XVIe législature
Session ordinaire de 2023-2024

Première séance du jeudi 02 mai 2024

Sommaire détaillé
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Première séance du jeudi 02 mai 2024

Présidence de Mme Hélène Laporte
vice-présidente

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à neuf heures.)

    1. Violences commises dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité

    Discussion d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de Mme Francesca Pasquini et plusieurs de ses collègues tendant à la création d’une commission d’enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité (nos 2348, 2451).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Francesca Pasquini, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

    Mme Francesca Pasquini, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    Cent soixante mille : tel est le nombre estimé des mineurs victimes de violences sexuelles tous les ans en France – soit un enfant toutes les trois minutes ; ainsi, trois enfants auront été concernés au moment où je terminerai mon intervention. Ce chiffre terrible me hante. Selon le ministère de l’intérieur et des outre-mer, près de 84 000 femmes ont été victimes de violences sexuelles en 2023. Ce chiffre, déjà effrayant, ne concerne pourtant que les femmes enregistrées par les services de police et de gendarmerie, soit la partie émergée de l’iceberg. S’y ajoutent les enfants et les adultes victimes d’abus physiques, de violences psychologiques et de maltraitances.
    Toutes ces victimes sont là, elles nous regardent, elles nous attendent. Elles sont parmi nous dans cette salle, nous les avons croisées ce matin dans les transports en commun, elles sont derrière leur télé, elles font la queue avec nous à la caisse du supermarché, elles sont trois dans chaque salle de classe, elles sont assises à côté de nous à chaque repas de famille, elles font partie de notre bande d’amis. Victimes d’hier et d’aujourd’hui, elles se trouvent dans toutes les strates de la société. Aucune sphère ne les protège ou ne les expose plus qu’une autre. Personne n’est à l’abri. Les violences n’ont pas de frontières, d’âge, de lieu, de classe sociale, de catégorie professionnelle.
    Parfois, l’une de ces victimes prend son courage à deux mains et sort de l’ombre. Elle le fait pour elle, mais aussi pour les autres, notamment pour toutes celles qui n’ont pas la force de témoigner. Sa démarche est empreinte d’altruisme, de sororité. Ces dernières années, il n’y a pas eu un jour sans qu’une victime dénonce ce qu’elle a subi. Chaque parole encourage celle des autres. Petit à petit, d’autres voix s’élèvent, déterminées, vibrantes. Elles décrivent avec précision le moment de leur vie où tout a basculé, où l’innocence a laissé place à la noirceur, où leur chair a été violée, où leur corps a été profané, où des violences verbales et psychologiques les ont détruites de l’intérieur.
    Les industries du cinéma, de l’audiovisuel, de la publicité, de la mode et du spectacle vivant, qui partagent des caractéristiques communes, ne sont pas épargnées par ces violences. Les mécanismes de prédation, d’isolement et d’omerta sont les mêmes partout, mais ils s’épanouissent encore davantage dans ces secteurs qui fonctionnent en vase clos, comme une grande famille, et dans lesquels les relations entre enfants et adultes et le rapport au corps et à l’image sont si particuliers.
    Rien que pour le cinéma et la télévision, la liste des courageuses et des courageux qui ont témoigné est longue. Je citerai Isild Le Besco, Charlotte Arnould, Lucie Lucas, Aurélien Wiik, Anna Mouglalis, Adèle Haenel, Francis Renaud et, bien sûr, Judith Godrèche, à l’origine de la demande de création d’une commission d’enquête. Il y a aussi toutes celles et tous ceux, inconnus du grand public, qui ont osé parler et porter plainte, qui ont témoigné anonymement dans la presse, sans oublier celles et ceux qui franchiront peut-être le pas demain. Ce sont des actrices et des acteurs, mais aussi des techniciennes, des décoratrices et des assistantes réalisatrices.
    D’autres accusations ciblent le spectacle vivant, en premier lieu le théâtre et le stand-up. Je pense à Marie Coquille-Chambel et Florence Mendez, lanceuses d’alerte respectivement dans ces deux secteurs. D’autres encore visent la mode et la publicité. En 2021, plus d’une dizaine de mannequins ont dénoncé publiquement les violences sexuelles que des photographes et des patrons d’agence leur avaient fait subir lorsqu’elles étaient mineures. N’oublions pas les cas de violences psychologiques et de maltraitance, et la difficile situation des enfants qui travaillent dès leur plus jeune âge dans ces domaines, comme les élèves des conservatoires de musique, de danse et d’art dramatique, ou les enfants qui ont passé le casting du film CE2 de Jacques Doillon, victimes de harcèlement.
    Toutes et tous font état d’un système gangrené, malsain, destructeur et insuffisamment encadré, qui, jusqu’à présent, a protégé les agresseurs en leur offrant un terrain de chasse pour, dans chaque être humain pris au piège, forger de leurs mains répugnantes un artiste, certains allant jusqu’à sublimer les agressions et les violences en tentant de rendre glamour l’indicible. Si la commission d’enquête que nous appelons ici de nos vœux est créée, elle sera chargée d’identifier les mécanismes à cause desquels ces violences perdurent et permettra, je l’espère, de pointer du doigt les acteurs et les personnes complices de ce système. La commission d’enquête aura surtout pour mission de faire des recommandations et de proposer des modifications législatives si nécessaire.
    Je dis à toutes les lanceuses d’alerte et à toutes les personnes qui ont témoigné, permettant ainsi la prise de conscience, que leur appel a été entendu. Le rôle du Parlement est désormais de prendre le relais pour faire la lumière sur les violences systémiques et pour s’assurer qu’elles ne se reproduiront plus. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé, le 14 mars dernier, cette proposition de résolution visant la création d’une commission d’enquête. Il n’a fallu que quelques heures pour que des collègues députés de plusieurs groupes politiques expriment publiquement leur soutien. Je remercie tout particulièrement nos collègues Perrine Goulet, présidente de la délégation aux droits des enfants, et Véronique Riotton, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
    En à peine dix jours, la proposition de résolution a été cosignée par près de quatre-vingts députés, issus de neuf groupes différents, et inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée par la conférence des présidents. Si elle est adoptée, cette commission d’enquête verra le jour grâce à une volonté transpartisane, en dehors de tout droit de tirage, fait rarissime qui témoigne de l’importance du sujet. Ce soutien transpartisan honore l’Assemblée nationale et envoie un premier signal fort aux victimes.
    À nous, désormais, de joindre les actes à la parole. Je l’ai dit en commission et je le répète : nous ne pouvons plus détourner le regard et considérer ces violences comme des exceptions. La représentation nationale ne peut se contenter de recueillir la parole trop longtemps tue des victimes : elle doit s’en faire le relais et trouver des solutions. Plus qu’une libération de la parole, les victimes ont besoin d’une libération de l’écoute et de politiques publiques adéquates. Le temps de l’action est venu. Je vous invite donc, chers collègues, à approuver à l’unanimité la création de cette commission d’enquête. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, RE, LFI-NUPES, LR, Dem, SOC, GDR-NUPES et LIOT.)

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    Dans la discussion générale, la parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Dans un livre paru hier, Dire vrai, l’actrice et réalisatrice Isild Le Besco écrit : « Aujourd’hui, les mots sortent. Ils s’organisent et me montrent le chemin. Je détricote mon histoire et la redécouvre. J’ai protégé si longtemps ceux qui m’ont abusée… Au fur et à mesure que je nomme, ma vérité reprend le pouvoir. Mes limites deviennent plus claires : on ne peut plus les enfreindre. » Isild Le Besco raconte notamment les violences sexuelles, physiques et psychologiques qu’elle a subies de la part de Benoît Jacquot alors qu’il était âgé de 52 ans et qu’elle n’en avait que 16. Son témoignage rappelle celui de Judith Godrèche, qui a porté plainte pour viol sur mineure contre le réalisateur.
    Isild Le Besco, Judith Godrèche, Adèle Haenel, Anna Mouglalis et tant d’autres, célèbres, inconnues ou anonymes, ont témoigné des violences subies dans le milieu du cinéma – mais beaucoup ne l’ont pas fait… Les femmes osent désormais parler et porter plainte. Les choses avancent petit à petit, mais trop lentement. Les plateaux de tournage sont toujours des lieux de violences sexuelles et sexistes. Après les plaintes déposées en début d’année par deux femmes qui l’accusent d’agressions sexuelles sur le tournage du film Les Volets verts en 2021, Gérard Depardieu sera jugé en octobre. Au total, vingt femmes ont témoigné, par dépôt de plainte ou dans la presse, des violences qu’elles ont subies de la part de l’acteur. Pourtant, le Président de la République déclarait encore en décembre 2023 : Gérard Depardieu « rend fière la France ».
    Les femmes n’ont pas attendu 2024 pour dénoncer les violences dont elles ont été victimes, notamment lorsqu’elles étaient enfants, mais qui les entendait alors, qui prenait la peine de les écouter ? Sept ans après le début de l’affaire Weinstein aux États-Unis, le cinéma français et, avec lui, la société tout entière sont enfin sommés de regarder la réalité en face. Certaines voix de la profession et du milieu intellectuel s’élèvent pour faire leur autocritique. C’est l’industrie du cinéma dans son ensemble qui doit désormais se remettre en question.
    Trop longtemps, des hommes célèbres ont abusé d’enfants en toute impunité, se prévalant de la liberté artistique. Cette « romantisation » de la transgression, de l’artiste qui franchit les limites du tabou et de l’interdit, a mis sous silence la situation de nombreux enfants dans les milieux du cinéma et du spectacle vivant, et nous a empêchés de voir les situations de violences psychologiques, parfois physiques et sexuelles, dans les conservatoires, les écoles supérieures et les écoles privées d’art dramatique. En 2021, le lancement du hashtag #MeTooThéâtre sur les réseaux sociaux a conduit de nombreuses personnes à témoigner contre les méthodes employées par certains enseignants. Il est temps de faire la lumière sur toutes les violences et de construire, avec les acteurs et les actrices du cinéma et du spectacle vivant, un cadre propice à l’expression des victimes et protecteur pour les enfants et les jeunes en formation.
    Comme l’a fort justement souligné Francesca Pasquini, il convient de dévoiler et d’analyser les mécanismes à l’œuvre, qui causent encore tant de victimes. Le rôle de l’Assemblée nationale est de se saisir de ces témoignages et de prendre le sujet à bras-le-corps. La création d’une commission d’enquête est indispensable pour que toute la lumière soit faite et pour que plus jamais un seul enfant ou un seul jeune ne subisse une situation de violence sur un tournage ou dans une école de théâtre. Je remercie chaleureusement la rapporteure pour son initiative en faveur de la création rapide d’une commission d’enquête, qui devra entendre, mais aussi agir. Elle a su nous rassembler sur tous les bancs.
    « Depuis quelque temps, je parle, je parle, mais je ne vous entends pas », disait Judith Godrèche lors de la cérémonie des César. Entendons-la, entendons-les toutes et tous, pour que leur courage ne soit pas vain et qu’il mène, par la prise de conscience collective et grâce au travail parlementaire que nous conduirons, à la protection des mineurs contre toutes les formes de violence sur les plateaux de cinéma, dans le spectacle vivant, la mode et dans la société tout entière. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, RE, LFI-NUPES, LR, Dem, SOC, HOR, GDR-NUPES et LIOT.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Véronique Riotton.

    Mme Véronique Riotton

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    Adèle Haenel, Judith Godrèche, Guslagie Malanda, Sophie Marceau, Laetitia Casta, Juliette Binoche, Aurélien Wiik : j’ai tout d’abord, évidemment, une pensée pour ces lanceurs et lanceuses d’alerte, victimes, témoins des violences qui perdurent dans l’industrie de la culture. Merci d’avoir réussi à briser ce silence insupportable, malgré la peur et la pression. Merci pour votre courage. Je peux vous assurer d’une chose : oui, nous vous avons entendus. J’ai aussi une pensée pour toutes celles et tous ceux qui ne peuvent pas – ou pas encore – parler. Sachez que nous ne détournerons pas le regard, nous nous battrons pour que chacune et chacun d’entre vous soit entendu.
    Au nom de mon groupe, je tiens à affirmer ici et par-delà cet hémicycle que, non, ce que vivent ces enfants et ces femmes, ce ne sont pas seulement des « comportements inappropriés » ou des « blagues un peu lourdes » ; non, embrasser une actrice ou lui imposer des scènes de sexe sans la prévenir ne fait pas « partie intégrante du métier » ; non, affamer un mannequin, lui faire du chantage à l’emploi, l’humilier n’est pas acceptable.
    Depuis le lancement de #MeToo, nous avons connaissance de ces violences – personne ne peut les nier. J’ai été très touchée par le soutien organisé par Michel Broué et 100 hommes, cosignataires d’une tribune. Messieurs, nous avons aussi besoin de vous pour reconnaître ces violences, pour dire stop, pour soutenir les victimes. Vous pouvez être les témoins passifs de ces violences ou faire le choix d’être nos alliés et de coconstruire avec nous un projet de société plus égalitaire, où ces violences n’auront plus leur place.
    Aujourd’hui, ce même choix s’impose à nous : continuer de détourner le regard ou décider enfin de regarder ces violences en face et ceux qui les perpétuent, pour proposer des solutions afin qu’elles s’arrêtent. Nous ne pouvons tolérer que le corps de nos enfants et des femmes soient sacrifiés sur l’autel de la culture. Il est de notre responsabilité de parlementaires de tendre la main aux victimes et d’exiger des politiques publiques à la hauteur de l’enjeu.
    Face au fléau des violences qui perdurent dans cette industrie complexe, nous avons décidé d’employer des moyens nouveaux. En tant que présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, avec notre collègue Perrine Goulet, présidente de la délégation aux droits des enfants, nous avons organisé pour la première fois une audition commune, afin d’entendre Judith Godrèche.
    C’est pourquoi je défends, au nom de mon groupe et avec son soutien plein et entier, cette proposition de résolution de notre collègue écologiste Francesca Pasquini, que je salue, comme je salue le travail transpartisan mené depuis le départ.
    J’ai souhaité, avec l’appui de Mme la rapporteure Francesca Pasquini et de nos collègues Perrine Goulet et Erwan Balanant, que nous puissions étendre cette commission d’enquête aux victimes majeures, afin de protéger toutes les victimes. C’était une demande appuyée de leur part, que nous avons ainsi entendue. Je suis ravie que nous ayons reconnu l’importance du continuum des violences, afin de déployer les moyens de protéger les mineurs et les majeurs.
    Cette proposition de résolution ainsi modifiée vise à une chose : passer à l’action, prendre le relais de façon concrète et rapide. Votons-la à l’unanimité afin de construire ensemble une culture à la française dont nous soyons réellement fiers. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR, ainsi que sur les bancs des commissions.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Angélique Ranc.

    Mme Angélique Ranc

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    Le 14 mars, la délégation aux droits des enfants, dont je suis membre, auditionnait l’actrice Judith Godrèche, qui a porté plainte contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon pour viols sur mineure – elle avait 14 ans au moment des faits. Judith Godrèche, comme beaucoup d’autres, a été directement victime de la « familia grande » du cinéma, qui s’est protégée et continue de se protéger.
    Au vu des réalisateurs qu’elle a dénoncés, elle a probablement vécu la pire époque : celle du libertarisme post-soixante-huitard, qui ne souffrait aucune barrière ni interdit, qui pétitionnait dans les années 1970 en une de Libération pour défendre les pédophiles poursuivis par la justice, ou en 1977 dans Le Monde pour défendre les relations sexuelles entre adultes et enfants.
    C’est après les propos tenus par Benoît Jacquot dans un documentaire très complaisant réalisé par Gérard Miller – lui-même mis en cause par plus de cinquante femmes pour violences sexuelles – que Judith Godrèche a décidé de prendre la parole. Le cinéma devra-t-il déboulonner ses propres films cultes, ses propres monuments, ses propres héros, ses psys fétiches ?
    Judith Godrèche nous a clairement alertés sur les risques que courent toujours les mineurs au sein de l’industrie du cinéma. Que ce soit dans le cadre des castings ou des tournages, aucune protection ni garde-fou n’existe pour protéger les enfants ou les mineurs, qui peuvent être le jouet d’un véritable système de prédation.
    J’ai d’ailleurs une pensée pour la comédienne et réalisatrice Isild Le Besco, qui a récemment annoncé ne pas encore être prête à porter plainte contre les hommes qui l’on violentée physiquement ou psychologiquement il y a plus de vingt ans. Elle nous adresse ainsi un message fort en indiquant ne pas vouloir se confronter à des institutions poussiéreuses, pensées et régies par des hommes. Il y va de notre devoir de changer la vision des victimes, afin qu’elles puissent se sentir écoutées, entendues, entourées, comprises et que justice leur soit rendue. Le travail est encore long, mais nous espérons que cette commission d’enquête sera révélatrice du changement de la société et de sa considération à leur égard.
    La protection des enfants qui évoluent dans le milieu artistique contre les violences physiques, psychologiques ou psychiques, ne peut pas et ne doit pas échapper à la loi. Il en va de même des personnes majeures, et c’est une bonne chose que la commission d’enquête ait été élargie : on ne vit pas mieux une agression à 18 ans qu’à 16 ans.
    Cependant, au vu de l’élargissement du périmètre de cette commission aux secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité, il conviendra de prêter attention à bien encadrer sa mise en œuvre, afin qu’elle ne reste pas un vœu pieux.
    Enfin, nous regrettons profondément d’avoir été écartés de la cosignature de la proposition de résolution, d’une manière – il faut le dire – particulièrement minable, alors que nous avions auditionné ensemble Judith Godrèche au sein de la délégation aux droits des enfants. Ce refus d’associer le premier groupe d’opposition de l’Assemblée, alors même que notre collègue Caroline Parmentier avait déposé une proposition de résolution similaire ouverte à la cosignature de l’ensemble des députés, n’est pas à la hauteur du sujet qui nous occupe. Ce n’est pas là le comportement que les victimes attendent du Parlement.
    Dans tous les cas, le groupe Rassemblement national prendra toute sa part lors des auditions et ne fera preuve d’aucune complaisance. Nous espérons vivement pouvoir travailler main dans la main avec chaque député, ne serait-ce que par respect pour les victimes auxquelles ma pensée va aujourd’hui.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Clémentine Autain.

    Mme Clémentine Autain

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    Elle parle, et il est temps qu’elle nous entende. C’est une revenante des Amériques qui est venue donner des coups de pied dans la porte blindée : Judith Godrèche, après l’affaire Weinstein, après les mots d’Adèle Haenel, après toutes celles qui ont osé braver la bienséance et parler. Elle nous dit que le cinéma est fait de notre désir de vérité et de notre besoin d’humanité. Pouvons-nous regarder la réalité en face et la transformer ?
    À chaque nouvelle vague #MeToo, nous engrangeons les témoignages : un océan de viols, d’agressions, d’humiliations. C’est une industrie. Ces actes de domination passent par la sexualité mais ils n’ont qu’un seul but : soumettre l’autre, le transformer en objet, le réduire à néant. Il est plus que temps de le comprendre : « Le viol est davantage une question de pouvoir que de sexe », comme l’écrit si justement Neige Sinno dans Triste tigre.
    Le monde du cinéma est un univers de pouvoir. On y brasse beaucoup d’argent et on y gagne beaucoup de prestige. Mais la gloire côtoie la précarité. C’est un territoire parfait pour la possession et l’emprise. Pour elles, intermittentes, jeunes, avec la peur de perdre leur travail et d’être blacklistées dans un univers replié sur lui-même, c’est le secret, le déni, la chape de plomb. Pour d’autres, les « génies créateurs », les « fabricants de muses », les « révélateurs de talents », c’est l’artifice de la scène, le grand jeu qui donne toutes les permissions, avec les spectateurs pour juges. Sordide.
    Il est plus que temps d’agir. D’abord pour remettre les choses à l’endroit : que la victime qui parle ne soit pas mise au ban mais protégée, soutenue ; que le prédateur qui agresse ne soit pas protégé mais éloigné, neutralisé. Cette commission d’enquête sur les violences sexistes et sexuelles dans le cinéma marque un premier pas essentiel.

    Mme Rachel Keke

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    Exactement !

    Mme Clémentine Autain

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    Prendre la mesure de ce qui se passe, comprendre les mécanismes à l’œuvre et saisir l’ampleur du phénomène constitue la première pierre de toute politique qui ne se réduit pas aux effets d’annonce. Cette commission sera aussi l’occasion, pour toutes les personnes qui seront auditionnées, sous serment, de dire la vérité.
    Mais ne nous trompons pas. Une fois ce texte voté et cette commission instaurée, il faudra des mesures concrètes, qui préviennent et contraignent, pour arrêter le massacre et empêcher les agresseurs d’opérer dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, et plus globalement des arts et de la culture – je pense à cette tribune de 400 écrivaines, éditrices et enseignantes-chercheuses récemment parue pour nous interpeller. Nous serions bien inspirés de considérer le travail remarquable produit par la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) qui, sous l’impulsion d’Édouard Durand – étonnement remercié depuis – a mis 82 propositions sur la table. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Mme la rapporteure applaudit également.)
    Pendant ce temps, Dominique Boutonnat, président du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) – instance qui attribue des aides et régule les marchés du cinéma et de l’audiovisuel –, reste, quant à lui, bien en place, à son poste. Il sera pourtant jugé en juin pour agression sexuelle sur son filleul. Mais circulez, il n’y a rien à voir !

    Mme Rachel Keke

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    La honte !

    Mme Clémentine Autain

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    Alors que le #MeToo du cinéma n’en finit pas, quel signal est envoyé ? Sans doute le même que celui lancé par Emmanuel Macron lorsqu’il déclare que Gérard Depardieu est victime d’une « chasse à l’homme » et qu’il « rend fière la France » – l’acteur sera jugé en octobre pour agression sexuelle. Ou lorsque le Président de la République remet la légion d’honneur à Thierry Ardisson…

    Mme Elsa Faucillon

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    La honte ! La honte !

    Mme Clémentine Autain

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    …au moment même où des extraits d’une interview ignoble de Christine Angot refont surface à l’occasion de la sortie de son film, Une famille, qui m’a bouleversée et qui, je crois, fera date. Au moment de l’interview, elle publiait L’Inceste ; Thierry Ardisson reprenait alors allègrement les termes des critiques littéraires de l’époque, qui la qualifiaient de « pute » et son éditeur de « proxénète », tout cela dans l’hilarité générale, au sein d’une émission d’un sexisme achevé. Quand cet aveuglement, cette indécence, cette violence s’arrêteront-ils ?
    La proposition de résolution que nous examinons, présentée par notre collègue Francesca Pasquini, que je salue, constitue une réponse salutaire. Je me réjouis des élargissements apportés, en bonne intelligence, à la version initiale du texte, lors de son examen en commission. Il ne s’agit plus seulement des mineurs mais aussi des adultes. Nous ne nous limitons pas aux lieux de travail mais visons également les lieux d’apprentissage. Nous élargissons le champ d’enquête à l’audiovisuel et à la publicité. Enfin, nous nous engageons à analyser les mécanismes de domination et à en déterminer les responsables. Tous ces ajustements vont dans le bon sens.
    J’ai cependant un regret. Je note l’absence du mot « femmes » : ces dernières sont incluses dans les victimes majeures, mais n’apparaissent pas en tant que telles. Ce sont pourtant bien elles qui sont l’objet de la domination masculine qui irrigue toutes ces violences sexuelles.

    Mme la présidente

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    Je vous remercie de conclure, chère collègue.

    Mme Clémentine Autain

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    Nous voterons pour la « commission Godrèche ». Pour que lumière soit faite. Pour l’écoute. Pour changer les rapports de force, enfin. L’arc réactionnaire qui voudrait ne rien voir n’a pas disparu. Il attend que la vague passe. Mais les vagues reviennent. Elles ne s’arrêteront plus. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Mme Patricia Martin se lève pour applaudir.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Annie Genevard.

