que vous avez la garantie que le Gouvernement prendra dans le courant de l’année 2014 des dispositions pour répondre à votre préoccupation, je vous propose – en tout cas, je propose à la majorité d’entre vous – de nous faire confiance.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Je rappelle que cette question n’est pas nouvelle : nous en discutons et nous attendons des propositions à ce sujet depuis 2012. J’ai entendu avec plaisir la réponse de Bernard Cazeneuve à propos du décret qui doit être pris. Je pense néanmoins qu’il faut maintenir cet amendement. Je propose, comme nous l’avons fait au sein de la commission de la défense, de le voter.

M. Yves Fromion. Les députés de la commission de la défense ne sont pas des godillots !

(L’amendement n132 est adopté.)

M. Yves Fromion. Vous connaissez l’adage, monsieur le ministre : Dura lex…

(Les crédits de la mission « Défense », modifiés, sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à la défense.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Lecture définitive du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et du projet de loi organique relatif au procureur de la République financier ;

Commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux relations entre l’administration et les citoyens.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron