Abolition de la peine de mort

Le débat de 1791 à l'Assemblée nationale constituante

Séance du mercredi 1er juin 1791 (matin)

Présidence de M. Bureaux de Pusy

L'ordre du jour est la suite de la discussion sur le projet de code pénal (Peine de mort.).

M. Mercier. Messieurs, je ne m'attacherai pas à prouver le droit qu'ont les nations de disposer de la vie des individus qui ont rompu avec elles le lieu social. On n'a pas craint d'attaquer dans cette tribune, avec une sorte d'assurance, ce principe incontestable; mais l'accueil que vous avez fait à cet étrange système, me dispense pleinement d'en relever les erreurs.

Je me renfermerai donc dans la question simple qui a été proposée par vos comités : la peine de mort doit-elle être abolie ?

Je compte, Messieurs, avec vos comités, sur un avenir heureux et prochain, où la paix parfaitement rétablie, le bon ordre maintenu, la liberté affermie, les coeurs des citoyens formés par une éducation nationale, les moeurs régénérées, rendront praticable et suffisant le code pénal qu'ils nous présentent. Alors des peines seulement afflictives, infamantes et exemplaires pourront être assez répressives. Mais pour peu que l'on considère notre position actuelle, on conviendra qu'elle n'est pas favorable à la suppression des moyens les plus propres à contenir les méchants et arrêter les désordres. Ce n'est pas dans un moment où les esprits sont agités, par la haine, l'intrigue, les factions, la vengeance, l'ambition, le fanatisme, par toutes les passions qui portent aux plus cruels excès dans un moment où la liberté a peine à lutter contre les efforts de la licence ; dans un moment où l'on se plaint généralement que les prisons regorgent de malfaiteurs ; ce n'est pas dans un tel moment qu'il convient de relâcher le ressort de la terreur.

Je sais que les exécutions à mort ne produi­saient pas pleinement de nos jours l'effet prin­cipal qu'on doit attendre des peines, celui de l'exemple. Plus d'une fois le moment, et même le lieu du supplice dont on punissait le voleur, ont été choisis par des hommes audacieux pour commettre des vols. Mais si l'exemple était nul, pour quelques-uns, il faut avouer qu'il ne l'était pas pour le plus grand nombre. Il était assez ordinaire, dans nos ci-devant provinces, de voir le père de famille, l'instituteur, le maître d'atelier, conduire à ces tristes spectacles ses enfants, ses élèves, sas ouvriers ; profiter de ces punitions du crime pour leur donner des leçons de vertu ; leur rappeler souvent la fin honteuse qui atten­dait le coupable ; enfin il est notoire que les pays où les forfaits étaient punis avec exactitude, étaient ceux où les forfaits étaient le plus rare.

Qu'arriverait-il aujourd'hui de l'abolition de la peine de mort qu'on entend remplacer par celle du cachot ? C'est que le cachot qui, jusqu'ici, n'était point regardé comme une peine, mais seulement comme un lieu de détention, ne serait point, quoi qu'on dise, envisagé comme une peine. Les termes de cachot, de gène, de prison, ne seront vus que comme des mots différents, mois ne présenteront qu'une seule idée, celle d'être renfermé pour un temps limité. Or, cette perspective serait loin d'effrayer l'espèce féroce et malheureusement trop nombreuse, qui s'est fait une habitude du crime.

En vain les diverses gradations présentées par les comités seraient-elles adoptées, je les maintiens insuffisantes. Un peu plus ou un peu moins de fers, un peu plus ou un peu moins de lumière, tout cela n'est rien pour des êtres qui se font un jeu de passer d'une prison à une autre, et qui, sachant très bien, pour la plupart qu'on s'échappe assez facilement de nos geôles, de nos maisons de force, de nos galères, ne verraient pas plus d'impossibilité à s'évader des cachots, des gênes, des prisons, que proposent les comités.

Je vois, Messieurs, avec effroi, les plus grands maux être la suite d'un tel ordre de choses, s'il était accueilli. Vos peines pour les délits les plus graves, étant une fois considérées comme illu­soires, on n'entendra plus parler que de ces crimes : tous les intervalles, tous les degrés intermédiaires des délits légers aux délits les plus atroces seront bientôt franchis ; il n'y aura plus de vols sans assassinats ; enfin nos propriétés seront rarement attaquées sans que nos jours soient évidemment en danger. Je ne citerai pas, Messieurs, pour justifier cette trop légitime crainte, les exemples frappants et les autorités nombreuses qui prouvent la nécessité de la peine de mort dans les grands Etats, surtout lorsque les moeurs y sont corrompues.

Cependant, loin de moi, Messieurs, loin de moi l'idée désespérante de ne pouvoir, dès cet instant, rayer de la liste barbare de nos anciennes lois criminelles ces peines atroces qui torturaient, avilissaient l'humanité : ces nuances froidement calculées de tourments, dont les exécuteurs étaient à mon sens, moins inhumains que les inventeurs. J'ai trop gémi sur cette jurisprudence sangui­naire pour ne pas m'empresser d'en solliciter la réforme. Hâtons-nous dès aujourd'hui de proscrire de nos livres les termes de bûcher, de roue, de torture. Faisons plus, réduisons au plus petit nombre de cas possible, l'application de la mort simple. Affranchissons-en et le vol domestique, qui n'était plus puni, parce qu'il l'eût été trop rigoureusement, et le sortilège, qu'il ne dut son existence qu'à la superstitieuse crédulité de nos pères, et les vols avec effraction, assez ordinairement accompagnés du meurtre, qu'ils étaient punis du même supplice ; et ces attentats contre la Divinité, à laquelle seul appartient éminemment d'en faire justice. Bornons là, comme l'ont proposé les préopinants, l'homicide, à l'empoisonnement, à l'assassinat, à l'incendie, au crime de lèse-nation au premier chef; ainsi réduite, la peine de mort en deviendra plus effrayante ; j'espère même que confirmée par l'autorité nationale, elle acquerra plus d' efficacité.

Il est cependant encore un autre crime ; lequel il me paraît nécessaire de conserver la peine de mort : c'est celui de la fabrication des assignats. Messieurs, la fortune de plusieurs millions de Français, le succès de notre glorieuse Révolution, la fin de vos grands travaux, la sûreté de l'Etat, dépendent de la confiance et de la solidité du numéraire fictif que vous avez mis et que vous allez mettre en émission. La contrefaçon de ce précieux papier offre l'attrait plus séduisant aux ennemis de votre gloire d'une part, et de l'autre à la cupidité. Déjà, vous savez, malgré la sévérité des lois existantes, des tentatives formidables ont été faites contre partie de la fortune publique. Grâce à de vertueux citoyens et à la surveillance salutaire de celui de vos comités qu'on se plaît à calomnier, avec plus de malignité, nous avons été préservés des maux incalculables de cette dangereuse machination.

Mais, Messieurs, ce succès pour le passé, ai lieu d'une imprudente sécurité, commande votre sagesse de nouvelles précautions l'avenir. J'estime donc qu'il serait convenable de comprendre la fabrication de faux assignats dans les crimes de lèse-nation au premier chef, conséquemment d'y appliquer la peine de mort. Il est temps, Messieurs, de terminer cette discussion. Vous y avez donné tout le temps ou l'attention qu'exigeait son importance. Vous n'avez plus qu'à vous défier d'un faux sentiment d'humanité pour rendre aux vrais intérêts de l'humanité, ce qu'elle attend de votre sagesse et d'un patriotisme éclairé. Des esprits méchants et hors de toute mesure, critiqueront, je vous le présage, votre détermination. Mais, dans cette occasion, comme presque dans toutes les autres vous aurez pour vous les gens raisonnables modérés, les francs et solides amis de la Constitution et du bien public, et avec de tels suffrages on redoute peu les efforts de la malveillance, lors même que, pour rendre son venin plus dangereux, elle a réussi à se procurer pour interprètes ceux sur les principes desquels on n'avait plus lieu de compter.

M. Goupil-Préfelne monte à la tribune.

Un grand nombre de membres : La discussion fermée ! la discussion fermée !

(L'Assemblée, consultée, ferme la discussion)

M. Merlin. Voici comme je propose de poser la question, ou plutôt, j'ai l'honneur de propo­ser à l'Assemblée un projet de décret qui me paraît concilier, jusqu'à un certain point, les principes de sagesse et de philosophie qui vous ont été présentés par les partisans du projet du comité avec les considérations très importantes m'ont fait valoir, pour les circonstances actuelles, ps adversaires de ce projet.

Plusieurs membres : Il ne s'agit pas de cela !

M. Merlin. Voici mon projet :

« Les législatures statueront, ainsi qu'elles jugeront convenable, sur l'abolition ou la conservation de la peine de mort... » (Murmures.)

Un membre. Il est inutile de le dire; cela va de soit ! Ce n'est ici qu'un acte de législation et pas de constitution.

M. Merlin, continuant la lecture:

«... et jusque-là cette peine ne pourra être prononcée que contre les criminels de lèse-nation, les assassins, les empoisonneurs, les incendiaires, les contrefacteurs des espèces ou obligations monétaires de l'Etat. »

M. Bouche. Jamais question ne fut plus facile à poser que celle-ci. Si l'Assemblée nationale juge à propos de conserver la peine de mort, elle dé­duira tous les cas où elle voudra la conserver, de manière que, dans ce moment-ci, il n'y a qu'à poser la question dans les termes suivants :

« La peine de mort sera-t-elle abolie ou non ?»

M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Il me semble, Messieurs, que l'on a compliqué la question en y joignant plusieurs autres ques­tions accessoires qui ne devraient pas y être jointes dans ce moment-ci, et qui ne sont que secondaires.

Voici les questions accessoires soulevées par le projet de M. Merlin : d'abord la conservation de la peine de mort sera-t-elle décrétée comme ar­ticle constitutionnel ? (Non ! non !)

