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PROJET DE LOI

PORTANT DIVERSES DISPOSITIONS D’ADAPTATION DANS LE DOMAINE DE LA JUSTICE EN APPLICATION DU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE ET DES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX DE LA FRANCE

ETUDE D’IMPACT

19 FEVRIER 2013

INTRODUCTION p. 6

I. CONTEXTE DE LA LOI PORTANT ADAPTATION DE TROIS DIRECTIVES, DE DEUX DECISION-CADRES, D’UNE RESOLUTION, D’UNE CONVENTION ET D’UN PROTOCOLE DE L’ONU, D’UNE CONVENTION DU CONSEIL DE L’EUROPE, D’UN ACCORD DE L’UNION EUROPEENNE ET D’UN ARRET DE LA CJUE p. 8

1.1. GENESE DES INSTRUMENTS p. 8

1.1.1. La directive « traite des êtres humains » p. 8

1.1.2. La directive « interprétation et traduction » p. 9

1.1.3. La directive « abus sexuels et pédopornographie » p. 9

1.1.4. Décision-cadre « in abstentia » p. 10

1.1.5. La décision Eurojust p. 10

1.1.5.1 Le renforcement de la structure d’Eurojust p. 11

1.1.5.2. La mise en place d’un « système national de coordination Eurojust » au sein des États membres (article 12) p. 11

1.1.5.3. L'échange d'informations entre les États Membres et les membres nationaux (article 13) p. 11

1.1.5.4. Le développement des compétences du Collège (article 7) p. 12

1.1.5.5. Les relations entre Eurojust et les États tiers p. 12

1.1.5.6. Les relations avec le Réseau Judiciaire Européen (article 25bis) p. 12

1.1.5.7. Les compétences des membres nationaux et l'attribution de pouvoirs décisionnels (articles 6 et 9 bis) p. 12

1.1.6. Décision-cadre « peine privatives de liberté » ou PPL p. 13

1.1.7. Protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatifs aux signes humanitaires p. 14

1.1.8. La résolution du Conseil de sécurité de l’ONU n° 1966(2010) du 22 décembre 2010 créant un «Mécanisme résiduel » p. 15

1.1.9. Convention sur les disparitions forcées p. 15

1.1.10. L’accord entre l’Union européenne et l’Islande et la Norvège p. 16

1.1.11. La convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (CAHVIO) p. 17

1.1.11.1 : Dispositions relatives à la prévention p. 18

1.1.11.2 Dispositions relatives à la protection et au soutien des victimes d’infraction p. 18

1.1.11.3 Dispositions relatives au droit matériel p. 19

1.1.11.4 : Dispositions relatives à l’enquête et aux poursuites p. 20

1.1.11.5 : Dispositions relatives à la coopération internationale p. 21

1.2. L’EXAMEN DES PROJETS D’ACTES EUROPEENS PAR LE PARLEMENT p. 21

1.3. ANALYSE DU CADRE JURIDIQUE ACTUEL p. 22

1.3.1. État du droit français p. 22

1.3.1.1 Directive « traite des êtres humains » p. 22

1.3.1.2 Directive relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans les procédures pénales : p. 23

1.3.1.3. Directive « abus sexuels et pédopornographie » p. 23

1.3.1.4. Décision-cadre « in abstentia » p. 26

1.3.1.5. Décision Eurojust p. 26

1.3.1.6. Décision-cadre « peines privatives de liberté » p. 26

1.3.1.7. Le troisième protocole additionnel aux conventions de Genève relatif à l'adoption d'un signe distinctif additionnel p. 27

1.3.1.8. Résolution du Conseil de sécurité de l’ONU n° 1966(2010) du 22 décembre 2010 créant un «Mécanisme résiduel » p. 28

1.3.1.9 Convention sur les disparitions forcées p. 28

1.3.1.10 L’accord entre l’Union européenne et l’Islande et la Norvège sur la remise des personnes p. 29

1.3.1.11 La convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (CAHVIO) p. 29

1.3.2. Éléments de droit comparé p. 31

1.3.2.1. Directive 2011/36/UE concernant la prévention de la traite des êtres humains. p. 31

1.3.2.2. Directive 2010/64/UE relative à l’interprétation et à la traduction p. 31

1.3.2.3. Décision-cadre 2008/909/JAI relative à la reconnaissance et à l’exécution des peines privatives de liberté p. 40

II. OBJECTIFS DU PROJET DE LOI p. 41

III. LES PRINCIPALES OPTIONS p. 44

3.1. Directive « traite des êtres humains » p. 44

3.1.1 Distinction victime vulnérable /victime particulièrement vulnérable : p. 44

3.1.2 Distinction violence /violence grave p. 45

3.2 Directive relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales p. 46

3.3. Directive « abus sexuels et pédopornographie » p. 46

3.4. Décision-cadre « in abstentia » p. 46

3.5. Décision Eurojust : p. 46

3.6. Décision-cadre peines privatives de liberté p. 47

3.6.1. – Autorités compétentes : p. 48

3.6.2. - Caractère facultatif ou obligatoire des motifs de refus p. 48

3.6.3. – Possibilité d’ordonner l’arrestation provisoire de la personne condamnée p. 49

3.6.4. – Extension aux résidents habituels des possibilités de transfèrement p. 49

3.6.5. – La transposition de la décision-cadre entraine une uniformisation du régime d’exécution des peines p. 51

3.7 Protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatifs aux signes humanitaires p. 52

3.8 Résolution n°1966(2010) du Conseil de sécurité de l’ONU du 22 décembre 2010 créant le Mécanisme résiduel p. 52

3.9 Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées p. 52

3.10. Accord entre l’Union européenne et l’Islande et la Norvège sur la remise des personnes p. 53

3.11. Convention du Conseil de l’Europe sur la violence faite aux femmes et la violence domestique p. 54

IV. ANALYSE DES IMPACTS DE LA TRANSPOSITION p. 56

4.1. IMPACT DE LA TRANSPOSITION SUR LE JUSTICIABLE p. 56

4.2. IMPACTS SUR LE FONCTIONNEMENT DES JURIDICTIONS ET DES SERVICES D’ENQUETE p. 58

4.3. IMPACTS JURIDIQUES p. 58

4.3.1 Impact sur l’ordonnancement juridique (dont textes législatifs et réglementaires à abroger, éventuelle codification du droit applicable) p. 58

4.3.2 Impact de ce texte sur les libertés publiques et les droits fondamentaux p. 59

4.3.3 Risque contentieux lié à la mise en place de la transposition p. 60

4.4. IMPACTS FINANCIERS p. 60

4.4.1. Directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relative à la traite d'êtres humains p. 60

4.4.2 Directive 2010/64/UE du 20 octobre 2010 relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales p. 61

4.4.3 Directive « abus sexuels et pédopornographie » p. 61

4.4.4. Décision-cadre 2008/909/JAI relative à la reconnaissance des peines privatives de liberté p. 64

4.4.5 Adaptation de la législation française à la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique signée à Istanbul, le 11 mai 2011 p. 69

4.5. IMPACT POUR L’ADMINISTRATION PUBLIQUE ET CONSEQUENCES SUR L’EMPLOI PUBLIC p. 70

4.6. IMPACT EN TERMES D’EGALITE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES p. 71

4.7. IMPACT EN MATIERE DE HANDICAP p. 72

V. CONSULTATIONS MENEES p. 73

VI. MISE EN ŒUVRE ET SUIVI DE LA REFORME p. 74

6.1 TEXTE D’APPLICATION p. 74

6.2 APPLICATION OUTRE-MER p. 74

6.3 APPLICATION DE LA TRANSPOSITION DANS LE TEMPS ET MESURES TRANSITOIRES p. 74

6.4 INDICATEURS DE SUIVI DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA REFORME p. 75

INTRODUCTION

Au cours de sa présidence du Conseil de l’Union européenne en 2008, la France s’est efforcée de favoriser l'adoption définitive de plusieurs projets de décisions-cadres faisant l'objet d'un accord politique, en incitant ses partenaires à lever les réserves parlementaires qui y faisaient obstacle. Cette démarche s'expliquait notamment par le fait que le Traité de Lisbonne ne comportant pas de disposition transitoire, tout projet d'instrument non adopté au moment de l'entrée en vigueur du nouveau traité n'aurait pu entrer en application.

Pour les instruments adoptés avant l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, l’article 10 du Protocole n° 36 sur les dispositions transitoires du Traité de Lisbonne, prévoit qu'à titre de mesure transitoire, les attributions de la Cour de justice restent inchangées pour les actes adoptés dans le domaine de la coopération policière et judiciaire avant l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. Cette mesure transitoire cesse de produire ses effets cinq ans après la date d'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, soit le 1er décembre 2014. Il n'y a donc, pour ces instruments, aucun risque de pénalité ou d'action devant la CJUE avant le 1er décembre 2014 ; c’est pourquoi les dispositions transposant ces instruments sont classées dans le présent projet de loi après les dispositions transposant les directives adoptées ultérieurement.

Depuis le 1er décembre 2009 - date d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne -, la Commission a déposé des propositions de directives tendant à remplacer les instruments précédemment adoptés afin d’une part de les moderniser, et d’autre part de les soumettre à de plus strictes obligations de transposition. Désormais, la Commission européenne peut saisir la Cour de justice de l’Union européenne pour défaut de transposition ou pour transposition incorrecte à l’expiration du délai de transposition des directives, contrairement aux décisions-cadres, pour lesquelles ce pouvoir n’existait qu’entre les mains des États membres qui n’ont jusqu’à présent jamais utilisé une telle possibilité.

Le respect des délais de transposition des directives pour lesquelles la France est susceptible d’être condamnée à d’importantes pénalités financières en cas de retard de transposition n’en est que plus impératif.

Le présent projet de loi vise à réaliser les adaptations législatives liées à la mise en œuvre des instruments suivants de l’Union européenne, adoptés en matière pénale :

- la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du conseil (ci-après la directive « traite des êtres humains ») ;

- la directive 2010/64/UE du 20 octobre 2010 relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales (ci-après la directive «l’interprétation et traduction») ;

- la directive 2011/93/UE du parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 relative à la lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des enfants, ainsi que la pédopornographie et remplaçant la décision-cadre 2004/68/JAI du conseil (ci-après la directive « abus sexuels et pédopornographie ») ;

- la décision-cadre 2009/299/JAI du 26 février 2009 portant modification des décisions-cadres 2002/584/JAI, 2005/214/JAI, 2006/783/JAI, 2008/909/JAI et 2008/947/JAI, renforçant les droits procéduraux des personnes et favorisant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions rendues en l'absence de la personne concernée lors du procès  (ci-après la décision-cadre « in abstentia ») ;

- la décision 2009/426/JAI du Conseil du 16 décembre 2008 sur le renforcement d’Eurojust et modifiant la décision 2002/187/JAI du Conseil du 28 février 2002 instituant Eurojust afin de renforcer la lutte contre les formes graves de criminalité (ci-après la directive Eurojust) ;

- la décision-cadre 2008/909/JAI du 27 novembre 2008 concernant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l'Union européenne (ci-après « DC peines privatives de liberté ou PPL ») 

Plusieurs de ces instruments ont été adoptés sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et nécessitent une mise en œuvre harmonisée dans tous les États membres pour être réellement efficace et permettre une application uniforme du droit européen dans toute l'Union européenne. Il est toutefois difficile d'arriver à des interprétations uniformes des instruments.

Par ailleurs, le projet de loi adapte également la législation pénale française afin de respecter les engagements résultant de plusieurs instruments internationaux ratifiés ou en cours de ratification par la France :

- - la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 20 décembre 2006 ;

- le troisième protocole additionnel aux conventions de Genève relatif à l'adoption d'un signe distinctif additionnel ;

- l’accord du 28 juin 2006 entre l’Union européenne et la République d’Islande et le Royaume de Norvège relatif à la procédure de remise entre les États membres de l’Union européenne et l’Islande et la Norvège dans la perspective de son entrée en vigueur ;

- la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU n°1966(2010) adoptée par le Conseil de sécurité à sa 6463ème séance, le 22 décembre 2010 ;

- la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique signée à Istanbul, le 11 mai 201.

Enfin, le présent projet de loi harmonise les conditions d'inscription dans le fichier national des empreintes génétiques (FNAEG) pour traiter de la même façon tous les crimes et délits de guerre par rapport aux crimes et délits de droit commun et prévoit diverses dispositions transitoires résultant de certaines options ouvertes les décisions-cadres.

1. CONTEXTE DE LA LOI PORTANT ADAPTATION DE TROIS DIRECTIVES, DE DEUX DÉCISION-CADRES, D’UNE RÉSOLUTION, D’UNE CONVENTION ET D’UN PROTOCOLE DE L’ONU, DUNE CONVENTION DU CONSEIL DE L’EUROPE, D’UN ACCORD DE LUNION EUROPEENNE ET D’UN ARRÊT DE LA CJUE

1.1. Genèse des instruments

1.1.1. La directive « traite des êtres humains »

Cet instrument est issu d'une proposition de la Commission européenne.

Avant l’adoption du Traité de Lisbonne, un projet de décision-cadre ayant un objet similaire avait été déposé et discuté durant l’année 2009 et des négociations avaient permis d’aboutir à un texte qui faisait l’objet d’un large consensus lors du Conseil JAI des 30 novembre et 1er décembre 2009. Toutefois, ce projet de décision-cadre n’avait pu être adopté définitivement avant l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. C’est dans ce contexte que la Commission a pris l’initiative de soumettre aux États membres un nouveau texte largement inspiré de ce compromis, et contenant diverses améliorations afin de réviser et de renforcer la décision-cadre du 19 juillet 2002 relative à l’harmonisation des incriminations et des sanctions en matière de lutte contre la traite des êtres humains et afin d’intégrer dans « l’acquis » de l’Union, les dispositions de la convention du Conseil de l’Europe relative à la lutte contre la traite des êtres humains, signée à Varsovie le 25 octobre 2007 (qui est ratifiée par vingt et un États membres de l’Union européenne, six États membres ne l’ayant toujours pas ratifiée).

La négociation de cette directive a duré deux ans et demi à cause de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne qui a imposé de reprendre les négociations dans le cadre des nouvelles règles européennes, associant notamment le Parlement européen dans le cadre d’un trilogue.

La directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil a été adoptée le 5 avril 2011 et doit être transposée dans la législation de chaque État membre de l’Union européenne au plus tard le 6 avril 2013.

1.1.2. La directive « interprétation et traduction »

La première directive de la Feuille de Route sur les garanties procédurales relative au droit à l'interprétation et à la traduction (dite « mesure A»)1 a été adoptée par le Conseil et le Parlement de l'Union européenne le 20 octobre 2010. Elle vise à établir des normes minimales relatives au droit à l'interprétation et à la traduction des personnes mises en cause ou poursuivies pénalement. Elle doit être transposée au plus tard le 27 octobre 2013.

Elle consacre le principe général du droit à un interprète et à une traduction, et notamment :

- le droit à l’interprétation en ce qui concerne les communications entre le suspect et son conseil dès lors qu’elles présentent « un lien direct » avec une audience ou une audition, ou avec la présentation d’une demande ou d’un recours et qu’elles sont nécessaires pour assurer « le caractère équitable de la procédure ». Ce droit est ouvert que la personne suspectée soit libre ou détenue. (Article 2)

- le droit à une traduction écrite des pièces essentielles de la procédure (article 3) : celles-ci ne sont pas limitativement énumérées, mais elles concernent principalement la prévention, le jugement et toute autre décision privative de liberté ou fixant une assignation à résidence ou un placement sous bracelet électronique. La traduction des autres documents essentiels (en particulier des éléments de preuve) est soumise à l’appréciation des autorités compétentes, au cas par cas, le cas échéant sous réserve de recours. Elle peut ne porter que sur les passages pertinents, et non sur l’intégralité des documents. La traduction orale des documents est admise, à titre d’exception, à condition qu’elle n’affecte pas le caractère équitable de la procédure (ce qui est la reprise très fidèle de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme).

- le droit à interprétation et traduction doit être sans frais pour la personne concernée (article 4).

- la qualité de l’interprétation et de la traduction doit être suffisante. Une formation des personnels de justice et des interprètes traducteurs doit être assurée (articles 5 et 6).

Il est possible pour la personne concernée de renoncer au droit à la traduction ou à l’interprétation, dans le respect de l’information suffisante de la personne et de son droit à un procès équitable.

1.1.3. La directive « abus sexuels et pédopornographie »

Cette directive est issue d’une proposition de la Commission européenne visant à remplacer la décision-cadre 2004/68/JAI du Conseil du 22 décembre 2003 relative à la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie. Elle a pour objet d’intégrer les dispositions de la récente convention du Conseil de l'Europe STCE n° 201 sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels, signée à Lanzarote le 25 octobre 2007 et d’approfondir le rapprochement des législations des États membres en vue d’ériger en infraction pénale toutes les formes d’abus et d’exploitation sexuels concernant des enfants.

Cet instrument reprend et prolonge la décision-cadre du 22 décembre 2003 qui prévoyait l’obligation pour les États membres d’incriminer les infractions liées à l’exploitation sexuelle des enfants (proxénétisme, abus sexuels, participation contrainte à des spectacles pornographiques) et la pédopornographie (production, diffusion, offre, détention, etc.), et d’introduire dans leur droit des sanctions pénales harmonisées, ainsi que des règles relatives à la responsabilité des personnes morales et à la compétence territoriale.

Elle comprend de nouvelles obligations :

- la définition de nouvelles incriminations (telles que le fait de contraindre un enfant à avoir des relations sexuelles avec un tiers, de le faire assister à des actes sexuels, d’organiser des voyages ayant pour but des activités sexuelles avec des enfants, d’assister en connaissance de cause à des spectacles pédopornographiques, de favoriser la participation d’un enfant à de tels spectacles, de solliciter un enfant, via Internet, pour une rencontre aux fins d’activités sexuelles (« grooming »), d’accéder, en connaissance de cause et par le biais d’Internet à de la pédopornographie, de diffuser des matériels faisant la publicité des infractions définies par l’instrument) ;

- le renforcement de l’harmonisation des sanctions pénales et l’obligation pour les États membres de prendre des mesures d’interdiction d’activités impliquant des contacts réguliers avec des enfants et la reconnaissance des interdictions prononcées au sein de l’Union européenne ;

- l’introduction d’une clause d’immunité pénale au profit des enfants victimes ;

- le renforcement des critères de compétence pour juger de faits commis hors du territoire des États membres ;

- l’amélioration de la protection des victimes et de leurs familles.

1.1.4. Décision-cadre « in abstentia »

Cet instrument est issu d'une initiative de la Slovénie, la République tchèque, la France, l’Allemagne, la République slovaque, la Suède et le Royaume-Uni.

Il ne s'agit pas d'un texte d’harmonisation : chaque État membre définit librement les conditions dans lesquelles ses autorités judiciaires peuvent rendre des décisions “par défaut”. Cependant, certaines de ces décisions pourront ne pas être nécessairement exécutées dans un autre État membre dès lors qu’elles ne remplissent pas les conditions ou standards minima communs définis par la décision-cadre.

La France s'est associée à ce projet – qui procède d'une volonté de mise en cohérence des instruments adoptés et constitue une forme très pragmatique de relance de la réflexion commune sur le renforcement des garanties fondamentales au sein de l’Union européenne. Il a du reste été bien accueilli par les autres délégations.

Au cours des discussions, l’Allemagne, pourtant co-initiatrice du projet, s'est opposée dans un premier temps à son adoption, estimant le compromis insuffisamment protecteur des droits fondamentaux des personnes concernées ; en sens inverse, l'Italie a également rencontré des difficultés importantes, compte tenu des modalités spécifiques de citation et de représentation à l’audience qu’elle a adoptées dans les affaires de grande criminalité organisée. Elle s'est vue finalement octroyer le bénéfice d'une disposition transitoire, lui accordant un délai supplémentaire de trois années pour mettre en œuvre l’instrument.

La plupart des instruments de reconnaissance mutuelle adoptés contiennent un motif de refus lié au fait que la décision à exécuter a été rendue en l’absence de la personne concernée. Ce principe est cependant assorti d’exceptions, tel le fait par exemple que la personne a été informée de la date et du lieu du procès et qu’elle ne s’y est pas présentée. La rédaction de ces dispositions varie cependant d’un instrument à l’autre ce qui nuit à l’efficacité de la coopération judiciaire.

La décision-cadre introduit en conséquence des règles homogènes dans ce domaine, en prévoyant un certain nombre de garanties minimales autorisant la reconnaissance de la décision étrangère rendue en l’absence de la personne.

1.1.5. La décision Eurojust

L’unité Eurojust (ci-après « l'Unité » ou « Eurojust ») a été créée par la décision du Conseil n° 2002/187/JAI du 28 février 2002, dans le but de renforcer la lutte contre les formes graves de la criminalité organisée.

Compétente pour les formes les plus graves de la criminalité organisée, elle est composée de vingt-sept membres nationaux (un par État membre) qui doivent avoir dans leur pays la qualité de juge, de procureur ou d’officier de police ayant des prérogatives équivalentes.

La décision instituant l'Unité permet aux États membres de déterminer librement la nature et l’étendue des pouvoirs propres qu’ils confèrent à leur représentant national. Unité de coordination des enquêtes et des poursuites, Eurojust ne peut pas effectuer d’actes d’investigation, ne disposant que de la faculté de demander aux autorités judiciaires des États membres d’entreprendre une enquête ou d’engager des poursuites, de se dessaisir au profit d’une autre autorité, ou de mettre en place des équipes communes d’enquête.

En 2007, soit cinq ans après l’adoption de la Décision ayant institué Eurojust, une réflexion a été engagée au sein de la Commission européenne et du Conseil visant à tirer les enseignements des premières années de fonctionnement de l’Unité et à envisager les améliorations susceptibles d’être apportées à son cadre normatif. Il est apparu notamment que, sans préjudice des développements susceptibles d’être envisagés en cas d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, deux séries de modifications pouvaient être envisagées « à traité constant » :

- développer et harmoniser a minima les prérogatives des membres nationaux, la décision de 2002 ayant été mise en œuvre de manière très disparate par les États membres ;

- renforcer le rôle de « facilitateur » du Collège pour le règlement des conflits, notamment en lui permettant de rendre des avis ou de formuler des recommandations, auxquels les États membres auraient l’obligation de répondre de manière motivée lorsqu’ils n’y donnent pas suite.

Sur la base de ces premières réflexions, un petit groupe d’États membres s’est constitué autour du Secrétariat général du Conseil, qui a élaboré un projet de Décision du Conseil révisant celle de 2002. La France, qui comptait faire de ce projet l’une des priorités de sa présidence, a joué un rôle moteur au sein de ce groupe. Le projet a été déposé le 7 janvier 2008 par la France, la République Tchèque, la Suède, la Belgique, la Slovénie, le Portugal, l’Autriche, les Pays-Bas, l’Italie, l’Espagne, la Pologne, la République slovaque et le Luxembourg.

L'objectif de cette décision du Conseil est de clarifier le rôle de l'Unité au regard de celui dévolu à d’autres acteurs de la coopération judiciaire au sein de l’Union européenne et de renforcer l'assise de l'Unité en accroissant les capacités opérationnelles de ses membres nationaux, tout en veillant à conserver aux autorités judiciaires nationales la maîtrise de l’action publique.

1.1.5.1 Le renforcement de la structure d’Eurojust

La décision prévoit :

- l’harmonisation du statut des membres nationaux (article 2), pour laquelle il impose une durée minimale de mandat (4 ans), ainsi que l’obligation de leur adjoindre un suppléant et un assistant et de prévoir leur établissement permanent au siège d’Eurojust ;

- la mise en place d'un « Dispositif permanent de Coordination » (article 5 bis), pour lequel est créé un système de permanence au sein d’Eurojust, disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, dont l’objectif est d’assurer une parfaite réactivité de l’Unité dans les cas nécessitant une coordination en urgence entre les autorités judiciaires ;

- l’instauration d’un régime de responsabilité civile de l’Unité (article 27 quater), qui constitue la contrepartie de sa pérennité et du développement de ses compétences et moyens d’action.

1.1.5.2. La mise en place d’un « système national de coordination Eurojust » au sein des États membres (article 12)

Est prévue la mise en place d’un dispositif souple et peu structuré, composé notamment de correspondants nationaux pour Eurojust et pour le Réseau Judiciaire européen, dénommé « système national de coordination Eurojust ». Il a pour objectif essentiel de faciliter les échanges d’informations entre les autorités nationales et Eurojust, d’assister l’Unité dans l’exercice de ses compétences et de lui faciliter l’accomplissement de ses missions. Il est en outre prévu que ce dispositif soit connecté au Système de Gestion des dossiers d'Eurojust (« Case Management System ») assurant ainsi une réelle interaction entre l'Unité, par l'intermédiaire du bureau national français et des autorités centrales.

L’intérêt majeur de ce dispositif réside dans la possibilité de prise en charge des dépenses de fonctionnement par le budget d’Eurojust.

1.1.5.3. L'échange d'informations entre les États Membres et les membres nationaux (article 13)

Le projet affirme la nécessité d’une transmission précoce des informations, et ce par un moyen de communication « structuré », concernant principalement :

- les procédures dans lesquelles un risque de conflit de juridiction s'est présenté ou est susceptible de se présenter ;

- la mise en place d’une équipe commune d’enquête (pour laquelle Eurojust pourra désormais assurer un soutien logistique et financier) ;

- les livraisons contrôlées, impliquant au moins trois États dont deux États membres ;

- toute procédure concernant directement au moins trois États membres pour laquelle des demandes de coopération judiciaire et des décisions dans ce domaine ont été transmises à au moins deux États membres et lorsque l'infraction est punissable d'une peine d'au moins cinq années d'emprisonnement, qu'elle figure dans une liste limitativement prévue2, qu'elle a été commise par une organisation criminelle ou que les faits sont susceptibles de d'avoir une dimension ou une incidence transfrontalière grave au niveau de l'Union européenne;

- les refus de coopération et les difficultés récurrentes de coopération avec d'autres États membres.

Le texte ménage toutefois une exception au principe lorsque la fourniture d'informations aurait pour effet de porter atteinte à des intérêts nationaux essentiels en matière de sécurité ou de compromettre la sécurité d'une personne.

Parallèlement et en contrepartie, la Décision prévoit qu'Eurojust assure aux autorités compétentes des États membres un retour d'informations concernant les résultats des traitements de données, permettant ainsi d'effectuer les recoupements qu'autoriserait le traitement des informations ainsi reçues, sous réserve des règles spécifiques de confidentialité applicables au sein de l'Unité (article 13 bis).

1.1.5.4. Le développement des compétences du Collège (article 7)

Le projet renforce le rôle de facilitateur de la coordination du Collège, sans toutefois lui conférer aucun pouvoir décisionnel. Il pourra émettre des avis écrits, non contraignants :

- en cas de conflit de compétence entre deux États membres ou plus,

- en cas de refus ou de difficulté de coopération entre deux États membres, à la condition que l’un d’eux lui ait demandé d’émettre un tel avis.

1.1.5.5. Les relations entre Eurojust et les États tiers

Le projet consacre la reconnaissance des possibilités d’intervention d’Eurojust dans la coopération judiciaire avec les États tiers, sans préjudice des dispositions des instruments de coopération judiciaire existant entre ces États et les États membres de l’Union européenne (cf. article 27 ter).

Par ailleurs, il prévoit la possibilité pour Eurojust de mettre en place des « magistrats de liaison » dans des États tiers dans le but de faciliter la coopération judiciaire entre tout État membre qui souhaite en faire usage, et l’État tiers en question (article 27 bis). Cette possibilité demeure néanmoins soumise à l’approbation préalable, par le Conseil, des accords de coopération à conclure avec les États tiers.

1.1.5.6. Les relations avec le Réseau Judiciaire Européen (article 25bis)

Cette Décision, parallèlement aux dispositions-miroirs contenues dans la Décision relative au Réseau Judiciaire Européen3, consacre et clarifie les relations privilégiées entretenues par l'Unité avec le Réseau Judiciaire Européen, basées sur la consultation, l'information réciproque des membres nationaux d'Eurojust et des points de contact du Réseau et leur complémentarité.

Ces dispositions devraient permettre à terme, la définition d’une véritable « doctrine d’emploi » à l'usage des praticiens de ces deux acteurs de la coopération judiciaire.

Enfin, ce texte officialise la prise en charge, sur le budget d’Eurojust, des frais de fonctionnement du secrétariat du Réseau.

1.1.5.7. Les compétences des membres nationaux et l'attribution de pouvoirs décisionnels (articles 6 et 9 bis)

Plusieurs dispositions participent du développement des compétences et attributions des membres nationaux, tout en préservant les prérogatives des autorités nationales compétentes :

- l’article 6 étend la possibilité offerte au membre national de « demander » de manière motivée l’accomplissement de certains actes d’enquête. Il pourra ainsi demander la mise en œuvre de « techniques d’enquête spéciales », ou de « tout autre mesure justifiée par l’enquête et les poursuites », ainsi que l’accomplissement d’actes complémentaires en cas d’inexécution partielle ou insatisfaisante d’une demande de coopération. Il est à noter que les autorités compétentes auront toujours la possibilité de refuser, de manière motivée, de se conformer à ces demandes (article 8).

- l’article 9 renforce le droit d’accès du membre national aux informations nécessaires à l’accomplissement de sa mission, figurant dans les fichiers nationaux mis en œuvre dans son État membre (casier judiciaire, registre des personnes détenues, fichiers d’enquête, fichiers ADN, etc.).

Ce texte pose le principe d’un accès intégral aux données de ces fichiers mais non d’un accès « direct ». Ce droit d’accès s’exercera conformément aux dispositions applicables, dans l’État membre considéré, aux autorités de nature équivalente.

- l’article 9 bis reconnaît aux membres nationaux, dans certains cas, un pouvoir décisionnel :

a) La Décision prévoit que les membres nationaux pourront- en veillant à en informer immédiatement les autorités judiciaires compétentes - :

- recevoir, transmettre, faciliter (notamment en faisant procéder à des traductions avant de les adresser aux autorités nationales pour exécution) et suivre l’exécution de toutes demandes de coopération judiciaire présentées au titre des instruments de coopération adoptés sur le fondement du titre VI4 ;

- transmettre toute information supplémentaire relativement à ces demandes.

b) En outre, elle dispose que les membres nationaux pourront, en leur qualité d’autorité judiciaire compétente et à la demande, ou avec l'accord des autorités judiciaires compétentes  :

- émettre ou compléter des demandes de coopération judiciaire ;

- faire exécuter des demandes de coopération judiciaire et décisions dans ce domaine, notamment en ordonnant les mesures d'enquête utiles;

- autoriser des livraisons contrôlées.

c) Enfin, en cas d’urgence et lorsqu’aucune autorité nationale n’est identifiée ou ne peut l’être rapidement, les membres nationaux se voient reconnaître la possibilité d’autoriser et de coordonner des mesures de livraison surveillée et de faire exécuter au sein de leur État membre une demande de coopération judiciaire ou une décision intervenue dans ce domaine.

Il convient de souligner que la Décision permet aux États membres de limiter l'octroi de ces prérogatives lorsqu’elles seraient en contradiction avec des règles d'ordre constitutionnel liées notamment à la séparation du siège et du parquet, ou avec des aspects fondamentaux du système de justice pénale en cause. En ce cas, seule la possibilité d’adresser des réquisitions à l’autorité judiciaire compétente pourrait lui être reconnue.

1.1.6. Décision-cadre peines privatives de liberté ou PPL

Cette décision-cadre, initiée par l’Autriche, la Suède et la Finlande, vise à approfondir et moderniser les mécanismes de transfèrement des personnes condamnées résultant de la convention du Conseil de l’Europe du 21 mars 1983. Conçue dans un objectif de réinsertion, cette convention permet aux personnes incarcérées pour l’exécution d’une peine privative de liberté prononcée dans un État partie, de la purger dans l’État dont elles sont ressortissantes.

Jusqu’à présent, le transfèrement d’une personne détenue, dans le cadre de la mise en œuvre de la convention de 1983 suppose un triple consentement : celui des deux États concernés (État de condamnation et État d’exécution) et celui de la personne condamnée. Une fois le transfèrement opéré, l’exécution de la peine est poursuivie conformément à la législation de l’État d’exécution, qui n’est jamais tenu d’exécuter une peine incompatible, par sa nature ou sa durée, avec son droit (telle qu’une peine infligée excédant celle encourue sur son territoire pour les mêmes faits).

Dans le cadre de la convention de transfèrement de 1983, l’État d’exécution peut :

- soit réduire la peine au maximum légal encouru selon son droit (c’est le mécanisme « d’adaptation », mis en œuvre par la France) ;

- soit confier à ses autorités judiciaires le soin de déterminer librement le quantum de la peine (c’est le mécanisme de la « conversion », qui permet au juge de l’État d’exécution de substituer sa propre appréciation de la peine).

Il convient de souligner que seules peuvent faire l’objet d’un transfèrement les personnes condamnées qui ont commencé à purger leur peine dans l’État de condamnation.

Ces limitations ont conduit à l’élaboration de deux mécanismes complémentaires pour combler les lacunes de la convention de transfèrement de 1983 :

- la convention d’application de l’accord de Schengen (article 68) a introduit la possibilité de poursuivre l’exécution d’une peine privative de liberté lorsque la personne condamnée s’est évadée et a rejoint le pays dont elle est ressortissante ce qui empêchait dans la plupart des cas son extradition vers l’État de condamnation en raison de la règle ancienne de non extradition des nationaux5 ;

- la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen a introduit la possibilité de refuser la remise d’une personne condamnée en contrepartie de l’engagement par l’État dont cette personne est ressortissante d’exécuter la peine prononcée.

La décision-cadre relative à l’exécution des peines privatives de liberté apporte, dans les relations entre les États membres de l’Union européenne, plusieurs modifications importantes au régime juridique applicable au transfèrement des personnes condamnées :

- elle permet l’exécution des peines privatives de liberté dont l’exécution n’a pas encore débuté dans l’État ayant prononcé la condamnation ;

- elle supprime toute possibilité de « conversion » de la peine (conservant, en revanche, la possibilité d’une « adaptation »), ce qui constitue, notamment pour la France qui ne pratique pas la conversion de peine, un élément important de valeur ajoutée du texte ;

- elle supprime, dans certains cas, l’obligation de recueillir le consentement de la personne condamnée ;

- elle rend le transfèrement contraignant pour l'État d'exécution dans certains cas qui supposent notamment que la personne condamnée ait la nationalité de cet État.

Le caractère contraignant du transfèrement pour l'État d'exécution et la suppression partielle de l'exigence du consentement du condamné ont été particulièrement discutés. Il en a été de même de la possibilité, envisagée un temps, d'étendre l'application de l'instrument au transfèrement vers l'État membre de résidence habituelle du condamné. Sur ce dernier point, une solution purement optionnelle a finalement été retenue (article 4.7).

1.1.7. Protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatifs aux signes humanitaires

Les conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels font obligation aux États parties d’assurer la protection contre les usages abusifs de l’emblème, de la dénomination et des imitations des emblèmes et de la dénomination des signes distinctifs reconnus en 1949 (Croix-Rouge, Croissant-Rouge), réservés progressivement depuis 1864 aux services chargés de soigner les militaires blessés ou malades sans aucune discrimination ainsi qu’à la protection des personnes civiles en temps de guerre (quatrième convention de Genève signée le 12 août 1949).

Le IIIème Protocole a pour objet de reconnaître un nouveau signe distinctif n’ayant aucune signification religieuse, ethnique, raciale, régionale ou politique, en l’espèce le Cristal-Rouge, caractérisé par un emblème ayant la forme d’un carré Rouge sur fond blanc. Il impose aux Hautes Parties contractantes de prendre les mesures nécessaires pour « prévenir et réprimer, en tout temps, tout abus des signes distinctifs, de leur dénomination, y compris de leur usage perfide, et l’utilisation de tout signe et dénomination qui en constitue une imitation ».

Il convient de rappeler qu’en 1913, lors de la réglementation de l’utilisation du signe de la Croix-Rouge, les articles 260 et 260-1 du code pénal ne réprimaient l’usage d’un insigne que lorsqu’il était commis « afin de commettre un crime ou un délit » et pour autant qu’il s’agisse d’insignes français de fonctionnaires de police, de gendarmerie, voire, en temps de guerre, de militaires.

1.1.8. La résolution du Conseil de sécurité de l’ONU n° 1966(2010) du 22 décembre 2010 créant un «Mécanisme résiduel »

Par cette Résolution, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a reporté l’échéance d’achèvement des travaux des tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda, et institué pour une période initiale de quatre ans un Mécanisme résiduel. Ce Mécanisme résiduel sera ainsi chargé de la poursuite et du jugement des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre actuellement poursuivis et jugés par ces deux tribunaux pénaux internationaux. Il s’applique à compter du 1er juillet 2012 s’agissant des fonctions résiduelles du Tribunal Pénal International pour le Rwanda, et à compter du 1er juillet 2013 s’agissant de celles du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie.

Dans la mesure où, à compter de son entrée en vigueur, le Mécanisme est susceptible de former des demandes d’assistance à la France (notamment des demandes de dessaisissement, d’exécution des ordonnances d’un juge unique ou d’une chambre du Mécanisme, des demandes en matière d’exécution des peines) dans le cadre de sa compétence, une adaptation de notre législation est nécessaire afin de permettre la poursuite de cette coopération.

1.1.9. Convention sur les disparitions forcées

La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées a été adoptée sans vote par l’Assemblée générale des Nations unies, le 20 décembre 2006. Ce texte est le fruit de 25 années d’efforts continus en faveur des victimes de disparition forcée, déployés par leurs familles et les organisations non gouvernementales mais aussi des États, en particulier la France qui a apporté une contribution décisive au succès de ce long processus. La France a en effet présenté la première résolution sur les disparitions forcées adoptée par l’Assemblée générale des nations unies le 20 décembre 1978.

La Convention constitue une avancée considérable pour la promotion et la protection des droits de l’homme et participe à la lutte contre l’impunité, qui constitue une des priorités de la politique étrangère française.

Ouverte à la signature à Paris le 6 février 2007, la Convention a été signée à cette date par la France. Sa ratification sans réserve, le 23 septembre 2008, a été autorisée par la loi n° 2008-704 du 17 juillet 2008. La France a simultanément déclaré accepter la compétence du comité des disparitions forcées pour examiner les communications qui pourraient être faites par des individus ou d’autres États parties. La Convention est entrée en vigueur le 23 décembre 2010, elle a été publiée par le décret n° 2011-150 du 3 février 2011, paru au Journal officiel de la République française du 6 février 2011. Elle compte à ce jour 87 signataires, 3 adhésions et 18 ratifications, soit 21 États parties.

Il s’agit du premier instrument international érigeant en crime, en temps de paix comme de guerre, les disparitions forcées. La Convention pose une définition légale de la disparition forcée (« l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté commise par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, suivie du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi »), qualifie la pratique généralisée ou systématique de la disparition forcée de crime de contre l’humanité, interdit les lieux de détention secrets et renforce les garanties de procédure entourant la mise en détention.

Elle ouvre aux familles et aux proches un droit à connaître la vérité sur le sort des personnes victimes de disparitions forcées.

Par ailleurs, la Convention institue un mécanisme de surveillance : le Comité des disparitions forcées, composé de dix experts indépendants.

1.1.10. L’accord entre l’Union européenne et l’Islande et la Norvège

En juillet 2001, le Conseil de l’Union européenne a autorisé la présidence, assistée de la Commission européenne, à entrer en voie de négociations d’un accord d'extradition avec la Norvège et l'Islande, lequel devait appliquer à l'Islande et à la Norvège les dispositions de la convention européenne d’extradition de 1996.

Le mandat a été actualisé en 2002 après qu'il a été convenu que l'extradition au sein de l'UE serait remplacée par une procédure de remise au titre du mandat d'arrêt européen et que les procédures de remise avec les Etats « Schengen » devaient donc suivre ce modèle.

Ce projet d’accord a été négocié sur la base de l’article 24 du traité sur l’Union européenne6. Cet article, introduit par le traité d’Amsterdam permettait au Conseil de l’Union européenne de conclure des accords avec les pays tiers. Sa rédaction était ambiguë, puisqu’elle ne précisait pas au nom de qui ces accords étaient conclus par le Conseil : des Etats membres, de l’Union européenne, voire à la fois des Etats membres et de l’Union européenne. Dans un avis rendu en décembre 2002 au sujet des accords d’entraide judiciaire avec les Etats-Unis, le service juridique du Conseil avait estimé que les accords conclus sur le fondement de cet article le sont au nom de l’Union européenne seule.

Cette interprétation de l’article 24 pouvait ne pas interdire aux Etats membres de soumettre ces accords à leurs Parlements nationaux, en vertu du paragraphe 5 de cet article.

Lors de la signature des accords d’entraide judiciaire avec les Etats-Unis, treize Etats membres de l’Union européenne sur quinze, puis les dix nouveaux Etats membres, ont ainsi fait une déclaration aux termes de laquelle ils ne seraient liés par ces accords qu’après avoir satisfait à leurs règles constitutionnelles respectives. Ils ont pu, à ce titre, consulter leur parlement (l’Allemagne, par exemple, en application de l’article 59 § 2 de la Loi fondamentale, relatif à la ratification d’accords internationaux).

Le Gouvernement français s’est, quant à lui, conformé à l’interprétation de l’article 24 donnée par le Conseil d’Etat. Dans un avis du 7 mai 2003, le Conseil d’Etat a en effet estimé que la « réserve constitutionnelle » prévue au cinquième alinéa de l’article 24 TUE a « pour objet de permettre à cet Etat d’assurer uniquement le respect des règles de fond d’ordre constitutionnel ». En d’autres termes, il ne pourrait en être fait usage que lorsqu’un projet d’accord comporte des dispositions contraires à la Constitution.

La commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale a, le 12 octobre 2005, critiqué cette interprétation et demandé au Gouvernement de faire usage de la possibilité d'une ratification parlementaire ouverte par l'article 24 § 5 du traité sur l’Union européenne7.

Conformément à la décision 2006/697/CE du Conseil du 27 juin 2006, l'Accord a été signé le 28 juin 2006, lors du Conseil de l’Union européenne, mais sa conclusion a été retardée par l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, en conséquence duquel la procédure de conclusion d’accords entre l’Union européenne et les Etats tiers est désormais régie par l’article 218 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)8.

Le traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre 2009, a modifié les procédures devant être suivies par l'Union européenne afin de conclure des accords qui sont désormais régies par l'article 218 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et la problématique de l'article 25 TUE est désormais obsolète. En effet, l'article 218 TFUE a supprimé la réserve autrefois mentionnée à l'article 24 § 5 de l’ancienne version du traité sur l’Union européenne, les accords conclus selon la procédure de l'article 218 TUE lient directement, le cas échéant, les Etats membres avec les Etats tiers avec lesquels ils sont conclus. Le service juridique du Conseil a émis un avis très clair9 sur les effets du Traité de Lisbonne concernant l'adoption au visa de l'article 218 TFUE des Accords initiés au visa de l'ancien article 24 TFUE. L'une de ses conclusions est que les accords sont juridiquement contraignants pour les Etats membres. (" International agreements concluded by the EU acting in the exercise of competences conferred upon it by the Treaties are legally binding for the EU institutions and for the Member States.").

Le Parlement européen a donné son approbation à la conclusion de l’accord le 13 septembre 2011, et la conclusion de l’accord incombe désormais au Conseil.

Conformément à l’article 218 TFUE, cet accord, dès son entrée en vigueur consécutive à sa conclusion par l’Union, créera des obligations réciproques entre les Etats membres d’une part et l’Islande et la Norvège d’autre part.

Les stipulations de cet accord sont calquées sur celles de la décision-cadre 2002/584/JAI relative au mandat d’arrêt européen, tout en ménageant la possibilité pour les Etats membres, par voie de déclarations, de ne pas appliquer certaines règles du mandat d’arrêt européen.

Le 28 avril 2010, la France a transmis au Conseil de l’Union européenne les déclarations aux termes desquelles :

- Les causes de refus obligatoires d’exécution d’un mandat d’arrêt seront l’absence de double incrimination, le principe non bis in idem (décision de poursuite ou de non poursuite prise en France pour les mêmes faits, condamnation définitive dans un Etat tiers), prescription de l’action publique ou de la peine ;

- Les causes de refus facultatives seront l’exercice de poursuites en cours en France, la nationalité française ou la résidence en France de la personne dont la remise est sollicitée, si la France s’engage à exécuter la peine, et la territorialité de l’infraction (infraction commise en France, ou dans un autre Etat alors que la France ne serait pas compétente).

-En application de l’article 6 de l’accord, seules les infractions terroristes ne pourront être considérées comme de nature politique.

-La France ne remettra pas une personne qui avait la nationalité française au moment des faits, et refusera son transit.

-Les autorités judiciaires désignées pour la mise en œuvre de l’accord sont les mêmes que celles désignées au titre de la décision-cadre 2002/584/JAI.

-La France continuera à mettre en œuvre les règles de l’extradition si les faits à raison desquels la remise est demandée ont été commis avant le 1er novembre 1993.

Le projet entreprend donc de rendre applicable à la mise en œuvre de cet accord comme de tout accord de même nature les dispositions de transposition de la décision-cadre 2002/584/JAI relative au mandat d’arrêt européen, et de préciser les règles dérogatoires applicables aux procédures de remise instituées par de tels accords.

1.1.11. La convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (CAHVIO)

Cette convention a été signée par la France le 11 mai 2011, lors de son ouverture à la signature à l’occasion de la 121ème session du Comité des Ministres à Istanbul. Son objectif est d’ériger des règles minimales en matière de prévention, de prise en charge des victimes, ainsi que de poursuite et de répression des auteurs d’infractions auxquelles les femmes sont particulièrement exposées, telles que les violences sexuelles (viols et agressions sexuelles), les violences physiques et psychologiques, le harcèlement, les mariages forcés, les mutilations génitales ou encore les « crimes d’honneur ». La législation française est d’ores et déjà très largement conforme à la majorité des obligations découlant de la convention.

1.1.11.1 : Dispositions relatives à la prévention

L’article 15 est relatif à la formation des professionnels en contact avec les victimes d’actes de violence couverts par le champ d’application de la convention. Cette dimension a été intégrée dans la loi n°2010-769 du 9 juillet 2010 ainsi que dans le troisième plan interministériel 2011-2013 de lutte contre les violences faites aux femmes.

L’article 16 prévoit que les Parties doivent prendre des mesures législatives ou autres afin d’établir et de soutenir des programmes préventifs d’intervention et de traitement à destination des auteurs de violences domestiques et sexuelles, dont l’objectif est notamment de les inciter à modifier leur comportement afin de prévenir tout risque de récidive.

1.1.11.2 Dispositions relatives à la protection et au soutien des victimes d’infraction

L’article 19 prévoit que les victimes reçoivent une information adéquate et en temps opportun, dans une langue qu’elles comprennent, sur les services d’aide et de soutien ainsi que sur les mesures légales dont elles disposent (droit d’obtenir réparation du préjudice subi, droit de se constituer partie civile,…).

L’article 20 aborde la question des services de soutien généraux, à savoir ceux fournis par les pouvoirs publics dans les domaines notamment de l’aide sociale, de la santé ou de la recherche d’emploi. Cette disposition mentionne que ces services doivent pouvoir répondre, si nécessaire, aux besoins spécifiques des victimes de violences, et leur fournir des mesures telles que des conseils juridiques et psychologiques, une assistance financière ou encore une assistance en matière de recherche d’emploi.

L’article 21 traite plus spécifiquement de l’information fournie aux victimes sur les mécanismes existants relatifs au dépôt de plaintes auprès d’instances régionales et internationales, et sur l’assistance aux victimes dans la présentation de leurs plaintes.

L’article 22 prévoit la mise en place de services d’aide aux victimes spécialisés en matière de victime de violences, à destination plus particulièrement des femmes et de leurs enfants.

L’article 24 impose aux Etats parties de mettre en place, à l’attention des victimes, des permanences téléphoniques gratuites accessibles 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, afin de leur prodiguer des conseils.

Aux termes de l’article 28, les Parties doivent veiller à ce que les professionnels normalement liés par les règles du secret professionnel puissent s’en affranchir afin d’adresser un signalement aux autorités compétentes s’ils ont des motifs de croire qu’un acte grave de violences a été commis et risque de se reproduire.

1.1.11.3 Dispositions relatives au droit matériel

Les articles 33 à 42 constituent l’une des parties les plus importantes de la Convention, puisqu’ils listent les actes que les Parties doivent ériger en infractions pénales.

L’article 33 impose d’incriminer les violences psychologiques, définies comme « le fait, lorsqu’il est commis intentionnellement, de porter gravement atteinte à l’intégrité psychologique d’une personne par la contrainte ou les menaces ».

L’article 34 impose de réprimer le harcèlement, défini comme « le fait, lorsqu’il est commis intentionnellement, d’adopter à plusieurs reprises un comportement menaçant dirigé envers une personne, conduisant celle-ci à craindre pour sa sécurité ».

L’article 35 prévoit l’incrimination des violences physiques.

L’article 36 est relatif aux violences sexuelles. Il distingue trois comportements (§1) :

- la pénétration vaginale, anale ou orale non consentie, à caractère sexuel, du corps d’autrui avec toute partie du corps ou avec un objet (a) : il s’agit de l’infraction de viol, prévue et réprimée par les articles 222-23 à 222-26 du code pénal ;

- tous les autres actes à caractère sexuel non consentis (b): il s’agit des agressions sexuelles, prévues et réprimées par les articles 222-27 à 222-30 du code pénal ;

- le fait de contraindre autrui à se livrer à des actes à caractère sexuel non consentis avec un tiers (c).

L’article 37 de la Convention stipule que les Parties doivent ériger en infraction pénale le fait intentionnel de « tromper un adulte ou un enfant afin de l’emmener sur le territoire d’une Partie ou d’un Etat autre que celui où il réside avec l’intention de le forcer à contracter un mariage ». Cette incrimination n’est actuellement pas prévue dans notre droit (cf. infra).

L’article 38 concerne les mutilations génitales féminines. Il impose aux Parties d’ériger en infractions pénales :

a) l’excision, l’infibulation ou toute autre mutilation de la totalité ou d’une partie des labia majora, labia minora ou du clitoris d’une femme;

b) le fait de contraindre une femme à subir tout acte énuméré au a), ou de lui fournir les moyens à cette fin;

c) le fait d’inciter ou de contraindre une fille à subir tout acte énuméré au a), ou de lui fournir les moyens à cette fin : s’agissant des faits commis sur une mineure, cet alinéa, contrairement à l’alinéa b) précédent, prévoit d’incriminer également l’incitation à commettre ces faits, que cette incitation soit ou non suivie d’effet.

L’article 39 est relatif à l’avortement et à la stérilisation forcés, c'est-à-dire pratiqués sans le consentement éclairé de la victime.

L’article 40 concerne le harcèlement sexuel, défini comme « toute forme de comportement non désiré, verbal, non-verbal ou physique, à caractère sexuel, ayant pour objet ou pour effet de violer la dignité d’une personne, en particulier lorsque ce comportement crée un environnement intimidant, hostile, dégradant ou offensant ». Les Parties sont libres de réprimer ce comportement dans le cadre du droit pénal, du droit civil ou du droit du travail.

L’article 41 est relatif à l’aide ou à la complicité (§1), ainsi qu’à la tentative (§2), de commettre les infractions définies ci-dessus par la Convention (articles 33 à 39 sauf articles 38 b) et c)).

L’article 42 prévoit que l’ « honneur », la culture, la coutume, la religion et la tradition ne peuvent être invoqués comme justifiant la commission d’infractions, et notamment de celles commises dans le but de punir une victime du fait de son comportement.

Il ressort de l’article 43 que la relation entre l’auteur et la victime de l’infraction ne doit pas faire obstacle à l’engagement de poursuites pénales. Le rapport explicatif cite l’exemple du viol commis entre époux, qui pendant longtemps n’a pas été reconnu comme une infraction.

L’article 45, relatif aux sanctions des infractions et aux autres mesures, impose aux Parties de prendre les mesures législatives ou autres nécessaires afin que les infractions visées par la Convention soient passibles de sanctions « effectives, proportionnées et dissuasives », et puissent inclure des peines privatives de liberté pouvant donner lieu à extradition. Le paragraphe 2 mentionne que les parties peuvent adopter d’autres mesures telles que des mesures de surveillance ou de suivi des personnes condamnées, ainsi que des mesures de déchéance des droits parentaux.

L’article 46 impose aux Parties de prendre en compte certaines circonstances, soit comme éléments constitutifs de l’infraction, soit comme circonstances aggravantes lors de la détermination des peines applicables aux infractions établies conformément à la Convention.

L’article 47 prévoit la possibilité pour l’autorité compétente d’une Partie de prendre en compte, dans le cadre de la détermination de la peine, les condamnations définitives prononcées par une autre Partie. Le rapport explicatif précise toutefois que « cette disposition n’implique cependant pas l’obligation positive pour les tribunaux et les parquets d’entreprendre des démarches afin d’établir si les personnes poursuivies ont fait l’objet de condamnations définitives prononcées par une autre Partie ».

L’article 48 pose le principe de l’interdiction des modes alternatifs obligatoires de résolution des conflits, tels que la médiation et la conciliation, s’agissant des formes de violences entrant dans le champ d’application de la Convention.

1.1.11.4 : Dispositions relatives à l’enquête et aux poursuites

L’article 50 impose aux Parties de prendre les mesures nécessaires pour permettre aux services répressifs d’intervenir en cas d’urgence et d’offrir aux victimes de violences des mesures de prévention et de protection. Ces mesures consistent notamment en la possibilité de pénétrer dans des lieux où se trouve une personne en danger, de traiter et conseiller les victimes de manière appropriée, d’auditionner les victimes dans des locaux de nature à instaurer une relation de confiance.

L’article 52, relatif aux ordonnances d’interdiction, prévoit la mise en œuvre de mesures destinées, en cas d’urgence, à permettre aux autorités compétentes d’ordonner à l’auteur de violences de quitter le domicile de la victime, et de lui interdire d’entrer en contact avec elle. Ces mesures correspondent, dans notre droit interne, aux ordonnances de protection, délivrées par le juge aux affaires familiales dans les conditions prévues aux articles 515-9 et suivants du Code civil.

Selon l’article 53, dont l’objet est proche de l’article 52, les législations des Etats parties doivent prévoir la possibilité de rendre des ordonnances d’injonction et/ou de protection en faveur des victimes de violences, dont l’objectif est de prévenir la réitération des faits et de protéger les victimes.

L’article 54 concerne la recevabilité des preuves ; il énonce que les preuves relatives aux antécédents sexuels de la victime ne doivent être recevables que lorsque cela est pertinent et nécessaire. Le rapport explicatif précise toutefois que cet article n’exclut pas la possibilité de présenter de telles preuves.

L’article 55 §1 prévoit la possibilité d’engager des poursuites pénales indépendamment d’une plainte de la victime. Le paragraphe 2 mentionne que les organisations gouvernementales et non gouvernementales ainsi que les conseillers spécialisés dans la violence domestique puissent aider et assister les victimes au cours de l’enquête et de la procédure judiciaire.

L’article 56 est relatif aux mesures de protection. Le paragraphe 1 contient une liste des mesures générales nécessaires pour protéger les victimes : mesures de protection des victimes et des témoins, obligation d’information en cas de libération ou d’évasion de l’auteur, information sur les droits des victimes tout au long de l’enquête, possibilité d’être entendues et d’apporter des éléments de preuve, protection de leur image et de leur vie privée, limitation des contacts visuels avec l’auteur des faits, possibilité d’être assistées par un interprète… Notre droit est déjà conforme sur ce point, à l’exception de l’information de la victime en cas d’évasion de l’auteur des faits, qui n’est pas prévue. Le paragraphe 2 traite plus spécifiquement des enfants victimes, qui doivent pouvoir bénéficier de mesures de protection spécifiques adaptées à leur vulnérabilité, comme la possibilité de témoigner hors la présence de l’auteur des faits afin d’éviter toute intimidation.

L’article 57 relatif à l’aide juridique pose le principe de l’accès des victimes à une aide juridique ainsi qu’à une assistance juridique gratuite, tout en renvoyant au droit interne pour en fixer les modalités.

L’article 58 concerne le délai de prescription. Il impose aux Partis de prendre les mesures nécessaires pour que ce délai coure, s’agissant des infractions visées aux articles 36 à 39 (violences sexuelles, mariages forcés, mutilations génitales, avortement et stérilisation forcés), «pour une durée suffisante et proportionnelle à la gravité de l’infraction en question » afin que l’engagement de poursuites pénales puisse se faire à la majorité de la victime.

1.1.11.5 : Dispositions relatives à la coopération internationale

L’article 62 §1, disposition sans portée juridique, énonce des principes généraux devant gouverner la coopération entre Parties. Le paragraphe 2 prévoit que les victimes d’une infraction puissent déposer plainte dans leur Etat de résidence, quand bien même les faits auraient été commis dans un autre Etat. Le §4 prévoit que les parties intègrent la prévention et la lutte contre la violence faite aux femmes et la violence domestique dans les accords et programmes d’assistance au développement conclus avec des Etats tiers au Conseil de l’Europe.

L’article 63 prévoit la transmission d’informations entre Parties, notamment lorsqu’une Partie a de sérieuses raisons de penser qu’une personne risque d’être victime d’infractions prévues aux articles 36 à 39 sur le territoire d’une autre Partie. Les conventions citées dans l’article 63, signées par la France, donnent une base légale à l’échange de telles informations.

L’article 64 invite les Parties à un échange d’informations afin de prévenir toute infraction ; cet échange d’information peut intervenir spontanément, sans demande préalable.

L’article 65 prévoit que les données échangées dans le cadre de la présente Convention sont conservées et utilisées conformément à la Convention du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel. La loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 ainsi que la loi du 6 août 2004 intègrent les dispositions de cette convention, signée et ratifiée par la France.

L’article 77 mentionne que les Etats doivent spécifier les territoires auxquels s’applique la convention. Ceci sera fait par le ministère des affaires étrangères dans le cadre de la ratification de la Convention. Les dispositions d’adaptation de la législation française s’appliqueront sur le territoire de la République française.

1.2. L’examen des projets d’actes européens par le Parlement

Conformément aux dispositions de l’article 88-4 de la Constitution, le Gouvernement a soumis les directives mentionnées à l’état de projets d’actes législatifs européens à l’étude des commissions chargées des affaires européennes (ci après CAEU) de chaque assemblée parlementaire. Celles-ci ont donc pu connaitre des textes dont il est ici question.

En application des règlements des deux assemblées (articles 151-1 et suivants du règlement de l’Assemblée Nationale et articles 73bis et suivants du règlement du Sénat), les commissions chargées des affaires européennes communiquent leurs analyses des textes qui sont soumis à leur examen, en les assortissant ou non de conclusions. Elles peuvent également, le cas échéant, déposer un rapport d’information concluant éventuellement au dépôt d’une proposition de résolution.

● Concernant la directive relative à la traite des êtres humains, le projet de directive soumis à l’examen de la CAEU de l’Assemblée Nationale le 10 novembre 2009, et à l’examen de la CAEU du Sénat 2 juin 2010 n’a pas fait l’objet de projet de résolution.

● Concernant la directive relative au droit à l’interprétation et à la traduction,  le projet d’instrument soumis à l’examen de la CAEU de l’Assemblée nationale le 16 septembre 2009 et à l’examen de la CAEU du Sénat le 11 mai 2011 n’a pas fait l’objet de projet de résolution.

● Concernant la directive relative aux abus sexuels et à la pédopornographie, le projet de directive soumis à l’examen de la CAEU de l’Assemblée Nationale le 9 mars 2011, et à l’examen de la CAEU du Sénat le 11 mai 2011, n’a pas fait l’objet de projet de résolution.

● Concernant la décision-cadre In abstentia (document E 3775), le projet de décision-cadre soumis à l’examen de la CAEU de l’Assemblée Nationale le 9 avril 2008, et à l’examen de la la CAEU du Sénat le 11 avril 2008, n’a pas fait l’objet de projet de résolution.

● Concernant la décision Eurojust (document E 3777), le projet de décision du Conseil soumis à l’examen de la CAEU de l’Assemblée Nationale le 8 juillet 2008, et à l’examen de la CAEU du Sénat le 24 octobre 2008, n’a pas fait l’objet de projet de résolution.

● Concernant la décision-cadre relatives aux peines privatives de liberté (document E 2862) : le projet de décision cadre soumis à l’examen de la CAEU du Sénat le 5 avril 2006 a donné lieu à une résolution du 20 juin 2006 soulignant la nécessité que soit introduit dans le texte le principe le double accord, en matière de transfèrement des personnes condamnées entre les États membre de l’Union européenne, de la personne et de l’État concernés.

Le projet de décision cadre soumis à l’examen de la CAEU de l’Assemblée Nationale le 22 novembre 2006 n’a pas fait l’objet d’un projet de résolution, des compromis suffisants ayant été trouvés depuis la résolution du Sénat en juin 2006.

● Concernant le Protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatifs aux signes humanitaires, cette convention a été ratifiée par la France suite à l’adoption d’une loi de ratification votée par le Parlement le

● Concernant la Résolution 1966(2010) du Conseil de sécurité de l’ONU relative à la coopération avec le Mécanisme résiduel succédant aux TPIY et TPIR, aucun examen par le Parlement des résolutions adoptées au titre du chapitre VII n’est prévu par la Constitution. Ces résolutions s’imposent à la France dès leur adoption.

● Concernant la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, cette convention a été ratifiée par la France suite à l’adoption d’une loi de ratification votée par le Parlement le

● Concernant l’accord entre l’Union européenne, l’Islande et la Norvège sur la remise des personnes : le projet d’accord soumis à l’examen de la CAEU de l’Assemblée Nationale le 12 octobre 2005 et à l’examen de la CAEU du Sénat le 18 novembre 2003, a fait l’objet d’une résolution du Sénat adoptée le 11 décembre 2003.

● Concernant la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, cette convention est en cours de ratification par la France.

1.3. Analyse du cadre juridique actuel

1.3.1. État du droit français

1.3.1.1 Directive « traite des êtres humains »

La législation française est déjà très largement conforme aux obligations résultant de la nouvelle directive et le cadre juridique actuel nécessite peu de nouvelles dispositions :

Ø La modification de la qualification de la traite des êtres humains par l’ajout du prélèvement d’organe, afin d’être en parfaite conformité avec la définition donnée par l’article 2 §3 de la directive, l’article 4 de la convention de Varsovie et l’article 3 du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants ;

Ø L’introduction d’autres moyens que le seul échange de rémunération pour qualifier l’infraction, ces autres moyens constituant auparavant des circonstances aggravantes. Les différentes circonstances suivantes deviennent donc alternatives alors qu’elles étaient cumulatives :

- l’échange d’une rémunération ou de tout autre avantage ou d’une promesse de rémunération ou d’avantage ;

- l’emploi de menaces, de contraintes, de violences ou de manœuvres dolosives visant l’intéressé, sa famille ou une personne étant en relation habituelle avec elle

- l’abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité.

Les violences ou les menaces, la vulnérabilité permettront de caractériser la traite des êtres humains sans circonstance aggravante et seront sanctionnés de sept ans d’emprisonnement. Toutefois, le projet de loi ne modifie pas le fait que certains cas d’abus d’autorité ou l’abus d’une situation de « particulière » vulnérabilité seront constitutifs de la traite des êtres humains aggravée et seront sanctionnés de dix ans d’emprisonnement.

Ø L’introduction d’une référence au travail ou aux services forcés, à l’esclavage et aux pratiques analogues à l’esclavage. Ces modifications élargissent donc l’infraction de traite des êtres humains afin d’être en parfaite conformité avec la définition donnée par la directive et les accords internationaux précités auxquels la France est partie. L’adaptation de la législation française est d’autant plus nécessaire que la France a été condamnée deux fois par la CEDH (Siliadin c. France, 26 juillet 2005, n° 73316/01 et C.N. et V. c. France, 11 octobre 2012, n° 67724/09).

Ø La création d’un nouvel article 225-4-8 qui permet la poursuite de faits de traite des êtres humains commis par des français à l’étranger quand bien même la législation locale n’incrimine pas de tels faits et/ou qu’il n’y a ni plainte des victimes, ni dénonciation de l’État où les faits ont été commis (obligation résultant de l’article 10 §3 de la directive).

Ø La possibilité pour les mineurs victimes d’être accompagnés par leur représentant légal ou le majeur de leur choix (prévue par les articles 15, paragraphe 3 f) de la directive « traite des êtres humains » et 20, paragraphe 2 f) de la directive « abus sexuels des enfants et pédopornographie » et qui généralisée à toutes les infractions par la directive n° 2012/29/EU relative aux droits des victimes d’infractions du 25/10/2012.

Ø L’ajout d’une référence à la « traite des êtres humains » à l’article 706-47, afin de permettre d’une part de disposer des moyens procéduraux plus étendus exigés par la directive (désignation d’un administrateur ad hoc) et d’autre part d’avoir un délai de prescription plus étendu, comme en matière de proxénétisme de mineur ou de recours à la prostitution d’un mineur.

1.3.1.2 Directive relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans les procédures pénales :

Le droit français est déjà très largement conforme aux dispositions de la directive, notamment sur l'obligation d'interprétation y compris dans la phase policière jusqu’à la fin du procès: toute personne entendue par la police, par un procureur ou par un juge, si elle ne parle pas la langue, bénéficie déjà d’un interprète. Plusieurs articles du code de procédure pénale y font référence (articles 62, 63-1, 114, 121, 272, 279, 344, 393, 407, 535 et 695-27 du code de procédure pénale). L'obligation de traduction doit être introduite dans le code de procédure pénale, au même titre que l'interprétation. C'est pourquoi il a été prévu de rédiger un alinéa supplémentaire à l'article préliminaire du code de procédure pénale, conférant un caractère transversal à ce droit, nonobstant les articles existants. Les modalités pratiques de l'interprétariat et de la traduction sont fixées par décret.

Le juge devra vérifier la qualité de l’interprétation et de la traduction, qui doit garantir le caractère équitable de la procédure. Cela n’exige pas de transposition particulière, car cela rentre dans la fonction du juge. Il se fondera sur la jurisprudence de la CEDH (Kamasinski c. Autriche, l’assistance prêtée en matière d’interprétation doit être d’un niveau suffisant pour permettre à l’accusé de savoir ce qu’on lui reproche et de se défendre).

En ce qui concerne les registres d’interprètes et de traducteurs, il existe déjà des listes d’experts judiciaires et la directive n’impose pas la constitution de tels registres, mais les suggère.

1.3.1.3. Directive « abus sexuels et pédopornographie »

La législation française est déjà très largement conforme aux obligations résultant de la nouvelle directive et le cadre juridique actuel nécessite peu de nouvelles dispositions :

La principale question est relative à la transposition de l’article 3 §6 de cette directive (qui impose aux Etats membres de pénaliser « le fait de contraindre ou de forcer un enfant à se livrer à des activités sexuelles avec un tiers »), combiné avec l’article 7 §2 de cette directive, qui impose aux Etats membres d’incriminer la tentative de ce comportement, soulève deux difficultés :

1°) Un problème d’interprétation :

- Soit on estime que doivent être incriminés la contrainte, l’usage de la force ou les menaces en soi, indépendamment du fait que ces actes soient suivis ou non d’effet, mais dans ce cas la tentative de cette infraction n’a généralement pas de sens : ainsi en droit français la tentative de menace(s) n’existe pas.

- Soit on estime que l’infraction définie à ce paragraphe implique d’une part la contrainte, l’usage de la force ou les menaces et d’autre part le fait que la victime se soit livrée à des activités sexuelles par suite de cette contrainte, de la force exercée à son encontre ou des menaces subies. Dans ce cas, l’intention du législateur européen en visant l’obligation d’incriminer la tentative serait d’incriminer en réalité la contrainte, les menaces commises non suivis d’effet. Cette interprétation n’est pas pleinement satisfaisante dans la mesure où l’exercice de la coercition non suivie d’effet ne constitue pas véritablement une tentative de contrainte mais en réalité une infraction distincte comprenant un élément constitutif en moins (le fait que la victime se soit livrée à des activités sexuelle). Selon cette seconde interprétation, la tentative de contrainte, ou de menaces à l’égard d’un enfant pour qu’il se livre à des activités sexuelles viserait les contraintes ou les menaces réellement exercées mais non suivies d’effet. Cette difficulté se retrouve en droit français : si l’auteur de contrainte, de l’usage de la force ou de menaces suivies d’effet peut généralement être poursuivi en tant que coauteur ou complice de viol ou en tant que coauteur ou complice d’agression sexuelle, il n’en est pas toujours de même lorsque ces faits ne sont pas suivis d’effet : l’auteur ne peut être poursuivi que pour des violences psychologiques, ou des violences physiques ou des menaces, la tentative de complicité d’une infraction n’existant pas en droit français (au contraire de la complicité de tentative).

L’interprétation la plus cohérente semble être de considérer que l’intention du « législateur » de l’Union européenne comme celle du Conseil de l’Europe était d’incriminer le seul fait d’inciter par la violence, la contrainte, la menace ou la surprise une personne à se livrer à des activités sexuelles avec un tiers, indépendamment du fait que la victime se soit soumise ou non à cette coercition. La mention de l’obligation d’incriminer la tentative de ces faits, expressément mentionnée pour les mineurs à l’article 7 de la directive et pour les majeurs à l’article 41 § 2 de la convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique conduisent à retenir cette seconde interprétation.

2°) Un problème d’incrimination en droit français :

Dans la plupart des cas, lorsqu’une personne A contraint une personne B à « se livrer à des activités sexuelles avec une personne C, cette dernière (la personne C) a connaissance du fait que ces activités ont lieu sous la contrainte. Il y a donc une infraction principale (viol ou agression sexuelle) commise par la personne C et la personne A peut être poursuivie et condamnée comme coauteur ou complice de cette infraction principale.

Dans quelques rares cas, la personne C peut ignorer que la personne B agit sous la contrainte ou. la menace (c’est le cas d’une personne qui contraint son conjoint à participer à des activités échangistes par exemple, ou dans le cadre d’une secte d’un « gourou » qui contraint des personnes à se livrer à des activités sexuelles avec d’autres personnes, ou encore d’une personne qui met un produit de type « GHB » dans le verre d’une personne qu’un tiers essaye de séduire, à l’insu de ce tiers).

Plusieurs raisonnements juridiques qui ne sont pas pleinement satisfaisants peuvent être envisagés :

- qualifier les faits de « corruption » de mineur, ce qui peut être retenu eu égard à l’évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation qui ne considère plus vraiment que « l’excitation de mineurs à la débauche n’est pas pénalement punissable que si l’auteur des faits a eu en vue la perversion de la jeunesse et non pas seulement la satisfaction de ses propres passions (crim. 14 nov. 1990) », mais cette infraction ne s’applique pas aux majeurs ;

- considérer que la personne A commet un viol par personne interposée (la personne C), ce qui réduit le rôle de la personne C à celui d’un « outil » utilisé par la personne A à son insu, pour commettre un viol ou une agression sexuelle ;

- utiliser l’incrimination définie à l’article 223-15-2, initialement introduite pour sanctionner certaines pratiques sectaires, n’ayant pas un caractère sexuel.

Ces faits peuvent, sans aucun doute être dès à présent poursuivis dans tous les cas, sur le fondement des incriminations de violences physiques et/ou psychologiques, ou de menaces mais d’une part ces qualifications n’apparaissent pas adaptées, et d’autre part, elles ne respectent pas les quantums de peines imposés par la directive (respectivement 5 ans et Dix ans d’emprisonnement pour les mineurs).

La solution la plus élégante consiste à compléter l’article 222-22 du code pénal qui définit le viol et les autres agressions sexuelles, en précisant que l’infraction est également caractérisée lorsque la violence, la contrainte, la menace ou la surprise émane d’un tiers (la personne A, pour reprendre l’exemple ci-dessus), quand bien même la personne qui commet l’agression sexuelle (la personne C) n’avait pas connaissance de la contrainte subie par la victime et ne pouvait dès lors être poursuivie. La disposition est ainsi rédigée de la façon suivante :

«Ils sont également constitués si la violence, la contrainte, la menace ou la surprise émane d’une personne autre que celle qui accomplit l’atteinte sexuelle, y compris lorsque cette dernière ignore que la victime n’est pas consentante et qu’elle ne commet alors aucune infraction. ».

Enfin la directive relatives aux abus sexuels et à la pédopornographie implique quelques adaptations mineures de la législation française (augmentation de certaines peines encourues) et extension de quelques poursuites, notamment la consultation non habituelle d’un site pédopornographique dès lors que cette consultation est faite en contrepartie d’un paiement.

1.3.1.4. Décision-cadre « in abstentia »

La législation française est conforme aux stipulations mentionnées dans les précédentes décisions-cadres dans leur rédaction initiale. Le cadre juridique actuel nécessite très peu de mise en conformité.

Il n'y a que trois situations où un jugement "in abstentia" peut intervenir en France: les jugements contradictoires à signifier, les jugements par défaut et les jugements par itératif défaut. Pour les premier et dernier cas de figure, ils sont parfaitement conformes à la jurisprudence de la CEDH et à la décision cadre qui précise (article 4bis, a) i) que l'intéressé "a été cité à personne et a ainsi été informé de la date et du lieu fixés pour le procès qui a mené à la décision". En ce qui concerne le jugement rendu par défaut, il peut toujours être frappé d'opposition et n'est donc jamais définitif. Il ne relève d'aucun instrument de coopération judiciaire, sauf pour le mandat d'arrêt européen. Pour le mandat d'arrêt européen, les juridictions françaises prennent séparément une décision de condamnation par défaut et un mandat d'arrêt lorsque les conditions sont réunies. L'opposition annule la condamnation mais n'annule pas le mandat d'arrêt délivré qui devient un mandat à des fins de poursuites et non un mandat d'exécution d'une peine.

Il n'est pas possible, avec les outils statistiques actuellement disponibles, de fournir des éléments statistiques sur le nombre de décisions rendues en France en l'absence des personnes concernées (nombre de condamnations concernant des personnes qui se trouvent à l'étranger).

1.3.1.5. Décision Eurojust

La mise en œuvre en droit français de la décision du Conseil de 2002 relative à Eurojust a été assurée par la loi n°2004-204 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Cette loi a introduit deux sections consacrées à Eurojust (section III (De l’Unité Eurojust) et IV (Du représentant national auprès d’Eurojust) dans le chapitre Ier, du titre Xème, du Livre IVème du code de procédure pénale.

Les articles 695-4 à 695-9 de ce code prévoient notamment, conformément aux exigences de la Décision de 2002 :

- les prérogatives susceptibles d’être exercées par Eurojust, agissant en tant que collège ou par l’intermédiaire de ses représentants nationaux (article 695-4), vis-à-vis des autorités judiciaires nationales ;

- les prérogatives reconnues à l’Unité en matière d’exécution coordonnée des demandes d’entraide (article 695-7) ;

- le statut du membre national (article 695-8) ;

- des modalités de transmission au membre national d’informations relatives aux procédures ouvertes au plan national et des conditions d’accès aux fichiers utiles à l’exercice de ses missions (article 695-9).

1.3.1.6. Décision-cadre « peines privatives de liberté »

La législation française ne prévoit pas qu’un jugement ou qu’un arrêt puisse être prononcé « aux fins » d’exécution dans un État étranger.

D’une part, l’exécution des peines relève du ministère public (article 707-1 du code de procédure pénale) et non des juridictions. D’autre part, la France n’a jamais signé ni a fortiori ratifié les conventions permettant l’exécution réciproque des jugements en matière pénale, notamment la Convention européenne sur la valeur internationale des jugements répressifs (STCE n° 070) signée à La Haye le 28 mai 1970.

Il n’existe donc actuellement aucun moyen de faire exécuter directement à l’étranger une peine ou une mesure privative de liberté prononcée par une juridiction française et vice versa d’exécuter en France une telle peine ou mesure lorsqu’elle a été prononcée par une juridiction étrangère.

Aucune disposition ne permet à un autre État membre de l’Union européenne d’adresser aux autorités judiciaires françaises une demande aux fins d’exécuter un jugement d’une autorité judiciaire de cet État prononçant des peines/mesures privatives de liberté.

Toutefois au sein de l'Union européenne, lorsque la peine est supérieure à quatre mois d’emprisonnement, il est toujours possible d’émettre un mandat d’arrêt européen qui indirectement conduira à l’exécution de la peine soit en France si la personne est remise, soit dans l’État dont elle a la nationalité ou bien où elle réside habituellement si cet État refuse la remise.

Dans deux situations, lorsque la peine a commencé à être exécutée, il est possible de poursuivre l’exécution de la condamnation en France et/ou à l’étranger :

- dans le cadre du transfèrement d’une personne condamnée en application de la convention européenne sur le transfèrement des personnes condamnées du 21 mars 1983 et son protocole additionnel du 18 décembre 1997 ;

- suite à l’évasion d’une personne condamnée en application du titre III, chapitre 5, de la convention d’application du 19 juin 1990 de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes

1.3.1.7. Le troisième protocole additionnel aux conventions de Genève relatif à l'adoption d'un signe distinctif additionnel

En ce qui concerne l’impact juridique de cette ratification sur les dispositions du code pénal, l’usage abusif du nouveau signe distinctif (le Cristal Rouge) ne semble pas pénalement réprimé en application des dispositions actuelles du droit pénal.

L’article 433-14, paragraphe 2, du code pénal dispose : « Est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende le fait, par toute personne, publiquement et sans droit :

 …/…

 D'user d'un document justificatif d'une qualité professionnelle ou d'un insigne réglementés par l'autorité publique ;

/… »

Cette disposition, applicable depuis le 1er mars 1994, date d’entrée en vigueur du nouveau code pénal, reprend en y apportant certaines modifications, les dispositions antérieures des articles 260 et 260-1 de l’ancien code pénal

Cependant, l’applicabilité de l’article 433-14 du code pénal aux signes ou emblèmes établis par les conventions de Genève et leurs protocoles additionnels, pourrait donner lieu à contestation, dès lors qu’il ne protège que les « insignes réglementés par l'autorité publique ».

La question pourrait donc être soulevée, devant les juridictions, de savoir si les signes et emblèmes prévus par la convention de Genève du 12 août 1949 et ses Protocoles constituent bien des « insigne réglementés par l'autorité publique » au sens de l’article 433-14, paragraphe 2, du code pénal. 

En effet, selon le Juris-Classeur, le terme d’insigne désigne la marque extérieure, visible, de l’appartenance à un groupe ou de la possession d’une certaine qualité et semble donc pouvoir viser les emblèmes des services de santé des armées et des sociétés nationales officiellement autorisées à lui prêter concours. En outre, il pourrait être soutenu que la condition de « réglementation par l’autorité publique » est satisfaite par l’intégration dans l’ordre juridique interne des conditions d’utilisation des emblèmes en question définies par les instruments internationaux régulièrement ratifiés.

Cependant, les éléments constitutifs de l’article 433-14, paragraphe 2, du code pénal ne suffisent pas à répondre pleinement aux obligations résultant des conventions de Genève précitée et de leurs protocoles additionnels, y compris le IIIème protocole.

En effet, ces instruments font également obligation aux États parties d’incriminer « l’utilisation de tout signe et dénomination qui en constitue une imitation ».

Or, l’article 433-14 du code pénal ne prévoit pas « l’imitation » des signes et dénomination, qui ne paraît pas incriminée par la législation française.

Ce sont d’ailleurs l’obligation de sanctionner l’imitation de l’emblème ou des dénominations de la Croix-Rouge ou Croix de Genève et les restrictions posées à la définition des « insignes réglementés par l'autorité publique », qui semblent avoir conduit le législateur à prendre des dispositions d’incrimination spécifiques (Cf. loi du 24 juillet 1913 modifiée par la loi du 4 juillet 1939 précitée).

Toutefois, ces dispositions spécifiques, prévues par l’article 3 de la loi de 1913 modifiée, ne couvrent que l’usage abusif de l’emblème de la Croix-Rouge et les dénominations Croix-Rouge et Croix de Genève.

Compte tenu des risques de contestation existant quant à l’application de l’article 433-14 du code pénal dans sa rédaction actuelle et des termes limitatifs de l’article 3 de la loi de 1913, une modification législative apparaît, en tout état de cause, nécessaire à la mise en œuvre du IIIème protocole.

À l’occasion de cette modification, il parait utile d’éviter la disparité des peines encourues, résultant de l’application d’incriminations différentes pour des situations comparables, selon l’emblème protégé :

l’usage abusif du signe de la Croix-Rouge est spécifiquement sanctionné par l’article 3 de la loi du 24 juillet 1913 modifiée par la loi du 4 juillet 1939 de six mois d’emprisonnement et/ou de 150,24 € d’amende (1.000F) ;

l’usage abusif des autres signes distinctifs (Croissant Rouge, Lion Rouge, Soleil Rouge et Cristal Rouge) serait sanctionné d'un an d'emprisonnement et/ou de 15000 € d'amende en application de l’article 433-14, paragraphe 2 du code pénal.

Pour une parfaite adaptation de la législation française aux obligations des Conventions de Genève et de leurs protocoles, il semble donc plus rigoureux de compléter l’article 433-14 du code pénal et à cette occasion, d’abroger l’article 3 de la loi du 24 juillet 1913 modifiée afin d’éviter une peine d’emprisonnement allant du simple au double et une peine d’amende allant du simple au centuple pour des faits très semblables.

1.3.1.8. Résolution du Conseil de sécurité de l’ONU n° 1966(2010) du 22 décembre 2010 créant un «Mécanisme résiduel »

Actuellement, les modalités de coopération de la France avec les tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda sont respectivement régies :

- par la loi n° 95-1 du 2 janvier 1995 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 827 du Conseil de sécurité des Nations Unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 ;

- et par la loi n° 96-432 du 22 mai 1996 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 955 du Conseil de sécurité des Nations unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables d’actes de génocide ou d’autres violations graves du droit international humanitaire commis en 1994 sur le territoire du Rwanda et, s’agissant des citoyens rwandais, sur le territoire d’États voisins.

L’adaptation de la législation française à la résolution n°1966(2010) du Conseil de sécurité de l’ONU créant le Mécanisme résiduel pourra se faire simplement par l’ajout, dans l’article 1er de chacune de ces lois, que leurs dispositions s’appliquent également aux personnes poursuivies et/ou jugées par le Mécanisme résiduel.

1.3.1.9 Convention sur les disparitions forcées

La législation nationale est, pour l’essentiel, conforme aux stipulations de la convention

La définition de la disparition forcée prévue par la convention est cependant plus large que celle du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, déjà introduite en droit français.

La convention impose encore à chaque État partie de prévoir, ce qui n’est pas actuellement le cas en droit national, une incrimination des disparitions forcées, des règles de prescription adaptées ainsi que la mise en œuvre d’une compétence quasi universelle des juridictions françaises, dans les conditions qu’elle précise.

L’article 3 de la convention stipule : « Tout État partie prend les mesures appropriées pour enquêter sur les agissements définis à l‘article 2 commis par des personnes ou des groupes de personnes agissant sans l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l‘État et pour traduire les responsables en justice". Le code pénal incrimine déjà tout enlèvement qui constitue (selon les cas) un crime ou un délit. La convention n’impose pas de retenir que les agissements commis « sans l'autorisation, l'appui ou l'acquiescement de l'État » puissent être également qualifiés de disparitions forcées, comme pourraient le souhaiter certaines organisations non gouvernementales.

La convention stipule (cf. article 24 de la convention) : « Aux fins de la présente Convention, on entend par victime la personne disparue et toute personne physique ayant subi un préjudice direct du fait d’une disparition forcée". En droit pénal français, le code de procédure pénale (article 2 du code de procédure pénale dispose) : « L'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction". La législation et la jurisprudence sont parfaitement conformes à l’esprit et à la lettre de la convention disparitions forcées.

L’article 6 de la convention stipule : «Tout État partie prend les mesures nécessaires pour tenir pénalement responsable au moins:

a) Toute personne qui commet une disparition forcée, l‘ordonne ou la commandite, tente de la commettre, en est complice ou y participe;

b) Le supérieur qui:

i) Savait que des subordonnés placés sous son autorité et son contrôle effectifs commettaient ou allaient commettre un crime de disparition forcée ou a délibérément négligé de tenir compte d‘informations qui l‘indiquaient clairement;

ii)  Exerçait sa responsabilité et son contrôle effectifs sur les activités auxquelles le crime de disparition forcée était lié; et

iii) N‘a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour empêcher ou réprimer la commission d‘une disparition forcée ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d‘enquête et de poursuites".

Le projet de loi prévoit un article 221-4-2 du code pénal incriminant la « complicité passive » qui dispose : « Sans préjudice de l’application des dispositions de l’article 121-7, est considéré comme complice d’un crime de disparition forcée visé par l’article 221-4-1  commis par des subordonnés placés sous son autorité et son contrôle effectifs, le supérieur qui savait, ou a délibérément négligé de tenir compte d’informations qui indiquaient clairement que  ses subordonnés commettaient ou allaient commettre un crime de disparition forcée et qui n'a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir, pour en empêcher ou en réprimer l’exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d’enquête et de poursuites. »

La rédaction proposée par le projet de loi est parfaitement fidèle et conforme à la convention.

La convention (article 8) stipule : « Sans préjudice de l‘article 5,

1. Tout État partie qui, à l‘égard de la disparition forcée, applique un régime de prescription prend les mesures nécessaires pour que le délai de prescription de l‘action pénale:

a) Soit de longue durée et proportionné à l‘extrême gravité de ce crime;

b) Commence à courir lorsque le crime de disparition forcée cesse, compte tenu de son caractère continu".

Le projet de loi prévoit un article 221-4-3 qui dispose : « L’action publique à l’égard du crime défini à l’article 221-4-1 se prescrit par trente ans. La peine prononcée en cas de condamnation pour ce crime se prescrit par trente ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive". La Convention n’impose pas l'imprescriptibilité de ce crime.

1.3.1.10 L’accord entre l’Union européenne et l’Islande et la Norvège sur la remise des personnes

Les règles de l’extradition issues de la Convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 sont actuellement appliquées entre la France d’une part et l’Islande et la Norvège d’autre part.

1.3.1.11 La convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (CAHVIO)

La législation française est déjà très largement conforme à la majorité des obligations découlant de la convention. Seules quelques modifications seront nécessaires, consistant à incriminer quatre types de comportements:

Ø l’«escroquerie au mariage forcé » (article 37 de la convention):

L’article 37 de la Convention stipule que les Parties doivent ériger en infraction pénale le fait intentionnel de « tromper un adulte ou un enfant afin de l’emmener sur le territoire d’une Partie ou d’un Etat autre que celui où il réside avec l’intention de le forcer à contracter un mariage ». Le rapport explicatif précise que le caractère intentionnel est double : il s’apprécie à la fois dans le fait de tromper la victime pour l’attirer dans un pays étranger (en utilisant par exemple le prétexte d’un membre de la famille malade), et de la contraindre par la suite à contracter un mariage contre son gré.

Notre droit interne ne prévoyant pas cette infraction, il est envisagé de se mettre en conformité en créant une incrimination spécifique, qui prendrait la forme d’un nouvel article 222-14-4 assortissant ce délit d’une peine de 3 ans d’emprisonnement.

Ø l’incitation d’une mineure à la commission de mutilations génitales (article 38 c de la convention):

L’article 38 c) de la Convention impose aux Parties d’ériger en infraction pénale « le fait d’inciter ou de contraindre une fille à subir tout acte énuméré au point a ou de lui fournir les moyens à cette fin ».

Si l’incitation est suivie d’effet, les faits peuvent être poursuivis pénalement sur le fondement de la complicité de mutilation.

En revanche, l’incitation non suivie d’effet n’est pas réprimée en l’état actuel du code pénal, puisque la complicité suppose la commission d’une infraction principale. Il est donc nécessaire de créer une disposition spécifique.

En l’espèce, il ressort du rapport explicatif de la convention que cette disposition, en mentionnant les «filles », ne concernerait que les mineures et non les adultes, comme le précise le §201 qui énonce que: «Cette partie de la disposition s’applique uniquement aux filles, et inclut les situations dans lesquelles toute personne, et en particulier les parents, les grands-parents ou autre parent contraignent leur fille ou parent à subir ce procédé. Les rédacteurs ont estimé qu’il était important de distinguer entre adultes victimes et enfants victimes, car ils ne souhaitaient pas ériger en infraction pénale le fait d’inciter des femmes adultes à effectuer un des actes listés à l’alinéa a. »

Il est dès lors envisagé une incrimination spécifique par l’introduction dans le code pénal d’un nouvel article  227-24-1, qui réprime ces faits d’une peine de 5 ans d’emprisonnement et de 75000 € d’amende.

Ø la tentative d’interruption de grossesse sans le consentement de l’intéressée (articles 39 et 41 de la convention) :

Seul le délit d’interruption de grossesse sans le consentement de l’intéressée est actuellement prévu par l’article 223-10 du code pénal.

La législation française permet de sanctionner la plupart des tentatives d’IVG qui impliquent des violences physiques ou psychologiques. Toutefois, l’administration de produits toxiques, tels que les pilules abortives, à une femme à son insu, pourrait susciter des problèmes.

Il est dès lors envisagé d’incriminer la tentative de commettre ce délit, par l’introduction d’un nouvel article 223-11 dans le code pénal, l’assortissant des mêmes peines à savoir 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende.

Ø La contraint d’autrui à se livrer à des activités sexuelles avec un tiers, et la tentative de ces faits (articles 36 et 41 de la convention) :

Cette disposition est identique à celle aux articles 3 § 6 et 7 § 2 de la directive 2011/93/UE relative à la lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des enfants ainsi que la pédopornographie Elle soulève les mêmes difficultés (cf. supra).

L’adaptation de la législation française à ces stipulations est déjà assurée par l’introduction d’une nouvelle disposition complétant l’alinéa 2 de l’article 222-22 du code pénal, qui transpose la directive n°2001/93/UE susvisée.

Ø L’information de la victime en cas d’évasion de l’auteur des faits (article 56 b de la convention)

L’article 56 b de la convention prévoit que les Parties doivent veiller à ce que les victimes soient informées, au moins dans les cas où les victimes et leur famille pourraient être en danger, lorsque l’auteur de l’infraction s’évade ou est libéré temporairement ou définitivement.

La directive établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité, adoptée le 4 octobre 2012, contient en son article 6 §5 et 6 une disposition identique, rédigée de la manière suivante, et dont la transposition pourra être assurée à cette occasion :

« (…) 5. Les Etats membres veillent à ce que la victime se voie offrir la possibilité d’être avisée, sans retard inutile, au moment de la remise en liberté ou de l’évasion de la personne placée en détention provisoire, poursuivie ou condamnée pour des infractions pénales concernant la victime. En outre, les Etats membres veillent à ce que la victime soit informée de toute mesure appropriée prise en vue de sa protection en cas de remise en liberté ou d’évasion de l’auteur de l’infraction.

6. La victime reçoit, si elle le demande, l’information visée au paragraphe 5 au moins dans les cas où il existe un danger ou un risque identifié de préjudice pour elle, sauf si cette notification entraîne un risque identifié de préjudice pour l’auteur de l’infraction. »

La législation française prévoit que cette information n’est délivrée qu’en cas de remise en liberté de la personne placée en détention provisoire ou en exécution de peine, lorsque cette remise en liberté fait courir un risque à la victime : dans ce cas, la personne mise en examen et/ou condamnée est soumise à une interdiction d’entrer en contact avec la victime, qui est informée à cette occasion de cette libération (articles 144-2 et 712-16-2 du code de procédure pénale).

Il est donc nécessaire d’introduire une disposition afin d’étendre cette information en cas d’évasion.

Dans la mesure où l’évasion constitue par elle-même une infraction, prévue et réprimée par l’article 434-27 du code pénal, cette information pourra utilement être délivrée par le Procureur de la République en charge de l’enquête ouverte suite à l’évasion.

Il est ainsi envisagé d’introduire un nouvel article 40-5 du code de procédure pénale, rédigé de la manière suivante :

« En cas d’évasion d’une personne, le procureur de la République informe la victime des faits pour lesquels cette personne était détenue lorsque la victime peut encourir un danger ou un risque identifié de préjudice. Cette information peut toutefois ne pas être communiquée si elle entraîne pour l’auteur des faits un risque identifié de préjudice. ».

Ø Par ailleurs, en application de l’article 30 de la Convention qui impose aux Etats membres d’indemniser toutes les victimes d’infractions quel que soit leur statut, il est nécessaire de supprimer, à l’article 706-63 du code de procédure pénale, les dispositions qui limitaient cette indemnisation aux seules victimes ressortissantes d’un Etat membre de l’Union européenne ou qui étaient en séjour régulier au jour des faits ou de la demande. Si la Convention ne prévoyait une telle obligation que pour les victimes d’infractions entrant dans son champ d’application (violences, agressions sexuelles,…), il a été choisi de l’élargir à toutes les victimes d’infractions visées à l’article 706-3 afin de ne pas créer d’inégalités difficilement justifiables (qui auraient conduit par exemple à ne pas indemniser de victimes de meurtre en situation irrégulière, alors que les victimes d’agressions sexuelles auraient été indemnisées).

1.3.2. Éléments de droit comparé 

Les États membres n’ont pas encore ou très peu transposé les instruments couverts par le présent projet de loi. Aucune information ou très peu n’est disponible à cet égard. L'accès à cette information est difficile.

Les travaux actuellement en cours au Conseil rappellent les difficultés que rencontrent les États pour accéder à des éléments de droit comparé. Le document 13405/1/10 du 27 septembre 2010 indique notamment : « Le Secrétariat général du Conseil établit régulièrement des tableaux très utiles sur la mise en œuvre de chaque instrument de reconnaissance mutuelle. Mais les praticiens ne peuvent pas être sûrs que le tableau est à jour et ces tableaux sont par ailleurs difficiles à trouver dans le registre. Il y a lieu de noter que les États membres n'envoient pas toujours systématiquement au Conseil les notifications officielles et, à l'avenir, chaque État membre devrait accorder une attention particulière à cet aspect ».

Des recherches effectuées par l'intermédiaire du RCLUE (réseau de coopération législative des ministères de la justice) ont été faites, mais très peu d'États ont répondu et leurs réponses sont pour la plupart négatives.

Des réponses ont été obtenues pour certains instruments :

1.3.2.1. Directive 2011/36/UE concernant la prévention de la traite des êtres humains.

Il résulte des conclusions issues de la réunion du groupe de contact informel (« Informal Contact Group ») d’experts nationaux organisée par la Commission européenne les éléments de droit comparé suivants :

La majorité des payés étudiés déclarent avoir simplement besoin de quelques amendements afin d'être en conformité avec la Directive. Dans certains cas, des propositions ont déjà été faites à leurs parlements nationaux.

a). Sur les infractions constitutives de la traite des êtres humains (article 2 de la Directive)

i) Définitions de la traite des êtres humains : différentes formes d’exploitations

En ce qui concerne les différentes formes d'exploitation couvertes par la définition de la traite des êtres humains, la directive contient une définition générale et décrit certaines formes spécifiques d'exploitation. Ainsi, la définition générale assure une flexibilité permettant d'assurer que de nouveaux phénomènes pourront être couverts.

Certains pays sont d’ores et déjà en conformité avec la Directive (Hongrie, Finlande Lettonie, Pologne), tandis que d’autres doivent engager une réforme législative (Allemagne, Belgique, Lituanie). La législation hongroise donne une définition générale de l'exploitation, afin d'éviter d'éventuels vides juridiques. En Finlande, la législation nationale mentionne explicitement, dans sa définition, la traite à des fins d'abus sexuels, le travail forcé ou d'autres circonstances humiliantes, ainsi que le prélèvement d'organes. En Lettonie, la définition nationale de la traite des êtres humains est similaire à celle de la Directive. En Pologne, une définition de la traite des êtres humains a été incluse dans le code pénal il y a quelques années, et celle-ci reflète la Directive ainsi que d'autres instruments internationaux. La définition est large et se réfère au but de l’exploitation mais énumère également des exemples, à savoir la prostitution, la mendicité et le travail forcé.

L'Allemagne envisage d’inclure les faits de prélèvement d'organes et d'exploitation d'activités criminelles dans leur législation. En Belgique, le code pénal contient des dispositions relatives à la traite des êtres humains depuis 2005. Cinq formes d'exploitation sont mentionnées, mais la rédaction actuelle des textes ne donne aucune marge de manœuvre pour que d'autres formes d’exploitation telles que les mariages forcés et les adoptions illégales soient inclus dans la définition de la « traite ». En Lituanie, des amendements au code pénal sont en cours de préparation.

ii) La mendicité forcée

La mendicité forcée comme forme d'exploitation n'est explicitement mentionnée ni dans le Protocole de Palerme sur la traite des êtres humains, ni dans la convention du Conseil de l’Europe, bien qu’elle puisse être considérée comme incluse dans la définition comme une forme de travail forcé. Cependant, une telle inclusion implicite apparaît nettement insuffisante, et le droit pénal exige des formulations précises dans la définition de l'infraction. Pour remédier à cela et dissiper tous les doutes dans la mise en œuvre, le législateur européen a explicitement mentionné la mendicité dans la définition de la traite des êtres humains. Pour atteindre cet objectif, il est attendu des Etats-Membres qu’ils incluent également explicitement l’exploitation de la mendicité dans leurs définitions nationales de la traite des êtres humains.

A l’exception de la Pologne et de la France, les pays étudiés ne mentionnent pas encore spécifiquement la mendicité forcée dans leur législation. En Finlande, en Suède et au Danemark il n'y a pas de mention spécifique de la mendicité dans le code pénal. En Finlande, le projet de loi du gouvernement entend inclure la mendicité forcée sous la rubrique « autres circonstances humiliantes ». Au Danemark, la mendicité constitue une infraction pénale dans le code, car elle fait partie de la définition du « travail forcé ». En Lituanie, des amendements au code pénal sont en cours de préparation, et la mendicité forcée est mentionnée dans l'article qui définit le travail forcé. En Roumanie, la législation nationale a été modifiée afin d'inclure des dispositions spécifiques sur la mendicité forcée. Une politique de sensibilisation des autorités de police et de poursuites a été organisée pour mieux prendre en compte ce phénomène dans le cadre de la politique pénale générale du pays. Aux Pays-Bas et en Allemagne, il est également prévu que la traite à des fins de mendicité soit incluse dans la législation.

ii) Le mariage forcé et l’adoption illégale

Ces deux notions ne sont pas mentionnées dans l’article 2 de la Directive mais sont mentionnées dans le considérant 11 de la Directive.

Selon le considérant 11, les mariages forcés et l'adoption illégale relèvent de la traite des êtres humains si les faits peuvent être qualifiés comme équivalents aux éléments constitutifs de la traite. Dans le cas d'une adoption illégale, le but de l’exploitation serait essentiel pour déterminer l'existence de la traite.

Dans le cas de mariages forcés, ils sont considérés comme faisant partie des pratiques analogues à l’esclavage et donc seraient dans tous les cas couverts par la définition de la traite des êtres humains conformément à l'article 2 de la Directive.

En Suède, en Autriche et au Royaume-Uni, les mariages forcés sont ainsi criminalisés en tant que tels.

b) Non-poursuites ou non-application de sanctions aux victimes (article 8 de la directive)

En termes de critères juridiques, pour déterminer si une personne est exemptée de poursuites et / ou de peine, le crime qu’elle a commis doit être une conséquence directe de la traite des êtres humains.

La possibilité d’appliquer des clauses de non-sanction et de non poursuite à l’égard de personnes victimes de traite ayant commis un tel crime apparaît dans les cas décrits à l’article 8 de la Directive : « pour leur implication dans des activités criminelles qu’ils ont été obligés de commettre comme conséquence directe d’avoir été soumis à l'un des actes visés à l'article 2 ». Il convient de relever le caractère non contraignant de ces dispositions : la Directive ne contraint pas les États membres à s'assurer spécifiquement de la non-sanction et de la clause de non-poursuite des personnes victimes de traite des êtres humains. Cependant, le fait de ne pas avoir la possibilité de ne pas acquitter est en violation avec la Directive.

En Allemagne, il existe une possibilité de ne pas poursuivre des personnes victimes de la traite, mais les actes délictueux commis par la victime doivent être justifiés, par une menace immédiate pour sa vie et sa liberté. La Lettonie va apporter des modifications à son code pénal et à son code de procédure pénale de façon à ce qu’une personne soit exonérée de responsabilité pénale si le crime a été commis alors que la victime était effectivement victime ou si cette dernière a été forcée de commettre l'infraction. En Irlande, la situation est traitée au cas par cas: en général, si la personne est une victime de la traite ou a été forcée de commettre le crime, alors il n'y a pas de poursuites, mais, cela dépend aussi du type d'infraction commise et de la nature des circonstances dans lesquelles ont été commis les faits. De même, en Espagne, l’absence de sanction est prévue, mais il doit exister une proportionnalité entre l'infraction commise et les circonstances atténuantes avancées par la victime. Au Royaume-Uni, l’orientation de la politique pénale générale est d’aboutir à une absence de poursuites à l’encontre des personnes victimes de traite.

c) Protection des victimes de la traite des êtres humains dans le cadre des enquêtes et procédures pénales (article 12 de la directive)

La Roumanie, la Finlande, l'Autriche et la Suède sont dotés de programmes de protection des victimes dans les cas de traites des êtres humains.

En Grèce, toutes les victimes de la traite déclarées comme telles par le ministère public ont accès au programme de protection des victimes qui comprend le conseil juridique gratuite.

1.3.2.2. Directive 2010/64/UE relative à l’interprétation et à la traduction

Aucun des pays étudiés n'a achevé la transposition effective de la directive à ce jour.

Le processus est en cours ou à venir dans la majorité des pays (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, Irlande, Italie, Pologne, Pays-Bas, République Tchèque, Royaume-Uni) et la transposition est partielle dans d'autres (Lituanie, Portugal, Roumanie).

Certains pays rencontrent des difficultés dans la transposition de cette directive. Tel est par exemple le cas de Malte, dont le principal obstacle est sa petite superficie et des moyens par conséquent réduits. Il ne lui est ainsi parfois pas aisé de parvenir à respecter les règles établies par la directive. L’Allemagne rencontre aussi des difficultés d’ordre financier : le gouvernement fédéral et les Länder expriment, d'ores et déjà, certaines réticences dues à la crainte des conséquences budgétaires de cette transposition. En effet, il n'existe pas dans ce pays de budget unique pour le ministère de la Justice, mais bien 16 budgets différents (un par Land), auxquels s'ajoute le budget du ministère fédéral, lequel ne comprend que le fonctionnement des juridictions de cassation et de l'administration fédérale de la justice. Or, ce sont les budgets des ministères de la Justice et de l'intérieur des différents Länder qui supporteraient la quasi-totalité du surcoût entraîné par l'interprétation et la traduction prévues dans la directive 2010/64/EU.

Le Royaume-Uni fait également part de difficultés rencontrées dans la transposition de cette directive. Dans une réponse à un questionnaire parlementaire publié le 28 février 2012, le ministère de la Justice a fait savoir que cette directive pouvait être introduite jusqu’à la date du 27 octobre 2013 et que ce pays avait l’intention d’utiliser la totalité de ce délai pour examiner les conditions sous lesquelles cette mesure pourrait être intégrée dans son droit positif. Une des raisons le conduisant à utiliser la totalité du délai imparti pour introduire cette directive est l’euroscepticisme ambiant dans le pays.

La quasi-totalité des pays expose par ailleurs que sa législation nationale couvre déjà en grande partie les thèmes abordés par la directive, la Slovénie allant jusqu’à considérer que les règles communes minimales imposées par la directive sont toutes déjà largement incluses dans sa règlementation. Le Royaume-Uni va dans le même sens. Il explique s’agissant de la non transposition, pour le moment, de la directive dans le droit anglais, qu’une des raisons principales de cette solution d’attente tient tout d’abord au fait que le droit positif anglais a d’ores et déjà assuré à toute personne tant durant le temps de sa garde à vue que devant le tribunal, le droit à un expert traducteur. De ce fait, ces dispositions apparaissent donc complètes et conformes au droit européen.

Si le droit à la traduction est une réalité commune dans la totalité des pays étudiés, les faits font en revanche apparaître un statut non uniformisé de l’interprète (notamment quant aux conditions de nomination et de rémunération très variables), et une absence de règlementation concernant les méthodes d’interprétation, qui dépendent en réalité des usages des pays et des habitudes du métier.

a) Le droit à la traduction

i) Les bénéficiaires du droit à la traduction

Dans la majorité des pays étudiés, (Finlande, Irlande, Italie, Lituanie, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, République Tchèque, Royaume-Uni, Slovénie) le droit établi et réglementé à un interprète est reconnu à toutes les personnes entendues durant les investigations, y compris aux victimes et témoins.

L’Allemagne et les Pays-Bas font exception en la matière puisque seules les personnes suspectées ou poursuivies bénéficient actuellement (et continueront à bénéficier après la transposition) d'un droit à l'interprétariat et à la traduction au stade des interrogatoires de police. Il faut néanmoins souligner qu'en Allemagne, en pratique, si les services enquêteurs ont besoin d'entendre une victime ou un témoin ne parlant pas allemand, ils feront naturellement appel à un interprète. Au stade de l'audience de jugement, par contre, le code de procédure pénale allemand prévoit que les droits en la matière des personnes «susceptibles de se constituer partie civile» sont les mêmes que ceux des personnes poursuivies.

Ce droit à interprète est aussi reconnu dans la majorité des pays pour la communication en amont avec les avocats, sauf en Roumanie, où la législation actuelle ne prévoit pas la fourniture de l’interprétariat pour les consultations privées avec l’avocat.

L’Allemagne se détache encore également ici, puisque l'intervention de l'avocat au stade de l'interrogatoire de police ou de la garde à vue n'est pour l'instant pas obligatoire, et la désignation d'un avocat d'office pour une personne gardée à vue n'est nullement systématique. Elle suppose que la personne concernée le demande expressément, et qu'elle encoure plus de quatre ans d'emprisonnement. La fourniture d'un interprète pour les entretiens au cabinet de l'avocat n'est ainsi pas prévue par la législation en vigueur, ni par le projet de loi de transposition de la directive, qui ne vise que l'interprétariat et la traduction afin de permettre l'exercice des droits de la défense au stade de l'audience, ainsi que, selon la jurisprudence, pour la préparation de celle-ci. Ce n’est donc qu’au stade de l'audience, qu'il s'agisse d'un avocat d'office ou d'un avocat choisi, que la personne poursuivie qui ne maîtrise pas suffisamment l'allemand a droit aux services d'un interprète pour s'entretenir avec son avocat. Ce droit se prolonge si nécessaire après l'audience pour permettre à l'intéressé d'exercer ou non une voie de recours contre la décision rendue.

Au Royaume-Uni, les différents services de police doivent s’assurer que toutes les personnes suspectes ou mises en cause ont droit à un interprète lors de leurs interrogatoires devant leurs services. Devant les cours, les prévenus ont également le droit effectif à un interprète. Si, dans une même affaire, il y a plusieurs prévenus, ils ont droit chacun à un interprète différent, ce qui est une spécificité du Royaume-Uni. Les services de poursuite et la défense doivent fournir également des interprètes pour chacun de leurs témoins.

ii) Les voies de recours

● Contestation sur le principe de la désignation d’un interprète

Si la forme des recours diffère d’un pays à l’autre, l’ensemble des pays ouvre droit à la contestation d’une décision sur la nécessité ou non d’un interprète (Irlande, Hongrie, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Slovénie). En Irlande, par exemple, cette contestation peut être effectuée par la voie d’un recours en justice visant à interdire la poursuite de la procédure ou par une demande d’annulation de la décision de justice. En Roumanie, cette décision peut être contestée en même temps que le bien-fondé de l'affaire, par les moyens ordinaires de recours. Il n’y a pas de moyen de recours particulier prévu à l’encontre de cette décision. En Allemagne, aucune voie de recours particulière n'existe, ni n'est envisagée. C'est la juridiction de jugement qui statue en cas de contestation sur la désignation d'un interprète, ou sur le remplacement de celui-ci. Aux Pays-Bas, si un agent de police et le suspect sont en désaccord sur le recours à un interprète, un responsable de haut rang de la police doit décider. Si le suspect n’a pas bénéficié d’un interprète et estime par conséquent n’avoir pas eu droit à un procès équitable, il peut soulever cet argument comme point de défense en première instance et éventuellement en appel.

● Contestation sur la qualité de l’interprète

En cas de contestation relative à la qualité de l’interprétation ou de la traduction, dans plusieurs pays (Allemagne, Hongrie, Irlande, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Slovénie), le remplacement de l’interprète est possible. Au Portugal, par exemple, l'interprète peut être remplacé quand il a agi d'une façon négligente dans le cadre de la charge qui lui a été confiée. La décision de remplacer l'expert est prise par l’autorité judiciaire compétente qui l’a nommé, et n'est pas susceptible de recours. En Roumanie, cette décision, tout comme celle relative à la nécessité d’un interprète, peut être contestée en même temps que le bien-fondé de l’affaire, par les voies de recours. En Slovénie, la forme «régulière» de l’appel est possible, en particulier si la traduction erronée a affecté le jugement. Le code de procédure pénale prévoit qu’une procédure pénale conclue par un jugement définitif ne peut être rouverte en faveur de la personne condamnée que s’il est prouvé que le jugement repose sur une fausse déclaration (c’est-à-dire délibérément fausse) d’un interprète. En République Tchèque, la qualité insuffisante de l'interprétariat ou de la traduction peut être considérée comme une violation des obligations des interprètes, énoncées dans la loi sur les experts et interprètes et conduire à des sanctions disciplinaires ou, dans les cas plus graves, administratives. Aux Pays-Bas, il existe une procédure spéciale de plainte sur la qualité des interprètes et des traducteurs agréés.

b) Les méthodes d’interprétation

Dans plusieurs pays (Allemagne, Hongrie, Irlande, Pays-Bas, République Tchèque, Roumanie, Slovénie), la forme de l’interprétation n’est pas règlementée. Cependant, dans la pratique, chaque pays a ses propres usages. Ainsi, en Hongrie et en Irlande, c’est le plus souvent une interprétation alternative qui est effectuée. En Irlande, l’interprétation simultanée n’est de surcroît réservée qu’à des «circonstances absolument exceptionnelles». En République Tchèque, aucune règle spécifique ne s’applique et la façon dont l'interprétariat est effectué est fonction des circonstances propres à chaque cas.

c) Statut des interprètes/traducteurs

i) Les conditions de nomination

Les règlementations nationales en la matière sont plus ou moins exigeantes. Divers critères peuvent être mis en exergue.

● La formation

En Pologne, en Roumanie, en République Tchèque et en Slovénie, pour être nommé, l’interprète doit être citoyen de son pays ou citoyen d’un autre Etat membre de l’Union européenne. Il doit parfaitement maîtriser la langue du pays concerné et répondre à des exigences d’études, voire d’expérience professionnelle (acquisition d’un diplôme de maîtrise et passage de l'examen de capacité à traduire de la langue polonaise en une langue étrangère et d'une langue étrangère en langue polonaise en Pologne ; formation universitaire, passage d’un examen, engagement d’améliorer régulièrement ses connaissances, bonne connaissance professionnelle et capacités pratiques et d'expérience exigés en Slovénie, certification de l’achèvement de l’apprentissage de la langue et de l’éducation à l’interprétariat nécessaire aux Pays-Bas). En Allemagne, la plupart des Länder se sont dotés d'une législation spécifique sur les interprètes et traducteurs certifiés «öffentlich bestellt» et assermentés «beeidigt». La certification résulte de la réussite à un examen professionnel organisé au niveau du Land. En Bavière par exemple, l'exercice des fonctions d'interprète ou de traducteur auprès des tribunaux et des administrations est en principe réservé aux traducteurs certifiés.

● La capacité

Dans l’ensemble des pays, l’interprète/le traducteur doit être juridiquement capable.

● La moralité

En outre, le casier judiciaire de l’interprète est également vérifié (Roumanie, République Tchèque). Il ne doit notamment pas avoir été condamné pour une infraction intentionnelle, une infraction fiscale ou une infraction non intentionnelle contre la sécurité du commerce (Pologne), ne doit pas avoir subi de condamnation définitive pour des infractions pénales, commises intentionnellement (Slovénie). En Roumanie et en Pologne notamment, il doit en sus être autorisé, au vu de ces conditions, par le ministère de la Justice, afin de pouvoir être nommé traducteur/interprète.

● Prestation de serment

En Roumanie et en Slovénie, une personne qui a obtenu le droit de devenir un traducteur assermenté, obtient le droit d’exercer la profession après une prestation de serment et après avoir été inscrit sur la liste des traducteurs assermentés. En Slovénie, le traducteur peut en outre être retiré du registre de traducteurs juridiques assermentés, s'il ne remplit pas ses fonctions avec diligence et en temps opportun, et il peut également être suspendu immédiatement dans le cas où il existe un risque établi d'abus ou de dommages irréparables. En Allemagne, les traducteurs auxquels recourent les juridictions ou la police doivent de surcroît avoir prêté serment devant le président du tribunal de grande instance, et s'engager à respecter le secret professionnel ainsi qu'à exercer leur profession de manière consciencieuse, objective, et impartiale.

● Absence de critères fixés par la législation

Relevons qu’en Finlande et en Italie, il n’existe aucune exigence officielle de compétences pour les interprètes et traducteurs juridiques. En Italie, la législation concernant les critères pour certifier l’aptitude et les compétences de l’interprète se révèle fort lacunaire. Aucun texte ne prévoit les critères de choix et de nomination d’un interprète au-delà de l’article 143 du code de procédure pénale qui se limite à définir les caractéristiques qui justifient l’inaptitude d’un candidat sans fixer les conditions préalables que devrait remplir celui-ci pour fournir un service de qualité. Les conditions d’inscriptions dans les listes des tribunaux ne sont pas harmonisées et varient d’un tribunal à l’autre. En Irlande, s’il n'existe pas d'organe statutaire chargé de réglementer l'interprétation/la traduction, les fournisseurs de services sont cependant représentés par une association : l’Association des traducteurs et interprètes irlandais «Irish Translators and Interpreters Association» (ITIA). Un professionnel membre de l'association peut demander à devenir un traducteur certifié ITIA. Un traducteur certifié ITIA est un traducteur dont le travail ou principal domaine d'activité comprend la traduction et la certification de la documentation juridique et officielle. Cependant, la certification ITIA n'a aucune autorité légale.

ii) Registre des interprètes/traducteurs

Plusieurs des pays étudiés possèdent un registre régional ou national des interprètes ou traducteurs (Finlande, Pays-Bas, République Tchèque, Roumanie, Slovénie, Royaume-Uni), tandis que d’autres n’ont pas mis en place un tel fichier (Allemagne, Irlande, Portugal).

Au Royaume-Uni, il existe un registre spécial, et l’inscription des interprètes sur ce registre certifie leur qualité professionnelle et leurs connaissances tant de l’organisation judiciaire que des règles fondamentales de la procédure. En Finlande, il existe un registre national de traducteurs autorisés, mais il n’existe pas encore de registre d’interprètes ou traducteurs juridiques. En Roumanie et en Slovénie, ces registres nationaux d’interprètes/traducteurs sont tenus par le ministère de la Justice, ouverts à la consultation publique, et consultables en ligne sur les sites desdits ministères. En République Tchèque, il existe deux types de registres : un registre central des interprètes géré par le ministère de la Justice d’une part, et des registres exploités par les tribunaux régionaux d’autre part.

Au Portugal, il n'y a pas de liste centralisée des traducteurs et interprètes, mais des listes spécifiques à chaque juridiction. Cependant, au sein de la police judiciaire, existe un département de traduction et d'interprétation dans l’Unité de planification, de consultation technique et de documentation. En Allemagne, il n'y a pas de registre national, les listes d'interprètes et de traducteurs assermentés étant tenues par les ministères de la Justice des différents Länder. En revanche, il existe une base de données globale, accessible sur Internet, gérée par les ministères de la Justice des Länder, comprenant les coordonnées de toutes les personnes exerçant une activité d'interprète ou de traducteur auprès des tribunaux en Allemagne, assermentés ou non, soit en tout 21 965 personnes .

d) Prise en charge financière

i) Rémunération des interprètes/traducteurs

En Pologne, la rémunération est fixée dans le règlement du ministère de la Justice sur la rémunération des traducteurs assermentés. En République Tchèque, le montant précis de la rémunération de l’interprète est déterminé par le tribunal dans les limites prévues par la loi. En Irlande, sont fixés des taux maximaux pour les services de traduction ou d’interprétariat : le paiement des services d'interprétariat est effectué au taux de 40,00 € pour la première heure, puis, ensuite, de 20,00 € par demi-heure. Le paiement pour les services de traduction est effectué au taux suivant: pour une traduction de documents, 0,10 € par mot, pour une traduction du registre/livre de preuves 22,00 € par page. En Allemagne, la rémunération des interprètes est très précisément fixée à 55 € de l'heure par la Loi sur les frais de justice. Les interprètes sont considérés comme une catégorie particulière d'experts. La même loi fixe la rémunération des traducteurs de documents écrits, qui varie en fonction de la technicité du document entre 1,25 € et 4,00 € par ligne de 55 caractères (espaces compris). Au Portugal, chaque fois que l’expertise est réalisée par une institution ou par un expert non officiel, l’entité qui a commandé cette expertise établit les honoraires de l’expert selon des tableaux approuvés par le ministère de la Justice, ou, en leur absence, en prenant en compte les frais actuellement payés pour des services similaires et la pertinence de ceux rendus.

La fixation des honoraires est susceptible de recours.

ii) Paiement des frais

S’agissant du paiement de ces frais, ils sont, dans la quasi-totalité des pays, pris en charge par le budget public. Cette affirmation reste toutefois à nuancer selon que la personne bénéficie de l’aide juridictionnelle ou non.

Dans certains pays, les frais d'interprétariat pour les consultations, y compris les consultations privées au bureau de l'avocat, peuvent être couverts quand une personne bénéficie de l'aide juridique : elle est alors libérée de l'obligation d’en payer les frais (Finlande, Irlande). En Slovénie, les coûts de la procédure pénale comprennent les honoraires et les frais des experts, des interprètes et des professionnels. Selon la loi de procédure pénale, les frais de traduction ne peuvent être réclamés à l'accusé qui ne comprend pas ou ne parle pas la langue dans laquelle la procédure pénale est menée. Par contre, les frais de traduction engendrés par la communication privée entre l’avocat et l’accusé ou la partie lésée ne sont pas considérés comme des coûts inhérents à la procédure pénale. Néanmoins, dans le cas de défense obligatoire, fournie par l’Etat, lorsque l’accusé est en détention, les émoluments dus au traducteur (pour la communication privée avec l’avocat) sont considérés comme des coûts de la procédure pénale et sont payés par l’Etat. En Roumanie, lorsque l’interprétariat/traduction est assurée pendant le processus judiciaire, les interprètes et les traducteurs sont payés par les fonds publics budgétaires. Au Royaume-Uni, l’interprète qui fournit ses services aux personnes suspectes ou mises en cause lors de leurs interrogatoires devant les services de police peut être payé par l’aide juridictionnelle. Devant les juridictions, les prévenus peuvent avoir recours à un interprète, et les services de poursuite ainsi que la défense doivent également fournir des interprètes pour chacun de leurs témoins : ces frais d’interprétariat sont alors assurés par chacune des parties, ce qui peut représenter une lourde charge pour ceux qui ne bénéficient pas de l’aide juridictionnelle.

1.3.2.3. Décision-cadre 2008/909/JAI relative à la reconnaissance et à l’exécution des peines privatives de liberté

Pour le Luxembourg, concernant la DÉCISION-CADRE PPL, le projet de loi transposant la décision-cadre a été déposé le 26 juin 2009, suivi d'un avis du Conseil d'État datant du 22 juin 2010. Le texte intégral du projet de loi est sur le site internet de la chambre des députés (www.chd.lu)10.

Il y a lieu de rappeler pour ce qui concerne les décisions-cadres, qu'il n'y a pas de risque d'action en manquement ni de pénalité à ne pas transposer dans les délais une décision-cadre.

2. OBJECTIFS DU PROJET DE LOI

L'objectif du projet de loi est de transposer six instruments européens et d'adapter la législation française aux engagements internationaux ratifiés ou en cours de ratification, ou qui imposent à la France sans signature ni ratification (Résolution du Conseil de sécurité de l’ONU adoptée au titre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

Les directives sont des instruments qui lient les États membres quant à l’objectif à atteindre, en leur laissant le choix des moyens pour le réaliser. Les décisions du Conseil sont directement applicables mais peuvent appeler des mesures de mise en œuvre. Telle est le cas de la décision du Conseil de l’Union européenne 2009/426/JAI du 16 décembre 2008 renforçant Eurojust, modifiant la décision du Conseil de l’Union européenne 2002/187/JAI instituant Eurojust.

Les modifications du droit interne relèvent toutes du niveau législatif, puisqu’elles concernent la définition d’infractions pénales criminelles ou délictuelles ou la procédure pénale. Une partie de la mise en œuvre de la directive 2010/64/UE du 20 octobre 2010 relative au droit à l’interprétation et à la traduction est toutefois du domaine réglementaire (formation et rétribution des interprètes-traducteurs, qualité de la traduction et de l'interprétation, sélection des documents à traduire).

Les directives et décisions de l’Union européenne concernées par le présent projet de loi sont les suivantes :

Décision-cadre ou directive européenne à transposer

Date à laquelle la Commission peut introduire un recours en manquement pour défaut de transposition devant la CJUE

Chapitres et articles du projet de loi

Articles de la législation française modifiés ou ajoutés

Directive 2011/36/UE du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains

6 avril 2013

Chapitre I

Articles 1er et 2

Articles 225-4-1, 225-4-2 et 225-4-8 du code pénal,

Articles 706-47 et 706-53 du code de procédure pénale

Directive 2010/64/UE du 20 octobre 2010 relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales

27 octobre 2013

Chapitre II

Article 3

Article préliminaire du code de procédure pénale

Directive 2011/93/UE du 13 décembre 2011 relative aux abus sexuels et à l’exploitation sexuelle des enfants et à la pédopornographie

18 décembre 2013

Chapitre III

Article 4

Articles 222-22-2, 222-29, 222-30, 225-11-2, 227-22,227-23, 227-27 et 227-27-2 du code pénal

Décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil du 26 février 2009 portant modification des décisions-cadres 2002/584/JAI, 2005/214/JAI, 2006/783/JAI, 2008/909/JAI et 2008/947/JAI, renforçant les droits procéduraux des personnes et favorisant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions rendues en l’absence de la personne concernée lors du procès

Devait être transposée au plus tard le

28 mars 2011

Risque de pénalité après le 1er décembre 2014

Chapitre IV

Articles 5 et 6

Articles 695-17, 695-22-1, 695-2, 713-20 du code pénal

Décision 2009/426/JAI du Conseil du 16 décembre 2008 sur le renforcement d’Eurojust

Devait être transposée au plus tard le 4 juin 2011

Risque de pénalité après le 1er décembre 2014

Chapitre V

Articles 7 et 8

Article 695-4 à 695-9 du code de procédure pénale

Décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne

Devait être transposée au plus tard le 5 décembre 2011

Risque de pénalité après le 1er décembre 2014

Chapitre VI

Article 9

Création des articles 728-10 à 728-78 du code de procédure pénale

Les instruments internationaux et la résolution de l’ONU concernés par le présent projet de loi sont les suivants :

Conventions / Protocole / Résolution ONU / Accord UE / Arrêt CJUE

Date de ratification ou d’entrée en vigueur

Chapitres et articles du projet de loi

Articles de la législation française modifiés ou ajoutés

Protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatifs aux signes humanitaires

21 avril 2009

Chapitre VII

Article 10

Article 433-14 du code pénal

Résolution 1966(2010) du Conseil de sécurité de l’ONU relative à la coopération avec le Mécanisme résiduel succédant aux TPIY et TPIR

22 décembre 2010

Chapitre VIII

Articles 11 et 12

Loi n° 95-1 du 2 janvier 1995, article 1er de la loi n° 96-432 du 22 mai 1996

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

23 décembre 2010

Chapitre IX

Articles 13 et 14

Articles 212-1, 221-12 à 221-18 du code pénal

Article 689-12 du code de procédure pénale

Accord du 28 juin 2006 entre l’Union européenne et la République d’Islande et le Royaume de Norvège relatif à la procédure de remise entre les états membres de l’Union européenne et l’Islande et la Norvège

 

Chapitre X

Articles 15

Articles 695-11 à 695-51 du code de procédure pénale et création des articles 695-52 à 695-57 du code de procédure pénale

Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne en date du 5 septembre 2012

5 septembre 2012

Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique signée à Istanbul, le 11 mai 2011

En cours de ratification

Chapitre XI

Article 16 et 17

Articles 222-14-4, 223-11, 227-24-1 du code pénal

Articles 8, 40-5 et 706-3 du code de procédure pénale

S’agissant de la ratification de la convention du Conseil de l’Europe sur la violence faite aux femmes et la violence domestique, il n’existe pas de délai contraignant. Toutefois, le gouvernement français ayant fait de la ratification de cette convention une priorité, il est envisagé de transposer ses dispositions de nature pénale dans le présent projet de loi.

3. LES PRINCIPALES OPTIONS

Même si les directives ne lient les États que sur l’objectif à atteindre, en leur laissant le choix des moyens pour le réaliser, la quasi-totalité des dispositions des directives transposées par le présent projet de loi sont précises et inconditionnelles et appellent des mesures de transposition de nature législative, puisqu’elles concernent la matière pénale. Il en va différemment de la décision du Conseil relative à Eurojust, en principe directement applicable, dont certaines dispositions seulement appellent un prolongement spécifique en droit français11.

3.1. Directive « traite des êtres humains »

La décision-cadre « traite des êtres humains» implique peu de choix de transposition :

3.1.1 Distinction victime vulnérable /victime particulièrement vulnérable :

La directive fait une distinction entre la traite des êtres humains résultant de l’abus d’une situation de vulnérabilité, qui doit être sanctionnée d’une peine d’au moins cinq ans d’emprisonnement, et la traite des êtres humains résultant de l’abus d’une situation de particulière vulnérabilité qui doit être sanctionnée d’une peine d’au moins dix ans d’emprisonnement. La directive ne définit pas précisément les situations relevant de la vulnérabilité et celles relevant d’une particulière vulnérabilité mais elle précise que cette seconde catégorie doit comprendre au moins les « enfants victimes » (article 4, § 2 a) de la directive).

La législation française fait déjà référence à l’abus d’une situation de particulière vulnérabilité, définie de façon plus large que dans la directive, puisque l’article 225-4-2 du code pénal précise que la traite des êtres humains est dans ce cas punie de dix ans d'emprisonnement (cf. 3ème alinéa visant les infractions commises « à l'égard d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur »).

Comme il est de toute façon nécessaire de modifier la législation française pour que l’abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité ne soit pas seulement un élément aggravant mais un élément constitutif alternatif au fait d’échanger une rémunération ou tout autre avantage ou d'une promesse de rémunération ou d'avantage, la solution suivante est proposée :

- une référence à l’abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité sera introduite à l’article 225-4-1 du code pénal, pour que la définition de la traite des êtres humains soit parfaitement conforme à la définition de la directive (et à celles de la convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains adoptée à Varsovie du 16 mai 2005, et du protocole additionnel de la convention de Palerme), sans définir plus précisément les éléments susceptibles de constituer cette vulnérabilité, ce qui risquerait de restreindre le champ de l’infraction comparativement aux trois définitions des instruments internationaux ;

- la circonstance aggravante prévue à l’article 225-4-2 du code pénal relative aux victimes particulièrement vulnérables sera maintenue, notamment afin que la peine encourue de dix ans d’emprisonnement prévue par la directive soit respectée. Le fait que le champ de la particulière vulnérabilité soit plus large est sans incidence puisque si la directive interdit une peine inférieure à dix ans en cas de particulière vulnérabilité, elle n’interdit pas que cette définition couvre d’autres situations que celle des « enfants victimes ».

3.1.2 Distinction violence /violence grave 

Un problème légèrement semblable se pose relativement à la menace de recours ou au recours à la force ou à d’autres formes de contrainte et au recours à des violences graves ou ayant a causé un préjudice particulièrement grave à la victime.

La directive fait une distinction entre ces deux situations qui doivent être sanctionnée respectivement d’une peine d’au moins cinq ou dix ans d’emprisonnement selon les cas (cf. article 2 § 1 et article 4 § 2 c) et d) de la directive).

La législation française fait déjà référence à des circonstances qui « exposent directement la personne à l'égard de laquelle l'infraction est commise à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente » (cf. article 225-4-2 6°du code pénal) ou à « l’emploi de menaces, de contraintes, de violences ou de manœuvres dolosives visant l'intéressé, sa famille ou une personne étant en relation habituelle avec lui » (cf. article 225-4-2 7°du code pénal).

Il est de toute façon nécessaire de modifier la législation française pour que l’abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité ne soit pas seulement un élément aggravant mais un élément constitutif alternatif au fait d’échanger une rémunération ou tout autre avantage ou d'une promesse de rémunération ou d'avantage, la solution suivante est proposée :

- la référence à « l’emploi de menaces, de contraintes, de violences ou de manœuvres dolosives visant l'intéressé, sa famille ou une personne étant en relation habituelle avec lui » ne sera plus considérée comme une circonstance aggravante mais comme l’un des éléments alternatifs constitutifs de la traite des êtres humains, et en conséquence cette expression sera déplacée de l’article 225-4-2 à l’article 225-4-1 ;

- pour respecter le fait que l’infraction de traite des êtres humains soit sanctionnée de dix ans d’emprisonnement lorsqu’elle a été commise « par recours à des violences graves ou a causé un préjudice particulièrement grave à la victime », la circonstance aggravante prévue actuellement à l’article 225-4-2 7° sera remplacée par une référence à la situation prévue dans la directive (« 7° Avec l’emploi de violences graves ou causant un préjudice particulièrement grave à la victime »).

3.2 Directive relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales

La partie législative de la transposition de cette directive implique peu de choix de transposition. Ces choix sont essentiellement faits dans le cadre du décret complétant la transposition.

La directive n'impose pas la création d'une voie de recours spécifique pour contester la qualité de l'interprétation. Il n'y a donc pas eu de choix à faire sur ce point qui pouvait paraître litigieux. La décision du magistrat (désignation ou non d’un expert) peut être contestée de même que la qualité de l’interprétation (mention des observations est transcrite au PV) mais il n’est pas prévu l’exercice d’une voie de recours.

3.3. Directive « abus sexuels et pédopornographie »

La directive « abus sexuels et pédopornographie »n’implique quasiment aucun de choix de transposition.

La directive implique d’aggraver certaines peines encourues en portant notamment de deux à trois ans la peine maximale prévue pour les atteinte sexuelles sans violence, ni contrainte, ni menace ni surprise commise par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions et en portant à huit ans d’emprisonnement au moins les agressions sexuelles commises à l’encontre des mineurs n’ayant pas atteint l’âge de la majorité sexuelle. Comme il n’existe aucune peine de huit ans dans la législation française, cela impose de porter de sept ans à dix ans d’emprisonnement la sanction encourue dans ces cas.

3.4. Décision-cadre « in abstentia  »

La décision-cadre « in abstentia » n’implique aucun de choix de transposition, n’entraîne la désignation d’aucune autorité compétente et ne prévoit aucune option facultative.

3.5. Décision Eurojust :

S’agissant de la Décision « Eurojust », des choix de transposition ont été opérés quant à l’harmonisation des pouvoirs du membre national et à la portée de l’obligation de transmettre des informations vers le membre national.

Concernant l’obligation d’informer le membre national, la décision encadre de manière très précise les informations devant être au minimum transmises au membre national, en multipliant les conditions cumulatives présidant à ces transferts d’informations.

Le choix a été fait de ne pas se limiter aux affaires pour lesquelles des demandes de coopération ont été émises à au moins deux autres États membres, mais également à celles susceptibles de l’être. En ce qui concerne la condition relative à la peine encourue, le choix a été fait de retenir le seuil de cinq d’emprisonnement (la décision proposait cinq ou six ans d’emprisonnement) en ce qu’elle est compatible avec l’échelle des peines en vigueur en droit français.

S’agissant toutefois des autorités chargées de transmettre les informations opérationnelles visées à l’article 13.7 a, b et c au membre national (informations relatives à l’existence de conflits de compétence, la mise en place d’une équipe commune d’enquête, ou relatives à des refus ou difficultés récurrents d’exécution des demandes de coopération), il est proposé de privilégier les contacts directs entre le membre national et les autorités en charge des procédures, tel que préconisé par les articles 9.4, 12.7, 13 et 13 bis de la Décision. C’est la raison pour laquelle il est proposé de remplacer les mots « procureur général » et « juge d’instruction » par les mots « autorités compétentes » faisant ainsi référence au procureur de la République et au juge d’instruction.

S’agissant enfin des prérogatives conférées au membre national, la décision permet à l’article 9 bis de déroger à l’harmonisation proposée s’agissant des pouvoirs des articles 9 quater (pouvoirs délégués par une autorités judiciaire compétente) à 9 quinquies (pouvoirs exercés en cas d’urgence) lorsque l’attribution des ces pouvoirs serait contraire « aux règles constitutionnelles ou à des aspects fondamentaux du système de justice pénale relatifs à la répartition des pouvoirs entre les officiers de police, les procureurs et les juges, ou relatifs à la répartition fonctionnelle des tâches entre les autorités chargées des poursuites ». Il a été considéré qu’eu égard à la répartition fonctionnelle des tâches entre les autorités chargées des poursuites, il n’était pas possible de confier à Eurojust des pouvoirs relevant de l’autorité judiciaire.

3.6. Décision-cadre peines privatives de liberté

La décision-cadre peines privatives de liberté implique la désignation de l’autorité compétente pour reconnaître et exécuter les condamnations en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté. Il a été décidé de confier au procureur de la République, en charge de l’exécution des peines (article 707-1 du code de procédure pénale), le soin de prendre la décision de reconnaissance et de mise à exécution de la peine étrangère devant être exécutée en France, notamment afin de ne pas rendre plus complexe le mécanisme de reconnaissance et de mise à exécution des condamnations étrangères au sein de l’Union européenne et afin d’apporter une réponse dans les très brefs délais imposés par la décision-cadre.

Toutefois lorsqu’une adaptation de la peine est nécessaire, conformément à la tradition juridique française, il a été introduit un mécanisme d’homologation par le président du tribunal correctionnel.

Dans tous les cas, la décision du procureur de la République, éventuellement homologuée par le président du tribunal correctionnel est notifiée immédiatement à la personne condamnée qui dispose d’une possibilité de saisir la chambre des appels correctionnels dans tous les cas.

Le mécanisme ainsi mis en place restera semblable à celui qui est mis en œuvre depuis de longues années lorsqu’une condamnation étrangère est exécutée en France sur le fondement d’une convention de transfèrement ou d’un accord international (cf. articles 728-2 et suivants du code de procédure pénale) : l’impact de la transposition de la décision-cadre est une judiciarisation d’une décision jusqu’à présent gouvernementale.

- Lorsque la peine prononcée par une juridiction étrangère ne nécessite aucune adaptation, la reconnaissance et la mise à exécution de la condamnation, actuellement décidée par le ministre de la justice est décentralisée entre les mains du procureur de la République ;

- Lorsque la peine nécessite une adaptation sur le fondement de critères strictement juridiques (plafonnement de la durée de la peine au maximum légal encouru en France) la décision du procureur doit être homologuée par un magistrat du siège, en l’espèce le président du tribunal correctionnel (actuellement les adaptations sont décidées par le tribunal correctionnel en application de l’article 728-4 du code de procédure pénale).

3.6.1. – Autorités compétentes :

En ce qui concerne la mise à exécution d’une peine à l’étranger, il est proposé de confier au procureur de la République la mise à exécution de ces peines, et notamment la rédaction et l’envoi du certificat à l’État étranger.

En ce qui concerne l’exécution en France d’une condamnation prononcée par les juridictions d’un autre État membre de l’Union Européenne, la décision-cadre prévoit que l’État de condamnation transmet les documents nécessaires à l’exécution de la peine étrangère à « l’autorité compétente » de l’État d’exécution et que cette autorité doit prendre une décision « finale » sur la mise à exécution de cette peine. Il a été considéré que cette expression résultait d’une erreur de traduction en français puisqu’en anglais, l’expression « final decision » est toujours traduite décision définitive (cf. notamment les versions anglaise et française de l’article 1 de la décision-cadre 2008/909/JAI) sauf à l’article 12 où cette expression « décision finale » laisse planer une ambiguïté. Il est donc considéré que la décision-cadre implique une décision définitive sur la peine qui sera réellement exécutée en France. Cela correspond à la philosophie de la décision-cadre qui permet à l’Etat d’exécution de retirer le certificat et donc de renoncer à la demande de transfèrement si l’adaptation de la peine ne lui convient pas : Si la peine adaptée ne satisfait pas l’État de condamnation, la demande peut être retirée par l’État de condamnation et la personne condamnée ne sera pas transférée si elle se trouve dans l’État de condamnation, ou la décision ne sera pas mise à exécution si elle se trouve en France.

D’autres choix ont été étudiés mais ils paraissaient incompatibles avec les délais ou avec les contraintes liées au fait que la personne condamnée se trouve à l’étranger dans les cas où elle est détenue pour l’exécution de cette peine.

En conséquence la procédure retenue sera la suivante :

- Toute mise à exécution d’une peine étrangère sera soumise au procureur de la république territorialement compétent (celui du dernier domicile connu ou à défaut le procureur de la République de Paris) qui prendra une décision sur la reconnaissance et la mise à exécution de cette peine dans le délai de 5 jours.

- S’il décide d’adapter la peine, le procureur de la république fera homologuer cette décision par le président du tribunal correctionnel qui doit statuer dans le délai de 8 jours.

- La décision du procureur de la république, le cas échéant homologuée par le président du tribunal correctionnel, sera notifiée au condamné qui disposera d’un délai de dix jours pour éventuellement saisir la chambre des appels correctionnels.

- En l’absence de recours la décision deviendra définitive et une réponse définitive pourra être transmise à l’État de condamnation qui sauf s’il décide de retirer sa demande de reconnaissance et d’exécution organisera le transfèrement du condamné en France.

- Lorsque que la personne condamnée sera sur le sol français, le cas échéant en cas de mise à exécution d’un mandat d’arrêt européen ou en cas d’arrestation provisoire en France par suite d’une évasion, la peine pourra être exécutée en France.

3.6.2. - Caractère facultatif ou obligatoire des motifs de refus

Le projet de loi propose de transformer certains motifs de refus, rédigés comme ayant un caractère facultatif dans la décision-cadre, en motif de refus obligatoire. Le choix a été opéré selon un critère simple : lorsque des motifs juridiques résultant de la Charte des droits fondamentaux ou de principes constitutionnels (en particulier l’égalité des citoyens face à la loi) ou de la hiérarchie des normes (immunités résultant des conventions internationales valablement ratifiées par exemple) interdisent de passer outre un motif de refus, il n’a pas paru utile de rédiger ces motifs sous forme d’un choix laissé à l’appréciation des autorités judiciaires qui examinent la peine.

Il en est ainsi des motifs liés aux conditions substantielles (défaut de consentement du condamné lorsque celui-ci est obligatoire), de la règle « non bis in idem », de l’existence d’une immunité en France, de l’absence d’incrimination en France des faits fondant la condamnation, de l’âge de la personne condamnée inférieur à celui de la responsabilité pénale permettant une peine privative de liberté (13 ans), de la prescription de la condamnation au regard de la législation française.

3.6.3. – Possibilité d’ordonner l’arrestation provisoire de la personne condamnée

L’article 14 de la décision-cadre prévoit la possibilité de demander l’arrestation provisoire de la personne condamnée « avant réception du jugement et du certificat, ou avant que soit rendue la décision de reconnaissance du jugement et d’exécution de la condamnation »12.

La décision-cadre ne précise pas la forme de la demande et s’il est nécessaire de prévoir des dispositions transposant la décision-cadre, il est apparu nécessaire d’encadrer strictement cette possibilité afin d’éviter toute incarcération abusive.

La mise à exécution d’une condamnation en France est fondée sur le principe que lorsque la personne n’est pas incarcérée et que la peine restant à subir est inférieure ou égale à deux ans d’emprisonnement, un aménagement de la peine doit être recherché prioritairement à une incarcération (article 723-15 du code de procédure pénale). Toutefois dans trois cas il est possible de passer outre ce principe conformément aux dispositions applicables aux condamnations françaises (cf. article 723-16 du code de procédure pénale).

Il a été considéré, conformément au principe édicté par la décision-cadre qui précise que l’exécution des peines est régie par le droit de l’État d’exécution, qu’il n’y avait pas lieu d’introduire une discrimination dans le traitement des condamnations étrangères et des condamnations françaises.

