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Assemblée nationale

commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires sociales

(Application de l’article 120 du Règlement)

Vendredi 30 octobre 2015

Présidence de M. Dominique Lefebvre,
vice-président de la Commission des finances,
et de Mme Catherine Lemorton,
présidente de la Commission des affaires sociales

La réunion de la commission élargie commence à neuf heures trente-cinq.

projet de loi de finances pour 2016

Travail et emploi

M. Dominique Lefebvre, président. Madame la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, je suis heureux de vous accueillir en compagnie de Catherine Lemorton, présidente de la Commission des affaires sociales. Nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2016 consacrés à la mission « Travail et emploi ».

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour le travail et l’emploi. Quand on parle d’emploi, on parle aussi de chômage. Vous avez eu l’occasion, madame la ministre, lors de votre déplacement à Marseille, de commenter les chiffres du mois dernier. L’amélioration de la situation de l’emploi reste évidemment la priorité du Gouvernement et nous nous réjouissons de la montée en puissance de dispositifs nouveaux pour lutter contre le chômage, notamment contre le chômage des jeunes.

À cet égard, il est encourageant de constater que les chiffres du chômage ont montré une diminution le mois dernier et que la situation de l’emploi tend globalement à se stabiliser depuis le début de l’année 2014 : entre septembre 2014 et septembre 2015, le chômage chez les jeunes a diminué de 2,7 %.

Les prévisions de l’INSEE pour 2016 font état d’une forte progression de l’emploi salarié marchand – + 130 000 fin 2016 par rapport à fin 2015 –, progression que nous n’avons pas connue depuis 2007, due en partie aux effets du CICE et du pacte de responsabilité, mais aussi au contexte économique mondial.

En ce qui concerne plus spécifiquement la mission « Travail et emploi », la mise en place de dispositifs spécifiques en faveur de l’emploi des jeunes – je pense notamment à la création d’une Garantie jeunes ou au renforcement de l’établissement public d’insertion de la défense (EPIDE) – contribue fortement à cet effort pour l’emploi. C’est aussi la traduction de la volonté affichée par le Président de la République depuis le début de son mandat : faire en sorte que les jeunes vivent mieux en 2017 qu’en 2012.

Avec la Garantie jeunes, qui permet d’accompagner les jeunes les plus vulnérables pour les aider à rebondir et à s’insérer, ce sont près de 100 000 jeunes qui seront concernés en 2016, avec un budget de 255 millions d’euros.

Le Gouvernement prévoit également d’augmenter la capacité d’accueil de l’EPIDE de 570 places, soit 1 000 jeunes de plus par an, conformément à l’engagement du Président de la République au centre de Montry, le 16 février 2015, ce qui représente 77 millions d’euros d’argent public en 2016, auxquels s’ajoutent des cofinancements européens.

Cet effort en faveur des jeunes se retrouve également au niveau de l’enveloppe globale consacrée aux emplois aidés, notamment en ce qui concerne les emplois d’avenir, puisque 35 000 nouvelles entrées dans le dispositif sont prévues en 2016. Je me réjouis du fait que la durée moyenne des contrats aidés soit en hausse constante : l’objectif d’une durée moyenne de douze mois en 2015 pour les contrats initiaux, fixé en 2013 à l’issue de la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, est atteint depuis juillet 2015. Je rappelle que la durée moyenne des contrats initiaux était de six mois en 2012.

Je souhaiterais cependant appeler votre attention, madame la ministre, sur deux sujets.

En premier lieu, une large partie de ces dispositifs en faveur des jeunes repose sur l’action des missions locales, dont les crédits d’accompagnement n’ont pas été reconduits en 2016 à la hauteur de leur dotation 2015, qui était de 45 millions d’euros. Pourriez-vous nous indiquer si les missions locales auront bien les moyens nécessaires pour faire face à la montée en charge de leurs missions, d’autant que le Gouvernement leur a confié d’importantes responsabilités nouvelles, qu’il s’agisse du contrat d’autonomie ou des emplois d’avenir ?

Par ailleurs, nous constatons une légère diminution du nombre de contrats aidés du secteur marchand : 80 000 contrats ont été signés en 2015 et seulement 60 000 nouveaux contrats sont prévus pour 2016, dont 13 000 contrats « starter » décidés dans le cadre du Comité interministériel égalité et citoyenneté à destination de jeunes résidant dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville. La question du ciblage est particulièrement importante. Nombre de jeunes qui passent par ce dispositif trouvent le chemin de l’emploi et près de 70 % de ceux qui trouvent un travail, obtiennent un contrat à durée indéterminée. Je vous invite, madame la ministre, à conserver ce dispositif efficace et à lui réserver une dotation budgétaire suffisante.

Dans le même temps, je souhaite souligner l’effort majeur consenti pour le financement de l’insertion par l’activité économique. 815 millions d’euros sont désormais inscrits dans le PLF 2016, exclusivement sous forme d’aides au poste, modulées en fonction de plusieurs critères : situation des publics à l’entrée de la structure d’insertion par l’activité économique (SIAE), efforts d’insertion, résultats, notamment en termes de retour à l’emploi des publics accueillis. Ces aides au poste permettront l’accompagnement de 66 000 équivalents temps plein en 2016 et marquent un grand pas en faveur de la reconnaissance légitime de ce secteur.

Je voudrais également aborder le volet de l’apprentissage, notamment pour me réjouir que deux nouvelles aides en faveur des TPE-PME annoncées par le Gouvernement en juin 2015 soient d’ores et déjà effectives.

Il s’agit, d’une part, de l’aide « TPE première embauche », qui permet de mobiliser pour le premier salarié une aide de 4 000 euros. Elle devrait concerner plus de 60 000 bénéficiaires en 2016, pour un montant de 84,7 millions d’euros.

D’autre part, l’aide TPE Jeunes apprentis vise à couvrir l’intégralité des coûts supportés par l’employeur pour l’embauche d’un apprenti. 70 000 aides devraient être versées en 2016 pour un montant de 221 millions d’euros.

Cela me conduit à vous interroger, madame la ministre, sur les effets de la réforme du financement de l’apprentissage initiée en 2014 et dont les objectifs étaient à la fois d’orienter davantage de ressources vers l’apprentissage et de simplifier la vie des entreprises. Le secteur public est également concerné ; j’aimerais connaître votre avis sur l’opportunité pour le secteur public de progresser dans son engagement en faveur de l’apprentissage.

Les centres de formation d’apprentis (CFA) ont pu bénéficier de davantage de ressources. Pourriez-vous nous indiquer où l’on se situe par rapport à l’objectif, fixé par le Président de la République, de 500 000 apprentis supplémentaires en 2017 ? Quelle est la tendance, cette année, après des années difficiles en matière d’apprentissage ?

Enfin, je terminerai par une interrogation relative aux crédits d’accompagnement des mutations économiques. Ces dispositifs, à l’instar des maisons de l’emploi ou de la dotation concernant la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), connaissent une diminution de leurs financements, dans une optique de ciblage des financements de l’État.

En ce qui concerne les maisons de l’emploi, le processus de rapprochement ou de fusion entre les différentes MDE connaît-il aujourd’hui une accélération ? Le ministère rappelle à juste titre que les maisons de l’emploi peuvent toujours prétendre aux crédits de droit commun relatifs à la GPEC. Toutefois, la dotation de cette ligne budgétaire au sein du programme 103 connaît également une diminution puisqu’elle passe de 40 millions d’euros en loi de finances initiale 2015 à 24 millions d’euros dans le projet de loi de finances 2016. Pourriez-vous nous indiquer la stratégie poursuivie par le ministère dans un domaine clé pour l’accompagnement des mutations économiques ?

Mme Chaynesse Khirouni, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, pour l’emploi. Les crédits des programmes 102 « Accès et retour à l’emploi » et 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi » affichent pour 2016 une progression de 0,7 %, après une augmentation de 3 % l’an dernier. Ces crédits s’élèvent au total à 10,58 milliards d’euros. Cette hausse, dans un contexte de finances publiques très contraint, traduit bien la volonté du Président de la République et du Gouvernement de faire de la politique de l’emploi un axe prioritaire de la législature.

Cette priorité vient d’être encouragée par les derniers chiffres du chômage, qui font apparaître une diminution du nombre de demandeurs d’emploi de 24 700 personnes. Ces chiffres demandent, certes, à être confirmés, mais ils s’accompagnent d’autres signes encourageants, comme l’augmentation du nombre d’entrées dans l’apprentissage de 6,5 % pour le seul secteur privé et de plus de 9 %, tous secteurs confondus. Ce budget doit être un levier supplémentaire dans la lutte contre le chômage, et particulièrement celui des jeunes.

Je me réjouis de deux hausses de crédits significatives. D’abord, ceux destinés à la Garantie jeunes, qui sont portés à 255,4 millions d’euros, et le soutien de l’État au secteur de l’insertion par l’activité économique pour 803 millions d’euros. L’insertion par la création d’activité est une des priorités de notre majorité. J’en ai fait mon thème principal dans le rapport que je présente. J’ai à ce titre plusieurs remarques et questions à formuler.

Il existe un éventail important de dispositifs destinés à aider les créateurs d’entreprises au bénéfice prioritaire des demandeurs d’emploi.

En premier lieu, le Nouvel accompagnement pour la création et la reprise d’entreprise (NACRE) est un dispositif qui fonctionne bien puisqu’il a accompagné 124 400 porteurs de projets depuis 2009, notamment pour permettre aux bénéficiaires d’accéder au crédit bancaire. Cependant, les crédits destinés au dispositif NACRE baissent de 2 millions d’euros. Pouvez-vous, madame la ministre, nous en donner les raisons ?

Même remarque concernant le Fonds de cohésion sociale (FCS), qui a pour objet de garantir à des fins sociales des prêts, notamment pour des demandeurs d’emploi ou titulaires de minima sociaux créant leur entreprise. Les crédits passent de 21 millions d’euros à 18,6 millions d’euros. La sous-consommation n’est pas en l’espèce une justification suffisante, dans la mesure où ces crédits constituent une garantie permettant une levée de fonds. Afin d’encourager plus fortement les créations d’entreprises, soutiendrez-vous un amendement augmentant les crédits du FCS ?

Dans la même optique, il convient de s’interroger sur les évolutions des crédits du Dispositif local d’accompagnement (DLA). L’État l’a conforté en l’inscrivant dans la loi relative à l’économie sociale et solidaire (ESS) de 2014 en tant que politique publique structurante d’accompagnement des associations. La baisse des crédits envisagée pour 2016 risque de les fragiliser. Soutiendrez-vous un amendement stabilisant les crédits du DLA en 2016 ?

Par ailleurs, pour accompagner les jeunes porteurs de projets, le Gouvernement a lancé, en octobre 2013, le plan PEPITE – Pôles étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat –, qui poursuit un objectif de généralisation des formations à l’entrepreneuriat et crée un statut national d’étudiant-entrepreneur. Le dispositif connaît un certain succès, mais il demande à être perfectionné. En effet, un étudiant-entrepreneur doit d’abord être considéré comme un étudiant et ne pas être soumis au régime social et fiscal des chefs d’entreprise avant même que son projet n’arrive à maturité. Serait-il envisageable d’engager une réflexion en ce sens – accès aux aides au logement, maintien du RSA dans un premier temps, adaptation du RSI – avec le ministère de l’enseignement supérieur et le ministère du budget ?

Deux sujets enfin me préoccupent, comme plusieurs de nos collègues.

Je m’interroge sur la signification de la baisse des crédits affectés aux maisons de l’emploi. Le PLF 2016 prévoit 13 millions d’euros de crédits, contre 26 millions en 2015. Différents rapports ont montré que les maisons de l’emploi n’avaient pas la même utilité sur tous les territoires et qu’il serait nécessaire de concentrer leur action sur les quartiers ayant de forts taux de chômage.