Après cela vient une autre question fort com­plexe qui est la suivante : Dans quel cas la peine de mort sera-t-elle encourue ? Car si la peine de mort est conservée, cela concerne le code pénal. Enfin une troisième question est celle-ci. La peine de mort sera-t-elle réduite à la simple pri­vation de la vie ? Or, je pense que ce n'est pas encore le moment de nous occuper de tous ces objets ; et je crois que la seule manière de poser la question, le seul moyen de la dégager des questions incidentes dont la discussion l'a embarrassée, est de con­sulter l'Assemblée sur ce point : « La peine de mort sera-t-elle abolie ou non ? »

M. Merlin. Je demande qu'on ajoute : « Quant à présent. »

(L'Assemblée, consultée, décrète que la peine de mort ne sera pas abolie.)

M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Je propose de décréter que la peine de mort sera réduite à la simple privation de la vie, sans tortures.

M. Garat aîné. Je vote, moi, Messieurs, pour que la peine de mort soit réduite à la simple privation de la vie ; mais j'ai une exception à proposer et j'en frémis d'avance : c'est celle du parricide. Je sais que Solon honora l'humanité par un mot célèbre et je voudrais être dans les temps heureux de ce peuple dont le code pénal se taisait sur ce monstrueux crime, parce qu'il ne lui paraissait pas concevable. Mais pour nous, nous en ayons été avertis par trop d'exemples pour que nous puissions garder cet honorable silence.

Gardons-nous de croire à cette pureté de moeurs ; gardons-nous de croire surtout à la piété de ce peuple que nous avons vu s'émouvoir dans les derniers temps, à Versailles, pour arracher au supplice un criminel qui avait commis un crime affreux de parricide : je frémis, Messieurs, de le rappeler.

Je souffrirais encore, Messieurs, si la main impie qui aurait tranché les jours à l'auteur des siens lui restait encore et n'était punie du der­nier supplice !

Voilà, donc, Messieurs, la simple mutilation à laquelle je conclus contre le parricide. (Murmures et applaudissements.)

M. Barrère. Ce n'est pas dans un moment d'orage que l'on doit juger l'événement de Versailles et je propose de ne pas déshonorer notre législature. (A droite : Allons donc !)

Je demande l'ordre du jour sur la motion de M. Garat.

Messieurs, si nous n'étions pas dans des cir­constances orageuses ; si la commotion donnée aux esprits par une grande et étonnante Révo­lution ne devait pas durer quelque temps ; si les vices nombreux que les gouvernements ab­solus prodiguent à l'espèce humaine pouvaient disparaître à la voix du législateur ; si enfin la mendicité, cette lèpre des gouvernements, pou­vait être facilement extirpée, je m'affligerais, avec tous les amis de l'humanité, de voir depuis deux jours cette lutte entre les droits de l'humanité et la tyrannie de l'habitude, entre le philosophes et les criminalistes.

Mais l'histoire de tous les peuples, celle même des législateurs les plus célèbres, nous prouve que les lois criminelles n'ont pas été perfec­tionnées tout à coup. Les connaissances que les peuples ont acquises, et qu'ils acquerront sur les règles les plus sûres que l'on puisse tenir dans la législation pénale, les progrès de l'art social amèneront nécessairement des lois douces. C'est le plus beau triomphe de la liberté, lorsque les lois criminelles tirent chaque peine de la na­ture particulière du délit. C'est aussi le triomphe de la raison du législateur, lorsqu'il applique les lois suivant les besoins des peuples, et selon le degré de perfection qu'ils peuvent supporter.

Il n'est personne qui ne déteste les lois par lesquelles l'homme est obligé de faire violence à l'homme. Il n'est pas de législateur qui ne dé­sire, dans le fond de son âme, d'abolir, s'il est possible, la peine de mort. Il n'est pas d'homme destiné à voter dans la législation, qui ne sache que la sévérité des peines convient mieux au gouvernement despotique, dont le principe est la terreur, qu'à la monarchie ou la république, gouvernées par les lois et par la vertu.

On n'a cessé de vous répéter ces vérités de tous les temps, que l'amour de la patrie, la honte et la crainte du blâme sont des motifs réprimants, qui peuvent arrêter les plus grands crimes.

Vous savez que les peines doivent diminuer à mesure que l'on s'approche de la liberté; et l'expérience prouve que chez les peuples libres, où les peines sont douces, l'esprit du citoyen en est frappé, comme dans les autres gouvernements, l'esprit de l'esclave est frappé par les peines les plus atroces.

Sans doute, on ne peut contester que proclamer des lois cruelles, qui arrêtent le mal subitement, c'est user le ressort du gouvernement, c'est accoutumer bientôt l'imagination aux peines les plus fortes; c'est consacrer la barbarie du législateur. Le supplice horrible de la roue suspendit quelques instants les crimes ; quelques mois après, le mal fut le même, mais les esprits des citoyens furent corrompue par la loi elle-même. Ne conduisons pas, nous dit-on, les hommes par les voies extrêmes : ce n'est pas la douceur des peines qui est dangereuse à là sûreté sociale ; c'est l'impunité du crime, et l'impunité du crime vient souvent de la dureté de la loi. Ne faisons pas des leçons de cruauté à un peuple que nous avons rendu libre.

