Accueil > Projet de loi de finances pour 2016 > Les comptes rendus des commissions élargies (plf 2016) > Compte rendu intégral

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Assemblée nationale

commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires culturelles et de l’éducation

(Application de l’article 120 du Règlement)

Lundi 2 novembre 2015

Présidence de M. Gilles Carrez,
président de la Commission des finances,
et de M. Patrick Bloche,
président de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation

La réunion de la commission élargie commence à dix-sept heures dix.

projet de loi de finances pour 2016

Culture

M. le président Gilles Carrez. Madame la ministre de la culture et de la communication, nous en venons à l’examen des crédits de la mission « Culture ».

M. le président Patrick Bloche. Ce budget dessine des perspectives heureuses, et apporte la démonstration que la culture est une priorité du Gouvernement : il est en effet en augmentation de 33 millions d’euros. Nous vous en remercions, madame la ministre, comme nous remercions le Premier ministre de ses arbitrages favorables. Comment ne pas se réjouir également du fait que le projet de loi sur le dialogue social ait enfin apporté cette année une réponse à la situation des intermittents du spectacle, et que le débat sur la décentralisation ait confirmé que la culture demeurerait une compétence partagée ? Enfin, je rappelle que nous avons examiné, en premier lecture, le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. Les crédits pour 2016 donneront au ministère de la culture les moyens de réaliser ses ambitions dans ces domaines.

C’est dans ce contexte favorable que nos deux rapporteurs pour avis, Mme Marie-Odile Bouillé et M. Michel Piron, ont travaillé. Ils se sont pleinement investis dans leur tâche et je veux ici les en remercier. Mme Bouillé s’est penchée sur la contribution des scènes nationales à la diffusion de la création artistique. M. Piron s’est intéressé, de façon très originale, à l’économie des musées, en posant une question presque métaphysique : peut-on vivre de ses seules recettes ?

M. Michel Piron, rapporteur pour avis. de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour le programme 175 « Patrimoines ». Si vous me permettez cette incise, monsieur le président, s’agissant des musées, c’est là une question plus physique que métaphysique. (Sourires.)

M. le président Patrick Bloche. En tout cas, la barre est placée très haut.

M. le président Gilles Carrez. Nous allons d’abord entendre les rapporteurs spéciaux de la commission des finances : vont-ils nous confirmer que ce budget est bon par le simple fait que ses crédits augmentent ?

M. Pierre-Alain Muet, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les programmes 131 « Création » et 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Mais oui, monsieur le président. (Sourires.)

Madame la ministre, messieurs les présidents, mes chers collègues, le budget de la mission « Culture » est en forte progression en 2016. Les crédits de paiement augmentent de 5,8 % après deux années de baisse et une stabilisation l’an dernier. En particulier, les crédits du programme 131 « Création » progressent de 1,6 % par rapport au projet de loi de finances pour 2015, et ceux du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de 1,9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015.

Ayant plaidé inlassablement ces dernières années pour que le budget de la culture soit sanctuarisé, je ne peux que me réjouir de voir ce budget augmenter, et s’inscrire dans les priorités du Gouvernement. Les financements alloués à la culture constituent pour une société des investissements fondamentaux, au même titre que ceux consacrés à l’éducation, à l’enseignement supérieur et à la recherche.

Parce que l’art contribue de façon majeure au patrimoine d’une nation et en est le ciment le plus fondamental, c’est un investissement encore plus indispensable en temps de crise. Jack Lang ne disait pas autre chose, dans un contexte économique similaire, en 1982, lorsqu’il plaidait pour « investir dans l’intelligence et l’imagination plutôt que de se soumettre à la fatalité de prétendues lois internationales » – et il doublait le budget de la culture.

Tous les grands projets culturels ont des effets induits élevés sur l’activité économique, comme l’illustrent les retombées évidentes des grands investissements du passé, qui font aujourd’hui la renommée de notre pays. Cela a été bien compris par toutes les grandes métropoles européennes : toutes, elles consacrent une part importante de leur budget à la culture. Il est indispensable que l’État soutienne et même encourage le lancement de grands projets culturels et ne se contente pas dans ce domaine d’une vision budgétaire et comptable.

C’est pourquoi j’ai soutenu ces dernières années le beau projet de la Philharmonie de Paris. Par son architecture, par son inscription dans l’espace urbain, par la qualité de son acoustique, la Philharmonie représente aujourd’hui une révolution comparable à celle, dans les années soixante, de la Philharmonie de Berlin.

La fréquentation de la Philharmonie – comme celles des nouveaux musées du Louvre-Lens, de Centre Pompidou-Metz ou du MuCEM à Marseille – témoignent de ce que ces grands projets ont trouvé leur public.

Je me penche dans mon rapport sur deux projets plus modestes mais importants pour nos grandes institutions culturelles.

Le premier, c’est la rénovation des Ateliers Berthier, créés par Garnier pour concevoir les décors de l’Opéra de Paris. Il pourrait, dans la zone d’aménagement concerté (ZAC) de Clichy-Batignolles, en plein développement, rassembler quatre opérateurs majeurs du spectacle vivant : l’Opéra, l’Odéon, la Comédie française et le Conservatoire national supérieur d’art dramatique. L’objectif est de mutualiser des espaces de création, de répétition et de spectacle. Il y a là un formidable potentiel dans un lieu exceptionnel.

Le second, c’est l’extension des locaux du Conservatoire national supérieur de musique et danse de Lyon. Celui-ci et son homologue parisien sont les seuls établissements supérieurs culturels placés sous tutelle exclusive de l’État ; leur cursus universitaire s’inscrit dans le schéma licence, master, doctorat. Mais le Conservatoire de Lyon ne possède qu’une petite salle publique de 250 places, qui n’est adaptée ni à la danse, ni au lyrique, ni à un véritable ensemble symphonique. L’ensemble des parties consultées, y compris la Cour des comptes, reconnaissent l’inadaptation des locaux actuels, alors même que des terrains appartenant à des entités publiques sont disponibles autour du Conservatoire.

S’agissant du programme 224, je me félicite des moyens consacrés à l’amélioration de la vie étudiante, du rétablissement des subventions aux conservatoires régionaux – qui avaient fortement diminué – et de la forte progression des crédits de l’éducation artistique et culturelle.

Tous les enseignants savent que c’est d’abord la passion que l’on transmet. Or qui mieux que l’artiste peut transmettre la passion ? Il faut avoir vu le quatuor Debussy travailler avec les enfants des écoles de la Croix-Rousse – vous me pardonnerez de citer ma propre circonscription – pour mesurer ce qu’apporte ce contact entre l’artiste et l’enfant. Cette mission d’éducation devrait être mieux reconnue dans le statut des intermittents : il serait par exemple judicieux d’augmenter le volume d’heures d’enseignement pouvant être assimilées à des heures travaillées au titre de l’annexe 10, comme le suggère l’excellent rapport de Jean-Patrick Gille et Christian Kert.

L’action publique est essentielle pour que la création se perpétue dans le spectacle vivant – je ne reprends pas ici mon refrain favori sur la loi de Baumol. J’espère, madame la ministre, que le signal positif donné par ce budget se poursuivra à l’avenir.

J’émets, vous l’avez compris, un avis très favorable à l’adoption de ces crédits.

M. Jean-François Lamour, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour le programme 175 « Patrimoines ». Le budget de la mission « Culture » pour 2016 bénéficie d’un effort supplémentaire de 46 millions d’euros par rapport au triennal. Je relève toutefois qu’au vu de la répartition de cette enveloppe supplémentaire entre les trois programmes de la mission, le programme « Patrimoines » ne paraît pas, madame la ministre, constituer pour vous une priorité.

Le projet de loi de finances pour 2016 se caractérise, pour le programme « Patrimoines », par un changement de périmètre important, du fait de la budgétisation de la redevance d’archéologie préventive (RAP) à hauteur de 118 millions d’euros. Les crédits du programme sont portés en conséquence à 912,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et 873,6 millions d’euros en crédits de paiement. Hors effets de périmètre, l’augmentation des crédits est légère – un peu plus de 2 millions d’euros en crédits de paiement – mais elle permettra, il faut le reconnaître, de revaloriser les subventions de la plupart des opérateurs, qui avaient fortement contribué à l’effort de redressement des comptes publics en début de législature.

Madame la ministre, je souhaite appeler ici votre attention sur plusieurs sujets.

L’an dernier, j’avais centré mes travaux sur la politique publique d’archéologie préventive et insisté sur ses difficultés de financement. La budgétisation de la redevance d’archéologie préventive était indispensable : on ne pouvait laisser perdurer la situation d’insécurité permanente dans laquelle étaient plongés tous les acteurs de l’archéologie préventive, et qui obligeait le ministère à se porter au secours de la trésorerie de l’Institut de recherches archéologiques préventive (INRAP) plusieurs fois par an. En contrepartie des efforts consentis par l’État en direction de l’INRAP – budgétisation de la RAP et augmentation de sa subvention –, j’estime qu’il est indispensable que l’INRAP mette en place une comptabilité analytique ; en particulier, cet organisme doit faire preuve d’une plus grande transparence sur la question de l’étanchéité entre les activités relevant de sa mission de service public et celles relevant du secteur concurrentiel. Je souhaite également insister sur la nécessité d’apurer la dette du Fonds national pour l’archéologie préventive (FNAP) dans un délai de deux ans, notamment par des dégels de crédits en fin de gestion. Cette dette s’élève à 40 millions d’euros environ. Qu’entend faire le Gouvernement à cet égard ?