    Mme Annie Genevard

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    Qu’elle nous paraît lointaine, et qu’elle est proche pourtant, cette époque singulière où la libération des mœurs correspondait à la banalisation de comportements abjects de la part de créateurs ou d’artistes, indifférents aux tourments qu’ils infligeaient impunément. On ne les condamnait pas, parfois même on leur tendait le micro, parce que la morale et la vertu étaient, disait-on, une affaire de bourgeois. L’heure était à la subversion des valeurs. Rares étaient ceux qui se refusaient au nouvel ordre moral, et plus esseulés encore étaient ceux qui défendaient ces évidences que sont la dignité humaine et le respect du corps et de l’esprit.
    Mesurons les stigmates laissés par ces décennies de déviance libertaire et les insondables blessures dont nous avons pu, pour certaines, prendre connaissance, mais dont la plupart seront tues à jamais : les gorges nouées, les pleurs étouffés, les éternels silences.
    Mesurons l’importance du sujet qui nous réunit aujourd’hui, alors que se dissipe une cécité collective et que se fait cruellement jour l’ampleur de ce naufrage.
    Fernand Braudel disait des mentalités qu’elles sont des prisons de longue durée. Et l’on voit bien, à la lumière de trop nombreux témoignages, que subsiste encore, dans certains milieux artistiques et à l’égard de certains comportements, une forme d’indulgence, quand il ne s’agit pas d’une véritable omerta organisée. Aussi la meilleure manière d’indiquer notre considération pour la parole des victimes est-elle de nous employer collectivement à comprendre les rouages de ces systèmes mortifères, afin d’y mettre un terme.
    Je viens de regarder le film Le Consentement, qui décrit parfaitement les ravages du mécanisme immuable dont tant de très jeunes actrices ont été victimes – l’emprise, la complaisance des adultes.
    En tant que parlementaires, il n’est pas de notre compétence d’identifier nommément les coupables, ni de les condamner. Il est en revanche de notre devoir d’appréhender en profondeur les mécanismes qui leur permettent d’agir et, parfois, de se soustraire au pouvoir judiciaire. L’exercice de cette commission sera ainsi soumis à une double exigence, difficile à tenir mais essentielle à son succès : l’indispensable respect, d’une part, de la présomption d’innocence – y compris devant des faits que nous jugeons inqualifiables, tant qu’ils ne sont pas établis par la justice – et, d’autre part, une considération totale pour le témoignage des victimes, qui se sont trop longtemps heurtées au mur du discrédit ou du dédain.
    Les forteresses où ces comportements ont sévi – le milieu médical est la dernière d’entre elles – tombent heureusement l’une après l’autre. Il est grand temps que les industries du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité en fassent de même. Si cette commission d’enquête, comme nous le pensons, peut apporter sa pierre à l’édifice, elle est tout à fait salutaire. Les Républicains voteront donc naturellement en faveur de sa création et s’impliqueront résolument dans ses travaux, pour proposer des réponses efficaces et concrètes, à la hauteur de cet enjeu de société si décisif. (Mme la rapporteure et Mme Sophie Taillé-Polian applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Erwan Balanant.

    M. Erwan Balanant

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    Les récentes révélations des actrices et de quelques acteurs ont provoqué une onde de choc dans la société et dans le milieu de la culture. Toutes et tous ont dénoncé la léthargie du monde du cinéma face aux multiples dérives qui ne cessent de se produire et, plus inquiétant, de se reproduire. Nous avons beau jeu de dénoncer l’omerta qui existe dans le monde du cinéma, mais nous y avons collectivement notre part de responsabilité.
    Nous n’avons pas su prendre la mesure des dénonciations faites, depuis des années, par de nombreuses personnalités du monde de la culture, dans le cinéma mais aussi dans la publicité, la mode ou encore la photographie. En 2016, Flavie Flament dénonçait le viol dont elle avait été victime, lorsqu’elle était adolescente, de la part d’un photographe. En 2019, Adèle Haenel a révélé avoir été victime, elle aussi à l’adolescence, d’agressions sexuelles de la part d’un réalisateur. En 2023, Judith Godrèche dénonçait les viols et les agressions sexuelles dont elle a été victime, adolescente, de la part de différents réalisateurs. En 2024, à la veille de la grand-messe du cinéma français, Aurélien Wiik témoignait des abus qu’il avait subis à l’adolescence de la part de son agent, aujourd’hui condamné pour ces faits. Les années se suivent et se ressemblent, avec pour points communs la jeunesse des victimes, leur innocence – tout le temps – et la position dominante des agresseurs.
    Alors que dénoncer son agresseur demande un courage immense, nous ne pouvons faire partie de ceux qui n’écoutent pas. Nous ne pouvons faire partie de ceux qui mettent la poussière sous le tapis. Nous ne pouvons faire partie de ceux qui, à leur niveau, ne protègent pas. Mais nous pouvons faire partie de ceux qui accompagnent ce mouvement, qui soutiennent les victimes et qui, sans doute, feront évoluer la loi. Je refuse que nous soyons de ceux qui laissent faire sans bouger, je refuse que notre inaction favorise l’émergence d’un monde trop dangereux – pour nous tous, mais surtout pour les enfants.
    Alors aujourd’hui réveillons-nous, aujourd’hui agissons, aujourd’hui disons à toutes les victimes de violences physiques, psychologiques, sexistes et sexuelles que nous les écoutons et que nous allons travailler à offrir un monde plus sûr.
    La présente proposition de résolution en est le meilleur moyen. Le groupe Démocrate, madame la rapporteure, tient à vous remercier pour votre initiative et pour avoir su mener un travail transpartisan qui nous a permis, à l’issue des travaux de la commission, de faire adopter votre proposition à l’unanimité. Je ne doute pas qu’il en sera de même aujourd’hui.
    Les débats en commission nous ont permis d’étendre le périmètre de la commission d’enquête, d’une part, aux violences sous toutes leurs formes, que peuvent subir aussi les adultes, et, d’autre part, aux domaines du spectacle vivant, de la mode, de l’audiovisuel et de la publicité. Certains peuvent douter de la nécessité de donner un spectre si large à cette commission d’enquête ; mais ne pas l’étendre aux adultes, c’est laisser de côté de nombreuses victimes, notamment les jeunes majeurs. Et se concentrer sur le cinéma, c’est laisser de côté tout un pan des témoignages qui émergent aujourd’hui. Ne soyons pas aveugles : le cinéma n’est pas la seule industrie du monde de la culture à être impliquée. Ce serait une erreur que de laisser de côté les autres pratiques artistiques, comme le prouve l’émergence des mouvements #MusicToo et #MeTooThéâtre.
    Votons en responsabilité pour cette proposition de résolution, votons pour la création de cette commission d’enquête qui nous permettra de mettre au jour les défaillances, d’établir les responsabilités de chacun et de proposer, je l’espère, un cadre plus protecteur.
    Les députés Démocrates, et, avec eux, la présidente de la délégation aux droits des enfants, Perrine Goulet, soutiennent avec force la création de cette commission d’enquête. (Applaudissements sur les sur les bancs des groupes Dem et LFI-NUPES. – Mme la rapporteure applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.

    Mme Agnès Firmin Le Bodo

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    En février dernier, Judith Godrèche, auditionnée par la délégation aux droits des femmes au Sénat, formulait avec insistance son espoir qu’une commission d’enquête parlementaire sur le droit du travail des mineurs dans le monde du cinéma soit créée. Elle nous détaillait qu’y existent les mêmes systèmes de violence que dans les milieux de l’éducation, de l’édition ou du sport, pour lesquelles une commission d’enquête a été ordonnée. Et je signale, comme notre collègue Annie Genevard, que le monde médical vient lui aussi de rompre le silence.
    Quinze jours plus tard, auditionnée par la délégation aux droits des enfants de l’Assemblée nationale, et nous laissant tous très émus de son témoignage et de son appel à agir, elle réitérait sa demande de commission d’enquête, afin de protéger les enfants et leurs familles. Elle avait alors elle-même reçu 4 500 témoignages de victimes.
    Après son passage en commission, nous examinons en séance la proposition de résolution qui tend à créer une commission d’enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité. Je remercie la rapporteure Francesca Pasquini qui nous permet, sur le temps transpartisan de la semaine de l’Assemblée, d’examiner ce texte soutenu par l’ensemble des groupes qui y sont représentés. Je me félicite que ce sujet, si délicat et important, fasse l’unanimité – même s’il est triste et intolérable que nous ayons à discuter de ce fléau qui touche tant de personnes, mineures et majeures, dans tant de secteurs.
    Depuis le mouvement #MeToo, commencé il y a six ans à Hollywood, la parole se libère enfin, oserai-je dire, dans le milieu du cinéma français. Cette libération de la parole a également permis, en début d’année, l’émergence du mouvement #MeTooGarçons, qui a révélé des abus, dans le monde du cinéma, sur des acteurs adolescents.
    Il était temps d’agir. Le Président de la République a ainsi créé, le 23 janvier 2021, une commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles, dont les conclusions ont été rendues en novembre 2023. Le Gouvernement a également annoncé un plan sur cinq ans, 2023-2027, afin de protéger les enfants de toutes les formes de violence, présentant un ensemble de vingt-deux actions concrètes.
    La proposition de résolution que nous examinons, justement élargie en commission, cosignée par soixante-quinze députés de neuf groupes politiques différents, comporte un article unique visant à créer une commission d’enquête de trente membres. Elle sera chargée d’évaluer la situation des mineurs qui travaillent au sein des secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité. Il lui reviendra également de faire un état des lieux des violences qui y sont commises sur des majeurs, ainsi que d’identifier les mécanismes et les défaillances qui rendent possibles ces abus et ces violences, et d’établir, enfin, les responsabilités de chaque acteur en la matière.
    J’ai moi aussi vu le film Le Consentement, et je suis intimement persuadée qu’il serait un excellent outil pour comprendre les phénomènes d’emprise, pour réfléchir à un modèle éducatif et pour formuler des recommandations sur les réponses à apporter. Car, comme le dit la rapporteure, il nous faut d’abord comprendre, analyser, et ensuite agir.
    Soucieux que ce sujet ne soit pas éteint dans notre société à la suite de décennies d’aveuglement et de silence, le groupe Horizons et apparentés, touché par les nombreux témoignages – et par la récente prise de parole d’hommes qui viennent soutenir cet engagement – est certain qu’il faut agir, et agir vite. Il soutiendra donc cette proposition de résolution et se prononcera en faveur de la création d’une commission d’enquête notamment chargée de formuler des propositions concrètes pour mieux lutter contre un tel fléau. Nous espérons qu’elle pourra le faire dans des conditions à la hauteur de ce sujet grave et sensible.
    Merci à toutes celles et à tous ceux qui ont osé parler. Merci à tous ceux qui oseront bientôt le faire. Madame Godrèche, vous avez parlé, nous vous avons entendue. (Applaudissements sur les bancs des commissions. – Mme Annie Genevard et Mme Véronique Riotton applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Fatiha Keloua Hachi.

    Mme Fatiha Keloua Hachi

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    « Mes bras serrés c’est vous, toutes les petites filles dans le silence. Mon cou, ma nuque penchée, c’est vous, tous les enfants dans le silence. Mes jambes bancales, c’est vous, les jeunes hommes qui n’ont pas pu se défendre. Ma bouche tremblante, mais qui sourit aussi, c’est vous, mes sœurs inconnues. »
    Ces propos courageux, forts de sens et glaçants à la fois, ce sont ceux de Judith Godrèche lors de la cérémonie des Césars, en 2024. En France, entre le 1er janvier et le 1er avril 2024, ce sont 40 000 enfants qui ont été agressés ou violés. Ce chiffre ne peut pas, et ne doit pas, nous laisser indifférents. Les mineurs, et particulièrement les enfants très jeunes, sont souvent plus fragiles car incapables de se défendre. Leur jeune âge devient alors un critère de vulnérabilité constant et, malheureusement, ils se retrouvent exploités par ceux qui cherchent à instaurer une forme de domination malsaine. Le cinéma, la mode et le monde artistique, de manière générale, ne sont pas hermétiques à ce qui touche notre société.
    La domination sur les enfants se fait de manière systématiquement abusive d’un point de vue physique, sexuel ou professionnel.
    Parce que cette domination existe et parce que, depuis trop longtemps, l’omerta et l’impunité perdurent, nous avons, nous adultes responsables et parlementaires, la charge de la protection de celles et ceux qui ne doivent plus jamais subir cela ni dans le monde artistique ni ailleurs.
    Depuis 2017, les #MeToo se sont succédé – en commençant par #MeTooCinéma aux États-Unis – à l’initiative de victimes courageuses, ces mouvements, qui ont eu la force de dire stop, ont permis progressivement de libérer la parole. Mais est-ce fini ? Non, car notre société a depuis trop longtemps intériorisé des codes patriarcaux, misogynes et masculinistes.
    Quel est l’accueil de ces mouvements de libération de la parole ? Quel message adressons-nous lorsque des femmes courageuses déclarent qu’elles ont été sous emprise, violentées, abusées lorsqu’elles étaient mineures et que nous regardons ailleurs ? Quel message envoie-t-on lorsque 86 % des plaintes pour violences sexuelles sont classées sans suite, et que seulement 2 % des victimes portent plainte ?
    Que dire aux mineurs ? Comment peuvent-ils se défendre ? De quelles armes disposent-ils pour dire non à une scène dans laquelle ils seraient trop dénudés, à une main qui descendrait trop bas, à des moments d’intimité en coulisses, pour dire non à celui sans qui aucune carrière ne peut voir le jour ?
    Dans le cinéma comme ailleurs, l’adulte devrait être un exemple, un repère, une personne de confiance pour chaque mineur et, pourtant, ce n’est pas le cas.
    Quand Judith Godrèche est intervenue aux Césars, elle ne s’est pas exprimée uniquement pour elle, mais pour au moins 2 000 victimes en quatre jours, pour plus de trois millions de femmes et d’hommes qui disent avoir été victimes de violences sexistes et sexuelles lorsqu’ils étaient enfants. Elle parle pour tous ceux qui, enfants, ont subi dans le silence ces violences sans jamais pouvoir en parler.
    Grâce à la présente proposition de résolution, nous pouvons montrer à ces mineurs que nous souhaitons les aider, que nous les croyons, que nous les écoutons car le silence d’une violence ne doit jamais construire ces enfants. Nous pouvons enfin commencer à faire la lumière sur les pratiques, les violences et toutes les dérives depuis trop longtemps internalisées dans un secteur qui a vécu dans le silence.
    Stop à l’impunité ; stop aux agresseurs ; stop à l’omerta. Les socialistes se placent toujours du côté des victimes. Nous le répétons à tous ces mineurs : nous vous entendons et nous vous croyons. Nous voterons pour cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Béatrice Descamps applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Elsa Faucillon.

    Mme Elsa Faucillon

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    Judith Godrèche, Christine Angot, Vanessa Springora, Camille Kouchner, Adèle Haenel, Neige Sinno, Andréa Bescond, et d’autres que je ne citerai pas, vous êtes la fierté de la France. Merci à vous et à toutes les femmes qui ont pris la parole. Vos témoignages mettent en lumière l’ampleur des violences sexistes et sexuelles, et contribuent à briser le silence.
    Pourtant, encore aujourd’hui, nombre d’agressions sexuelles ou de violences psychologiques et physiques se déroulent dans un silence assourdissant, en particulier lorsqu’elles sont subies pendant l’enfance. La famille reste la sphère de socialisation où se produisent le plus de violences sexuelles : près de 7 % des femmes et 2 % des hommes se sont déclarés victimes de violences sexuelles dans la sphère intra ou parafamiliale.
    Mais ces dernières se produisent également dans d’autres sphères : de l’industrie de la mode au spectacle vivant, en passant par le cinéma, de nombreuses professionnelles – comédiennes, mannequins, mais aussi ouvrières ou techniciennes – ont témoigné des violences sexuelles dont elles ont été victimes lorsqu’elles étaient mineures. Alors, comme nous y a récemment invités Judith Godrèche, nous voulons avec elle, et avec tant d’autres, passer du chuchotement à la fanfare.
    En 2021, lors d’une audition au Sénat, une dizaine d’ex-mannequins ont accusé des figures de la mode comme Gérald Marie ou Jean-Luc Brunel de les avoir violées dans les années 1980 et 1990 lorsque certaines d’entre elles étaient encore mineures.
    Après avoir déposé une plainte pour viols sur mineure contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon, l’actrice et réalisatrice Judith Godrèche a dénoncé l’écrasement de la parole et l’invisibilisation de la souffrance des enfants dans l’industrie du cinéma.
    Ces milieux ont en commun le prestige, des relations d’intérêt, l’argent et le pouvoir – cocktail détonnant qui aboutit à une impunité insupportable nourrissant un système de prédation. Relations asymétriques entre réalisateurs et actrices, rapport à l’image, au regard de l’autre et au corps déformé par une contrainte esthétique : les industries culturelles présentent une multiplicité de facteurs de risques de violences sexistes et sexuelles. S’y ajoute la précarité liée au statut – je pense notamment aux techniciennes et aux ouvrières du monde du spectacle.
    De surcroît, ces crimes sont souvent à l’origine d’amnésies traumatiques et de troubles psychologiques pérennes qui entravent davantage la libération de la parole des victimes, et la condamnation des responsables.
    Ce système de prédation est difficile à dénoncer car la liberté de création est le prétexte des agressions et agissements illégaux de certains artistes. Pourtant, nous l’affirmons, lutter contre les violences n’est pas une atteinte à l’art. Nous sommes résolument contre la domination masculine et ses conséquences dévastatrices sur les corps et pour l’art. Il ne s’agit pas de censure, mais de respect, pas d’une chasse aux sorcières mais d’une quête éperdue de justice et de dignité.
    Certes, il existe des dispositifs de protection des mineurs travaillant au sein des industries culturelles. Mais ils sont largement insuffisants, voire inappropriés. C’est par exemple le cas de l’autorisation préalable à l’emploi d’enfants, qui encadre le travail des moins de 16 ans dans l’industrie du cinéma. La demande d’autorisation est examinée par une commission spécialisée, dite des enfants du spectacle, composée notamment d’un représentant de l’éducation nationale, d’un médecin et d’un magistrat. Mais cela ne permet pas de détecter les risques auxquels sont exposés les mineurs une fois le tournage commencé. Ainsi, de nouvelles scènes, non prévues initialement, peuvent être ajoutées au moment de ce tournage.
    La présente proposition de résolution est une étape fondamentale qui doit nous permettre d’avancer dans la reconnaissance des victimes d’abus et de violences dans les secteurs culturels et publicitaires, et dans la construction de dispositifs protecteurs pour les mineurs et les professionnels. Nous avons besoin de propositions concrètes et nous pouvons nous appuyer sur celles formulées par la Ciivise, notamment celles du juge Édouard Durand.
    Permettez-moi de conclure cette intervention par les mots de Neige Sinno : « Un abus sexuel sur un enfant n’est pas une épreuve, un accident de la vie, c’est une humiliation profonde et systémique qui détruit les fondements mêmes de l’être. » Voilà à quoi nous devons nous attaquer, résolument, et j’espère cette commission pourra y contribuer.
    Le groupe GDR-NUPES remercie Francesca Pasquini pour son initiative et votera évidemment cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES. – Mme Véronique Riotton et M. Erwan Balanant applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Béatrice Descamps.

    Mme Béatrice Descamps

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    Lors de mon intervention en commission, j’ai cité les propos de Judith Godrèche lors de son audition par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, et la délégation aux droits des enfants. Mots terribles, qui racontaient une réalité troublante et des actes qui dépassent l’entendement, ils nous ont tous glacé le sang. Mais ils sont nécessaires car ils reflètent un vécu que personne ne devrait passer sous silence.
    Malheureusement, Judith Godrèche n’est pas la seule à avoir subi ces abus. Combien d’autres témoignages avons-nous écoutés ou lus ? Il y en a tant, trop ! Pourtant, nous savons que toutes les victimes n’ont pas encore parlé ; et certaines ne parleront jamais.
    « Depuis quelque temps, je parle, je parle, mais je ne vous entends pas. Ou à peine. Où êtes-vous ? Que dites-vous ? Un chuchotement, un demi-mot. ’’Ça serait déjà ça’’ dit le petit Chaperon rouge. » Tels sont les mots de Judith Godrèche lors de la cérémonie des Césars en 2024.
    C’est à nous, également, de répondre à ces questions. C’est à nous de garantir qu’aucun enfant, qu’aucune femme et qu’aucun homme ne puisse être abusé par une personne qui, du fait de son statut ou de son autorité, croit que tout lui est permis. Il est temps que cela cesse, temps de montrer que cela n’est plus vrai, que cela ne peut plus exister.
    Trop de secteurs sont concernés par ces abus, et trop de personnes les subissent. Nous le savons, nous entendons les témoignages, certes avec compassion, mais nous devons mieux écouter pour mieux agir, et mieux protéger.
    Cette commission d’enquête est plus que nécessaire afin que les victimes reprennent la parole qui leur a été volée, et afin de protéger ceux qui sont ou pourraient être victimes.
    Souvent, nous entendons que tout le monde savait ce qu’il se passait. Il est donc temps de mettre fin à la culture du secret et du tabou. Il est également temps que la culpabilité change de camp. La fin du silence doit s’accompagner de la fin de la culture de l’impunité. Il faut montrer aux victimes que leur prise de parole n’est pas vaine, alors que la confiance en la justice s’érode et que la proportion de viols classés sans suite est passée de 86 % en 2016 à 94 % en 2020.
    Nous devons protéger tous ceux qui sont placés dans une situation de vulnérabilité. La plupart du temps, l’agresseur est connu de la victime : professeur, entraîneur, réalisateur, directeur artistique, ce sont des personnes de confiance, qui incarnent le succès, la réussite future. Autorités supérieures, elles ne sont pas dénoncées par peur, du fait de leur emprise sur la victime. Pourtant, elles volent – arrachent même – une part de leur victime qui gardera des séquelles à vie.
    Cette commission d’enquête est donc indispensable. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai rapidement cosigné la proposition de résolution tendant à sa création. Lors de l’examen du texte en commission, notre groupe n’avait qu’une interrogation : ne fallait-il pas étendre le périmètre de la commission d’enquête aux adultes, compte tenu du grand nombre de témoignages ? C’est désormais le cas et nous en sommes satisfaits.
    Je terminerai en reprenant les questions posées par Judith Godrèche lors de la cérémonie des Césars 2024 : « Serait-il possible que nous puissions regarder la vérité en face ? Prendre nos responsabilités ? Être les acteurs, les actrices d’un univers qui se remet en question ? »
    En tant que législateurs et représentants de tous les Français, ces questions nous sont également posées, tant sur le sujet qui nous réunit que sur tous les autres, qui nous incombent et nous obligent.
    Le groupe LIOT votera en faveur de la création de cette commission d’enquête. Madame Pasquini, nous vous remercions de l’avoir proposée. Elle apportera, j’en suis certaine, des réponses et des solutions qui contribueront à mettre fin à ce fléau. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, Dem, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Mme la rapporteure et Mme Annie Genevard applaudissent également.)

    Discussion des articles

    Mme la présidente

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    J’appelle maintenant l’article unique de la proposition de résolution, dans le texte de la commission.

    Article unique

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Angélique Ranc, pour soutenir l’amendement no 3.

    Mme Angélique Ranc

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    Il faudrait que le rapport de la commission d’enquête mette en lumière les éventuelles carences de l’action publique dans ces secteurs. Vous conviendrez qu’il s’agit d’un amendement de bon sens.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Francesca Pasquini, rapporteure

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    Cet objectif est satisfait par l’alinéa 4. Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Erwan Balanant.

    M. Erwan Balanant

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    Je comprends votre préoccupation, madame Ranc, mais c’est le principe même d’une commission d’enquête : déterminer les responsabilités des acteurs, y compris parfois celle de l’État quand il n’a pas suffisamment agi.
    Une commission d’enquête n’est pas un tribunal ; nous ne sommes ni des juges ni des procureurs mais des législateurs. Nous devrons dégager des propositions pour faire changer les choses – sans doute en proposant un nouveau cadre juridique pour que les hommes et les femmes du milieu de la culture soient mieux protégés demain qu’ils ne le sont aujourd’hui.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Annie Genevard.

    Mme Annie Genevard

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    J’entends bien, madame la rapporteure, que cet amendement est satisfait. Il pose cependant la question de l’insuffisance de l’action publique, en particulier s’agissant des faits prescrits. Quand ils ne le sont pas, il appartient à la justice de juger et de condamner, mais comment fait-on quand des agissements abusifs caractérisés sont prescrits ? La question que soulève l’amendement de notre collègue est donc pertinente et occupera une place importance dans les travaux de la commission d’enquête.

    (L’amendement no 3 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Angélique Ranc, pour soutenir l’amendement no 4.

    Mme Angélique Ranc

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    Il tend à permettre à la commission d’enquête de formuler des préconisations législatives afin de remédier à d’éventuels manquements, soit dans l’application de la loi, soit des dispositifs eux-mêmes.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Francesca Pasquini, rapporteure

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    Cet amendement est également satisfait : il va de soi qu’une commission d’enquête peut étudier l’application de la législation en vigueur et suggérer des modifications. Ici aussi, à défaut d’un retrait, je donnerai un avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Perrine Goulet.

    Mme Perrine Goulet

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    Déterminer dans quelle mesure la législation doit évoluer est l’un des buts d’une commission d’enquête parlementaire – cela fait partie de notre job ! Je veux bien qu’on dépose des amendements pour exister mais le travail sur les enfants mérite mieux. La concorde qui règne sur ces bancs devrait s’arrêter à ces amendements. Qu’on vote ce texte – l’essentiel y est. Francesca Pasquini a défendu une proposition de résolution à la suite des auditions que nous avons menées dans le cadre des délégations aux droits des femmes et aux droits des enfants. Cette commission répond aux attentes, y compris à celles de Judith Godrèche, qui est présente dans les tribunes du public et que je salue. Il faut arrêter de pinailler et voter pour la création de cette commission d’enquête : il y a urgence pour les enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Mme la rapporteure applaudit également.)

    Mme Annie Genevard

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    On est libre, quand même !

    (L’amendement no 4 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Angélique Ranc, pour soutenir l’amendement no 5.

    Mme Angélique Ranc

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    Comme l’amendement précédent, il vise à faire en sorte que les recommandations de la commission d’enquête fassent l’objet de dispositions législatives.