En revanche, une dotation divisée par deux risques, non pas de les encourager à rationaliser leur fonctionnement, mais de bien les mettre gravement en difficulté. Nous recherchons le meilleur moyen d’augmenter leur dotation afin de leur permettre de s’adapter. Quelle sera votre position sur un éventuel amendement en ce sens ?

Les missions locales ont également un rôle fondamental dans l’accompagnement des emplois d’avenir. Les crédits permettant le renforcement des équipes passent à 15 millions d’euros, contre 30 millions d’euros en 2015. Quelle en est la raison, madame la ministre ? Pouvez-vous confirmer le réajustement des moyens pour les missions locales ?

Si la baisse du taux de chômage dans notre pays est en premier lieu liée à l’amélioration de la conjoncture économique, elle est aussi fortement dépendante, pour toute une frange de la population non directement employable, des différents dispositifs d’accompagnement vers l’emploi. La création d’activité est une voie qu’il nous appartient d’encourager. Ce projet de budget offre une large palette d’actions d’insertion et des moyens renforcés. J’invite, par conséquent, mes collègues de la Commission des affaires sociales à le voter à l’issue de cette commission élargie.

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le travail. La mission « Travail et emploi » constitue l’un des principaux budgets d’intervention de l’État : ses crédits de paiement s’élèvent à 11,44 milliards d’euros dans le projet de loi de finances 2016.

Les programmes 111 « Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail » et 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail » voient leurs crédits de paiement demeurer stables. Il s’agit donc d’un budget relativement épargné par la baisse des dépenses publiques. J’ai une première question sur ce point : les baisses de crédits de personnels – titre 2 – ne représentent cette année que 4,5 millions d’euros, après les 10 millions de l’année dernière. Parallèlement, la baisse du plafond d’emploi est cette année de 47 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Pouvez-vous nous indiquer les raisons de la modestie de cette baisse ? Sommes-nous parvenus au bout du processus de réduction des dépenses dans votre ministère ?

En outre, le programme 111 enregistre une baisse des crédits de l’action « Santé et sécurité au travail », de l’ordre de 1,3 million d’euros par rapport à 2015. Pouvez-vous préciser comment les priorités en la matière seront poursuivies sans être affectées par cette baisse ?

Par ailleurs, le rapport que je présente dresse un bilan des différentes réformes qui ont touché la justice prud’homale, et le moins que l’on puisse dire est que les différents acteurs du secteur sont dans une grande situation d’incertitude.

Incertitude d’abord quant à la désignation des futurs conseillers prud’homaux qui devront entrer en fonction en janvier 2018. La désignation s’appuiera sur l’audience qui déterminera la répartition des sièges entre organisations syndicales et professionnelles. Pouvez-vous nous dire à quel rythme se fera cette mesure d’audience et en préciser le coût afin de le rapprocher du coût de l’organisation d’une élection ?

Le projet d’ordonnance et les projets de textes réglementaires sont en cours d’élaboration. Pouvez-vous nous donner des éléments de calendrier et nous en dévoiler les grandes lignes ?

Incertitude ensuite quant à la formation des futurs conseillers prud’homaux. En effet, il est généralement estimé qu’eu égard au mandat extrêmement long – neuf ans – des conseillers sortants, un conseiller sur deux sera un nouveau conseiller en 2018, soit 7 000 sur 14 000. Le principe de parité devrait encore amplifier le renouvellement, rendant encore plus prégnante la nécessité d’assurer une formation initiale de qualité. Comment cette formation sera-t-elle assurée ? Quelle sera l’articulation entre l’École nationale de la magistrature et les structures de formation dépendant des organisations syndicales et patronales ? Quelle sera l’enveloppe financière dédiée à la formation dans les années à venir ?

Les différentes réformes ont également touché à la procédure en allant toujours plus avant vers l’échevinage, notamment dans la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. En effet, le bureau de conciliation et d’orientation peut renvoyer désormais vers une formation de quatre juges présidée par un juge professionnel, sans attendre le partage des voix. Les inquiétudes des partenaires sociaux étant particulièrement fortes, pouvez-vous préciser ce que vous attendez de cette réforme ? Est-ce une première étape pour aller plus loin et satisfaire ceux qui pensent que cette justice d’exception doit disparaître ?

Le Conseil constitutionnel a censuré le plafonnement des indemnités instauré par la loi pour la croissance et l’activité. Le Gouvernement a annoncé par la voix du ministre de l’économie – bizarre ! – que le travail serait pourtant repris en ce sens et que le principe du plafonnement serait maintenu. Madame la ministre, pouvez-vous nous donner des indications sur ce que serait un nouveau dispositif de plafonnement des indemnités prud’homales ?

Enfin, dans le rapport que je présente, je propose, à la suite de la réforme de la carte des conseils de prud’hommes en 2008, d’organiser des audiences foraines afin de transporter la justice au plus près du justiciable.

Par ailleurs, les délais excessifs de jugement constatés dans certains ressorts sont souvent dus à des pratiques de renvoi de la part des parties aux affaires et de leurs conseils. Je propose d’établir avec les barreaux des codes de bonne conduite afin d’éviter ces habitudes préjudiciables à la bonne administration de la justice.

J’ai parlé tout à l’heure de la formation des juges élus. Je propose d’étendre la formation aux juges professionnels afin qu’ils se familiarisent avec les réalités de l’entreprise.

Enfin, je propose de mieux isoler les crédits dédiés aux conseils de prud’hommes dans la nomenclature budgétaire, afin de faciliter leur suivi et leur contrôle par le Parlement, alors que de nombreux acteurs nous ont fait part de leurs difficultés matérielles.

Que pensez-vous, madame la ministre, de ces quatre propositions ?

Il apparaît plus que jamais nécessaire de préserver cette spécificité française qui confie au monde du travail le soin de trancher de manière paritaire les litiges entre employeurs et employés.

M. Bernard Perrut, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage. En tant que rapporteur pour avis des crédits du compte d’affectation spéciale dédié au financement de l’apprentissage, j’exprimerai quelques remarques et questions sur la politique de l’apprentissage dont vous devez faire, madame la ministre, un axe prioritaire de votre action. Car l’apprentissage, à mon sens, c’est un métier, un travail, un avenir pour tous les jeunes qui accèdent à cette voie essentielle. Votre objectif de 500 000 apprentis en 2017 sera-t-il atteint ? Nous ne pouvons que le souhaiter.

Ma première remarque portera sur les chiffres de l’apprentissage. Après deux années de forte baisse des entrées dans l’apprentissage – baisse de 8 % en 2013 par rapport à 2012, puis nouvelle baisse de 3 % en 2014, alors que la décennie précédente a connu une hausse moyenne de 5 % par an –, il semble que l’année 2015 sera meilleure, au vu des premiers résultats sur les premiers mois de l’année.

Les baisses étaient dues à la difficile conjoncture économique, mais aussi, pour beaucoup, aux mesures contradictoires prises par le Gouvernement, notamment le resserrement des conditions d’accès au crédit d’impôt en faveur de l’apprentissage, qui bénéficiait aux entreprises. La diminution de quelque 550 millions d’euros d’aides aux entreprises accueillant des apprentis ne fut pas sans conséquences.

Le regain d’intérêt pour l’apprentissage est dû, certes, à une conjoncture plus favorable, mais aussi au fait que le Gouvernement est partiellement revenu sur les mesures les plus néfastes, que je détaille dans mon rapport pour avis.

Auriez-vous, madame la ministre, des chiffres à nous communiquer qui confirment cette tendance ? S’agit-il, à votre sens, d’une tendance de long terme ou simplement d’un effet de rattrapage après deux années difficiles ? Cette augmentation des entrées dans l’apprentissage concerne-t-elle l’ensemble des diplômes préparés ? Qu’en est-il plus spécifiquement des apprentis préparant un diplôme de niveau V ?

La réforme de l’apprentissage, et en particulier la réforme de la taxe d’apprentissage, a conduit à revoir en profondeur la configuration du compte spécial, qui ne retrace plus en recettes que la fraction de 51 % de la taxe d’apprentissage dédiée aux régions. Cette réforme a encore renforcé le rôle des régions dans l’apprentissage. Pouvez-vous nous confirmer, madame la ministre, que les montants qui leur seront affectés, dans le cadre de la nouvelle organisation territoriale, seront la stricte addition des montants affectés à chaque région fusionnée ?

Par ailleurs, existe-t-il des marges de manœuvre afin de mener des politiques régionales plus volontaristes en faveur de l’apprentissage ? De nombreux candidats aux élections régionales, partout en France, s’engagent à faire de l’apprentissage une priorité essentielle. Auront-ils les moyens de leurs ambitions ?

Par ailleurs, les Assises de l’apprentissage ont permis de rectifier la politique de l’apprentissage initiée en 2012 avec, notamment, la prime de 4 400 euros annuels et les exonérations de charges dont bénéficient les entreprises de moins de onze salariés lorsqu’elles embauchent un apprenti mineur. C’est une mesure nécessaire. Néanmoins, ne crée-t-elle pas un effet de seuil pour les apprentis majeurs, notamment tous ces jeunes qui, après un baccalauréat et une année d’études, souhaitent s’orienter vers l’apprentissage ? Avez-vous réfléchi à un dispositif qui neutralise l’effet de l’âge comme en Allemagne, en Suisse et en Autriche, et ne prend en compte que le diplôme préparé ?

Comme chaque année, je reviens sur la trop forte étanchéité qui continue d’exister entre le monde de l’éducation et le monde de l’entreprise. Je constate les différences importantes des contenus de formation menant au même diplôme. Quelles mesures le ministère compte-t-il prendre en vue de rapprocher l’école du monde de l’entreprise, notamment dans la co-construction des formations, mais aussi pour faire de la voie de l’apprentissage une voie d’excellence, et non plus, comme on le voit encore trop souvent, une voie proposée par les conseillers d’orientation lorsque toutes les autres ne sont plus possibles ?

Madame la ministre, la question des conséquences préjudiciables de la réforme de l’apprentissage se pose toujours. La loi du 5 mars 2014 a restreint le nombre d’établissements éligibles au barème de la taxe d’apprentissage en fixant une liste limitative de catégories d’établissements privés pouvant y prétendre. Cette modification législative a exclu du financement les écoles et campus créés à l’initiative des entreprises, soit 1 400 établissements d’enseignement privé formant chaque année 450 000 étudiants et employant 37 800 formateurs, pénalisant notamment toutes les actions menées en direction des jeunes décrocheurs du système scolaire.

Madame la ministre, eu égard à ce que nous avons dit sur la barrière qui continue d’exister entre éducation nationale et les autres établissements de formation, je trouve qu’il est dommage de pénaliser des établissements qui forment de vrais professionnels. Allez-vous revenir sur cette mesure afin de permettre aux entreprises de mieux former leurs salariés de demain ?

Valoriser l’apprentissage, c’est aussi valoriser les maîtres d’apprentissage. La loi relative au dialogue social et à l’emploi, adoptée en juillet dernier, a prévu de valoriser les parcours syndicaux et des représentants du personnel afin d’encourager les salariés à prendre des responsabilités. Des entretiens professionnels renforcés et des rattrapages salariaux ont été prévus afin de ne pas pénaliser les carrières de ceux qui se mettent au service des autres. Ne serait-il pas envisageable de créer de tels dispositifs au bénéfice des maîtres d’apprentissage pour encourager ceux qui donnent de leur temps afin de former les jeunes apprentis ? Il faut valoriser les maîtres d’apprentissage, prendre en compte cet engagement, notamment lors de l’obtention de la médaille du travail avec mention particulière. Qu’en pensez-vous ?

