Mis à jour en février 2010
Loi du 9 octobre 1981
portant abolition de la peine de mort
La peine de mort est abolie
Le 18 septembre 1981, par 363 voix contre 117, l'Assemblée nationale adopte, après deux jours de débats, le projet de loi portant abolition de la peine de mort présenté, au nom du Gouvernement, par Robert Badinter, garde des Sceaux, ministre de la justice. Douze jours plus tard, le texte est voté dans les mêmes termes par le Sénat, par 160 voix contre 126. C'est l'aboutissement du long combat mené depuis deux siècles par la cohorte de ceux qui, dans les enceintes parlementaires, dans les prétoires ou dans leurs écrits, ont défendu la cause de l'abolition devant une opinion réticente, voire résolument hostile. Le 18 septembre 1981, l'abolition de la peine de mort est votée à l'Assemblée nationale
Vidéo (Internet Explorer 6 : rafraîchir la page) « J'ai l'honneur, au nom du Gouvernement de la République, de demander à l'Assemblée nationale l'abolition de la peine de mort en France...» [Tables nominatives des interventions de M. Robert Badinter devant l'Assemblée nationale] Consulter les débats (17 et 18 septembre 1981)
Un long combat vers l'abolition Longtemps ressentie comme une réparation indispensable et comme une garantie de sécurité pour les sociétés, il faut attendre le XVIIIe siècle pour que la légitimité de la peine de mort soit remise en cause. C'est à cette époque que débute réellement le débat sur le droit de l'État de supprimer la vie. La peine de mort longtemps considérée comme une évidence La lutte pour l'abolition de la peine de mort La peine de mort dans la pratique : quelques chiffres La réunion des États généraux de 1789 est l'occasion pour les paysans de s'exprimer : les cahiers de doléances de la période révolutionnaire évoquent la peine de mort (*), qui sera longuement traitée lors de la discussion du projet de code pénal, au cours d'un grand débat parlementaire qui s'est tenu du 30 mai au 1er juin 1791 à l'Assemblée nationale. Deux siècles de débat à l'Assemblée nationale, 1789-1979 - Voir le débat de 1791 à l'Assemblée constituante - Voir le débat de 1908 à la Chambre des députés La peine de mort en procès devant l'opinion publique Ce procès sera, dès l'après-guerre, l'oeuvre d'intellectuels au premier rang desquels se place la figure marquante d'Arthur Koestler. Auteur sur cette question de nombreux essais dont l'un, cosigné avec Albert Camus en 1957, connut dans toute l'Europe un grand retentissement, il fut aussi l'âme de la campagne qui amena la Grande-Bretagne à l'abolition définitive en 1969. 17 et 18 septembre 1981 : les députés se déterminent Fidèle à la promesse faite pendant la campagne présidentielle, François Mitterrand, dès sa prise de fonction, demande au garde des Sceaux, Robert Badinter, de préparer un projet de loi abolissant la peine de mort. La procédure sera conduite avec une exceptionnelle célérité : passage en Conseil des ministres le 26 août 1981, adoption par la commission des lois le 10 septembre, examen en séance publique et adoption par l'Assemblée nationale les 17 et 18 septembre. Malgré un sondage publié le premier jour du débat, qui donnait 62 % d'opinions favorables au maintien de la peine capitale, la victoire, préparée par deux siècles de combats, était désormais acquise, chacun ayant conscience que le temps était venu pour la France d'accorder sa législation à celle des autres pays de l'Europe occidentale. Le seul point de divergence soulevé par les abolitionnistes "conditionnels" portait sur l'institution immédiate d'une peine de remplacement, mais l'accord se fit pour traiter cette question ultérieurement, à l'occasion de la réforme du code pénal. Restait, après le vote conforme du Sénat et l'entrée en vigueur de la loi, à consacrer l'irréversibilité de cette réforme en ratifiant le sixième protocole additionnel à la convention de sauvegarde des Droits de l'homme portant abolition de la peine de mort. Acquise le 20 décembre 1985 par un vote de l'Assemblée nationale, cette ratification a scellé l'engagement de la France de bannir la peine de mort de sa législation pénale. « A la barbarie du crime ne doit pas répondre la « barbarie » du châtiment » « Nul ne peut être condamné à la peine de mort » Le combat continue Selon l'association Ensemble Contre la Peine de Mort en janvier 2009, depuis Saint-Marin en 1848 et le Venezuela en 1863, « quatre-vingt-treize pays ont aboli la peine de mort pour tous les crimes, neuf l'ont aboli pour tous les crimes sauf crimes exceptionnels, tels que ceux commis en temps de guerre. Trente-six pays peuvent être considérés comme abolitionnistes de facto. Au total, 138 pays n'exécutent plus. » Parmi les derniers à avoir aboli figurent notamment le Kazakhstan et le Togo en 2009; mais 81 continuent à procéder à des exécutions.