Ma deuxième question portera sur le financement du schéma directeur de restauration et d’aménagement du Grand Palais. Le dossier ne semble pas avoir beaucoup progressé depuis l’avis favorable du Commissariat général à l’investissement l’an dernier. Or il y a urgence, compte tenu de l’état du bâtiment et des échéances à venir – je pense à la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2024 et à l’Exposition universelle de 2025. Pouvez-vous nous préciser l’état d’avancement de ce dossier, qui traîne beaucoup trop en longueur à mon goût ?

Enfin, dans le cadre de la préparation de mon rapport spécial, je me suis déplacé au château de Fontainebleau et au MuCEM.

L’établissement public du château de Fontainebleau nourrit l’ambitieux projet de porter à 700 000 le nombre de visiteurs du château et d’en faire une alternative, avec d’autres sites de Seine-et-Marne, au circuit touristique classique Louvre-Versailles, frappé d’embolie. Vous avez décidé d’accompagner ce projet en mettant en place un schéma directeur de rénovation. Je soutiens totalement les ambitions de cet établissement public, qui dispose d’un patrimoine remarquable qu’il faut mieux mettre en valeur. En revanche, je regrette que le schéma directeur fasse la part belle à la mise aux normes et aux travaux de sécurité, certes indispensables, mais ne dise pas grand-chose de la valorisation du patrimoine du château. Or il y a beaucoup de salles dont les décors doivent être rénovés ; en l’état actuel des choses, cela ne pourra se faire que par le biais du mécénat. Ne craignez-vous pas que ce décalage entre mise aux normes et rénovation des grands décors obère la capacité de l’établissement à atteindre ses objectifs de développement ?

Quant au MuCEM, c’est un très bel outil, une vraie réussite architecturale qui bénéficie d’un emplacement privilégié au cœur de la ville et face à la mer. J’ai pourtant une inquiétude quant au devenir de cet établissement ; la Cour des Comptes a également soulevé différentes questions dans son rapport annuel. Le musée est certes encore jeune, et il faut sans doute lui laisser du temps. Cependant, passé l’effet de curiosité des premiers mois, la fréquentation est en baisse sensible et j’ai le sentiment que le musée souffre d’un certain isolement par rapport à son environnement – la ville de Marseille principalement, mais plus largement toutes les collectivités territoriales. Les Marseillais – élus locaux et habitants – semblent avoir du mal à se l’approprier. Quel regard portez-vous sur l’avenir du MuCEM ?

Mme Marie-Odile Bouillé, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour les programmes 131 « Création » et 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Je me réjouis du fait que les crédits en faveur de la création artistique, d’une part, et de la transmission des savoirs et de la démocratisation de la culture, d’autre part, connaissent, dans le projet de loi de finances pour 2016, une augmentation significative. Celle-ci s’inscrit d’ailleurs dans celle, plus générale, du budget du ministère de la culture et de la communication.

En effet, le programme 131 « Création » voit ses moyens renforcés, tant en crédits de paiement que, plus nettement encore, en autorisations d’engagement. Les conditions matérielles de la liberté de création et de diffusion, réaffirmée dans le projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine que nous venons d’examiner en première lecture, devraient donc en être améliorées et bénéficier de nouveaux investissements.

Le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » voit la poursuite de la progression continue de ses financements engagée depuis trois ans. Il est en effet essentiel que la formation des artistes et des publics, qui conditionne évidemment non seulement la création future mais aussi sa réception, puisse disposer d’un cadre solide et durable. C’est précisément ce cadre que renforce ce budget. Je donne donc un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Culture ».

J’aimerai cependant, madame la ministre, vous faire part de quelques réflexions et vous soumettre quelques questions.

La décentralisation culturelle, l’accès de tous à la culture, qui semblait une utopie du XXe siècle, paraît être en voie de se réaliser. Depuis le début des années soixante, de nombreuses institutions culturelles ont été implantées partout sur notre territoire ; ce mouvement a été rendu possible par une politique publique volontariste, associant l’État, représenté par le ministère de la culture et de la communication et ses directions régionales des affaires culturelles (DRAC), et les collectivités territoriales. Au moment où s’engage un nouveau tournant de la décentralisation, accompagné d’une reconfiguration des régions, comment envisagez-vous l’avenir des DRAC ? En particulier, comment maintenir les liens forts, tissés depuis des décennies entre des équipes de conseillers et leurs interlocuteurs, qui sont aussi divers que les actions culturelles elles-mêmes ?

La partie thématique de mon rapport porte sur les scènes nationales. Celles-ci sont éminemment représentatives de la politique menée en matière de labels et de réseaux nationaux. Généralistes par leur programmation, développées et implantées sur tout le territoire, elles sont essentielles à la création, tant en région qu’en banlieue parisienne ; elles constituent un réseau très divers, mais uni par valeurs communes.

Si la part des financements de l’État n’est, en moyenne, que d’un tiers environ, ces moyens déconcentrés sont un levier essentiel de l’action publique et la condition matérielle indispensable de la liberté réelle de programmation des scènes nationales. Mais leur budget repose principalement sur les subventions des villes ou des agglomérations où elles sont implantées et, dans une moindre mesure, sur leurs ressources propres et les subventions des départements et des régions. Dès lors, un accord entre les différents partenaires est indispensable. La fragilité structurelle des financements pluriels des scènes nationales a été soulignée par tous les responsables auditionnés. Dès lors, seul un engagement politique fort est à même de leur permettre d’atteindre un équilibre budgétaire de toute façon précaire.

Or il semble qu’un certain nombre de collectivités territoriales, en particulier des villes, diminuent, parfois de façon très importante, leur participation au financement de leur scène nationale. Disposez-vous d’ores et déjà d’éléments chiffrés sur le désengagement des collectivités territoriales du budget des scènes nationales et, plus largement, des structures labellisées ?

La proportion des crédits alloués à l’Île-de-France est en augmentation cette année. Mais votre ministère a souligné l’importance du rôle des opérateurs, pour la plupart situé sur le territoire francilien, dans la mission de démocratisation et de décentralisation culturelle qui est chère à la députée de province que je suis. J’ai noté notamment l’implication de la nouvelle Philharmonie dans cette mission : elle doit en effet contribuer au dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale (DEMOS), destiné en particulier aux publics éloignés de la culture. Pouvez-vous nous détailler les objectifs et moyens concrets assignés à la Philharmonie pour soutenir le projet DEMOS ? Quelles mesures entendez-vous prendre pour favoriser une meilleure implication des grands opérateurs parisiens sur l’ensemble du territoire, en collaboration avec les collectivités locales ?

S’agissant du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation culturelle », je connais votre attachement, madame la ministre, ainsi que celui du Gouvernement, à l’éducation artistique et culturelle. Or celle-ci passe également par la modernisation du système d’enseignement supérieur de la culture et par son rapprochement avec le système universitaire français. Dans ce cadre, et après les discussions qui ont eu lieu lors du vote, ici à l’Assemblée, du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, quelles mesures entendez-vous prendre afin de tendre au rapprochement du statut des professeurs des écoles territoriales de celui des professeurs des écoles nationales d’art pour mettre fin à une dissymétrie importante, notamment en termes de rémunération ? Selon quel calendrier ?

Dans le même esprit, envisagez-vous d’étendre aux élèves des classes préparatoires publiques dans les domaines de la culture autres que les arts plastiques le statut d’étudiant leur permettant d’adhérer au régime d’assurance sociale étudiante et de prétendre aux bourses de droit commun pour l’enseignement supérieur ?

M. Michel Piron, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour le programme 175 « Patrimoines ». Le budget du programme 175 est en hausse et les subventions retranchées aux opérateurs lors des exercices 2013 et 2014 leur sont partiellement restituées : le Gouvernement s’en réjouit, et c’est bien compréhensible. Les autorisations d’engagement sont relevées de 165,5 millions d’euros. Les crédits de paiement augmentent de 121 millions d’euros, dont 118 servent à reconstituer la dotation des opérateurs de l’archéologie préventive. Cette reconstitution mise à part, les crédits de paiement sont à peu près reconduits. En revanche, les autorisations d’engagement augmentent de 48 millions d’euros : 17,45 millions d’euros permettront de financer un nouveau stockage d’archives à Pierrefitte-sur-Seine, les châteaux de Versailles et de Fontainebleau se partageant 19 millions d’euros pour effectuer différents travaux.

Je me permets de glisser ici que nous restons loin du budget de 2012.

Le chantier du Grand Palais se voit allouer 11 millions d’euros. L’état de ce bâtiment est très préoccupant, comme j’ai pu le vérifier moi-même en parcourant la toiture : plus de 20 000 mètres carrés de toiture doivent être vérifiés. Les visiteurs des expositions du Grand Palais savent-ils qu’ils sont, sur une surface très importante, protégés par des bâches ? De plus, la logistique est très compliquée : il faut parfois détruire des cloisons pour faire rentrer des œuvres d’art, avant de les reconstruire lorsque les œuvres sont reparties… Voilà où nous en sommes.

Ce n’est pas sans conséquence sur l’organisation des expositions. Ce bâtiment est en réalité largement sous-utilisé, parce qu’on ne sait pas l’utiliser convenablement. La restauration et la mise aux normes de l’ensemble ont été évaluées à 430 ou 440 millions d’euros, dont 200 millions restent à trouver.

Quant aux musées, plusieurs modèles cohabitent désormais – musées stricto sensu et établissements publics de coopération culturelle notamment. Il y a le Louvre, mais aussi le Louvre-Lens ; il y a le Centre Pompidou, mais aussi le Centre Pompidou-Metz ; il y a les musées nationaux et les musées territoriaux… Ces différents modèles doivent nous amener à nous interroger.