    Mme Sandra Regol

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    Merci de nous décrire le travail d’une commission d’enquête en quatre amendements !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Francesca Pasquini, rapporteure

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    Je m’aligne sur les propos de notre collègue Perrine Goulet : à défaut d’un retrait, j’émettrai un avis défavorable.

    (L’amendement no 5 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Angélique Ranc, pour soutenir l’amendement no 1.

    Mme Angélique Ranc

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    Il y a de grands absents dans cette proposition de résolution, par ailleurs très pertinente – les mineurs influenceurs, de plus en plus présents dans le monde médiatique. Cet amendement vise par conséquent à compléter cette proposition de résolution en l’élargissant aux mineurs influenceurs. La loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux (loi « influenceurs ») a certes permis de se pencher sur ces cas ; des mesures spécifiques ont été prises pour protéger les enfants. Mais force est de constater que l’encadrement de ces mineurs est aléatoire. Leur environnement de travail étant plus privé qu’un plateau de cinéma, ils peuvent aussi être victimes de prédateurs.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Francesca Pasquini, rapporteure

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    Les mineurs influenceurs sont en effet un problème ; mais l’amendement nous éloigne trop du cœur de la commission d’enquête. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Sur la proposition de résolution, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Véronique Riotton.

    Mme Véronique Riotton

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    Ces amendements ne sont pas à la hauteur de ce qui nous rassemble ce matin. Nous devons faire montre d’un esprit transpartisan, digne et de la parole des victimes et de la situation actuelle du monde de la culture. Pour mener des travaux à la hauteur de nos engagements, j’inviterai l’ensemble des groupes à suivre la voie tracée par la rapporteure.

    (L’amendement no 1 n’est pas adopté.)

    Explications de vote

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sarah Legrain.

    Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES)

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    Je salue cette proposition de résolution de notre collègue Pasquini, que j’ai signée sans hésiter ; j’avais d’ailleurs déposé une proposition similaire après l’audition de Judith Godrèche entre ces murs.
    Je salue aussi les modifications apportées en commission ; elles vont dans le sens des amendements que nous avons défendus pour étendre nos investigations à l’ensemble des violences sexuelles, sans se restreindre à celles commises sur les mineurs, et pour inclure dans le périmètre d’enquête, au-delà de l’industrie de la culture, les institutions publiques – structures du spectacle vivant, lieux de formation, organismes de régulation, Centre national du cinéma et de l’image animée.
    Je rends hommage à tous ceux qui ont élevé la voix pour dénoncer les violences subies, voix qui résonne dans nos esprits et à laquelle il nous importait de répondre. Je tiens à dire à toutes celles qui ont parlé qu’elles sont entendues ; à toutes celles qui sont restées silencieuses qu’elles ne sont pas seules et qu’elles ne sont pas condamnées au silence ; et à toutes que je les crois. Le combat pour que cessent ces violences relève de notre responsabilité d’élus du peuple et nous sommes en train de le démontrer.
    Les travaux de la Ciivise du juge Durand – qui a malheureusement été écarté des travaux de la commission –, ceux des associations féministes et des sociologues – tout nous montre que ces violences sur les enfants et sur les femmes sont omniprésentes. Elles prennent leurs racines dans un système que l’on peut qualifier de patriarcal. Contrairement à ce que certains voudraient faire croire, elles n’épargnent aucun milieu et aucune sphère de la société, façonnée par de vieux schémas de domination.
    J’ai bien compris que pour certains collègues, notamment au groupe Rassemblement national, il est confortable de penser que ces violences sexuelles qui traversent le monde de la culture seraient paradoxalement le fruit d’idéologies émancipatrices récentes. Au contraire, la culture du viol est profondément ancrée dans notre société et le monde de la culture en est un habitacle singulier, un creuset symptomatique.
    Ce n’est pas un hasard si la première grande vague mondiale de libération de la parole a déferlé à la suite de l’affaire Weinstein, du nom d’un producteur de cinéma mis en cause par plusieurs dizaines de femmes, et condamné pour viol et agression sexuelle après des années de silence d’un entourage professionnel qui savait et se taisait.
    Ce n’est pas un hasard si, en France, les témoignages d’actrices se sont ensuite multipliés – d’Adèle Haenel à Judith Godrèche, en passant par Emmanuelle Debever, Charlotte Arnould, Isild Le Besco et Anna Mouglalis. Ces voix se heurtent au silence de la profession en tentant de le briser. Pensons au silence qui a entouré le cri d’Adèle Haenel qui « se lève et se casse » de la cérémonie de remise des César, mais aussi au silence opposé à Judith Godrèche quand elle s’exclame, toujours lors de cette cérémonie, quelques années plus tard : « Je parle, je parle, mais je ne vous entends pas. » C’est ce silence que nous brisons ici.
    Ce n’est pas un hasard si cette vague, partie de la grande famille du cinéma, s’accompagne d’autres déferlantes dans le monde de la culture, liées à la scène et au théâtre – #MeTooThéâtre, #MusicToo, désormais #MeTooStandUp –, le tout formant un vaste #MeToo de la culture.
    Cette grande famille de la culture fonctionne comme un miroir grossissant des violences qui traversent la famille et son pendant la société, non parce que ce monde serait une zone de subversion par rapport à des normes communes, mais au contraire parce qu’il est, malheureusement, un lieu de concentration, de reproduction et de légitimation des dominations de genre, économiques et symboliques qui gouvernent la société ; un monde très largement dominé et normé par des hommes, façonné par un regard qui fantasme femmes et enfants comme des objets à disposition, à l’image, en tournage, sur le plateau, en casting, sur scène ou en coulisses ; un monde faiblement régulé où le code du travail reste trop peu respecté et où la précarité règne chez les jeunes comédiennes, souvent intermittentes du spectacle, mais aussi chez les petites mains invisibles, techniciennes, maquilleuses, habilleuses – l’une d’elles déclarait récemment à Ouest France : « Quand on est précaire, on se tait » ; un monde où un mot d’un homme rendu tout-puissant par la notoriété et l’argent peut briser une carrière ; un monde propice à l’emprise sur les corps et sur les esprits, où les rapports de pouvoir hiérarchiques professionnels se doublent d’un ascendant symbolique fort, conféré par l’art ou la gloire.
    Ces relations de pouvoir et d’autorité s’exercent avec encore plus de force sur les personnes mineures, exploitées sans contrôle et sans accompagnement. Dans ce tout petit monde où tous se connaissent, dénoncer des violences coûte encore cher. Au contraire, on l’a constaté, en être accusé publiquement n’empêche pas de recevoir la légion d’honneur et d’être considéré comme une fierté pour la France.
    La création de cette commission d’enquête est donc nécessaire. Judith Godrèche nous disait entre ces murs que « ces souffrances, beaucoup les regardent de loin, les bras croisés, comme d’éternels témoins muets, spectateurs paralysés, qui font semblant de ne pas savoir ». Ne soyons pas ces spectateurs qui restent bras croisés. En tant que législateurs, nous ne pouvons plus accepter que l’art serve de couverture à des agresseurs : permettons à la culture de s’émanciper de la culture du viol. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    M. René Pilato

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    Excellent, madame Legrain !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Perrine Goulet.

    Mme Perrine Goulet (Dem)

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    Merci : c’est un mot que je vais répéter. Merci à toutes les actrices – et acteurs – qui ont parlé, parfois au détriment de la suite de leur carrière, pour préserver les acteurs à venir. Merci beaucoup, Judith Godrèche, pour votre présence ; merci d’avoir parlé. Merci aussi à toutes les autres, dont on ne citera pas tous les noms, de peur d’en oublier. Merci également, Francesca, de vous être appuyée sur les auditions de la délégation aux droits des femmes et de celle aux droits des enfants que nous avons menées conjointement, pour que cette commission d’enquête voie rapidement le jour. Comme quoi, quand un sujet est important, les batailles politiques peuvent être mises de côté au profit de l’intérêt général – c’est ce qui ressort aujourd’hui.
    Les dénonciations qui ont eu lieu ces derniers mois rendent cette commission d’enquête nécessaire : il faut investiguer, même si nous ne sommes pas des magistrats, comme l’a rappelé Erwan Balanant. Ce format permettra de faire déposer les personnes auditionnées sous serment, ce dont nous avons besoin puisque certains essaient de se défendre en diffamant ceux qui prennent la parole.
    Il faut aussi que nous abordions le sujet sous l’angle des enfants. Les violences commises sur les adultes, c’est important, mais cela fait longtemps qu’on en parle. Cela fait moins longtemps que l’on parle des enfants, alors qu’ils sont encore plus vulnérables. C’est un angle mort : nous étions beaucoup à penser, à tort, que le domaine culturel était bien encadré par la loi. Visiblement, ce n’est pas le cas, les auditions que nous avons menées conjointement nous l’ont prouvé. Il y a urgence à s’interroger sur le statut des enfants dans le monde du spectacle.
    Il y a urgence, également, à comprendre les mécanismes qui empêchent les témoins de parler. On ne peut continuer de se contenter de dénoncer les faits des mois plus tard : on doit pouvoir y mettre un terme au moment où ils surviennent, afin qu’ils ne perdurent pas. Nous devrons comprendre pourquoi personne ne parle.
    Chère Judith Godrèche, les autres ne vous ont pas entendue, avez-vous dit. Nous, députés, vous avons entendue et nous allons aller plus loin : nous allons agir, parce qu’il y a urgence.
    Qu’il me soit permis de remercier mes collègues pour cette concorde transpartisane qui permettra de faire en sorte que le monde du spectacle ne continue pas de briser des vies. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE, LFI-NUPES, SOC, GDR-NUPES et Écolo-NUPES. – Mme Annie Genevard applaudit également.)

    Vote sur l’article unique

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’article unique de la proposition de résolution.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        52
            Nombre de suffrages exprimés                52
            Majorité absolue                        27
                    Pour l’adoption                52
                    Contre                0

    (L’article unique est adopté à l’unanimité, ainsi que l’ensemble de la proposition de résolution.)
    (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent en direction des tribunes.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la rapporteure.

    Mme Francesca Pasquini, rapporteure

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    Je tiens à remercier tous les collègues qui ont soutenu cette proposition de résolution dès l’instant où elle a été déposée. À nouveau, je remercie tous ceux qui ont eu le courage de dénoncer les faits et qui ont explicitement demandé la création de cette commission d’enquête. J’ai hâte qu’elle se mette au travail et que nous passions à l’action. Les trente députés qui la composeront seront attentifs et déterminés à ce qu’elle signe la fin de l’omerta et qu’elle apporte des solutions concrètes. Il est temps de cesser de dérouler le tapis rouge aux agresseurs ; il y va de notre responsabilité. Nous le devons aux milliers de victimes qui ont parlé et qui continueront, je l’espère, à le faire. (Applaudissements sur tous les bancs.)

    2. Usage de la langue française aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024

    Discussion d’une proposition de résolution

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion, en application de l’article 34-1 de la Constitution, de la proposition de résolution de Mme Annie Genevard et plusieurs de ses collègues portant sur l’usage de la langue française aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024 (nos 1999 rectifié).

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Annie Genevard.

    Mme Annie Genevard

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    La French Touch de BPIFrance, le Choose France, la French Tech, le made in France à l’Élysée, le maillot de l’équipe de France griffé Rugby World Cup : tous ces exemples démontrent à l’évidence que depuis l’adoption de la loi relative à l’emploi de la langue française, dite Toubon, le combat pour la défense du français n’est jamais achevé, y compris dans les sphères les plus officielles. Jacques Toubon s’est d’ailleurs prononcé en faveur de la présente proposition de résolution.
    Lorsque la France a présenté sa candidature pour accueillir les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) en 2017, Paris avait choisi le slogan « Made for sharing » ; un comble, alors que le français a été consacré langue olympique par la règle 23 de la Charte olympique du baron Pierre de Coubertin ! Les Jeux olympiques reflètent depuis longtemps la perte d’influence de notre langue, comme l’a démontré Loïc Depecker, ancien délégué général à la langue française, sur la foi de rapports de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Nous ne pouvons pas être les acteurs de cette attrition, ni davantage en être les spectateurs impuissants.
    La France accueille pour la troisième fois les Jeux olympiques d’été, après ceux de 1900 et de 1924. Ne manquons pas cette merveilleuse occasion ! Comme l’a dit Paul de Sinety, délégué général à la langue française, les Jeux olympiques sont une formidable vitrine pour la langue française. J’ai bien en tête la signature d’une convention en faveur de la promotion du français, entre le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop) et l’OIF, qui représente 321 millions de locuteurs – excusez du peu ! Cette convention prévoit que la langue française soit utilisée dans les supports de communication et lors des annonces, des commentaires et des cérémonies officielles. Les recommandations 2, 3, 4 et 6 de la présente résolution vont dans le même sens.
    Au-delà des textes, garantir la présence du français aux Jeux olympiques est un défi quotidien, comme le relève Daniel Zielinski, délégué ministériel à la francophonie au ministère des sports. Je m’interroge à cet égard sur le fait que l’identité du grand témoin de la francophonie ne soit pas encore connue.
    Alors, me direz-vous, madame la ministre de la culture : tout est bordé, les Jeux se déroulent en France et le français s’imposera partout. Personne ne songerait à faire cet affront au pays d’accueil. La loi Toubon sera parfaitement observée durant ces Jeux, alors même que les manquements sont partout légion. Les ministères de la culture et des sports, mobilisés, y veilleront. Hélas, la difficulté réside toujours dans l’application. Ainsi, la dénomination et les épreuves des nouvelles disciplines se sont dès l’origine imposées en anglais. Grâce au travail des linguistes que vous avez sollicités, nous espérons que « planche à roulettes » remplacera « skate » et « rouleaux de cap », « point break », mais j’ai tout de même quelques doutes. (Sourires.) La langue porte l’esprit et l’histoire d’une discipline. Songeons à l’escrime, qui a su garder son identité grâce aux mots qui en définissent les règles et les figures, y compris lorsqu’ils ont un petit air désuet, qui fait le charme d’expressions comme : « En garde ! »
    En dépit de votre volonté, madame la ministre, comment expliquez-vous que les médailles arborent l’inscription « Paralympic Games » ou que la présentation de l’affiche officielle des Jeux privilégie l’anglais, au mépris de la première recommandation de notre proposition de résolution ?
    Au Québec, le Premier ministre a récemment qualifié notre langue de « trésor commun ». Nous avons des devoirs à son égard et nous devons redoubler de volonté et de précautions, tant l’anglais s’impose. Nous devrons d’autant plus lutter que les Jeux se déroulent en France ; nous n’avons pas le droit de baisser la garde. Tel est votre devoir, madame la ministre ; c’est aussi celui des députés amoureux de notre belle langue et désireux de la défendre. Pourquoi les parlementaires ne seraient-ils pas fondés à le dire avec vous ?
    Pour répondre à ce défi quotidien, nous avons souhaité enrichir cette résolution en proposant la création d’un comité de suivi. Nous ne manquons ni d’instances déjà existantes, ni d’experts, ni de services ministériels qui peuvent être utilement mobilisés pour vérifier la bonne application des règles durant les trente et un jours que dureront ces Jeux et, le cas échéant, rappeler celles-ci en temps réel. Maintenir la présence et l’influence de la langue française dans un univers certes plurilingue, mais dominé par l’anglais, demande une volonté politique forte et, je l’espère, unanime.
    Cette proposition de résolution est inspirée des travaux de la commission francophonie du groupe des anciens députés, représentée dans les tribunes par Françoise Hostalier, et de ceux de la commission de la défense de la langue française de l’amicale des anciens sénateurs ; permettez-moi d’en remercier les membres pour leur engagement. Elle a été largement cosignée par près de cent députés, issus de sept groupes. Nous ne doutons pas, chers collègues, madame la ministre, de votre soutien.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Laurent Croizier.

    M. Laurent Croizier

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    Dans quelques jours, la flamme olympique commencera son périple à travers la France, mettant en lumière des sites exceptionnels qui ont contribué à son rayonnement à chaque période majeure de son histoire. Le groupe Démocrate est fier que la France accueille les Jeux olympiques et paralympiques en 2024.
    Cet événement planétaire majeur est à l’évidence une occasion extraordinaire de faire rayonner la France, son histoire, sa culture, son art de vivre, son patrimoine, ses savoir-faire et, évidemment, sa belle langue, qui partage une histoire particulière avec l’olympisme. Si la langue française est ancrée dans l’histoire de l’olympisme, nous le devons au baron Pierre de Coubertin. Père fondateur des Jeux olympiques modernes, éducateur et sportif émérite, il fut un ardent promoteur de la langue française, dont il a fait une langue officielle du Comité international olympique (CIO).
    La présente proposition de résolution vise à ce que les organisateurs des Jeux olympiques et paralympiques de Paris veillent à l’usage de la langue française. Nous ne pouvons qu’adhérer à cet objectif de faire respecter la place de la langue française pendant cet événement, d’autant que l’usage du français varie d’une olympiade à l’autre. Lorsque les Jeux se déroulent en France, il est bien naturel de veiller à ce que l’usage du Français, langue officielle de l’olympisme, soit parfaitement respecté.
    Nous ne pouvons qu’adhérer au titre de cette proposition de résolution, mais permettez-moi de remarquer que de nombreuses recommandations sont déjà satisfaites. Tel est le cas des recommandations 1, 2, 5, 6 et 7, puisque le français est, avec l’anglais, l’une des deux langues officielles du CIO.
    Par ailleurs, le 28 juin 2023, une convention sur l’usage et la promotion de la langue française et de la francophonie a été signée par le Cojop et l’OIF. Elle les engage à utiliser la langue française pour les supports de communication et la signalétique, ainsi qu’à l’occasion des annonces, des commentaires et des cérémonies officielles, pendant toute la durée des Jeux olympiques et paralympiques.
    Le 17 juillet prochain, la flamme olympique fera escale à la Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts ; c’est un symbole fort pour la langue française et la francophonie. De son côté, l’OIF s’est engagée à organiser un grand événement culturel francophone pour renforcer le sentiment d’appartenance à la communauté sportive francophone ; cet événement figurera dans la programmation de l’olympiade culturelle et un rapport sur l’usage et la promotion de la langue française et de la francophonie pendant les Jeux sera rédigé.
    La place de la langue française et de la francophonie est bien prise en compte dans l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques et nous pouvons nous en réjouir.
    Madame Genevard, notre incompréhension demeure toutefois : est-il réaliste, comme le propose la troisième recommandation de la proposition de résolution, d’attendre des athlètes et des entraîneurs – y compris ceux qui n’en sont pas locuteurs, aucune précision n’étant apportée à ce sujet – qu’ils utilisent la langue française lors de toute rencontre avec la presse et notamment lors des conférences de presse ? Il en va de même de la quatrième recommandation, qui invite les médias à respecter l’usage de la langue française dans leurs reportages et leurs commentaires : sans autre précision, j’imagine qu’elle s’appliquerait aussi aux médias étrangers.
    Ces deux recommandations méritent des précisions car je n’ose croire que vous souhaitiez imposer aux athlètes, aux journalistes et aux commentateurs du monde entier l’emploi de la langue française dans leurs reportages.

    Mme Annie Genevard

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    Nous souhaitons seulement que leurs propos soient traduits !

    M. Laurent Croizier

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    En résumé, vos recommandations sont pour la plupart satisfaites, mais en l’état, deux d’entre elles ne semblent pas pouvoir être suivies. C’est la raison pour laquelle les députés du groupe Démocrate s’abstiendront sur ce texte en réaffirmant – je crois que c’est important – que les Jeux olympiques et paralympiques offrent à notre pays une formidable occasion de promouvoir la langue française et la francophonie. Celles-ci véhiculent en effet des valeurs universelles – la diversité et l’ouverture culturelle, la paix et la fraternité, la démocratie et les droits de l’homme –, des valeurs ô combien importantes dans un monde tel que le nôtre.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Christophe.

    M. Paul Christophe

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    Alors que nous examinons cette proposition de résolution relative à l’usage de la langue française aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris, le Belem a entamé la traversée qui lui permettra de gagner l’Hexagone chargé d’une précieuse cargaison, la flamme olympique. Paris et les régions des sites de compétition s’activent pour terminer l’aménagement des terrains et des gradins où bientôt, des milliers de personnes profiteront des jeux historiques que la France a à offrir au monde.
    Après ceux de 1900 et de 1924, ces jeux seront les troisièmes qui se dérouleront à Paris. Ils seront l’occasion rêvée de mettre à l’honneur la langue française, alors que les Jeux d’été n’ont plus été organisés dans une ville francophone depuis ceux de 1976 à Montréal. Si l’usage du français est consacré par la règle 23 de la Charte olympique, nous observons cependant qu’il varie d’une édition à l’autre, au risque que l’héritage que nous a laissé Pierre de Coubertin se perde.
    Comme le démontrent les différentes couleurs politiques des signataires de la proposition de résolution et l’inscription à l’ordre du jour de celle-ci en tant que texte transpartisan, tous les élus de la nation ont à cœur de faire vivre et prospérer la langue française.
    L’inquiétude qui justifie cette proposition de résolution n’est cependant pas nouvelle et est aussi partagée par les défenseurs de la langue française et de la francophonie, qui nous alertent depuis plusieurs années sur le recul de l’usage du français. En réponse à cette crainte, un grand témoin de la francophonie, chargé de veiller au respect de la règle 23 de la Charte olympique, est désigné à chaque édition des Jeux depuis 2004.
    En complément de cette mesure, le Gouvernement et les autorités organisatrices des Jeux de Paris 2024 se sont saisis de la question de l’usage du français, en modifiant la composition du collège d’experts rattaché à la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) du ministère de la culture, en lien avec le ministère des sports. Ainsi, l’inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche Daniel Zielinski a été nommé haut fonctionnaire à la langue française pour le sport ; il suit, à ce titre, toutes les questions liées à l’emploi de la langue française pour la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques.
    Enfin, l’OIF et le Cojop ont signé en juin dernier un accord engageant Paris 2024 à utiliser la langue française dans ses supports de communication et dans les annonces et commentaires, durant toute la période des Jeux, ainsi que lors des cérémonies officielles.
    Si des mesures ont déjà été prises, beaucoup reste encore à faire. Aussi le groupe Horizons et apparentés considère-t-il qu’il revient aux élus de la nation de mettre en lumière notre belle langue française et de rappeler avec force notre attachement au respect des règles d’usage de la langue française durant les Jeux olympiques et paralympiques.
    Nous sommes d’autant plus conscients de la nécessité des recommandations formulées par cette proposition de résolution que l’usage de la langue française, comme cela a été précédemment rappelé, a pu être menacé lors de certaines éditions des Jeux.
    Le groupe Horizons et apparentés votera donc cette proposition de résolution, qui s’inscrit dans la continuité des travaux déjà menés pour préserver notre langue.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Fatiha Keloua Hachi.

    Mme Fatiha Keloua Hachi

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    Nous sommes aujourd’hui à quatre-vingt-cinq jours de l’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques ; à quatre-vingt-cinq jours d’accueillir dans notre pays le plus grand événement sportif mondial, accompagné de nombreux enjeux qui prennent chaque jour plus de place dans l’espace médiatique et dans le débat politique.
    Ces enjeux sont d’abord de nature logistique, avec tout ce que l’organisation d’un tel événement suppose en matière de transport, de logement ou encore de sécurité. Voilà les sujets inhérents aux Jeux, qui aujourd’hui préoccupent tant les habitants des zones d’accueil de l’événement que les visiteurs. Aux côtés du Comité d’organisation, le Parlement s’est pleinement saisi de ces problèmes, pour s’assurer que chaque parole soit entendue et que chaque besoin soit pris en compte.
    Les enjeux d’héritage viennent ensuite, avec l’ambition collective de faire de ces Jeux les catalyseurs de politiques sportives transversales et efficientes et les accélérateurs de la pratique sportive des Françaises et des Français. Il s’agit en réalité d’un enjeu de santé publique qui dépasse largement les Jeux. La nouvelle gouvernance du sport permet depuis 2019 un dialogue et un processus de décision collégiale sur les sujets sportifs. Cette coconstruction, sûrement rendue possible par les Jeux, mais encore trop insuffisante, est une condition essentielle de politiques publiques du sport adaptées aux besoins de toutes et tous : elle fait partie de l’héritage que doit nous laisser Paris 2024.
    Plus qu’un enjeu sanitaire, la pratique d’activités physiques et sportives constitue un véritable levier d’émancipation, d’inclusion et de cohésion sociale. Je ne dis pas ici que le sport est inclusif, intégrateur et émancipateur par essence, mais bien qu’il peut le devenir davantage si nous choisissons d’en faire un outil social.
    Or cette ambition ne semble malheureusement pas partagée par les Républicains, puisqu’aucun des enjeux que je viens d’évoquer n’a retenu leur attention. Au contraire, ils ont décidé de se saisir d’un faux problème : rien ni personne ne souhaite remettre en cause l’utilisation de la langue française durant les Jeux olympiques et paralympiques.
    L’utilisation de la langue française ne fait même pas débat dans le monde de l’olympisme, tant elle est instituée et admise par chacun depuis les premiers jeux modernes.