Le combat des abolitionnistes, qui a trouvé son aboutissement en France en 1981 après plus de deux siècles de débats, reste donc d'actualité tant que l'article 3 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui affirme le droit à la vie de tout individu et proclame que nul ne peut être soumis à des peines ou châtiments cruels, n'est pas respecté sur l'ensemble de la planète. L'état de l'abolition de la peine de mort dans le monde
La tentation du rétablissement C'est que la tentation de rétablir la peine de mort est toujours d'actualité. Elle procède en premier lieu de l'émotion ressentie par l'opinion, lors de crimes particulièrement odieux. Les arguments en faveur du rétablissement demeurent l'efficacité pour faire baisser la grande criminalité, dont les études ont montré qu'ils étaient faux, et la diminution des coûts du système carcéral (qu'il convient de confronter aux nombres de condamnations). A cet égard, il conviendrait de prévoir une meilleure prise en compte des besoins matériels et psychologiques des victimes, et de veiller au développement d'un système pénal plus humain, comportant de réelles alternatives à la peine capitale. Par ailleurs, depuis la fin des années 1970, les pays occidentaux, et notamment l'Europe, sont particulièrement exposés aux attentats terroristes. Depuis 2001, date de l'attentat du World Trade Center aux États-Unis, de nombreux états ont pris prétexte du maintien de la sécurité pour procéder à une restriction des libertés et des droits de l'homme. En effet, au nom de la "guerre contre le terrorisme", la tentation est grande, également, de recourir au rétablissement de la peine de mort. Toutefois, comme l'écrit M. Pierre-Henri Imbert, directeur général des Droits de l'Homme au Conseil de l'Europe (1), il convient de garder à l'esprit que « La revanche découle de notre caractère et de nos instincts, mais pas de la loi. Celle-ci ne peut obéir aux mêmes règles que la nature humaine. Si le meurtre semble naturel au genre humain, la loi, elle, n'est pas faite pour imiter ni reproduire cette nature. Elle est faite pour corriger la nature. » Les initiatives de députés visant au rétablissement de la peine de mort
Rendre en France l'abolition de la peine de mort irréversible Le 3 mai 2002 à Vilnius, la France a signé le protocole n° 13 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances. Afin de procéder à la ratification de ce texte, ainsi que celle du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, concernant l'abolition de la peine de mort, le Président de la République avait annoncé, à l'occasion de la présentation des voeux du Conseil constitutionnel le 2 janvier 2006, son intention d'engager le processus de révision de la Constitution. « Une telle révision, en inscrivant solennellement dans notre Constitution que la peine de mort est abolie en toutes circonstances, consacrera l'engagement de la France. Elle témoignera avec force de notre attachement aux valeurs de la dignité humaine ». Ainsi, lors de la présentation du projet de loi au conseil des ministres du 17 janvier 2007, M. Jacques Chirac, Président de la République, a tenu les propos suivants : « Avec ce projet de loi, la France va affirmer dans sa loi fondamentale son attachement solennel au respect absolu de la vie humaine, inviolable et sacrée en toute circonstance. « Cela interdira le rétablissement d'une peine inhumaine, qui ne saurait constituer un acte de justice. « Cela permettra aussi à la France de poursuivre son action en faveur de l'abolition universelle, alors que 78 pays appliquent encore ce châtiment. « Le Parlement sera réuni en Congrès en vue de l'adoption de ce texte avant la fin des travaux parlementaires. » Le projet de loi constitutionnelle a été déposé à l'Assemblée nationale le 17 janvier 2007, sous le n° 3596. Il comprend un article unique, ainsi rédigé :
Accès au au dossier législatif du projet de loi constitutionnelle relatif à l'interdiction de la peine de mort [Congrès du Parlement du 19 février 2007]
Pourquoi l'irréversibilité ? Il s'agit d'abord du respect des droits de l'homme. L'abolition de la peine de mort quasi complète en Europe (aucune exécution commise au sein des États membres du Conseil de l'Europe depuis 1998) a donné naissance à un objectif : faire de cette abolition la condition indispensable des normes acceptables en matière de respect des droits de l'homme. Cet objectif s'inspire notamment des articles 2 et 4 de la Charte des droits fondamentaux qui précisent que « Nul ne peut être condamné à la peine de mort, ni exécuté » (article 2), et que « Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » (article 4). La peine de mort est une atteinte au droit à la vie ; elle constitue également un traitement cruel, puisque les interdictions relatives aux peines cruelles, inhumaines ou dégradantes s'appliquent aux châtiments corporels. La Charte des droits fondamentaux (sur le site d'Europa)
Une révision nécessaire Saisi par le Président de la République le 22 septembre 2005 de la question de savoir si une révision de la Constitution est nécessaire pour ratifier les deux engagements internationaux relatifs à l'abolition de la peine de mort, le Conseil constitutionnel a estimé, dans sa décision n° 2005-524/525 DC du 13 octobre 2005, que la ratification du deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort, adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies à New York le 15 décembre 1989, affecterait les conditions essentielles de la souveraineté nationale. Ainsi, en l'état du droit, ce protocole porte atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale en raison de l'irréversibilité que représente l'impossibilité de le dénoncer, son article 6, § 2, excluant toute dérogation fondée sur l'article 4 du Pacte. En effet, les articles 54 et 55 de la Constitution précisent que : « Article 54. - Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier ministre, par le Président de l'une ou l'autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution. « Article 55. - Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie. » Sur le site du Conseil constitutionnel La décision du Conseil constitutionnel Sur le site du Conseil de l'Europe le protocole additionnel n° 13 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances, adopté par le Conseil de l'Europe à Vilnius le 3 mai 2002. Selon le Conseil constitutionnel, « l'article 5 de ce protocole rend [...] applicable l'article 58 de la Convention qui prévoit une faculté de dénonciation moyennant un préavis de six mois après l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de la Convention à l'égard de l'État qui entend la dénoncer ». Sur le site du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, le deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort, adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies à New York le 15 décembre 1989 ; le pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté le 16 décembre 1966
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Voir Aussi :
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(*) Extrait des cahiers des doléances et remontrances de la ville et commune de Semur-en-Auxois :
"[...]
« Art. 51. - La peine de mort ne pourra être prononcée pour aucun autre délit que pour ceux de trahison, meurtre volontaire, poison, incendie ou vol avec effusion de sang.
« Art. 52. - Aucune sentence ou arrêt portant condamnation à mort ne pourront être prononcés qu'à l'unanimité des suffrages de tous les juges qui y auront assisté. [...] »
(1) in Peine de mort, 2001, Conseil de l'Europe, p. 99