C’est pourquoi le projet de loi propose de limiter cette possibilité d’arrestation provisoire aux cas où la peine prononcée est égale ou supérieure à deux années d'emprisonnement sous réserve des trois situations mentionnées à l’article 723-16 du code de procédure pénale.

3.6.4. – Extension aux résidents habituels des possibilités de transfèrement

Jusqu’à présent, la convention sur le transfèrement des personnes condamnées signée à Strasbourg le 21 mars 1983 permettait exclusivement le transfèrement des personnes condamnées ressortissantes de l'État d'exécution13. Il résultait de cette contrainte juridique que lors de la transposition de la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen, il n’avait pas été possible de transposer en droit français, à peine d’instaurer un régime d’impunité incompatible avec la création d’un espace de justice et de sécurité, le motif de refus facultatif fondé sur la résidence habituelle en France de la personne recherchée. En effet, refuser de remettre une personne recherchée pour une ou plusieurs infractions criminelles ou délictuelles ou soumettre sa remise à l’engagement de son « renvoi en France » alors qu’il n’existait aucun instrument permettant d’assurer l’exécution ou le renvoi en France de cette personne aurait conduit à une situation incohérente, interdisant la remise à l’Etat ayant décerné un mandat d’arrêt européen ainsi que l’exécution en France de la peine étrangère.

La décision-cadre 2008/909/JAI du 27 novembre 2008 étend sous certaines conditions, notamment sous réserve de l’accord de l’État d’exécution, la possibilité de transférer l’exécution d’une peine concernant des personnes qui ne sont pas ressortissantes de l’État d’exécution, notamment les résidents habituels.

En outre, la décision-cadre prévoit une possibilité facultative, permettant aux États membres de donner un accord de principe systématique pour l’exécution des condamnations concernant des personnes qui vivent et résident légalement de manière continue depuis au moins cinq ans sur le territoire de l’État membre et conserveront un droit de résidence permanent dans cet État (cf. article 4, paragraphe 7 de la décision-cadre), ainsi que pour les ressortissants qui ne résident pas dans l’État membre d’exécution ou ne doivent pas y être expulsés au terme de l’exécution de leur peine. Il n’est pas envisagé de faire usage de cette faculté ouverte par la décision-cadre et aucune disposition transposant l’article 4, paragraphe 7 n’est introduite dans le code de procédure pénale.

Cette évolution juridique a une double conséquence :

- En ce qui concerne l’exécution des condamnations, leur transmission aux fins de son exécution peut être envisagée par l'autorité compétente de l'État de condamnation pour les ressortissants ainsi que pour les résidents habituels, tant dans le sens d’une condamnation française visant une personne qui réside habituellement dans un autre État de l’Union européenne que pour l’exécution en France d’une condamnation prononcée par une juridiction d’un autre État membre de l’Union Européenne. Les dispositions nécessaires sont introduites dans le code de procédure pénale.

- En ce qui concerne l’exécution des mandats d’arrêt européens, il n’y a plus d’obstacle dans le cas où les autorités compétentes françaises acceptent dans les mêmes conditions que celles prévues pour la mise en œuvre de la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 d’exécuter la condamnation pour refuser d’exécuter un mandat d’arrêt visant l’exécution d’une peine sous réserve de l’exécution de cette peine en France, ou pour soumettre l’exécution du mandat d’arrêt européen à l’engagement d’un renvoi en France de la personne recherchée pour que celle-ci y exécute sa peine. Le projet de loi modifie en conséquence les articles 695-24 et 695-32 du code de procédure pénale pour mettre la législation française en parfaite conformité avec les obligations résultant de la décision cadre 2002/584/JAI du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres.

3.6.5. – La transposition de la décision-cadre entraine une uniformisation du régime d’exécution des peines

Jusqu’à présent, il a toujours été considéré que l’exercice par l’État d’exécution du droit de grâce se heurtait à la souveraineté de l’État de condamnation et réciproquement et qu’en conséquence, le président de la République ne pouvait dispenser un condamné de l’exécution d’une peine étrangère exécutoire sur le territoire de la République qu’en application d’une convention internationale autorisant l’exercice du droit de grâce.

En ce qui concerne les peines exécutées dans le cadre de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées signée à Strasbourg le 21 mars 1983, l’article 1214 de cette convention autorisait l’exercice du droit de grâce par le Président de la République française.

En revanche, en ce qui concerne les peines exécutées en application des dispositions de l’article 695-24 2° du code de procédure pénale qui permettent de refuser la remise d’une personne recherchée sur le fondement d’un mandat d’arrêt européen en contrepartie de l’engagement des autorités françaises d’exécuter la peine, cet exercice du droit de grâce par le président de la République française n’apparaissait pas possible.

La décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne traite de ces questions :

L’article 25 de cette décision-cadre relatif à l’exécution des condamnations à la suite d’un mandat d’arrêt européen stipule : « Sans préjudice de la décision-cadre 2002/584/JAI, les dispositions de la présente décision-cadre s’appliquent, mutatis mutandis dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions de ladite décision-cadre, à l’exécution des condamnations dans les cas où un État membre s’engage à exécuter la condamnation conformément à l’article 4, point 6), de ladite décision-cadre ou lorsque, agissant dans le cadre de l’article 5, point 3), de cette même décision-cadre, il a imposé comme condition le renvoi de la personne dans l’État membre concerné afin d’y purger la peine, de manière à éviter l’impunité de la personne concernée. »

Le régime juridique relatif à l’amnistie, la grâce et la révision est déterminé par l’article 19 de la décision-cadre qui précise : « L’amnistie et la grâce peuvent être accordées tant par l’État d’émission que par l’État d’exécution ».

Les dispositions nécessaires à la transposition de ces stipulations sont introduites à l’article 728-53 du code de procédure pénale15.

Enfin, il convient de souligner que les dispositions transposant la décision-cadre 2008/909/JAI du 27 novembre 2008 concernant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l'Union européenne se substituent à la mise en œuvre de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées signée à Strasbourg le 21 mars 1983.

Il en résulte deux conséquences :

1°) Il n’est pas nécessaire de fixer des règles pour choisir l’instrument applicable pour la reconnaissance et la mise à exécution des condamnations prononcées par les juridictions d’un autre État membre de l’Union Européenne : à compter du 5 novembre 2011, date limite de transposition pour cet instrument européen, les nouvelles dispositions régissent le transfèrement ainsi que la mise à exécution des décisions de condamnation qui n’entraînent pas un transfèrement (exécution d’une condamnation suite à une évasion ou ab initio sans commencement d’exécution dans l’État de condamnation) dans les relations entre la France et tout État membre de l’Union européenne ayant transposé la décision-cadre.

2°) Des dispositions transitoires sont nécessaires pour permettre le transfèrement d’une personne condamnée depuis ou à destination d’un État n’ayant pas encore transposé la décision-cadre considérée, ou dans le cas où la loi de cet État serait annulée par la Cour constitutionnelle de cet État16. De telles règles ne constituent pas une mise en œuvre d’un principe de réciprocité, prohibé au sein de l’Union européenne mais le maintien de règles permettant d’assurer des transfèrements de français vers la France ou de ressortissants d’autres États de l’Union européenne vers ces États, lorsqu’ils n’ont pas encore transposé la décision-cadre 2008/909/JAI. En effet, la mise en œuvre d’un principe de réciprocité consiste à s’interdire de mettre en œuvre un mécanisme opérationnel existant en raison du fait que l’autre État ne met lui-même pas en œuvre ce mécanisme. De telles clauses de réciprocité visent ainsi toujours à restreindre des possibilités existantes. Le maintien des anciens instruments antérieurement en vigueur ne vient pas restreindre les possibilités de transfèrement mais bien au contraire permet de ne pas se retrouver dans une situation dans laquelle aucun transfèrement ne serait plus possible.

3.7 Protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatifs aux signes humanitaires

L’adaptation de la législation française aux dispositions de ce Protocole n’implique aucun choix d’adaptation.

3.8 Résolution n°1966(2010) du Conseil de sécurité de l’ONU du 22 décembre 2010 créant le Mécanisme résiduel

L’adaptation de la législation française aux dispositions de cette Résolution n’implique aucun choix d’adaptation.

3.9 Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

La Convention sur les disparitions forcées n’offre quasiment aucune « option » aux États qui sont parties à cette convention. Les États qui ont ratifié la Convention ont l’obligation d’incriminer les disparitions forcées. C’est ainsi que l’article 6 du projet de loi intègre en droit français la définition des disparitions forcées d’une façon strictement conforme aux obligations résultant de la convention et tire toutes les conséquences des obligations prévues par la Convention (délai de prescription de l’action publique et de la peine adapté à la gravité des faits, introduction d’une clause de compétence universelle, rédaction plus large de la clause « aut dedere, aut judicare »).

3.10. Accord entre l’Union européenne et l’Islande et la Norvège sur la remise des personnes

La similitude des dispositions de l’accord du 28 juin 2006 avec la décision-cadre 2002/584/JAI laisse deux options:

i) Procéder par voie d’assimilation et de renvoi, en disposant que les dispositions de transposition de la décision-cadre susvisée sont applicables à l’accord de remise des personnes entre l’Union européenne et l’Islande et la Norvège, tout en prévoyant des dispositions dérogatoires.

ii) Insérer un chapitre spécifique à cet accord reproduisant quasiment à l’identique les dispositions du Chapitre IV du Titre X du Livre Quatrième du Code de procédure pénale.

La première solution a été retenue. Ce choix se justifie tant par la proximité des règles respectives de l’accord et de la décision-cadre que par le souci de restreindre le nombre de nouvelles dispositions législatives.

En outre, il a été jugé judicieux de ne faire aucune référence à l’accord avec l’Islande et la Norvège, afin de garantir l’applicabilité des nouvelles dispositions proposées à tout accord similaire conclu par l’Union européenne avec un Etat non membre de l’Union européenne, comme cela a été fait pour la mise en œuvre de la convention du 29 mai 2000.

3.11. Convention du Conseil de l’Europe sur la violence faite aux femmes et la violence domestique

Cette convention implique peu de choix de transposition.

S’agissant de l’incrimination de l’incitation d’une mineure à la commission de mutilations génitales, prévu par l’article 38 c) de la convention, il ressort du rapport explicatif que le terme « fille » recouvre les mineures, à l’exception des femmes majeures. Ainsi le §201 du rapport énonce que: «Cette partie de la disposition s’applique uniquement aux filles, et inclut les situations dans lesquelles toute personne, et en particulier les parents, les grands-parents ou autre parent contraignent leur fille ou parent à subir ce procédé. Les rédacteurs ont estimé qu’il était important de distinguer entre adultes victimes et enfants victimes, car ils ne souhaitaient pas ériger en infraction pénale le fait d’inciter des femmes adultes à effectuer un des actes listés à l’alinéa a. ». Dès lors, cette infraction a été limitée aux mineures.

En ce qui concerne l’incrimination de la tentative de contraindre une femme à subir un viol, compte tenu des difficultés d’interprétation de la disposition évoquées précédemment, il a été considéré que le comportement visé par les articles 36 c) et 41 de la convention devait s’entendre comme recouvrant le fait d’inciter par la violence, la contrainte, la menace ou la surprise, une personne à se livrer à des activités sexuelles avec un tiers, et de sanctionner dès lors les menaces réellement commises mais qui n’ont pas été suivies d’effet, et non la tentative de ces menaces qui n’est d’ailleurs pas incriminé en droit français car cette notion n’a guère de sens..

En ce qui concerne les mariages forcés, la législation française est déjà parfaitement conforme aux obligations prévues par l’article 3717 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique adoptée à Istanbul, le 11 mai 2011.

En effet, le rapport explicatif de ladite convention précise, en son point 196, en ce qui concerne l’article 37 de la convention : « Le type de conduite érigé en infraction pénale au paragraphe 1 est le fait de forcer un adulte ou un enfant à contracter un mariage. Le terme « forcer » désigne le recours à la domination physique et psychologique en employant des moyens de contrainte ou de coercition. »

Or, la législation française incrimine déjà le fait commis intentionnellement de forcer un adulte ou un enfant à contracter un mariage : l’article 33 de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants a introduit une circonstance aggravante à toutes les formes de violences ou de coercition caractérisant la contrainte ou la coercition à des fins de mariage forcé. Cet article 33 était ainsi libellé :

I. ― Après le 9° de l'article 221-4 du même code, il est inséré un 10° ainsi rédigé :

« 10° Contre une personne en raison de son refus de contracter un mariage ou de conclure une union. »

II. ― Après l'article 221-5-3 du même code, il est inséré un article 221-5-4 ainsi rédigé :

« Art. 221-5-4. - Dans le cas où le crime prévu par le 10° de l'article 221-4 est commis à l'étranger à l'encontre d'une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation aux dispositions de l'article 113-7. »

III. ― Après le 6° de l'article 222-3 du même code, il est inséré un 6° bis ainsi rédigé :

« 6° bis Contre une personne afin de la contraindre à contracter un mariage ou à conclure une union ou en raison de son refus de contracter ce mariage ou cette union ; ».

IV. ― Après l'article 222-6-2 du même code, il est inséré un article 222-6-3 ainsi rédigé :

« Art. 222-6-3. - Dans le cas où le crime prévu par le 6° bis de l'article 222-3 est commis à l'étranger à l'encontre d'une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation aux dispositions de l'article 113-7. »

V. ― Après le 6° des articles 222-8 et 222-10 du même code, il est inséré un 6° bis ainsi rédigé :

« 6° bis Contre une personne afin de la contraindre à contracter un mariage ou à conclure une union ou en raison de son refus de contracter ce mariage ou cette union ; ».

VI. ― Après le 6° des articles 222-12 et 222-13 du même code, il est inséré un 6° bis ainsi rédigé :

« 6° bis Contre une personne, en raison de son refus de contracter un mariage ou de conclure une union ou afin de la contraindre à contracter un mariage ou à conclure une union ; ».

VII. ― Après l'article 222-16-2 du même code, il est inséré un article 222-16-3 ainsi rédigé :

« Art. 222-16-3. - Dans le cas où les infractions prévues par le 6° bis des articles 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13 sont commises à l'étranger à l'encontre d'une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation aux dispositions de l'article 113-7. S'il s'agit d'un délit, les dispositions de la seconde phrase de l'article 113-8 ne sont pas applicables. »

Par ailleurs, cette loi du 9 juillet 2010 a consacré à l’article 222-14-3 du code pénal une jurisprudence ancienne et bien établie de la Cour de cassation sur les violences psychologiques en prévoyant que « les violences prévues par les dispositions de la présente section sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences psychologiques ».

Les faits visés à l’article 37 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique sont donc déjà incriminés. La législation française est parfaitement conforme à ladite convention et il n’est donc pas nécessaire d’introduire de nouvelles incriminations dans le code pénal.

En ce qui concerne le second alinéa de l’article 37 de la convention, le projet de loi propose la création d’une incrimination permettant de poursuivre toute personne qui tromperait en France un adulte ou un enfant afin de l’emmener à l’étranger avec l’intention de le forcer à contracter un mariage (quand bien même ce mariage n’est pas contracté, il s’agit donc d’une incrimination de mensonges indépendamment du fait qu’ils sont suivis ou non d’effet). Cette modification18 mettra la législation française en parfaite conformité avec l’article 37, paragraphe 2 de la convention.

ANALYSE DES IMPACTS DE LA TRANSPOSITION

4.1. Impact de la transposition sur le justiciable

Les États membres, lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union européenne, sont tenus de respecter la Charte des droits fondamentaux (ci-après "la Charte") qui a acquis depuis le Traité de Lisbonne la même valeur juridique que les traités. Il appartient en conséquence au législateur de chaque État membre de vérifier le plein respect et la mise en œuvre effective de la Charte dans le processus d'élaboration des lois de transposition du droit de l'Union.

La transposition des directives relatives à la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène, à la lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des enfants, ainsi que la pédopornographie et des conventions et Protocole relatifs aux signes humanitaires, à la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et à la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique aura pour impact d’améliorer la prévention et la répression de comportements jugés inacceptables par la communauté internationale.

La révision des dispositions du code de procédure pénale relatives à la Décision « Eurojust » n’aura pas d’impact direct prévisible sur le justiciable. La mise en œuvre de cette transposition peut toutefois apparaître comme contribuant à améliorer la coopération judiciaire en matière pénale en ce que les demandes de coopération pourront être traitées de manière plus rapide et efficace, et partant à améliorer la qualité de la justice pénale.

La transposition de la décision-cadre « in abstentia » ne devrait avoir qu’un impact très faible sur le justiciable, les juridictions françaises appliquant dès à présent des règles équivalentes sur le fondement de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme.

L’adaptation de la législation française à la Résolution n°1966 (2010) du Conseil de sécurité de l’ONU du 22 décembre 2010 créant le Mécanisme résiduel n’a pas davantage d’impact sur le justiciable, les dispositions législatives introduites ayant pour effet de prolonger les mécanismes existants.

Le principal impact pour le justiciable résultera de la transposition de la décision-cadre relative à la reconnaissance mutuelle des jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l'Union européenne.

La transposition de cette décision-cadre devrait avoir un impact significatif en ce qu’elle permettra le transfèrement de détenus dans l’État dont ils sont ressortissants où dans lequel ils ont leur résidence habituelle dans certains cas sans que le consentement du détenu ou celui de l’État d’exécution ne soit nécessaire. Elle entrainera également la mise à exécution de condamnation qui n’ont pas fait l’objet d’un commencement d’exécution, ce qui est actuellement impossible sauf lorsque cette condamnation permet la délivrance d’un mandat d’arrêt européen.

Actuellement, la France et tous les pays de l’Union Européenne ont ratifié la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées (STCE n° 112) comme le démontre le tableau suivant :

Convention sur le transfèrement des personnes condamnées
STCE no. : 112

 
 

Ouverture à la signature

Entrée en vigueur

Lieu : Strasbourg
Date : 21/3/1983

Conditions : 3 Ratifications.
Date : 1/7/1985

Situation au 4/5/2011

États membres du Conseil de l'Europe

États 

Signature 

Ratification 

Entrée en vigueur 

Renv. 

R. 

D. 

A. 

T. 

C. 

O. 

Albanie  

19/5/1998  

4/4/2000  

1/8/2000  

   

   

X  

   

   

   

   

Allemagne  

21/3/1983  

31/10/1991  

1/2/1992  

   

   

X  

   

   

   

X  

Andorre  

4/11/1999  

13/7/2000  

1/11/2000  

   

   

X  

X  

   

   

   

Arménie  

   

11/5/2001 a  

1/9/2001  

   

   

X  

   

   

   

   

Autriche  

21/3/1983  

9/9/1986  

1/1/1987  

   

   

X  

   

   

   

   

Azerbaïdjan  

25/1/2001  

25/1/2001  

1/5/2001  

   

X  

X  

X  

   

   

   

Belgique  

21/3/1983  

6/8/1990  

1/12/1990  

   

   

X  

   

   

   

   

Bosnie-Herzégovine  

30/4/2004  

15/4/2005  

1/8/2005  

   

   

   

   

   

   

   

Bulgarie  

30/9/1993  

17/6/1994  

1/10/1994  

   

   

X  

   

   

   

   

Chypre  

27/2/1984  

18/4/1986  

1/8/1986  

   

   

X  

   

   

   

   

Croatie  

   

25/1/1995 a  

1/5/1995  

   

   

X  

   

   

   

   

Danemark  

21/3/1983  

16/1/1987  

1/5/1987  

   

   

X  

   

X  

   

   

Espagne  

10/6/1983  

11/3/1985  

1/7/1985  

   

   

X  

X  

   

   

   

Estonie  

4/11/1993  

28/4/1997  

1/8/1997  

   

   

X  

   

   

   

   

Finlande  

   

29/1/1987 a  

1/5/1987  

   

   

X  

   

   

   

   

France  

27/4/1983  

11/2/1985  

1/7/1985  

   

X  

X  

   

   

   

   

Géorgie  

   

21/10/1997 a  

1/2/1998  

   

   

X  

   

   

   

   

Grèce  

21/3/1983  

17/12/1987  

1/4/1988  

   

   

X  

   

   

   

   

Hongrie  

19/11/1991  

13/7/1993  

1/11/1993  

   

   

X  

   

   

   

   

Irlande  

20/8/1986  

31/7/1995  

1/11/1995  

   

X  

X  

   

   

   

   

Islande  

19/9/1989  

6/8/1993  

1/12/1993  

   

   

X  

   

   

   

   

Italie  

20/3/1984  

30/6/1989  

1/10/1989  

   

   

X  

   

   

   

   

Lettonie  

30/10/1996  

2/5/1997  

1/9/1997  

   

   

X  

   

   

   

   

L'ex-République yougoslave de Macédoine  

28/7/1999  

28/7/1999  

1/11/1999  

   

   

   

   

   

   

   

Liechtenstein  

3/5/1983  

14/1/1998  

1/5/1998  

   

   

X  

X  

   

   

   

Lituanie  

25/1/1995  

24/5/1996  

1/9/1996  

   

   

X  

   

   

   

   

Luxembourg  

21/3/1983  

9/10/1987  

1/2/1988  

   

   

X  

   

   

   

   

Malte  

4/11/1988  

26/3/1991  

1/7/1991  

   

   

X  

   

   

   

   

Moldova  

6/5/1997  

12/5/2004  

1/9/2004  

   

   

X  

   

   

   

   

Monaco  

   

   

   

   

   

   

   

   

   

   

Monténégro  

   

11/4/2002 a  

6/6/2006  

54  

   

   

   

   

   

   

Norvège  

8/3/1985  

9/12/1992  

1/4/1993  

   

   

X  

   

X  

   

   

Pays-Bas  

21/3/1983  

30/9/1987  

1/1/1988  

   

   

X  

   

X  

   

   

Pologne  

22/11/1993  

8/11/1994  

1/3/1995  

   

   

X  

   

   

   

   

Portugal  

21/3/1983  

28/6/1993  

1/10/1993  

   

   

X  

   

   

   

   

République tchèque  

13/2/1992  

15/4/1992  

1/1/1993  

17  

   

   

   

   

   

   

Roumanie  

30/6/1995  

23/8/1996  

1/12/1996  

   

   

X  

   

   

X  

   

Royaume-Uni  

25/8/1983  

30/4/1985  

1/8/1985  

   

X  

X  

X  

   

X  

   

Russie  

7/4/2005  

28/8/2007  

1/12/2007  

   

   

X  

   

   

   

   

Saint-Marin  

17/3/2004  

25/6/2004  

1/10/2004  

   

   

   

   

   

   

   

Serbie  

   

11/4/2002 a  

1/8/2002  

54  

   

   

   

   

   

   

Slovaquie  

13/2/1992  

15/4/1992  

1/1/1993  

17  

   

X  

   

   

   

   

Slovénie  

14/5/1993  

16/9/1993  

1/1/1994  

   

   

   

   

   

   

   

Suède  

21/3/1983  

9/1/1985  

1/7/1985  

   

   

X  

X  

   

   

X  

Suisse  

21/3/1983  

15/1/1988  

1/5/1988  

   

   

X  

X  

   

   

   

Turquie  

19/6/1985  

3/9/1987  

1/1/1988  

   

   

X  

   

   

   

   

Ukraine  

   

28/9/1995 a  

1/1/1996  

   

   

   

   

   

   

   

Il en résulte que les français condamnés à une peine ou une mesure privative de liberté par une juridiction compétente d’un autre État de l’Union (et réciproquement les citoyens de l’Union Européenne condamnés à une telle peine par une juridiction française) qui ont commencé à purger leur peine peuvent demander leur transfèrement dans l’État dont ils ont la nationalité.

Ce transfèrement est soumis au triple accord, de la personne condamnée, de l’État de condamnation et de l’État d’exécution.

Toutefois, la décision-cadre « PPL » 2008/909/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne modifie légèrement ces conditions et notamment ne subordonne plus, dans certains cas, le transfèrement à l’accord du condamné.

Le transfèrement d’un détenu dont la peine restant à purger est inférieure à six mois peut toujours être refusé pour des motifs d’opportunité, comme c’était le cas dans le cadre de la convention sur le transfèrement (article 3, par. 1 c) de ladite convention).

La décision-cadre introduit une possibilité nouvelle qui est celle de demander la mise à exécution d’une peine qui n’avait pas encore été mise à exécution, et qui ne relevait donc pas de la convention sur le transfèrement. Toutefois dans la pratique dès que la peine était significative, il était possible d’émettre un mandat d’arrêt européen dès que la peine prononcée était supérieure à quatre mois, ce qui imposait à l’État d’exécution soit de remettre la personne condamnée, soit de mettre à exécution la peine et produisait ainsi un effet équivalent.

Enfin, il convient de rappeler que les peines d’emprisonnement d’une durée inférieure à deux années ne donnent lieu à une incarcération que dans des cas tout à fait exceptionnels.

4.2. Impacts sur le fonctionnement des juridictions et des services d’enquête

La transposition de la décision « Eurojust » pourrait avoir des conséquences relatives sur le fonctionnement des juridictions, et en particulier sur la charge de travail des parquets généraux, des parquets et des juges d’instruction, compte des obligations d’informations plus précises qu’elle fait peser sur ces derniers vis-à-vis du membre national19. Cette charge pourrait toutefois être allégée en cas de généralisation à l’ensemble des juridictions du Bureau d’ordre national « Cassiopée » qui, s’il permettait un envoi automatique de ces informations dans les dossiers concernés ne nécessiterait plus l’intervention d’opérateurs, après la saisie initiale du dossier. Une telle évolution, qui apparaît faisable sur le plan technique, n’a pas encore été arrêtée.

La transposition de la Résolution n°1966 (2010) du Conseil de sécurité de l’ONU du 22 décembre 2010 créant le mécanisme résiduel n’aura pas d’impact sur le fonctionnement des juridictions et des services d’enquête.

La transposition de la convention du Conseil de l’Europe sur la violence faite aux femmes et la violence domestique pourra entraîner une très légère augmentation de la charge de travail des juridictions, ainsi qu’une évolution de l’application Cassiopée, s’agissant :

i) de l’introduction de l’obligation d’informer la victime en cas d’évasion du mis en cause/auteur des faits : il sera à prévoir des notifications supplémentaires par le greffe ;

ii) de la création de nouvelles incriminations (le fait de tromper une personne aux fins de l’emmener à l’étranger pour la forcer à y contracter un mariage, l’incitation d’une mineure à subir une mutilation génitale) : cela pourra entraîner une augmentation des procédures, bien que très relative compte tenu de la spécificité de ces infractions.

4.3. Impacts juridiques

4.3.1 Impact sur l’ordonnancement juridique (dont textes législatifs et réglementaires à abroger, éventuelle codification du droit applicable)

La transposition de la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne conduit dans sa mise en œuvre au remplacement des conventions suivantes :

- la convention européenne sur le transfèrement des personnes condamnées du 21 mars 1983 et son protocole additionnel du 18 décembre 1997 ;

- la convention européenne sur la valeur internationale des jugements répressifs du 28 mai 1970 (que la France n’a jamais ratifiée) ;

- le titre III, chapitre 5, de la convention d’application du 19 juin 1990 de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (qui est mise en œuvre dans les cas d’évasions) ;

- la convention entre les États membres des Communautés européennes sur l’exécution des condamnations pénales étrangères du 13 novembre 1991 (que la France n’a jamais ratifiée).

Il va de soi que pour la mise en œuvre avec un État de l’Union européenne qui n’a pas encore transposé la décision-cadre considérée postérieurement au 5 décembre 2011, date limite normalement prévue pour la transposition de la décision-cadre considérée, ou dont la loi de transposition serait annulée comme ce fut le cas avec l’Allemagne pour la loi de transposition relative au mandat d’arrêt européen, les première et troisième conventions continueront de s’appliquer.

La transposition de la Décision « Eurojust » conduit à modifier ainsi les articles 695-4 à 695-9 de ce Code et ajoute un article 695-9bis. Elle conduit également à modifier le décret relatif à l’accès aux informations contenues dans Cassiopée.

Certains textes règlementaires sont concernés par la transposition des décisions-cadres « in abstentia », et « peines privatives de libertés ». En particulier, la décision-cadre « in abstentia » modifie les conditions dans lesquelles une sanction pécuniaire prononcée en l’absence de comparution de la personne condamnée peut être émise ou doit être reconnue et exécutée.

La décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil du 26 février 2009 renforçant les droits fondamentaux des personnes et favorisant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions rendues en l’absence de la personne concernée lors du procès modifie la décision-cadre 2005/214/JAI du 24 février 2005 concernant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux sanctions pécuniaires. Or la plupart des dispositions transposant cette décision-cadre ont été introduites dans la partie règlementaire du code de procédure pénale aux articles D.48-6 à D.48-36 par le décret n° 2007-699 du 3 mai 2007. Il est donc nécessaire de modifier par décret l’article D.48-23 du code de procédure pénale.

Par ailleurs, la mise en œuvre des dispositions de transposition de la décision-cadre « PPL » implique de modifier les missions du service pénitentiaire d'insertion et de probation ainsi que celles des services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse pour que ces services assurent le suivi des peines prononcées par les juridictions d’un autre État membre de l’Union européenne. Il est donc nécessaire de modifier par décret les articles D.574 et D.49-54 du code de procédure pénale. Un projet de décret a été rédigé.

Il n’y a pas de codification du droit applicable à prévoir.

La transposition de la décision-cadre « PPL » ne devrait pas se traduire par une augmentation des frais de traduction puisque le dispositif mis en place est équivalent à celui qui est actuellement en vigueur dans le cadre de la mise en œuvre de la convention sur le transfèrement des détenus : Toutes les demandes adressées à la France doivent être traduites en français. Les demandes adressées par la France à d’autres États de l’Union européenne sont actuellement traduites dans l’une des langues acceptées par l’État d’exécution. La décision-cadre prévoit exactement le même dispositif. Il n’est pas impossible qu’il y ait une légère augmentation des frais de traduction s’il s’avérait qu’à l’occasion de la mise en œuvre des nouvelles dispositions, la France puisse transférer plus d’étrangers détenus sur le territoire de la République qu’elle ne recevra de français détenus dans un autre État membre de l’Union européenne.

4.3.2 Impact de ce texte sur les libertés publiques et les droits fondamentaux

L’ensemble des instruments transposés participent de la construction de l’espace judiciaire européen en matière pénale. Celui-ci vise, par le rapprochement des législations pénales et la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires, à réduire les situations d’impunité pouvant résulter de la libre circulation des personnes, mais aussi à définir un socle minimal de garanties juridiques, applicables sur l’ensemble du territoire de l’Union au profit tant des victimes que des suspects.

4.3.3 Risque contentieux lié à la mise en place de la transposition

Le risque constitutionnel lié au présent projet de loi – qui met en œuvre des dispositions contraignantes, inconditionnelles et précises d’instruments de l’UE- apparaît peu important. Dans la décision DC n°2004-496 du 10 juin 2004 le Conseil constitutionnel a considéré, au visa de l’article 88-1 de la Constitution, « que la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu'en raison d'une disposition expresse contraire de la Constitution ; qu'en l'absence d'une telle disposition, il n'appartient qu'au juge communautaire, saisi le cas échéant à titre préjudiciel, de contrôler le respect par une directive communautaire tant des compétences définies par les traités que des droits fondamentaux garantis par l'article 6 du Traité sur l'Union européenne ».

Si cette décision a été rendue à propos d’une directive communautaire, il n’apparaît pas impossible de la transposer par analogie, aux décisions-cadres, qui reposent sur un mécanisme semblable (absence d’effet direct).

Le risque de recours en manquement auprès de la Cour de Justice de l’Union européenne pour transposition défectueuse apparaît limité. Si l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne a pour conséquence de rendre possible l’engagement par la Commission d’un recours en manquement à l’encontre des États membres n’ayant pas ou ayant imparfaitement transposé les actes de droit dérivé de droit pénal, cette possibilité n’existe pour les actes adoptés antérieurement à l’entrée en vigueur du Traité qu’à l’issue d’une période transitoire de cinq ans20.

La qualité de la législation de transposition pourrait toutefois être indirectement critiquée par le biais d’une question préjudicielle.

4.4. IMPACTS FINANCIERS

4.4.1. Directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relative à la traite d'êtres humains

L’impact financier des dispositions transposant la directive traite des êtres humains peut être estimé comme suit :

Directives

Nature de l'impact

Eléments statistiques

Coût

Impact

Directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relative à la traite d'êtres humains

Modification de l'article 706-47 du CPP. Désignation d'un administrateur ad hoc au profit du mineur victime.

Affaires nouvelles (1)

150

AAH instruction JE

125 €

 

     

Accompagnement du mineur à une audience du TE CRIM

100 €

 

     

Représentation du mineur en appel

100 €

 

   

150

 Coût unitaire supplémentaire par affaire

325 €

48 750 €

Augmentation du nombre des expertises psychologiques

 

150

 

172,80 €

25 920 €

 

     

Total impact

 

74 670 €

(1) effet volume à partir des chiffres 2006 de l'office central de répression de la traite des être humains : 1218 victimes dont 27 mineurs

4.4.2 Directive 2010/64/UE du 20 octobre 2010 relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales

La mise en œuvre des dispositions transposant la directive « interprétation et traduction » devrait avoir un impact financier conséquent. Outre les frais en termes d’ETP supplémentaires à prévoir évoqués infra (4.5), les frais résultant de la traduction des documents essentiels (2 à 5 pages en moyenne) et de l’interprétariat accordé pour les entretiens entre le mis en cause et son avocat (base retenue : 1h à 42 €) sont estimés à 27 millions d’euros.

Cette estimation résulte des hypothèses mentionnées dans un tableau annexé (cf. annexe 1)

4.4.3 Directive « abus sexuels et pédopornographie »

Les dispositions relatives à la transposition de la directive abus sexuels sur les enfants et pédopornographie pourraient entraîner, du fait de l’introduction de nouvelles incriminations, une augmentation des frais de procédure, de l’ordre de plusieurs centaines de milliers d’euros.

En effet, en ce qui concerne les atteintes sexuelles, le projet de loi ne crée pratiquement aucune incrimination nouvelle d’atteinte sexuelle sur mineurs, il aggrave les pénalités pour mettre la législation française en parfaite conformité avec la directive, qui porte respectivement à 8 ans d’emprisonnement les cas actuellement passibles de 7 ans et à 3 ans d’emprisonnement ceux passibles de 2 ans pour les atteintes sexuelles sans violence, ni contrainte, ni menace ni surprise commise « par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ». Cela n’implique aucune augmentation du nombre d’affaires susceptibles d’être poursuivies.

La seule atteinte sexuelle qui n’est pas à ce jour incriminée et qui le sera par l’effet de la loi DDAI sera l’atteinte sexuelle sans violence, ni contrainte, ni menace ni surprise commise « par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions » à l’encontre d’un mineur émancipé par le mariage (article 227-27 2°). Or cette infraction donne lieu à de très rares poursuites (moins de dix cas par an en moyenne) et comme le mariage ne peut plus intervenir qu’entre majeurs (art. 144 du code civil) sauf dérogation du procureur de la République pour « motifs graves » (art. 145 du code civil), le nombre de cas de poursuites nouvelles pour l’infraction visée à l’article 227-27 du code pénal à l’encontre d’un mineur émancipé par le mariage devrait être très faible.

En conséquence, pour ce qui est des atteintes sexuelles, le coût supplémentaire sera quasiment nul.

En ce qui concerne la consultation de site(s) pédopornographique(s), l’article 227-23 du code pénal définit actuellement 18 infractions (correspondant à 18 codes « NATINF »)21. La loi DDAI aura pour conséquence de créer quelques infractions supplémentaires notamment la consultation en contrepartie d’un paiement d'un service de communication au public en ligne mettant à disposition l'image ou la représentation pornographique de mineur, l’acquisition de l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique et l’acquisition en bande organisée de l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique.

Les situations d’acquisition d’image pédopornographique sans détention semblent très rares (voire inexistantes). Cela ne correspond donc pas à des cas réellement nouveaux puisque la détention est de toute façon déjà incriminée.

En revanche, il en va différemment de la nouvelle incrimination de consultation en contrepartie d’un paiement d'un service de communication au public en ligne mettant à disposition l'image ou la représentation pornographique de mineur.

En effet, comme évoqué dans les motifs du projet de loi, la modification du 5° alinéa de l’article 227-23 du code pénal a notamment pour objectif d’étendre la répression de la consultation de site pédopornographique en facilitant la démonstration de l’élément intentionnel d’une part et d’autre part en permettant de viser la consultation occasionnelle dès lors qu’il y a la contrepartie d’un paiement.

On peut, donc, légitimement penser que l’extension de l’incrimination amène les services en charge de la surveillance d’internet (nationaux ou internationaux) à signaler plus largement aux services d’enquête ou à l’autorité judiciaire les consultations de sites pédopornographiques, même si la preuve du paiement n’est pas rapportée au stade du signalement.

Les statistiques résultant du casier judiciaire permettent de connaitre le nombre de condamnations prononcées à titre principal pour l’infraction de consultation habituelle d'un service de communication au public en ligne mettant a disposition l'image ou la représentation pornographique de mineur (natinf 26341) pour les cinq dernières années :

2007 : 6 condamnations ;

2008 : 26 condamnations :

2009 : 23 condamnations ;

2010 : 22 condamnations ;

2011 : 26 condamnations.

Soit en moyenne une vingtaine de condamnations par an.

Toutefois, cette base doit être élargie car d’une part si l’on ne retient pas le critère d’« infraction principale », on parvient à 96 condamnations en 2011 et d’autre part ces infractions sont souvent associées à l’infraction de détention d’images pédopornographiques qui peuvent apparaître en première intention voire poursuivies du chef de détention d’images pédopornographiques lorsque l’autorité judiciaire ne parvient pas à caractériser l’infraction de consultation habituelle.

En effet, il est constant que de nombreuses poursuites et condamnations du chef de détention d’images pédopornographiques ont pour origine des signalements pour consultation.

Le service d’enquête informé par le signalement de la consultation par un individu d’un site ne se bornera pas à la seule surveillance des échanges internet entre le système du délinquant et le site consulté. Il procédera systématiquement à la perquisition du domicile de cet individu et à la saisie de l’ordinateur pour expertise afin de rechercher des preuves complémentaires et d’autres infractions telles que la détention d’images pédopornographiques.

Ainsi, ces situations de consultation occasionnelle seront autant de situations dans lesquelles des réquisitions pour identifier l’adresse IP et son titulaire seront nécessaires, ainsi que des interceptions internet et des expertises informatiques.

En outre, l’existence de l’élément constitutif « moyennant un paiement » va amener à procéder à des réquisitions aux organismes bancaires, sans intérêt auparavant, et à justifier l’étude du disque dur de l’ordinateur.

Interviendra alors l’effet volume.

Ainsi, la base la plus révélatrice à prendre en considération semble être celle des condamnations du chef de détention d’images pédopornographiques : en moyenne 800 par an.

En conséquence, il apparaît opportun de partir du nombre de condamnations prononcées pour détention d'images pédopornographiques (800 par an),

- que l’on minore, celles-ci n’étant pas toutes liées à la consultation d’un site pédopornographique,

ET

- que l’on majore, les condamnations ne tenant pas compte, par hypothèse, de toutes les autres décisions judiciaires rendues à l’issue d’investigations (alternatives aux poursuites, certes rares en la matière, classement sans suite, non lieu ou relaxe) mais qui ont occasionné des frais de justice.

Ainsi, au regard de l’ensemble de ces éléments, il est proposé de retenir un volume supplémentaire de signalements pour consultation de site pédopornographique de tout ordre amenant à procéder avant toute condamnation à des investigations coûteuses, à 350 par an.

On peut estimer que d’une part, la totalité de ces signalements nécessitera une expertise informatique (même si les services d’enquête procèdent parfois eux-mêmes via leurs techniciens à l’examen de l’ordinateur), des réquisitions bancaires (3,81 euros par recherche), des réquisitions pour identification de l’adresse IP (minimum 1,60 euros par recherche) et d’autre part que seule la moitié nécessitera des réquisitions pour interception internet.

Donc : (350*1 500) + (350*3,81) + (350*1,60) + (175*105) = 545 268,50 euros

Il convient d’observer qu’actuellement le prix des réquisitions pour identification de l’adresse IP n’est pas tarifé et que celui retenu pour la présente étude correspond à un projet de référentiel des prestations internet, très faible au regard des tarifs actuellement en vigueur (15€ à 27€).

A cela s’ajoutent les réquisitions aux organismes bancaires pour les infractions qui existaient déjà, celles-ci pouvant avoir désormais un intérêt : soit 680 (correspondant à 85 % des condamnations pour détention d’images pédopornographiques) * 3,81 euros = 2 590,80 euros.

SOIT : 547 859,30 euros..

En ce qui concerne la suppression de la condition de diffusion de l’image d’un mineur, il ne devrait y avoir aucune affaire supplémentaire :

Certes, actuellement, le fait, « de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image ou la représentation d'un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique » n’est formellement sanctionné que lorsque cette fixation, cet enregistrement ou cette transmission est réalisée « en vue de sa diffusion ». La législation française n’incrimine donc pas le fait de prendre des photos pornographiques de mineurs ou de réaliser des vidéos de ce type, voire de les transmettre quand bien même ces « images » ne sont pas réalisées pour être diffusées.

Toutefois des poursuites sont déjà possible sur le fondement du cinquième alinéa de l’article 227-23 du code pénal qui sanctionne la détention de telles images ou représentations (« Le fait de consulter habituellement un service de communication au public en ligne mettant à disposition une telle image ou représentation ou de détenir une telle image ou représentation par quelque moyen que ce soit est puni de deux ans d'emprisonnement et 30000 euros d'amende »).

En conséquence, s’agissant d’images pornographiques concernant des mineurs de 15 ans, le projet de loi aggrave la peine encourue en permettant des poursuites sur le fondement du premier alinéa de l’article 227-23 du code pénal, ce qui porte la peine encourue de 2 ans à 5 ans d’emprisonnement (mais n’entraine aucune affaire supplémentaire).

S’agissant d’images pornographiques concernant des mineurs de 15 à 18 ans, pour lesquelles la directive n’impose pas de sanctionner de tel fait (l’article 8 § 3 de la directive précise : « Il appartient aux États membres de décider si l’article 5, paragraphes 2 et 6, s’applique à la production, à l’acquisition ou à la détention de matériel impliquant des enfants ayant atteint la majorité sexuelle lorsque ce matériel est produit et détenu avec le consentement desdits enfants et uniquement pour l’usage privé des personnes concernées et pour autant que les actes n’aient pas impliqué d’abus »), le projet de loi ne modifie aucune incrimination. Il appartiendra, comme actuellement, au procureur de la République d’apprécier l’opportunité de poursuivre ces faits du chef de détention d’images pédopornographiques.

4.4.4. Décision-cadre 2008/909/JAI relative à la reconnaissance des peines privatives de liberté

La mise en œuvre des dispositions transposant la décision-cadre 2008/909/JAI du 27 novembre 2008 concernant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l'Union européenne est susceptible d’avoir un impact financier positif pour la France non négligeable.

Il est raisonnable de considérer que tous les ressortissants étrangers actuellement détenus au sein de l’Union européenne et souhaitant rejoindre l’État de l’Union européenne dont ils sont ressortissants l’ont déjà fait ou sont en train de le faire puisque la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées (STCE n° 112) est ratifiée et mise en œuvre par tous les États membres de l’Union européenne.

La disposition nouvelle susceptible d’avoir un impact financier résulte du fait que les États membres pourront transférer un détenu ressortissant d’un autre État membre de l’Union européenne sans le consentement de ce détenu et sans le consentement de l’État membre d’exécution dès lors que ce ressortissant a sa résidence habituelle sur le territoire de cet État.

Certains États, notamment la Grande Bretagne ont fait part de lors volonté de renvoyer en France dès la mise en œuvre des dispositions transposant la décision-cadre précitée, les ressortissants français ayant leur résidence habituelle en France, actuellement détenus en Grande Bretagne.

Pour évaluer l’impact financier des transferts de détenus qui vont résulter de cette mise en œuvre, il faut prendre en compte trois paramètres :

- la politique de transfert de détenus qui sera mise en œuvre par chaque État membre à l’égard des détenus étrangers remplissant les conditions juridiques pour être transférés (détenu ressortissant d’un autre État membre, durée de la peine restant à purger supérieure à six mois, résidence habituelle de ce détenu sur le territoire de l’État membre dont il est ressortissant, etc.) ;

- le nombre de détenus étrangers remplissant ces conditions en France ;

- le nombre de français détenus dans un autre État membre de l’Union européenne remplissant ces conditions.

Ces trois paramètres sont estimés comme suit :

1°) Il est pris comme hypothèse que tous les États envisageront de transférer les détenus étrangers remplissant les conditions juridiques prévues par la décision-cadre et que la France appliquerait la même politique.

2°) Le nombre de ressortissants d’un autre État membre de l’Union européenne purgeant en France une condamnation est connu avec précision au 1er juillet 2011. Il est pris comme hypothèse que 90% d’entre eux ont leur résidence habituelle dans l’État dont ils sont ressortissants.

Sur la base de cette hypothèse le nombre de ressortissants susceptibles d’être transférés dans un autre État membre de l’Union européenne serait le suivant :

Étrangers ressortissants d'un autre État de l'UE, condamnés et hébergés au 1er juillet 2011, répartis par quantum de peine

DAP/PMJ/PMJ5 - source: FND 1er juillet 2011

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quantum des peines privatives de libertés

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Condamnés étrangers détenus en France*

moins de 6 mois

6 mois à un an

1 an à moins de trois ans

3 ans à moins de 5 ans

5 ans à moins de 7 ans

7 ans à moins de 10 ans

10ans à moins de 15 ans

15ans à moins de 20 ans

20ans à 30 ans

RCP

Nombre total d'étrangers détenus en France ayant plus de 6 mois à purger

% de ces étrangers ayant leur résidence habituelle dans leur État

Nombre d'étrangers susceptibles d'être transférés dans leur État

Ensemble

1846

402

295

483

197

100

113

130

79

25

22

1444

90%

1302

Allemagne

31

1

4

12

3

2

1

2

5

0

1

30

90%

27

Autriche

6

0

4

0

1

0

1

0

0

0

0

6

90%

5

Belgique

85

10

12

18

12

5

3

11

8

4

2

75

90%

68

Royaume Uni

54

1

8

21

9

4

3

6

2

0

0

53

90%

48

Bulgarie

86

9

14

26

21

12

3

0

0

1

0

77

90%

69

Chypre

2

0

0

0

1

0

0

0

1

0

0

2

90%

2

Danemark

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

0

90%

0

Espagne

183

12

4

47

30

14

30

24

18

3

1

171

90%

154

Estonie

3

0

1

2

0

0

0

0

0

0

0

3

90%

3

Finlande

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

0

90%

0

Grèce

6

2

0

1

0

0

0

2

1

0

0

4

90%

4

Hongrie

10

0

3

5

1

0

0

0

0

1

0

10

90%

9

Irlande

3

0

0

1

2

0

0

0

0

0

0

3

90%

3

Italie

133

11

17

35

21

18

7

8

9

3

4

122

90%

110

Lettonie

5

2

0

2

0

0

1

0

0

0

0

3

90%

3

Lituanie

57

15

11

14

9

2

2

2

2

0

0

42

90%

38

Luxembourg

3

0

0

0

1

0

0

0

2

0

0

3

90%

3

Malte

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

0

90%

0

Pays bas

108

1

12

36

22

12

16

8

0

0

1

107

90%

96

Pologne

110

26

18

19

10

5

10

10

6

1

5

84

90%

76

Portugal

312

73

56

56

15

14

23

43

15

11

6

239

90%

215

Roumanie

626

237

128

177

37

10

12

13

9

1

2

389

90%

350

Slovaquie

6

1

1

2

1

1

0

0

0

0

0

5

90%

5

Slovénie

6

0

2

3

0

0

0

0

1

0

0

6

90%

5

Suède

1

0

0

1

0

0

0

0

0

0

0

1

90%

1

Rép. Tchèque

10

1

0

5

1

1

1

1

0

0

0

9

90%

8

* les condamnés hébergés ne comptabilisent pas les placements sous surveillance électronique et les placements à l'extérieur non hébergés

3°) Le nombre de français détenus dans un autre État membre de l’Union européenne est plus difficile à déterminer, la France n’étant avisé que de l’incarcération de l’un de ses citoyens en application de la Convention de vienne qu’à l’occasion de son incarcération. La direction des français à l’étranger du ministère des affaires étrangères indique que ces français sont au nombre de 1.226.

Il est difficile d’avoir une évaluation exacte de la répartition « français en détention provisoire » (auxquels la décision-cadre ne s’applique pas) et « français condamnés » (et dont la peine restant à purger est supérieure à six mois auxquels la décision-cadre s’applique).

Afin d’évaluer le nombre de français susceptibles de remplir les conditions juridiques d’un transfert en France (même en l’absence de consentement de leur part), les hypothèses suivantes sont retenues :

- La répartition détention provisoire / détention pour exécution d’une condamnation est fixé à un niveau équivalent au taux français soit 25% / 75% ;22

- Le nombre de détenus dont la peine restant à purger est supérieure à 6 mois est équivalent aux taux français soit 1.444/1.846 = 78%

- Le nombre de français détenus à l’étranger ayant leur résidence habituelle en France est équivalent aux taux moyen retenu pour les étrangers ayant leur résidence habituelle dans l’État dont ils sont ressortissants soit 90%.

Sur la base de ces hypothèses, le nombre de français détenus dans un autre État membre de l’Union européenne susceptibles d’être transférés en France serait le suivant :

Français détenus dans un autre État membre de l'UE, condamnés hébergés au 1er juillet 2011, répartis par quantum de peine

 

 

Quantum de peine

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ensemble des condamnés hébergés *

moins de 6 mois

6 mois à un an

1 an à moins de trois ans

3 ans à moins de 5 ans

5 ans à moins de 7 ans

7 ans à moins de 10 ans

10ans à moins de 15 ans

15ans à moins de 20 ans

20ans à 30 ans

RCP

Nombre total de Français détenus à l'étranger ayant plus de 6 mois à purger

% de ces français ayant leur résidence habituelle en France

Nombre de Français détenus à l'étranger susceptibles d'être transférés en France

Ensemble

1226

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

720

90%

652

Allemagne

77

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

45

90%

41

Autriche

8

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

5

90%

5

Belgique

35

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

20

90%

18

Royaume Uni

94

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

55

90%

50

Bulgarie

1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1

90%

1

Chypre

1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1

90%

1

Danemark

5

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

3

90%

3

Espagne

827

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

484

90%

436

Estonie

0

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

0

90%

0

Finlande

1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1

90%

1

Grèce

8

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

5

90%

5

Hongrie

1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1

90%

1

Irlande

3

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2

90%

2

Italie

27

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

16

90%

14

Lettonie

1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1

90%

1

Lituanie

0

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

0

90%

0

Luxembourg

47

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

27

90%

24

Malte

2

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1

90%

1

Pays bas

32

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

19

90%

17

Pologne

7

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

4

90%

4

Portugal

35

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

20

90%

18

Roumanie

2

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1

90%

1

Slovaquie

1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1

90%

1

Slovénie

1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1

90%

1

Suède

9

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

5

90%

5

Rép. Tchèque

1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1

90%

1

Il résulte de la comparaison de ces deux tableaux que dans les hypothèses retenues, la mise en œuvre de la décision-cadre « PPL » serait susceptible de conduire, à terme23, au bilan suivant :

Bilan prévisionnel de la mise en œuvre de la décision-cadre 2008/909/JAI

 

 

 

 

 

Français détenus à l'étranger dans un État de l'Union européenne susceptibles d'être transférés en France

Étrangers détenus en France susceptibles d'être transférés dans leur État

Bilan

Ensemble

652

1302

-650

Allemagne

41

27

14

Autriche

5

5

0

Belgique

18

68

-50

Royaume Uni

50

48

2

Bulgarie

1

69

-68

Chypre

1

2

-1

Danemark

3

0

3

Espagne

436

154

282

Estonie

0

3

-3

Finlande

1

0

1

Grèce

5

4

1

Hongrie

1

9

-8

Irlande

2

3

-1

Italie

14

110

-96

Lettonie

1

3

-2

Lituanie

0

38

-38

Luxembourg

24

3

21

Malte

1

0

1

Pays bas

17

96

-79

Pologne

4

76

-72

Portugal

18

215

-197

Roumanie

1

350

-349

Slovaquie

1

5

-4

Slovénie

1

5

-4

Suède

5

1

4

Rép. Tchèque

1

8

-7

Le bilan global de la mise en œuvre de la décision-cadre 2008/909/JAI conduit à considérer, au regard des hypothèses retenues, que la France pourrait transférer 1302 ressortissants d’un autre État membre de l’Union européenne détenus en France et être conduite à accueillir  652 français condamnés et détenus dans un autre État membre de l’Union européenne.

Il en résulterait une baisse du nombre de détenus en France de l’ordre de 650 détenus.

Sous réserve que les durées moyennes de détention restant à purger soit équivalentes, le coût en année pleine peut être évalué sur la base d’un coût de détention de 60 euros par jour et par détenu à une économie de

650 détenus * 365 jours * 60 euros / jour /détenu = 14,235 millions d’euros.

4.4.5 Adaptation de la législation française à la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique signée à Istanbul, le 11 mai 2011 

La suppression, à l’article 706-3 du code de procédure pénale, des conditions liées à la nationalité ou au séjour régulier des victimes d’infractions entraînera une augmentation du nombre de victimes pouvant prétendre à indemnisation. Il est difficile, par nature, d’estimer le nombre de victimes en situation irrégulière sur le territoire national. Pour 2004, la Direction centrale du contrôle de l'immigration et de la lutte contre l'emploi clandestin (Diccilec) avance le chiffre de 200 000 irréguliers mais, de son côté, le Bureau international du travail (BIT) estime qu'ils sont 400 000. Comparativement aux 65,350 millions d’habitants recensés au 1er janvier 2012, et en faisant l’hypothèse que les étrangers en situation irrégulière sont victimes dans les mêmes conditions que les personnes résidant légalement en France, il est donc possible de considérer que l’extension de l’indemnisation aux étrangers qui ne sont pas en situation régulière impliquerait une hausse de 300.000/65.350.000 = 0,46% du montant des indemnisations accordés annuellement. Eu égard au budget annuel d’indemnisation qui semble relativement stable (267.525.000 € en 2012), cela représente un impact financier de 1.230.000 € environ.

Conclusions :

Au total, l’impact financier de la transposition de tous les instruments prévus dans le présent projet de loi peut être estimé à :

- des dépenses supplémentaires de l’ordre de 75.000 euros pour les dispositions relatives à la traite des êtres humains ;

- des dépenses supplémentaires de l’ordre de 27 millions d’euros a minima pour les dispositions relatives à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales ;

- des dépenses supplémentaires de l’ordre de 1.000 euros pour les dispositions relatives aux abus sexuels et à la pédopornographie ;

- une économie de 650 places dans les prisons françaises soit en année pleine une économie de 14 millions d’euros environ (hors coût de transfèrement des personnes détenues) ;

- une dépense supplémentaire de l’ordre de 1,23.million d’euros pour l’indemnisation de toutes les victimes d’infractions graves indépendamment de la régularité de leur situation sur le territoire de la République.

4.5. Impact pour l’administration publique et conséquences sur l’emploi public

L’analyse des dispositions envisagées permet de considérer que l’impact sur l’administration publique et les conséquences sur l’emploi public devraient être très limités. Le changement de base légale pour effectuer un transfèrement ou pour exécuter une surveillance ne devrait entraîner que peu de modification de la charge de travail globale.

Les modifications apportées au statut du membre national d’Eurojust n’entraînent pas de conséquence en termes d’emploi public (mandat porté à 4 ans – article 695-8)24.

S’agissant en revanche de la transposition de la directive relative aux droits à l'interprétariat et à la traduction, le traitement de la demande d'une traduction écrite alourdira le traitement du dossier par le greffe et nécessitera le cas échéant l'intervention du juge pour identifier la partie du document à traduire. Sur la base des documents essentiels, d'un nombre de 347 000 procédures concernant des étrangers, de la durée de traitement de la demande de traduction écrite par le greffe estimée à 10 minutes (recherche traducteur - envoi - gestion état de frais - classement) et de la durée de traitement des difficultés liées à la demande par le juge estimée à 5 minutes (s'il s'agit de vérifier les éléments qui doivent être traduits dans le cas de traduction écrite partielle), l'évaluation des besoins est évaluée à 40 ETP fonctionnaires et 8 ETP magistrats, soit un coût total de 2.099.880 €

4.6. IMPACT EN TERMES D’EGALITE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES

Les dispositions relatives à la transposition de la décision « Eurojust » n°2009/426/JAI, de l’accord du 28 juin 2006 entre l’Union européenne, l’Islande et la Norvège, ainsi que de la résolution n° 1966(2010) du Conseil de sécurité de l’ONU créant le Mécanisme résiduel, n’ont pas d’impact en matière d’égalité hommes-femmes ou de renforcement du droit des femmes.

Ø En revanche, les nouvelles dispositions d’adaptation de la législation française à la directive « traite des êtres humains », à la convention du Conseil de l’Europe relative à la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, ainsi que dans une moindre mesure à la directive « abus sexuels et pédopornographie » sont susceptibles d’impacter spécifiquement les femmes. Il convient de rappeler toutefois que le droit français est déjà conforme à la très grande majorité des dispositions contenues dans ces instruments.

Les dispositions ayant des effets de nature à renforcer la situation des femmes sont en particulier les suivantes :

Ø la modification de l’incrimination de la traite des êtres humains, dont les femmes sont particulièrement victimes : l’ajout, pour caractériser l’infraction, de la circonstance tenant à l’emploi de menaces, contraintes, violences ou manœuvres dolosives, ainsi que la suppression, pour les victimes mineures, de cette circonstance et de l’exigence d’un échange de rémunération ou de tout autre avantage, pourra avoir pour conséquence d’augmenter le nombre d’affaires poursuivables, dont les victimes sont majoritairement féminines. Toutefois cet impact sera relatif compte tenu de la rédaction déjà très large de l’article 225-4-1 du code pénal qui permet déjà d’appréhender un très grand nombre de situations.

Ø l’extension de la compétence des juridictions françaises lorsque les délits prévus par les articles 225-4-1 et 225-4-2 (relatifs à la traite des êtres humains) sont commis par un Français à l’étranger : de même, une augmentation des affaires poursuivables est prévisible, même si celle-ci sera faible compte tenu du nombre peu élevé de condamnations prononcées en la matière ;

Ø l’incrimination de l’incitation, même non suivie d’effet, de contraindre autrui à se livrer à des actes à caractère sexuel non consentis avec un tiers : le CAHVIO vise à ce titre explicitement les femmes qui en seraient victimes, tandis que la directive n°2001/93/UE « abus sexuels et pédopornographie» vise toutes les victimes, en particulier les victimes mineures. Cette nouvelle incrimination, tout comme les précédentes, étend le nombre de comportements répréhensibles ; toutefois la difficulté à la prouver, surtout lorsqu’elle n’a pas été suivie d’effet, en limitera probablement les effets ;

Ø l’incrimination du fait de tromper un adulte ou un enfant (souvent une jeune fille) afin de l’emmener dans un autre pays que celui où il/elle réside afin de l’y forcer à se marier : cette nouvelle incrimination complète le dispositif législatif introduit par l’article 33 de la loi n° 2010/769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, qui a introduit une circonstance aggravante à toutes les formes de violences ou de coercition caractérisant la contrainte ou la coercition à des fins de mariage. Désormais, le fait, même sans violences, d’user de subterfuges pour emmener une jeune fille et la marier à l’étranger, où elle se trouve dans une situation de plus grande vulnérabilité, sera répréhensible.

Ø l’incrimination de la tentative d’interruption volontaire de grossesse sans le consentement de l’intéressée ;

Ø l’incrimination de l’incitation d’une mineure à la commission de mutilations génitales, qui vise à favoriser la lutte contre les pratiques telles que celle de l’excision, touchant majoritairement des petites filles.

4.7. IMPACT EN MATIERE DE HANDICAP

Le présent projet de loi comporte une disposition spécifique aux personnes handicapées. Il prend en compte leur situation spécifique d’une façon plus appropriée dans le cadre de la répression de la traite des êtres humains : l’abus d’une situation de vulnérabilité expressément mentionnée à l’article 225-4-1 du code pénal, sera à présent considéré comme l’un des modus opérandi constitutif (avec d’autres éléments) de l’infraction de traite des êtres humains.

5. CONSULTATIONS MENÉES

Le projet de loi et l’exposé des motifs ont été transmis au début de l’année 2011 à la Commission Nationale Consultative des droits de l’Homme (CNCDH ) qui a examiné le document de travail transmis par le Gouvernement le 8 février 2011, lors d’une séance consacré aux seules dispositions relatives à l’adaptation de la législation française à la Convention sur les disparitions forcées.

Par ailleurs, la CNCDH a organisé une réunion de travail tenue le 25 mars 2011 sur ce même projet avec des représentants de la Croix Rouge française et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et des membres de la CNCDH sur les dispositions relatives à l’adaptation de la législation française aux Protocoles additionnels aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatifs aux signes humanitaires.

6. MISE EN œUVRE ET SUIVI DE LA RÉFORME

6.1 Texte d’application

Les lois pénales et les lois de procédure pénale ne nécessitent généralement aucun décret d’application. Tel est le cas de la présente loi qui pourra rentrer en vigueur dès son adoption et sa publication au journal officiel de la république française.

Toutefois les transpositions de décisions-cadres relatives au principe de reconnaissance mutuelle ne peuvent entrer en vigueur qu’à partir du moment où elles sont transposées dans l’État d’émission et l’État d’exécution. En outre, à l’occasion de chaque entrée en vigueur au plan national, chaque État doit faire un certain nombre de déclaration (autorités compétentes qu’il désigne, langue(s) qu’il accepte, etc.) généralement par voie de déclaration au secrétariat général du conseil.

Contrairement au Conseil de l’Europe qui tient à jour un site dédié aux conventions où il est simple de connaitre les États qui ont ratifié telle ou telle convention ainsi que les déclarations effectuées, la Commission ne dispose pas d’un site et transmet via le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) ces informations aux États membres au fur et à mesure qu’elle reçoit les tableaux de concordance et les déclarations.

Il est donc envisagé de présenter ces informations sous forme de tableau mis en ligne sur l’intranet justice (site du Bureau de l’entraide pénale internationale) régulièrement actualisé par le ministère de la justice comme cela a été fait pour le mandat d’arrêt européen, les décision de gel de biens, les sanctions pécuniaires, les décisions de confiscation, etc…

6.2 Application outre-mer

Les lois pénales sont des lois de souveraineté applicables sur l’ensemble du territoire de la République.

Les lois de procédure pénales sont généralement étendues, dans la mesure du possible, aux départements et territoires d’outre-mer.

Lorsque des délais de procédure très contraignants sont prévus par les décisions-cadres, ces délais sont adaptés aux conditions de l’outre-mer. Tel n’est pas le cas pour les décisions-cadres considérées qui ont donc été étendues sans adaptation sur l’ensemble du territoire de la République.

6.3 Application de la transposition dans le temps et mesures transitoires

Les incriminations pénales nouvelles se sauraient avoir d’effet rétroactif selon les principes généraux du droit pénal et ne seront donc applicables qu’aux faits commis postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi.

Les lois de procédure sont applicables immédiatement, notamment à l’exécution décisions antérieures dès lors que celles-ci ne sont pas prescrites. Tel sera le cas pour la reconnaissance mutuelle des décisions de condamnation prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté ainsi que pour les décisions probatoires et les décisions de libération conditionnelle.

Quelques dispositions transitoires sont nécessaires pour trois raisons :

- Certaines dispositions ne pourront être mises en œuvre qu’à compter de la transposition par l’État membre homologue concerné par la condamnation à une peine ou une mesure privative de liberté (les décisions-cadres relatives au principe de reconnaissance mutuelle ne peuvent entrer en vigueur qu’à partir du moment où elles sont transposées dans l’État d’émission et dans l’État d’exécution) ;

- La décision-cadre 2008/909 du 27 novembre 2008 concernant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l'Union européenne prévoit expressément des dispositions transitoires pour la Pologne qui a besoin de plus de temps que les autres États de l’Union européenne pour adapter sa législation.

-L’accord entre l’Union européenne et l’Islande et la Norvège sur la remise des personnes prévoit en son article 35 des dispositions transitoires aux termes desquelles d’une part les demandes d’extradition antérieures à l’entrée en vigueur de l’accord continueront à être traitées selon les règles de l’extradition, et d’autre part les Etats membres peuvent déclarer qu’ils continueront à appliquer les règles de l’extradition lorsque les faits poursuivis ont été commis avant une date qu’ils déterminent (le 1er novembre 1993 s’agissant de la France) .

6.4 Indicateurs de suivi de la mise en œuvre de la réforme 

Les décisions-cadres imposent pour seule obligation aux États membres de communiquer au secrétariat général du Conseil et à la Commission le texte des dispositions transposant dans leur droit national les obligations découlant des décisions-cadres.

Sur cette base, la Commission établit un rapport sur les conditions de transposition des instruments par l’ensemble des États membres.

Les difficultés de mise en œuvre feront l’objet de rapports au cas par cas au bureau de l’entraide pénale internationale comme cela est le cas pour tous les instruments de reconnaissance mutuelle mis en œuvre jusqu’à présent (mandat d’arrêt européen, décision de gel de biens et d’éléments de preuve, sanctions pécuniaires, décisions de confiscation) ou au bureau de la politique d’action publique générale comme cela est le cas pour la plupart des instruments d’harmonisation du droit pénal matériel.

Annexe 1 : Conséquences financières de la mise en œuvre des dispositions transposant la directive « interprétation et traduction »

FRAIS DE TRADUCTION DES DOCUMENTS ESSENTIELS

Documents par principe essentiels
et documents susceptibles d'être essentiels

Activité 2010


(1)

Procédures concernant un étranger

(2)

Nb de personnes ne comprenant pas un texte en français
(3)

Nb de personnes ne comprenant pas un texte en français par procédure
(4)

Cas de remise d'une copie

(5)

Nb moyen de pages

(6)

Nb de pages traduites

(7)

Impact
(1 page à 25€)

Poursuites après enquête préliminaire ou de flagrance

 

 

0,13

0,65

 

 

 

 

25

Poursuites devant le tribunal de police

Mesures de poursuite (COPJ, citation, ordonnance pénale)

51 009

6 631

4 310,26

6 465

100%

2

2

323 270

 

PV d'audition de victime

51 009

6 631

4 310,26

6 465

17%

3

3

82 434

 

PV d'audition de témoin

51 009

6 631

4 310,26

6 465

17%

3

3

82 434

Poursuites devant le tribunal correctionnel (hors instruction)

Mesures de poursuite (CI, convocation par PV, COPJ, citation directe, ordonnance pénale, CRPC)

514 699

66 911

43 492,07

108 730

100%

3

3

8 154 762

 

PV d'audition de victime

514 699

66 911

43 492,07

108 730

17%

6

6

2 772 619

 

PV d'audition de témoin

514 699

66 911

43 492,07

108 730

17%

6

6

2 772 619

 

Autres actes (expertises…) (8)

514 699

66 911

43 492,07

108 730

17%

4

4

1 848 413

Poursuite devant la juridiction des mineurs

Mesures de poursuite (PV, COPJ, citation...)

76 164

9 901

6 435,86

 

100%

3

3

482 689

 

PV d'audition de victime

76 164

9 901

6 435,86

 

17%

5

5

136 762

 

PV d'audition de témoin

76 164

9 901

6 435,86

 

17%

5

5

136 762

Instruction - Décisions de clôture

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ordonnances de non-lieu

 

2 734

355

231,02

 

100%

5

4

23 102

Ordonnances de renvoi et de mise en accusation

 

32 718

4 253

2 764,67

 

100%

5

4

276 467

Affaires renvoyées devant le TP, le Tcorr ou le TE

PV d'audition de victime

30 170

3 922

2 549,37

 

17%

8

8

86 678

 

PV d'audition de témoin

30 170

3 922

2 549,37

 

17%

8

8

86 678

 

Autres actes (expertises…) (8)

30 170

3 922

2 549,37

 

17%

8

8

86 678

Affaires renvoyées devant la cour d'assises

PV d'audition de victime

2 548

331

215,31

 

17%

9

9

8 235

 

PV d'audition de témoin

2 548

331

215,31

 

17%

10

10

9 151

 

Autres actes (expertises…) (8)

2 548

331

215,31

 

17%

9

9

8 235

FRAIS DE TRADUCTION DES DOCUMENTS ESSENTIELS

Documents par principe essentiels
et documents susceptibles d'être essentiels

Activité 2010


(1)

Procédures concernant un étranger

(2)

Nb de personnes ne comprenant pas un texte en français
(3)

Nb de personnes ne comprenant pas un texte en français par procédure
(4)

Cas de remise d'une copie

(5)

Nb moyen de pages

(6)

Nb de pages traduites

(7)

Impact
(1 page à 25€)

Arrêts rendus par la chambre de l'instruction (statuant sur la mise en accusation, sur les mesures de sûreté et tous autres)

 

35 059

4 558

2 962,49

7 406

100%

6

4

740 621

Autres mesures de sûreté
(dans et hors instruction - majeurs et mineurs) (9)

Contrôle judiciaire

41 677

5 418

3 521,71

 

100%

4

3

264 128

 

Détention

31 174

4 053

2 634,20

 

100%

3

2

131 710

 

Liberté surveillée, placement, réparation

22 883

2 975

1 933,61

 

100%

2

2

96 681

Décisions de condamnation ou de relaxe

Décisions du tribunal de police (contravention de 5° classe)

42 291

5 498

3 573,59

 

100%

2

2

178 679

 

Décisions du tribunal correctionnel

536 797

69 784

45 359,35

 

100%

4

3

3 401 951

 

Décisions du tribunal pour enfants

70 814

9 206

5 983,78

 

100%

4

3

448 784

 

Arrêts de la chambre des appels correctionnels

40 512

5 267

3 423,26

 

100%

5

3

256 745

 

Arrêts de la cour d'assises

3 463

450

292,62

 

100%

5

4

29 262

FRAIS D'INTERPRETES
ENTRETIEN AVEC L'AVOCAT

 

Nb de personnes ne parlant pas le français
(10)

Nb de personnes qui bénéficieront du dispositif
(11)

Nb de personnes bénéficiant de l'AJ
(11)

Impact du tarif
(1 heure à 42€)

 

 

 

0,5

0,43

42

Assistance de l'interprète préalable aux auditions lors de la GAV

Frais déjà pris en charge

 

Assistance de l'interprète pour des personnes détenues (avant décision de condamnation)

31 174

15587

sans objet

654 654

Assistance de l'interprète pour des personnes libres et bénéficiant de l'AJ (soit 43 % des personnes poursuivies)

58 693

29347

12619

529 998

Total

 

24 111 203

(1) Annuaire statistique justice édition 2011-2012. Les données statistiques portent soit sur un nombre d'affaires, soit sur un nombre de personnes concernées.

(2) L'Observatoire National de la Délinquance et de la Réponse Pénale (ONDRP) retient le taux de 13% de personnes étrangères parmi les personnes mises en cause pour crimes et délits non routiers et hors ILE.

(3) L'étude retient l'hypothèse selon laquelle 65% des étrangers mis en cause dans une procédure ne comprennent pas le français écrit ou oral.

(4) Lorsque les données statistiques portent sur un nombre d'affaires, l'étude retient un nombre moyen de personnes ne comprenant pas un texte en français par procédure de 1,5 devant le tribunal de police et de 2,5 pour une affaire correctionnelle ou criminelle. Elle applique alors, dans la colonne "Nb de personnes ne comprenant pas un texte en français par procédure", un coefficient multiplicateur de 1,5 ou de 2,5.

(5) L'étude retient la remise d'une copie :
- dans 100% des cas pour les mesures de poursuite, les mesures de sûreté (DN8), pour les décisions ainsi que, en matière criminelle, pour les PV d'audition et les expertises (article 279 CPP).
- dans 17% des cas pour les PV en matière correctionnelle et de police (l'article R. 155 du CPP prévoit la remise de la copie sur demande, lorsque les poursuites ont été engagées).
La première copie de chaque acte est gratuite, y compris pour la partie non représentée par un avocat (article R.165 alinéa 2 CPP).

(6) Pour les PV d'audition de témoins et de victime, le nombre de pages retenu prend en compte le fait qu'il peut y avoir plusieurs témoins et plusieurs victimes par procédure, que le nb de pages par PV peut être variable et que tous ne feront pas nécessairement l'objet d'une traduction pour chacune des personnes même ne comprenant pas le français écrit.

(7) Pour les décisions, la traduction est limitée aux motifs et au dispositif. Le nombre retenu varie de 2 à 4 pages selon la juridiction.

(8) En l'état l'étude ne retient que les expertises comme autres pièces. En effet, l'étude ne prend pas en compte les frais de traduction des retranscriptions d'écoutes téléphoniques en raison de l'impossibilité de procéder à un chiffrage fiable. Toutefois, l'impact de celles-ci devrait être très élevé.

(9) La mesure d'assignation à résidence sous surveillance électronique prononcée à titre pré sentenciel n'a pas été intégrée à l'étude d'impact en l'absence de chiffre pour l'année 2010. Il convient d'observer qu'en 2012, 350 nouvelles mesures ont été ordonnées.

(10) Le nombre de personnes libres résulte de la différence entre l'ensemble des personnes faisant l'objet de poursuites et d'une ordonnance de non lieu ou de renvoi par le juge d'instruction et le nombre de détentions. A ce nombre a été appliqué un coefficient de 0,50, l'étude considérant qu'il y a plus de personnes parlant le français que comprenant un texte écrit.

(11) Pour les détenus, l'étude considère que seule la moitié des personnes ne parlant pas le français aura recours à un interprète pour préparer leur défense avec leur avocat. Ainsi, l'étude applique un coefficient de 0,5 au nombre de personnes ne parlant pas français. Pour les non détenus, seuls les bénéficiaires à l'AJ auront un droit à l'interprète à l'occasion de la préparation de leur défense avec leur avocat, ainsi un coefficient supplémentaire de 0,43 est appliqué. Le taux de bénéficiaires d'AJ est obtenu à partir du nombre d'admission à l'AJ en matière pénale (annuaire statistique, hors assistance de la partie civile) rapporté au total des poursuites et des décisions rendues, soit un taux de 42,82%.

1 Publiée au JOUE le 26 octobre 2010 - L280/1

2 Traite des êtres humains, exploitation sexuelle des enfants et pédopornographie, trafic de drogue, trafic d'armes, corruption, fraude aux intérêts financiers des communautés, contrefaçon de l'Euro, blanchiment, attaques visant les systèmes d'information.

3 Cf. article 10 de la Décision 2008/976/JAI concernant le Réseau Judiciaire Européen.

4 Il s’agit notamment des mandats d'arrêt européens, des mandats d'obtention de preuve, des décisions de gels des avoirs ou des biens.

5 Le Protocole additionnel à la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées signé à Strasbourg le 18 décembre 1997 introduit des mécanismes semblables pour les États qui ne sont pas membres de l’Union européenne.

6 Article 24 du TUE : « 1. Lorsqu'il est nécessaire de conclure un accord avec un ou plusieurs États ou organisations internationales en application du présent titre, le Conseil peut autoriser la présidence, assistée, le cas échéant, par la Commission, à engager des négociations à cet effet. De tels accords sont conclus par le Conseil sur recommandation de la présidence.

2. Le Conseil statue à l'unanimité lorsque l'accord porte sur une question pour laquelle l'unanimité est requise pour l'adoption de décisions internes.

3. Lorsque l'accord est envisagé pour mettre en œuvre une action commune ou une position commune, le Conseil statue à la majorité qualifiée conformément à l'article 23, paragraphe 2.

4. Les dispositions du présent article sont également applicables aux matières relevant du titre VI.

Lorsque l'accord porte sur une question pour laquelle la majorité qualifiée est requise pour l'adoption de décisions ou de mesures internes, le Conseil statue à la majorité qualifiée conformément à l'article 34, paragraphe 3.

5. Aucun accord ne lie un État membre dont le représentant au sein du Conseil déclare qu'il doit se conformer à ses propres règles constitutionnelles; les autres membres du Conseil peuvent convenir que l'accord est néanmoins applicable à titre provisoire.

6. Les accords conclus selon les conditions fixées par le présent article lient les institutions de l'Union. »

7 Cf. http://www.assemblee-nationale.fr/europe/dossiers_e/e2568.asp

8 Cf. http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:12008e218:fr:HTML

9 Voir document ST10805/10 du 7 juin 2010 (références JUR 252 JAI 520 CATS 49 JAIEX 57)

10 Sous l'adresse suivante:

http://www.chd.lu/wps/portal/public/!ut/p/c1/04_SB8K8xLLM9MSSzPy8xBz9CP0os3gXI5ewIE8TIwN380ATAyMvVy_z0GA_Ywt3Y6B8pFm8kYVFcJC7o6-rpWWok4GngbNhsGugk5GBpxEB3X4e-bmp-pH6UeZIqsJ8DQ2MnDyNA70CLI0tXA31I3NS0xOTK_ULciPK8x0VFQGcGq-6/dl2/d1/L0lJSklna21BL0lKakFBRXlBQkVSQ0pBISEvWUZOQTFOSTUwLTVGd0EhIS83X0QyRFZSSTQyMEdWTTEwMkJJM1FKUDkzOEUxL0F5eUUxMTM1NjAwMTA!/?PC_7_D2DVRI420GVM102BI3QJP938E1_action=doDocpaDetails&PC_7_D2DVRI420GVM102BI3QJP938E1_id=6060&PC_7_D2DVRI420GVM102BI3QJP938E1_displayLink=true&PC_7_D2DVRI420GVM102BI3QJP938E1_numPage=1&PC_7_D2DVRI420GVM102BI3QJP938E1_positionInHistory=&PC_7_D2DVRI420GVM102BI3QJP938E1_display=9&PC_7_D2DVRI420GVM102BI3QJP938E1_numPageTop=1&PC_7_D2DVRI420GVM102BI3QJP938E1_numPageBottom=1#

 

11 En effet certaines d’entre elles n’impliquent pas de mesure de transposition législative ou règlementaire (ex : article 12 sur le système national de coordination Eurojust) ou n’impliquent de mesures de mise en œuvre que pour l’Unité elle-même (ex : articles 13 bis sur les informations communiquées par Eurojust aux autorités compétentes). Seuls les aspects suivants sont ainsi couverts par le présent projet de loi : possibilité pour l'Unité de coordonner aussi la coopération judiciaire avec les États tiers à la demande et avec l'accord des États concernés ; harmonisation du statut des membres nationaux ; possibilité pour les autorités judiciaires nationales de saisir en urgence le dispositif de coordination de l'Unité ; extension des prérogatives du Collège s'agissant des avis rendus sur la manière de résoudre un conflit de compétence et nécessité pour les autorités judiciaires qui ne souhaiteraient pas s'y conformer de motiver leur refus ; extension et harmonisation des prérogatives des membres nationaux ; extension des transmissions d'informations au membre national.

12 L’article 14 de la décision-cadre est ainsi rédigé : « Lorsque la personne condamnée se trouve dans l’État d’exécution, l’État d’exécution peut, à la demande de l’État d’émission, avant réception du jugement et du certificat, ou avant que soit rendue la décision de reconnaissance du jugement et d’exécution de la condamnation, procéder à l’arrestation de cette personne, ou prendre toute autre mesure pour que ladite personne demeure sur son territoire, dans l’attente de la décision de reconnaissance du jugement et d’exécution de la condamnation. La durée de la peine ne peut être accrue en conséquence d’un éventuel placement en détention au titre de la présente disposition. »

13 L’article 3 de ladite convention (Conditions du transfèrement) stipule en particulier : « Un transfèrement ne peut avoir lieu aux termes de la présente Convention qu'aux conditions suivantes:

- le condamné doit être ressortissant de l'État d'exécution;

- …/… »

14 L’article 12 de ladite convention stipule : « Chaque partie peut accorder la grâce, l’amnistie ou la commutation de peine conformément à sa Constitution ou à ses autres règles juridiques »

15 Il va de soi que la loi ne précise pas qui peut accorder l’amnistie ou la grâce, ce qui relève de dispositions constitutionnelles, mais précise seulement que l’amnistie et la grâce accordées par les institutions des autorités compétentes de l’État de condamnation ou de l’État d’exécution s’applique aux peines exécutées en France. Pour les peines françaises exécutées dans un autre État de l’Union, aucune disposition n’est nécessaire dans la loi française, les dispositions correspondantes relèvent des lois des autres États membres de l’Union européenne.

16 Il convient de rappeler que la législation allemande transposant la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen a été annulée par la Cour suprême allemande et que pendant un certain temps, il a été nécessaire de remettre en œuvre le mécanisme d’extradition en lieu et place du mécanisme du mandat d’arrêt européen.

17 L’article 37 de ladite convention stipule « Article 37 – Mariages forcés

1 Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infraction pénale le fait, lorsqu’il est commis intentionnellement, de forcer un adulte ou un enfant à contracter un mariage.

2 Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infraction pénale le fait, lorsqu’il est commis intentionnellement, de tromper un adulte ou un enfant afin de l’emmener sur le territoire d’une Partie ou d’un Etat autre que celui où il réside avec l’intention de le forcer à contracter un mariage ».

18 Le projet de loi comprend un article 7 dont le I dispose : « le code pénal est ainsi modifié :

I - Après l’article 222-14-3 est inséré un article 222-14-4 ainsi rédigé : «Article 222-14-4. - Le fait, dans le but de contraindre une personne à contracter un mariage ou à conclure une union à l’étranger, d’user à son égard de manœuvres afin de la déterminer à quitter le territoire de la République, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. »

19 L’augmentation prévisible des transmissions d’informations vers le membre national est délicate à évaluer : si au sens strict, les dispositions nouvelles n’élargissent pas les critères de transmission par rapport au droit positif, on peut anticiper qu’elles seront mises en œuvre de manière plus complète qu’à l’heure actuelle. A titre d’ordre de grandeur, le bureau français a ouvert au cours de l’année 2009, 75 nouveaux dossiers. Il avait fin 2009, un total de 330 dossiers en stock.

20 Article 10 du protocole n°36 au TFUE sur les dispositions transitoires.

21 Ces dix-huit infractions sont les suivantes :

1. 20776 : Recel de bien provenant de la diffusion d'image d'un mineur a caractère pornographique

2. 21698 : Captation en vue de sa diffusion d'image a caractère pornographique de mineur

3. 21699 : Transmission en vue de sa diffusion d'image a caractère pornographique de mineur

4. 21700 : Diffusion de l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique

5. 21701 : Exportation de l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique

6. 21702 : Importation de l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique

7. 21703 : Diffusion de l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique en utilisant un réseau de communications électroniques

8. 22220 : Recel de bien provenant de la captation d'image d'un mineur a caractère pornographique

9. 23337 : Détention de l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique

10. 25100 : Détention en bande organisée de l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique

11. 25101 : Diffusion, offre ou mise a disposition en bande organisée d'image de mineur présentant un caractère pornographique

12. 25104 : Exportation en bande organisée d'image de mineur présentant un caractère pornographique

13. 25108 : Importation en bande organisée d'image de mineur présentant un caractère pornographique

14. 25109 : Diffusion en bande organisée d'image de mineur présentant un caractère pornographique en utilisant un réseau de communications électroniques

15. 25838 : Offre ou mise a disposition de l'image ou de la représentation d'un mineur présentant un caractère pornographique

16. 25839 : Captation en bande organisée d'image de mineur présentant un caractère pornographique en vue de sa diffusion

17. 26341 : Consultation habituelle d'un service de communication au public en ligne mettant a disposition l'image ou la représentation pornographique de mineur

18. 27066 : Instigation a la pédopornographie non suivie d'effet

22 Au 1er janvier 2011, les pourcentages de détenus dans les établissements pénitentiaires français étaient les suivants : personnes détenues en détention provisoire : 25,9% / personnes détenues exécutant une peine 76,55%

23 Il convient de tenir compte que tous les États membres ne vont pas transposer la décision-cadre « PPL » simultanément et qu’en outre, la Pologne n’acceptera le transfert de ses ressortissants sans son consentement qu’au terme d’une période transitoire de 5 ans à compter du 5 décembre 2001, c'est-à-dire pas avant le 5 décembre 2016.

24 A l’heure actuelle, le bureau français est composé de quatre magistrats : le membre national, son adjoint et deux assistants.


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