La honte, Messieurs, voilà le fléau que la nature a donné à l'homme. Là plus grande partie des peines est l'infamie de les souffrir : la perte de la lumière, les travaux les plus vils, les plus dangereux et l'appareil des chaînes devant ses concitoyens libres. C'est d'ailleurs un spectacle bien lugubre que celui des innocents condamnés. Que ferez-vous, dit-on, pour les êtres malheureux et irréprochables que les tribunaux ont égorgé avec le glaive des lois ? De quoi sert à leurs cendres de quoi sert à la société une tardive et stérile réhabilitation de la mémoire ? Avec la peine de mort; il ne vous reste cependant, pour l'innocence juridiquement assassine, que la forme dérisoire de réhabilitation.

Ces motifs sont vrais, Messieurs, et les partisans philosophes de l'abolition de la peine de mort auraient à ajouter bien d'autres motifs encore plus puissants; ils auraient pu dire que la société, dans le système pénal; ne peut avoir pour but que son intérêt ; qu'elle doit chercher le repos et non la vengeance ; que le coupable, tué par le glaive des lois, ne donne pas un exemple efficace et durable ; que la peine de mort ne procure à la société aucun dédommagement de la proscription d'un citoyen, dans l'espèce même de sa punition ; que la peine de mort n'est plus la peine la plus réprimante. Puisque tout homme a un instant le courage de la mort, et que rarement il a, à 20 ans, le courage de la honte. Ils auraient pu ajouter, enfin, que là où le juré n'est pas unanime, là où la conviction du crime et du criminel ne doit pas être générale, il ne faut pas exposer la loi à punir de mort l'innocence.

Mais, Messieurs, en convenant de tous ces principes, que la raison, la philosophie et la justice proclament depuis si longtemps, sommes-nous dans les circonstances, sommes-nous dans le degré de perfection sociale qui puisse appeler l'abolition de la peine de mort ? Cette peine est-elle, dans l'état actuel des choses, et dans la situation où sont les esprits, une pensée moins réprimante que celle de la perte de l'honneur et de la liberté ? Enfin, la société est-elle suffisamment rassurée contre les plus grands scélérats, en les renfermant dans des prisons dont ils peuvent s'évader ? Nos lois sont-elles plus humaines en raffinant leurs supplices par la perle de la lumière pendant 20 ans ?

Voilà, en dernière analyse, l'état de la question pour le Corps législatif actuellement assemblé.

Il est beau, il est touchant sans doute de voir une assemblée d'hommes libres agiter solennellement la question de l'abolition de la peine de mort ; l'exemple de la Russie et de quelques Etats de l'Europe pouvait justifier dans tous les cas la résolution du législateur français. Si cette question s'agitait dans des temps ordinaires, ce serait un crime contre l'humanité d'hésiter prononcer cette abolition. Effacer cette loi de nos codes sanguinaires, ce serait stipuler le genre humain ; mais, dans l'état actuel, réduire tous les supplices à la peine simple de mort, pour les cas très rares où elle peut être absolument nécessaire, c'est stipuler pour le repos de la société.

Ce n'est pas assez d'avoir établi la liberté et la sûreté politique dans son rapport avec la Constitution, il faut l'établir encore dans ceux avec le citoyen et avec la société. Elles consistent dans la sûreté, ou dans l'opinion que les citoyens et la société ont de leur sûreté générale et individuelle ; autrement la Constitution pourrait être libre et non pas le citoyen. C'est donc d'un système de pénalité analogue à l'état de la société, que son repos et sa sûreté dépendent.

Que voyons-nous dans l'état actuel de la France ? Parlons sans prétention et sans excès. Vos anciennes formes judiciaires vont disparaître ; vos jurés ne sont pas établis: l'esprit de cette institution ne peut se former dans un instant ; les établissements analogues demandent des opérations lentes; les prisons pénales ne peuvent pas être construites subitement ; enfin, aucuns des instrumenta nouveaux du code pénal proposé ne sont faits. Votre réforme dans la peine de mort, prononcée aujourd'hui par la loi, peut donc amener les crimes, par le changement subit des peines, ou faire espérer l'impunité, par le défaut d'établissements relatifs à ce changement établissements qui, dans un royaume aussi peuplé; devront être immenses.

D'un autre côté, la fermentation des esprits inévitable dans un montent de révolution ; loi secousses que l'esprit public peut éprouver dans le passage d'une législature à une autre ; deux partis divisant la France, les vengeances et les haines, n'ayant rien qui les comprime et qui les arrête; une population immense sans travail ; des brigands étrangers, introduits par les malveillants ou par la licence dans le royaume; la mendicité dont les maux n'ont pu être adoucis, et dont les vices n'ont pu être encore réprimés : le dirai-je enfin, l'habitude des lois pénales atroces, tout semblait imposer un devoir rigoureux aux législateurs de la Révolution de maintenir encore la peine de mort ; mais ce ne doit jamais être que la peine simple de mort: Que les tortures différentes ; que ces hideuses formes, inventées plutôt par des bourreaux que par des législateurs, disparaissent à votre voix ! Il est un terme où la sévérité de la justice doit s'arrêter: la loi n'est pas faite pour disputer de férocité avec les scélérats.