Les autorités centrales et locales de la Ve République ont beaucoup investi dans les musées, et cette politique a obtenu des résultats spectaculaires, puisque la fréquentation des musées nationaux a triplé, celle des autres musées de France doublé. Mais les autorités qui ont financé les investissements peinent désormais, à l’évidence, à conserver les dotations de fonctionnement de ces établissements. Très peu de musées peuvent en effet vivre de leurs recettes d’exploitation : à Paris, cela ne concerne que le musée d’Orsay et le musée Rodin. Les lois fiscales et successorales ont certes fait beaucoup pour soutenir le mécénat et l’acquisition d’œuvres d’art ; mais les dons privilégient les institutions les plus célèbres et les plus fréquentées.

Ce budget est donc sans doute plus un budget de consolation que de promotion. Vous comprendrez que le rapporteur que je suis s’en remette à la sagesse de l’Assemblée nationale.

Je voudrais, en conclusion, vous poser plusieurs questions.

S’agissant du Grand Palais, espérez-vous obtenir les 200 millions manquants, et quand ? Il s’agit d’une urgence.

La Cité de l’architecture et du patrimoine devra assumer la charge de l’entretien de l’ensemble du palais de Chaillot en 2016. La Cour des comptes estime qu’une dotation supplémentaire est nécessaire, ainsi que des postes. Qu’en pensez-vous ?

Le musée du Quai Branly pourrait présenter un budget pour 2016 en déficit de 5 millions d’euros. Comment envisagez-vous de couvrir ce déficit ?

Enfin, vous avez annoncé le 30 septembre dernier l’acquisition conjointe par la France et les Pays-Bas, auprès d’un particulier résidant en France, des portraits du marchand Marten Soolmans et de son épouse Oopjen Coppit, peints par Rembrandt. Vous avez évoqué une « solution inédite » permettant de ne pas séparer les deux toiles : s’agit-il d’un achat en indivision ? Comment seront exposées les deux toiles ? Et, puisque nous siégeons aujourd’hui avec la Commission des finances, cet achat entraînera-t-il une déduction fiscale importante ?

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Je commence par remercier tous ceux qui ont souligné que ce budget était bon. Il va nous permettre de mettre en place différents projets, que j’ai exposés par exemple lors des Assises de la jeune création. Je pense aussi aux mesures issues de la stratégie nationale pour l’architecture. C’est donc un budget ambitieux, pas seulement d’un point de vue comptable, mais parce qu’il permet d’agir pour la culture.

Monsieur Muet, le projet de rénovation des Ateliers Berthier est en effet très important. Le ministère de la culture a lancé une étude de programmation en septembre 2015 ; nous en attendons les résultats en juin 2016. L’objectif est de répondre aux besoins des structures déjà présentes sur le site, tout en constituant un pôle théâtral majeur associant la Comédie française, le Théâtre de l’Odéon et notre prestigieux Conservatoire. Le coût est estimé à 20 millions d’euros environ. Il s’articule avec le projet d’un usage renforcé de la salle modulable de l’Opéra Bastille et du terrain « des délaissés », parcelle dont l’État est propriétaire à l’arrière de l’Opéra Bastille.

D’ores et déjà, 3 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1,5 million d’euros en crédits de paiement sont inscrits dans ce projet de loi de finance pour le lancement et la réalisation de différentes études de maîtrise d’œuvre qui seront nécessaires à la réalisation de l’opération.

C’est là une opération qui pourrait être emblématique, qui prendrait tout son sens au moment où l’ensemble du quartier connaît une transformation très importante, avec notamment l’installation du nouveau palais de justice conçu par Renzo Piano. Mais nous n’en sommes encore qu’au stade des études préalables.

S’agissant du Conservatoire de Lyon, les derniers mois ont également vu ce dossier avancer. La proposition de confier une étude complémentaire au cabinet de programmation architecturale Aubry et Guiguet a été validée lors du conseil d’administration du 31 mars 2015. Cette étude permettra de guider nos décisions, car deux emprises foncières sont susceptibles d’être aménagées : l’une au sud, l’autre au nord.

Le terrain situé au nord a été transféré du département à la métropole ; cette dernière est toujours disposée, je crois, à céder ce terrain. Au sud, c’est le terrain « CEMAGREF », initialement destiné à être vendu au prix du marché par le ministère de l’agriculture, mais placé par le préfet de région sur la liste des biens susceptibles d’être cédés par l’État à des prix décotés à condition qu’ils soient destinés au logement social. Ces deux politiques publiques pourraient être conciliées par un programme mixte destiné à la fois à construire des logements et à soutenir les missions du Conservatoire : la métropole a clairement indiqué que toute étude qui viendrait affiner les besoins du Conservatoire et proposer un pré-programme en ce sens serait bienvenue. Nous y travaillons.

Monsieur Lamour, vous dites que le patrimoine ne serait pas une priorité. Je tiens à rappeler ici que ce projet de loi de finances renforce le budget de ce programme, même si l’on ne tient pas compte de la budgétisation de la RAP. Les autorisations d’engagement augmentent de 49 millions d’euros, soit 6,5 %, dans un contexte économique qui demeure difficile. C’est là une évolution qui me paraît aller dans le bon sens.

J’ai notamment souhaité que la politique de conservation et de valorisation des patrimoines, qui concourt à l’égalité des territoires et au développement économique et touristique, et donc à l’emploi, bénéficie d’un soutien consolidé. L’archéologie préventive est sécurisée. Les crédits alloués aux monuments historiques progressent également : les crédits de paiement augmentent légèrement, et les autorisations d’engagement augmentent de 10 millions d’euros. Les crédits déconcentrés seront maintenus en ce qui concerne les autorisations d’engagement ; leur évolution est liée au cycle des investissements territoriaux. Enfin, un important programme d’investissement sera engagé dans le domaine des archives ; j’y reviendrai. Je reviendrai également sur les schémas directeurs.

S’agissant de la RAP, le mauvais rendement de la cette redevance et les difficultés de sa gestion ont mené ces dernières années à une sous-dotation structurelle du FNAP, comme vous l’aviez relevé dans vos rapports, ainsi que votre collègue Martine Faure. Malgré les concours budgétaires dégagés par le ministère, le FNAP n’a pu faire face à l’ensemble de ses obligations : les retards de décaissement sont excessifs, et l’impatience de ceux qui sont victimes de ces retards bien légitime. J’y suis d’autant plus sensible que ce sont souvent de petites entreprises. Cette situation anormale est dommageable aussi bien à l’archéologie préventive qu’aux entreprises concernées.

La budgétisation de la RAP en 2016 permettra de faire coïncider la dotation du FNAP et ses besoins ; il sera ainsi mis fin à l’accumulation des retards. C’est un excellent arbitrage que nous avons obtenu, à la suite des propositions de Martine Faure.

Sachez que je travaille parallèlement, avec le secrétariat d’État au budget, à un plan d’apurement, recommandé par la Cour des comptes. Il pourrait être lancé dès la fin de l’année 2015. Je note votre proposition de demander à l’INRAP de tenir une comptabilité analytique : ce serait en effet une mesure de bonne gestion. Mes services et moi-même sommes en tout cas, je vous l’assure, pleinement mobilisés pour régler de façon rapide et définitive les problèmes nés des retards de paiement.

Le Grand Palais, sur lequel M. Lamour et M. Piron m’ont interrogée, est effectivement un lieu essentiel au rayonnement international de Paris et de la France, du point de vue tant culturel et scientifique qu’événementiel. Le modèle économique sur lequel il repose est solide, mais pourrait sans doute l’être encore davantage si le bâtiment était mieux utilisé. En effet, l’aménagement actuel, pour des raisons logistiques ou de sécurité, ne tire pas le meilleur parti de ce lieu majeur et crée de nombreuses difficultés pour les exposants.

Nous avons donc lancé plusieurs études qui portent à la fois sur la restauration du monument, sur son aménagement, son programme culturel, et sur son équilibre économique. Ces études sont aujourd’hui très abouties. Les travaux d’urgence sont déjà financés, et engagés pour ce qui concerne la restauration du clos et du couvert. Les discussions interministérielles ont bien progressé dans la période récente. Elles restent ouvertes s’agissant du scénario à privilégier et du bouclage du plan de financement des prochaines étapes, mais nous devrions pouvoir vous annoncer au cours des semaines à venir la solution privilégiée par le Gouvernement. Elle contribuera à une meilleure exploitation du potentiel du bâtiment, parallèlement, bien sûr, à la mise en sécurité totale de l’équipement, qui représente l’investissement minimal à réaliser.

En ce qui concerne le schéma directeur d’aménagement du château de Fontainebleau, les évolutions de la réglementation en matière de sécurité nous ont conduits à privilégier, dans la première phase qui s’étend de 2015 à 2018, des travaux relevant d’urgences patrimoniales. Mais ces travaux permettront aussi d’ouvrir au public la cour Ovale, cœur historique et emblématique du château. Vous avez raison, monsieur Lamour : fort de son histoire et de sa richesse patrimoniale, celui-ci possède un fort potentiel de développement, probablement sous-exploité, alors qu’il permettrait de diversifier les parcours de visite, notamment touristique, en Île-de-France. Je suis tout à fait consciente de la nécessité de prévoir rapidement la restauration de certains décors, outre les travaux déjà engagés. Nous réfléchissons actuellement aux solutions envisageables pour conduire ces deux phases en parallèle, en recherchant des mécénats et des partenariats pour boucler le financement du projet.

Le MuCEM est une très belle réussite, une opération majeure – comme il n’en existe plus beaucoup ces derniers temps – de création d’un musée national hors de Paris et de l’Île-de-France, de création architecturale aussi. C’est un véritable succès public que le ministère de la culture continuera naturellement d’accompagner avec détermination. Les chiffres de fréquentation sont satisfaisants : les visiteurs étaient 650 000 en 2014, ce qui représente un très grand succès pour un musée non francilien. Le MuCEM propose une belle programmation, qui lui permet de toucher un public varié et de jouer le rôle de tête de réseau pour les musées de société. Son ancrage territorial est renforcé par une politique très dynamique de partenariats, par exemple avec le festival de Marseille, avec le théâtre de la Criée ou avec le Ballet national de Marseille. Le musée a également conclu une convention avec l’académie d’Aix-Marseille et la DRAC afin de développer des projets éducatifs, comme par exemple l’événement Panora’mixtes. Le ministère travaille, en étroite collaboration avec l’établissement public, au suivi des recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport public annuel. Mais, pour l’instant, le musée joue bien son rôle. On peut toujours faire mieux, et nous y œuvrons. Quoi qu’il en soit, le succès public ne se dément pas après les premières années suivant l’inauguration.

S’agissant de l’avenir des DRAC, je veux vous rassurer, madame Bouillé : dans le cadre de la loi NOTRe comme dans celui de la fusion des régions, les DRAC continueront de se répartir sur tout le territoire, car ce sont des administrations de proximité. Autrement dit, et très concrètement, les conseillers en place à Clermont-Ferrand, à Metz ou à Amiens resteront en place au plus près du terrain. Cette réforme devrait même permettre de déployer davantage d’agents, puisque nous allons être en mesure de créer une vingtaine de postes de conseillers chargés du développement de l’éducation artistique et culturelle dans les départements qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire dans les territoires ruraux ou là où vivent des publics très éloignés de la culture, par exemple dans des zones périurbaines. Bref, la proximité reste une dimension essentielle de l’organisation et de l’implantation des DRAC.

Vous appelez mon attention sur le désengagement des collectivités territoriales en matière budgétaire et financière. Je rappelle que, dans la quasi-totalité de ses interventions en région, le ministère de la culture n’est pas en position de maîtrise d’ouvrage : vis-à-vis de l’action des collectivités dans le domaine du patrimoine, de la création ou de la lecture, il n’est qu’accompagnateur ou incitateur. Dès lors, le ministère n’a pas vocation à compenser le désengagement des collectivités territoriales ; il ne le peut d’ailleurs pas.

Je souhaite néanmoins soutenir les collectivités qui, au niveau communal ou intercommunal, choisissent de maintenir leur dotation. Tel est le sens des pactes culturels que j’ai signés avec des communes ou des agglomérations – de petits villages de 2 000 habitants comme de grandes agglomérations dont la population atteint 300 000 ou 400 000 personnes – afin de sécuriser pour trois ans nos interventions et nos financements. Voilà qui apporte visibilité et sécurité aux acteurs culturels locaux. Les 45 pactes signés à ce jour concernent 3,6 millions d’habitants et ont permis de consolider 400 millions d’euros de fonds publics destinés à la culture. En signant le 27 octobre un pacte avec la région Pays de la Loire, j’ai entrepris d’étendre cette démarche partenariale aux régions, afin de renforcer les politiques que nous menons en commun au niveau régional.

Quant au déséquilibre entre l’Île-de-France et les autres territoires, vous avez raison : cette situation, très visible s’agissant de l’utilisation des crédits du ministère de la culture, est aussi le fruit d’une politique d’équipements qui a consisté à construire à Paris ou en Île-de-France beaucoup de grands équipements, de grands musées, de grandes institutions culturelles. Pour y remédier, j’ai engagé plusieurs chantiers. Le premier consiste à inciter encore davantage les grandes institutions culturelles parisiennes à mener des actions concrètes dans les territoires.

Vous en avez cité un excellent exemple, celui du très beau projet Démos porté par la Philharmonie de Paris. Les orchestres Démos concernent aujourd’hui 800 jeunes et ont été jusqu’à présent déployés en Rhône-Alpes et en Picardie. J’ai choisi de leur consacrer 1,5 million d’euros supplémentaire en 2016, ce qui permettra de toucher 1 000 jeunes de plus chaque année dans une trentaine de territoires différents hors de la région parisienne. J’ai récemment réuni les principaux dirigeants des grandes institutions parisiennes pour évoquer avec eux les moyens de mener de telles actions hors les murs : c’est une façon de faire profiter des crédits qui leur sont alloués les territoires les moins bien dotés en institutions culturelles.

Autre exemple de rééquilibrage : les quelques 15 millions d’euros supplémentaires dont nous disposons bénéficieront essentiellement à des actions menées dans des territoires situés hors de l’Île-de-France, qu’il s’agisse de transmission, avec l’éducation artistique et culturelle, des médias de proximité ou du soutien à la création – soutien aux résidences, création de nouveaux lieux.

J’en viens au statut des enseignants des écoles d’art, nationales et territoriales. J’étais justement à Lyon vendredi dernier pour le colloque de l’Association nationale des écoles supérieures d’art (ANdÉA), et, devant les enseignants et les directeurs des écoles d’art réunis à cette occasion, je me suis engagée à tout faire pour aligner les deux statuts – puisqu’il n’est pas possible de proposer le même statut aux enseignants des deux écoles sans porter atteinte au principe constitutionnel de libre administration des collectivités. Je mets donc tout en œuvre pour que les enseignants bénéficient des mêmes conditions de rémunération, d’avancement, bref que l’équité soit respectée. Nous sommes actuellement en concertation avec les autres ministères concernés et avec les collectivités ; nous agirons par décret une fois cette phase de concertation achevée.

En ce qui concerne les bourses, je souhaite, comme je l’ai annoncé à la suite des Assises de la jeune création, que les étudiants en classes préparatoires publiques aux écoles de l’enseignement supérieur culture (ESC) puissent en bénéficier, afin de réparer une injustice très ancienne. Les premières bourses ont été versées le mois dernier par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS). L’engagement est donc tenu dès cette année.

S’agissant des crédits des musées, monsieur Piron, des évolutions seront probablement nécessaires à partir de 2018, en raison du rebasage des subventions de fonctionnement. En 2016, on observe une hausse de 8 millions d’euros par rapport au PLF pour 2015, dont 0,5 million pour Fontainebleau, 300 000 euros pour le quai Branly et 1,2 million pour le Louvre. Les opérateurs du programme « Patrimoines » sont également préservés cette année – contrairement aux précédentes – de prélèvements sur le fonds de roulement ; j’y ai insisté auprès du ministère des finances.

Quant au déficit du musée du quai Branly, le modèle économique de cette institution doit en effet être consolidé. Les marges de manœuvre existantes pour développer les ressources propres sont limitées, même si le musée mène une politique très dynamique en ce domaine, notamment en matière de mécénat. J’ai donc souhaité que le contrat de performance 2015-2017 tienne compte de cet objectif. Le ministère accompagnera évidemment cette démarche ; c’est la raison pour laquelle la subvention de fonctionnement augmente de 300 000 euros. Cela permettra au musée de dégager une capacité d’autofinancement positive de 3 millions d’euros en 2016, en limitant le prélèvement sur le fonds de roulement. Dans ce contexte, je veillerai à ce que l’établissement retrouve rapidement un modèle économique équilibré.

J’en viens aux Rembrandt. Nous avons en effet trouvé une solution inédite et innovante, fondée sur plusieurs principes. Le premier est l’acquisition conjointe par la France et les Pays-Bas : elle permettra de conserver sur le sol européen ces deux chefs-d’œuvre que nous ne souhaitions pas voir partir pour une destination éloignée. Les deux tableaux seront toujours présentés ensemble, en alternance au Louvre et au Rijksmuseum. Nous devons désormais signer un accord interétatique pour fixer ces grands principes ainsi que ceux qui organisent la circulation des œuvres et leur installation. Cet accord politique entre États devra être suivi d’un accord technique entre les deux musées, qui précisera les conditions du prêt alterné et de la réalisation des éventuelles restaurations, entre autres. Cette acquisition très significative témoigne de notre mobilisation pour enrichir le patrimoine de la nation et innove en donnant sens à l’idée d’Europe de la culture. Nous avons tout lieu de nous en féliciter.

M. le président Gilles Carrez. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Annick Lepetit. Je m’exprimerai au nom du groupe Socialiste, républicain et citoyen.

Le financement de la culture n’est pas une simple dépense, mais un investissement fondamental pour une société, comme l’a très bien dit notre collègue Pierre-Alain Muet – que je remercie chaleureusement d’avoir cité la ZAC Clichy-Batignolles, au cœur de ma circonscription ; je remercie aussi Mme la ministre d’avoir répondu à propos de ce magnifique projet.

En cette période de difficultés économiques, n’oublions pas que les activités culturelles représentent près de 700 000 emplois et 3,2 % de la valeur ajoutée totale de notre pays – sept fois celle de l’automobile ! Nous pouvons donc nous réjouir qu’en 2016 le Gouvernement honore son engagement à sanctuariser le budget de la culture, et aille même plus loin.

Les crédits de la mission « Culture » connaissent en effet une hausse de 44,3 millions d’euros par rapport au PLF pour 2015. C’est une très bonne nouvelle. Cela permettra notamment de mettre en œuvre les mesures du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine que nous avons adopté en première lecture et dont nous poursuivrons l’examen l’année prochaine. Mais ces fonds supplémentaires doivent surtout permettre de pousser plus avant les politiques jugées prioritaires par la majorité, en particulier l’accès de tous les publics à la culture, l’aide à la création et à son renouvellement et la modernisation des outils d’intervention et des équipements du ministère.

Offrir à tous les citoyens un accès à la culture, quel que soit leur âge, leur milieu social, leur niveau d’éducation et leur situation géographique, est l’un de ces axes prioritaires. Sont particulièrement visées les zones les plus éloignées de l’offre culturelle : les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les territoires ruraux. Dans cette perspective, l’État peut s’aider de plusieurs outils, dont les scènes nationales, qui font cette année l’objet de l’excellent rapport pour avis de notre collègue Marie-Odile Bouillé, et les conservatoires conventionnés, premier réseau de proximité pour l’accès, l’éducation et la formation des jeunes aux pratiques artistiques, dont la subvention va tripler en 2016, passant de 4,4 à 13,5 millions d’euros.

Un autre réseau pour lequel l’année 2016 sera importante est celui des scènes de musiques actuelles (SMAC). Depuis 2011, les SMAC font l’objet d’un plan pluriannuel de développement du réseau sur tout le territoire, qui vise à relier une centaine de lieux et à leur apporter des moyens suffisants pour accomplir leurs missions. Ce plan s’achève cette année et bénéficie de 11,7 millions d’euros, soit 2 millions de plus qu’en 2015. Si certaines scènes sont situées dans de grandes villes comme Bordeaux ou Toulouse, le réseau irrigue surtout le milieu rural et l’on trouve des scènes de qualité à Annonay, Mont-de-Marsan ou Bergerac.

Ce sont les DRAC qui déclinent localement la politique culturelle financée par ce budget. Avec la loi NOTRe, les directions situées dans les régions vouées à fusionner vont devoir se réorganiser. Nous y serons attentifs en 2016 : la volonté de simplification et d’économie qui a guidé cette réforme territoriale ne doit pas trop éloigner les centres de décision des acteurs de terrain. C’est une crainte régulièrement exprimée par ces derniers.

Autre priorité : les actions de démocratisation culturelle, qui vont augmenter de près de 22 %, ce qui porte leur budget à près de 100 millions d’euros. En particulier, les crédits consacrés à l’éducation artistique et culturelle atteindront 54,6 millions, soit 34 % de plus qu’en 2015 et 80 % de plus qu’en 2012. Notre commission, compétente en matière d’éducation aussi bien que de culture, ne peut que s’en féliciter.

Certaines actions spécifiques doivent être soulignées. Comme l’a annoncé le Président de la République le 7 septembre dernier, trois de nos lieux de culture les plus importants et les plus prestigieux seront désormais ouverts tous les jours : le musée du Louvre, le musée d’Orsay et le château de Versailles, qui réserveront le jour d’ouverture supplémentaire aux élèves des écoles, collèges et lycées.

Une autre action emblématique est le projet Démos ; je me félicite, madame la ministre, que vous ayez décidé d’en accompagner le développement par des moyens supplémentaires.

Conformément aux propositions issues des Assises de la jeune création, le PLF pour 2016 donne la priorité aux réseaux de l’enseignement supérieur culture et permettra de consolider l’inscription dans le secteur de l’enseignement supérieur des établissements qui le composent, grâce à plusieurs mesures attendues : introduction du statut d’enseignant-chercheur dans les écoles d’architecture ; déploiement des doctorats en art ; développement des classes préparatoires publiques aux concours des écoles de l’ESC.

J’évoquerai enfin l’enveloppe de plus de 313 millions d’euros consacrée à la préservation et à la restauration du patrimoine. Au-delà de leur dimension culturelle, ces crédits permettront également de soutenir l’activité économique dans les régions, de favoriser la création d’emplois non délocalisables et contribueront à la préservation des savoir-faire traditionnels. Ce qui rappelle une fois de plus que la bataille pour l’emploi passe aussi par la culture.

M. Michel Herbillon. Je m’exprimerai pour ma part au nom du groupe Les Républicains.

Depuis trois ans, le monde de la culture attend du Gouvernement un soutien, des moyens, en somme une véritable preuve du fait qu’il s’engage aux côtés des différents acteurs du secteur. Lorsque Manuel Valls a fait acte de repentance il y a quelques mois, en reconnaissant que la baisse historique du budget de la culture était une erreur – que n’avait-il écouté l’opposition dans l’hémicycle ! –, beaucoup ont espéré que le budget pour 2016 réparerait cette erreur et apporterait enfin la preuve de confiance tant attendue. Hélas, une fois encore, la déception est de mise : par-delà les opérations de communication bien huilées et les beaux discours, le budget pour 2016 ne répond pas aux attentes.

Après 4 % de baisse des crédits en 2013, 2 % en 2014, une stagnation des moyens en 2015, voilà que l’on nous annonce une hausse de 2,7 % pour l’année prochaine. En apparence, le chiffre est évidemment prometteur. Mais c’est un trompe-l’œil.

D’abord parce que cette hausse inclut la rebudgétisation de la RAP. Si on l’exclut, les crédits du ministère n’augmentent que de 1 %, soit exactement le niveau d’inflation prévu pour l’année prochaine. En réalité, à périmètre constant, les crédits alloués à la culture en 2016 resteront encore inférieurs à ceux de 2012.

Dans le détail, des crédits supplémentaires pour la création et la démocratisation de la culture seront dégagés l’an prochain. Ils vont permettre de réaliser plusieurs projets favorisant l’éducation artistique ou l’accès de la culture au plus grand nombre, comme l’excellent projet Démos ou les projets issus des Assises de la jeune création ; nous nous en félicitons. Défenseur inlassable, comme mon collègue Pierre-Alain Muet et d’autres ici, du magnifique projet de la Philharmonie, je ne peux que me réjouir de son très grand succès de fréquentation, d’autant qu’il permet à un nouveau public d’accéder à la musique et aux grandes formations orchestrales.

Néanmoins, beaucoup de ces nouveaux moyens n’opèrent en fait qu’un retour en arrière : ils compensent les baisses de ressources des années passées.

Le plan destiné aux conservatoires illustre bien cette improvisation permanente. Après avoir décidé la suppression totale des subventions allouées aux conservatoires à rayonnement départemental et régional, voilà que vous faites machine arrière en les rétablissant, madame la ministre – non pas immédiatement, comme il le faudrait, mais en trois ans. Dans l’intervalle, que d’énergie, que de temps perdus dans cette affaire, que d’inquiétude pour les familles, les collectivités, les enseignants et les jeunes élèves !

En ce qui concerne le patrimoine, la situation est toujours aussi inquiétante. La stabilité des moyens pourrait presque être une bonne nouvelle au regard des coupes drastiques des années précédentes, mais le niveau des crédits, très bas, ne permet pas d’accomplir toutes les missions nécessaires. Au total, ce sont 200 millions d’euros qui ont été retirés au patrimoine depuis 2012. Je me pose à ce sujet la même question que mes collègues sur la rénovation du Grand Palais, qui devient urgente.

S’agissant de la politique muséale, l’ouverture sept jours sur sept du Louvre, de Versailles et d’Orsay est une bonne nouvelle. Elle n’en pose pas moins le problème des moyens dédiés et de la réorganisation technique des musées. Vous le savez, cette mesure suscite bien des inquiétudes et des coûts supplémentaires sont à prévoir. Pouvez-vous nous indiquer les moyens complémentaires que l’État compte allouer au projet, sachant que les trois établissements ont déjà subi des coupes budgétaires importantes au cours des années précédentes et qu’ils doivent de plus en plus s’autofinancer ?

Un mot sur les dépenses fiscales. En 2015, l’écart entre la prévision initiale et la réalité est important, de l’ordre de 13 %. Est-il lié à un défaut d’évaluation initiale ou à une sous-budgétisation ? Faut-il craindre une nouvelle dérive en 2016 ?

Je terminerai en évoquant une menace funeste qui plane sur la création et sur l’accès à la culture pour tous. Je veux évidemment parler de l’asphyxie budgétaire que le Gouvernement est en train de faire subir aux collectivités territoriales.

Une réduction de 11 milliards d’euros sur trois ans des dotations pour les communes, les départements et les régions est engagée et de toutes parts nous revient l’information que ce sont les politiques culturelles qui souffrent le plus des réductions budgétaires résultant du désengagement massif de l’État. Les collectivités concernées sont situées partout sur le territoire et de toutes tendances politiques. Et nous n’en sommes qu’à la première année du plan de réduction des dotations de l’État. Si cette politique se poursuit au cours des prochains mois, je vous donne rendez-vous l’année prochaine, madame la ministre, pour constater avec vous des dégâts qui ne vont cesser de s’aggraver.

Vos « pactes pour la culture » avec les collectivités n’y changeront rien et ne duperont personne. Car s’ils donnent à quelques collectivités les moyens de maintenir leur budget de fonctionnement, ils ne leur permettront pas de réaliser les investissements futurs ; surtout, ils ne suffiront absolument pas à résoudre la crise culturelle que traversent nos territoires.

Cette question est centrale pour l’avenir de la culture puisque les collectivités assurent les trois quarts des financements culturels en France.

Disposez-vous à ce jour d’une évaluation du désengagement des collectivités locales ?

Nous vous alertons, madame la ministre, et nous souhaitons que vous répondiez rapidement à cette alerte. Il ne faudrait pas que le même Premier ministre, ou un autre, vienne nous dire dans quelques mois que la baisse des dotations aux collectivités était elle aussi une erreur : pour vous épargner un nouvel acte de repentance, autant nous écouter dès maintenant !

Au lieu d’un véritable budget d’avenir, ambitieux, porteur de projets majeurs, vous nous présentez un budget défensif, qui tente de réparer les conséquences de vos erreurs passées mais qui ne compensera en rien les fautes commises vis-à-vis des acteurs du monde culturel et des collectivités locales, des fautes qui rejaillissent sur les politiques que celles-ci mènent pour diffuser la culture auprès du plus grand nombre sur tout le territoire.

Ce budget vous fournissait l’une des dernières occasions avant les prochaines échéances nationales de vous rattraper en étoffant le très maigre bilan culturel du quinquennat. Hélas, l’occasion est manquée une fois de plus.