Enfin, je soumets à votre réflexion une expérience tentée dans un département, dont les premiers résultats semblent probants. Il s’agit d’un conseil départemental engagé pour l’apprentissage, qui a financé des formations pour les bénéficiaires du RSA, après avoir contractualisé avec la chambre des métiers, avec comme objectif de faire entrer durablement dans l’emploi ces bénéficiaires de minima sociaux. C’est une mesure qui a un coût initial, mais qui est vertueuse sur le moyen et le long terme. Qu’en pensez-vous ? Serait-il envisageable de réserver des crédits supplémentaires aux départements prêts à s’engager dans une telle voie ?

L’État a annoncé l’embauche de 4 000 apprentis dans ses services et dans les ministères. Où en sommes-nous ? Une réponse positive irait dans le bon sens.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Le budget du travail et de l’emploi pour 2016 affirme les engagements du Gouvernement pour la lutte contre le chômage, l’insertion professionnelle des plus fragiles et la création d’emplois. C’est un budget en quasi-stabilité par rapport à la loi de finances de 2015 et en progression de près de 15 % par rapport à la loi de finances pour 2012. Dans le contexte de redressement de nos finances publiques, il est important de souligner cet effort qui montre notre capacité à faire des choix dans les priorités pour la bataille pour l’emploi.

Ce projet de budget pour 2016 est axé autour de trois priorités : l’emploi des jeunes, l’apprentissage et le soutien aux TPE et PME.

Première des priorités : l’emploi et l’insertion des jeunes. S’agissant du nombre de demandeurs d’emploi, les résultats sont encourageants, avec une baisse, pour le quatrième mois consécutif, du chômage des jeunes. Il n’est donc pas question de relâcher nos efforts. Au contraire, nous devons aller encore plus vite et plus loin. C’est pour cette raison que 78 millions d’euros supplémentaires seront consacrés aux actions à destination des jeunes.

Nous l’avons dit lors de la Conférence sociale du 19 octobre dernier, nous allons étendre la Garantie jeunes à tous les territoires volontaires, tout en renforçant la mobilisation en direction des jeunes décrocheurs et des jeunes des quartiers populaires.

Le chômage concernant avant tout des jeunes peu ou pas qualifiés, nous devons impérativement mieux cibler nos dispositifs pour ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire ceux qui sont les plus éloignés de l’emploi. C’est dans cette perspective que nous augmenterons la part des contrats « starter », notamment en direction des jeunes dans les quartiers de la politique de la ville, et que nous augmenterons également les capacités d’accueil de l’EPIDE. Ces dispositifs et le service militaire volontaire, que nous avons inauguré hier avec le Président de la République à Montigny-lès-Metz, offrent une réponse publique adaptée aux problématiques des jeunes et permettront de faire raccrocher ceux qui sont sortis du système scolaire à seize ans, voire à quinze.

En ce qui concerne les missions locales, elles sont en première ligne pour déployer les dispositifs majeurs : emplois d’avenir, Garantie jeunes, plateformes de décrochage scolaire. Leurs moyens seront confortés en 2016.

Deuxième priorité : le développement de l’apprentissage.

L’apprentissage, pour moi aussi, est un enjeu majeur, une voie indispensable pour retrouver le chemin de l’emploi, une arme contre le chômage. 70 % de ceux qui sortent d’un apprentissage retrouvent le chemin de l’emploi. Dans l’artisanat, ce sont souvent les chefs d’entreprise de demain. Depuis 2014, nous avons mis en place une stratégie globale pour rendre l’apprentissage plus attractif, plus accessible, et renforcer les moyens financiers de son développement.

Vous m’avez interrogée sur l’embauche d’apprentis par l’État : aujourd’hui, 4 500 jeunes sont employés dans ce cadre. Le ministère du travail a, pour sa part, pris en charge 150 jeunes apprentis.

Dès 2015, la réforme du financement a permis de dégager 280 millions d’euros supplémentaires en faveur de l’apprentissage, pour les régions et pour les CFA. Le budget 2016 renforce à nouveau l’effort financier de l’État, avec 110 millions d’euros supplémentaires pour le budget de l’emploi, le financement de l’aide « TPE jeunes apprentis » et la poursuite de la sécurisation des ressources des régions.

Troisième priorité : la création d’entreprise et le développement de l’emploi dans les PME.

Le budget 2016 s’inscrit dans la dynamique de la création de l’Agence France Entrepreneur pour soutenir la création d’entreprise, en fédérant les acteurs, afin que les entrepreneurs soient mieux accompagnés, particulièrement dans les territoires fragiles – zones rurales ou quartiers de la politique de la ville, par exemple. Avec un budget de près de 100 millions d’euros, cette agence offrira un bouquet de services à destination des entrepreneurs et permettra de soutenir les entreprises après leurs trois premières années d’existence. Je pense notamment à la Banque publique d’investissement (BPI), qui a développé un prêt entreprises et quartiers, insuffisamment utilisé aujourd’hui. L’Agence permettra de le mettre à la disposition des personnes qui souhaitent créer leur entreprise.

Cela passe aussi par le développement de l’emploi dans les petites entreprises : 95 millions d’euros supplémentaires sont dégagés pour le financement de l’aide « TPE première embauche » et l’appui à la gestion des ressources humaines, véritable levier pour le développement de l’emploi.

Dans un contexte d’amélioration de la conjoncture – l’activité repart, les créations d’emplois progressent –, la mobilisation des dispositifs de la politique de l’emploi est plus que jamais nécessaire pour accompagner le retour à l’emploi des publics fragiles. C’est pour cette raison que 2,4 milliards d’euros seront dédiés à la programmation des contrats aidés, avec des résultats qui devront être maintenus en ce qui concerne la qualité et l’orientation de ces contrats vers ceux qui en ont le plus besoin.

J’entends parfois les critiques sur les contrats aidés, mais ils restent une voie efficace pour au moins trois raisons. D’abord parce qu’ils ciblent des publics prioritaires : demandeurs d’emploi de longue durée, personnes handicapées, seniors, jeunes sans qualification, notamment ceux des quartiers de la politique de la ville. Ensuite, parce qu’ils dispensent des formations certifiantes. Enfin parce que ces contrats s’inscrivent dans la durée et qu’ils représentent un vrai plus pour les entreprises et les bénéficiaires du contrat, qui reprennent confiance en eux et se sentent utiles.

Par ailleurs, le budget 2016 maintient l’effort financier à destination de l’insertion pour l’activité économique et l’insertion des travailleurs handicapés : 1,18 milliard d’euros, avec la consolidation de la réforme de l’aide au poste dans l’insertion par l’activité économique et le financement de 500 aides au poste supplémentaires.

Ce budget vient également conforter les moyens de Pôle emploi pour améliorer l’accompagnement des demandeurs d’emploi et des entreprises – je pense notamment aux seniors et aux chômeurs de longue durée, avec le déploiement des formations prioritaires. Nous entendons trop souvent parler d’emplois non pourvus. Il est essentiel de cibler les formations pour les publics les plus éloignés de l’emploi.

Nous avons là un budget ambitieux, qui vise à amplifier l’action du Gouvernement en faveur du retour à l’emploi. Ce budget vient conforter la tendance encourageante que nous observons avec, notamment, la décrue du chômage des jeunes. Plus que jamais, nous devons rester optimistes, déterminés et efficaces.

J’en viens aux questions des rapporteurs Castaner et Perrut sur les ressources supplémentaires pour les CFA et l’objectif de 500 000 apprentis. S’agissant de l’apprentissage, nous agissons sur trois leviers.

Le premier est le fléchage accru des ressources au profit de l’apprentissage : c’est l’objectif de la réforme de la taxe d’apprentissage, mise en œuvre depuis le 1er janvier. Le Gouvernement a souhaité aller plus loin en affectant 150 millions de recettes supplémentaires au financement de l’apprentissage, à l’issue de la Conférence sociale de 2014.

Le deuxième levier est le ciblage renforcé des aides au profit des petites entreprises et des premiers niveaux de formation, là où se situent les enjeux de l’insertion et où les aides ont un véritable effet de levier pour le retour à l’apprentissage.

Le troisième levier est la levée des freins non financiers. Les organisations professionnelles m’ont confirmé que, dans leurs différents réseaux, que ce soit la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME), l’Union professionnelle artisanale (UPA) ou la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), les informations sur la levée des freins non financiers permettaient d’améliorer les choses.

La réforme du financement de l’apprentissage se voit affecter 280 millions d’euros supplémentaires, dont 95 millions au profit des régions, qui bénéficient de l’affectation directe d’une ressource fiscale dynamique assise sur la masse salariale, et 185 millions au profit des CFA. Les engagements ont été tenus.

Concernant l’évolution des effectifs d’apprentis, on observe une augmentation de 6,5 % en septembre dernier, qui n’a concerné que le secteur privé. Mille contrats d’apprentissage ont été signés dans la fonction publique, notamment territoriale. La mise en place, en 2016, d’une plateforme au niveau national permettant de mettre en relation employeurs et jeunes apprentis apportera une véritable fluidité.

Le frémissement que nous percevons dans le secteur du bâtiment est essentiel. S’il se confirme, notamment pour les artisans, la situation ira en s’améliorant.

Je fais actuellement le tour des régions et je réunis à chaque occasion les comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle (CREFOP).

Au-delà du partage de l’information entre les branches professionnelles, les partenaires sociaux, les régions et les services de l’État – je pense notamment aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) –, je veux savoir si nous avons, territoire par territoire, une vraie stratégie axée en premier lieu sur l’apprentissage.

Bien qu’il y ait une reprise dans le secteur industriel, nous avons un problème culturel, qui pénalise l’attractivité et la valorisation de certains métiers manuels. Nous travaillons actuellement, avec la ministre de l’éducation nationale, à la valorisation de la voie professionnelle et de l’apprentissage.

Yvon Gattaz s’est intéressé au rapprochement de l’entreprise et du domaine scolaire et à la formation des enseignants dans certaines filières. Nous devons élaborer des dispositifs en partant du bénéficiaire, c’est-à-dire du jeune : trouve-t-il, sur le site de l’éducation nationale, des informations sur l’ensemble des CFA ou seulement sur les CFA académiques ?

Nous sommes en train de lever tous ces freins. Mes déplacements sur les territoires me permettent de poser des diagnostics en direction des métiers en tension. J’estime qu’il ne faut pas agir seulement au niveau des formations prioritaires en direction des demandeurs d’emploi, mais aussi dès l’orientation scolaire et dès le CFA.

Il conviendrait également de sensibiliser les familles à l’apprentissage. Les réunions d’information, au printemps, dans les mairies ou dans les établissements scolaires, n’ont pas le succès escompté. Si en revanche ce sont des jeunes qui parlent aux jeunes de leur expérience, nous avons plus de chances de capter leur attention.

Dans le quartier de La Castellane, à Marseille, les CFA sur les métiers manuels se sont installés pendant deux jours, avec les branches professionnelles, dans un centre commercial. Le vendredi était une journée destinée aux jeunes, le samedi aux familles. L’expérience a été extrêmement positive. Il est essentiel que nous arrivions, avec les branches professionnelles, les CFA et les services de l’éducation nationale, à faire des démonstrations de ce type, de façon massive, dès le printemps prochain, sur l’ensemble des territoires, comme nous le faisons pendant la Semaine de l’industrie.

Certes, les chiffres de l’apprentissage sont en hausse, mais nous ne parvenons pas à toucher le public des quartiers de la politique de la ville. Il y a là une réelle difficulté. Il est essentiel, au-delà de la campagne nationale que nous mettons en œuvre, d’aller à la rencontre de ces jeunes. Cela suppose de trouver d’autres manières de toucher ces publics.

J’en viens à la question du rapporteur Castaner sur baisse du nombre de contrats aidés dans le secteur marchand programmés en 2016.