Vous réserverez la peine de mort pour les assassins, les contrefacteurs d'assignats, les incendiaires, les empoisonneurs, les ennemis de la patrie et les ministres prévaricateurs. J'aurais bien désiré que le faux témoin, dans les crimes capitaux, fût puni de mort; car c'est ton vil assassin. Mais du moins, à l'exemple de Solon vous ne nommerez pas le parricide : rendons cet hommage à la nature.

Ce n'est qu'avec une grande répugnance que je vais porter à la tribune un voeu aussi contraire à mon coeur pour la conservation de la peine de mort.

Mais, quel est l'homme raisonnable qui n'a pas observé la grande différence qui se trouve ici entre le législateur et le philosophe ? Ce dernier peut agrandir à son gré le champ de l'instruction ; il peut publier toutes ses vues, il peut écrire tous ses principes. Mais le législateur est souvent borné par la possibilité des circonstances et du temps, par l'état des choses et des esprits.

Si nous policions un peuple nouveau si nous portions même des lois dans des temps calmes, je m'honorerais de soutenir la seule opinion le seul principe que la législation d'un peuple libre et éclairé peut placer dans son code, celui de l'abolition de la peine de mort. Quand les Russes ont existé sous cette loi, des Français ne peuvent en être indignés.

Mais cette espérance n'est que retardée; ce principe des législations ne peut être longtemps refusé à la France. Cet objet n'est qu'un article purement législatif. Chaque législature peut abolir la peine de mort et s'il est dans ses pouvoirs une portion utile et bienfaisante, c'est sans doute d'élever la nation, par le système des lois criminelles, au degré de douceur, de civilisation et d'honneur auquel elle a droit de prétendre.

Oui, Messieurs, l'état actuel du royaume nous absoudra de la conservation de la peine de mort; on nous pardonnera cette sagesse timide, en fa­veur de la sûreté sociale qui aura été notre motif.

Les hommes, surtout accoutumés aux travaux de la législation, connaissent cette maxime de la pratique dans le cas où les esprits ont été gâtés par des peines trop rigoureuses. Montesquieu, s'occupant des moyens de réformer les lois et les peines atroces du Japon, dit ces paroles remarquables ;

« Un législateur sage aurait cherché à ramener les esprits par un juste tempérament des peines et des récompenses, par des maximes de philosophie, de morale et de religion, assorties à ces caractères, par la juste application des règles de l'honneur, par le supplice de la honte, par la jouissance d'une douce tranquillité. « Et s'il avait craint que les esprits accoutumés à n'être arrêtés que par une peine cruelle, ne pussent plus l'être par une plus douce, il aurait agi d'une manière sourde et insensible ; il aurait, dans les cas particuliers les plus graciables, modéré la peine du crime, jusqu'à ce qu'il eût pu parvenir à la modifier dans tous les cas. »

Mais, comme dit l'auteur de l'Esprit des lois, le despotisme ne connaît pas ces ressorts, il ne suit pas ces voies. Elles ne sont dignes que d'un siècle éclairé, d'une nation libre et d'un législateur philosophe.

Faisons aujourd'hui le bien possible, distin­guons la manière de poser ces principes en Constitution et en législation. La première s'établit avec énergie ; les modifications, les mesures timides, les ménagements industrieux sont ignorés et doivent l'être du pouvoir constituant. Le principe constitutionnel est tout; au delà, il n'y a que dangers, que corruption. Mais, en législation, ses progrès ne peuvent être ni aussi rapides, ni aussi fortement prononcés. La législation se compose d'une foule de méditations et d'idées, de rapports divers et nombreux, d'intérêts individuels de tout genre. La Constitution, au contraire, n'embrasse que de grands rapports, elle ne frappe, pour ainsi dire, que les sommités des pouvoirs.

Laissons donc, puisque des circonstances impérieuses nous y forcent, laissons à nos successeurs l'honneur d'abolir la peine de mort ; la gloire d'avoir vaincu tous les préjugés contraires à l'humanité doit nous suffire. C'est aux législatures à jouir de nos conquêtes; Ce sont elles qui aboliront la peine de mort, après avoir préparé et achevé cette partie intéressante de là législation criminelle, oubliée par vos comités, celle qui traitera des moyens politiques de prévenir les crimes. Mais pour accélérer ce travail utile, invitons tous les hommes dignes d'éclairer leur pays, ou que la renommée de leurs écrits appelle aux fonctions honorables de servir là patrie; invitons-les à publier leurs vues sur le code pénal, et sur les moyens d'abolir un jour la peine de mort, en secondant les vues du législateur. L'honneur d'inspirer et de préparer de bonnes lois vaut bien celui de les faire. Il fut un pays où l'idée que je vous présente était une loi de l'Etat. Quoi de plus auguste et de plus touchant, que cette proclamation que l'on entendait à Athènes dans les jours les plus solennels ! Que tout citoyen, qui a des vues utiles, monte à la tribune et parle au peuple:

C'est d'après ces considérations que j'ai l'honneur de proposer le projet de décret suivant :

« L'Assemblée nationale décrète ce qui suit :

« 1° La peine de mort n'est pas abolie.