Vous comprendrez donc que le groupe Les Républicains s’oppose à ce budget pour marquer sa défiance et celle, de plus en plus marquée, des acteurs du monde culturel.

Mme Isabelle Attard. À première vue, le budget de la mission « Culture » affiche une hausse très importante, de 5,8 % – 6,4 % avec les fonds de concours. Cette hausse dissimule cependant un transfert de crédits de la RAP, taxe qui sert à financer les acteurs des diagnostics – INRAP et services agréés des collectivités territoriales – ainsi que le FNAP, et qui est budgétisée à hauteur de 118 millions d’euros, à partir du 1er janvier 2016, dans le programme 175, « Patrimoines ». À périmètre constant, les crédits de paiement de la mission augmentent donc de 1,3 % – 1,8 % en comptant les fonds de concours –, pour un total de 2,64 milliards d’euros.

Le budget comprend au total 13,2 millions d’euros de fonds de concours, mais ces crédits sont très peu explicités. Pour certaines actions, on sait à peine à quoi ils sont destinés et on ignore leur provenance ; pour d’autres, on ne sait ni d’où ils viennent ni où ils vont. Pourtant, le Gouvernement les inclut toujours dans ses calculs budgétaires.

Les deux plus gros budgets du programme « Patrimoines », ceux des actions « Patrimoine monumental » et « Patrimoine des musées de France », dépassent 300 millions d’euros chacun mais connaissent une stagnation.

À ce propos, je tiens à apporter une précision à Michel Piron à la suite de notre échange en commission sur les financements des musées de France en dehors de leur dotation. L’activité de vente de photographies d’œuvres du domaine public rapporte bien de l’argent à la Réunion des musées nationaux (RMN) : la création d’un péage amène logiquement des rentrées d’argent. Ce que je dénonce, c’est le fait que ces rentrées d’argent soient inférieures au coût du péage : le montant des salaires versés et des logiciels installés pour rendre payante la diffusion d’images d’œuvres d’art du domaine public dépasse le chiffre d’affaires.

Je vous invite, chers collègues concernés par le financement pérenne de nos musées, à lire à ce sujet le rapport « Évaluation de la politique de développement des ressources propres des établissements publics culturels de l’État » publié en avril dernier par le ministère de la culture. En voici un extrait qui illustre clairement mon propos : « […] seules trois activités (la location d’espaces, les redevances de concessions et le mécénat […]) contribuent systématiquement à l’équilibre financier des établissements. L’ensemble des autres activités (les activités annexes telles que la gestion d’un auditorium, les expositions itinérantes, la gestion en direct d’une boutique, l’ingénierie culturelle, les éditions, les activités numériques et la gestion des droits de propriété intellectuelle) présentent, en moyenne sur l’échantillon analysé, un résultat déficitaire. Ces résultats posent la question du maintien et du développement de ces activités à l’équilibre financier fragile lorsqu’il n’apparaît pas qu’elles participent significativement aux missions de service public de l’établissement ».

Le budget de la mission « Culture » connaît sa première hausse depuis 2012 : il a baissé de 0,16 % lors du PLF pour 2015, de 2 % lors du PLF pour 2014 et de 4,5 % lors du PLF pour 2013, ce qui porte la diminution à 3,1 % depuis 2012 puisqu’il s’élevait à 2,72 milliards d’euros en loi de finances initiale pour 2012. Si l’on peut saluer l’inversion de la courbe, on ne peut pas encore parler d’un rattrapage. Et nous sommes loin de consacrer à la culture 1 % du budget de l’État comme François Mitterrand s’y était engagé : nous en sommes cette année à 0,65 %, contre 0,67 % l’année dernière et 0,85 % il y a deux ans.

Cependant, tous les programmes voient leurs crédits augmenter ; le plan en faveur de l’éducation artistique et culturelle a été presque multiplié par six depuis son lancement en 2013 ; et le Gouvernement s’est de nouveau impliqué pour soutenir les conservatoires à rayonnement régional ou départemental, à hauteur de 9,5 millions d’euros.

En outre, le choix, fait depuis le début du mandat, de ne pas se lancer dans de grands projets pharaoniques permet de mieux répartir les crédits. Ainsi, alors que le spectacle vivant souffrait beaucoup l’année passée, cette année le budget du programme 131, « Création », connaît une hausse appréciable de 1,3 %. Ce qui permet d’accroître de 15 millions d’euros le plan en faveur du spectacle vivant, qui vise à favoriser l’émergence de la jeune création, de nouvelles esthétiques et de « tiers lieux » et donne la priorité aux territoires les plus éloignés de l’offre culturelle.

Enfin, concernant le patrimoine, les équipements archivistiques sont privilégiés puisqu’ils bénéficient d’une hausse de 8 millions d’euros dans le cadre du programme 175. Les crédits consacrés aux monuments historiques ainsi qu’au fonctionnement des établissements ouverts au public sont stabilisés.

Vous comprendrez bien, madame la ministre, qu’un budget de la culture qui ne représente que 0,65 % du budget de l’État cette année, après 0,85 % il y a deux ans, ne puisse être considéré comme satisfaisant. La hausse des montants en valeur absolue ne compense absolument pas les baisses des années précédentes. Le groupe Écologiste ne saurait cautionner cette relégation de la culture au dernier rang des priorités gouvernementales. Espérant vous inciter ainsi à poursuivre l’augmentation, nous nous abstiendrons donc sur ces crédits.

M. Jean-Noël Carpentier. La hausse des crédits de la mission « Culture » est une bonne chose. Il était temps qu’elle survienne, permettez-moi de le dire : notre majorité la demandait avec insistance depuis bientôt deux ans. Préserver et enrichir la création artistique et le patrimoine, favoriser la diffusion des idées : voilà un devoir fondamental qui doit plus que jamais guider notre action politique. Après plusieurs années de baisse, il était indispensable de préserver la culture des coupes budgétaires.

Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste se félicite en premier lieu du montant des crédits octroyés au programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » – 1,13 milliard d’euros –, qui en fait le plus important de la mission.

Pour promouvoir la diversité culturelle et assurer sa transmission en la rendant accessible à tous, il faut d’abord rendre plus attractif l’enseignement supérieur dans les filières culturelles – à cet égard, le taux d’insertion professionnelle des diplômés de l’enseignement supérieur culture constitue un atout indéniable. Il faut ensuite assurer un meilleur accès à la culture sur tout le territoire français comme à l’international. Ce qui nécessite notamment une action éducative renforcée au sein des établissements scolaires, grâce à des structures subventionnées par le ministère de la culture et de la communication. En 2013, 30 % des enfants scolarisés en ont bénéficié ; ils seront 42 % en 2016. Il faudra également veiller à nouer des collaborations avec les collectivités territoriales.

Les crédits du programme 131, consacré à la création, sont en légère hausse. Ainsi, l’État sanctuarise notamment les crédits destinés aux artistes bénéficiant pour la première fois de commandes, d’acquisitions et d’aides à la création.

Quant au programme 175, « Patrimoines », la hausse est forte, de 16 % par rapport au PLF pour 2015. L’effort concerne particulièrement le patrimoine archéologique. Pourtant, le reste du patrimoine ne doit pas être négligé et nombre de musées ont un urgent besoin d’un soutien financier. Ce constat peut d’ailleurs s’articuler à la politique gouvernementale visant à améliorer l’accès de tous les publics au patrimoine culturel sous toutes ses formes. Évitons donc les contradictions entre les objectifs et les moyens budgétaires.

Il faut améliorer les conditions d’accueil du public, en particulier des jeunes, dans nos grands lieux de culture. À cet égard, l’ouverture du Louvre, du château de Versailles et du musée d’Orsay aux groupes scolaires le jour habituel de fermeture fait partie des actions particulièrement bienvenues du Gouvernement. En effet, l’éducation à la citoyenneté, à l’esprit critique, à la liberté suppose la connaissance de l’art et une pratique culturelle régulière le plus tôt possible.

Enfin, les institutions relevant du programme 175 disposeront de moyens accrus pour proposer aux volontaires du service civique « citoyens de la culture » des missions favorisant l’accès de tous aux œuvres patrimoniales. C’est un bel objectif.

Au total, le Gouvernement a souscrit des engagements qui vont dans le bon sens et qui corrigent un peu les baisses antérieures. Nous soutiendrons donc ce budget.

Mme Marie-George Buffet. Au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, j’ai envie de me féliciter de la hausse de ce budget, tout en restant lucide puisque cette augmentation de 1,8 % fait suite à une baisse de 4 % en 2013 et de 2 % en 2014.

Si je me réjouis néanmoins, c’est pour des raisons symboliques : il aurait été incompréhensible qu’à l’heure où l’on voit se multiplier, chez nous et de par le monde, les atteintes à la liberté de création et la destruction du patrimoine de l’humanité sous les coups de barbares, la France ne montre pas son attachement à la culture, à l’accès de toutes et tous aux œuvres, à la liberté de création et à la diffusion.

Cela aurait été d’autant plus incompréhensible après le vote en première lecture du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dont l’article 1er réaffirme la liberté de création. Cet article, qui fut discuté, continue de m’apparaître indispensable dans le contexte actuel.

En ce qui concerne le budget, le service public de la culture m’inspire quelques inquiétudes. Je songe au personnel du ministère – on évoque la suppression de 30 équivalents temps plein ; quelle est la programmation pour les trois années à venir s’agissant des emplois du ministère ? Je songe aussi aux services déconcentrés. Avec les nouvelles régions, quel sera l’avenir de ces personnels ? La mobilité sera-t-elle contrainte ? Ces questions suscitent beaucoup d’angoisse. J’espère donc que vous pourrez nous donner quelques éléments de réponse, madame la ministre.