Nous avions 80 000 contrats initiative emploi (CIE) en 2015, contre 60 000 programmés aujourd’hui. Le taux d’insertion de ces contrats aidés est de 66 %. Avec 295 000 nouveaux contrats, le budget 2016 maintient l’effort pour les contrats aidés à un niveau élevé, similaire à celui du PLF 2015, et les volumes financiers sont importants.

Le climat des affaires n’a jamais été aussi bon depuis 2011 et nous avons des résultats avec le CICE : le coût du travail diminue et est à peu près similaire à celui de l’Allemagne. Des branches professionnelles se sont engagées dans le pacte de responsabilité. Dans l’Isère, par exemple, la chimie, qui a été l’une des premières branches à s’engager dans le pacte de responsabilité, est en train de remplir ses engagements en termes d’apprentis et d’emplois.

Notre programmation est donc cohérente avec les perspectives de croissance et de rebond de l’emploi marchand pour 2016.

La programmation des contrats initiative emploi (Cie) reste ambitieuse. Je resterai attentive, tout au long de l’année 2016, à l’évolution des contrats aidés. En période de fort chômage, ils présentent le grand avantage de pouvoir cibler des publics particuliers, que nous ne pourrions ramener à l’emploi sans ces dispositifs. Les contrats Cie-Starter permettent ainsi, dans les zones rurales et dans les quartiers relevant de la politique de la ville, de prendre en compte les jeunes, notamment les jeunes diplômés, qui subissent beaucoup de discriminations. Citons encore les travailleurs en situation de handicap, qui représentent 12 % des contrats aidés contre 9 % en 2012, les seniors et les chômeurs de longue durée.

J’en viens aux maisons de l’emploi. Je souhaite que nous ayons un vrai débat sur leurs missions, leur financement, leur évolution, partant de trois constats que je crois partagés. Premièrement, l’ambition initiale portée par Jean-Louis Borloo de faire des maisons de l’emploi un guichet unique du service public de l’emploi n’est plus d’actualité depuis la fusion de l’ANPE et de l’ASSEDIC intervenue en 2008. Deuxièmement, elles sont conduites à se recentrer sur l’animation du territoire et l’accompagnement des mutations économiques ; elles ne sont pas un opérateur chargé du déploiement des dispositifs nationaux comme peuvent l’être les missions locales. Troisièmement, elles ont des fonctionnements très hétérogènes et ne sont présentes que sur un tiers du territoire.

Il est compréhensible, dans ces conditions, que depuis 2010, l’État se retire progressivement du financement de ces structures au profit de financements sur projets. Les crédits qui leur sont dévolus ont beaucoup décru : pour 2016, ils s’élèvent à 13 millions d’euros contre 26 millions dans la précédente loi de finances. Cette diminution prend en compte les évolutions du réseau : depuis le début de l’année, une vingtaine de maisons de l’emploi a fermé et plusieurs projets de fusion sont en cours. Il me faut ici féliciter les élus qui ont travaillé à des rapprochements avec le plan local pour l’insertion et l’emploi (PLIE) et les missions locales.

Je suis prête à réexaminer avec vous les soutiens que l’État prévoit d’apporter aux maisons de l’emploi en 2016, mais en posant deux principes.

Premièrement, nous devons être capables de moduler les financements de l’État en fonction des projets et des résultats. L’hétérogénéité des situations des maisons de l’emploi appelle une réaction adaptée : je suis favorable au maintien, voire à l’augmentation des aides en faveur de celles qui fonctionnent bien ; mais cela de réduire les aides en faveur de celles qui n’ont pas de bons résultats.

Deuxièmement, nous devons clarifier ce que nous attendons de ces structures – vous avez souvent dû entendre ce discours, j’en suis bien consciente. Pour mieux évaluer leurs résultats, il est nécessaire de redéfinir les actions prioritaires qu’elles doivent conduire : l’ingénierie de développement territorial ; le développement des clauses d’insertion – lors de ma visite à Rennes, j’ai pu constater que la maison de l’emploi avait pu faire en sorte qu’il y ait la même proportion de clauses sociales dans les marchés publics de l’ensemble des collectivités locales, au-delà de ceux de la métropole, ce qui me paraît constituer une réponse publique efficace ; le soutien à la création et au développement des entreprises – je citerai au Mans et dans l’agglomération stéphanoise, le développement de fabriques à entreprendre, très bons dispositifs à privilégier ; la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) territoriale, qui permet de favoriser le déploiement des plans de formation prioritaires pour les demandeurs d’emploi.

Dans les semaines qui viennent, je vous propose de définir le cahier des charges des maisons de l’emploi, en concertation avec les acteurs concernés, notamment les régions. Il s’agira de demander aux préfets d’attribuer les financements au titre du budget pour 2016 en fonction des projets stratégiques et opérationnels qu’elles présenteront.

C’est sur ces bases que nous pourrons rediscuter en séance publique des crédits alloués aux maisons de l’emploi dans le présent budget.

Je reviendrai sur le Fonds de cohésion sociale, le dispositif local d’accompagnement et les missions locales après avoir entendu les questions des divers orateurs.

M. Dominique Lefebvre, président. La parole est maintenant aux orateurs s’exprimant au nom des groupes.

M. Christophe Sirugue. J’articulerai l’analyse du groupe socialiste autour de quatre points.

Premièrement, nous voulons dire notre satisfaction devant l’effort soutenu du Gouvernement en faveur de la politique de l’emploi, effort indispensable, compte tenu de l’enjeu qu’elle représente : ce budget a augmenté de plus de 15 % depuis le début du quinquennat, il est bon de le rappeler.

Deuxièmement, cette politique de l’emploi obtient des résultats Des améliorations ont été enregistrées, comme en témoignent les chiffres du mois dernier concernant les demandeurs d’emploi de catégorie A ou l’emploi des jeunes. Cela n’empêche pas certains de vouloir à tout prix minimiser ces résultats. Ne devrions-nous pas plutôt nous réjouir tous ensemble des bonnes nouvelles ?

Troisièmement, vous avez rappelé les priorités du Gouvernement, et nous les soutenons.

La jeunesse tout d’abord : 560 millions, soit une hausse de 78 millions par rapport à 2015, sont consacrés à l’emploi et à l’insertion des jeunes. Cela permettra de poursuivre le développement de la garantie jeunes, dispositif « donnant-donnant » qui octroie une allocation aux jeunes de dix-huit à vingt-six ans dans le cadre d’un parcours intensif d’accès à l’emploi et à la formation. Cette année, 60 000 jeunes supplémentaires devraient en bénéficier.

Il s’agit ensuite de l’apprentissage : le plan de relance a redonné confiance aux entreprises et produit des résultats encourageants à travers l’aide « TPE jeunes apprentis » de 4 400 euros pour la première année de contrat ou encore l’aide « TPE première embauche » de 4 000 euros. Le développement de l’apprentissage est conforté grâce à 200 millions de ressources supplémentaires, ce qui contribue à renforcer le lien entre les entreprises et celles et ceux qui sont à la recherche d’un emploi.

Il s’agit, en outre, du soutien au développement de l’emploi dans les PME et TPE. Beaucoup rappellent dans nos échanges comme la place des entreprises de ce type est essentielle. Il ne suffit pas de le rappeler, il faut aussi en tirer les conséquences en termes d’orientations publiques. En plus des dispositifs de soutien à la création d’entreprise déjà existants, ce PLF 2016 traduit budgétairement la création de deux nouvelles aides en faveur des TPE et PME annoncée par le Gouvernement en juin dernier, et dont la mise en œuvre est déjà effective : l’aide « TPE première embauche » et l’aide « TPE jeunes apprentis », intéressants dispositifs d’accompagnement.

Enfin, il faut évoquer les 824 millions d’euros finançant les exonérations ciblées de charges sociales en faveur du développement de l’emploi. Le budget intègre ainsi en 2016 le financement de la compensation de la déduction forfaitaire des cotisations sociales en faveur des employeurs du secteur des services à la personne pour 224 millions d’euros.

Quatrièmement, nous nous félicitons que ce budget affirme des solidarités.

Solidarité avec les personnes handicapées : je tiens à saluer la confirmation de la création d’aides au poste supplémentaires. L’an dernier, nous avions défendu un amendement visant à financer 500 emplois adaptés supplémentaires. Ces 500 emplois sont confirmés dans le PLF 2016 et 500 autres viennent s’y ajouter.

Solidarité avec les seniors en fin de droits : la prime transitoire de solidarité est une mesure de justice sociale, qui bénéficie à plus de 38 000 personnes. Elle permet d’accompagner les personnes les plus vulnérables vers la retraite. Tout demandeur d’emploi âgé de soixante et plus percevant l’allocation de solidarité spécifique ou le RSA peut désormais, sous condition, bénéficier d’une aide mensuelle supplémentaire de 300 euros, versée par Pôle emploi.

Solidarité avec les plus vulnérables : vous avez eu raison, madame la ministre, de rappeler que les contrats aidés, parfois décriés, sont bien nécessaires pour accompagner certains publics.

Solidarité encore grâce à l’insertion par l’activité économique : le budget 2016 prend en considération pour la première fois la réforme du financement de ce secteur, avec une forte hausse du financement de la ligne correspondant à l’insertion par l’activité économique, compensée par une réduction concomitante des crédits consacrés aux contrats d’accompagnement dans l’emploi puisque les ateliers et chantiers d’insertion sont désormais financés par des aides au poste et non plus par les CAE.

Une volonté, des résultats, des priorités, l’affirmation de solidarités : autant d’éléments qui justifieront le soutien du groupe socialiste à votre budget, madame la ministre.

Je terminerai par une question qui me tient à cœur : l’organisation territoriale du service public de l’emploi. Des interrogations se font jour. Certains de mes collègues ne manqueront pas d’amender, fort légitimement, telle ou telle ligne de crédit correspondant aux maisons de l’emploi, aux missions locales ou d’autres instances. Pour ma part, je suis satisfait de vos propos sur les maisons de l’emploi : il faut être bien conscient de la diversité de l’organisation des territoires mais aussi du besoin d’une organisation du service public de l’emploi reposant non pas sur la défense à tout prix de certaines structures mais sur la volonté de les coordonner. Vous nous avez proposé une orientation et un rendez-vous, que le groupe socialiste ne manquera pas.

Mme Véronique Louwagie. Ce projet de loi de finances 2016 reste marqué par les errements de la politique gouvernementale en matière de lutte contre le chômage. Les chiffres le montrent bien : 3,5 millions de demandeurs d’emploi en catégorie A, 5,4 millions si l’on ajoute ceux qui exercent une activité réduite. Entre août 2014 et août 2015, toutes les catégories ont été impactées : 9,1 % de chômeurs en plus chez les seniors, 0,4 % en plus chez les jeunes. Certes, une baisse notable – 0,7 % – vient d’être enregistrée avec 23 800 chômeurs de moins en septembre ; la tendance est plus nette encore pour le chômage des jeunes, qui diminue de 2, 7 %. Si l’on peut se réjouir de cette évolution, il est prématuré que le Gouvernement crie victoire dès maintenant. Un large fossé reste à combler. À ce rythme-là, il faudrait près de quarante-sept ans pour retrouver le niveau de chômage du début du quinquennat de François Hollande !

La perspective d’un maintien d’un fort niveau de chômage se traduit d’ailleurs dans vos crédits puisque la dotation de Pôle emploi est reconduite à un niveau élevé ainsi que les recettes du Fonds de solidarité.

Venons-en à quelques points particuliers.

En matière de dialogue social, alors que ces dernières semaines ont été marquées par des tensions – Air France, travail dominical –, la convention d’assurance chômage a été annulée par le Conseil d’État. Cette décision porte sur le différé spécifique d’indemnisation de six mois, ce qui est inquiétant dans un contexte de dégradation des perspectives financières de l’UNEDIC qui anticipe un déficit de 4 milliards en 2015 et une dette à hauteur de 35 milliards en 2018. Comment le Gouvernement compte-t-il traiter ce dossier ?