« 2° Elle sera réduite à la simple privation de la vie, sans aucun genre de torture.

« Elle ne pourra être prononcée que contre les criminels de lése-nation, les contrefacteurs d'assignats, les empoisonneurs, les incendiaires et les assassins; »

M. de Custine. L'Assemblée a conservé là peine de mort par la seule considération qu'un homme nuisible doit être soustrait à la société. Je demande donc non seulement que cette peine ne soit point accompagnée de tortures, mais qu'elle ne soit point aggravée par cet appareil effrayant qui la rend plus terrible à celui qui doit l'éprouver et que les exécutions se fassent à huis clos. (Murmures.) Le législateur ne doit point aller au-delà de ce qui est nécessaire pour la conservation de la société.

M. Legrand. En décrétant que la peine de mort ne sera pas abolie, je crois qu'il n'est aucun des membres de cette Assemblée qui ait entendu confondre, sous la même peine, le simple assassin, le parricide, l'infanticide, le régicide et le criminel de lèse-nation au premier chef.

Je crois donc, Messieurs, qu'il serait possible de mettre, même dans la peine de mort, c'est-à-dire dans son appareil et non dans ses douleurs, une différence, une gradation proportionnée aux différents genres de crimes et à leur atrocité.

Je voudrais, par exemple, que le parricide, l'in­fanticide, le régicide et celui qui aurait commis un crime de lèse-nation au premier chef, fussent exposés pendant plusieurs jours, aux regards du public, dans le lieu du supplice pour pénétrer le peuple de l'horreur du crime dont ils ont souillé la société.

M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Je demande, au nom du comité, la ques­tion préalable sur l'amendement de M. de Custine. Le principe de toute peine est qu'elle soit répres­sive par l'exemple ; elle ne doit donc pas être secrète.

Quant au crime pour lequel M. Garat a de­mandé la mutilation de la main, il noua fait tous frissonner d'horreur; mais je dois vous rappeler le principe, qui est que la peine doit être grave, non seulement en raison de l'atrocité des crimes, mais eu raison de leur fréquence. Or, pour ré­primer le crime dont il s'agit, nous avons heureusement deux obstacles; celui de la loi, et un autre plus puissant encore que la loi, qui rend ce crime plus odieux et plus rare, je veux dire le sentiment de la nature. (Murmures à droite.)

M. Dufau. Voulez-vous que la peine de mort, réduite à la simple privation de la vie, exempte surtout des tortures, et réservée aux meurtriers qu'aucun motif n'excuse, ne perde rien de son efficacité pour l'exemple ? qu'elle influe utilement sur les moeurs, qu'elle devienne une leçon salutaire pour ceux qu'un penchant secret entraîne insensiblement vers le crime ? Faites que la puni­tion du coupable présente un spectacle imposant; liez au supplice l'appareil le plus lugubre et le plus touchant; que ce jour terrible soit pour la patrie un jour de deuil; que la douleur générale se peigne partout en grands caractères.

Imaginez les formes les plus compatibles avec une tendre sensibilité; intéressez tous les coeurs au sort de l'infortuné qui tombe sous le glaive de la justice, que toutes les consolations l'envi­ronnent; que ses tristes dépouilles reçoivent les honneurs de la sépulture. Que le magistrat cou­vert du crêpe funèbre annonce au peuple l'atten­tat et la triste nécessité dune vengeance légale. Que les différentes scènes de cette tragédie frappent tous les sens, remuent toutes les affections douces et honnêtes; qu'elles inspirent le plus saint respect pour la vie des hommes; qu'elles arrachent au méchant les larmes du repentir; qu'elles appellent enfin les réflexions les plus morales et tous les sentiments civiques.

M. le Président. L'amendement de M. Garat consiste à infliger au parricide la mutilation de la main.

M. d'Aubergeon-Murinais. Je propose un sous-amendement ; c'est que les empoison­neurs et les incendiaires soient mis au même rang que Je parricide.

Plusieurs membres : La question préalable !

M. le Président. Je mets aux voix la question préalable.

(Une première épreuve est douteuse une seconde a lieu.)

M. Briois-Beaumetz. Monsieur le président, je fais la motion que, dans cette épreuve, vous ne comptiez pas les voix des prêtres catholiques que leur religion empêche de voter. L'Assemblée a décrété que les ecclésiastiques ne pourraient siéger dans les tribunaux; je crois utile qu'ils s'abstiennent de cette délibération.

M. Lavie. Oui ! La religion leur ordonne de prendre le parti le plus doux, in mitiorem partem.

M. le Président. Je n'ai pas prononcé à la première épreuve le décret, parce qu'en croyant voir la majorité pour l'adoption de la question préalable, je l'ai trouvée peu considérable.

Sur ce, s'est formée une motion incidente : on a proposé que les prêtres catholiques ne délibérassent point. (Murmures à droite.)