    Mme Annie Genevard

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    C’est faux !

    Mme Fatiha Keloua Hachi

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    Évidemment, les Jeux olympiques et paralympiques constitueront un formidable vecteur de rayonnement dans le monde entier de notre magnifique langue française. C’est une très bonne chose, dont tout le monde se satisfait : notre langue commune est un pan important de notre culture, qui doit occuper, lors des Jeux, toute la place qui lui revient.
    Aucun élément concret ne justifie cette proposition de résolution, qui ne cherche à répondre à aucun problème existant, tant la langue française sera célébrée lors de Jeux olympiques qui ne la menacent pas du tout.
    L’obsession d’une langue française que les Républicains voudraient figée et imperméable aux évolutions de la société ne date pas d’aujourd’hui. Après celui de l’écriture inclusive, un nouveau danger imaginaire pèsera sur la langue française durant les JOP 2024, car personne ne cherche à la tuer, que ce soit au moyen de l’écriture inclusive ou autrement. De la même manière, personne ne cherche à amoindrir la place qu’aura la langue française lors des prochains Jeux olympiques.

    Mme Annie Genevard

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    Lisez les inscriptions gravées sur les médailles décernées aux athlètes paralympiques !

    Mme Fatiha Keloua Hachi

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    Enfin, entendons-nous bien sur la volonté de célébrer la langue française durant les Jeux olympiques de Paris 2024 : Aya Nakamura contribue à sa mise en lumière sur la scène internationale et que cette chanteuse représente la France lors de la cérémonie d’ouverture est un honneur. Je me permets de le préciser car, alors que vous souhaitez protéger la langue française pendant les Jeux, vous vous dressez contre la participation de cette artiste à la cérémonie d’ouverture.

    Mme Annie Genevard

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    Vous mélangez tout !

    Mme Fatiha Keloua Hachi

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    Selon certains parlementaires du groupe Les Républicains, Aya Nakamura – qui, ne vous en déplaise, écrit ses textes en français – ne permettrait pas de représenter notre pays. Les députés du groupe Socialistes et apparentés voteront donc contre la proposition de résolution, qui ne répond à aucun problème fondé et qui, en fait, ne sert pas à grand-chose.

    Mme Annie Genevard

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    Certains d’entre eux ont pourtant signé cette proposition !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Yannick Monnet.

    M. Yannick Monnet

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    La France est au cœur de l’histoire de l’olympisme. Pierre de Coubertin fut à l’initiative de la création du Comité international olympique, lui qui, en 1894 dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, décida de faire renaître les Jeux dans l’ère moderne.
    Nous le savons, ces Jeux étaient réservés aux hommes. Ce sont des femmes, comme la joueuse de tennis française Suzanne Lenglen – médaillée d’or en simple dames à Anvers en 1920 –, qui ont contribué à féminiser la culture olympique.
    Depuis le XIXe siècle, la langue française est donc indissociable de l’histoire olympique. Si, en 1972, l’anglais a été reconnu comme langue officielle des Jeux, le français conserve encore aujourd’hui une place prépondérante. La règle 23 de la Charte olympique prévoit qu’à toutes les sessions, une interprétation simultanée doit être fournie en français, en anglais, en allemand, en espagnol, en russe et en arabe. Cette même règle précise qu’en cas de divergence entre le texte français et le texte anglais de la Charte olympique ou de tout autre texte édité par le CIO, le texte français fera foi, sauf disposition expresse écrite contraire.
    Depuis 2004, à l’occasion de chaque édition des Jeux d’été et des Jeux d’hiver, un grand témoin de la francophonie est chargé de veiller au respect de la Charte olympique, qui consacre ces principes.
    Malgré cette reconnaissance officielle, la réalité de terrain reste contrastée. En 2016, à l’occasion des Jeux olympiques de Rio de Janeiro, le saxophoniste camerounais Manu Dibango soulignait, en tant que grand témoin de la francophonie, sa déception à l’égard du traitement réservé à notre langue.
    Cette année, la Semaine de la langue française et de la francophonie et le Sommet de la francophonie ont permis de faire rayonner la langue de Molière dans tous les pays francophones. Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 doivent nous permettre de prolonger la promotion du français dans le monde entier : tel est l’objet de proposition de résolution que nous examinons.
    Dans son article unique, ce texte recommande que l’usage de la langue française soit généralisé dans toutes les communications officielles liées à l’événement, encouragé pour les athlètes, entraîneurs et officiels lors de leurs rencontres avec la presse et promu grâce aux moyens de traduction instantanée pour toutes les personnes travaillant et assistant à ces Jeux. Enfin, ce texte fait appel à la création d’un comité de suivi chargé de la mise en œuvre de cette résolution et de la promotion de la langue française dans tous les événements sportifs internationaux.
    Il est décisif, pour ces Jeux olympiques, de mettre en avant l’universalité de la langue française et l’attachement de la France à la pratique sportive. C’est pourquoi les députés du groupe GDR-NUPES voteront en faveur de cette résolution.

    Mme Annie Genevard

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    Bien !

    M. Yannick Monnet

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    Pourtant, le rayonnement de la France et de sa culture lors de ces Jeux ne passe pas uniquement par la promotion de l’usage de la langue française dans les communications officielles, les réglementations ou les conférences de presse. La France rayonnera aussi à l’international en garantissant à tous les étudiants qui ont été obligés de quitter leur chambre une solution de relogement digne, en sanctionnant le travail dissimulé de certains bénévoles, en mettant fin à la politique de nettoyage social qui expulse les personnes sans abri vers les villes de province et en investissant dans les services publics pour garantir l’accès de toutes et tous aux transports. Il ne pourra y avoir d’héritage culturel des Jeux olympiques de Paris sans héritage social ! (Mme Annie Genevard applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Lenormand.

    M. Stéphane Lenormand

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    Comme cela a été très justement souligné lors de la vingt-neuvième édition de la Semaine de la langue française et de la francophonie, les Jeux olympiques de Paris constitueront une occasion en or pour célébrer la langue Française et en porter fièrement les couleurs devant les spectateurs du monde entier.
    Si les Jeux olympiques ont bien été créés en Grèce antique, la France a joué un grand rôle dans le rétablissement de leur tradition puisque c’est un Français, Pierre de Coubertin, qui a fondé cet idéal sportif international nommé Mouvement olympique. La place éminente de la langue française dans les Jeux olympiques, au point d’être langue officielle du CIO, s’explique ainsi.
    Comme l’a rappelé le délégué ministériel à la francophonie au ministère des sports : « Garantir la présence du français aux Jeux est un défi quotidien. »
    C’est pourquoi le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires soutient cette proposition de résolution, sous réserve de quelques remarques.
    Tout d’abord, nous sommes d’accord avec le Cojop, très mobilisé sur la question : les deux langues, le français et l’anglais, doivent être présentes naturellement à égalité aussi bien dans la signalétique, les panneaux d’affichage, les communications officielles, les documents d’arbitrage, les transports, que lors des conférences de presse officielles et les reportages des médias.
    En effet, la langue française est, avec l’anglais, l’une des langues officielles des Jeux olympiques et paralympiques, en vertu de la règle 23 de la Charte olympique.
    Aussi ne pouvons-nous être que satisfaits de la signature par l’OIF et le Cojop – qui partagent les valeurs de respect, d’universalisme et de promotion du sport et de la culture – de la convention sur l’usage et la promotion de la langue française et de la francophonie aux Jeux olympiques et paralympiques d’été de Paris 2024. Cette convention, signée au mois de juin 2023, stipule l’utilisation de la langue française durant toute la période des Jeux de Paris 2024 et lors de toutes les cérémonies officielles.
    Comme nous le rappellent souvent nos amis Québécois, l’usage du français n’est pas toujours respecté dans notre pays. Aussi un grand témoin de la francophonie, chargé de veiller au respect de la Charte olympique depuis 2004, à chaque édition des Jeux d’été comme d’hiver, est-il le bienvenu.
    Cet événement mondial est également une belle occasion de célébrer la communauté francophone, qui compte 320 millions de personnes, réparties sur les cinq continents, et la richesse qu’elle représente : un espace d’échanges privilégiés et de coopération. Le monde sportif et olympique l’a bien compris puisque l’Association francophone des comités nationaux olympiques a été créée.
    Nous devons certainement redoubler d’efforts en faveur de la promotion du français. C’est pourquoi, assurément, la France joue un rôle important, en 2024, en organisant également le sommet de la francophonie à Villers-Cotterêts. Les trente ans de la loi Toubon, cette année, donnent l’occasion de rappeler qu’il est indispensable de fournir ces efforts pour assurer sa survie – certains l’attendent.
    Enfin, selon notre groupe, soutenir cette proposition de résolution est avant tout symbolique, dans la mesure où l’OIF et le Cojop ont déjà saisi l’importance de ce sujet en signant la convention que je viens d’évoquer.
    Certaines recommandations de la proposition de résolution peuvent soulever quelques interrogations, notamment l’édiction de mesures « pour faciliter l’usage de la langue française pour les visiteurs étrangers » et les athlètes.
    Notre groupe insiste sur le fait que nous défendons la diversité du français, dans le cadre du respect du plurilinguisme et de l’égale dignité des langues entre elles. La loi Toubon, mentionnée dans la proposition de résolution, a parfois manqué sa cible. Elle devait lutter contre l’hégémonie de l’anglais or, dans les faits, elle n’a fait obstacle qu’à l’usage des langues régionales, contrairement au souhait du législateur de l’époque. La loi du 21 mai 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, défendue par Paul Molac, a tenté de résoudre ce problème.
    Ainsi, nous espérons qu’au-delà de la langue française, nos régions françaises, hexagonales comme ultramarines, seront mises en valeur à l’occasion de cet événement planétaire, et pleinement assimilées à sa réussite. (Mmes Béatrice Descamps et Annie Genevard applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Aurélien Taché.

    M. Aurélien Taché

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    Depuis l’édit de Villers-Cotterêts jusqu’à la loi dite Toubon de 1994, dont nous fêtons cette année les trente ans, par son utilisation dans les constitutions de nos régimes successifs, par nos écrivains et intellectuels, par son usage quotidien, populaire et courant, par son ouverture au monde, la langue française est l’illustration d’une créolisation réussie et circulaire.
    Elle est issue, rappelons-le, de la fusion de trois langues – le celte, le latin et le germanique –, et se nourrit également des apports des langues vernaculaires parlées par nos ancêtres – grec, arabe, espagnol, italien, anglais, russe –, sans oublier ceux de nos langues locales et régionales.
    Comme le disait le poète et conteur québécois Gilles Vigneault, « la francophonie, c’est un vaste pays, sans frontières […], celui de la langue française. […] C’est le pays invisible, spirituel, mental, moral qui est en chacun de nous ». N’oublions donc pas les vingt-neuf pays dont la langue française est la langue officielle ou co-officielle et les quatre-vingt-huit États membres de l’Organisation internationale de la francophonie.
    Je pense notamment au pays francophone le plus peuplé du monde, la République démocratique du Congo, dont nous avons eu l’honneur d’accueillir le président cette semaine, Félix Tshisekedi, que je salue. Il demande le soutien de la France, mais aussi celui de l’Organisation internationale de la francophonie, pour faire face aux terribles milices qui ravagent l’est de son pays et devant lesquelles cette organisation reste bien silencieuse.
    La langue française est le premier service public, la mémoire de notre histoire avec ses contradictions et ses espérances, le ciment de l’espace politique international francophone dans sa diversité, le bien culturel d’un riche horizon littéraire, musical, scientifique, philosophique et politique qui nous inscrit, Français et francophones, au patrimoine mondial de l’humanité.
    Je souhaite également rappeler les mots écrits par Thomas Sankara : « La francophonie peut être un instrument de notre libération puisque c’est à travers la langue commune que nous accédons à tel ou tel domaine de la vie. » Le sport peut s’approprier cette aspiration éminemment politique. À cet égard, l’accueil des Jeux constitue une occasion en cette année si particulière, où la France organisera également, pour la première fois depuis plus de trente ans, le sommet de la francophonie.
    Nous aurons d’ailleurs le plaisir, avec notre collègue Amélia Lakrafi, de présenter, le 22 mai, en commission des affaires étrangères, notre rapport sur l’avenir de la francophonie. Après les visites que nous avons effectuées et les nombreuses auditions que nous avons menées, je peux vous livrer mes premières conclusions : nous devons nous réjouir que la francophonie soit la championne de la diversité politique, linguistique et culturelle. Notre langue est l’outil d’une compréhension profonde et mutuelle des histoires et des traditions des pays francophones.
    Par ailleurs, j’ai eu l’occasion de dénoncer le futur héritage social et environnemental des Jeux. À tout le moins, ils devront servir de vitrine à la richesse de la francophonie et permettre de célébrer la pluralité des cultures ayant en partage la langue française et ses différents usages – à cet égard, Aya Nakamura en sera une formidable ambassadrice. Votre proposition de résolution, chère Annie Genevard, peut y contribuer.
    Cent vingt-quatre ans après les premiers Jeux organisés à Paris, ces Jeux sont l’occasion de réaffirmer la place de notre langue, encore trop souvent concurrencée par l’anglais dans le monde de l’olympisme et dans l’ensemble des organisations internationales – au sein de l’Union européenne en particulier où elle est pourtant une des langues officielles. Et à ceux qu’une telle idée pourrait faire sourire, tant le néolibéralisme et la marchandisation de nos « temps de cerveau » ont colonisé l’espace linguistique, culturel et politique, je rappelle que la langue française constitue un outil. Il permet non seulement, dans le cadre des JO, de faire société à l’heure où l’unité manque tant, mais aussi, au-delà, de réunir les femmes et les hommes qui, de par le monde, font œuvre commune au service du bien commun en utilisant cette langue.
    Les exemples affligeants de la démission de nos élites au profit de l’anglais ne manquent pas, du slogan affiché sur la tour Eiffel lors de la candidature aux JO, à leur participation aux sommets annuels ou à l’organisation de campagnes d’affichage.
    Ainsi, aux oiseaux de malheur qui voudraient faire de notre belle et riche langue française un outil figé, avec des relents passéistes d’impérialisme, de paternalisme, de colonialisme et de domination – je suis certain que ce n’est pas votre cas, madame Genevard –, je souhaite rappeler les mots prophétiques du génie et géant de la littérature et de la politique, Victor Hugo : « La langue française n’est point fixée, et ne se fixera point. »
    Loin de figer notre langue, ces Jeux sont l’occasion, parmi d’autres, de contribuer à faire de la francophonie un espace politique commun, de la langue française un bien immatériel universel et des peuples et des nations francophones – près de 321 millions de locuteurs – des partenaires naturels.
    En outre, promouvoir notre langue, c’est promouvoir la diversité culturelle et linguistique, c’est soutenir l’accès à l’éducation, à la formation et à l’enseignement supérieur partout dans le monde, c’est veiller à la mobilité des étudiants et des enseignants, c’est renforcer notre aide au développement, en particulier envers les pays francophones, autant d’objectifs malheureusement mis à mal par les coupes budgétaires du Gouvernement.
    Enfin, promouvoir notre langue, c’est chercher à atteindre l’objectif d’une civilisation de l’universel, défendue par Léopold Sédar Senghor, qui fut le père de la francophonie née dans le Sud et que nous devons défendre. Pour toutes ces raisons, j’appelle le groupe Écologistes-NUPES à voter la proposition de résolution. (Mme Annie Genevard et M. Stéphane Lenormand applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Belkhir Belhaddad.

    M. Belkhir Belhaddad

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    Je remercie d’abord notre collègue Annie Genevard, à l’initiative de cette proposition de résolution, qui met en lumière l’une des facettes du rayonnement de notre pays, à savoir notre belle langue française. Le cadre prestigieux des Jeux olympiques et paralympiques donne l’occasion de la promouvoir.
    Je comprends tout à fait les questionnements et note les propositions concernant la place et la promotion de la langue française durant les JOP de Paris 2024. Ils doivent être l’une de nos priorités.
    Cet événement planétaire donnera un maximum de visibilité à nos savoir-faire et à notre patrimoine à travers le monde. Il est indéniable que le français doit rayonner lors de ces Jeux, non seulement comme langue de la République, de la francophonie, mais aussi comme langue officielle du mouvement olympique. Et nous partageons tous cette ambition.
    Les Jeux olympiques de Paris 2024 serviront de vitrine à la richesse de la francophonie et à la diversité culturelle des pays qui partagent le français comme langue officielle. Les cérémonies d’ouverture et de clôture, les événements culturels associés et les interactions entre athlètes, officiels et spectateurs permettront de célébrer la diversité des cultures francophones. La langue française devient ainsi le vecteur d’une compréhension profonde des histoires et des traditions des pays liés à la francophonie, enrichissant l’expérience olympique de chacun d’entre eux. La langue française n’est pas monolithique, figée dans le temps, bien au contraire.
    Jamais autant d’efforts n’ont été fournis pour promouvoir et valoriser la langue française, langue officielle des JOP.
    La proposition de résolution portant sur l’usage de la langue française aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024 souligne des points essentiels qui méritent notre attention et un débat.
    D’abord, des mesures concrètes sont appliquées : toutes les communications officielles, les documents d’arbitrage et les recommandations relatives aux sports, y compris aux nouvelles disciplines, sont désormais accessibles en français. Ces efforts traduisent notre engagement à promouvoir notre langue, non seulement au sein des pays francophones, mais aussi sur la scène mondiale.
    Ensuite, je souhaite souligner les innovations technologiques adoptées pour faciliter l’accessibilité linguistique. Les moyens modernes de traduction instantanée de l’écrit et de l’oral, développés et mis à disposition de chacun – sportif, officiel, journaliste ou visiteur –, sont un témoignage de notre capacité d’innovation et d’adaptation. Ces outils leur permettront de franchir la barrière linguistique tout en valorisant notre langue.
    En vertu de la convention entre l’Organisation internationale de la francophonie et le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques, toutes les conférences de presse officielles du CIO et du Cojop se tiendront en français et anglais. Cette condition n’est pas exigée pour les conférences de presse organisées par les athlètes eux-mêmes ou les fédérations internationales.
    Par ailleurs, et bien que le français ne soit pas la langue officielle de l’International paralympic committee (IPC), alors qu’elle est celle du Comité international olympique, le vocabulaire sportif du parasport a été traduit et défini, afin que celui-ci ne soit pas facteur supplémentaire d’exclusion.
    Bien que nous soutenions la promotion de notre langue, nous devons être réalistes et mesurés. Imposer des contraintes rigides relatives à l’usage du français par les médias et les visiteurs étrangers pourrait, je dis bien pourrait, se révéler contre-productif. Ces propositions, bien que pétries de bonnes intentions, risquent de nuire à l’image d’ouverture et d’accueil que la France souhaite projeter dans le monde lors de ces Jeux. Notons qu’un « lexicosport », en anglais et en français, devrait être mis à la disposition des touristes, des athlètes et des journalistes, apportant plus de souplesse, tout en mettant en avant le français.
    Pour ce qui est de la question de la création d’un comité de suivi, l’OIF devrait désigner quelqu’un chargé de faire le bilan de la convention qu’elle a signée avec le Comité d’organisation.
    Je profite de cette occasion pour dire qu’il existe aussi d’autres moyens de valoriser notre langue lors de grands événements sportifs internationaux (Gesi) comme les JOP : par exemple, inciter nos présidents ou dirigeants de fédérations sportives à prendre des responsabilités au sein du CIO ou des fédérations internationales. Grâce à Pierre de Coubertin, qui a refondé l’idéal sportif international nommé mouvement olympique, la langue française occupe une place éminente au sein des Jeux, à tel point qu’elle est la langue officielle du Comité international olympique.
    Pour conclure, je remercie notre collègue Annie Genevard de nous donner l’occasion, à l’approche des JOP, d’évoquer notre belle langue, et salue sa volonté de la défendre. Nous devons collectivement approfondir cet aspect dans le cadre de l’héritage des Jeux, car celui-ci se prépare dès maintenant. (Mmes Nadia Hai et Annie Genevard applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Julien Odoul.

    M. Julien Odoul

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    La France, disait Fernand Braudel, c’est d’abord la langue française. La langue française est la langue de l’olympisme. Et pourtant. Alors que notre pays se prépare tant bien que mal à accueillir les Jeux olympiques et paralympiques, nous pouvons craindre que cet événement majeur ne soit pas la fête de la culture et de la langue françaises.
    En effet, ces dernières années, on a pu malheureusement constater que, souvent, dans les slogans, sur le terrain ou en dehors, la langue française reculait. Que ce soit sur les courts de tennis lors de l’emblématique Tournoi de Roland-Garros, sur les terrains de football lors des Championnats d’Europe en 2016, ou sur ceux de rugby lors de la dernière Coupe du monde, la langue de Molière laisse sa place au globish mondialisé.
    Figure de proue de notre patrimoine, vecteur de rayonnement et d’influence, notre langue, qui est la deuxième la plus apprise dans le monde, est progressivement abandonnée et n’est quasiment jamais défendue.
    Comment dès lors ne pas redouter une défaite linguistique en rase campagne lors des prochains Jeux olympiques ? Jusqu’en 1972, grâce aux efforts de Pierre de Coubertin, le français était adoubé par le Comité international olympique comme la seule et unique langue officielle des Jeux. Elle est aujourd’hui tellement menacée que l’Organisation internationale de la francophonie et le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques sont obligés de signer une convention sur l’usage et la promotion de la langue française et de la francophonie.
    Ces Jeux sont hélas à l’image de la standardisation de la société, où notre langue s’efface au profit de l’anglais, où les marqueurs culturels du monde anglo-saxon participent au déclassement de la culture française. Depuis sept ans, la Macronie est au service d’une idéologie qui prône une vision du monde multiculturelle, uniformisée, mondialisée. Du slogan pour la candidature de Paris 2024 « Made for sharing », à la communication officielle du Gouvernement – « made in France », « Choose France », « French Tech » –, tout est fait pour effacer purement et simplement notre langue.
    En 2018, Emmanuel Macron choisissait d’ailleurs de soutenir la candidature d’une Rwandaise anglophone – et francophobe ! – au poste de secrétaire générale de l’OIF. Un an auparavant – vous étiez alors, madame la ministre, son adversaire –, M. Macron déclarait que la culture française n’existait pas. Depuis, il multiplie les provocations et les atteintes à notre identité nationale. Dernière en date : la proposition scandaleuse de faire chanter Aya Nakamura lors de la cérémonie officielle d’ouverture des Jeux olympiques, (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES) soit la mise en avant d’une personnalité qui magnifie la langue française comme le marteau-piqueur caresse le bitume. Quel effroyable exemple ! La France n’est pas et ne sera jamais « Djadja ».

    Mme Sandra Regol

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    On peut parler le vieux françois si vous voulez !

    M. Julien Odoul

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    Comment peut-on prétendre préserver la langue française lors des grands événements sportifs français internationaux quand, dans le même temps, les élites contribuent au délitement du bien commun ?
    Il est également nécessaire de pointer la responsabilité des organisateurs de ces Jeux, dont certains comptent parmi les architectes de la dissolution nationale. Le choix de l’affiche des Jeux olympiques et paralympiques, effaçant délibérément la croix de l’hôtel des Invalides, est venu confirmer la contamination wokiste qui gangrène la société.

    M. Léo Walter

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    Oh là là !

    M. Julien Odoul

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    Ces Jeux devraient être une vitrine extraordinaire pour la France, sa langue, sa culture et son histoire, mais tout indique que ce ne sera pas le cas.
    Tous les grands événements sportifs internationaux ont été créés par des Français : la Coupe du monde de football par Jules Rimet, le championnat d’Europe de football par Henri Delaunay, la Ligue des champions par Gabriel Hanot et, bien sûr, les Jeux olympiques par Pierre de Coubertin. Ces hommes illustres, qui œuvraient réellement pour la promotion de la culture française, n’auraient jamais permis l’effacement et le déclassement de notre langue.
    Anatole France écrivait : « La langue française est une femme. Et cette femme est si belle, si fière, si modeste, si hardie, touchante, voluptueuse, chaste, noble, familière, folle, sage, qu’on l’aime de toute son âme, et qu’on n’est jamais tenté de lui être infidèle. » Pour que les Jeux olympiques restent fidèles au français, le groupe Rassemblement national votera pour cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Thomas Portes.

    M. Léo Walter

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    Vas-y, Thomas. Relève le niveau !

    M. Thomas Portes

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    Depuis l’annonce du choix de la France comme pays hôte des Jeux olympiques, nous assistons à un mauvais feuilleton : réquisition de logements d’étudiants, sommés de quitter leur chambre ; déplacement des sans-abri et des exilés au moyen de violences policières – pour exécuter ce nettoyage social ; expulsion de familles précaires ; fermetures des hébergements d’urgence. Les Jeux servent de prétexte à certains pour construire des infrastructures à l’impact environnemental colossal ou pour légaliser des politiques liberticides, en élargissant la surveillance de masse à l’aide de la vidéosurveillance algorithmique – contre laquelle les Insoumis se sont battus dans l’hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Devant ce désastre qui semble inévitable, l’Assemblée – des rangs de la Macronie à ceux de l’extrême droite, en passant par ceux de la droite – voudrait concentrer ses efforts sur un sujet : favoriser l’usage du français lors des Jeux.
    La présente proposition de résolution est inutile. En réalité, l’usage du français lors des Jeux olympiques bénéficie déjà de garanties renforcées, comme en atteste la signature d’une convention visant précisément à promouvoir la langue française et la francophonie durant les Jeux entre l’Organisation internationale de la francophonie et le Cojop de Paris 2024, le 28 juin 2023.