Le volet consacré à l’apprentissage a fait l’objet de nombreuses annonces, après deux ans d’allers et retours, qui s’étaient traduits par une chute de 8 % en 2013, de 3 % en 2014 dans le secteur privé et de 4 % dans le public. Je me réjouis, madame la ministre, de vos propos sur l’orientation, le problème culturel lié à la représentation de l’apprentissage en France et la sensibilisation des familles. Il n’en reste pas moins que la réforme de l’apprentissage s’est avérée contre-productive avec la suppression de la prime d’apprentissage pour les entreprises de plus de dix salariés, les réductions du crédit d’impôt apprentissage et la modification de la taxe d’apprentissage. Si le présent budget prévoit de lui consacrer 200 millions d’euros supplémentaires, il réduit aussi de 550 millions d’euros les aides aux entreprises embauchant des apprentis…

Pour atteindre votre objectif de 500 000 apprentis en 2017, vous vous appuyez sur l’aide « TPE jeunes apprentis ». Or elle se révèle être piégée : que direz-vous aux TPE au bout d’un an, quand elles auront embauché des apprentis et qu’elles cesseront de bénéficier de l’exonération de charges ? À quand une réforme structurelle de l’apprentissage ?

L’État a annoncé l’embauche de 4 000 apprentis dans les ministères et services de l’État. Pouvez-vous nous apporter des compléments d’information ? Ces 4 000 apprentis viendront-ils s’ajouter aux 4 500 apprentis en place actuellement ?

J’en viens à mon troisième sujet : les intermittents. En raison de la non-application du différé d’indemnisation, il est procédé à une dépense de 42 millions d’euros en 2016 en faveur des intermittents. Le Gouvernement a annoncé un fonds de développement de l’emploi dans la culture visant à « encourager l’emploi permanent », « grâce à des aides à l’emploi direct et à des dispositifs qui allongent la durée moyenne de travail ». Quel est son coût ? Comment est-il financé ? Sous quelle forme ?

En matière fiscale et sociale, les entreprises s’inquiètent des différents revirements du Gouvernement qui ont fait perdre à la France du temps, des emplois et des gains de compétitivité. Je vous ai entendue vous réjouir des résultats du CICE, mais le pacte de responsabilité voit son déploiement contrarié : le report des allégements de cotisations patronales familiales jusqu’à 3,5 SMIC et des nouveaux abattements de C3S au 1er avril 2016 permet certes à l’État d’économiser 1 milliard d’euros, mais prive les entreprises de 25 % de baisses de charges attendus en 2016.

S’agissant toujours des errements de ce gouvernement, j’évoquerai l’extinction progressive dans le présent PLF de certains dispositifs zonés d’exonération de charges – zones de revitalisation rurale, zones de restructuration de la défense, bassin d’emploi à redynamiser. Un amendement commun aux différents bancs de notre assemblée est venu supprimer cette mesure du Gouvernement. Allez-vous respecter le choix du Parlement en nouvelle lecture, madame la ministre ?

S’agissant des emplois aidés, les emplois d’avenir semblent stabilisés avec un coût de 1,2 milliard en 2016 comme en 2015. En revanche, les entrées dans le dispositif ainsi que les autorisations d’engagement sont en baisse. Dans ce contexte, quel est l’avenir des emplois d’avenir ? De la même manière, quel est l’avenir des contrats de génération, qui peinent à atteindre leurs objectifs ?

Je finirai par la garantie jeunes, que vous souhaitez généraliser. On peut s’interroger sur la diminution des moyens dédiés aux missions locales, qui constituent des acteurs importants de ce dispositif de garantie. Par ailleurs, j’aimerais savoir quel sera l’avenir du contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS), compte tenu du fait que la garantie jeunes se déploie à son détriment.

M. Francis Vercamer. Rappelons-le, 5,7 millions de Français sont touchés par le chômage, toutes catégories confondues. Il y a eu 1 000 chômeurs de plus par jour depuis l’arrivée au pouvoir de François Hollande. Certes, la récente baisse du chômage est une nouvelle positive sur le front de l’emploi. Néanmoins, les chiffres sont sans appel : ils démontrent l’échec de la politique de ce gouvernement. Comparons avec la situation chez nos voisins européens : sur un an, le nombre de demandeurs d’emploi a diminué de 162 000 en Italie, de 195 000 en Allemagne, de 263 000 en Pologne, de 437 000 en Espagne, quand il a augmenté de 125 000 en France.

Nous aurions besoin d’une politique dynamique, réactive, capable d’anticipation. L’État, à l’inverse, fait preuve d’attentisme car il concentre ses efforts budgétaires sur les contrats aidés qui, pour nécessaires qu’ils soient, ne peuvent constituer l’axe principal d’une politique de l’emploi ; ceux-ci doivent surtout avoir pour objet l’inscription pérenne du bénéficiaire dans le marché du travail. De surcroît, L’accent est mis sur les contrats aidés du secteur non marchand alors même que ceux-ci n’assurent pas un retour durable à l’emploi dès lors que les moyens budgétaires des structures publiques et associatives se réduisent en période de diminution des dotations.

Les emplois d’avenir doivent encore démontrer leur capacité à favoriser un emploi durable sur le marché du travail. Les contrats de génération, quant à eux, souffrent d’une faible montée en charge contre laquelle nous avions mis en garde le Gouvernement à leur création, dès 2013 : seuls 52 000 ont été signés au 20 septembre 2015 alors qu’il était prévu à l’origine d’atteindre 500 000 bénéficiaires.

La politique de l’emploi devrait reposer sur une approche globale, fondée sur le rapprochement des offres des entreprises, les besoins en matière d’apprentissage, la formation professionnelle, la maîtrise du coût du travail, voire sa réduction sur le long terme. Or force est de constater que nous ne retrouvons pas ces éléments dans la politique menée par le Gouvernement, même si nous reconnaissons que certaines mesures comme celles visant à développer l’apprentissage dans les TPE peuvent sans doute avoir leur intérêt.

Vous êtes également attentistes en matière de territorialisation des politiques de l’emploi. Comme chaque année, l’État poursuit sa tactique de nœud coulant pour étrangler les maisons de l’emploi en les privant de moyens budgétaires. Vous voulez ouvrir le débat, madame la ministre, mais cela fait dix ans que nous entendons dire qu’il faut l’ouvrir ! Cela fait dix ans que nous entendons dire qu’il faut moduler les financements en fonction des résultats et chaque année, la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) passe un coup de rabot uniforme sur leurs crédits.

Les maisons de l’emploi, au-delà de leur rôle de guichet unique, sont un outil de coordination territoriale des politiques de l’emploi : elles ont le mérite de remettre les élus, les maires, au cœur de la politique de développement de l’emploi dans les territoires. Elles constituent un outil de mobilisation des acteurs locaux et de leurs équipes, en coordination et en complémentarité avec Pôle emploi, et permettent de travailler autour d’objectifs communs de retour à l’emploi, de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences sur le fondement de diagnostics partagés. Cet outil, le Gouvernement se sera consciencieusement et méthodiquement employé à le casser, sans jamais réellement l’admettre. Nous ne nions cependant pas la nécessité d’une meilleure organisation de ces structures, le cas échéant en opérant des fusions sur les territoires où cela est possible.

J’en viens au dispositif local d’accompagnement (DLA) dont les crédits restent au même niveau que dans le précédent projet de loi de finances, soit 10,4 millions d’euros. Ce dispositif – et je me coiffe ici de ma casquette de coprésident du groupe d’études sur l’économie sociale et solidaire – participe à la consolidation du modèle économique des associations en améliorant leurs outils de gestion et en leur permettant d’avoir une meilleure visibilité sur leur activité. Alors que les baisses actuelles des dotations aux collectivités territoriales comportent de forts risques de fragilisation des tissus locaux, il me paraît important que le DLA accompagne ces structures, en leur permettant de s’adapter aux incertitudes des financements publics.

Enfin, au sein du programme 111 « Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations de travail », on ne peut que regretter la diminution globale des crédits consacrés à la santé au travail. Depuis 2010, ceux-ci ont subi une baisse de près de 6 millions d’euros alors qu’il s’agit d’un domaine d’intervention crucial pour l’avenir du marché du travail.

Trois ministres se sont succédé au poste de ministre du travail depuis 2012. Le quinquennat n’est toujours pas terminé et l’on constate malheureusement une absence de cap, un manque d’ambition et une promesse trahie : l’inversion de la courbe du chômage. Dans ces conditions, vous comprendrez aisément que le groupe UDI vote contre ce projet de budget.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Madame la ministre, je tiens à saluer votre engagement sur le terrain, dans le droit fil de vos fonctions de ministre de la ville : le travail est le ciment de la citoyenneté, au même titre que la santé et l’éducation. Je dois dire que j’avais été impressionnée lors de votre première audition devant la commission des affaires sociales de constater que quelques jours seulement après votre nomination, vous aviez multiplié les visites sur le terrain.

J’insisterai sur l’objectif n° 4 du programme 111. Des événements récents ont montré combien le dialogue social pouvait mal fonctionner au sein d’une entreprise – mercredi prochain, la commission des affaires sociales auditionnera des représentants de la direction d’Air France, de l’intersyndicale d’Air France et des deux syndicats n’en faisant pas partie, la CFDT et CFE-CGC. Il n’y a pas du tout blanc et du tout noir. Il faut apporter de la fluidité au dialogue social. L’individualisation croissante dans les rapports de travail pourrait pousser à défendre une inversion de la hiérarchie des normes. La majorité veillera à ce qu’on ne l’inverse pas.

M. Michel Liebgott. Au moment où les Chinois annoncent une nouvelle politique de deux enfants par couple, il faudrait examiner les chiffres du chômage à l’aune non seulement de la démographie mais aussi des créations nettes d’emploi. Je rappellerai, monsieur Vercamer, que depuis la mi-2008 l’Espagne a détruit 2,8 millions d’emplois pendant que la France en a créé 180 000. Si les perspectives de croissance sont confirmées pour 2016 – l’OFCE table, de manière peut-être un peu optimiste, sur 1,6 % de taux de croissance –, nous créerions en France 200 000 emplois – chiffre à relativiser, car cela ne ferait diminuer le nombre de demandeurs d’emploi que de 70 000, du fait d’une démographie particulièrement dynamique. Je rappellerai encore que le chômage des jeunes a retrouvé le même niveau qu’à la fin de l’année 2012. Le Président de la République a redit hier qu’il avait fait de la jeunesse une priorité. Durant le dernier mois, on a enregistré 14 000 inscrits de catégorie A en moins. C’est dire si la tendance qui se dessine aujourd’hui est positive.

Je voudrais souligner, à mon tour, que le budget du travail et de l’emploi a augmenté de 15 % depuis 2012 et insister sur une réussite, la garantie jeunes, qui concerne soixante-douze territoires, 273 missions locales, soit près de 60 % du réseau. Madame la ministre, comme vous l’avez souligné, le Président de la République a indiqué lors de la conférence sociale que l’une de ses priorités était l’extension du dispositif aux territoires volontaires et même, espérait-il, à la totalité du territoire. C’est aussi le souhait que j’émets. Et je voudrais que vous nous indiquiez comment cela sera rendu possible. En Moselle, Denis Jacquat et moi-même déplorons de ne pouvoir la mettre en œuvre.

M. Denis Jacquat. Madame la ministre, comme vous venez de l’indiquer, hier, a été inauguré le premier centre métropolitain du service militaire volontaire, dispositif auquel j’adhère à 100 % pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, il a fait ses preuves dans les départements ultramarins.

Ensuite, dans la boîte à outils pour lutter contre le chômage des jeunes, il a toute sa place : il permet à une catégorie de jeunes très éloignés de l’emploi de bénéficier d’une proposition de formation et d’insertion sociale et professionnelle de qualité, qui leur permettra d’aborder leur vie personnelle et active avec plus d’atouts.

Enfin, nous savons qu’il n’y a pas de solutions miracle pour régler les difficultés de ces jeunes en matière d’emploi. Les prendre par la main est indispensable. Le SMV en est une bonne illustration. Ils auront toutefois encore besoin d’être guidés à l’issue de leur service afin de ne pas en perdre les bénéfices : un accompagnement spécifique post-SMV sera nécessaire à court et moyen termes. Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce propos, madame la ministre ?

M. Jean-Patrick Gille. À mon tour, je soulignerai l’éclaircie que connaissent les chiffres du chômage, notamment celui des jeunes qui est marqué par une amélioration notable depuis plusieurs mois. Michel Liebgott vient de le rappeler : on n’insiste pas assez sur l’inversion de la courbe des créations nettes d’emplois qui montre qu’elles sont reparties à la hausse depuis plusieurs mois. D’où l’importance d’un autre sujet qui nous retient aujourd’hui : la formation, formation des demandeurs d’emploi les moins qualifiés, notamment les jeunes, formation destinée à répondre aux besoins des PME et des TPE, qui ne trouvent pas toujours à pourvoir certains emplois.

Il est trop tôt pour évaluer le compte personnel de formation, qui a moins d’un an. Néanmoins, madame la ministre, je voulais appeler votre attention sur un point précis : il a vocation à être universel, à préparer le compte personnel d’activité, et il faudrait qu’il puisse être étendu à la fonction publique, ce qui suppose des négociations à mener de la part des partenaires sociaux.

S’agissant des formations prioritaires, le taux d’accès à l’emploi est de 57 %. C’est bien, mais il faut peut-être améliorer ce résultat. Pour le moment, nous n’avons pas encore vu comment elles seront financées. Ce sera un effort à partager entre les régions et le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP).

J’avais déjà appelé votre attention sur les chantiers d’insertion, madame la ministre. La réforme de l’insertion par l’activité économique a entraîné un basculement des contrats aidés vers des contrats avec une aide à l’emploi, qui fait que les bénéficiaires n’ont plus le même accès à la formation. Cette question administrative devrait se régler entre le FPSPP et la DGEFP.

Dans le domaine de l’apprentissage enfin, je soulignerai l’effort de l’État qui lui consacre 1,5 milliard alors qu’il s’agit d’une compétence des régions. J’aimerais savoir dans quelle mesure le dispositif « TPE jeunes apprentis » sera pérennisé. Par ailleurs, comme vous l’avez souligné, il y a un effort à faire dans la fonction publique en général, et en particulier dans l’éducation nationale, dont relèvent moins de 10 % des apprentis attachés aux centres de formation d’apprentis académiques.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le budget de la mission « Travail et emploi » est en quasi-stabilité par rapport à 2015 alors que le nombre de demandeurs d’emploi, toutes catégories confondues, a progressé de 5,6 % de septembre 2014 à septembre 2015. Mathématiquement, le compte n’y est pas ! C’est bien d’afficher des priorités, c’est mieux encore de se donner les moyens de les mettre en œuvre.

Et encore, ces chiffres ne prennent pas en compte le basculement de certaines personnes du statut de demandeur d’emploi aux dispositifs d’accompagnement dans l’insertion. Il suffit, pour prendre la mesure de ce phénomène, de regarder la progression des lignes budgétaires du RSA dans les budgets départementaux : il y a bel et bien une liaison entre les deux. C’est une réalité sociale et économique difficile pour ces personnes mais aussi pour les budgets des départements.

S’agissant des maisons de l’emploi, il est clair que l’assèchement continue : de 26 millions, les crédits passent à 13 millions, soit 50 % de diminution. Vous soulignez, madame la ministre, que certaines ont été supprimées. En effet ! Devant la réduction progressive des ressources, beaucoup ont compris qu’il était urgent d’arrêter leurs activités. Combien en reste-t-il aujourd’hui en France ?

L’apprentissage, selon vos termes, serait une « arme contre le chômage ». Enfin, vous le reconnaissez, serais-je tentée de dire : que de temps perdu ! C’est, d’une certaine manière, un aveu de vos erreurs passées.

Quant aux emplois aidés, je constate que dans le secteur non-marchand, ils diminuent. Les dotations aux CUI passent de 1,64 milliard à 1,081 milliard. Vous avez, j’imagine, intégré la réaction des collectivités territoriales qui faute de dotations budgétaires suffisantes ont décidé de mettre un terme aux contrats aidés, qu’elles ne peuvent plus continuer à financer. Une étude d’impact sur la baisse des dotations vous aurait permis de prendre en compte cette réalité.

Mme Monique Rabin. Madame la ministre, je ciblerai mon intervention sur l’emploi des personnes handicapées. Pour nous tous, le soutenir est une question de citoyenneté, parfaitement prise en compte par le Président de la République en 2014 quand il a annoncé le renforcement des aides au poste.

Ne serait-il pas possible aujourd’hui de revenir sur la baisse programmée depuis 2008 de la subvention spécifique qui accompagne les aides au poste ? Rappelons qu’elle est versée aux entreprises adaptées, qui comptent 80 % de personnes handicapées en CDI. Elle s’élevait à 2 350 euros en 2008 ; aujourd’hui, elle n’est plus que de 1 775 euros. Cela vaudrait la peine, pour l’augmenter, de trouver quelques millions d’euros au sein de votre mission, peut-être sur les crédits dédiés aux contrats de génération.

Faire un effort en matière de formation des personnes handicapées serait un signe fort en faveur de l’amélioration de leurs conditions de vie. Et nous savons, comme l’a montré le rapport que le Gouvernement a récemment remis au Parlement sur les nouveaux indicateurs de richesse, que la richesse ne se mesure plus seulement en termes monétaires mais aussi en termes de conditions de vie.

M. Bernard Perrut. J’aimerais vous faire part de ma préoccupation quant à la situation de l’emploi, madame la ministre. Si les derniers chiffres montrent qu’il y a eu une baisse du nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A, n’y en a-t-il pas un nombre important qui se reporte sur les catégories B et C, correspondant à une activité réduite ? La prudence s’impose.

Je reviendrai sur les emplois aidés. Le financement des emplois d’avenir semble stabilisé avec un coût de 1,2 milliard en 2016 comme en 2015. En revanche, les entrées dans le dispositif ainsi que les autorisations d’engagement sont en baisse. Quel avenir pour les emplois d’avenir ? La même question se pose pour les contrats de génération, échec patent, on le sait. Le dispositif a été assoupli dans la loi relative à la formation professionnelle pour leur donner un nouvel élan, mais il décline cette année avec des autorisations d’engagement et des crédits de paiement en baisse par rapport au PLF 2015. Pour quelles raisons ? Quels sont vos objectifs en ce domaine ?

Quant à la garantie jeunes, elle monte en charge, mais on peut se demander si ce n’est pas au détriment des dispositifs CIVIS, qui, mis en œuvre par nos missions locales, fonctionnaient bien.

Enfin, je terminerai par la question des seuils sociaux, qui n’est toujours pas réglée. La loi relative au dialogue social et à l’emploi adoptée en juillet dernier a certainement été une occasion manquée. Le projet de loi de réforme du code du travail sera pour vous la prochaine et sans doute ultime occasion du quinquennat d’appliquer des mesures nouvelles. Les seuils feront-ils l’objet d’un relèvement ou à tout le moins d’un gel, comme le préconisait en son temps votre prédécesseur ? C’est une question importante pour la vie des entreprises et pour l’emploi.

M. Dominique Lefebvre, président. Alors que je préside pour la dernière fois cette année une commission élargie, c’est le moment pour moi de souligner qu’à chacune de nos réunions, invariablement, il a été souligné sur tous les bancs que les crédits n’étaient pas suffisants, même si chacun reconnaît que des priorités s’imposent. C’est pourtant dans ces périodes-là qu’il faut avoir le courage de recibler certains dispositifs, de les rénover et de les transformer. La maîtrise des dépenses publiques est une véritable ascèse, madame la ministre…

Dans le dossier de présentation du budget du travail et de l’emploi, trois mesures de recentrage des dispositifs d’aide à l’emploi et à la réindustrialisation étaient évoquées, qui ont fait l’objet d’un très long débat dans l’hémicycle, que j’ai conclu – Francis Vercamer s’en souvient – en disant que derrière chaque niche fiscale, ce n’était pas un chien qu’on trouvait, mais bien une meute ! Je ne peux que vous encourager, madame la ministre, à tenir bon pour mener à bien les efforts nécessaires de réorientation dans le ministère prioritaire qui est le vôtre, compte tenu des difficultés rencontrées par les personnes sans emploi.

J’aimerais, pour finir, évoquer les écoles de la deuxième chance. Dans son rapport, Christophe Castaner explique que les difficultés qu’elles rencontrent tiennent pour partie au retrait des collectivités territoriales. J’ai déjà alerté vos prédécesseurs et l’ensemble de la hiérarchie préfectorale sur les conditions dans lesquelles les subventions du Fonds social européen sont attribuées et recalculées a posteriori. Pour accueillir dans mon département du Val d’Oise une école de la deuxième chance, j’ai pu constater que mieux une école est gérée, plus elle est performante, plus les coûts de formation sont maîtrisés, plus elle est certaine de recevoir une moindre subvention du FSE. Cela oblige nos collectivités à faire des avances de trésorerie et cela condamne ces structures à vivre dans l’incertitude financière.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Beaucoup d’entre vous ont évoqué les derniers chiffres du chômage, que j’ai annoncés lundi dernier. Je voudrais que nous partagions le même constat à ce sujet.

La croissance démographique est, ainsi que l’a relevé M. Liebgott, une chance pour notre pays, mais c’est aussi un défi pour notre économie : on compte, chaque année, 850 000 entrées sur le marché du travail pour 700 000 départs à la retraite. À titre de comparaison, la réalité n’est pas la même en Allemagne : pour le même nombre de départs à la retraite, il n’y a que 680 000 entrées.

Vous avez évoqué, madame Dalloz, les mouvements de bascule qui peuvent exister entre différentes catégories. Nous sommes dans une phase de reprise progressive de l’activité économique. À cet égard, on considère souvent l’intérim comme un indicateur avancé de l’emploi. Or l’agence ADECCO, chez qui j’ai assisté à la signature du mille deux centième CDI intérimaire, m’a confirmé constater, semaine après semaine, une augmentation de 5 à 6 % de l’intérim.

J’aimerais faire le point avec vous sur ce que recouvrent les différentes catégories de demandeurs d’emploi. La catégorie A regroupe les demandeurs d’emploi qui n’exercent aucune activité, soit actuellement 3,54 millions de personnes. C’est dans cette catégorie que nous enregistrons une diminution de 23 800 demandeurs d’emploi, que j’ai annoncée lundi dernier, sans triomphalisme aucun. On peut se réjouir que 23 800 personnes aient ainsi retrouvé le chemin de l’emploi, mais personne ne crie victoire. Nous avons toujours dit que les chiffres au mois le mois n’avaient pas beaucoup de sens et qu’il fallait observer la tendance. Celle-ci est à la baisse sur les quatre derniers mois, mais il faut bien évidemment qu’elle s’amplifie.

La catégorie B comprend les demandeurs d’emploi qui ont travaillé moins de 78 heures au cours du mois, soit actuellement 717 000 personnes. Notez que 30 % d’entre elles ont un emploi à mi-temps.

La catégorie C compte 1,1 million de personnes. Savez-vous que 38 % d’entre elles, soit près de 450 000, exercent une activité à temps plein, et que 65 % occupent un emploi aux trois quarts temps, mais qu’elles restent inscrites à Pôle emploi parce qu’elles souhaitent changer d’emploi ? Telle est la réalité. Si nous voulons vraiment avoir un débat serein et posé à partir d’un vrai diagnostic, il me semble important de vous apporter ces éléments d’information.

Le basculement d’une partie des demandeurs d’emploi de la catégorie A vers les catégories B et C atteste de la reprise progressive de l’activité. Une chose est sûre : nous n’avons pas eu autant de créations nettes d’emplois depuis longtemps, et le frémissement que l’on sent dans le secteur du bâtiment est déterminant tant pour l’apprentissage que pour l’emploi.

En tant que ministre de l’emploi et du travail, je rappelle – c’est un point essentiel – que ce budget ne reflète pas l’ensemble de la politique du Gouvernement dans le domaine de la création d’emplois. C’est la politique économique qui permet aux entreprises de retrouver des marges et de créer des emplois. En la matière, le cap est clair : nous avons mis en place le pacte de responsabilité, et il faut désormais que les branches professionnelles qui ont signé ou vont signer ce pacte tiennent leurs engagements.

En revanche, ce budget est le miroir des politiques de l’emploi. Il est essentiel que nous ayons une véritable stratégie concernant les métiers d’avenir, notamment dans le domaine de la transition énergétique, mais aussi les métiers en tension. À cet égard, il y a certes 300 000 emplois non pourvus, mais je ne voudrais pas laisser croire que les demandeurs d’emploi sont des paresseux ! La réalité est tout autre : l’enjeu pour nous est de permettre la reconversion professionnelle, alors que 94 % des Français estiment celle-ci compliquée.

Je ne veux pas me lancer dans une bataille de chiffres, en revenant par exemple sur l’augmentation du nombre de demandeurs d’emploi et l’extension du chômage des jeunes entre 2008 et 2012. Je ne suis pas non plus la ministre des pronostics. Je suis là non pas pour crier victoire, mais pour dire qu’il nous faut accompagner la reprise dont témoignent les indicateurs. Nous devons d’ailleurs le faire aussi par la parole : si nous continuons à parler, dans le débat public, de freins non financiers à l’apprentissage ou de réglementation trop lourde, alors que ces freins ont été levés aux dires même des organisations professionnelles que je rencontre – UPA, CGPME, CAPEB, FNSEA –, cela n’encourage pas les employeurs à recruter des apprentis ! Les mauvaises nouvelles ayant tendance à se diffuser très rapidement, il est important de porter aussi les bonnes, à savoir qu’il y a eu un changement dans le champ de l’apprentissage. Il faut le faire dans l’intérêt même des jeunes qui n’arrivent pas à trouver d’employeurs.

Madame Khirouni, le statut national d’étudiant-entrepreneur relève de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il a été créé précisément pour permettre aux étudiants et aux jeunes diplômés de conserver le bénéfice du régime social des étudiants et l’ensemble des droits liés au statut d’étudiant. Toutefois, dans certains cas, des difficultés peuvent se présenter sur les sujets que vous avez évoqués – accès aux aides au logement, maintien du RSA, compatibilité avec le régime social des indépendants. Ainsi que je l’ai indiqué, je souhaite renforcer l’accès des jeunes peu ou pas qualifiés à l’entreprenariat, notamment en favorisant les partenariats entre les pôles étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entreprenariat (PEPITE) et les missions locales. Aussi, je prendrai l’attache du secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et du ministre des finances et des comptes publics afin d’examiner les améliorations que nous pourrions apporter au dispositif, ainsi que vous l’avez suggéré.

Madame Khirouni et monsieur Vercamer, je partage votre intérêt pour les dispositifs locaux d’accompagnement (DLA). Depuis 2002, ils ont permis de consolider près de 562 000 emplois. La dotation budgétaire pour 2016 permettra la poursuite des conventions triennales conclues avec les structures porteuses de DLA, ainsi que le maintien du niveau d’activité du dispositif, à savoir l’accompagnement d’environ 6 000 structures d’utilité sociale. Cette dotation prend en compte l’anticipation d’une moindre demande d’accompagnement de la part des structures de l’insertion par l’activité économique (IAE), qui a été consolidée par la réforme de l’aide au poste.

Les évaluations réalisées montrent l’efficacité des DLA pour consolider économiquement les structures associatives, ce qui leur permet de développer et de pérenniser l’emploi en leur sein. En effet, les associations accompagnées par le DLA enregistrent de meilleurs résultats en termes de croissance des effectifs et de recours au CDI. De mon point de vue, les DLA sont donc un dispositif pertinent pour soutenir l’emploi dans le secteur associatif. Vous noterez d’ailleurs que, lundi dernier, j’ai annoncé les chiffres du chômage depuis le siège de La Varappe à Aubagne, structure qui emploie près de 1 000 personnes par an. Le retour des crédits à leur niveau de 2015 permettrait effectivement d’adresser un signal et de mieux prendre en compte les objectifs de la loi relative à l’économie sociale et solidaire. Je comprends donc tout à fait votre préoccupation à ce sujet.

S’agissant du Fonds de cohésion sociale (FCS), la dotation prévue pour 2016 est en ligne avec la consommation constatée en 2015, qui s’est établie à 19,3 millions d’euros. Le FCS permet de garantir chaque année près de 24 000 prêts pour des demandeurs d’emploi ou des bénéficiaires de minima sociaux qui créent leur entreprise.

Je fais une parenthèse : nous expérimentons actuellement, dans l’Oise, avec le réseau d’accompagnement BGE – Boutique de gestion pour entreprendre –, un dispositif de soutien à trente jeunes en emploi d’avenir qui créent leur entreprise. J’attends beaucoup de cette expérimentation. Il faut l’examiner de près pour voir dans quelle mesure nous pourrions orienter des jeunes en emplois d’avenir vers la création d’entreprise. En tout cas, cette action est cohérente avec la mise en place de l’Agence France Entrepreneur.

Je comprends la pertinence d’un amendement qui abonderait les crédits du FCS, afin d’amplifier la capacité d’engagement des acteurs du microcrédit et de soutenir encore plus fortement la dynamique de création d’entreprises : lorsque l’on crée une entreprise, on crée son propre emploi, puis on peut en créer d’autres. Au-delà des contrats aidés, la création d’entreprise est un vecteur majeur dans la lutte contre le chômage. J’y suis donc très attentive. Toutefois, dans certains territoires, si l’on crée des entreprises, c’est parce que les discriminations à l’embauche sont extrêmement fortes. C’est pourquoi nous menons d’autres actions en parallèle : campagne de testing – tests de discrimination ; développement du parrainage, notamment avec l’association « Nos quartiers ont des talents », qui s’adresse aux jeunes diplômés de niveau bac plus 4 ou bac plus 5 issus des quartiers populaires ; mise en place de l’Agence France Entrepreneur.

Monsieur Liebgott, l’extension de la garantie jeunes à tous les territoires volontaires en 2016 a été entérinée dans le cadre de la conférence sociale du 19 octobre dernier. En pratique, un appel à candidatures sera adressé aux préfets dans les tout prochains jours, et un courrier sera envoyé aux conseils régionaux et départementaux. Les candidatures seront recensées et analysées en décembre. Les candidatures volontaires des missions locales et des services de l’État bénéficiant d’un appui du conseil départemental seront toutes retenues.

Vous m’avez interrogée, monsieur Perrut, sur l’extension de l’aide TPE-jeunes apprentis. J’ai bien saisi que l’objectif de votre proposition était double : d’une part, éviter l’effet de seuil, c’est-à-dire faire en sorte que la concentration du dispositif sur les apprentis mineurs ne défavorise pas l’emploi des jeunes majeurs ; d’autre part, cibler les bas niveaux de qualification. Selon moi, l’objectif de l’aide TPE-jeunes apprentis est bien de relancer l’apprentissage des mineurs, qui sont aussi les moins qualifiés. Je vous redonne les chiffres : la part des mineurs dans les entrées en apprentissage est passée de 50 % en 2011 à 38 % en 2013, et la proportion des entrées en apprentissage visant à préparer une formation de niveaux V et IV est passée à de 73 % en 2009 à 63 % en 2014, alors même que l’efficacité de l’apprentissage en matière d’insertion professionnelle est plus marquée pour ces niveaux de diplôme. L’aide TPE-jeunes apprentis a rééquilibré les choses en faveur des mineurs et des moins qualifiés, conformément à son objectif. Quand on parle des « chefs d’entreprise de demain », notamment dans l’artisanat, on vise clairement les bas niveaux de qualification.

D’autre part, ce sont surtout les petites entreprises qui recrutent des apprentis, ce qui motive le ciblage de l’aide sur les entreprises de moins de onze salariés. Je tiens d’ailleurs à saluer les organisations professionnelles – l’UPA, la CGPME, la FNSEA, la CAPEB – qui ont beaucoup relayé l’information sur l’aide TPE-jeunes apprentis. Il est encore trop tôt pour dire si l’augmentation de 6,5 % des entrées en apprentissage que nous avons constatée entre juin et septembre est due à l’aide. En tout cas, la levée de l’ensemble des freins a contribué à ce résultat.

Vous m’avez interrogée, monsieur Vercamer, sur les élections prud’homales et sur la mesure de la représentativité syndicale et patronale. Nous souhaitons refonder notre système de relations sociales en indexant la représentativité des organisations syndicales et patronales sur leur audience réelle auprès des salariés et des entreprises. Les élections professionnelles des salariés des TPE à la fin de l’année 2016 seront une étape majeure à cet égard. Elles permettront également de composer les nouvelles commissions paritaires régionales. Le cycle actuel de mesure de l’audience s’achèvera à la fin de l’année 2017, pour un coût de 33 millions d’euros. Il servira de base à la désignation des conseillers prud’hommes, en lieu et place du scrutin spécifique qui était organisé jusqu’à présent. L’ordonnance correspondante fait actuellement l’objet d’une concertation avec les organisations syndicales et patronales. Elle sera prête au début de l’année 2016.

C’est non pas le ministère du travail, mais celui de la justice qui est chef de file pour la réforme de la procédure prud’homale. Mais je suis cette réforme de près, car je suis bien évidemment attachée, vous l’imaginez, à l’amélioration du règlement des litiges qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail et à la réduction des délais. Beaucoup de mes interlocuteurs insistent sur ce point, à juste titre. La loi du 6 août 2015 comprend des dispositions qui visent à simplifier les procédures et à réduire les délais, inspirées du rapport de M. Alain Lacabarats. Ainsi, il sera possible de passer directement de la conciliation à la formation de départage, soit en cas d’accord entre les parties, soit en raison de la nature de l’affaire. La loi instaure aussi une formation initiale obligatoire de cinq jours commune aux conseillers salariés et employeurs, qui sera dispensée à l’École nationale de la magistrature. Elle sera opérationnelle dès 2018.

Vous avez également appelé mon attention sur la baisse des crédits dédiés à la santé au travail. Ceux-ci s’élèveront à 25,3 millions d’euros en 2016. Quant aux crédits d’études et de recherche, ils sont bien sûr maintenus, compte tenu notamment de l’actualité que vous avez évoquée. Comme dans tous les ministères, les subventions aux opérateurs sont ajustées en tenant compte de la marge de réduction de leur fonds de roulement, tout en préservant leur capacité d’action. En 2014 et 2015, l’État a souhaité préserver ses opérateurs, notamment l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), prenant en considération l’effort important de réforme qu’elle consent à la suite du rapport de la Cour des comptes. Cette réforme est conduite conformément aux conclusions des partenaires sociaux.

Je souhaite renforcer la cohérence des outils de programmation stratégique. La loi relative au dialogue social et à l’emploi a donné une existence légale au Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT). Réunis en son sein, les partenaires sociaux – Christophe Sirugue a salué avec raison la dynamique dans laquelle ils se sont engagés – ont défini des orientations stratégiques pour le nouveau plan santé au travail, que je lancerai dans les prochaines semaines. Ce plan mettra l’accent sur la prévention, en rupture avec une logique fondée uniquement sur la réparation. Ainsi que je l’ai déclaré récemment au cours d’un colloque sur les conduites addictives, il faut diffuser partout la culture de la prévention. Le nouveau plan permettra d’améliorer les conditions de travail et de maintien dans l’emploi et, partant, la performance sociale des entreprises, qui va de pair, selon moi, avec leur performance économique. Il faudra, bien sûr, renforcer les acteurs de l’entreprise.

Mme Rabin et M. Sirugue m’ont interrogée sur l’investissement en faveur des travailleurs en situation de handicap. Ségolène Neuville et moi-même avons prévu d’organiser, au cours du mois de novembre, au ministère du travail, une conférence rassemblant les organisations syndicales et professionnelles sur le thème du handicap, car il est essentiel que soient conclus, dans l’ensemble des entreprises, des accords sur l’accès au travail de ces personnes et sur l’utilisation des moyens de l’AGEFIPH. Le ministère du travail doit continuer de s’impliquer, même en tant que chef de file, dans ce domaine. Ainsi, le taux de contrats aidés destinés aux personnes handicapées est passé de 9 % à près de 12 %. Nous devons poursuivre dans cette voie, mais il importe que nous sensibilisions davantage les partenaires sociaux à cette question, car la négociation collective doit occuper une place plus importante. Au reste, le dialogue social tel qu’il se déroule au niveau national ne reflète pas ce qu’il est à l’échelle des entreprises, comme en témoignent les quelque 35 000 accords d’entreprises signés à ce jour.

Concrètement, le budget prévoit le financement de 500 aides au poste supplémentaires, et les crédits de subventions spécifiques sont maintenus, s’établissant à 40 millions d’euros, comme en 2015.

Au-delà de la mobilisation des organisations professionnelles, j’interroge chaque mois les préfets de région, ainsi soumis à une pression constante, sur le taux d’accès des personnes en situation de handicap aux contrats aidés. Il s’agit, avec l’emploi des jeunes des quartiers « politique de la ville », celui des seniors et des chômeurs de longue durée, de l’un des quatre indicateurs que j’ai imposés, notamment aux directeurs régionaux de Pôle Emploi.

Vous vous êtes inquiété, monsieur le président, du financement par le FSE des écoles de la deuxième chance dont j’ai rencontré, la semaine dernière, la présidente de la fédération, Édith Cresson. J’ai en effet eu vent des difficultés rencontrées par trois établissements franciliens, où nous sommes intervenus en pompiers afin que les jeunes puissent y être accueillis. Il s’agit, là encore, de mener une action cohérente. Dans la mesure où le chômage, en France, touche principalement des personnes peu ou pas qualifiées – on dénombre 150 000 jeunes décrocheurs chaque année –, nous devons étoffer notre palette de réponses à destination de ces publics. Les écoles de la deuxième chance en font partie, de même que la grande école numérique – à peine un mois après son lancement, 150 collectivités ont déjà répondu à l’appel d’offres –, l’EPIDE, la Garantie jeune, les missions locales et le service militaire volontaire. C’est en effet en partant des difficultés des intéressés et en multipliant les réponses de façon à faire du cousu main que nous gagnerons en crédibilité auprès de jeunes qui ont perdu confiance.

Cela dit, l’intervention du FSE se caractérise trop souvent par une « insécurisation » financière des bénéficiaires. J’ai donc demandé la création d’une mission d’évaluation destinée à me faire, d’ici à début 2016, des propositions très concrètes en vue d’améliorer et de sécuriser l’accès des porteurs de projets à ce fonds. J’ai par ailleurs saisi la Caisse des dépôts et consignations, car celle-ci pourrait jouer un rôle d’interface entre le FSE et les demandeurs. En tout état de cause, il faut éviter que, deux ans après que les engagements ont été pris, des crédits ne soient toujours pas versés.

M. Dominique Lefebvre, président. Permettez-moi d’intervenir, madame la ministre, car il me revient en mémoire un des éléments du contentieux qui opposait l’école de la deuxième chance du Val d’Oise au FSE. Celui-ci demande, dans un souci de bon usage des deniers publics, que les opérateurs procèdent par appels d’offres avec mise en concurrence. Or, dans le cas de l’école du Val d’Oise, dont les coûts unitaires étaient du reste inférieurs à ceux de bien d’autres écoles, la mise en concurrence de petites associations pour des sommes limitées n’avait pas forcément de sens. Cependant, faute d’avoir respecté les procédures pour certains achats, elle s’est vue priver d’une partie très significative de ses subventions. Voilà une preuve supplémentaire du fait que les bonnes intentions peuvent avoir une traduction bureaucratique dénuée de sens ! Ma question portait donc surtout sur les conditions d’attribution des financements. Bien entendu, l’ancien magistrat de la Cour des comptes que je suis ne conteste pas la nécessité pour un fonds de s’assurer de la bonne utilisation de ses subventions, mais il ne faudrait pas que les procédures imposées aux opérateurs aboutissent à des situations ahurissantes.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. En effet. Cet excès de réglementation est cependant le fait, non pas de la France, mais des institutions européennes. Quoi qu’il en soit, je me dois, en tant que ministre, d’apporter une réponse à ce problème : nous ne pouvons plus intervenir en pompiers. Je m’engage donc à améliorer les choses, d’autant plus que nous demandons aux écoles de la deuxième chance d’accueillir davantage de public.

Mme Louwagie m’a interrogée sur l’articulation entre la Garantie jeune et le CIVIS, dont je rappelle qu’il permet aux jeunes peu ou pas qualifiés et aux jeunes demandeurs d’emploi de longue durée de bénéficier d’un accompagnement assuré par les missions locales et complété, pour les jeunes les plus en difficulté, par une allocation maximale de 1 800 euros par an. Du fait de l’expérimentation puis de la généralisation de la Garantie jeune, les crédits prévus pour le financement de l’allocation CIVIS se sont progressivement réduits. En effet, la Garantie jeune offre une sécurisation financière plus importante, d’un montant de 452 euros mensuels, contre 350 euros par mois en moyenne. Je précise qu’il s’agit d’un contrat donnant-donnant : si un jeune est absent d’une des séances de coaching renforcé par exemple, son allocation peut être remise en cause. Le dispositif s’adresse en priorité aux jeunes les plus en difficulté, auxquels elle offre un accompagnement renforcé, en lien avec l’ensemble des entreprises du territoire, ce qui permet, puisqu’il s’agit de déterminer avec le jeune la formation qu’il souhaite suivre, de le mettre en situation professionnelle pendant une semaine. La première évaluation de la Garantie jeune, qui doit intervenir fin 2016, nous permettra d’approfondir la réflexion sur l’articulation entre ces différents dispositifs et sur l’évolution globale de l’offre de services des missions locales.

Le montant des crédits alloués à ce dispositif dans le projet de loi de finances pour 2016 est de 203,4 millions d’euros, contre 159,7 millions dans le projet de loi de finances pour 2015. Pour avoir souvent rencontré des jeunes, à Avignon par exemple, durant la phase d’expérimentation du dispositif, je sais que celui-ci présente plusieurs avantages. Tout d’abord, il redonne confiance en eux à des jeunes qui avaient entièrement disparu des radars et qui ne voulaient plus participer aux dispositifs existants, notamment les missions locales. Il s’agit de leur tendre la main. Ensuite, on prend le temps, et c’est essentiel, de construire avec eux un projet professionnel, en les mettant en situation en entreprise. Certains trouvent un emploi, d’autres une formation ou un contrat d’apprentissage. Il s’agit donc d’un dispositif intelligent, créé à partir des besoins des bénéficiaires. Après une phase d’expérimentation, il sera généralisé l’an prochain. Cela prend du temps, mais l’action publique s’inscrit dans la durée.

Par ailleurs, je crois beaucoup au Service militaire volontaire. Celui-ci consiste, je le rappelle, à transposer en métropole le Service militaire adapté (SMA), qui existe depuis près de quarante ans outre-mer et qui enregistre chaque année un taux de sorties positives de 60 % à 70 %, sachant que 30 % de ses bénéficiaires sont en situation d’illettrisme avant leur entrée au SMA. Ces résultats sont donc encourageants. Hier, un centre de cent places a été inauguré à Montigny-lès-Metz. Nous y avons rencontré des jeunes hyper motivés et des encadrants d’une grande qualité. La formation dispensée est non seulement civique, et c’est essentiel, mais aussi professionnelle ; elle offre, en outre, la possibilité d’acquérir le permis de conduire, dont seulement 20 % des jeunes que nous avons rencontrés hier, par exemple, sont titulaires. C’est un élément important, compte tenu du coût que cela représente et de la nécessité d’être mobile, notamment pour les jeunes de milieu rural.

Outre celui de Montigny-lès-Metz que nous avons visité hier, deux autres centres de SMV seront créés dans les prochaines semaines – à Brétigny-sur-Orge d’abord, puis à La Rochelle à la fin de l’année ou au début de l’année prochaine – et un quatrième ouvrira à Châlons-en-Champagne en 2016. Le dispositif est piloté par le ministère de la défense, mais il conviendra qu’après environ deux ans d’expérimentation, le ministère du travail s’y engage également financièrement. J’ajoute que nous sollicitons actuellement le FSE dans le cadre de ce projet qui, je le répète, constitue une réponse essentielle, complémentaire de celles qu’offrent l’EPIDE, les missions locales ou les écoles de la deuxième chance.

Mme Louwagie m’a également interrogée sur la réforme des exonérations zonées. Le PLFSS prévoit en effet l’extinction progressive des dispositifs d’exonérations sociales applicables aux zones de revitalisation rurale (ZRR), aux zones de restructuration de la défense et aux bassins d’emploi à redynamiser. Cette mesure a été proposée en raison de l’évaluation négative de l’impact de ces dispositifs sur l’emploi et de leur coût pour les finances publiques. Elle est en cohérence avec la montée en charge du pacte de responsabilité et s’inscrit dans le contexte plus large de la réforme du zonage des ZRR. En première lecture, votre assemblée a cependant supprimé cet article du PLFSS, dans le souci de soutenir les territoires fragilisés. Des mesures seront donc prises à l’issue des débats parlementaires afin d’assurer la compensation du dispositif d’exonérations, soit par un abondement de crédits, soit par voie d’affectation fiscale.

Jean-Patrick Gille m’a interrogée sur la formation des personnes en ateliers et chantiers d’insertion. Une négociation est en cours, qui doit aboutir très rapidement, avec les Organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) en vue d’améliorer le taux de prise en charge des heures de formation de ces personnes. J’ai été beaucoup sollicitée à ce sujet depuis ma prise de fonctions.

Enfin, Mme Louwagie a évoqué les crédits de l’apprentissage. L’effort financier de l’État en faveur de l’apprentissage s’élèvera à 2,74 milliards d’euros en 2016, contre 2,52 milliards en 2015 ; il a ainsi augmenté de 382 millions depuis 2014. Cet effort retrouvera donc, l’an prochain, le niveau auquel il s’établissait en 2013, avant la réforme des primes à l’apprentissage, mais il s’appuiera désormais sur des dispositifs mieux ciblés afin de produire un plus grand effet levier sur le développement de l’apprentissage. Hors compensation des primes aux régions, les crédits dédiés par l’État au soutien et au développement de l’apprentissage progressent de 495 millions entre 2013 et 2016, marquant ainsi l’importance de l’engagement du Gouvernement dans ce domaine.

M. Dominique Lefebvre, président. Madame la ministre, je tiens à vous remercier, vous et vos collaborateurs, au nom de l’ensemble de mes collègues. Vous avez pris vos fonctions il y a moins de deux mois, et nous avons pu constater que vous les aviez pleinement investies, sans pour autant vous éloigner de la réalité du terrain.

La réunion de la commission élargie s’achève à onze heures quarante-cinq.

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