M. Briois-Beaumetz. Je n'ai voulu faire de ma motion qu'un avertissement.

M. le Président. Dans ce cas, je continue ; j'ai vu à la seconde épreuve la majorité et je prononce :

« L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Garat. »

M. Thévenot-Maroise. Je demande par amendement qu'on se borne à renvoyer au Comité le classement des divers appareils exemplaires qu'il jugera dans sa sagesse convenir d'appliquer aux différents crimes, suivant leur atrocité.

M. Charles de Lameth. Il est possible que plusieurs motifs aient décidé la majorité de l'Assemblée à perpétuer la peine de mort. Comme je suis persuadé qu'un homme détruit par l'ordre de la société, massacré de sang-froid, ne peut que rendre les moeurs du peuple féroces et barbares, je demande que l'amendement de M. de Custine, qui tend à détruire l'appareil, c'est-à-dire, la publicité, soit renvoyé au Comité.

Plusieurs membres : C'est décrété.

M. Charles de Lameth. J'ai trop de respect pour les décrets de l'Assemblée pour revenir sur un décret; mais c'est une proposition toute nouvelle de savoir s'il est utile et à l'amélioration des moeurs et au moindre nombre de crimes, qu'il y ait un mode que le comité vous propose­rait, qui assurerait la punition d'un homme condamné, qui en rendrait l'exécution publique et certaine, et qui, cependant, n'accoutumerait pas le peuple à cette atrocité, à ce spectacle abominable, qui fait plus d'assassins qu'il n'en éloigne du crime.

M. de Lachèze. L'amendement de M. de Custine que personne n'avait soutenu quand il a été proposé, qui n'a pas en conséquence été mis aux voix, vient d'être reproduit par M. de Lameth. Je demande la question préalable sur cet amendement, et voici sur quoi je me fonde.

Cet amendement a l'air de réduire en matière de crimes l'action de la loi à une vengeance. S'il n'était question que de le mettre hors d'état de nuire, certainement, Messieurs, vous n'auriez pas employé la peine de mort; vous auriez employé la réclusion.

G'est donc uniquement pour l'exemple que vous avez voulu la peine de mort, et cet appareil peut être gradué; car alors vous atteignez, pour ainsi dire, l'égalité des supplices que la simple privation de la vie ne peut pas vous présenter.

Je demande donc la question préalable sur l'amendement de M. de Custine, reproduit par M. de Lameth, et que le comité soit chargé de présenter la gradation de l'appareil.

(L'Assemblée consultée, décrète qu'il n'y a pas, lieu à délibérer sur l'amendement de M. de Custine, tendant à ce que la peine de mort soit infligée sans appareil.)

M. Garat aîné. Je demande qu'on renvoie au comité l'amendement de M. Legrand tendant à établir une gradation dans l'appareil de la peine.

M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Le comité adopte le principe proposé par M. Legrand, principe qui consiste à mettre dans l'appareil certaines gradations analogues aux différents genres de crimes et proportionnées à leur intensité... Il est bien entendu qu'il ne s'agit pas d'attirer la farouche curiosité du peuple à un spectacle de cruauté qui se perpétue pendant plusieurs jours, mais simplement de vouer à l'ignominie et à l'exécration publique, pendant plusieurs jours, les gens qui ont manqué à la société.

Il me semble que vous pouvez consacrer le principe en ce moment-ci et renvoyer aux comités pour le mode de gradation de cet appareil.

M. Duquesnoy. Il me semble qu'il ne faut pas décréter que vous ferez souffrir une agonie à un homme condamné.

Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix le principe !

M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Voici le principe que je propose :

« Sans aggraver en aucun cas les tourments, il y aura dans l'appareil du supplice des gradations analogues aux différents genres de crimes et proportionnées à leur intensité.»

(L'Assemblée consultée décrète ce principe.)

M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Je propose maintenant le renvoi au comité pour déterminer le genre et le mode des gra­dations dont vous venez de décréter le principe et pour fixer les crimes auxquels elles seront appliquées.

(Ce renvoi est décrété.)

M. Madier de Montjau. Je demande qu'on fasse une exception pour le régicide et qu'il puisse être soumis à la peine de la mutilation.

M. Garat aîné. Cet amendement n'est pas proposable; il serait peut-être outrageant pour la nature humaine qu'après avoir réglé cette exception pour le parricide on vînt l'admettre pour le régicide. Les jours d'un roi ne sont pas plus précieux pour un citoyen que les jours d'un père.

Plusieurs membres : A l'ordre du jour ! (L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur l'amendement de M. Madier de Montjau.)

M. Le Pelletîer-Saint-Fargeau, rapporteur. Il nous reste, Messieurs, à délibérer sur cette disposition :

« La peine de mort sera réduite à la simple privation de la vie, sans tortures. »

(Cette disposition est décrétée.)

