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Commission des affaires européennes

mercredi 15 juin 2016

9 h 15

Compte rendu n° 288

Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente, M. Gunther Krichbaum, Président de la commission des affaires européennes du Bundestag, Mme Izabela Kloc, Présidente de la commission des affaires européennes de la Diète de la République de Pologne M. Marek Rocki, Président de la commission des affaires étrangères et européennes du Sénat de la République de Pologne

Réunion conjointe avec les commissions des affaires européennes du Bundestag, de la Diète polonaise et du Sénat polonais (sur les questions migratoires et l’avenir de Schengen, les suites de la COP21, la convergence fiscale et sociale).

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 15 juin 2016

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 9 h 30

Réunion conjointe avec les commissions des affaires européennes du Bundestag, de la Diète polonaise et du Sénat polonais (sur les questions migratoires et l’avenir de Schengen, les suites de la COP21, la convergence fiscale et sociale).

La Présidente Danielle Auroi. Madame la présidente, messieurs les présidents, chers collègues, je suis ravie de vous accueillir à l’Assemblée nationale pour un échange sur trois sujets très importants, après notre rencontre lors de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) à La Haye, et suite à nos échanges d’hier soir. Cette rencontre du Triangle de Weimar, qui rassemble des représentants de trois des États européens les plus importants, nous offre en effet l’occasion d’enrichir nos débats et de renforcer l’Union européenne qui s’interroge sur son avenir, à quelques jours de la tenue au Royaume-Uni d’un référendum à haut risque. Les rencontres multilatérales comme la COSAC, la Conférence budgétaire et le Triangle de Weimar s’ajoutent aux utiles travaux bilatéraux que nous menons régulièrement, par exemple entre l’Assemblée nationale et le Bundestag – car nous sommes toujours plus intelligents à plusieurs.

Les trois thèmes sur lesquels nous allons débattre aujourd’hui sont les suivants : les questions migratoires et l’avenir de Schengen, les suites de la COP21 et, enfin, les convergences fiscales et sociales.

1. La crise migratoire et l’avenir de l’espace Schengen

La Présidente Danielle Auroi. La crise de l’accueil des réfugiés en Europe constitue un sujet majeur pour l’avenir de l’Union européenne qui met en cause ses valeurs et sa raison d’être. En effet, l’Union a d’abord été créée comme un espace de paix et de solidarité – laquelle est mise à l’épreuve par la crise ukrainienne aussi bien que par les drames qui se produisent en Méditerranée suite aux conflits en cours en Irak, en Syrie ou encore en Érythrée.

Le dialogue est plus que jamais nécessaire entre les pays de l’Union qui ont des histoires et des cultures différentes, et parfois des intérêts divergents. Certains pays, comme la France, sont d’anciens pays d’immigration ; d’autres, au contraire, sont traditionnellement des pays d’émigration – c’est le cas de la Pologne. Nos approches en la matière peuvent donc différer, mais nous partageons tous les valeurs communes de l’Union européenne et de la Charte des droits fondamentaux. Nous sommes tous tenus d’agir à l’égard des réfugiés dans le respect des règles internationales, qu’il s’agisse de la Convention de Genève ou des règles édictées par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), même s’il est assez naturel que nous n’ayons pas tous la même approche de l’organisation collective de l’accueil des réfugiés dans l’espace Schengen – lequel, parce qu’il permet la libre circulation des personnes sur l’ensemble du territoire de l’Union, est un formidable progrès.

Comment préserver cet acquis tout en se dotant de mécanismes de contrôle pour sécuriser nos frontières extérieures ? La gestion des frontières extérieures, en effet, est la condition de la paix et de la sécurité intérieure. Certains États ont rétabli les contrôles aux frontières nationales : cela ne donne pas une image positive de l’Union, fondée sur la liberté des échanges entre les peuples. Plus largement, la crise migratoire et les menaces qui pèsent sur l’espace Schengen ont mis en lumière les faiblesses de la gouvernance de l’Union européenne. Cette crise supposait des décisions opérationnelles rapides et un suivi des décisions logistiques telles que la mise en place et le contrôle des hotspots, par exemple. Sans doute l’échec des relocalisations s’explique-t-il en grande partie par l’absence d’une coordination permettant de détecter les points de blocages, qu’il est plus facile de gérer par anticipation qu’a posteriori.

Ne faut-il pas reconnaître que la Commission n’est pas l’instrument de gestion opérationnelle adéquat, et doter certaines agences, comme Frontex ou la future agence de l’asile, d’une plus forte autonomie tout en prévoyant en contrepartie qu’elles fassent l’objet d’un véritable contrôle démocratique ?

L’Europe sera confrontée pendant longtemps à d’importants mouvements de populations sur une longue période. Outre les conflits en cours en Irak et en Syrie s’ouvrira bientôt en Libye un nouveau front particulièrement dangereux pour l’Italie, bien entendu – car elle accueille des réfugiés toujours plus nombreux qui transitent par la Libye dans des conditions épouvantables après avoir traversé le désert, les femmes étant souvent enceintes parce qu’elles ont été violées dans l’intervalle – mais aussi pour les pays voisins, notamment la Tunisie, une jeune démocratie qui tente de résister face aux périls venus de Libye que sont l’islamisme radical et les trafics en tous genres.

Le renforcement de l'aide aux pays d'origine et de la coopération avec les pays de transit est une priorité. Lors de la COSAC, nous avons évoqué un « plan Marshall pour les réfugiés », qui ne peut avoir de sens que si nous donnons aux pays en guerre les moyens de retrouver la paix et à ceux qui sont en grande difficulté économique les moyens de retenir leur population en lui garantissant un niveau de vie digne. Autrement dit, la question des réfugiés est liée à celle de l’aide au développement, comme le soulignent nos amis italiens.

La mise en œuvre de l’accord entre la Turquie et l’Union européenne doit nous inciter à réfléchir à notre politique migratoire à plus long terme. Certes, cet accord a temporairement freiné le flux de migrants venus par les frontières terrestres et par la mer Égée, mais le HCR estime que la Turquie n’est pas un pays tiers sûr – contrairement aux termes du récent passé avec la Turquie.

Permettez-moi donc d’ouvrir le débat par la question suivante : ne serait-il pas opportun de créer des corridors sécurisés pour permettre aux réfugiés authentiques de ne pas risquer leur vie en mer et, dans le même temps, de tarir les activités criminelles des trafiquants d’êtres humains qui, hier, faisaient passer des migrants de la Turquie à la Grèce, et qui se sont depuis reconvertis vers la Libye, où les migrants, après un périple épuisant, traversent une mer plus dangereuse encore ? Ne serait-il pas plus sûr d’ouvrir des couloirs correctement contrôlés que de fermer les frontières ?

Enfin, la Commission européenne a proposé le 4 mai dernier un premier projet de réforme du droit d’asile, qui peut sembler limité alors que la crise de 2015 a montré l’inadaptation de la législation communautaire sur l’asile face à la gravité de la situation migratoire actuelle. Il existe de fortes disparités entre les États membres ; comment faire preuve de davantage de solidarité en la matière ? On ne saurait demander à l’Allemagne d’être la plus accueillante possible, alors que la question des réfugiés nous concerne tous. Au fond, les guerres qui se déroulent actuellement en Syrie et en Irak ont été provoquées en premier lieu par des États occidentaux, même si l’Europe n’est pas la première responsable de cette situation.

Quoi qu’il en soit, la proposition de réforme de la Commission européenne n’est-elle pas trop timide ? Comment faire pour que tout le poids du premier accueil des réfugiés ne pèse pas seulement sur la Grèce, l’Italie ou Malte ? De plus, les demandeurs d’asile ont pour la plupart l’intention de retourner dans leur pays lorsque la guerre y sera terminée ; il faut donc réfléchir à un mécanisme d’accueil provisoire, étant entendu que l’interdépendance de fait de nos pays doit nous inciter à emprunter la voie d’une intégration renforcée et solidaire.

M. Gunther Krichbaum, président de la commission des affaires européennes du Bundestag (interprétation de l’allemand). Je tiens avant tout chose à vous remercier de votre hospitalité, madame la présidente. Cette réunion parlementaire du Triangle de Weimar est très utile, compte tenu de l’importance des questions dont nous allons débattre.

La République fédérale d’Allemagne a accueilli plus d’un million de migrants. Les débats sur cette question ont souvent porté sur les symptômes de ce phénomène davantage que sur ses causes profondes. Or, à mon sens, nous n’avons vu ces deux dernières années que la partie émergée de l’iceberg. Les raisons qui incitent les migrants à quitter leur pays sont multiples : la guerre en Syrie, bien entendu, mais aussi le changement climatique qui, s’il se poursuit, risque de pousser de nombreuses populations à l’exil. Il nous faut donc offrir aux migrants des perspectives à long terme. Quelle est de ce point de vue notre vision de l’Europe actuelle ?

À nos portes se trouve l’Afrique, qui a été beaucoup trop négligée ces dernières années. Trop rares sont les entreprises qui y investissent ; nous devons faire en sorte que les investissements en Afrique augmentent, car c’est ainsi que seront créés les emplois de demain. Or, exercer un emploi, c’est percevoir un salaire et pouvoir nourrir sa famille. Ce sont ces perspectives que nous devons offrir ; pour ce faire, l’Europe doit prendre des mesures incitatives en faveur de l’investissement des entreprises en Afrique. Certes, la chose est plus facile à dire qu’à faire, et nous pourrions en débattre à l’infini.

N’oublions pas, cependant, que des pays comme la Tunisie sont devenus des pays d’accueil pour des migrants africains. Nous devons les aider pour éviter qu’ils ne soient débordés et incapables de proposer assez d’emplois à ces migrants, car cela nourrirait un mouvement migratoire supplémentaire vers l’Europe.

Il va de soi que la fermeture des frontières n’est pas une solution, car on se contenterait ce faisant de ne traiter que les symptômes de la crise. La Grèce ne peut être livrée à elle-même avec ces très nombreux migrants bloqués sur son territoire. Pour éviter la détérioration de la situation en Grèce, nous avons conclu un accord efficace avec la Turquie : en contrepartie de tout renvoi en Turquie d’un migrant entré irrégulièrement en Grèce, l’Europe accueille un réfugié dûment enregistré en Turquie.

En revanche, nous devons lutter avec détermination contre les passeurs et le trafic organisé d’êtres humains. Les réfugiés paient souvent 5 000 à 6 000 euros par personne pour gagner l’Europe.

Nous avons eu en Allemagne un débat assez vif sur la question. Une chose est sûre : nous ne choisissons pas les dirigeants de nos États partenaires et nous devons travailler avec eux, même s’il s’agit de gouvernements comme celui de M. Erdoğan. L’accord avec la Turquie est nécessaire. En dépit de toutes les critiques que l’on peut formuler – en Allemagne par exemple – à l’égard de M. Erdoğan, nous devons penser à long terme, et non à court terme. Il arrivera un jour où M. Erdoğan ne sera plus président de la Turquie, et nous aurons alors encore besoin de ce pays, notamment dans le cadre de l’affrontement régional entre les chiites, emmenés par l’Iran, et les sunnites radicalisés sous l’impulsion de l’Arabie saoudite. Nous autres Européens avons la responsabilité de tout faire pour que le Proche-Orient ne devienne pas en ce début de siècle la poudrière que furent les Balkans au début du siècle précédent. Il faut pour ce faire accomplir mille efforts qu’aucun pays n’est en mesure de consentir seul. L’Allemagne, la France et la Pologne ont toutes trois besoin les unes des autres et de leurs partenaires européens. À l’ère de la mondialisation, aucun pays ne peut résoudre les problèmes actuels à lui seul.

De ce point de vue, la fermeture des frontières n’est pas une solution. Jusqu’à présent, nous avons interprété la mondialisation comme un phénomène essentiellement économique, mais c’est aussi un phénomène politique. Nous ne pouvons pas nous replier sur nous-mêmes en nous contentant d’observer de loin les conflits qui se déroulent à nos portes ; il nous faut désormais nous serrer les coudes. Comme l’a souligné Wolfgang Schäuble, le ministre des finances allemand, nous avons tous besoin de nos partenaires européens pour relever le défi de la mondialisation.