    Mme Annie Genevard

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    Pas toujours appliquée !

    M. Thomas Portes

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    La résolution est également impraticable, de l’aveu même du délégué ministériel à la francophonie au ministère des sports et des Jeux olympiques et paralympiques, qui a admis que « garantir la présence du français aux Jeux est un défi quotidien ». Entre autres mesures absurdes, citons celle visant à faciliter « l’usage de la langue française pour les visiteurs étrangers », ou celle encourageant « les athlètes, les entraîneurs et les officiels […] à utiliser la langue française lors de toute rencontre avec la presse ». Comment mettre cela en pratique ? Vous faites de la communication politique !
    Si les Jeux olympiques de 2024 offrent une occasion inégalée de promouvoir la pratique de la langue française et de renforcer la francophonie à travers le monde, nous refusons que le français soit instrumentalisé politiquement. D’un côté, vous prétendez défendre la langue française. De l’autre, vous vous en prenez à une chanteuse qui fait la fierté de la France. Vous souhaitez le rayonnement du français tout en vous attaquant à la chanteuse francophone la plus écoutée au monde, en tête des ventes dans quarante-six pays,…

    Mme Annie Genevard

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    Vous mélangez tout !

    M. Thomas Portes

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    …incarnation et vecteur du soft power français, donc de la francophonie. Vous êtes de véritables hypocrites !

    M. Emeric Salmon

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    Soft power, c’est français ? Et vous prétendez défendre la francophonie ?

    M. Thomas Portes

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    Vous n’ignorez pas le contexte de l’examen de ce texte : une polémique raciste et identitaire (Exclamations sur les bancs du groupe RN), liée à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, lors de laquelle Aya Nakamura pourrait interpréter une chanson d’Édith Piaf. Que n’a-t-on entendu sur les plateaux de télévision ! Qu’elle « ne chante pas en français », qu’elle « ne valorise pas la langue française », que Paris « n’est pas le marché de Bamako »… Le Rassemblement national, par la voix de Marine Le Pen, a même affirmé que le choix d’Aya Nakamura revenait à « humilier le peuple français ».

    M. Julien Odoul

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    Exactement !

    M. Thomas Portes

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    Ce qui fait honte à la France et aux Français, c’est qu’une organisation politique continue de faire du racisme sa boussole idéologique. (Mme Clémence Guetté applaudit. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Aya Nakamura vous dérange profondément, car elle incarne tout ce que vous détestez : la France créolisée qui se nourrit d’apports culturels du monde entier pour renforcer son universalisme ; la France d’Aya Nakamura et d’Édith Piaf, plutôt que celle de Bardella et de Le Pen ; la France de l’amour, plutôt que celle de la haine. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Exclamations sur ceux du groupe RN.)

    M. Julien Odoul

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    Parler de Gaza vous monte au cerveau !

    M. Thomas Portes

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    « La francophonie peut être un instrument de notre libération », disait Thomas Sankara. Ce concept a longtemps été ambivalent, utilisé soit dans le cadre d’un projet universaliste, soit comme un instrument de domination au service du pouvoir. Nous défendons aujourd’hui une francophonie des peuples, afin de construire un espace culturel de créolisation et une véritable communauté politique francophone. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Aurélien Taché applaudit également.) Nous aspirons à une francophonie solidaire d’une géopolitique non alignée, souveraine et altermondialiste, basée sur un dialogue égalitaire, sans relation de domination.
    À cet égard, collègues, confrontés au premier génocide filmé par ses victimes en Palestine (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN),…

    M. Julien Odoul

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    Ça faisait longtemps ! Combien touchez-vous du Hamas à chaque fois que vous prononcez le mot « génocide » ?

    M. Thomas Portes

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    …vous avez une fois de plus manqué une occasion de faire du français une langue de paix. Pour citer la politologue Françoise Vergès, « la langue française échappe à la France ». Que cela vous plaise ou non, 80 % des 700 millions de personnes qui parleront le français en 2050 seront africaines.
    La francophonie est un bien commun en constante évolution. Cette assemblée ne décidera pas seule de l’avenir de la langue française et de son utilisation.
    Le groupe La France insoumise votera contre cette proposition de résolution. Comme le chante si bien Aya Nakamura : « Aujourd’hui nous sommes demain ». La France de demain mérite plus d’Aya Nakamura et moins de Marine Le Pen. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Jocelyn Dessigny s’esclaffe.)

    Mme la présidente

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    La discussion générale est close.

    Mme Clémence Guetté

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    Certaines interpellations sont inadmissibles, Mme la présidente !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Comme la vôtre à l’instant ?

    Mme la présidente

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    Il y en a régulièrement, madame la députée, des deux côtés, et même au centre.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Allez, va à la buvette !

    Mme Clémence Guetté

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    Qu’est-ce qu’il veut le petit facho, là ?

    Mme la présidente

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    Sur le vote de la proposition de résolution, je suis saisie par les groupes Rassemblement national et Les Républicains d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme la ministre de la culture.

    Mme Rachida Dati, ministre de la culture

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    Je m’attendais à ce que l’examen de cette proposition de résolution sur la langue française soit l’occasion d’une plus grande communion… Le débat intervient dans une période particulière pour le pays, une année de célébrations et de fierté française, au cours de laquelle notre langue commune occupera toute la place qui lui est due.
    Cet été, le monde entier aura les yeux tournés vers Paris et la France. Le texte ne contient pas une vision figée de la langue française, bien au contraire. Notre langue est un immense facteur de cohésion, dont nous avons besoin en ce moment. Tout l’enjeu réside dans la visibilité de notre langue, remise en cause à chaque fois qu’un grand événement est organisé en France. Il importe donc de se battre pour elle.
    Il est vrai qu’aucun grand témoin – telle ou telle grande personnalité – n’a été désigné pour cette édition des Jeux. Nous avons décidé que le peuple français serait ce grand témoin, qu’il serait garant des Jeux olympiques et paralympiques, car ainsi qu’il est écrit à l’article 2 de la Constitution : « La langue de la République est le français. »
    À l’automne, le sommet de la francophonie fera vivre et rayonner le français depuis la Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts. Cette Cité, monsieur Odoul, c’est le Président de la République qui en a eu l’initiative,…

    Mme Nadia Hai

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    Exactement !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    C’est nul !

    Mme Rachida Dati, ministre

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    …c’est un projet présidentiel.
    Enfin, nous fêterons les trente ans de la loi du 4 août 1994, dite loi Toubon, qui…

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    N’est pas respectée !

    Mme Rachida Dati, ministre

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    …consacre et protège l’emploi de notre langue, et dont je suis personnellement garante en tant que ministre de la culture.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Il y a du boulot !

    Mme Rachida Dati, ministre

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    « Djadja ne sera jamais la France », disiez-vous, monsieur Odoul. « Rachida » est-elle un petit peu la France, selon vous ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Jocelyn Dessigny

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    Cela n’a aucun rapport !

    Mme Rachida Dati, ministre

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    Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 constituent un événement exceptionnel et fédérateur pour la nation tout entière. Ce moment collectif et médiatique interrogera également la présence du français en tant qu’il est à la fois la langue du pays hôte et celle de l’olympisme. Nombre d’élus, ainsi que nos concitoyens, y sont sensibles. Le contre-exemple du slogan « Made for sharing », affiché sur la tour Eiffel, a ainsi montré très tôt – vous avez eu raison de le rappeler – la grande sensibilité des citoyens et de l’ensemble de la francophonie en la matière. Les responsabilités sont collectives. Il s’agit de défendre notre langue commune et de respecter le plurilinguisme, donc la diversité culturelle.
    Je salue Mme la députée Annie Genevard pour sa vigilance, avec laquelle j’ai toujours été en phase. Force est de constater que nombre de grands événements sportifs à diffusion planétaire font le choix de l’anglais pour leur communication – titre, slogans, publicités… Le plus souvent, leurs organisateurs ou mécènes sont des acteurs privés, qui ne sont pas soumis aux obligations inscrites dans la loi Toubon comme le sont les acteurs publics.
    Un effort de prévention et de conviction a été lancé en amont des Jeux à l’initiative conjointe du ministère de la culture et du ministère des sports et des Jeux olympiques et paralympiques. Il s’est traduit par la création du groupe de travail interministériel et interinstitutionnel « Le français, langue du sport et de l’olympisme en France et dans le monde ». Ce groupe réunit également le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse, le Cojop, la délégation interministérielle aux Jeux olympiques et paralympiques, les fédérations, les collectivités territoriales, l’Organisation internationale de la francophonie, des entreprises du sport et des personnalités qualifiées. Il se divise en plusieurs groupes thématiques, dont les missions sont les suivantes : enrichir les lexiques du sport, avec l’objectif de favoriser l’appropriation des termes sportifs ; mobiliser des réseaux d’influenceurs et d’entrepreneurs ; créer des ressources pédagogiques ; promouvoir les actions sur le terrain des collectivités qui accueilleront les Jeux et les visiteurs.
    Cette démarche s’inscrit dans le cadre du plan Héritage et durabilité des Jeux, soutenu par l’État et qui répond à trois objectifs majeurs : dire et vivre les Jeux en français, car le cadre légal exige l’exemplarité ; partager les Jeux en français, pour l’ensemble des visiteurs et spectateurs francophones du monde ; accueillir les Jeux dans toutes les langues, par la promotion d’un plurilinguisme qui ne se limite pas à l’anglais.
    La présente proposition de résolution partage l’ambition du Gouvernement : nous y retrouvons de nombreuses propositions correspondant à des actions déjà lancées et auxquelles je souscris pleinement. Les recommandations du texte s’adressent à un public français et francophone, notamment aux athlètes, entraîneurs, officiels, qui sont encouragés à utiliser le français lors des conférences de presse. Elles contribuent à valoriser notre langue, qui est à la fois celle du pays d’accueil et de l’olympisme. Il est indispensable que l’ensemble des documents produits à cette occasion – arbitrages, réglementations et recommandations –, dans tous les sports, disposent d’une version française.
    Il faut rappeler que les strictes obligations d’emploi de la langue française relèvent du cadre légal – la loi Toubon –, qui s’applique, en premier lieu, aux acteurs publics. S’agissant des acteurs médiatiques ou privés, nous sommes dans le champ de la recommandation, de l’incitation. Il s’agit ainsi de favoriser la prise de conscience collective, par les médias français, de leur responsabilité sur le plan linguistique dans le cadre de cet événement exceptionnel.
    Veiller à la présence et au rayonnement de la langue française lors des Jeux implique d’entretenir le dialogue avec les autres langues. Évitons donc la facilité qui consisterait à ne retenir qu’une traduction en anglais qui servirait de caution plurilingue. Ce serait un échec du point de vue de la diversité des cultures et des langues, diversité que nous défendons.
    S’agissant des visiteurs étrangers, il convient, certes, de favoriser la pratique du français vers les francophones, mais aussi et surtout d’encourager la rédaction de la signalétique et des informations en plusieurs langues étrangères afin d’éviter le couple français-anglais, fort éloigné du plurilinguisme. Je serai, à ce propos, très attentive aux recommandations de la mission d’information sur l’avenir de la francophonie de vos collègues Mme Lakrafi et M. Taché.
    Enfin, je salue la volonté commune, qui s’est exprimée sur tous les bancs, de défendre la langue française lors des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Il conviendra d’assurer le suivi de ces orientations et d’en dresser le bilan avec l’ensemble des acteurs institutionnels concernés, dans le groupe de travail interministériel et interinstitutionnel intitulé : « Le français, langue du sport et de l’olympisme, en France et dans le monde ».
    Poursuivons ce travail tous ensemble, afin de défendre et de promouvoir notre bien commun qu’est la langue française ! En conclusion, je suis donc favorable à la proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et LIOT. – Mme Annie Genevard applaudit également.)

    Explications de vote

    Mme la présidente

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    Dans les explications de vote, la parole est à Mme Annie Genevard.

    Mme Annie Genevard (LR)

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    Madame la ministre, je vous remercie pour votre intervention ; votre approbation de la proposition de résolution est une bonne nouvelle. Mais comment pourrait-il en être autrement, dès lors qu’il s’agit pour nous, députés, d’affirmer, à l’occasion des Jeux olympiques d’été qui se tiendront en France pour la première fois depuis 1924, que notre langue – trésor national, pour reprendre les mots employés par le Premier ministre au Québec – mérite d’être mise en valeur ?
    Ce faisant, nous apportons notre soutien à l’ensemble des dispositions qui ont été prises par le ministère de la culture et par le ministère des sports et des Jeux olympiques et paralympiques pour valoriser et encourager l’usage de notre langue. Il s’agit, non pas d’imposer le français, comme cela a été dit, mais de recommander qu’il soit utilisé en priorité, chaque fois que l’occasion nous est offerte de nous exprimer dans le cadre olympique.
    À tous ceux qui jugent ce texte inutile, je demande de m’expliquer en quoi il est inutile que les députés réaffirment, à cette occasion exceptionnelle, l’importance de protéger et de promouvoir la langue française, qui a trop souvent tendance à s’effacer derrière un anglais impérialiste. Je rejoins, à cet égard, ceux d’entre vous qui ont souligné que les Jeux olympiques étaient également l’occasion de valoriser le plurilinguisme. Nous souscrivons à cette approche au nom de l’égale dignité des langues, qu’a rappelée M. Belhaddad.
    Enfin, M. Portes nous reproche de profiter des Jeux olympiques pour faire de la politique. Venant de lui, cela ne manque pas de saveur ! Car, c’est bien connu : lui ne fait jamais de politique. (Sourires. – Applaudissements sur les bancs des groupes LR, RE, Dem et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Laurent Croizier.

    M. Laurent Croizier (Dem)

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    Madame Genevard, puisque vous avez dissipé les doutes que nous avions concernant deux des recommandations figurant dans la proposition de résolution – ce dont je vous remercie –, nous renonçons à nous abstenir : nous voterons pour le texte. Lorsqu’il y va de la défense de la langue française, nous devons tous nous rassembler et nous fédérer. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et LIOT. – Mme Nadia Hai applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Belkhir Belhaddad.

    M. Belkhir Belhaddad (RE)

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    Je salue à mon tour cette proposition de résolution, qui nous offre l’opportunité de mettre à l’honneur la langue française à l’occasion des Jeux olympiques d’été, que la France avait accueillis pour la dernière fois il y a cent ans – elle n’a encore jamais accueilli les Jeux paralympiques. Le français figure parmi les langues officielles du CIO, notamment dans le cadre des Jeux olympiques, mais nous devons continuer de travailler à sa promotion. Quant aux réserves que m’inspiraient certaines des recommandations figurant dans le texte, elles ont été progressivement levées au cours de nos débats. Le groupe Renaissance votera donc pour la proposition de résolution.
    Djadja, Rachida, c’est la France ; Nadia et Belkhir aussi ! Chers collègues du Rassemblement national, vous n’avez pas, ne vous en déplaise, le monopole de la défense de notre langue. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Julien Odoul.

    M. Julien Odoul (RN)

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    Madame la ministre, l’unanimité qui se fait autour de la défense et de la valorisation de notre langue ne doit pas occulter la réalité du bilan de M. Macron. Vous vous exprimez très bien à la tribune, vous avez un français remarquable.

    Mme Rachida Dati, ministre

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    Ouf ! (Sourires.)

    M. Julien Odoul

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    Mais force est de constater que, depuis sept ans – et j’en suis désolé en tant que patriote et amoureux de la langue française –, dans les politiques qu’il met en œuvre et les symboles qu’il promeut – je ne parle pas de communication ou d’incantations, mais de faits –, M. Macron ne défend pas la langue française. Au contraire, il la fait reculer régulièrement.
    J’ai cité l’exemple du triste choix qui a été fait d’élire secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie une Rwandaise, ressortissante d’un État francophobe, qui a fait reculer le français. C’est un signal mortifère, désastreux, pour notre langue.
    J’ai également fait état des communications du Gouvernement. Vous avez rappelé qu’aux termes de la Constitution, « la langue de la République est le français ». Dès lors, comment accepter que le Gouvernement de la République française utilise l’anglais dans des communications officielles ? C’est inadmissible ! Là encore, le symbole est désastreux ; reconnaissez-le.
    Quant à votre petite sortie, madame la ministre, elle n’est pas de votre niveau. Vous reprenez les slogans et les vieilles lunes de la gauche, qui confond tout, essentialise tout. Évidemment, Rachida, c’est la France. Évidemment, Malika Sorel, qui figure en deuxième position sur la liste de Jordan Bardella, c’est la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Évidemment, les femmes mahoraises, qui ont accueilli Marine Le Pen et qui attendent du Rassemblement national qu’il les sauve,…

    Mme Michèle Peyron

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    Oh ! C’est bon !

    Mme Edwige Diaz

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    Il a raison !

    Mme Nadia Hai

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    Saint Julien est descendu du ciel !

    M. Julien Odoul

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    …car le Gouvernement, qui préférerait certainement qu’elles soient comoriennes et non plus françaises, les a oubliées, c’est la France ! Vous valez mieux que ces propos.
    La langue française est un trésor ; elle est non seulement notre identité, notre histoire, mais aussi notre futur. Nous devons défendre ce que nous sommes, cet atout de puissance. Faut-il rappeler que le français est à ce jour la deuxième langue la plus apprise dans le monde ? Ce trésor doit donc être valorisé partout et être défendu pied à pied, comme d’autres États défendent leur identité. Or on constate que, pour M. Macron, c’est une autre identité, mondialisée celle-là, qu’il faut défendre, promouvoir. C’est un non-sens !
    Les Jeux olympiques doivent permettre de défendre, de valoriser, de promouvoir le français partout, sur les terrains et en dehors, dans les communications, auprès des jeunes et des moins jeunes. De grâce, madame la ministre, défendez la France et la langue française auprès du Gouvernement, parce qu’il a manifestement d’autres priorités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Vote sur la proposition de résolution

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix la proposition de résolution.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        54
            Nombre de suffrages exprimés                54
            Majorité absolue                        28
                    Pour l’adoption                47
                    Contre                7

    (La proposition de résolution est adoptée.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Rachida Dati, ministre

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    Monsieur Odoul, vous avez raison : réduire une personne à son patronyme ou interdire à des parents de donner à leurs enfants le prénom de leur choix, ce n’est pas à la hauteur ; ce n’est du niveau ni des parlementaires, ni de l’Assemblée nationale, ni de la France et des Français. Toutefois, il est parfois nécessaire de rappeler certaines choses. Vous avez indiqué que je m’exprimais très bien en français – merci. Lorsque j’ai été nommée ministre de la culture, certains ont même mis en doute ma capacité à lire ! Si l’on arrêtait de nous tirer vers le bas, nous n’aurions pas besoin de rappeler que nous sommes pleinement français. (Mme Christine Decodts applaudit.)
    Ce n’est pas en choisissant certaines personnes pour colorer ses affiches électorales ou sa politique que le Rassemblement national (Protestations sur les bancs du groupe RN)

    M. Emeric Salmon

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    C’est très mauvais. C’est indigne !

    Mme Rachida Dati, ministre

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    Je ne réponds pas à cela, car je ne me mets pas à ce niveau.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Vous n’avez pas besoin d’insulter nos candidates !

    Mme Rachida Dati, ministre

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    Je respecte les engagements politiques de chacune et de chacun, quelle que soit sa condition ou son origine.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Alors, respectez Malika Sorel !

    Mme Rachida Dati, ministre

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    Manifestement, vous n’avez pas entendu ce que je viens de dire, monsieur le député. Faites ce que vous demandez aux autres de faire.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre, et à elle seule.

    Mme Rachida Dati, ministre

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    J’en viens aux engagements du Président de la République en faveur du français et de la francophonie. Tout d’abord, vous avez pu remarquer que, grâce à lui, le français a été réintroduit comme langue d’enseignement au Rwanda.

    Mme Nadia Hai

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    Mettez vos fiches à jour, monsieur Odoul !

    Mme Rachida Dati, ministre

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    Ensuite, la stratégie internationale de la France pour la langue française et le plurilinguisme, lancée en 2018, porte ses fruits ; sinon, nous ne serions pas là pour débattre de cette question. Du reste, vous dites vous-même que l’usage de la langue française – ce trésor national, pour reprendre les termes d’Annie Genevard – se maintient, voire progresse. Ainsi, le nombre des élèves scolarisés dans les écoles françaises a doublé. À chaque fois que nous nous déplaçons à l’étranger, nous sommes débordés par les demandes d’inscription dans les missions françaises de personnes qui souhaitent apprendre notre langue. C’est à notre honneur, et nous devons continuer à tenir nos engagements dans ce domaine.
    Quant à la Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts, c’est une institution emblématique. D’ailleurs, le sommet de la francophonie s’y tiendra ; il y va de la défense de la langue française, qui est notre trésor national commun.

    Mme Marie-France Lorho

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    On a voté, madame la ministre !

    3. Améliorer le repérage et l’accompagnement des personnes présentant des troubles du neurodéveloppement et favoriser le répit des proches aidants

    Discussion d’une proposition de loi adoptée par le Sénat

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à améliorer le repérage et l’accompagnement des personnes présentant des troubles du neurodéveloppement et à favoriser le répit des proches aidants (nos 2118, 2457).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles.

    Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles

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    Je suis heureuse de vous retrouver autour du sujet, ô combien important pour de nombreuses familles, du repérage et de l’accompagnement des enfants et des jeunes ayant un trouble du neurodéveloppement (TND) et de celui du répit des proches aidants.
    En effet, nous le savons tous, trop de familles pâtissent encore de l’errance diagnostique. Trop d’enfants ne sont pas accompagnés ou pris en charge de la bonne manière à cause d’une méconnaissance des troubles du neurodéveloppement. Alors, bien souvent, trop de parents – de mères seules, majoritairement – doivent quitter leur travail pour s’occuper de leur enfant souffrant d’un TND et ont, qui plus est, rarement la possibilité de prendre du temps pour eux et de se reposer.
    Le Gouvernement, en particulier ma collègue Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées – qui n’a pas pu être présente aujourd’hui –, est pleinement mobilisé sur ce sujet. Avec la majorité, il agit pour faciliter le repérage des troubles du neurodéveloppement. La stratégie nationale pour l’autisme 2018-2022 a mis à la disposition des médecins un guide pour le repérage des TND et a sensibilisé les professionnels de la petite enfance à cette question ; des plateformes d’orientation et de coordination pour les enfants de 0 à 6 ans ont également été créées, afin de les prendre en charge immédiatement après le repérage par les professionnels et d’éviter ainsi le surhandicap. Des centaines de plateformes ont ainsi été ouvertes dans toute la France et plus de 40 000 enfants ont pu en bénéficier grâce à ce repérage.
    Afin que les familles n’aient pas de reste à charge après ces séances de bilan, un forfait d’intervention précoce a été instauré. En pratique, 40 000 forfaits ont déjà permis de financer des interventions d’ergothérapeutes, de psychomotriciens et de psychologues.
    Dans le cadre de cette stratégie, le Gouvernement a également mis l’accent sur l’inclusion, en particulier scolaire, avec la création de 425 classes spécifiques qui permettent à plus de 45 000 élèves autistes de suivre les cours en milieu ordinaire, grâce à des dispositifs dédiés, comme les classes Ulis – unité localisée pour l’inclusion scolaire – ouvertes aux élèves ayant des troubles du spectre de l’autisme (TSA), les unités d’enseignement autisme ou les dispositifs d’autorégulation.
    Depuis 2017, le Gouvernement agit donc et nous amplifions cette action en déployant les mesures annoncées l’an dernier par le Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap. Je pense, en particulier, aux 50 000 nouvelles solutions, qui seront mises en œuvre d’ici à 2030. Du point de vue budgétaire, cela se traduit par 1,5 milliard d’euros supplémentaires, parmi lesquels 400 millions dédiés aux solutions pour les enfants – 50 millions étant consacrés aux solutions pour les enfants vulnérables, protégés par l’aide sociale à l’enfance –, 110 millions destinés à soutenir la création d’un service de repérage, de diagnostic et d’intervention précoce pour les enfants de 0 à 6 ans, et 400 millions consacrés au financement de l’appui aux établissements scolaires par le secteur médico-social, afin de scolariser des élèves en situation de handicap.
    Nous amplifions – c’est notre obsession – cette action dans le cadre de la nouvelle stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement 2023-2027 : elle est étendue à l’ensemble des troubles du neurodéveloppement, et plus seulement aux troubles du spectre autistique.
    Le Président de la République a annoncé la création d’un service public de repérage et d’accompagnement précoce destiné aux enfants de 0 à 6 ans. Nous nous engageons à le mettre en place en avançant l’âge du repérage et des diagnostics, et en intensifiant les interventions précoces. Le service public sera ouvert à tous les enfants, quel que soit leur handicap. Nous mobiliserons pour cela les plateformes de coordination et d’orientation (PCO). La formation des professionnels sera renforcée.
    Nous déployons aussi les plateformes de coordination et d’orientation pour les enfants de 7 à 12 ans et travaillons à renforcer les services experts des différents troubles, afin de mettre fin à l’errance diagnostique au-delà de l’âge de 12 ans et de déclencher les interventions adéquates le plus vite possible.
    En lien avec Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, notre stratégie d’inclusion scolaire repose sur l’ambition d’adapter la scolarité à tous les enfants, du primaire au secondaire. À la rentrée scolaire 2023, plus de 110 nouveaux dispositifs ont été ouverts et vingt-cinq professeurs ressources TND ont été recrutés dans vingt-cinq départements, afin d’accompagner la scolarité des élèves ayant un trouble du neurodéveloppement.
    D’ici 2027, plus de 380 nouveaux dispositifs seront mis en place pour la maternelle et l’élémentaire. Nous recruterons 110 professeurs ressources TND, soit un par département. Ces derniers viendront renforcer les 101 professeurs ressources TSA qui sont en fonction depuis la première stratégie. Nous conduisons cette stratégie ambitieuse avec tous les services de l’État, les professionnels et, bien sûr, tous ceux qui accompagnent les enfants.
    Je remercie le rapporteur Paul Christophe d’avoir fait inscrire ce texte à l’ordre du jour de votre assemblée. Je salue sa collaboration avec la sénatrice Jocelyne Guidez, qui est à l’origine de la proposition de loi. Grâce à leur sérieux et à leur qualité, les travaux de la commission des affaires sociales ont en outre permis de créer un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d’autonomie ou présentant un handicap et de favoriser ainsi la reconnaissance des proches aidants. Nous continuons par conséquent à avancer pour mieux repérer et accompagner les enfants et les jeunes ayant un trouble du neurodéveloppement, et soutenir leurs proches et leurs aidants.
    Le Gouvernement partage votre volonté d’améliorer les conditions de scolarisation. Nous devons permettre à chaque enfant ayant un trouble du neurodéveloppement d’être scolarisé à l’école de la République afin d’étudier, d’apprendre et de sociabiliser avec tous les enfants de son âge. Cela passe par des dispositifs d’apprentissage adaptés à ses particularités. C’est ce qui est prévu dans ce texte, avec la création, d’ici à 2027, d’au moins un dispositif adapté dans chaque circonscription académique et dans chaque académie d’outre-mer, pour le primaire, et dans chaque département, pour le secondaire.
    Pour réussir cette inclusion scolaire, il est évident que nous devons mieux former les professionnels, afin de leur donner les moyens de mieux appréhender et repérer les troubles du neurodéveloppement. Je me réjouis de l’avancée de ces travaux grâce à votre mobilisation.
    Le Président de la République s’est engagé à aller plus loin : il faut faire entrer le médico-social à l’école. Ainsi, plus de 100 instituts médico-éducatifs (IME) intégreront les murs de l’école d’ici à 2030, en parallèle du déploiement d’équipes mobiles des métiers du médico-social à l’école. Le but est que les enfants qui ont besoin d’un accompagnement spécialisé puissent suivre leur scolarité avec leurs camarades et conserver ces liens humains si précieux.
    Pour aider les familles et les aidants, nous devons aussi simplifier les démarches pour obtenir ces accompagnements. Les notifications des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) pourront être délivrées par cycle pédagogique, ce qui soulagera les parents trop souvent pris par de la paperasse, source de charge mentale accrue. En tant que ministre déléguée chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles, je veillerai à simplifier la vie des familles.
    Mieux accompagner nécessite de mieux repérer et diagnostiquer et, surtout, de le faire plus tôt : la prise en charge doit être immédiate, pour éviter l’aggravation de certains troubles. Tel est l’un des objectifs de la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement. Un livret spécifique dédié aux troubles du neurodéveloppement est en cours de préparation. Il sera inséré dans le carnet de santé, afin de permettre ce repérage, à tous les âges de 0 à 18 ans. Grâce à cette grille, les médecins décèleront les premiers écarts et poseront leur diagnostic plus rapidement.
    Une fois le bon diagnostic posé, l’enfant sera orienté vers différents professionnels dans le cadre des PCO ; c’est l’objectif du service public du repérage et de l’accompagnement précoce.
    Enfin, mieux accompagner les enfants ayant un trouble du neurodéveloppement, c’est aussi soutenir leurs parents et l’ensemble des aidants. Je tiens à leur dire ma reconnaissance et celle du Gouvernement pour ce qu’ils font tous les jours, auprès des personnes qui en ont besoin. Bien souvent, ils n’ont pas eu le choix. Pourtant, chaque jour, ils accompagnent, soutiennent et aident leurs proches, sans s’épargner la fatigue, le stress, l’isolement et l’épuisement. Pour eux, nous avons créé le congé du proche aidant et l’allocation journalière de présence parentale. À nouveau, je me tourne vers vous, monsieur le rapporteur, qui êtes très engagé sur ces questions. Vous avez permis des progrès concrets pour les proches aidants.
    Le Président de la République s’est engagé à ce que tous les aidants bénéficient d’au moins quinze jours de répit par an, grâce à la création de 6 000 places de répit d’ici à 2027. Ce relayage, qui permet de se reposer et d’éviter les risques dus à la fatigue et à la nervosité, n’est pas toujours possible, en raison de certains troubles du neurodéveloppement, et plus largement de certaines pathologies comme la maladie d’Alzheimer. La personne aidée perdrait ses repères et cela gâcherait les efforts de l’aidant. C’est pourquoi la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, dite loi Essoc, a autorisé l’expérimentation de dérogations au droit du travail, dans le cadre de prestations de suppléance au domicile du proche aidant, ou de séjours de répit aidant-aidé.
    La crise du covid n’a malheureusement pas permis la pleine réalisation de cette expérimentation, qui a dû être prolongée par deux fois et qui prendra fin le 31 décembre 2024. Le rapport de cette expérimentation a été transmis à la représentation nationale en amont de l’examen de ce texte. Il montre que ces dérogations sont une solution viable, qui répond à un réel besoin pour les couples aidants-aidés, qui bénéficient ainsi d’un intervenant unique à long terme.
    S’agissant des prestations de suppléance à domicile et des séjours de répit, ces dérogations au droit du travail sont justifiées en raison de l’état d’épuisement dans lequel se trouvent les aidants.
    Le rapport relève la satisfaction globale des intervenants de l’expérimentation. Le fait de travailler plusieurs jours d’affilée, puis de profiter du repos compensateur, leur permet non seulement de mieux s’investir auprès de la personne aidée, mais aussi de mieux profiter des périodes de repos. Avant, leur métier consistait en une succession d’interventions de courte durée à des domiciles distincts. Grâce à ces prestations dérogatoires, deux effets positifs notables ont été soulignés : les intervenants disposent d’une visibilité sur leur planning et profitent pleinement du repos compensateur.
    Pour ces raisons, le Gouvernement soutient la généralisation du relayage de longue durée. Je présenterai néanmoins des amendements relatifs à l’encadrement des relayages à domicile réalisés par les établissements sociaux et médico-sociaux.
    Plus généralement, le Gouvernement soutient cette proposition de loi, issue du Sénat et enrichie par votre assemblée. Elle met en lumière le handicap encore trop mal connu des troubles du neurodéveloppement. Nous devons le reconnaître et mieux le connaître, afin de rendre notre société véritablement inclusive. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR et LIOT.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Christophe, rapporteur de la commission des affaires sociales.

    M. Paul Christophe, rapporteur de la commission des affaires sociales

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    Au préalable, je tiens à saluer la sénatrice à l’origine de cette proposition de loi, Jocelyne Guidez, qui nous fait l’honneur d’être présente, avec son équipe, dans les tribunes.
    Rappelons que cette proposition de loi est la troisième que nous avons le plaisir d’examiner. Les deux précédentes ayant été adoptées à l’unanimité, je souhaite un destin tout aussi favorable à cette troisième proposition de loi, qui n’est sans doute pas la dernière.
    Ce jour vient concrétiser une parole politique, une envie d’agir pour les autres et un engagement tenace au service des personnes les plus fragiles. Après le Sénat, qui l’a adoptée à l’unanimité en première lecture le 25 janvier, notre assemblée s’apprête à examiner la proposition de loi visant à améliorer le repérage et l’accompagnement des personnes présentant des troubles du neurodéveloppement et à favoriser le répit des proches aidants.
    Son examen en commission des affaires sociales nous a permis de nous constater que certains enjeux nous rassemblent encore aujourd’hui, malgré le caractère hétéroclite de notre assemblée, où les dissensions sont coutumières. Comme à son habitude, sur ces questions, notre commission a mené un travail rigoureux et collectif, que je me dois de souligner.
    J’ai l’impression que c’était hier que les journalistes m’interrogeaient sur le sens du mot « aidant ». Pourtant, que de chemin parcouru, en quelques années, pour la reconnaissance des droits des personnes handicapées et de leurs proches !
    Qu’ils appartiennent à une opposition comme à la majorité, les parlementaires ont déposé de nombreuses propositions de loi visant à faire changer les mentalités et à simplifier le parcours semé d’embûches des personnes handicapées, en raison de démarches administratives superflues et excluantes. Sans orgueil ni suffisance, je crois que nous pouvons honnêtement être fiers du travail que nous avons réalisé, et que nous poursuivons.
    Cette proposition de loi se situe dans la continuité du travail parlementaire et gouvernemental précédemment mené, avec notamment Agir pour les aidants, la stratégie de mobilisation et de soutien 2023-2027 – qui était une première – ou encore les recommandations de la Conférence nationale du handicap et du comité interministériel du handicap. Comme le montrent les trois titres du texte, elle a pour objectif d’améliorer les conditions de scolarisation des enfants présentant des troubles du neurodéveloppement, d’établir un repérage précoce de ces troubles, enfin de soutenir les proches aidants des personnes âgées ou handicapées.
    Pour renforcer, avec l’appui du secteur médico-social, les capacités d’accueil en milieu ordinaire des enfants et des adolescents présentant un trouble du neurodéveloppement, l’article 1er prévoit que le 1er septembre 2027 au plus tard, chaque circonscription académique métropolitaine et chaque académie d’outre-mer, pour l’enseignement primaire, et chaque département, pour l’enseignement secondaire, devront être dotés d’au moins un dispositif dédié à la scolarisation de ces jeunes.
    Tout en tenant compte du temps nécessaire au bon déploiement de ces dispositifs, l’article 1er vise donc à donner un coup d’accélérateur à notre politique d’inclusion. Les dispositifs dédiés font déjà l’objet d’une attention accrue, mais nous pouvons – et nous devons – faire mieux. Tel est le sens de cet article, qui prévoit d’augmenter le nombre de dispositifs créés.
    La formation des personnels des écoles et des établissements scolaires revêt aussi une importance déterminante pour la qualité de l’accueil de ces enfants. C’est pourquoi l’article 2, adopté sans modification par notre commission, tend à renforcer la formation des équipes pédagogiques en l’élargissant aux enjeux spécifiques liés aux TND. La commission a également décidé de maintenir la suppression de l’article 3, qui visait à favoriser la formation des professionnels de santé sur les enjeux relatifs aux TND, partageant ainsi l’analyse du Sénat. En effet, la formation prévue par l’article existe déjà depuis la publication de l’arrêté du 7 septembre 2022 définissant les orientations pluriannuelles prioritaires de développement professionnel continu pour les années 2023 à 2025. Il importe désormais de mieux la faire connaître et d’en favoriser l’accès à un plus grand nombre de professionnels.
    Dernier article de ce titre, l’article 4 défend, en quelque sorte, la politique du « dites-le nous une fois par cycle pédagogique ». En effet, même si les délais de traitement des dossiers gérés par les MDPH se réduisent, ils restent trop importants. Pour diminuer l’engorgement des services des MDPH, qui doivent faire face à un flux continu de demandes, les bonnes pratiques doivent être généralisées. Tel est l’objectif de cet article, qui prévoit que la notification des mesures propres à assurer l’inclusion scolaire des enfants vaudra pour la durée d’un cycle pédagogique, et non plus pour un ou deux ans, comme c’est encore parfois le cas ; cela permettra d’améliorer l’accès aux droits des personnes handicapées, objectif partagé par l’État et par les départements. L’article prévoit en outre que les professionnels de santé associés au bilan et au diagnostic des troubles de santé à caractère durable et invalidant seront informés des délais nécessaires aux commissions pour décider des mesures propres à assurer l’inclusion scolaire de ces enfants.
    J’en viens au titre II, qui se concentre sur le repérage des TND. S’appuyant sur les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS), l’article 5 indique que ce repérage prend en considération la prématurité et les facteurs de risques qui y sont associés, et précise que le service de repérage, de diagnostic et d’intervention précoce s’appuie non seulement sur les examens obligatoires de l’enfant – dont ceux créés à l’article 6 –, mais aussi sur d’éventuels examens complémentaires justifiés par les facteurs de risques identifiés.
    Si le code de la santé publique prévoit la tenue de vingt examens médicaux obligatoires pour les enfants entre leur naissance et leur majorité, aucun, pour l’heure, n’est spécifiquement dédié au repérage des TND, alors même que, dans notre société, un enfant sur six serait concerné par ces troubles. Les textes prévoient bien que ces examens portent notamment sur la surveillance du neurodéveloppement de l’enfant, mais celle-ci s’effectue en parallèle de nombreux autres objectifs et, en pratique, le médecin ne peut pas toujours y consacrer le temps adéquat pour mener un repérage efficace. En créant des examens dédiés pour l’ensemble des enfants, qu’ils présentent ou non des facteurs de risques, notre objectif est donc d’assurer un repérage plus précoce des troubles du neurodéveloppement pour mieux accompagner les enfants et leurs familles. Vous comprendrez ainsi mon ferme attachement à l’article 6, qui prévoit la création de deux examens médicaux obligatoires consacrés au repérage des TND, fixés aux 18 mois puis aux 6 ans de l’enfant – des âges clés pour son développement neurologique.
    Enfin, l’article 7, unique article du titre III, pérennise les dispositifs de relayage du proche aidant d’une personne âgée ou handicapée, qui faisaient l’objet d’une expérimentation dans le cadre de l’article 53 de la loi pour un État au service d’une société de confiance. Comme vous avez pu le lire dans le rapport de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), qui, comme je vous l’avais promis, vous a été transmis la semaine dernière, l’évaluation de ce dispositif, qui satisfait les aidants, leurs proches et les salariés des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS) mobilisés, justifie sa pérennisation.
    Pour répondre aux doutes émis par certains de nos collègues en commission, je tiens à rappeler que ces dispositifs, qui visent à répondre aux besoins spécifiques du proche aidant d’une personne nécessitant une surveillance permanente et qui vivrait avec souffrance la succession de plusieurs personnes extérieures dans son domicile, fonctionnent grâce à des dérogations exceptionnelles au droit du travail qui n’ont pas vocation à être étendues à d’autres situations. De plus, à l’issue de l’expérimentation, 98 % des intervenants ont déclaré en être « plutôt satisfaits » ou « tout à fait satisfaits », notamment s’agissant de la nouvelle organisation du temps de travail que la réalisation des prestations implique. Notre commission a adopté plusieurs amendements de notre collègue Annie Vidal et moi-même visant, en particulier, à supprimer la possibilité, pour les ESMS, d’intervenir en mode mandataire, et à reporter l’entrée en vigueur de l’article 7 au 1er janvier 2025, afin de prévenir toute insécurité juridique entre la fin de l’expérimentation et la pérennisation du dispositif. D’autres modifications pourront être apportées au texte afin de mieux encadrer encore ces dispositifs à l’avenir.
    Pour répondre à une critique que j’ai entendue à de nombreuses reprises en commission – et je m’attends à l’entendre à nouveau en séance publique –, je répète que cette proposition de loi est à dimension parlementaire et ne répond donc pas à l’ensemble des problématiques liées aux TND. Elle présente cependant de réelles avancées, utiles au quotidien des familles, et cela suffit largement à me convaincre de l’intérêt de la voter, et des deux mains ! Je me laisse le temps des débats pour tenter de vous convaincre de faire de même. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et HOR.)

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    Dans la discussion générale, la parole est à Mme Maud Petit.

    Mme Maud Petit

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    Je remercie notre collègue Paul Christophe d’avoir fait inscrire à l’ordre du jour de nos travaux la proposition de loi visant améliorer le repérage et l’accompagnement des personnes présentant des troubles du neurodéveloppement et à favoriser le répit des proches aidants, adoptée à l’unanimité par le Sénat. Je saisis cette occasion pour saluer son autrice, la sénatrice Jocelyne Guidez, dont on connaît l’engagement en faveur de l’inclusion scolaire de tous les enfants.
    Il était grand temps de nous remobiliser pour chercher à améliorer encore le quotidien de ces enfants souffrant de troubles du neurodéveloppement et leurs familles, qui, trop souvent, ont le sentiment d’être livrées à elles-mêmes et de devoir se battre pour que leur enfant puisse intégrer un établissement. Comme moi, je suis sûre que vous êtes nombreux, chers collègues, à avoir été sollicités par une famille demandant de l’aide pour son enfant atteint d’un trouble du neurodéveloppement et qu’il vous est arrivé de vous sentir démunis. Nous ne pouvons pas être indifférents à la situation de ces familles. Ce texte est un signal fort qui leur est envoyé. Il marque une étape importante pour mieux intégrer ces enfants à l’école, enceinte de la sociabilisation et de l’émancipation par excellence. Quelle société serions-nous si nous ne nous donnions pas les moyens d’accueillir tous les enfants de la République dans le lieu du savoir, des apprentissages et de la vie en communauté ?
    J’aimerais partager avec vous le ressenti d’un jeune myopathe, qui n’est certes pas atteint d’un trouble du neurodéveloppement, mais dont le propos met en relief le rôle essentiel que joue l’école pour tous les jeunes atteints d’un handicap. Pour ce jeune garçon, qui a pu suivre une scolarité classique jusqu’en CM2 avant d’être contraint d’intégrer un centre spécialisé, quitter le monde des valides a été un énorme choc. Il a découvert la frontière qui existait avec le monde du handicap et s’est senti exclu de la société : ce n’est pas digne d’une nation comme la nôtre. Nous n’avons pas le droit de laisser de côté tous ces enfants de la République sous prétexte qu’ils sont extra-ordinaires. Nous le devons à ces enfants, à leurs parents et à tous les autres enfants. Le handicap et la maladie, quels qu’ils soient, ne doivent pas être tabous et ne doivent pas faire peur.
    Ce jeune myopathe raconte combien il lui a été douloureux d’être maltraité par ses camarades de classe mais, avec le recul, il perçoit dans leur attitude non de la méchanceté, mais une peur et une méconnaissance du handicap et de la différence. Il en est arrivé à la conclusion – que je partage – que les enfants devraient être, dès le plus jeune âge, confrontés à la différence, à la maladie, au handicap, afin de mieux les appréhender et mieux les accepter, car ils appartiennent à part entière à notre société.
    Je me suis peut-être légèrement éloignée du sujet spécifique de cette proposition de loi, mais pas tant que cela, car son essence nous interroge sur la manière dont nous acceptons l’extraordinaire, quelle que soit sa forme, et comment nous l’intégrons.
    Il reste encore beaucoup à faire, mais ce texte constitue une réelle avancée. Ses sept articles s’inscrivent en cohérence avec les engagements pris en faveur des personnes atteintes de troubles du neurodéveloppement par le Gouvernement, qui a présenté en novembre la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement pour les années 2023 à 2027.
    Mais les aidants qui, dans l’ombre, accompagnent avec amour et abnégation leur enfant, parent ou proche souffrant, sont trop souvent l’angle mort de la limitation de l’autonomie. Aujourd’hui, j’ai une pensée toute particulière pour la mère du petit Tim, enseignante dans le Val-de-Marne, qui se mobilise sans relâche, jour et nuit, pour la prise en charge de son fils, atteint d’une variation du gène MYH10 – une maladie particulièrement grave et rarissime, puisqu’on ne compte que dix cas dans le monde. À travers son exemple, je veux rendre hommage au courage, au dévouement, de tous ces parents et aidants qui se donnent corps et âme pour le bien-être de leur enfant, et leur rappeler qu’eux aussi ont droit au répit.
    Le groupe Démocrate soutiendra ainsi avec beaucoup de cœur la pérennisation de l’expérimentation prévue par la loi Essoc du 10 août 2018, qui autorise des solutions de répit de longue durée pour les aidants, comme le dispositif de relayage à domicile du proche aidant, inspiré d’un dispositif québécois, ou la possibilité de séjours de répit aidants-aidés. Nous nous devons de permettre à ces personnes qui, par leur dévouement, donnent tant à la communauté, de se préserver en se reposant de temps en temps.
    Le groupe Démocrate, vous l’aurez compris, votera résolument en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur ceux des commissions.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. François Gernigon.

    M. François Gernigon

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    Le groupe Horizons et apparentés est largement conscient de la nécessité de tout mettre en œuvre pour assurer un accompagnement et un soutien efficaces et dignes des personnes présentant des troubles du neurodéveloppement. Il est de notre devoir de tout faire pour favoriser l’inclusion et permettre à chacun de vivre le plus normalement possible. Nous partageons ainsi l’ambition de ce texte, qui vise à renforcer l’accompagnement en milieu scolaire ordinaire des élèves présentant des troubles du neurodéveloppement, en leur garantissant un accueil adapté et égal dans l’ensemble du territoire, à mieux former les enseignants et personnels de l’éducation nationale à ces enjeux et à alléger les procédures, encore parfois trop lourdes, pour les familles.
    Alors que notre système social actuel est principalement concentré sur le curatif, il est désormais nécessaire qu’il atteigne la même qualité en matière de prévention, grâce, entre autres, à l’amélioration des mécanismes de détection des troubles du neurodéveloppement. Afin, justement, de ne pas oublier l’importance de la prévention, deux nouveaux examens de détection précoce sont prévus par le texte ; nous serons attentifs à leur agencement avec le parcours existant, composé de vingt examens entre la naissance et l’âge de 20 ans et donc déjà très lourd, d’autant que trop peu de médecins sont formés à réaliser ces examens dans tout le territoire.
    Prévue à l’article 7, la pérennisation de l’expérimentation visant à permettre aux proches aidants d’être suppléés par un intervenant unique pour une période allant de trente-six heures à six jours consécutifs, inspirée du baluchonnage québécois et instaurée dans le cadre de l’article 53 de la loi Essoc, est une excellente nouvelle. En effet, cette expérimentation, déjà prolongée à deux reprises, a largement fait ses preuves et suscite un réel espoir pour les millions de personnes concernées.
    Comme le Président de la République l’a rappelé lors de sa récente visite à la maison de l’autisme, dont il avait annoncé la création en 2020, le Gouvernement et la majorité poursuivent sans relâche les actions en faveur d’une meilleure prise en charge des troubles du neurodéveloppement, notamment à travers la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement pour les années 2023 à 2027. Dotée de 680 millions d’euros, elle s’articule autour de six engagements et quatre-vingt-une mesures concrètes, qui visent à intensifier la recherche, à avancer l’âge du repérage et des diagnostics, à adapter la scolarité, à accompagner les adolescents et les adultes, et à faciliter la vie des personnes et des familles tout en sensibilisant et informant la société sur les troubles du neurodéveloppement – le tout dans un souci de continuité avec les résultats obtenus par le Gouvernement et la majorité sur ce sujet, à l’image des 60 000 généralistes et pédiatres formés aux troubles du neurodéveloppement dans le cadre de la concrétisation d’un service public généralisé du repérage, ou encore des vingt-sept universités accompagnées dans le déploiement d’un programme adapté.
    Le groupe Horizons et apparentés votera donc logiquement en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur ceux des commissions.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Anna Pic.