M. Le Pelletier-Saint Fargeau, rapporteur. Messieurs, pour abréger la discussion du travail que nous avons l'honneur de vous présenter, nous ne croyons pas devoir vous sou­mettre encore les divers articles de notre projet de décret; nous vous proposons tout d'abord de discuter et de fixer les trois questions princi­pales :

La première est de savoir si, dans certains cas, une marque indélébile serait imprimée sur la personne du condamné;

La deuxième, si les condamnés seront voués à des travaux publics ou s'ils seront confinés et détenus dans des maisons particulières ;

La troisième, si la peine infamante, sans être afflictive, aura ou non plusieurs degrés.

Votre comité, ayant cru qu'il y avait bien des inconvénients à mettre ainsi l'honneur en fractions, pose cette maxime, que la peine purement infamante n'aura qu'un seul degré. Je demande à l'Assemblée de décider si elle discutera ces 3 questions.

M. Brillat-Savarin. Il me semble que M. le rapporteur a oublié une idée qui pourrait, dans beaucoup de cas, remplacer la première; c'est de vous proposer si vous adopterez, oui ou non, la déportation ; car, dans le cas où vous jugeriez à propos d'adopter cette peine, elle remplacera presque toujours celle de la flétrissure avec un fer chaud ; et elle aurait, selon moi, ce grand avantage qu'elle pourrait être perpétuelle ou à temps, et que vous pourriez permettre aux trans­portés de rentrer dans la société, selon qu'ils auraient donné des marques de conversion plus ou moins sincères.

Je demande que cette question soit mise la première à l'ordre : « Y aura-t-il lieu ou non à la peine de la déportation ? »

M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Cette question a fixé les regards de votre comité. La déportation a certainement un grand avantage, celui de mettre hors de la société des portions dangereuses de cette société ; mais elle a aussi des inconvénients. Votre comité ne l'a considérée que comme une, peine secondaire et accessoire qu'il faut infliger, outre la peine ordinaire, à un sujet réputé incorrigible; il l'a donc adoptée, mais en cas de récidive seulement dans un même crime.

M. de La Rochefoucauld-Liancourt. Je ne crois pas que ce soit le moment de traiter cette question. Puisque vous avez à traiter celle de savoir si un coupable pourra ou non être frappé d'une marque, vous devez traiter en même temps la grande question de la réhabilitation, de la réintégration du condamné dans l'état de citoyen. Je demande que cette question soit jointe à la première de celle proposée par le comité.

M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Je n'ai pas présenté la question de la réhabilitation, parce que j'ai cru qu'elle ne pou­vait pas faire de difficulté.

M. Garat aîné. Je demande qu'on s'occupe des questions posées par le comité dans l'ordre où il les a proposées, et pour ma part je soutiens que toute marque perpétuelle est un empêchement de retour à la vertu.

M. Duport. Pour fixer les idées de l'Assem­blée., je crois qu'il faudrait réunir dans une motion deux des idées qui vous ont été présentées, à savoir : que la réintégration pourra avoir lieu - et alors on en déterminera les cas dans le Code pénal - et qu'il n'y aura aucune marque perpétuelle.

M. Malouet. Il me semble que l'on vous propose de décider bien rapidement une question générale, susceptible de grands développements.

En prononçant, sans autre détail dans ce moment-ci, qu'aucune flétrissure perpétuelle ne sera appliquée à un criminel, vous perdriez de vue que votre intention est de réduire la peine de mort à un très petit nombre de cas. Il se trouve donc des crimes très graves qui ne se­ront punis que temporairement ; et vous n'avez pas encore examiné si la justice n'exige pas que des crimes très graves, non punis par la mort, soient cependant punis pendant toute la vie du criminel.

Ainsi donc, Messieurs, si dans ce moment-ci la discussion s'établissait sur l'exposé de la définition des crimes que vous voulez punir, nous balancerions dans nos débats si telle peine est bien adaptée à tel crime, et peut-être alors trouverions-nous qu'il y a des cas où une flétrissure perpétuelle doit être infligée à un tel crime.

Je m'oppose donc à cette discussion vague et générale, et je demande qu'on détermine le délit afin qu'on puisse leur appliquer des peines analogues.

M. Duport. Permettez-moi d'observer que le préopinant a conclu contre son propre raisonnement ; car il ne s'agit ici que d'une chose : c'est de la marque de flétrissure perpétuelle. Il n'y a personne qui ne doive convenir, même ceux qui sont d'avis de continuer la peine perpétuelle, que l'effet de la révision est entièrement perdu avec une flétrissure perpétuelle, lt faut rendre l'homme à la société avec l'état et les avantages de l'innocence, ce que vous ne pouvez pas faire si ces hommes portent une marque indélébile.

M. Boutteville-Dumetz. appuie l'opinion de M. Duport.

M. Ménard de La Groye. La première question que vous avez à examiner est de savoir s'il y aura des peines, ou si, dans tous les cas, les peines ne seront que temporaires, et je demande que la première question qu'on examinera soit celle-ci : Les peines, dans tous les cas, seront-elles temporaires, ou bien pourront-elles, en certains cas, être perpétuelles?

Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! Fermez la discussion ! (L'Assemblée ferme la discussion.)

[...]

(les débats de la séance du 2 juin 1791 relatifs au projet de code pénal sont consacrés aux travaux forcés)

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