Mme Izabela Kloc, présidente de la commission des affaires européennes de la Diète de la République de Pologne (interprétation du polonais). Nous vous remercions, madame la présidente, d’avoir organisé cette rencontre du Triangle de Weimar, du dynamisme duquel je me félicite car il rassemble trois des grands pays de l’Union européenne auxquels incombent de lourdes responsabilités, y compris sur des questions extérieures à l’Union proprement dite comme la situation en Ukraine ou au Proche-Orient, mais aussi sur le « Brexit ». Je me réjouis que nous ayons déjà pu aborder ensemble un certain nombre de questions entre nous, notamment l’industrie minière en Silésie sur laquelle vous nous avez utilement fait valoir votre point de vue d’écologiste, madame la présidente.

La question des migrations est le principal problème auquel l’Union est aujourd’hui confrontée. Nous ne pouvons certes pas échapper à la mondialisation économique, mais il se produit aussi un phénomène de mondialisation politique et sociale auquel nous devons être attentifs. Ces sujets suscitent de vifs débats en Pologne.

Pour résoudre la crise migratoire, il faut s’attaquer à ses racines, qui sont extra-européennes. Les Européens doivent contribuer à l’achèvement des conflits qui touchent l’Irak, la Syrie, la corne de l’Afrique ou encore la Libye. C’est là une tâche à moyen et long terme ; en attendant, il se présente des problèmes immédiats qui doivent nous inciter à améliorer le contrôle des frontières extérieures de l’Union et la coopération avec les pays tiers, en particulier la Turquie. L’accord que l’Union européenne a conclu avec ce pays est positif, car il a permis de réduire le flux migratoire vers la Grèce.

La Pologne attache une importance particulière au renforcement des frontières extérieures de l’Union. Je tiens à saluer le travail accompli par les garde-frontières polonais, deux cents d’entre eux ayant été envoyés en Grèce, en Serbie et en Macédoine pour contribuer au bon fonctionnement des hotspots ; ces fonctionnaires sont appréciés des populations locales.

Nous sommes plus sceptiques concernant le mécanisme permanent de relocalisation des migrants. En effet, il ne résoudra pas le problème des migrations car il ne s’attaque pas à ses racines. En revanche, il peut lui-même se traduire par une hausse des flux migratoires. La Pologne a peu d’expérience de la coopération en matière migratoire. Nous devons tenir compte de l’opinion publique qui, à l’heure actuelle, n’est pas favorable à un accueil illimité des réfugiés. Nous nous sommes engagés à accueillir cinq mille migrants et le gouvernement de Mme Beata Szydło a pris les mesures nécessaires pour y parvenir, mais ce processus est actuellement bloqué du fait du non-respect de certaines procédures en Italie ; les réfugiés devant être accueillis en Pologne ne sont donc pas encore arrivés dans le pays. Nous sommes cependant prêts à respecter nos engagements et à accueillir le nombre de réfugiés qui a été convenu.

Notons cependant que la plupart des migrants qui entrent dans l’Union européenne cherchent à atteindre un pays en particulier – l’Allemagne ou la France, par exemple. La Pologne les intéresse moins, d’où leur frustration lorsqu’ils apprennent que c’est vers ce pays qu’ils seront dirigés. Il va de soi que le niveau élevé des prestations sociales accordées en Allemagne est plus attirant, les migrants étant persuadés que ce pays est un véritable paradis où ils pourront toucher de l’argent sans même avoir à travailler ; c’est la triste vérité. Sans doute faudrait-il procéder aux ajustements juridiques opportuns pour que les réfugiés prennent davantage conscience que les prestations qui peuvent leur être accordées leur suffiront peut-être à survivre, mais que pour vivre dignement il leur faudra travailler.

Demandons-nous aussi pourquoi les réfugiés fuient vers l’Europe, et non vers l’Arabie saoudite, le Qatar ou les Émirats arabes unis. Pourquoi les États-Unis sont-ils si peu impliqués dans la résolution de cette crise ? Ce sont pourtant eux qui ont en partie provoqué les conflits qui se déroulent au Proche-Orient, surtout pour des questions liées au contrôle des ressources naturelles de la région. Nous sommes naturellement solidaires des populations affectées, mais c’est sur place qu’il faut résoudre le conflit, en coopération étroite avec les États-Unis et la Russie. L’Union européenne doit tout faire pour que ces deux pays contribuent à résoudre la crise.

M. Marek Rocki, président de la commission des affaires étrangères et européennes du Sénat de la République de Pologne (interprétation du polonais). Je vous remercie à mon tour pour votre accueil, madame la présidente. Je crois aussi qu’il nous faut analyser les causes profondes de la crise, qui est liée aux guerres en cours dans plusieurs pays. À cela s’ajoute le fait que l’image que les médias donnent aux populations touchées est celle d’une situation économique prospère dans les pays européens. De plus, le phénomène migratoire a donné lieu à l’apparition de réseaux de trafiquants d’êtres humains. C’est la convergence de ces différents éléments qui est à l’origine des problèmes que connaissent les pays de l’Union européenne, y compris ceux du Triangle de Weimar.

Si le volume des flux est moins important en Pologne que dans d’autres pays, le nombre de demandes d’asile y a tout de même augmenté de 100 % entre avril 2015 et avril 2016. Autrement dit, la Pologne est elle aussi perçue désormais comme un pays prospère. Ainsi, le nombre des demandeurs d’asile provenant du Tadjikistan a été multiplié par sept. C’est donc bien une filière organisée – peut-être même les informations fournies aux demandeurs en question ont-elles été faussées à dessein. Nous constatons aussi une hausse de 50 % des demandes de ressortissants ukrainiens et russes.

La Pologne accorde une importance particulière à l’Ukraine, notamment aux événements de Crimée et du Donbass, qui expliquent pourquoi les Ukrainiens quittent leur pays pour chercher ailleurs une vie meilleure. Plus d’un million d’Ukrainiens travaillent légalement en Pologne, et un million d’autres travailleraient dans l’illégalité. Certes, ils contribuent à la croissance économique de la Pologne, mais ils envoient également de l’argent à leurs familles restées en Ukraine. Il est donc très difficile de faire la part entre les réfugiés qui fuient la guerre et les migrants économiques, dans la mesure où l’Ukraine tout entière se trouve dans une situation économique et sociale difficile. Il est vrai que ce flux migratoire est très différent de celui qui provient du Sud. Les Ukrainiens s’intègrent facilement en Pologne, où ils passent inaperçus.

J’appelle votre attention sur les difficultés économiques que pourrait provoquer le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures de l’espace Schengen. Nous devons explorer toutes les pistes qui nous permettront de préserver la liberté de circulation dans l’Union européenne.

M. Norbert Spinrath, membre de la commission des affaires européennes du Bundestag (interprétation de l’allemand). Ayant travaillé pendant de nombreuses années sur les questions migratoires, je ne peux que partager l’avis de M. Krichbaum : chacun des pays de l’Union européenne est trop petit pour résoudre seul les problèmes auxquels nous sommes confrontés depuis 2015. La situation exige une solution européenne. L’an passé, certains pays ont accueilli des réfugiés fuyant la guerre, d’autres n’ont pas respecté leurs obligations. Je m’étonne que la décision prise à l’automne dernier, à Bruxelles, de créer un mécanisme de répartition n’ait pas été mise en œuvre comme convenu. Cela tient non seulement à des problèmes d’organisation, mais aussi au refus de certains pays d’appliquer la mesure. Je sais que les pays du Triangle de Weimar sont déterminés à honorer leurs obligations, mais nous devons convaincre les autres États membres d’en faire de même, car ce mécanisme permanent de répartition des réfugiés doit être développé.

De façon générale, nous devons instaurer une nouvelle procédure systématique consistant à répartir les compétences et, surtout, les coûts liés aux infrastructures d’accueil doivent être directement imputés au budget général de l’Union. Il en résulterait plusieurs avantages : les normes d’accueil, par exemple – qu’il s’agisse de quotas de réfugiés ou d’accès au marché du travail et à la formation – seraient harmonisées. Les réfugiés ne privilégieraient ainsi plus l’Allemagne sur la Pologne, par exemple, au motif que les prestations sociales y sont plus intéressantes ; le critère retenu serait désormais celui du pouvoir d’achat par rapport au coût de la vie, qui varie selon les pays. Le nombre de migrants demeurant dans les pays auxquels ils ont été affectés augmenterait.

Plusieurs centaines de personnes attendent en ce moment même un bateau pour quitter les côtes libyennes et traverser la mer Méditerranée. Ne nous voilons pas la face : les migrants veulent gagner l’Europe, et nous ne pourrons pas changer cela. Ce phénomène n’en est qu’à ses débuts. C’est pourquoi il nous faut revoir nos méthodes et nos procédures, de sorte que l’Europe prouve qu’elle est capable de ne pas laisser le fardeau reposer sur les épaules de quelques États seulement. L’Allemagne à elle seule ne peut résoudre le problème des réfugiés. Je vous le demande : nous devons aboutir à une solution européenne.

Mme Marietta Karamanli, vice-présidente de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale française. Chers collègues, je suis ravie de vous retrouver tous ici, même si nous ne parviendrons pas à résoudre un problème aussi complexe en une seule réunion. Les parlementaires que nous sommes doivent néanmoins saisir toutes les occasions qui se présentent pour réfléchir aux solutions permettant de faire face à la crise migratoire. Ce n’est pas en en renvoyant la responsabilité à d’autres que nous parviendrons à avancer ensemble. Nous avons chacun dans nos pays des efforts à consentir si nous voulons vraiment être ensemble dans l’Union européenne.

Malgré les critiques, cette Europe a bien avancé et fait de nombreuses propositions, même si elle a tardé à réagir à la question migratoire – je me souviens par exemple que la suppression des moyens de Frontex a été annoncée alors même que la crise migratoire se déclenchait, ce qui a contraint l’Europe à faire marche arrière. Quoi qu’il en soit, elle ne peut agir que lorsque les États lui en donnent la possibilité. Or, je considère qu’aujourd’hui, les États membres et leurs Parlements ne sont pas toujours à la hauteur de la situation du monde. Nous porterions une lourde responsabilité historique de ne pas le remarquer et de tout faire pour évacuer le problème et les solutions qui vont avec.

Ne perdons jamais de vue, madame la présidente, que les personnes qui arrivent en Europe fuient la guerre. Il faut certes des règles et je me félicite de l’adoption du mécanisme de relocalisation et d’installation permanente, mais les résultats montrent que nous n’atteignons pas les objectifs fixés, parce que les États membres ne déploient pas les efforts nécessaires. Deux, trois, cinq pays même ne peuvent à eux seuls absorber ce problème. L’Europe répond toujours présente pour accompagner financièrement les pays, mais ce doit être un effort donnant-donnant.

La question de la coopération a été abordée. Il faut en effet résoudre le problème là où il se trouve. Nous partageons des frontières communes avec le reste du monde ; la petite mer Méditerranée n’arrête pas les flux de réfugiés. Nous devons donc proposer des solutions intégrées chez nous.

Pourquoi les réfugiés ne vont-ils pas ailleurs ? La réponse va de soi : ils viennent en Europe parce que nous vivons en démocratie, parce que nous avons des institutions, parce que nous voulons un mieux-vivre. Ni l’Arabie Saoudite ni d’autres pays non démocratiques n’incarnent le modèle qu’ils recherchent. Faute de nous poser ces questions, nous n’avancerons pas. Nous avons désormais une responsabilité politique et humaine ; en dépit de tous les obstacles qui se dresseront face à nous, nous devons agir, et ce ne sont ni les populismes, ni les nationalismes qui préserveront l’Europe.