    Mme Anna Pic

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    La prévalence des troubles du neurodéveloppement ne cesse d’augmenter dans notre pays. Les soignants et enseignants donnent fréquemment l’alerte sur ce problème de santé publique et soulignent la nécessité de prendre rapidement les mesures adéquates.
    Alors qu’une personne sur six présente l’un de ces troubles, près de 7 000 enfants autistes naissent chaque année et les troubles de l’attention et des troubles dys – dyslexie, dysgraphie, dysorthographie – se multiplient. Selon les scientifiques, cette multiplication est notamment due à des facteurs environnementaux, tels que la pollution atmosphérique et l’exposition aux pesticides. Nous pouvons donc estimer que, dans quelques années, le taux d’élèves atteints de TND par classe sera encore plus important.
    Devant ce constat, et du fait des insuffisances gouvernementales en la matière, la présente proposition de loi a pour ambition d’apporter des réponses, aussi incomplètes soient-elles ; c’est pourquoi nous l’accueillons avec bienveillance.
    Premièrement, il est nécessaire de renforcer la détection, qui demeure largement perfectible. En effet, aucun des vingt examens de santé obligatoires pour les enfants n’est dédié au repérage de ces troubles. Pourtant, la détection dès le plus jeune âge permet la prise en charge spécifique la plus rapide possible. Cette prise en charge, qui contribue grandement à la progression de l’enfant, en limitant la perte d’estime de soi et le risque de décrochage scolaire, est essentielle.
    L’instauration d’examens à 18 mois et à 6 ans est donc bienvenue. Le caractère systématique de ces contrôles aura également l’intérêt de limiter les inégalités entre les parents qui ont les moyens de faire appel à des spécialistes de la psychologie comportementale et ceux qui ne les ont pas.
    Deuxièmement, si les dispositifs spécifiques, tels que les Ulis ou les unités d’enseignement en maternelle autisme (UEMA), se sont développés, il est primordial, vu l’envol des cas, de consolider ces outils essentiels pour l’accompagnement et de faciliter les démarches administratives permettant d’y accéder, lesquelles sont souvent source de nombreuses souffrances pour les familles.
    Le renforcement de la formation du personnel sur ces troubles doit aussi devenir une priorité. Nous déplorons le manque d’accompagnants dédiés à la scolarisation en milieu strictement ordinaire, dû au nombre insuffisant d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) au regard des besoins ainsi qu’au non-respect des notifications des MDPH.
    L’un de nos amendements ambitionne, à défaut de pouvoir augmenter les postes d’AESH et les places au sein des dispositifs, de demander un rapport dressant un bilan des créations de dispositifs dédiés à la scolarisation en milieu ordinaire et formulant des recommandations pour développer ces outils.
    Le troisième volet du texte concentre la grande partie de nos préoccupations. Le droit au répit pour les proches aidants a été instauré par la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement. Huit ans après, pourtant, les solutions permettant son application effective sont toujours légères, voire quasi inexistantes.
    Il est néanmoins primordial, nous le réaffirmons, de ne pas porter atteinte au droit du travail ou, du moins, de limiter les possibilités d’y déroger. Le rapport d’évaluation de l’expérimentation ayant été transmis à la représentation nationale il y a une semaine à peine, sa généralisation dans les délais prévus par le texte nous paraît prématurée.
    Si les résultats de cette expérimentation ont été présentés de façon positive, des lacunes ont néanmoins été identifiées, notamment en ce qui concerne la fatigue des intervenants et la mise en place des régimes d’équivalence entre les heures de travail et de présence. En outre, nous ne disposons pas de données fines s’agissant de l’impact sur la santé des intervenants, lequel se mesure à plus long terme.
    Il eût été préférable de légiférer en disposant de l’ensemble des éléments nécessaires à une prise de décision éclairée. C’est pourquoi nous avons déposé des amendements visant à retarder cette généralisation et à encadrer sa mise en œuvre.
    Ces interrogations mises à part, la proposition de loi apporte des réponses, quoiqu’encore insuffisantes, à un sujet trop longtemps négligé, tout en alertant le Gouvernement sur l’urgence de la situation. Nous la soutiendrons donc, de même que nous soutenons les parents qui se battent pour que leurs enfants soient mieux accompagnés dans le cadre scolaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et Écolo-NUPES. – M. le rapporteur applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Yannick Monnet.

    M. Yannick Monnet

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    Nous examinons ici la proposition de loi visant à améliorer le repérage et l’accompagnement des personnes présentant des troubles du neurodéveloppement et à favoriser le répit des proches aidants. Ces troubles regroupent des affections variées, aux conséquences plus ou moins sévères : troubles du spectre autistique, troubles du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) ou encore troubles spécifiques du langage et des apprentissages (TSLA), dits troubles dys. La prévalence de ces troubles a augmenté ces dernières décennies : au total, un enfant sur six présenterait un trouble du neurodéveloppement, ce qui en fait le handicap le plus fréquent chez les enfants.
    Ce texte d’initiative parlementaire porte sur les solutions de scolarisation des enfants présentant de tels troubles, sur l’établissement d’un diagnostic précoce et sur le soutien aux aidants. Il se veut une réponse aux situations difficiles que connaissent les familles concernées. Ces familles ont besoin que les annonces faites successivement par l’exécutif se concrétisent, sous peine d’une grande déception. Elles ont besoin, ensuite, de perspectives vraiment ambitieuses.
    S’agissant des solutions de scolarisation, la stratégie nationale pour l’autisme 2018-2022 n’a permis de créer que 4 000 places en cinq ans, alors qu’elle n’incluait même pas les troubles du neurodéveloppement. Depuis une première réprimande en 2004, le Conseil de l’Europe condamne régulièrement la France pour discrimination des jeunes autistes dans l’accès à l’éducation et à la formation professionnelle – la dernière fois en avril 2023. Le délégué interministériel avoue lui-même que le nombre de solutions de scolarisation, à la rentrée dernière, était largement insuffisant.
    De nombreux enfants handicapés sont recensés comme étant scolarisés, alors qu’en réalité, ils ne le sont pas à plein temps. Certains n’ont même pas du tout accès à l’éducation : ils seraient 200 000, selon l’association Ambition école inclusive, soit près d’un tiers des enfants concernés.
    Faute de formation, près des trois quarts des professeurs se disent confrontés à des difficultés fréquentes, voire très fréquentes, soit deux fois plus qu’en 2011. Ils sont totalement démunis face à certains troubles ; beaucoup y voient l’une des principales causes de souffrance au travail. Il y a un risque que cette souffrance se transforme en un ressentiment envers le principe même d’école inclusive. Alors que des travaux universitaires soulignent que la politique d’inclusion menée depuis 2005 n’a pas été accompagnée d’un allègement de la charge de travail des enseignants, il y a urgence à repenser cette politique et les moyens qui y sont consacrés.
    Les maisons départementales des personnes handicapées, guichet unique d’accès aux droits et prestations, croulent sous les demandes de reconnaissance de handicap sans que leurs moyens n’évoluent : les délais de traitement dépassent les quatre mois réglementaires dans la moitié des départements.
    À cet égard, si ce texte repose sur de bons constats, les réponses ne collent pas suffisamment à la réalité ni aux besoins. La plupart des articles vont dans le bon sens, et nous pouvons les soutenir, mais il faudra davantage de moyens humains pour accompagner les personnes qui présentent des troubles du neurodéveloppement, le déficit en la matière étant abyssal.
    Concernant les moyens humains, la réponse de ce texte consiste à pérenniser, à l’article 7, des dérogations au droit du travail. Nous ne l’acceptons pas. Vous considérez en effet les droits individuels et collectifs comme des obstacles plutôt que comme des garanties d’un accompagnement de qualité. Vous dites que le dispositif reposera sur le volontariat, mais on sait très bien comment cela fonctionne sur le terrain : quand on prend quelqu’un en charge, on se sent obligé d’aller le plus loin possible, et parfois trop loin. Cela revient à faire du bien-être des salariés une variable d’ajustement, en raison d’un manque d’ambition et d’un certain attentisme.
    Ces dérogations feront peser un risque important sur la qualité de la prise en charge, au détriment des salariés, dans des secteurs qui connaissent déjà de grandes tensions. Il nous revient de protéger les professionnels quand leur engagement en vient à leur faire du mal. Ces dérogations ne peuvent pas être une réponse satisfaisante et encore moins pérenne au manque de moyens : c’est intenable humainement. Nous pouvons, et nous devons, organiser le relayage autrement, en respectant ces métiers et la qualité des interventions.
    En commission des affaires sociales, nous avons supprimé, avec le soutien du rapporteur, la possibilité de recourir à ces dérogations dans le cadre des interventions en mode mandataire – c’est-à-dire la possibilité pour les établissements de mobiliser des salariés du particulier employeur – car elles présentent de moindres garanties pour la qualité et la sécurité des prestations de suppléance à domicile. C’est bien la preuve que vous convenez que nous ne pouvons pas laisser cette option totalement ouverte.
    Pour conclure, si nous sommes plutôt favorables à ce texte, notre vote final dépendra du sort réservé à nos amendements – je ne doute pas qu’ils obtiendront le soutien du rapporteur. (M. Sébastien Peytavie applaudit.)

    M. Paul Christophe, rapporteur

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    Bien tenté ! (Sourires.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Béatrice Descamps.

    Mme Béatrice Descamps

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    Notre pays connaît une augmentation de la prévalence des troubles du neurodéveloppement, en particulier de l’autisme et du TDAH, depuis une vingtaine d’années. C’est un enjeu de santé publique majeur. Un rapport d’information du Sénat, publié l’année dernière, estimait qu’ils touchaient près de 100 000 enfants chaque année.
    Le Gouvernement s’est saisi du sujet et nous saluons les résultats positifs de la stratégie nationale pour l’autisme 2018-2022. Nous saluons également l’extension de la nouvelle stratégie à tous les troubles du neurodéveloppement, et nous espérons que les résultats seront à la hauteur de l’importance du sujet. L’accélération des efforts est en effet nécessaire, 1 % des nouveau-nés étant porteurs de TSA.
    Si la volonté est là, des progrès restent à faire, particulièrement en matière de scolarisation, pour ce qui concerne le nombre de structures comme le fonctionnement. Malgré la forte augmentation de leur nombre, les dispositifs spécifiques ont globalement une capacité d’accueil maximale de 4 200 élèves, de la maternelle au lycée, alors que l’on estime à 7 000 le nombre d’enfants autistes naissant chaque année.
    Le présent texte propose que, à l’horizon 2027, chaque circonscription académique et chaque département comptent au moins un dispositif d’accueil des élèves présentant un TND ; nous y souscrivons, et des amendements ont été déposés en vue de mieux inclure l’outre-mer. Mais c’est au Gouvernement de garantir les moyens financiers et humains nécessaires. De même, la formation des équipes pédagogiques doit comporter un volet dédié aux TND.
    S’agissant du fonctionnement, de nombreuses améliorations sont attendues. Le groupe LIOT continue d’insister sur la nécessité de conférer un véritable statut aux AESH ainsi qu’une rémunération adaptée, de manière à garantir l’attractivité de ce métier, si indispensable à la scolarité des enfants en situation de handicap. (Mme Pascale Martin applaudit.)
    De manière générale, il convient d’alléger la charge administrative des familles auprès des MDPH et d’homogénéiser les pratiques, afin d’éviter les inégalités territoriales. L’allongement de la durée des mesures prises, afin qu’elles couvrent tout le cycle pédagogique, est très attendu par les familles – la portée normative de cet article est néanmoins discutable car il ne prévoit qu’une simple possibilité.
    Si le Sénat a supprimé, pour des raisons de forme, l’article 3 relatif à la formation des professionnels de santé, celle-ci n’en est pas moins insuffisante. Ces professionnels sont pourtant en première ligne pour repérer les TND. Une meilleure formation des professionnels de santé permettrait de réduire les phénomènes d’errance ou de retard de diagnostic. Si les professionnels sont libres de choisir leurs actions de formation, on ne peut que regretter le faible succès de celles dédiées aux TND.
    Le repérage précoce est d’autant plus important que la part des naissances prématurées dans le total des naissances a augmenté en France ces dernières décennies – 7 % contre 5 % – alors qu’il s’agit d’un facteur de risque de TND. Nous comprenons donc la création de deux examens spécifiques de repérage des TND, qui permettraient d’éviter les sous-diagnostics actuels, l’errance diagnostique et les pertes de chances liées. Nous craignons néanmoins qu’ils se heurtent aux problèmes de démographie médicale et à l’insuffisance de la formation des médecins.
    Enfin, nous soutenons, bien sûr, la pérennisation des dispositifs de répit, notamment de relayage, pour les aidants. Ces dispositifs offrent une solution de répit de longue durée, permettant de soulager temporairement le proche aidant de sa charge et de préserver sa santé. Soyons toutefois attentifs au coût qu’ils représentent pour les familles. Il faut continuer d’avancer sur ce sujet, notamment en indemnisant mieux et en allongeant le congé de proches aidants.
    Notre groupe soutiendra cette proposition de loi. Je remercie pour leur travail nos collègues Jocelyne Guidez et Paul Christophe. (Applaudissements sur les bancs des commissions. – Mme Maud Petit applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sébastien Peytavie.

    M. Sébastien Peytavie

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    L’examen de cette proposition de loi s’opère dans un contexte profondément alarmant : la scolarisation pleine et accompagnée des enfants en situation de handicap ne parvient pas à véritablement décoller. Les enfants atteints de troubles du neurodéveloppement n’échappent pas à ce constat.
    Le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu dit ordinaire a quadruplé depuis 2006. Les troubles du neurodéveloppement touchent, quant à eux, 15 % des enfants en France.
    Toutefois, les moyens qui permettraient de garantir un accompagnement adapté à leurs besoins dans le milieu scolaire ordinaire n’ont pas suivi. De même, la création de nouvelles places dans les dispositifs spécifiques dédiés à leur scolarisation n’est pas suffisante : ainsi, 4 200 places seulement sont disponibles de la maternelle au lycée, alors que 7 000 enfants autistes, par exemple, naissent chaque année.
    Dans un tel contexte de manquement grave au droit à l’éducation des enfants en situation de handicap, ce texte ne propose que de maigres avancées, en généralisant notamment à chaque circonscription académique les dispositifs d’accompagnement des élèves concernés.
    Cependant, qu’en est-il du renforcement de la formation des professionnels sur ces questions ? Pourquoi avoir maintenu la suppression de l’article 3, qui garantissait pourtant la formation continue des professionnels de santé au repérage, au diagnostic et à l’accompagnement des troubles du neurodéveloppement ? Pourquoi revenir en arrière, alors que les professionnels de santé ne sont à l’origine du diagnostic précoce des TND chez les enfants que dans 14 % des cas ? Non seulement nous proposerons de rétablir l’article 3, mais nous appellerons à passer à la vitesse supérieure, en proposant d’étendre la formation à l’accompagnement des enfants handicapés aux professionnels qui exercent en crèche, lieu essentiel pour favoriser un diagnostic précoce de ces troubles.
    Nous ne pouvons pas non plus dissimuler notre déception face à un texte dont les ambitions restent bien en deçà des besoins, compte tenu du manque flagrant d’AESH et de leurs conditions de travail. En effet, avec une rémunération qui n’atteint même pas les 800 euros par mois et des CDD de 24 heures par semaine, les AESH, dont 90 % sont des femmes, sont menacés de précarisation. Ces accompagnants sont en outre contraints de se former sur le tas, la formation initiale sur les problèmes liés au handicap étant encore trop faible.
    Face à la déconsidération scandaleuse du métier d’AESH, à laquelle ce texte ne répond malheureusement pas, nous nous devons de rappeler une évidence : le métier d’accompagnant d’élèves en situation de handicap relève de l’intérêt général ; il doit, par conséquent, devenir un véritable corps de la fonction publique.
    Alors que dans notre pays, le taux d’encadrement ne dépasse pas un AESH pour cinq élèves en situation de handicap, ce texte n’apporte aucune réponse pour améliorer efficacement leurs conditions de travail et provoquer le choc d’attractivité dont nous avons terriblement besoin. Il se contente de promouvoir un dispositif qui déroge au droit du travail et précarise davantage les conditions de travail des personnes chargées des prestations de suppléance à domicile du proche aidant, ce à quoi nous nous opposons. En effet, cela ne peut pas être l’unique réponse aux nombreuses difficultés, voire à la véritable détresse, que vivent les proches aidants au quotidien. Parce qu’ils et elles accomplissent une tâche essentielle de soin auprès de leurs proches particulièrement vulnérables, nous devons pleinement répondre aux problèmes de précarisation, de dégradation de la santé et d’isolement que les aidants traversent.
    La présente proposition de loi ne fait pas non plus de la formation des professionnels de l’éducation aux enjeux liés aux TND une priorité, alors que c’est la pierre angulaire d’une scolarisation épanouie pour les enfants concernés. Si elle fait quelques pas timides dans le sens d’une réduction des inégalités d’accès aux dispositifs d’accompagnement entre les territoires – démarche que nous soutenons –, le groupe Écologiste souhaite porter un message clair : nous ne pouvons continuer à aller vers une société à deux vitesses ; faute de moyens et d’ambition, nous ne sommes toujours pas capables de respecter le principe fondamental du droit à l’éducation de chaque enfant, quelle que soit sa situation de handicap.
    Nous devons prendre la mesure de la condamnation de la France par l’ONU pour manquements graves en matière de respect des droits des personnes en situation de handicap et agir. Les enfants atteints de troubles du neurodéveloppement ne sont pas des sous-citoyens. Leur prise en charge par le système de santé français, leur inclusion à l’école et le soutien à leurs aidants ne peuvent relever de la stratégie des petits pas. Donnons-nous les moyens de nos ambitions ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Ingrid Dordain.

    Mme Ingrid Dordain

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    Permettez-moi, pour commencer, de remercier la sénatrice Jocelyne Guidez d’avoir déposé la présente proposition de loi en faveur des enfants atteints d’un TND, ainsi que mon collègue Paul Christophe, pour le travail qu’il a mené conjointement.
    Il y a encore vingt ans, nous ne parlions pas d’inclusion et encore moins des aidants. Ce terme est apparu peu à peu dans notre vocabulaire, afin de désigner les personnes qui accompagnent un proche, âgé ou en situation de handicap. Le parent d’un enfant présentant un TND ou, plus largement, en situation de handicap, n’est appelé aidant que depuis peu. En effet, pourquoi qualifier ainsi ces papas et ces mamans ? Il y a quelques semaines encore, j’entendais ce constat : « Un parent ne peut pas être l’aidant de son enfant, puisqu’il est de son devoir de s’en occuper ! »
    C’est vrai, le parent doit prendre soin de son enfant. Toutefois, alors qu’il est parfaitement normal de surveiller un enfant en bas âge lorsqu’il commence à manger des aliments en morceaux, cela l’est moins lorsque cet enfant est un jeune adulte. S’il est difficile d’être réveillé régulièrement la nuit par son bébé, le parent sait que celui-ci finira par faire ses nuits ; or ce n’est pas toujours le cas lorsque l’enfant a un handicap. Pour beaucoup, la rentrée scolaire est un grand moment, qui signifie excitation, émancipation, apprentissage et socialisation, mais, pour certains parents, elle rime avec angoisse, attente et désespoir de constater que le droit à la scolarité de leur enfant est bafoué. Les nuits sont courtes et les journées périlleuses. Le quotidien est bousculé. Ce chamboulement affecte l’ensemble de la famille : parents, fratrie, grands-parents, tous deviennent aidants.
    Pourtant, ce quotidien peut être facilité si un accompagnement éducatif adapté et des soins sont procurés dès le plus jeune âge. C’est pourquoi les deux premiers titres de la proposition de loi mettent l’accent sur l’amélioration des conditions de scolarisation et sur l’établissement d’un repérage précoce.
    L’inclusion scolaire ne peut se faire pour tous que si, et seulement si, le médico-social est intégré au sein de l’éducation nationale, afin d’adapter au mieux la scolarisation aux besoins de l’enfant. L’obligation de créer les dispositifs prévus à l’article 1er garantira leur généralisation dans l’ensemble du territoire et permettra d’offrir à chaque enfant une solution scolaire à proximité de son domicile. La formation de l’ensemble des personnels de l’éducation nationale est indispensable ; il n’est pas pensable de concevoir un accueil bienveillant et réussi pour tous si l’ensemble des acteurs n’y est pas préparé. D’ailleurs, nous vous proposerons d’aller plus loin encore, en adoptant un amendement visant à étendre la formation aux acteurs des secteurs du loisir, du sport et de la petite enfance.
    Le repérage précoce est un maillon essentiel qui a un réel impact sur l’avenir des enfants concernés. Plus tôt ils seront repérés et diagnostiqués, plus vite ils bénéficieront d’un accompagnement adapté et éviteront le surhandicap.
    Toutefois, rappelons qu’il ne peut y avoir d’inclusion scolaire – ni d’inclusion, plus largement, dans la société – sans que les aidants puissent bénéficier de solutions de répit. Les familles ont besoin de souffler, de retrouver une vie sociale et professionnelle. À cet égard, l’article 7 constitue une réelle avancée car il pérennise les dispositifs de répit, tels que le relayage ou les séjours aidants-aidés. Ces dispositifs offrent aux proches une accalmie qui peut se prolonger jusqu’à six jours consécutifs, permettant ainsi d’atténuer leur épuisement, de prévenir d’éventuelles maltraitances, de s’autoriser à souffler et de se reconnecter avec la fratrie.
    L’expérimentation menée depuis 2019 aura mis en exergue le besoin prégnant, dans certaines situations précises, pour les couples aidants-aidés, de bénéficier d’un intervenant unique sur le temps long. Les intervenants, également appelés les relayeurs, ont tous été volontaires et ont souligné deux effets positifs du dispositif : il leur permet de disposer d’une meilleure visibilité sur leur planning et de profiter pleinement de leurs repos compensateurs. Ils ont également noté ses effets positifs en matière de gratification et de reconnaissance – ce qui est important en cette période de manque d’attractivité des professions dites de l’humain. Certes, des conséquences négatives sur l’état de fatigue et sur la vie sociale ont également été rapportées ; néanmoins, la totalité des intervenants interrogés ont souligné que cet état de fatigue était gérable et qu’il ne les empêchait pas de vouloir réitérer ce type de prestations. Il convient donc que nous restions vigilants et que nous travaillions en collaboration avec les acteurs de terrain afin de veiller à la bonne application du droit et d’apporter un soutien aux équipes de relayeurs.
    Comme vous le savez, il y a vingt et un ans, la France était condamnée par l’ONU pour exclusion et entrave à l’autonomie des personnes en situation de handicap. En 2021, cette dernière reconnaissait les efforts accomplis.

    Mme la présidente

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    Il faut conclure, chère collègue.

    Mme Ingrid Dordain

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    Toutefois, il est temps de sortir de ce système archaïque. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur ceux des commissions.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Paris.

    Mme Mathilde Paris

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    Alors que nous entamons la discussion de la présente proposition de loi, permettez-moi de témoigner, en tant que maman d’un enfant souffrant d’un trouble du neurodéveloppement, du sentiment de désemparement, d’impuissance, de solitude et de souffrance auquel sont confrontées les familles au quotidien.
    La France est très en retard en matière de repérage et de prise en charge des enfants neuro-atypiques. La maman que je suis se bat depuis dix ans pour son fils. C’est un véritable parcours du combattant, dans lequel on évolue souvent bien seul, et encore plus lorsque l’on vit dans un territoire rural frappé par la désertification médicale.
    Derrière les lignes de cette proposition de loi, je veux vous parler de la réalité de la vie des familles ballottées entre médecins et professionnels de santé, envoyées vers les centres d’action médico-sociale précoce (Camsp), puis vers les centres médico-psychologiques pour enfants (CMPE), des délais insoutenables avant d’obtenir une prise en charge et de la rupture de celle-ci, des kilomètres parcourus chaque semaine pour le marathon continuel des rendez-vous, des difficultés à poser, enfin, le bon diagnostic de troubles dont les signes sont parfois déconcertants.
    La scolarisation est, elle aussi, un chemin éprouvant. L’école est à la fois un lieu d’apprentissage et de socialisation. Toutefois, pour un enfant qui ne sait pas comment interagir avec ses pairs, et encore moins au sein d’un groupe, pour lequel le moindre changement peut provoquer une réaction émotionnelle disproportionnée, au risque de le mettre en grave danger, un enfant dont le monde est étranger à celui des autres, ces années peuvent être source de souffrance, faute d’un véritable accompagnement.
    Aussi la première partie de la proposition de loi, qui vise à améliorer les conditions de scolarisation des enfants présentant un TND, est-elle particulièrement importante. Pourtant, les dispositions prévues sont bien trop insuffisantes. En effet, rien n’est évoqué sur la question essentielle des AESH, dont nous manquons cruellement et sans lesquelles l’école inclusive n’est pas possible. Rien de concret n’est indiqué non plus concernant la formation des enseignants, qui est primordiale et reste trop théorique : face à un élève qui présente un TND, ils se sentent bien seuls. Il faudrait mettre à leur disposition une boîte à outils adaptée à chaque type de troubles du neurodéveloppement, comprenant à la fois des outils pédagogiques à même d’être déployés, du matériel adapté et des conseils sur le comportement à adopter. Les enseignants ont également besoin de disposer d’un interlocuteur identifié auquel s’adresser. Enfin, rien n’est prévu pour garantir une meilleure inclusion des élèves neuro-atypiques dans le groupe-classe et prévenir tout harcèlement, alors qu’il est indispensable de préparer les autres élèves à l’accueil d’un enfant présentant un TND.
    La deuxième partie du texte vise à établir un diagnostic précoce des troubles du neurodéveloppement. Les TND sont, pour la plupart, des handicaps invisibles, dont les signaux sont souvent difficiles à déceler par l’entourage. Les diagnostics tardifs, retardant une prise en charge adaptée, conduisent à de véritables pertes de chances pour les enfants qui présentent un TND et entraînent des tensions et des souffrances dans la sphère familiale. La généralisation des diagnostics à l’ensemble des enfants, à 18 mois et à 6 ans, est donc essentielle.
    En revanche, si le périmètre des professionnels de santé habilités à réaliser ces diagnostics n’est pas élargi, nous allons droit à la catastrophe. Or, en l’état actuel, l’article 6 risque de produire les effets inverses de ceux recherchés. En effet, face à la désertification médicale, le délai pour obtenir un diagnostic est d’un an environ. L’élargissement des examens de repérage à tous les enfants provoquera inéluctablement un allongement important des délais d’obtention d’un rendez-vous pour l’établissement d’un diagnostic et retardera d’autant la prise en charge des enfants qui présentent réellement un TND. Par conséquent, au lieu d’améliorer le repérage précoce et la prise en charge des enfants, l’article, tel que rédigé, l’aggravera. C’est pourquoi j’avais déposé un amendement à ce sujet ; toutefois, de manière incompréhensible, il a été jugé irrecevable.