Je me félicite des mesures que vous avez décidées s’agissant des conservatoires. J’avais moi-même donné l’alerte avec les parents et les enseignants du conservatoire d’Aubervilliers-La Courneuve. Je sais que vous êtes sensible au problème particulier de l’accès aux instruments, dont on connaît le coût, et que vous réfléchissez aux possibilités d’aide en la matière. Pouvez-vous nous donner quelques informations supplémentaires sur ce point ?

Concernant les musées, et contrairement à ce qu’ont dit d’autres collègues, je ne crois pas que l’on puisse justifier l’ouverture sept jours sur sept par la nécessité d’accueillir les scolaires, qui pourraient tout à fait venir un autre jour. Au-delà des moyens de fonctionnement et des personnels, la mesure pose le problème du temps accordé aux œuvres, au patrimoine de ces musées. Ce slogan de l’ouverture quotidienne ne relève-t-il pas d’une course en avant pour satisfaire certains touristes sans que l’on s’interroge sur l’ouverture des musées aux populations des territoires ?

S’agissant des rapports avec les collectivités, on peut bien sûr se féliciter des pactes culturels, mais il faut entendre l’alerte que donnent plusieurs collectivités. La compétence partagée en matière de culture, de tourisme et de sport n’a pas de sens si les collectivités n’ont pas les moyens d’assumer leur part de responsabilité dans l’accès aux œuvres et aux pratiques culturelles.

En ce qui concerne l’archéologie préventive, il me semble nécessaire de réaffirmer le rôle du service public, c’est-à-dire de l’INRAP. Prenons garde que l’instauration d’une comptabilité analytique ne vise pas, comme cela a été le cas pour l’Agence France presse, à distinguer ce qui relèverait de l’intérêt général de ce qui n’en relève pas, et à accentuer ainsi encore la mise en concurrence. En effet, la concurrence déloyale émane aujourd’hui d’entreprises privées qui utilisent le crédit d’impôt recherche à des fins qui n’ont pas grand-chose à voir avec la recherche ni avec le développement, mais qui se résument à une course à la baisse des prix, contre le service public.

J’aimerais enfin, madame la ministre, que vous me rassuriez sur l’avenir de la scène de l’Aquarium, puisque vous vous êtes penchée sur ce dossier.

Mme Régine Povéda. Je me félicite à mon tour de l’augmentation en 2016 du budget consacré à la culture et au patrimoine, malgré les contraintes. Notre patrimoine, nos musées, nos monuments, nos recherches sont des atouts majeurs pour notre pays, notre culture, notre « vivre ensemble » et notre « faire ensemble ». La culture pour tous doit être proche des gens sans pour autant perdre son exigence de qualité. Élue d’un territoire rural éloigné des grands centres culturels régionaux, je m’interroge sur la manière dont nous pouvons mettre en relief le patrimoine rural que sont les immeubles et les meubles inscrits à l’inventaire du patrimoine national, et encourager l’accès d’un plus grand nombre de personnes aux musées et aux monuments patrimoniaux. Les collectivités territoriales possèdent parfois un patrimoine de qualité qui requiert des travaux de rénovation et d’aménagement ; or, elles ne disposent pas des moyens financiers et techniques qui sont nécessaires à sa mise en valeur. Des mesures de simplification pourraient être prises pour faire mieux avec moins. L’État et les collectivités sont deux acteurs indissociables du secteur patrimonial. Aussi, serait-il possible de mettre en commun leurs ressources humaines et techniques comme les savoirs et les compétences des architectes des bâtiments de France, par exemple, qui pourraient intervenir au-delà de leur expertise et du seul suivi des travaux ? En effet, le montage des dossiers est une tâche complexe pour les communes.

D’autre part, je me réjouis de l’organisation du salon international du patrimoine culturel, au cours duquel l’orgue Micot-Wenner de La Réole sera exposé – chacun y est invité. Voilà un exemple de réhabilitation patrimoniale par une collectivité engagée en faveur de la valorisation, puisqu’elle détient le label de ville ou pays d’art et d’histoire. Madame la ministre, que pensez-vous de ces labellisations essentielles à la reconnaissance de nos patrimoines ruraux ?

M. François de Mazières. Ce budget habile vise à rassurer tout le monde ; vous avez beaucoup communiqué autour de la hausse de 2,7 %, bien qu’elle soit en réalité de 1 % à périmètre constant, et même nulle si l’on tient compte de l’inflation. Quant au budget du patrimoine, il diminue de 50 millions en 2016 par rapport au budget de 2012.

Ma première question porte sur le sujet essentiel de l’intermittence. En début d’année, vous avez réussi une habile opération politique consistant à faire compenser par l’État le différé adopté par les partenaires sociaux ; annulée par le Conseil d’État, cette compensation a ensuite été couverte par un fonds de soutien au titre de la mission Travail-Emploi. Ce problème relève pourtant du ministère de la culture. Maintiendrez-vous cette dotation ?

En matière d’enseignement artistique, vous avez pris l’initiative judicieuse d’ouvrir une ligne de crédit pour les conservatoires régionaux et départementaux – après que nous avons largement contribué à vous mobiliser sur ce point. Le montant de cette ligne est fixé à 13 millions ; or, il nous avait été annoncé que le principal effort de rattrapage serait consenti dès ce budget pour 2016. Comment parviendrez-vous donc aux 30 millions qui étaient prévus en 2012 ?

D’autre part, le montant du crédit consacré au projet de la Villa Médicis est de 1 million d’euros ; c’est très insuffisant ! Vous ne pouvez pas annoncer avec tambours et trompettes le lancement d’un ambitieux projet tel que celui-là et n’y consacrer que 1 million ! Certes, il ne s’agit que de crédits d’étude, mais où sont les plans de financement et les autorisations de programme ?

J’en viens au patrimoine. La loi sur la liberté de création attribue aux DRAC une mission très lourde liée à la création de la nouvelle cité historique, comme vous l’avez vous-même reconnu. Allez-vous créer de nouveaux emplois pour y faire face ? Je constate au contraire que votre ministère perd 63 emplois en équivalent temps plein par rapport à 2015. Cette observation vaut aussi concernant votre décision d’ouvrir les trois musées nationaux sept jours sur sept. Vous annoncez la création de 70 ETP pour accompagner cette mesure alors que les effectifs de votre ministère diminuent : comment allez-vous résoudre cette équation ?

Enfin, de nombreux responsables d’établissements publics soulèvent le problème des décrets-liste, qui limitent leurs possibilités d’utiliser des vacataires. Quelle est votre position sur ce sujet ?

M. Jean-Pierre Allossery. Quoi qu’en disent certains, 2015 aura été une grande année pour la culture. Avec la loi sur la liberté de création, l’architecture et le patrimoine, que l’Assemblée nationale a adoptée le 6 octobre, la France s’est dotée d’une grande loi culturelle bâtie autour de deux priorités : affirmer et garantir la liberté de création et moderniser la protection du patrimoine. Il convient de noter les efforts budgétaires déployés au titre des programmes « Création » et « Patrimoines », en particulier les 10 millions d’euros supplémentaires qui sont consacrés aux monuments. Ce choix illustre notre engagement en faveur de la sauvegarde du patrimoine.

Ma question porte sur les difficultés que connaît actuellement la Fondation du patrimoine. Reconnue d’utilité publique, elle a pour objectif de sauvegarder et de valoriser le patrimoine rural non protégé. Créatrice de valeur et levier économique, elle a depuis 2000 apporté son soutien à plus de six mille projets régionaux. Les quelque 550 bénévoles, appuyés par les 73 employés de la Fondation, animent ce réseau dans nos régions. Or, il apparaît que l’une des ressources de la Fondation accuse une baisse brutale et surprenante : il s’agit du produit des successions en déshérence, qui est passé de 11 millions en 2014 à 8 millions en 2015 et, en 2016, seuls 4 millions d’euros sont prévus pour le service des domaines du ministère de l’économie. Quelles sont vos intentions pour soutenir cette fondation, afin qu’elle poursuive sa mission au profit des territoires ruraux, de leur économie et de leur emploi local ?

Mme Sylvie Tolmont. N’en déplaise à nos collègues de l’opposition, nous nous félicitons, madame la ministre, de la hausse du budget de la culture, car elle témoigne de la mobilisation du Gouvernement en faveur de l’action culturelle. Lors de votre présentation de ce budget « post-Charlie », selon votre expression, vous avez rappelé que la France refuse le repli et l’obscurantisme. Par ces valeurs, vous soulignez le message que traduit cette hausse : la France aime et respecte ses artistes et ses créateurs, accompagne et valorise leurs projets.

Le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » est à noter particulièrement pour son rôle en faveur de l’accès de tous les jeunes à la culture et aux arts. En effet, 98 millions d’euros sont consacrés au soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle. Cette politique interministérielle est mise en œuvre en partenariat avec le ministère de l’éducation. Ce programme permet également à sortir du cadre scolaire et vise le développement culturel des territoires déficitaires, en ciblant notamment les jeunes. Nous faisons face à un défi culturel qui nécessite des politiques volontaristes lancées par l’État et relayées par les territoires. La politique de démocratisation culturelle implique une intervention accrue dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et dans les zones rurales. Il existe dans ma circonscription des espaces urbains et périurbains sensibles, ainsi que des zones rurales déficitaires. Je suis convaincue de la nécessité de faire vivre l’action culturelle sur ces territoires, car la dynamisation de ce secteur bénéficie à tous nos jeunes. Ainsi, je suis particulièrement attachée à y maintenir la vitalité des offres culturelles qui doivent absolument être accompagnées.

Pouvez-vous préciser, madame la ministre, quelles formes concrètes prend la politique de démocratisation de l’accès à la culture pour tous les publics ? De quelle manière les territoires peuvent-ils y être associés ? Pouvez-vous citer des exemples précis de projets de démocratisation culturelle mis en œuvre dans les territoires relevant de la politique de la ville et dans les territoires ruraux ?

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Je me félicite à mon tour de ce bon budget, et je m’étonne d’entendre l’opposition nous annoncer qu’elle ne le votera pas, au motif que la hausse prévue est insuffisante ou faussée – mais, au fond, cette position est cohérente avec votre refus de voter la loi sur la liberté de création, l’architecture et le patrimoine, qui était pourtant une loi de progrès. Je voudrais néanmoins comprendre comment votre formation politique, qui propose de réduire la dépense publique de 100 milliards, parviendrait à augmenter autant le budget de la culture : sans doute par un tour de passe-passe ?

M. Michel Herbillon. Attendez 2017 !

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Ce serait irrespectueux à l’égard des Français que d’attendre 2017 pour leur présenter vos propositions… De même, vous évoquez sans cesse la baisse des dotations aux collectivités territoriales : il est vrai que les collectivités, comme la sécurité sociale, ont été mis à contribution pour accompagner le redressement des finances publiques, et pour cause, puisqu’en 2012, le déficit et l’endettement de notre pays n’étaient pas soutenables. Nous avons donc dû redresser la situation, et cette action porte ses fruits. Certes, il sera demandé aux collectivités territoriales de réaliser 11 milliards d’économies, sachant que l’État prendra toute sa part à cet effort. Dans un tel contexte, l’augmentation de 2,7 % du budget de la culture est un signal très positif et témoigne de l’engagement de ce Gouvernement en faveur de la culture. Vous pourrez certes chipoter sur l’ampleur de cette hausse ; M. Lamour, pourtant, a estimé que la budgétisation de la redevance d’archéologie préventive était judicieuse. Elle correspond certes à une évolution du périmètre, mais cette évolution permet au ministère de la culture de sécuriser un financement qui était jusqu’alors très aléatoire, et qui fragilisait l’INRAP et de nombreux opérateurs publics et privés du secteur de l’archéologie préventive. Il s’agit d’une bonne mesure, indépendamment du fait qu’elle a pour effet d’abonder le financement du ministère de la culture.

Un mot encore sur le désengagement des collectivités : les villes qui signent avec moi des pactes culturels font elles aussi des efforts budgétaires – même si l’État veille à répartir l’effort de manière à protéger les collectivités les plus fragiles dont le potentiel fiscal est le plus faible. Malgré les économies qu’elles doivent faire, les villes signataires décident d’affirmer leur soutien à la culture. C’est une question de choix politique. Je ne prétends pas que ce choix est facile, et je ne minimise pas la difficulté des efforts à consentir – les ministères y prennent d’ailleurs leur part. Cela étant, certaines collectivités refusent de sacrifier la culture et de tailler dans ces dépenses d’avenir ; au contraire, elles en font un enjeu de cohésion sociale et d’émancipation individuelle et collective, et le ministère de la culture les accompagne dans cet effort.

J’en viens aux emplois du ministère de la culture. En 2016, les emplois des DRAC sont maintenus ; les services déconcentrés ne subissent donc aucune baisse, ce qui est très positif eu égard aux enjeux de proximité que nous avons évoqués. D’autre part, j’ai pris auprès des partenaires sociaux l’engagement qu’il n’y ait aucune mobilité géographique forcée. Enfin, la réforme donnera lieu au déploiement de conseillers de proximité, en particulier dans le secteur de l’éducation artistique et culturelle – une nouveauté qui permettra de mieux accompagner les collectivités. En ce qui concerne l’administration centrale, les établissements publics et les services à compétence nationale, il est vrai que 45 emplois de fonctionnaires sont supprimés – sur 10 000 emplois en tout, je le rappelle. Telle est notre contribution à la réduction du déficit public.

Le Président de la République a souhaité l’ouverture des musées nationaux sept jours sur sept afin d’accueillir davantage de jeunes et de publics éloignés de la culture – personnes âgées et personnes handicapées, par exemple. La journée supplémentaire d’ouverture constituera donc une véritable journée de démocratisation culturelle. Cette mesure ne cible pas les touristes, bien au contraire. En termes de moyens, 65 ETP seront créés et 85 emplois existants seront mobilisables, ce qui permettra d’ouvrir un jour de plus sans imposer une quelconque tension aux agents en exercice.

Exemple de démocratisation culturelle, la Villa Médicis qui sera installée à Clichy-Montfermeil est destinée à devenir un incubateur, un laboratoire emblématique de ce que seront les nouveaux lieux – les « tiers lieux » – que le ministère souhaite promouvoir dans les territoires pour en faire des espaces de résidence artistique, de diffusion, de formation mais aussi d’accueil du public, dotés de moyens de production tels que des ateliers de fabrication numérique, qui sont difficiles à acquérir par ailleurs en raison de leur coût élevé.

Le montant de 1 million prévu dans ce budget pour la Villa Médicis correspond à la préfiguration de l’établissement public qui sera chargé du projet et à la programmation d’actions culturelles avant même la livraison du bâtiment. Voilà en effet dix ans que les habitants de Clichy-Montfermeil attendent que le site de la tour Utrillo devienne quelque chose. Le projet est désormais lancé. J’ai décidé que la programmation culturelle serait élaborée avant même que la Villa Médicis sorte de terre, pour anticiper ce que sera ce futur établissement très représentatif d’une nouvelle manière de créer et d’accompagner la création contemporaine.

L’État, madame Povéda, apporte son soutien aux travaux d’entretien et de restauration du patrimoine où qu’ils aient lieu, en zones rurales comme en zones urbaines. Le ministère de la culture finance d’ailleurs les travaux de restauration des monuments historiques des collectivités, mais aussi de propriétaires privés. Les services du ministère sont également très présents pour aider les propriétaires privés et les petites collectivités à mettre au point leurs dossiers de travaux, car certaines démarches sont en effet complexes. Enfin, je crois à l’utilité des labels pour le patrimoine parce qu’ils permettent de distinguer les édifices les plus remarquables et de conduire une véritable politique de sauvegarde.

La contraction des ressources de la Fondation du patrimoine qui sont issues des successions en déshérence est en effet préoccupante. La Fondation est mobilisée pour y faire face et il faut mener une réflexion en lien avec le ministère des finances pour résoudre le problème ; j’y serai particulièrement attentive. La Fondation du patrimoine joue un rôle très important non seulement pour tisser le lien entre le public et le patrimoine, dans le cadre d’opérations reposant parfois sur un financement participatif, mais aussi pour protéger le patrimoine rural de proximité.

Je suis très attachée, madame Buffet, à la singularité de la Cartoucherie de Vincennes et à la place qu’y occupe le théâtre de l’Aquarium. Alors que François Rancillac achève son deuxième mandat, une évaluation est en cours – comme c’est la règle dans toutes les structures recevant des subventions publiques. J’ai souhaité que cette procédure d’évaluation soit partagée avec le conseil d’administration du théâtre, afin de choisir entre les différentes options proposées. L’engagement de l’État vis-à-vis de l’Aquarium n’est aucunement remis en cause : il n’a jamais été question de l’abandonner ou de mettre en question son financement public. Mon cabinet a convenu avec M. Rancillac de rencontrer le conseil d’administration pour arrêter un choix.

Depuis plusieurs années, madame Attard, l’accroissement des ressources propres des opérateurs du ministère est un moteur de leur développement, et le ministère continue de favoriser cette tendance. Un rapport d’évaluation de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires culturelles sur cette politique a été remis en juin 2015. J’ai souhaité qu’une réflexion soit conduite par le ministère et ses opérateurs sur la valorisation de leurs marques, qui peut constituer un vecteur efficace de l’offre touristique, et sur les nouveaux outils numériques. C’est l’une des pistes actuellement à l’étude pour diversifier les ressources propres, même si leur accroissement a ses limites – je pense en particulier à la politique tarifaire et au développement de la billetterie, qui ne doivent pas remettre en cause le principe du libre accès de tous à la culture, ou à la location d’espaces qui ne doit pas empêcher les établissements d’exercer leur mission de service public.

Enfin, je suis très sensible au rôle que joue sur le territoire le réseau des conservatoires, non seulement en matière de musique mais aussi dans le domaine de la danse et des arts dramatiques. Ces établissements ont fait la preuve de leur rayonnement et de leur contribution à la démocratisation et à l’accès de tous à la culture. Nous entamons une véritable réflexion sur les pratiques pédagogiques et collectives, et sur l’extension des activités à de nouvelles disciplines. Une nouvelle impulsion est ainsi donnée à la relation que l’État entend entretenir avec les conservatoires. C’est dans le cadre de cette réflexion que j’ai souhaité réengager l’État à hauteur de 15 millions d’euros, dont 13 millions pour les conservatoires et 2 millions pour l’éducation artistique et culturelle, dont les conservatoires bénéficient. Il faudra accompagner ce retour de l’État par une réflexion avec les collectivités territoriales sur l’accès des familles aux instruments de musique, dont le coût peut être rédhibitoire. Je souhaite donc créer un fonds – le Premier ministre l’a d’ailleurs confirmé lors du récent comité interministériel sur la citoyenneté – financé à parité par l’État et par les collectivités pour accompagner la location ou l’acquisition d’instruments par les familles les plus défavorisées. Je vous en préciserai prochainement le fonctionnement.

M. le président Gilles Carrez. Madame la ministre, je vous remercie.

La réunion de la commission élargie s’achève à dix-huit heures cinquante-cinq.

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