M. Lech Kołakowski, vice-président de la commission des affaires européennes de la Diète de la République de Pologne (interprétation du polonais). Je suis ravi, chers collègues, de cette invitation qui nous a été faite de nous rencontrer. En effet, nous devons nous attacher ensemble à résoudre des questions majeures pour tous les citoyens européens. Chacun en convient : le problème des migrants et des réfugiés est l’un des principaux défis que doit relever l’Union européenne, et il faut y apporter une solution globale, plutôt que des mesures ad hoc.

La Diète polonaise est très engagée dans la lutte contre les migrations illégales. Nous en débattons souvent, y compris à la commission des affaires européennes, que je copréside avec Mme Kloc. Les réunions régulières que nous organisons, et auxquelles des membres du Gouvernement et des députés européens sont tenus de participer, attestent de l’implication de notre commission dans le processus décisionnel de l’Union européenne. Sous législature en cours, notre commission a émis des avis positifs sur le système actuel d’accueil des migrants. Nous ne nous sommes pas opposés aux propositions de la Commission européenne visant à augmenter les possibilités d’entrées légales en Europe et à assouplir le mécanisme d’affectation des moyens du programme européen des migrations. Nous avons également émis un avis favorable au projet concernant Frontex et la bonne gestion des frontières extérieures de l’Union.

La dimension de cette crise nous montre cependant qu’il est urgent de mettre un terme aux conflits de Syrie, de Libye et d’Afghanistan, d’où proviennent de nombreux migrants. L’Union européenne doit mieux coopérer avec les pays tiers. De ce point de vue, l’exemple de la coopération avec la Turquie est pertinent : oui, il faut aider ce pays à bien gérer les flux migratoires et à en reprendre le contrôle. C’est un bon compromis. Quant aux relocalisations, elles relèvent de la souveraineté des États membres.

Nous devons aussi agir en amont, en déployant des programmes européens d’aide aux pays en conflit, en Afrique ou au Proche-Orient. Nous devrions aider leurs économies en y investissant sur le marché du travail. Nous ne parviendrons à résoudre le problème des migrations que lorsque nous tiendrons compte de ses causes profondes ; nous ne pouvons nous contenter d’accorder des aides financières, qui ne feront qu’atténuer temporairement la crise. Les États membres de l’Union doivent avoir la possibilité de prendre des décisions souveraines et d’exprimer leurs préférences. La solution apportée à la crise migratoire doit respecter l’identité nationale de chaque État ainsi que les droits de l’homme. Toute mesure contraignante non seulement sera inefficace, mais nuira à l’intégration européenne et suscitera des comportements radicaux à l’égard des étrangers. De ce point de vue, je suis convaincu que notre réunion inspirera les solutions et les mesures qui seront adoptées.

Permettez-moi d’ajouter que le Gouvernement polonais prépare un projet de loi visant à permettre le retour de plus de 10 000 anciens citoyens polonais déportés en Union soviétique, notamment en Sibérie. Il faudra financer leur retour par des moyens supplémentaires. La tâche sera ardue, mais j’espère que nos collègues du Triangle de Weimar comprendront l’importance que revêt pour la Pologne cette question à laquelle l’histoire nous impose de trouver une solution rapide.

Mme Annalena Baerbock, membre de la commission des affaires européennes du Bundestag (interprétation de l’allemand). Je vous remercie à mon tour pour votre accueil, madame la présidente. À mon sens, il est très important que le Triangle de Weimar vive aussi dans le cadre d’échanges parlementaires, et non pas seulement au niveau des pouvoirs exécutifs.

Nous avons déjà abordé les raisons profondes qui expliquent les migrations, mais je pense qu’il ne faut pas trancher trop nettement entre telle et telle option. Nous devons naturellement lutter contre les raisons profondes de ce phénomène mais, s’agissant de guerres et de changements climatiques, seules des solutions à long terme pourront porter leurs fruits. Nous devons tout à la fois agir sur ces raisons profondes et durables et prendre des mesures d’urgence pour remédier à des situations de crise.

La question des valeurs est centrale. Même au sein de l’Union européenne, tous les citoyens ne défendent pas ces valeurs. Or, c’est en tant qu’Union que nous devons répondre à la situation de personnes qui, hors d’Europe, vivent dans des conditions déplorables, et non en tant que pays isolé. Comme l’a dit M. Spinrath, il serait utile de fixer des normes communes ou au moins compatibles et similaires. Il faut prendre les décisions au niveau européen car, si ces décisions sont prises à l’échelon national, il sera difficile de s’appuyer sur des normes comparables. Cela dépend bien entendu de la force économique de chaque pays, et il sera difficile de parvenir à une clé de répartition qui soit juste. J’aimerais savoir quelles sont la position de la Pologne et celle de la France au sujet de l’établissement de telles normes.

Nos collègues polonais ont soulevé la question des réfugiés ukrainiens, sans doute moins connue du grand public. Là encore, il faut éviter d’adopter une position consistant à refuser d’emblée les réfugiés mais plutôt se préoccuper de la question. Ne nous contentons pas de réponses rhétoriques et approfondissons plutôt nos connaissances sur ce véritable problème auquel l’Union est confrontée. De ce point de vue, nous partageons la responsabilité commune de faire valoir notre solidarité.

M. Christophe Caresche, vice-président de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale française. Je suis d’accord avec M. Krichbaum : loin de n’être qu’un problème conjoncturel, la pression migratoire est durable, et c’est aussi de manière durable que l’Europe doit s’organiser face à cette réalité.

D’autre part, il faut protéger les frontières de l’Europe. De ce point de vue, l’Europe a été défaillante s’agissant de Schengen. C’est pourtant une condition impérative pour préserver la libre circulation à l’intérieur de l’Europe, qui est un principe fondamental. Pour ce faire, il faut beaucoup mieux protéger les frontières de l’Europe ; certaines initiatives vont dans le bon sens et il faut absolument les appuyer.

Troisièmement, il faut adopter une politique d’asile et migratoire concertée – sans aller jusqu’à une politique commune, car nous savons tous que ces questions demeurent liées à la souveraineté nationale. Toutefois, nous devons impérativement nous concerter sur les politiques que nous menons en la matière et les mener de manière solidaire. Il faut notamment harmoniser un certain nombre de procédures et réviser les accords de Dublin ; là encore, plusieurs chantiers sont en cours et il faut les achever au plus vite avec une idée simple : l’Europe doit être capable de dire qui elle veut et qui elle ne veut pas accueillir. La solidarité avec les migrants et leur accueil dépendent de notre capacité à maîtriser les flux migratoires. Si nous ne sommes pas en mesure de présenter une garantie sur cette question, alors les peuples européens n’accepteront pas d’accueillir les migrants et je crains que beaucoup ne se réfugient dans une forme de repli que je ne souhaite évidemment pas. Il faut donc montrer que nous sommes capables de maîtriser les flux.

Enfin, comme M. Krichbaum, j’estime qu’il est nécessaire d’entretenir une relation positive avec nos voisins, en particulier la Turquie, mais aussi la Russie – même si je sais que le sujet est sensible. L’Europe a peut-être pris conscience au fil de cette crise migratoire qu’elle a besoin de nouer une relation positive avec ses voisins. De ce point de vue, je n’ai jamais fait partie de ceux qui dénoncent la Turquie et son éventuelle adhésion à l’Union européenne, même s’il est vrai que le régime actuel n’est pas simple et qu’il ne faut pas accepter certaines choses. Nous devons néanmoins consentir cet effort.

M. Szymon Szynkowski vel Sęk, membre de la commission des affaires européennes de la Diète de la République de Pologne (interprétation du polonais). Je suis président de la commission des affaires européennes et membre du groupe d’amitié Pologne-Allemagne de la Diète de Pologne, et je suis à l’origine d’un avis de la Diète sur les questions migratoires qui, en une seule page, aborde quatre points essentiels. Tout d’abord, nous sommes sceptiques à l’égard du mécanisme de relocalisation établi en septembre 2015, même si les décisions prises seront naturellement appliquées à condition que certaines conditions de sécurité soient remplies. Selon nous, ce mécanisme n’est pas le moyen adapté pour résoudre la crise migratoire actuelle.

Ensuite, nous sommes critiques quant à l’avenir de ce mécanisme, qui présente un problème logistique : seuls 160 000 migrants seraient concernés, alors que l’échelle du phénomène est bien plus vaste et que le problème prend sa source hors d’Europe – c’est donc là qu’il devrait être résolu. Dans ces conditions, nous sommes tout à fait opposés à l’établissement de ce nouveau modèle de redistribution des migrants et des réfugiés.

Le troisième point exprime une attente : nous souhaitons que la politique d’accueil des réfugiés en Pologne repose sur des critères très stricts. Voici des années que la Pologne accueille des réfugiés de divers pays, et nous disposons de nos propres mécanismes d’accueil, qui privilégient la protection des groupes les plus défavorisés – familles, femmes accompagnées d’enfants ou encore minorités religieuses. Dans sa résolution, la Diète souhaite que ces critères s’appliquent également au cours de la crise actuelle.

Enfin, nous avons l’obligation morale d’accorder une aide humanitaire aux pays en conflit et à leurs voisins – chacun en conviendra, indépendamment de nos divergences de points de vue sur la crise migratoire. Certes, la solidarité européenne est indispensable, mais il ne faut pas entendre le principe de solidarité comme une obligation faite à chaque État, y compris la Pologne, d’être entièrement d’accord sur les solutions à apporter à la crise migratoire, qui touche davantage les grands États européens. En 2004, lorsque la Pologne a adhéré à l’Union, les conceptions du terme « solidarité » divergeaient également ; le marché du travail allemand a été fermé aux citoyens polonais pendant sept années, et le marché français pendant quatre ans. Ce n’est pas un reproche, mais nous ne nous sommes pas réjouis de cette situation. Ce qui importe, c’est le contexte qui a conduit l’Allemagne et la France à prendre de telles décisions. Il en va de même aujourd’hui : nous devons tenir compte du contexte et de la voix de l’opinion publique polonaise, qui n’accepterait pas que notre politique d’accueil des réfugiés et des migrants soit plus ouverte qu’elle ne l’est déjà.

M. Heinz-Joachim Barchmann, vice-président de la commission des affaires européennes du Bundestag (interprétation de l’allemand). Puisque la mondialisation a été abordée, je dirai que nous avons commis de nombreuses erreurs dans le passé, et qu’il nous reste beaucoup de lacunes à combler. Nous nous sommes attachés à traiter les crises à la source dans les pays de l’Est, mais nous avons négligé l’Afrique. Nombreux sont les migrants provenant d’Afrique occidentale et centrale qui ne fuient pas leurs pays à cause de la guerre, mais pour des raisons économiques. Nous devons nous saisir de cette situation. Contrairement à de précédents intervenants, j’estime que nous ne pouvons pas choisir la provenance des réfugiés que nous accueillons, et accepter ceux-ci plutôt que ceux-là ; les réfugiés vont continuer d’arriver, quoi qu’il arrive. En Libye, par exemple, d’innombrables passeurs et autres trafiquants conduisent les migrants à la mort. C’est une situation catastrophique.

L’Union européenne doit exprimer sa solidarité autrement. Nous avons de nombreuses possibilités d’intervention. Comment renforcer notre politique d’aide au développement sur place ? Comment renforcer la coopération de l’Union avec les pays tiers sans que chacun travaille de son côté ? En travaillant ensemble, nous obtiendrons de meilleurs résultats. Je déplore le manque de coordination entre États membres ; il faut y remédier.

M. Piotr Apel, vice-président de la commission des affaires européennes de la Diète de la République de Pologne (interprétation du polonais). Face aux migrants poussés vers l’Europe en raison des malheurs et de la misère qui s’abat dans leurs pays, l’Europe a une responsabilité colossale. La solution au problème se trouve moins en Europe qu’à l’extérieur de ses frontières : c’est une solution globale qu’il faut trouver avec l’aide des pays tiers. Seule, l’Europe n’a aucune chance d’y parvenir. Regardons les choses telles qu’elles sont : le problème est si vaste qu’il peut causer la perte de notre Europe.

Permettez-moi une question. Dans tous nos pays, l’euroscepticisme et d’autres mouvements radicaux progressent. Nous avons besoin de l’aide des grandes puissances et de nos voisins pour résoudre certains problèmes, dont celui des migrations. Nous avons la responsabilité de rechercher les appuis nécessaires à nos politiques en Arabie Saoudite, par exemple, en utilisant les outils économiques dont nous disposons, mais aussi aux États-Unis et en Russie. Ce n’est qu’ainsi que nous parviendrons à résoudre le problème et à éviter la dislocation de l’Union européenne à cause des partis extrémistes, qui progressent partout, que ce soit en France, en Allemagne ou en Pologne. Cette progression est due à l’irresponsabilité de ceux qui prétendaient que l’Union européenne pourrait à elle seule résoudre tous les problèmes d’envergure mondiale ; au contraire, les problèmes mondiaux exigent des solutions mondiales.

M. Michael Stübgen, membre de la commission des affaires européennes du Bundestag (interprétation de l’allemand). À la mi-mai, la Commission européenne a présenté un projet de nouveau « paquet Migrations » englobant des mesures relatives à l’asile. À ce stade, le flux empruntant la route des Balkans s’est presque complètement tari non seulement en raison de la fermeture des frontières, mais aussi de l’accord conclu entre l’Union européenne – c’est-à-dire les 28 États membres – et la Turquie. Cependant, le droit d’asile européen tel qu’il est formulé dans les accords de Dublin III demeure rudimentaire, chaque pays de premier accueil étant tenu de gérer seul les migrants arrivant sur son sol. Parallèlement, nous sommes confrontés à des flux migratoires dont la pression risque de ne pas décliner pendant plusieurs décennies, et d’autres routes sont désormais ouvertes, comme la route de la Libye à l’Italie. Il est normal que l’Italie se sente esseulée : l’Autriche s’apprête à fermer ses frontières avec elle, et peut-être la France s’y prépare-t-elle aussi. D’autres routes existent : celle qui mène en Pologne via les frontières extérieures de l’Union, par exemple. Or, dans le système actuel, si l’Allemagne fermait sa frontière orientale, cela signifierait que la Pologne devrait seule gérer les flux migratoires venus de l’Est. Nous devons nous saisir de ce problème dès aujourd’hui.

Quel est donc le point de vue de nos collègues français et polonais sur la proposition de « paquet Migrations » de la Commission ? Nous prônons un système dans lequel tout pays accueillant plus d’une fois et demie le nombre prévu de migrants pourra bénéficier d’un mécanisme de répartition du surplus de migrants dans les autres États membres. Nul besoin de se disputer au sujet des sanctions pécuniaires éventuellement prises en cas de non-respect de ces accords : il faudra bien trouver une solution comptable. La future agence européenne de l’asile devra être outillée de telle sorte qu’elle pourra exercer certaines tâches administratives par délégation des pays concernés. Nous devons donc réfléchir à notre position sur ce sujet, faute de quoi le système Schengen et l’Union européenne elle-même s’en trouveront davantage fragilisés.

Je saisis l’occasion pour évoquer devant nos collègues polonais un problème que nous constatons à la frontière germano-polonaise. Des migrants tchétchènes y arrivent sans avoir préalablement été enregistrés en Pologne. J’en déduis qu’il existe des lacunes et une certaine perméabilité des frontières extérieures de l’Union. Qu’en est-il ?

M. Charles de La Verpillière, membre de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale. Je voudrais avant toute chose prier nos collègues allemands et polonais d’excuser le fait que seuls deux députés – Michel Herbillon et moi-même – représentant le groupe Les Républicains, participent à cette réunion. En effet, il se trouve malencontreusement que nous avions organisé une réunion des différents partis européens affiliés au Parti populaire européen (PPE) au même moment.

Permettez-moi de formuler six brèves remarques sur la crise migratoire. Premièrement, la résolution de la crise migratoire reposera certes sur des politiques nationales mais aussi, nous en sommes convaincus, sur une politique européenne.

D’autre part, nous pensons que cette crise migratoire et la réponse que l’Union européenne y apportera constituent un défi, voire un danger, pour la cohésion et même l’existence de l’Union. Nos concitoyens dans toute l’Europe jugeront l’Union européenne à l’aune de sa capacité à apporter une réponse à la crise migratoire. C’est une question de confiance. Nous voyons bien que les citoyens européens doutent actuellement de l’efficacité de l’Union.

Troisièmement, il est nécessaire de renforcer les contrôles aux frontières extérieures de l’Union. Nous sommes obligés de constater que le système de Schengen ne fonctionne pas correctement et qu’il doit absolument être rénové, réformé, voire refondé.

S’agissant de la politique d’asile, ensuite, il faut impérativement harmoniser le traitement des demandes en fixant la liste européenne des pays sûrs, et faire en sorte que les demandes soient traitées le plus vite possible et le plus en amont de l’Europe. En tout état de cause, le mécanisme des hotspots nous paraît bon, même s’il faut le développer et le systématiser.

Cinquièmement, nous savons bien qu’aucune réponse européenne n’est possible sans une entente minimale avec les pays de transit, en particulier la Turquie. Nous répétons cependant que nous sommes défavorables à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne.

Enfin, la question de nos relations avec les États d’origine des migrants est cruciale et appelle des politiques de développement de très long terme, ainsi que des interventions visant à réduire et interrompre les conflits militaires et les guerres civiles, que ce soit au Moyen-Orient ou en Afrique. Nous insistons sur le fait qu’en termes militaires, la France supporte un fardeau très important qui, d’une façon ou d’une autre, devra être partagé.

M. Ryszard Majer, vice-président de la commission des affaires étrangères et européennes du Sénat de la République de Pologne (interprétation du polonais). Je vous remercie, madame la présidente, d’avoir organisé cette réunion, à laquelle je participe en tant que vice-président de la commission des affaires étrangères et européennes du Sénat polonais : j’entends avec grand plaisir les différents orateurs s’exprimer. Permettez-moi d’ajouter au débat un élément polémique : les pays démocratiques – est-il besoin de le rappeler en France ? – ont pour raison d’être la réalisation, entre autres, du principe de solidarité ; je le dis d’autant plus volontiers que je viens d’un pays qui a longtemps été privé de liberté. Or, les électeurs polonais comme les électeurs français ou allemands fonderont leur choix avant toute chose en fonction de la sécurité. Et pour cause : pour que la démocratie puisse fonctionner, elle doit être assise sur le principe de sécurité. Il faut l’intégrer à la réflexion actuelle de l’Europe face à la crise migratoire.

Hélas, les événements de l’année dernière démontrent que les migrations affaiblissent la sécurité des Européens. Le terrorisme progresse dangereusement. Pour la Pologne, il faut résoudre la crise migratoire à sa source, c’est-à-dire hors des frontières européennes. Nous privilégions donc le renforcement de Frontex. D’autre part, je remercie M. Krichbaum d’avoir prôné l’investissement en Afrique, car les Africains scrutent attentivement ce qui se passe en Europe. En Égypte, par exemple, la croissance démographique et l’insécurité économique ne manqueront pas de produire une vague migratoire, comme dans d’autres pays africains. Cette perspective est dangereuse. Nous devons donc coopérer avec ces pays africains.

Le régime démocratique est lié à la culture chrétienne. Mme Karamanli estime que les migrants viennent en Europe parce qu’ils recherchent les valeurs démocratiques ; je pense au contraire qu’ils viennent principalement en raison des possibilités économiques. S’ils ne vont ni au Qatar ni en Arabie Saoudite, c’est parce que les règles auxquelles ils devraient s’y soumettre sont extrêmement strictes, et ils ne pourraient pas compter y percevoir un quelconque avantage économique. Je vous invite donc à conduire une réflexion approfondie sur ce point.

Enfin, je suis conscient du fait qu’il se trouve en Allemagne un grand nombre de migrants économiques et de réfugiés, mais quel est le point de vue des parlementaires allemands sur l’intégration de ces personnes ? Comment se passe leur assimilation une fois qu’ils quittent les centres d’accueil ? Comment s’intègrent-ils dans les institutions démocratiques de l’Allemagne ?

Mme Agnieszka Pomaska, vice-présidente de la commission des affaires européennes de la Diète de la République de Pologne (interprétation du polonais). Permettez-moi, madame la présidente, de présenter le point de vue de la Pologne sur la question des réfugiés, et d’expliquer ce faisant en quoi elle peut se distinguer – ou être jugée différente – des points de vue des autres États membres. Vice-présidente de la commission des affaires européennes de la Diète, je suis aussi membre de la Plateforme citoyenne, qui est le principal parti d’opposition – et qui est représenté à la réunion des partis affiliés au PPE qu’évoquait à l’instant M. de La Verpillière.

Ayons à l’esprit le fait que la question des réfugiés est extrêmement délicate en Pologne. Sur ce point, j’ai le sentiment que les différents partis politiques polonais partagent plus ou moins les mêmes positions : pour nous, la dimension humanitaire du problème est essentielle et la Pologne ne veut pas être perçue comme un pays qui refuse de s’engager en la matière et d’apporter son aide à ceux qui en ont besoin. Songez néanmoins que des élections se sont tenues l’année dernière et que la question des réfugiés, comme dans d’autres pays, a été instrumentalisée à des fins politiques. Je le regrette, parce que cela nuit aux objectifs recherchés. Il me semble cependant que la crise migratoire est la cause principale du regain de sympathie que connaissent les partis nationalistes non pas encore en Pologne, mais dans d’autres pays européens. Or, il va de soi que ces partis ne servent ni la cause européenne, ni le principe de solidarité qui a toujours constitué la force de l’Union européenne.

Nous avons évoqué la question des migrants russes – qui sont en fait tchétchènes – à la frontière entre l’Allemagne et la Pologne : elle est due à la politique de la Russie, qui a intérêt à la déstabilisation de l’Union européenne. En pratique, la Pologne ne rencontre aucune difficulté pour enregistrer les personnes. Il est vrai que le nombre de demandeurs d’asile tchétchènes en Pologne a explosé, mais nous ne disposons d’aucune information concernant d’éventuelles tentatives de traverser clandestinement notre frontière vers l’Allemagne avec la complicité des autorités polonaises. Au contraire, les douaniers polonais ont arrêté cinq Tchétchènes qui, il y a quelques jours, essayaient de franchir cette frontière en toute illégalité. La coopération entre les services polonais et allemands existe, mais il faut vérifier et lever toute incompréhension.

S’agissant de l’Ukraine, enfin, c’est dans des forums comme celui-ci qu’il faut souligner l’importance de la solidarité. Nous savons le prix que la France a payé pour avoir renoncé à la vente des navires Mistral. Nous devons prendre note de tous les efforts qui contribuent à la solidarité européenne. La question ukrainienne n’étant pas fermée, je lance un appel à la solidarité, et la Pologne est prête à en faire preuve. J’insiste toutefois sur le fait qu’il s’agit de sujets particulièrement sensibles dans l’opinion publique polonaise, et il serait préjudiciable à l’Union européenne dans son ensemble de les laisser exploiter à des fins politiciennes.

M. Michel Herbillon, membre de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale française. Étant un vieux routier des réunions du Triangle de Weimar, je suis heureux de saluer nos collègues du Bundestag et du Parlement polonais, tant il y a d’intérêt à confronter nos réflexions, d’autant plus que l’Europe vit une véritable situation de crise. Or, en période de crise, il ne faut pas hésiter à nommer les difficultés avec les mots qui conviennent, plutôt que de se cacher derrière elles.

L’Europe vit donc une véritable crise dont attestent la tentation du Brexit et toutes les conséquences qui pourraient en découler, la crise de l’euro, mais aussi l’incompréhension de plus en plus forte des peuples à l’égard du modèle européen, et son corollaire qu’est la montée des mouvements extrémistes et anti-européens dans tous les pays. La crise des réfugiés ajoute à cette situation une difficulté particulièrement grave, parce qu’outre le fait qu’elle s’ajoute aux crises que j’ai évoquées et à d’autres encore, elle se caractérise par un aspect humain très fort, auquel nous sommes sensibles. On ne saurait en effet promouvoir le modèle européen qui nous rassemble depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale tout en acceptant que des gens meurent aux portes de l’Europe, dans des bateaux en Méditerranée ou dans des camions sur les autoroutes autrichiennes.

Cependant, ces crises doivent être l’occasion de refonder le pacte européen et de transgresser – j’emploie le terme à dessein – un certain nombre de règles dont nous constatons qu’elles ne sont plus pertinentes. N’hésitons pas à dire que le système de Schengen est mort. Il ne faut pas seulement le réformer, mais le refonder totalement, et cette refondation doit être un projet commun et un défi que nous devons relever ensemble.

Il va de soi que la Turquie est un grand pays, avec lequel nous devons absolument entretenir des relations importantes, notamment sur la question des réfugiés. Toutefois, je dirai avec amitié à mes amis allemands que cette relation ne doit pas être le fait d’un seul pays, mais de l’Europe en tant qu’entité institutionnelle. Si la relation qui existe entre Mme Merkel et le président Erdoğan a suscité des incompréhensions, c’est parce que nous avons eu le sentiment que l’Allemagne faisait cavalier seul. Nous ne pouvons accepter un quelconque chantage de la part de la Turquie ; d’autre part, comme l’a indiqué M. de La Verpillière, nous sommes nombreux à ne pas hésiter à affirmer notre opposition à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne.

Puisque nous nous connaissons bien et que nous avons de nombreuses relations mutuelles, je tiens à conclure en disant un mot de la situation particulière dans laquelle se trouve la France s’agissant des réfugiés. Loin de moi l’intention de créer des polémiques ou d’alimenter un quelconque clivage entre droite et gauche ; regardons simplement les choses en face, car cela peut expliquer certaines des positions prises par la France, et la déception que certains d’entre vous ont pu éprouver quant à la manière dont notre pays traite ou non la question des réfugiés. La France se trouve dans une situation particulière parce qu’elle est en crise sur le plan économique et social, mais aussi sur celui de sa relation avec l’Europe, et sur le plan politique – sans les institutions de la Ve République, qui sont toujours une curiosité pour nos amis européens, la France ne pourrait en effet pas résister aux crises qu’elle traverse.

J’ajoute que notre pays, comme nous le rappelle l’actualité, constitue une cible pour les terroristes, parce que nous sommes engagés dans la lutte contre le terrorisme en Afrique et en Syrie – de ce point de vue, nous avons eu le sentiment, disons-le, que la France était quelque peu esseulée en Europe dans la lutte contre le terrorisme, même si certains pays nous ont tardivement rejoints.

Autre particularité, que d’autres pays comme l’Allemagne, hélas, partagent désormais avec nous, même si ce n’est pas dans les mêmes proportions : nous sommes confrontés à la montée croissante et régulière des extrêmes, qui inquiètent ceux qui, comme nous, sont attachés à la démocratie. Vous ne pouvez pas, chers amis, juger de la position de la France sur la question des réfugiés en omettant le fait qu’un parti extrémiste renforce son poids à chaque élection au point d’être devenu lors d’un récent scrutin le premier parti de France. Il faut tenir compte de cette situation de politique intérieure lorsque l’on aborde le problème des réfugiés, sachant en outre que la France compte une forte population immigrée provenant d’Afrique et du Maghreb, ce qui la place dans une situation bien différente de nombreux autres pays européens.

Mme Ursula Groden-Kranich, membre de la commission des affaires européennes du Bundestag (interprétation de l’allemand). Depuis les années 1990, l’Allemagne a beaucoup appris en matière d’intégration et d’immigration. Selon nous, la priorité doit être d’accorder un toit aux personnes qui arrivent sur notre territoire, y compris dans des installations provisoires, et de veiller à ce qu’ils aient de quoi se nourrir. Hier, j’ai été surprise par le nombre de jeunes femmes et d’enfants se trouvant devant des portes cochères dans les rues de Paris ; je me demandais s’il s’agissait de personnes qui fuyaient la pluie ou qui allaient passer la nuit dehors. C’est pourquoi la situation de la France m’intéresse.

En Allemagne, le débat varie selon les partis et selon les niveaux de pouvoir. Dans notre système fédéral, c’est aux communes qu’échoit la responsabilité de l’accueil des réfugiés. Elles doivent leur fournir un toit, de la nourriture et des places dans les écoles, car il est important d’intégrer les jeunes générations sur-le-champ par l’éducation et la formation, en fonction des pays d’origine. Ce sont en effet les plus jeunes qui souffrent le plus de cette situation, à laquelle ils ne peuvent naturellement rien ; ce sont eux qui ont davantage de chances de s’intégrer s’ils apprennent la langue allemande très tôt. Il existe des personnes qui, en raison de leurs convictions et de leurs valeurs, sont moins disposées à s’intégrer ; je pense en particulier aux femmes qui arrivent seules, ou avec des enfants, et à celles qui, très vite, sont cantonnées à leur rôle traditionnel. Comment la question des femmes seules et des mineurs est-elle traitée en France et en Pologne ?

Quant à la relation entre l’Allemagne et la Turquie, monsieur Herbillon, elle est très particulière, car l’Allemagne abrite une très nombreuse communauté turque. La situation est d’autant plus complexe que le Bundestag a pris une décision controversée sur le génocide arménien. Chacun doit bien comprendre que si nous conduisons des négociations avec la Turquie au sujet des réfugiés, la question de l’adhésion de ce pays à l’Union européenne n’est pas d’actualité ; la Chancelière Merkel insiste bien sur le fait qu’aucune négociation n’est en cours sur ce point.

M. Gunther Krichbaum (interprétation de l’allemand). Permettez-moi de répondre aux différentes questions et interpellations qui nous ont été adressées. J’entends dire, tout d’abord, que les réfugiés ne souhaitent pas aller en Pologne, mais plutôt en Allemagne. Que les choses soient claires : il faut distinguer nettement entre la libre circulation des personnes et des travailleurs au sein de l’Union européenne et l’arrivée de migrants venus de l’extérieur, qui n’a rien à voir. Les réfugiés qui arrivent en Europe relèvent du régime de la Convention relative au statut des réfugiés et s’installent qui en Bulgarie ou en Roumanie, qui en Pologne, en France, au Portugal ou ailleurs. Ils y vivent en sécurité grâce à ladite Convention, dont les procédures doivent être respectées, et il faut bien les différencier des autres migrants qui disposent d’un titre de séjour. Ne nous dissimulons pas derrière je ne sais quel alibi pour prétendre que les réfugiés ne peuvent pas être accueillis à ce titre.

Ensuite, on nous dit qu’il faudrait faire le tri entre les réfugiés que l’on accepte et ceux que l’on refuse. Il s’agit de personnes qui fuient la terreur, la guerre, la violence, et dont la vie même est en péril. Dans de telles situations, nous sommes tenus de respecter la Convention de Genève et d’aider ces gens. Mieux vaut donc parler d’intégration que d’un quelconque tri. Les motifs justifiant du statut de réfugié doivent être vérifiés dans les trois ans au plus tard. Si le statut ne peut être justifié, les intéressés doivent à juste titre être renvoyés dans leurs pays d’origine.

Prenons garde, de même, à l’argument parfois entendu en Allemagne selon lequel les réfugiés pourraient pallier le manque de travailleurs spécialisés sur le marché du travail. D’une part, il faut éviter d’idéaliser la situation. D’autre part, comment les pays d’origine des réfugiés pourront-ils se reconstruire si leurs travailleurs les plus compétents n’y vivent plus ? Il existe plusieurs États faillis, comme la Libye. Nous devons préparer une stratégie de reconstruction pour la période d’après la guerre, y compris en Syrie. Certes, le conflit dans ce pays dure depuis plus de trois ans, mais il appartiendra un jour aux réfugiés syriens de reconstruire leur pays.

J’en viens à l’Ukraine. On nous dit qu’il n’est pas possible de recevoir autant de migrants ukrainiens. Il me semble que les étrangers représentent 5 % de la population polonaise ; la plupart sont ukrainiens, biélorusses, allemands. Cette tendance existait déjà avant l’irruption du conflit en Ukraine. Dans ce pays se trouvent deux millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, et il existe donc un risque qu’ils quittent le pays parce qu’ils n’y ont plus de toit ou de revenus, qu’ils se trouvent dans le Donbass ou en Crimée. De ce point de vue, nous sommes très critiques à l’égard de la position de la Russie.

M. Majer a invoqué l’impératif de sécurité ; il va de soi. En tant que parlementaires représentant le peuple, nous pouvons influer sur ce débat européen. Certes, il se peut que certains réfugiés aient participé aux conflits en cours dans leur pays, mais nous parlons pour l’essentiel de personnes qui sont victimes du terrorisme et de la guerre.

Du point de vue de la lutte contre le terrorisme, précisément, M. Herbillon nous dit que la France se sent quelque peu esseulée ; j’en suis conscient. Cependant, les pays européens répartissent leurs forces dans l’ensemble des missions internationales. L’armée allemande a ainsi été maintenue en Afghanistan parce que la France voulait se retirer plus tôt pour redéployer ses moyens ailleurs. L’Allemagne a également participé à la mission au Mali – le Bundestag ayant décidé dans un délai record d’autoriser l’envoi de forces allemandes pour soutenir la France suite aux terribles attentats qui l’avaient frappée.

Enfin, je sais que le débat n’est pas simple en France. S’agissant d’intégration, cependant, nous connaissons tous la situation de certaines banlieues de Paris, Lyon ou Marseille. Une immigration ancienne s’y est produite depuis les pays autrefois colonisés, et les jeunes générations sont françaises de droit. Pourquoi la question de leur intégration se poserait-elle donc, puisqu’il s’agit de jeunes Français ? Songez que bon nombre des auteurs présumés des attentats terroristes en France sont français – et la même situation existe aussi en partie en Allemagne, en Angleterre ou encore aux États-Unis, comme l’a montré la récente tragédie d’Orlando, où une cinquantaine de personnes ont été massacrées par un citoyen américain. Je pense qu’il faut donc envisager la question de l’intégration plus largement, pour commencer par intégrer ceux qui vivent déjà dans nos pays. C’est pourquoi l’intégration est certainement la meilleure recette pour empêcher les jeunes d’origine immigrée de devenir la proie des prêcheurs de haine et de violence et, par la même occasion, pour combattre la montée des partis extrémistes. Ces partis ont d’ailleurs un point commun avec Moscou : ils veulent une autre Europe, une Europe différente de celle que la majorité d’entre nous souhaitons.

Mme Izabela Kloc (interprétation du polonais). Oui, nous voulons vivre dans une Europe en paix. Nous sommes tous solidaires et nous voulons le développement de l’Europe. Cependant, nous devons aussi tenir compte des différences qui existent entre nos pays. Aujourd’hui, la France et l’Allemagne sont des États multiculturels ; la Pologne, en revanche, est un pays plus homogène au plan culturel et les Polonais souhaitent qu’il le reste. C’est pourquoi il existe une forte pression sociale pour limiter l’arrivée de personnes de cultures différentes, y compris de culture musulmane. En Pologne, où les églises sont encore pleines, le catholicisme prévaut – et plus largement, le christianisme. En tant que chrétiens, nous sommes solidaires et voulons mettre un terme à la crise des réfugiés, mais l’idéal serait qu’elle soit résolue à la source, dans les pays où les réfugiés ne rencontreront pas de difficultés d’assimilation. C’est là un véritable problème en Pologne, que je vous demande d’essayer de comprendre. Nous pouvons certes accueillir des Ukrainiens, et il peut d’ailleurs arriver à tout moment une vague importante de réfugiés venus de l’Est. Je vous demande néanmoins de tenir compte non seulement de facteurs économiques et sociaux, mais aussi de facteurs culturels.

La Présidente Danielle Auroi. S’agissant de la situation économique des pays africains, que certains orateurs ont évoquée, je rappelle que la France, comme l’Allemagne, travaille depuis de nombreuses années à leurs côtés, dans le cadre d’une coopération décentralisée, pour les aider à se développer et à retenir leurs populations. La Pologne, moins engagée sur ce sujet, devrait peut-être faire cette expérience à son tour.

J’en viens au Mali, tout en remerciant le Bundestag d’avoir rapidement pris la décision de soutenir l’effort français dans ce pays. En intervenant dans le désert malien pour empêcher des groupes djihadistes extrêmement dangereux d’envahir plusieurs pays africains, c’est la sécurité de l’Union européenne tout entière que la France défend, avec l’aide de ses partenaires ; chacun doit en avoir conscience.

Il est vrai que la culture de l’accueil en France est pluriséculaire. Compte tenu de sa situation d’isthme géographique, la France accueille depuis le Moyen-Âge des populations venues de partout : du Portugal, de l’Espagne, de la Pologne bien sûr. Le Royaume-Uni, autre État multiculturel – même s’il s’interroge sur une éventuelle sortie de l’Union – accueille également des travailleurs polonais. Ce n’est donc pas en excluant ou en craignant ceux qui arrivent que nous réglerons les problèmes de l’Europe. Je n’irai pas jusqu’à dire comme M. Herbillon que l’espace Schengen est mort, mais il est malade et nous devons le réformer tous ensemble parce que nous sommes solidaires les uns des autres. Nous serions prêts, le cas échéant, à accueillir des migrants venus de Crimée ou d’Ukraine, par exemple.

Malgré la crise, nous accueillons des migrants, et ce dans des conditions parfois difficiles – nous ne sommes d’ailleurs pas toujours à la hauteur de cette mission. Si les femmes et les enfants isolés sont nombreux à Calais, par exemple, c’est parce qu’ils souhaitent gagner l’Angleterre où ils ont de la famille ; nous les accueillons à la place des Anglais. Chacun doit donc accepter de partager le fardeau ; on ne peut choisir. Nous devons nous écouter davantage – notre échange, de ce point de vue, montre qu’il existe encore certaines idées reçues.

Enfin, aux collègues qui se demandent pourquoi les réfugiés syriens ne restent pas dans la région plutôt que de venir en Europe, je dirai ceci : plus de deux millions et demi de Syriens sont réfugiés en Turquie, plus de deux millions au Liban, plus d’un million et demi en Jordanie – qui sont des pays démocratiques, précisément, ce qui n’est le cas ni du Qatar ni de l’Arabie Saoudite. Mme Karamanli, qui connaît bien la Grèce, a donc raison de souligner que les réfugiés cherchent avant tout la démocratie, qui est plus protectrice de leurs droits. Or, l’Europe est un modèle de démocratie, et nous ne pouvons que nous en réjouir.

Permettez-moi de conclure par une proposition. Je suggère que nous nous déplacions ensemble en Ukraine pour examiner la situation sur place suite aux accords de Minsk et observer ce qui se fait du côté russe comme du côté ukrainien. Nous donnerions ainsi un bel exemple de solidarité européenne.

La séance est suspendue entre onze heures vingt-cinq et onze heures quarante.

La Présidente Danielle Auroi. Chers collègues, la seconde partie de nos travaux porte sur une autre question fondamentale : la suite de la COP21. L’Europe est en effet un partenaire essentiel de la Conférence de Paris sur le climat. Les engagements pris lors de la COP21 préparent et préservent l’avenir, mais je ne développerai pas, car mon collègue Bernard Deflesselles, ici présent, est, avec Jérôme Lambert, notre rapporteur sur les sujets climatiques, pratiquement depuis qu’il existe des conférences sur le climat.

Après son exposé, nous pourrons discuter du volontarisme dont nous pouvons faire preuve au sein de l’Union européenne pour mettre en place le second « paquet énergie-climat », adopté au mois d’octobre 2014.

M. Bernard Deflesselles, membre de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale française. La COP21, opération de très grande envergure, qui s’est tenue à Paris, a frappé les esprits, et il faut en tirer les leçons : regarder les points positifs, nombreux, et les points qui posent problème – je ne dirai pas « négatifs » –, eux aussi nombreux.

Le premier objectif était de faire en sorte de contenir le réchauffement climatique aux alentours de deux degrés. La communauté scientifique, en particulier le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), produit des rapports depuis plus de vingt ans. Or, dans son dernier rapport, le GIEC estime que, si nous ne faisons rien, la température pourra avoir augmenté d’environ 4 ou 4,5 degrés, voire 4,8 degrés, à la fin du siècle, avec tout ce que cela implique – élévation d’un mètre du niveau de la mer, déplacements de populations, etc. Ce sont les scientifiques qui, les premiers, ont tiré la sonnette d’alarme et intéressé les politiques, au sens large du terme, à ce dérèglement climatique.

Le deuxième objectif était de prendre le relais du protocole de Kyôto, qui date de 1997 et a été mis en œuvre en 2005 – le processus a été très long, il fallait qu’au moins cinquante-cinq pays le ratifiassent, parmi lesquels les parties visées à l’annexe I dont les émissions totales de dioxyde de carbone représentaient en 1990 au moins 55 % du volume total des émissions de dioxyde de carbone de l’ensemble des parties visées à cette annexe. La validité du protocole de Kyôto expirant en 2020, il fallait construire un nouveau protocole qui en prît le relais.

Premier point positif : finalement, nous avons su, collectivement, entraîner la majeure partie des pays dans cette aventure. Plus de 180 pays se sont « mis dans la boucle », si j’ose dire.

Deuxième point positif : nous avons réussi à inverser la problématique. J’ai participé à de nombreuses conférences des parties (COP), et, pendant longtemps, elles ont plutôt suivi une approche top-down : une feuille de route était donnée du sommet, il fallait la suivre. En l’occurrence, nous avons plutôt suivi une approche bottom-up. Il a été demandé aux pays de donner leurs prévisions et leurs engagements aux Nations unies, qui continuent à organiser les COP. C’est une bonne opération, puisque 185 pays – pratiquement tous les pays – ont envoyé leurs feuilles de route respectives, les fameuses INDC – acronyme de Intended Nationally Determined Contributions, soit « contributions prévues déterminées au niveau national », en jargon onusien. Ils ont ainsi affirmé leur engagement contre le réchauffement climatique et indiqué ce qui leur paraissait possible.

Troisième point positif, le sommet organisé à New York au mois d’avril dernier pour la signature de l’accord a été un succès : plus de cent pays étaient représentés.

La clause de rendez-vous tous les cinq ans est également intéressante. En fonction des résultats de chaque pays, nous pourrons rehausser les objectifs, mais non les dégrader.

Le premier des points qui pose problème est de taille. En considérant l’ensemble des feuilles de route, nous parvenons à un réchauffement de 3,5 degrés, et non de 2 degrés. Ce n’est pas du tout conforme à l’objectif d’un réchauffement contenu dans la limite de 2 degrés, encore moins de 1,5 degré. Il y a là un fossé à combler.

Deuxième point négatif : l’Accord de Paris n’est pas le traité juridiquement contraignant que nous appelions de nos vœux. Ne jouons pas sur les mots : l’accord est politiquement contraignant, mais il ne l’est pas juridiquement. Les pays signataires ne sont pas tenus de respecter leurs objectifs. C’est un problème. Le mécanisme des contrôles porté par les Nations unies est donc très faible et aucune sanction ne peut être prise.

Il faut donc régler un double problème. Les engagements pris, sur la base du volontariat, ne sont pas contraignants et ils ne permettent pas d’atteindre l’objectif d’un réchauffement de 2 degrés au plus.

Voilà les grandes lignes, présentées de manière peut-être un peu caricaturale parce que je n’ai pas le temps d’entrer dans les détails. Le verre est à moitié vide et à moitié plein, comme d’habitude.

Je suis ces sujets depuis une quinzaine d’années. Progressivement, nous assistons à une prise de conscience internationale. L’engagement de plus de 180 pays montre que cette problématique du réchauffement climatique est bien entrée dans les esprits. C’est vraiment positif. Maintenant, tout reste à faire. Il faut préparer la COP22, qui aura lieu à Marrakech, au mois de novembre, et mettre en œuvre l’accord, ce qui n’est pas une mince affaire.

Au niveau européen, nous sommes passés de l’objectif des « 3 fois 20 » – 20 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre, 20 % d'économies d'énergie et 20 % d'énergies renouvelables dans la consommation totale d'énergie – à l’objectif « 40-27-27 », soit 40 % de réduction des émissions de CO2, 27 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique et 27 % d’efficacité énergétique supplémentaire. Nous avons encore des questions à régler, que nous espérons trancher au cours de l’été au niveau de l’Union européenne, qui concernent la ratification de l’accord, la répartition des efforts au sein de l’Union, la révision du marché des quotas d’émission de CO2 et la mise en œuvre de la clause de revoyure. C’est un chantier mondial de très grande envergure, mais c’est aussi un chantier important au niveau européen.

Mme Annalena Baerbock (interprétation de l’allemand). Également porte-parole de mon groupe parlementaire – Die Grünen – sur le changement climatique, je vous remercie de nous avoir fait participer en tant que délégation allemande à la COP21. Nous avons eu l’occasion de constater que la France est un véritable maître en matière de diplomatie. Ainsi la COP21 fut-elle un grand succès.

Je voudrais rebondir sur ce par quoi M. Deflesselles a conclu son propos : les mesures qu’il faut encore mettre en œuvre aujourd’hui. La France et l’Allemagne ont beau engranger un certain nombre de résultats, les inondations auxquelles est confrontée la France – entre autres exemples – montrent bien que le changement climatique est un problème non pas seulement pour l’hémisphère sud, mais aussi pour les pays européens. Je serais donc intéressée d’apprendre ce que vous avez prévu pour tenir les objectifs de l’Union européenne.

Comment envisagez-vous le partage des efforts afin de réduire les émissions de CO2 ? Tout ne peut être réglé à travers le commerce des certificats d’émission. L’Allemagne connaît aussi ces problématiques dites de « l’utilisation des terres, leurs changements et la forêt » (UTCF), c’est un domaine qui m’intéresse beaucoup, et, si je me souviens bien, l’Assemblée nationale avait également discuté du prix minimum dans les échanges des certificats d’émission.

Comment, d’autre part, envisagez-vous le processus de ratification ? L’Union européenne vient de faire une proposition, l’Allemagne est en train de préparer la ratification et il m’intéresserait de connaître les modalités et le calendrier envisagés en Pologne. L’Union européenne et ses membres doivent montrer l’exemple et ratifier au plus vite les mesures prises.

M. Piotr Apel (interprétation du polonais). Il n’y a aucun doute : les questions climatiques sont un enjeu majeur en Europe et dans le monde, mais il convient de souligner que l’Europe n’est responsable que de 9 % des émissions de gaz à effet de serre. Il serait intéressant de regarder comment les réduire ailleurs.

Il faut aussi avoir deux questions à l’esprit.

La première est celle de la sécurité énergétique. On ne peut exiger que la France ou la Pologne renoncent à leurs sources d’énergie traditionnelles – respectivement, l’énergie nucléaire et le charbon. Il n’en importe pas moins que ces sources soient aussi sûres et écologiques que possibles. La Pologne y consacre des financements importants. Beaucoup d’écoles d’ingénieurs travaillent sur les technologies du charbon pour parvenir à une meilleure filtration des gaz et une meilleure efficacité énergétique des centrales à charbon.

La deuxième question est celle des brevets. Ne serait-il pas intéressant de préparer un programme de diffusion de nouvelles technologies visant à diminuer les émissions de gaz à effet de serre ? Il s’agirait de les diffuser à l’extérieur de l’Union européenne, au profit des plus importants émetteurs – je pense par exemple à l’Inde. Quand bien même ceux-ci voudraient utiliser des technologies « sales », ils pourraient le faire de manière plus efficace. Ainsi, on pourrait filtrer les particules de manière plus efficace, et cela aurait des conséquences positives sur le climat. Ne nous voilons pas la face : nous n’allons pas nous reposer entièrement sur les énergies renouvelables – solaire ou éolienne. Cela n’arrivera pas avant très longtemps. En attendant, nous pouvons travailler à réduire les émissions de gaz à effet de serre de manière très importante.

Mme Ursula Groden-Kranich (interprétation de l’allemand). Lorsque j’ai participé pour la première fois à une telle rencontre, le problème de l’énergie était déjà évoqué au niveau européen. Comment le résoudre ? Comment transporter le courant d’un pays à l’autre ? C’est un sujet important, qui nous préoccupe beaucoup, en Allemagne. Nous avons des capacités éoliennes importantes, avec des projets onshore et offshore dans le nord du pays, et des besoins urgents d’énergie dans le sud, et notre réseau était insuffisant.

Comment coopérer avec nos voisins polonais ? Nous avons parlé des centrales à charbon et, bien sûr, nous essayons de réduire toujours plus l’émission de gaz à effets de serre par les centrales à charbon. Si nous voulons atteindre nos objectifs en matière d'émissions, il faut les réduire.

La France est plutôt avantagée par l’ensoleillement de son territoire, notamment dans le sud, mais comment pouvez-vous faire en sorte que les maisons soient de plus en plus équipées de panneaux solaires ? Comment mieux sensibiliser les gens à l’utilité des énergies renouvelables ?

Je sais l’importance du nucléaire en France. Cette technologie est intéressante pour respecter les objectifs visés en termes de réchauffement climatique mais elle pose d’autres problèmes.

J’aimerais beaucoup en savoir plus sur le fonctionnement du réseau de distribution d’énergie et les échanges transfrontalier. C’est un sujet qui m’intéresse beaucoup.

M. Marek Rocki (interprétation du polonais). Je ne suis pas aussi optimiste que certains orateurs. Il est facile de se donner des buts nobles. Las, très souvent les résultats sont mauvais, à cause d’une perte de compétitivité de l’industrie européenne.

Si mes souvenirs sont exacts, le Bundestag s’est penché au mois d’avril dernier sur la menace que représentent les importations d’acier de Chine. Dans ce dernier pays, le changement climatique et la réduction des émissions ne sont pas le sujet numéro un. Nous avons le même problème avec les importations d’acier de Biélorussie, de Russie et de Chine, trois pays qui ne sont pas aux avant-postes de la lutte contre le changement climatique mais s’inquiètent surtout du chômage.

M. Bernard Deflesselles. Je n’ai pas vocation à répondre à tout le monde, je ne suis pas le gourou du réchauffement climatique, mais je ferai quelques remarques.

Nous nous réunissons dans la configuration du triangle de Weimar. C’est très bien, mais il ne s’agit que d’un petit triangle au sein d’une Union européenne qui, elle-même, ne représente que 10 % des émissions de CO2. Battons notre coulpe, mais pas trop fort non plus ! Ne mettons pas à mal la compétitivité de l’Europe en voulant toujours faire toujours plus. L’Europe s’est toujours montrée très volontariste, avec la règle des « 3 fois 20 », puis, maintenant, avec celle des « 40-27-27 ». Nous sommes pratiquement à la pointe du combat mais… à hauteur de 10 % des émissions mondiales ! Il nous faut regarder les choses ailleurs.

Prenons l’exemple des États-Unis et de la Chine. Il y a un peu plus d’un an, beaucoup de quotidiens européens, mais pas seulement, faisaient leur une sur un accord « historique » entre les États-Unis et la Chine. Hélas, le qualificatif n’est pas souvent utilisé à bon escient. Les États-Unis ont pris l’engagement de réduire leurs émissions de CO2 de 26 % ou 28 % en 2025… par rapport à 2005 ! Comparés aux efforts de l’Union européenne, les efforts américains sont très faibles, car l’Union européenne, elle, a bâti sa stratégie sur les chiffres de 1990. L’Europe veut réduire ses émissions de 40 % par rapport au niveau de 1990 ! En fait, par rapport au niveau de 1990, les États-Unis ne veulent réduire leurs émissions que de 10 %, soit un effort quatre fois moindre que le nôtre. Je vous rappelle en outre que les émissions de CO2 par habitant s’élèvent à 16 ou 17 tonnes par an aux États-Unis, mais seulement à 5,5 tonnes en France et à 7 ou 8 tonnes en moyenne en Europe. Quand on se compare, on se rassure…

Quant à la Chine, celle-ci s’est engagée à stabiliser ses émissions en 2030. Cela veut dire, en creux, qu’elle s’autorise à émettre toujours plus jusqu’en 2030 ! Or la progression des émissions chinoises est considérable. Pour l’instant, la Chine en est à 7 tonnes par habitant, ce qui est supérieur à la France, et le pays compte 1,3 milliard d’habitants.

Chine et États-Unis représentent à eux deux plus de 40 % des émissions mondiales. Il faut donc relativiser un tout petit peu. Nous battons beaucoup notre coulpe, mais nous en faisons déjà pas mal, et le débat mérite d’être éclairé par les résultats qu’obtiennent nos concurrents.

Comment réussir ? La volonté politique est plutôt au rendez-vous, même si j’ai évoqué le problème posé par le caractère non contraignant mais volontaire des engagements pris. Il faut que les actes suivent.

Ce qu’il nous faut, c’est à la fois du transfert de technologies et de l’argent.

En ce qui concerne le transfert de technologies, cela ne marche pas. Les Nations unies ont mis en place, il y a des années, un groupe de haut niveau sur le transfert de technologies au profit des pays en développement. Les grandes firmes mondiales ne sont pas prêtes à renoncer au bénéfice de leurs brevets – je fais court, mais cela ne fonctionne pas. C’est l’une des raisons pour lesquelles les pays en développement ne peuvent pas suivre. Quant à l’effort financier, l’objectif est de financer le Fonds vert pour le climat à hauteur de 100 milliards de dollars par an en 2020. Aujourd’hui, ce sont, grosso modo, une dizaine de milliards de dollars qui ont été sanctuarisés. Nous sommes donc loin du compte.

Vous le voyez, je ne suis pas un optimiste inconditionnel, mais il est possible de relativiser. L’Union européenne fait bel et bien des efforts.

La Présidente Danielle Auroi. Je donnerai quelques instants la parole à notre collègue Jean Launay, président du groupe d’amitié France-Pologne de l’Assemblée nationale, lorsque nous aurons fini de débattre de la COP21.

Mme Annalena Baerbock. La question a été posée clairement, je vais donc parler des débats au sein du Bundestag. Certes, les groupes discutent, leurs avis divergent, mais nous sommes tous d’accord sur un point : le tournant énergétique représente l’avenir économique de l’Allemagne. Les discussions portent sur le rythme et les mesures à prendre, mais l’objectif est clair pour tout le monde. Le problème important, pour l’industrie sidérurgique allemande et européenne, est le statut de la Chine. Quid des mesures antidumping ? Il conviendrait d’éviter toute confusion ; c’est la raison pour laquelle je voulais apporter cette précision.

Du côté allemand, nous travaillons beaucoup pour que le marché européen et le marché chinois soient liés. Il est évident que l’Allemagne est une nation industrielle. Grâce à des avances technologiques, nous pouvons nous améliorer dans le cadre de l’Union énergétique. Il est important pour le gouvernement allemand que les pays qui sont dans une phase de transformation soient soutenus ; d’où la proposition d’un fonds d’investissement. Pour nous, il est important qu’un fonds d’innovation finance de nouvelles technologies neutres en matière de CO2, et non l’industrie du charbon, qui émet le plus de CO2. Nous devons donc travailler ensemble, de manière transfrontalière, pour viser cette neutralité et préserver la compétitivité européenne.

Les plus grands investissements sont effectués dans les énergies renouvelables. L’Afrique investit également dans les énergies renouvelables. L’Arabie saoudite, pays du pétrole, veut maintenant construire le plus grand parc solaire. Cela montre que ces pays ont compris également que les orientations changent et ceux qui rateront ce train auront bien sûr beaucoup moins d’avantages en termes compétitifs.

Mme Izabela Kloc (interprétation du polonais). Je veux appeler votre attention sur le projet Nord Stream 2, qui suscite une vive inquiétude, en Pologne et aussi ailleurs. Nous partageons l’avis de la Commission européenne, selon lequel il contrevient au projet d’une diversification de l’approvisionnement énergétique de l’Union européenne. Il en résultera une dépendance accrue à l’égard des livraisons de notre voisin russe. Il faudra que nous entreprenions des actions. En tant que Pologne, nous nous opposons à ce projet contraire aux intérêts vitaux de nombreux États de l’Union européenne. Il est bon que le commissaire européen ait compris le problème.

Contrairement à une opinion répandue, la Pologne a toujours été en pointe pour concilier développement économique et la préservation de sa nature, de ses forêts, de ses eaux. Notre parti tient à diminuer les émissions de CO2. Si on se réfère à 1988, la Pologne est parmi les leaders en Europe – même si un constat différent peut être fait selon l’année de référence retenue. Cependant, pour des raisons économiques, nous ne pouvons pas, aujourd’hui, renoncer à l’énergie basée sur le charbon. Nous avons fait des progrès très importants. Nous savons que d’énormes investissements dans de nouvelles centrales sont nécessaires. Je connais une centrale reposant sur une technologie bien ancienne mais nous voulons développer de nouvelles technologies basées sur le charbon, pour profiter de notre trésor national. Aujourd’hui nous n’avons pas d’autres possibilités.

Nous avons un problème avec le charbon très bon marché qui nous vient de Russie. Il n’y a pas de mécanisme européen pour l’empêcher. C’est un problème très important. Je vous en supplie, aidez-nous à rejeter le charbon russe et à exploiter notre charbon avec des procédés plus propres.

La Présidente Danielle Auroi. À mon tour d’intervenir, cette fois en tant qu’élue écologiste. Le charbon et le nucléaire me posent tous deux problème. Le choix de la France et le choix de la Pologne me posent problème. En matière de nucléaire, nous aurons bien progressé le jour où on m’expliquera quoi faire des déchets. Quant au charbon, c’est une importante source de pollution.

Je peux entendre ce que vous venez de dire, madame la présidente, sur la Pologne, et il faut que nous prenions le temps de trouver les bonnes solutions, mais la Chine et l’Inde disent la même chose : elles veulent utiliser leur trésor.

J’en profite pour nuancer un tout petit peu ce qu’a dit Bernard Deflesselles. Les Chinois seront bientôt deux milliards. Si l’on rapportait les efforts des uns et des autres à leur population respective, je crois que l’on s’apercevrait très vite que l’Union européenne doit fournir un effort bien supérieur à ce qu’elle propose aujourd’hui.

Il me semble qu’il y a deux sujets concomitants. Tout d’abord, je crois que nous voulons tous une plus grande indépendance énergétique de l’Union européenne. C’est pourquoi nous avons parlé et parlerons encore d’un marché commun européen de l’énergie, qui nous permettrait d’être moins dépendants du gaz russe mais aussi du pétrole de schiste du Canada. N’oubliez pas le drame technologique de Fort McMurray, qui non seulement a vidé toute une ville de ses habitants, mais a détruit et continue de détruire la forêt, montrant à quel point cette technologie est dangereuse. On le voit aussi aux États-Unis, où les séismes se multiplient et détruisent des parties de routes, par exemple. Certains connaissent ce très beau livre de Kerouac, Sur la route. À l’heure actuelle, ladite route est en grande partie détruite par l’exploitation du gaz de schiste : elle s’est effondrée.

N'oublions pas que chaque fois que nous essayons d’avoir de bonnes pratiques, nous encourageons les autres. Je me permets de dire que l’Accord de Paris est déjà ratifié par la France, mais c’est un peu normal, puisqu’elle était à la manœuvre. Songez aussi, par exemple, que l’Inde développe énormément le solaire, à un rythme très soutenu. Vu le nombre d’habitants, c’est assez efficace. L’utilisation de la biomasse, par exemple dans les villages, connaît également un développement très rapide en Inde : les déchets des animaux sont utilisés pour faire du gaz. Nous ne sommes donc pas les seuls à faire des efforts et en termes d’efficacité énergétique et en termes d’énergie renouvelable.

L’Europe s’est fixé des ambitions très élevées. Elle a été la bonne élève de Kyoto, il serait bon qu’elle fût la bonne élève de Paris, si je puis dire. Las, elle a renoncé à l’objectif contraignant des « trois fois vingt ». Ainsi, beaucoup d’États européens se lancent dans d’autres énergies, par exemple avec du charbon le plus propre possible, mais du charbon quand même, ou avec des transports très compliqués d’électricité sur de grandes distances, plutôt que de viser l’efficacité énergétique – car la meilleure énergie est tout de même celle que l’on n’a pas dépensée ! Nous sommes quand même l’une des zones les plus peuplées au monde. Avec une meilleure efficacité énergétique, nous gagnerions beaucoup, y compris en indépendance énergétique, d’ailleurs.

Quant aux énergies renouvelables, nous les cherchons tous ensemble. Un marché décarboné est absolument nécessaire et la révision du fonctionnement du marché des quotas d’émission de CO2 est totalement indispensable, en particulier avec un prix minimum. Sans cela, il est évident que les entreprises, en particulier, ne feront pas beaucoup d’efforts.

Je me permets de le dire : pour un État comme la France, confronté au chômage, c’est grâce aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique que beaucoup d’emplois pourront être créés. Nos efforts ont aussi du sens de ce point de vue.

Enfin, j’irai dans le même sens que Bernard Deflesselles : il faut, pour les pays du Sud, des échanges, des transferts de technologie, et il faut aussi abonder le Fonds vert. L’Afrique, à l’heure actuelle, est bien mieux placée que la France pour faire du solaire ! Je me permets au passage de rappeler qu’à ma connaissance l’Autriche est un des pays qui utilisent le mieux le solaire en Europe. On peut donc toujours faire de l’énergie renouvelable si la volonté politique est au rendez-vous, mais c’est précisément l’une des choses que nous partageons. Chaque fois que nous sommes solidaires sur ces sujets, nous avançons tous ensemble et nous sommes plus efficaces.

M. Szymon Szynkowski vel Sęk (interprétation du polonais). Oui, en effet, la solidarité est un mot important pour la politique climatique, mais c’est très lié à la politique énergétique aussi. Comme l’a dit ma collègue Kloc, le projet Nord Stream 2 ne nous paraît d’ailleurs pas conforme à l’esprit de solidarité et à la confiance qui devraient prévaloir à l’intérieur de l’Union européenne, et il est bon que la Commission européenne ait émis la même critique. Nous sommes donc en droit de nous attendre que le projet soit réalisé de la manière la plus transparente et conformément aux règles européennes – mais cela ne semble pas être le cas actuellement.

En ce qui concerne le charbon, on ne peut pas omettre le fait que 50 % de l’énergie en Pologne provient, précisément, du charbon. Nous acceptons pleinement le fait que l’Allemagne ait choisi la voie des énergies renouvelables, nous acceptons également le choix français de l’énergie nucléaire, et nous respectons pleinement nos obligations, nous allons d’ailleurs diminuer nos émissions. Mais nous vous supplions : comprenez, acceptez notre manière de limiter les émissions, avec le développement de technologies nouvelles du charbon. La technologie du blue coal, élaborée par des scientifiques polonais, suscite de grands espoirs : le charbon est préalablement dégazéifié, après quoi il devient très peu émetteur de CO2. En outre, il peut être utilisé dans les anciennes installations de chauffage, notamment chez les particuliers qui n’ont pas les moyens d’en changer. Ce n’est pas la seule solution, et les scientifiques polonais cherchent encore d’autres moyens de diminuer les émissions, mais le temps me manque pour parler de tout cela. Je vous en prie : acceptez que nous suivions notre voie propre pour diminuer les émissions de CO2.

M. Jean Launay, président du groupe d’amitié France-Pologne de l’Assemblée nationale française. Je suis très heureux de participer à ce moment d’échange avec nos collègues allemands et polonais. Je le fais en qualité de président du groupe d’amitié France-Pologne, mais cette réunion s’inscrit dans le cadre d’un cycle de rencontres plus étoffé, puisque demain c’est au niveau des bureaux et des présidences de nos assemblées respectives que le Triangle de Weimar se réunit.

Ma conviction est qu’il faut faire évoluer nos mix énergétiques respectifs, mais que ce processus est forcément long. Il y a eu un début de prise de conscience à Paris ; le mouvement ne doit pas s’essouffler. Surveillons de près les suites données par chacune des parties à l’accord signé.

Je partage l’avis de Danielle Auroi sur le marché des quotas et sur ses défauts – pour ne pas dire « ses vices ». Il est nécessaire d’avancer en vue d’instaurer dans chaque pays d’une contribution climat-énergie. La France commence à s’y engager. Je pense que c’est un bon signal, un bon marqueur pour évaluer les efforts de chacun.

L’Accord de Paris va permettre de mettre en place dans nos pays respectifs une batterie de mesures d’atténuation ou d’adaptation. Je suis personnellement engagé sur les sujets liés à l’eau, à la fois comme parlementaire, comme président du Comité national de l’eau et comme citoyen. Je préside aussi une plateforme, le Partenariat français pour l’eau, qui regroupe tous les savoir-faire et les énergies françaises dans ce domaine.

Bernard Deflesselles a évoqué tout à l’heure les feuilles de route. L’eau est concernée par les trois quarts des adaptations. L’eau est le marqueur du changement climatique. Par ailleurs, le sixième des Objectifs de développement durable définis par l’Organisation des Nations unies, nouveau cadre mondial de débat, et, je l’espère, de décision, est spécialement dédié à l’eau. Et, parmi tous ces objectifs de développement durable, dix-huit cibles sont liées à la politique de l’eau. Je profite donc de cette réunion pour interroger mes collègues : sont-ils sensibles à cette problématique concrète ? J’ajoute que quand on donne l’eau à des populations on permet de les fixer. Voilà qui établit peut-être un lien avec le sujet précédent des migrations.

La Présidente Danielle Auroi. Merci de suggérer ainsi, cher Jean Launay, que si nous ne faisons rien contre le changement climatique, il faudra bien gérer les réfugiés climatiques.

M. Gunther Krichbaum (interprétation de l’allemand). Alors que nos travaux de la matinée s’approchent de leur terme, je veux abonder dans le sens de ma collègue Annalena Baerbock. Tout d’abord, merci pour tous les efforts fournis côté français, notamment par le ministère de M. Fabius, qui a désormais pris d’autres responsabilités ; les efforts de la diplomatie française ont conduit au succès de la COP21. Il est maintenant de notre responsabilité de faire vivre cet accord et de le mettre en œuvre.

Nous savons bien que les conditions varient considérablement d'un pays européen à l’autre. Certains s’appliquent à utiliser plus que d’autres les énergies renouvelables. Certains endroits sont plus ensoleillés, plus longuement. L’Autriche n’est d’ailleurs pas douée que pour l’énergie solaire, elle développe aussi l’énergie hydraulique : il y a plus de dix centrales hydrauliques le long du Danube. Du point de vue écologique, il n’est pas possible d’en ajouter encore, mais ils ont battu un record !

Nous savons exactement à quelles difficultés sont confrontés nos collègues polonais, mais nous savons aussi quel énorme problème le charbon représente pour la qualité de l’air, pour la qualité de vie dans son ensemble. Si le charbon n’était pas aussi utilisé, il serait aussi beaucoup moins lucratif.

Bien sûr, nous le savons tous, la ressource énergétique parfaite n’existe pas. Nous avons poussé dans le sens d’une transition énergétique vers les énergies renouvelables, mais nous savons tous que le vent souffle plus fort sur la mer Baltique ou sur la mer du Nord qu’en Forêt-Noire. Nous avons donc besoin de nouveaux investissements dans les infrastructures de transmission d’électricité. Nous sommes décidés à les mettre en œuvre, parce qu’il s’agit d’être armés pour l’avenir, et pas seulement en termes économiques. Nous sommes vingt-huit pays différents au sein de l’Union, mais nous n’avons qu’un seul environnement ; notre environnement et notre climat transcendent les frontières, et la lutte contre le changement climatique va bien au-delà de l’Europe.

Considérons les conséquences du changement climatique dans d’autres parties du monde. Comme nous l’avons vu lors de la COP21, des pays se battent tout simplement pour leur existence. Certaines îles seront rayées de la carte dans dix ou vingt ans, parce que la banquise des pôles fond et que le niveau de la mer monte. Cela devrait nous servir d’avertissement et nous insuffler la volonté nécessaire et un volontarisme utile pour résoudre ces problèmes. Donnons l’exemple mais aussi exerçons une certaine pression sur d’autres pays, qui continuent à émettre plus, comme les États-Unis ou la Chine. Nous ne pourrons y arriver que si l’Europe parle d’une seule voix et montre l’exemple.

Je ne veux pas anticiper, chère Danielle Auroi, mais je veux d’ores et déjà vous remercier pour votre hospitalité et toutes ces discussions constructives. La prochaine fois, ce sera, je crois, notre tour de vous inviter. Nous devrions nous mettre d’accord rapidement sur une date. Je reprends cependant votre proposition d’un voyage commun en Ukraine, cela me semble un symbole vraiment très fort que le Triangle de Weimar pourrait envoyer au monde entier. Nous avons tous vu, aujourd’hui, à quel point il est important de continuer cette coopération constructive.

Mme Izabela Kloc (interprétation du polonais). Je vous remercie chaleureusement, madame la présidente, de votre hospitalité, ainsi que de ces débats constructifs et, comme je m’y attendais, sincères, au cours desquels chacun a pu exposer les difficultés rencontrées. Un grand bravo ! C’est en discutant que nous nous approchons de solutions acceptables par tout le monde, par nos sociétés et par les nations souveraines dont nous sommes les représentants. Nous voulons réaliser les attentes de nos citoyens et servir nos peuples. Je suis très contente que cette réunion se soit déroulée à Paris. La dernière fois que je suis venue, c’était il y a dix ans. Aujourd’hui, je retrouve un Paris d’autant plus beau que le soleil a fait son apparition. Je voudrais vous inviter à mon tour, en Pologne. Nous avons beaucoup de magnifiques endroits, pas forcément à Varsovie, la dernière fois, cette réunion s’est tenue à Gdańsk. Nous nous efforcerons, chers collègues français et allemands, de vous accueillir aussi bien que Mme Danielle Auroi a pu nous accueillir ici à Paris.

M. Marek Rocki (interprétation du polonais). Si vous le permettez, madame la présidente, je me joins aux remerciements de Mme Kloc. Il est dommage que nous n’ayons pu aborder tous les sujets, notamment le dernier point inscrit à l’ordre du jour, celui de la convergence fiscale et sociale, qui m’intéressait particulièrement.

La Présidente Danielle Auroi. À mon tour, je vous remercie, chers collègues, de votre participation, de la clarté de nos débats, de l’engagement, de la sincérité des uns et des autres. Chaque fois que nous nous écoutons un peu plus, nous faisons des progrès les uns vers les autres. C’est utile non seulement pour nos trois pays, mais pour l’ensemble de l’Union européenne. Nos échanges pourront se poursuivre de façon plus informelle lors de notre déjeuner.

La séance est levée à 12 heures 35

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Présents. - Mme Danielle Auroi, M. Jean-Luc Bleunven, M. Christophe Caresche, M. Philip Cordery, M. Yves Daniel, M. Bernard Deflesselles, Mme Sandrine Doucet, M. Michel Herbillon, Mme Marietta Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Charles de La Verpillière, M. Arnaud Richard, M. Gilles Savary

Excusés. - M. Kader Arif, Mme Isabelle Bruneau, Mme Marie-Louise Fort, M. Yves Fromion, Mme Chantal Guittet, M. Laurent Kalinowski, M. Pierre Lequiller, M. Philippe Armand Martin, M. Jean-Claude Mignon

Assistait également à la réunion. - M. Jean Launay