    M. Paul Christophe, rapporteur

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    Il créait une charge !

    Mme Mathilde Paris

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    Enfin, la troisième partie concerne le soutien aux aidants et prévoit la suppléance à domicile des proches aidants, avancée que nous saluons. Cependant, une fois encore, on se heurte à la réalité du terrain : les pénuries de professionnels auxquelles sont confrontés les établissements dédiés aux personnes en situation de handicap seront aggravées par cette disposition si rien n’est fait pour améliorer sérieusement les conditions de travail, de formation et de rémunération des salariés de ces structures.
    Pour conclure, nous regrettons que ce texte ne réponde que trop superficiellement aux enjeux, majeurs, du repérage, de la prise en charge, de l’inclusion scolaire et professionnelle des personnes présentant des troubles du neurodéveloppement, et du soutien à leurs proches aidants. Il est temps de prendre ce sujet à bras-le-corps et d’aller plus loin pour apporter des solutions concrètes, efficaces et véritablement applicables. Chers collègues, nous ne sommes pas là pour nous donner bonne conscience mais pour agir de manière exigeante au service des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. René Pilato.

    M. René Pilato

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    Nous pensons à tort qu’il suffit d’ouvrir les yeux pour percevoir le monde qui nous entoure. Si notre œil capte l’information lumineuse par le biais de la rétine, c’est notre cerveau qui nous permet de reconstruire l’image. Ainsi, une lésion cérébrale peut causer des difficultés majeures à visualiser une scène alors que nos yeux, eux, sont parfaitement sains. Ces troubles, dits neurovisuels, empêchent de détecter, de reconnaître ou de localiser dans l’espace les objets et les visages. Ils peuvent passer inaperçus ou être confondus avec ceux des apprentissages, auxquels ils sont souvent associés : la dyslexie, la dysplasie, les troubles du comportement, le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité.
    Ces troubles ne sont pas irréversibles. Si l’on ne peut pas faire grand-chose face à une lésion de l’œil, lorsque c’est le cerveau qui est lésé, il est tout à fait possible de restaurer la vision. Grâce à la plasticité cérébrale et à une rééducation adaptée et intensive, il est désormais possible de contourner cette lésion et d’apprendre, ou de réapprendre, à voir. Cette prise en charge est possible chez les nouveau-nés dès l’âge de 1 mois, ainsi que chez les adultes après un accident vasculaire cérébral (AVC).
    Pour les troubles de l’audition, il est conseillé d’intervenir avant l’âge de 1 an, afin d’éviter l’apparition de troubles du développement du langage. Une perte auditive non traitée peut compromettre l’aptitude de l’enfant à parler et à comprendre la langue, donc entraver son développement verbal, social et émotionnel. Ce handicap peut entraîner l’échec scolaire, les moqueries des autres enfants ainsi qu’un isolement social et des difficultés affectives. Enfin, une jaunisse ou un manque d’oxygénation du cerveau peuvent entraîner des dommages à ce dernier. Il convient donc de suivre particulièrement les prématurés, à qui une bonne oxygénation a pu faire défaut.
    Dans ce texte, il aurait été judicieux de commencer par le titre II. Selon moi, les articles 5 et 6 devraient se situer en première et deuxième positions. Pour améliorer le repérage des troubles du neurodéveloppement, il importe d’inclure le repérage des troubles neurovisuels, qui touchent environ 5 % des enfants, et des troubles de l’audition, qui concernent environ 2 % des enfants. En 2023, 678 000 bébés sont nés en France, ce qui signifie qu’environ 34 000 enfants présentent des troubles neurovisuels et 13 500 des troubles de l’audition. Nous proposons donc d’avancer la date du premier examen obligatoire de repérage aux 9 mois de l’enfant – en particulier pour les troubles de l’audition –, et d’adjoindre aux rendez-vous préventifs mensuels des six premiers mois de l’enfant un volet systématique de détection des troubles neurovisuels.
    Il manque, dans cette proposition de loi, la dimension de réparation entre 0 et 3 ans – le texte ne mentionne pas les soins de réparation. C’est pourtant tout le sens du travail du docteur Sylvie Chokron : réparer le plus tôt possible pour corriger les handicaps. Pour des progrès plus rapides chez le bébé et l’enfant, une prise en charge pluridisciplinaire par un orthoptiste, un orthophoniste, un neuropsychologue, un ergothérapeute et un psychomotricien permettrait de travailler réellement à une inclusion réussie à l’école – les handicaps restants seraient bien moindres – et de préserver les couples dont un enfant est handicapé : dans 90 % des cas, le couple explose et c’est la mère qui assume. Cette absence d’attention portée à la réparation conduisait Olivia Cattan, présidente de l’association SOS autisme France, à affirmer : « C’est bien, on va dépister votre enfant mais on ne va pas trouver de professionnels de santé pour le prendre en charge. Donc ça va être encore aux parents de tout faire. »
    En ce qui concerne les articles 1 à 4, nous sommes favorables au maillage territorial des dispositifs d’inclusion. Quant à l’article 7, il porte une grave atteinte au droit du travail. L’introduction de telles dérogations dans le droit commun constitue une dérive majeure qui pourrait être étendue à d’autres dispositifs et à d’autres secteurs d’activité. Pourquoi avoir gâché le texte avec cet article ?
    Notre vote dépendra de la date des premiers examens de repérage, qui gagneraient à être généralisés le plus tôt possible afin de faire du moment scolaire celui d’une réelle inclusion, et du devenir de l’article 7. Alors que vous proposez plusieurs dérogations au droit du travail qui exposeront les personnes chargées de l’accompagnement à des risques professionnels, nous défendons le statut d’AESH. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Annie Genevard.

    Mme Annie Genevard

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    Les troubles du neurodéveloppement, qui correspondent à une catégorie définie par l’Association américaine de psychiatrie, englobent plusieurs types de troubles, à savoir les troubles du spectre de l’autisme, les troubles du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, les troubles spécifiques du langage et des apprentissages – également appelés « troubles dys » – et les troubles du développement intellectuel (TDI). Près de 17 % de la population française est concernée par au moins un trouble du neurodéveloppement ; dans plus de la moitié des cas, les personnes le sont par plusieurs.
    La présente proposition de loi, adoptée au Sénat à une large majorité, met l’accent sur l’amélioration des conditions de scolarisation et sur l’établissement d’un repérage précoce – deux axes cruciaux pour assurer un accompagnement adapté et efficace en vue d’une inclusion pleine et réussie dans la société.
    Le premier enjeu du texte est l’inclusion en milieu scolaire ordinaire. Nous le savons, il se joue à l’école bien davantage que l’apprentissage de savoirs académiques. Pour les enfants concernés, elle est le lieu de la socialisation et du développement des habiletés sociales au contact des autres. Pour tous les élèves et futurs citoyens, elle est la promesse d’une société qui intègre les différentes façons d’être au monde comme naturelles.
    D’après le ministère de l’éducation nationale, les troubles du neurodéveloppement concerneraient un élève en situation de handicap sur trois, soit un peu plus de 1 % des élèves. Et si le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a quadruplé depuis 2006, l’inclusion scolaire des élèves atteints de TND présente encore des défaillances et des limites. Les dispositifs afférents, tels que les Ulis et les unités d’enseignement en maternelle autisme, ne permettent pas de répondre à la naissance d’environ 7 000 enfants autistes chaque année – ce sont des dispositifs qui ont fait leurs preuves, je peux en attester, mais leur nombre est insuffisant. Si la nouvelle stratégie nationale pour les TND n’est pas muette sur la scolarisation de ces enfants, les dispositifs supplémentaires annoncés ne répondent pas à tous les besoins. Il est urgent d’avancer sur cette question.
    La proposition de loi prévoit, entre autres dispositions, la généralisation à toutes les circonscriptions académiques des dispositifs d’accompagnement des élèves concernés et le renforcement de la formation des équipes pédagogiques de l’éducation nationale sur les enjeux spécifiques liés à la scolarisation des élèves présentant un TND. Si nous soutenons ces mesures, on peut d’ores et déjà prévoir les limites manifestes de leur application sur le terrain, en raison du manque de professionnels, en particulier d’AESH, et de la dégradation de leurs conditions de travail.
    J’ajouterai un point important à mes yeux – je regrette d’ailleurs, madame la ministre, que la commission des affaires culturelles et de l’éducation n’ait pas examiné ce texte.

    M. Paul Christophe, rapporteur

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    Ce n’était pas possible.

    Mme Annie Genevard

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    Je veux bien le croire, monsieur le rapporteur, mais cette commission aurait eu beaucoup à dire – de nombreuses mesures relèvent de ses domaines de compétence. En matière d’inclusion scolaire, nous devons porter une attention particulière aux enseignants, qui éprouvent des difficultés croissantes à répondre à l’hétérogénéité des classes.
    L’inclusion scolaire peut d’ailleurs prendre plusieurs formes. Je vantais des dispositifs tels que les classes Ulis. Je pense à la classe de Montlebon, une classe autisme à la création de laquelle j’ai contribué. Il s’agit d’une classe dédiée au sein d’une école ordinaire : les enfants se rencontrent à la cantine et pendant la récréation. Ils se découvrent, se connaissent, s’acceptent. C’est une bonne façon de vivre l’inclusion – l’inclusion au sein de la classe ordinaire ne peut pas constituer la réponse unique.
    Cette proposition de loi vise également à améliorer le repérage et l’accompagnement des personnes présentant des TND. Le repérage est aujourd’hui insuffisant, il doit être amélioré ; c’est un préalable indispensable à une inclusion scolaire réussie.
    Pour conclure – le temps de parole m’étant imparti étant bientôt écoulé –, si cette proposition de loi ne peut pas tout résoudre, elle exploite les outils législatifs en notre pouvoir pour faciliter la vie des familles concernées – et c’est bien notre objectif. Elle simplifiera les parcours et favorisera le répit des proches aidants. Nous lui apporterons donc notre soutien. (Applaudissements sur les bancs des commissions. – Mme Maud Petit applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La discussion générale est close.

    Discussion des articles

    Mme la présidente

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

    Article 1er

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Yannick Monnet, inscrit sur l’article.

    M. Yannick Monnet

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    Je soulignais tout à l’heure le manque d’ambition de ce texte dans certains domaines. Nous sommes au cœur du sujet, monsieur le rapporteur. Vous n’aurez pas à donner votre avis sur notre amendement, puisqu’il a été déclaré irrecevable, ce qui est bien dommage.
    Nous souscrivons au dispositif que vous proposez, mais la mise en œuvre, prévue en 2027, est trop lointaine. Je rappellerai quelques chiffres. Aujourd’hui, d’après le collectif autisme, seuls 20 % des enfants autistes bénéficient d’un accompagnement qui correspond à leurs besoins. Pas moins de 34 % des parents d’enfants présentant un TND n’ont pas pu conserver leur emploi compte tenu de ces troubles et 35 % l’ont conservé seulement à temps partiel.
    Comme l’a souligné le délégué interministériel à la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement, les dispositifs sont peu nombreux : on en dénombrait 516 à la rentrée 2023, soit un pour quatre cantons. Les associations nous alertent – elles vous alertent, madame la ministre – sur le manque d’inclusion et sur l’absence de concrétisation des mesures annoncées. Le calendrier est trop lent et nous regrettons que leur déploiement ne soit pas plus rapide.

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 46 et 49.
    La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l’amendement no 46.

    M. Philippe Naillet

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    Il vise, à l’alinéa 2, à substituer aux mots « le 1er septembre » les mots « à la rentrée scolaire ». Vous le savez peut-être, La Réunion et Mayotte sont situées dans l’hémisphère sud et leur climat est tropical. Dans ces académies, la rentrée a lieu au mois d’août.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir l’amendement no 49.

    Mme Béatrice Descamps

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    Cet amendement identique au précédent vise à remplacer « le 1er septembre » par « à la rentrée scolaire », afin de mieux refléter la date de rentrée dans certains territoires d’outre-mer.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Paul Christophe, rapporteur

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    J’aurais tendance à répondre que l’amendement est satisfait : si l’on veut que le dispositif soit opérationnel pour le 1er septembre, on peut imaginer qu’il le sera pour le mois d’août. Toutefois, une telle modification permettrait de clarifier l’objectif visé. Avis favorable.

    (Les amendements identiques nos 46 et 49, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir l’amendement no 50.

    Mme Nathalie Bassire

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    Cet amendement rédactionnel vise à remplacer le mot « métropolitaine » par les mots « de l’Hexagone ».
    Je rappelle que le mot « métropole » est défini, dans le Petit Robert, comme le « territoire d’un État, considéré par rapport à ses colonies, aux territoires extérieurs ». L’utilisation du mot « métropole » n’est donc pas souhaitable dans un texte de loi en général et dans celui-ci en particulier, et cela d’autant moins qu’un amendement adopté par l’Assemblée a consacré cette nouvelle formulation.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Paul Christophe, rapporteur

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    Je ne suis pas opposé par principe à cette substitution. Toutefois, il me semble préférable de maintenir la rédaction actuelle par cohérence avec le code de l’éducation où figurent les termes de « circonscription académique métropolitaine ».
    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée

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    Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Nathalie Bassire.

    Mme Nathalie Bassire

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    Il faut bien commencer par quelque chose. Si nous adoptions cette modification, cette proposition de loi deviendrait un texte précurseur.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Paul Christophe, rapporteur

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    J’entends bien vos arguments, ma chère collègue, et je connais la portée symbolique de ce changement sémantique, mais si ce texte renvoie à une formulation qui n’existe pas dans le code de l’éducation, il ne pourra s’appliquer. Cela impliquerait une nouvelle lecture, voire une modification du code lui-même. Or, comme le disait très justement M. Monnet, il faut accélérer. Il serait dommage de ne pouvoir atteindre l’objectif que nous nous sommes fixé en 2027.

    (L’amendement no 50 est adopté.)

    (L’article 1er, amendé, est adopté.)

    Après l’article 1er

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 1er.
    La parole est à M. Yannick Monnet, pour soutenir l’amendement no 21.

    M. Yannick Monnet

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    Nous souhaitons que le service public de l’éducation favorise l’inclusion en milieu ordinaire des enfants présentant un trouble du neurodéveloppement en s’assurant qu’il existe dans chaque établissement au moins un relais ou un référent pour l’accueil de ces enfants. En lien avec l’article 1er, qui porte sur la mise en place de solutions de scolarisation, mais aussi avec l’article 2 relatif à la formation obligatoire des personnels de l’éducation, ce dispositif permettrait de mieux sensibiliser les chefs d’établissement. La formation des différents personnels reste un enjeu crucial d’inclusion.
    Comme le soulignait en 2019 notre collègue Sébastien Jumel dans l’excellent rapport de la commission d’enquête sur l’inclusion des élèves handicapés dans l’école et l’université de la République, quatorze ans après la loi du 11 février 2005, 23 % des enseignants intervenant auprès d’élèves à besoins éducatifs particuliers n’ont suivi aucune formation spécifique. Cette proportion reste beaucoup trop élevée, compte tenu de la palette des compétences nécessaires à l’accueil et à l’inclusion d’un élève en situation de handicap dans une classe.
    Le rapport d’information du Sénat publié l’année dernière souligne quant à lui que les résultats ne sont pas au rendez-vous pour ce qui concerne la formation continue des enseignants. En conséquence, il appelle à donner une traduction concrète à la hauteur des enjeux. Notre amendement s’inscrit dans cette volonté.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Paul Christophe, rapporteur

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    Les amendements identiques de la discussion commune qui va suivre nous paraissent préférables, sous réserve d’une modification que je suggère par un sous-amendement visant une extension à tous les enfants présentant un trouble du neurodéveloppement. Ils proposent une rédaction similaire mais visent un article du code de l’éducation, l’article L. 112-2, plus pertinent que celui auquel se rapporte votre amendement, l’article L. 112-1.
    Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

    (L’amendement no 21, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 10, 16, 55 et 56, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 16, 55 et 56 sont identiques et font l’objet d’un sous-amendement no 84 rectifié.
    La parole est à Mme Angélique Ranc, pour soutenir l’amendement no 10.

    Mme Angélique Ranc

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    En France, environ 100 000 enfants sont touchés par les troubles du spectre autistique mais seuls 20 % d’entre eux bénéficient d’une prise en charge adaptée à leurs besoins, principalement en raison du manque de places dans les établissements spécialisés.
    Cet amendement vise donc à garantir la présence dans les écoles ordinaires d’un référent pour accueillir convenablement les enfants qui n’aurait pas pu intégrer d’établissements plus adaptés à leur pathologie. Nous devons tout faire pour favoriser l’épanouissement de ces enfants un peu particuliers, leur garantir le meilleur enseignement possible dans les meilleures conditions. Ils le méritent, leurs parents aussi. La France est malheureusement en retard en ce domaine et il s’agit d’améliorer la situation.

    Mme la présidente

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    Nous en venons aux amendements identiques. La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 16.

    M. Philippe Juvin

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    Chaque fois que cela est possible et souhaitable pour l’enfant autiste, il faut encourager son inclusion en milieu ordinaire. Or, on le sait, les enseignants et les directeurs d’établissements sont souvent dépourvus de moyens et manquent d’une formation adéquate. Il apparaît absolument indispensable que le service public de l’éducation veille à ce que chaque établissement scolaire en France soit doté d’un référent pour l’accueil des enfants autistes. Les enseignants se sentiraient moins seuls et les parents pourraient recevoir d’utiles conseils.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Christine Decodts, pour soutenir l’amendement no 55.

    Mme Christine Decodts

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    Cet amendement a pour objectif de favoriser une meilleure inclusion des enfants autistes en milieu ordinaire afin de promouvoir l’égalité entre élèves. Cet amendement propose de compléter l’article L. 112-2 code de l’éducation par un alinéa ainsi rédigé : « Le service public de l’éducation veille à ce qu’il existe dans chaque établissement un ou des relais ou référents pour l’accueil d’enfants autistes afin d’assurer une meilleure inclusion en milieu ordinaire. ».

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sébastien Peytavie, pour soutenir l’amendement no 56.

    M. Sébastien Peytavie

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    Pour la rédaction de cet amendement, nous avons échangé avec l’Association française de gestion de services et établissements pour personnes autistes (AFG Autisme). Compte tenu du manque de formation du personnel et de la pénurie de places dans les établissements, la présence de relais ou de référents faciliterait grandement l’accueil d’enfants en situation de handicap en milieu ordinaire.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Christophe, pour soutenir le sous-amendement no 84 rectifié et donner l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune.

    M. Paul Christophe, rapporteur

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    Je serai défavorable à l’amendement no 10 et favorable aux amendements identiques, sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement qui vise, d’une part, à étendre le champ du dispositif au-delà des enfants autistes en incluant ceux qui présentent un trouble du neurodéveloppement, d’autre part, à garantir son application à Wallis-et-Futuna.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements en discussion commune et sur le sous-amendement ?

    Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée

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    Avis favorable sur les amendements identiques, sous réserve de l’adoption du sous-amendement du rapporteur. En conséquence, demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable sur l’amendement no 10, qui sera satisfait par l’adoption des autres.

    (L’amendement no 10 n’est pas adopté.)

    (Le sous-amendement no 84 rectifié est adopté.)

    (Les amendements identiques nos 16, 55 et 56, sous-amendés, sont adoptés.)

    Article 2

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Paris, pour soutenir l’amendement no 62.

    Mme Mathilde Paris

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    La loi manque souvent de clarté et nous aimerions, par cet amendement, préciser la rédaction de ce texte.
    La formulation « notamment de ceux qui présentent un trouble du neurodéveloppement » laisse entendre que les formations prodiguées vont privilégier ces enfants par rapport à ceux qui sont porteurs d’autres types de handicap, ce qui n’est certainement pas l’intention du législateur. Je propose donc de remplacer ces termes par les mots suivants : « ou présentant un trouble du neurodéveloppement ». Cela me paraît plus clair et plus juste.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Paul Christophe, rapporteur

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    L’adverbe « notamment » n’implique nullement qu’une différence de traitement serait faite entre les élèves en fonction du handicap dont ils sont porteurs, comme vous le suggérez. Il marque au contraire l’inclusion des élèves atteints de TND parmi ces derniers et traduit donc la pleine reconnaissance de leur handicap.
    Votre rédaction suggère implicitement que les TND ne seraient pas constitutifs de handicap au sens de l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles alors même que ces troubles sont bien une cause de « limitation de l’activité ou restriction de participation à la vie en société ». À ce titre, ils relèvent de la définition posée audit article.
    Demande de retrait ou avis défavorable.

    (L’amendement no 62, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    (L’article 2 est adopté.)

    Article 3

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 23 et 75, visant à rétablir l’article 3 dont la suppression par le Sénat a été maintenue par la commission.
    La parole est à M. Yannick Monnet, pour soutenir l’amendement no 23.

    M. Yannick Monnet

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    L’article 3 vise à sécuriser, en l’inscrivant dans la loi, la formation continue des professionnels de santé au repérage, au diagnostic et à l’accompagnement des troubles du neurodéveloppement. Le Sénat a dit préférer la souplesse des orientations actuelles mais nous ne voyons pas en quoi le dispositif proposé serait rigide. En effet, il prévoit simplement que la formation continue comporte « en toute hypothèse des orientations relatives aux situations de handicap et aux troubles du neurodéveloppement », en cohérence avec l’objectif premier qui est d’améliorer la formation portant sur les troubles du neurodéveloppement.
    En commission, monsieur le rapporteur, vous avez insisté sur le fait que l’enjeu était plutôt d’inciter les professionnels de santé à s’inscrire aux formations. Nous sommes bien d’accord avec vous sur ce point mais nous ne voyons pas de contradiction avec notre amendement de rétablissement.
    En outre, cet ajout offrirait l’occasion de procéder à une actualisation, que la Haute Autorité de santé a appelée de ses vœux dans une recommandation de bonne pratique publiée en 2020, « de la formation des professionnels de santé concernant le parcours de l’enfant et de sa famille, du repérage au diagnostic, afin de réduire l’écart entre les pratiques recommandées et les pratiques effectivement mises en œuvre ».

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sébastien Peytavie, pour soutenir l’amendement no 75.

    M. Sébastien Peytavie

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    La question est simple : le monde médical a pris un retard tel en matière de formation au handicap et, en particulier, aux TND qu’il est essentiel d’envoyer un message fort en insistant sur la formation initiale et continue.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Paul Christophe, rapporteur

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    Je l’ai dit en commission : le Sénat a supprimé cet article car l’objectif poursuivi est entièrement satisfait en droit. En effet, parmi les orientations mises en œuvre pour les années 2023 à 2025, la n° 7 concerne la « prise en compte des spécificités de prise en charge des patients en situation de handicap » et la n° 21 « le repérage, le diagnostic et les grands principes d’accompagnement du syndrome de l’autisme et des troubles du neurodéveloppement chez les adultes et chez l’enfant ». L’enjeu est donc plutôt d’inciter les professionnels de santé à s’inscrire aux formations correspondantes. Mon avis reste défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Yannick Monnet.

    M. Yannick Monnet

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    Monsieur le rapporteur, nous avons fait la version gentille (Sourires) mais sans vouloir être méchants, envisageons les choses sous un angle différent et imaginons que, contrairement à ce que prévoyait l’article 3, la formation ne soit pas une obligation. Cela voudrait dire qu’on accepte que des professionnels ne soient pas formés et que des enfants ne soient pas repérés ou diagnostiqués. Voilà le problème !
    J’entends l’argument selon lequel il faut inciter les professionnels à se former, mais dirions-nous à un médecin qu’il n’a pas l’obligation de se former aux problèmes du squelette, ou qu’il ne se formera que s’il en a envie ? Non, bien sûr ! On a pris tellement de retard que tous les professionnels, quel que soit leur avis sur la question, doivent être formés pour établir un diagnostic et orienter correctement les familles. C’est pourquoi nous voulons rétablir l’article 3.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Christophe, rapporteur.

    M. Paul Christophe, rapporteur

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    Je vais faire la version très gentille… (Sourires.) Cher collègue, l’article 3 prévoyait l’obligation, non de suivre les formations, mais uniquement de les prévoir : en l’état du droit, cet objectif est satisfait.
    Je partage votre préoccupation, réelle et louable, mais l’article 3 n’y répondait pas. Ma position, toujours exprimée gentiment, est qu’il serait préférable de retirer ces amendements ; à défaut, mon avis resterait défavorable.

    (Les amendements identiques nos 23 et 75 ne sont pas adoptés. En conséquence, l’article 3 demeure supprimé.)

    Mme la présidente

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    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    4. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
    Suite de la discussion de la proposition de loi visant à améliorer le repérage et l’accompagnement des personnes présentant des troubles du neurodéveloppement et à favoriser le répit des proches aidants.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à treize heures.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra