Deuxième séance du jeudi 09 février 2023
- Présidence de Mme Hélène Laporte
- 1. Protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement
- Rappel au règlement
- Discussion générale
- Discussion générale (suite)
- M. Christophe Plassard
- M. Charles Fournier
- M. Sébastien Jumel
- M. Michel Castellani
- M. Emmanuel Lacresse
- M. Alexandre Sabatou
- M. Sébastien Rome
- M. Raphaël Schellenberger
- M. Pascal Lecamp
- Mme Valérie Rabault
- Mme Emmanuelle Ménard
- Rappels au règlement
- Suspension et reprise de la séance
- Suspension et reprise de la séance
- Suspension et reprise de la séance
- Discussion des articles
- Article 3 bis (appelé par priorité)
- Rappels au règlement
- Suspension et reprise de la séance
- Suspension et reprise de la séance
- Article 3 bis (appelé par priorité) (suite)
- Rappel au règlement
- Article 3 bis (appelé par priorité) (suite)
- M. Alexandre Loubet
- Mme Alma Dufour
- Mme Annie Genevard
- M. Nicolas Dupont-Aignan
- Amendement no 39
- Sous-amendements nos 59 et 60
- Article 1er
- Article 2
- Après l’article 2
- Article 3
- Après l’article 3
- Amendement no 51
- Après l’article 3 bis
- Article 4
- Explications de vote
- Vote sur l’ensemble
- 2. Protection des enfants victimes de violences intrafamiliales
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Hélène Laporte
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement
Discussion d’une proposition de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Philippe Brun et plusieurs de ses collègues visant à la nationalisation du groupe Électricité de France (nos 671, 808).
M. Benjamin Lucas
Excellent !
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Brun, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Philippe Brun, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
J’ai l’honneur, au nom des députés du groupe Socialistes et apparentés, de demander à l’Assemblée nationale la nationalisation du groupe Électricité de France (EDF).
M. Boris Vallaud
Bravo !
M. Philippe Brun, rapporteur
Cette phrase, prononcée à la tribune, peut sembler extraordinaire. En effet, durant les vingt-cinq dernières années, cette assemblée n’a cessé d’adopter des textes qui ont méthodiquement détruit et démantelé ce qui faisait notre fierté nationale :…
Mme Clémence Guetté
Il a raison !
M. Jean-René Cazeneuve
C’est Jospin qui l’a fait !
M. Philippe Brun, rapporteur
…un service public unifié de l’énergie qui procurait à la France l’électricité la moins chère d’Europe et aux Français la fierté d’un service fiable basé sur une industrie nucléaire garantissant à chacun d’eux un approvisionnement en électricité.
Il y a eu plusieurs étapes dans cette œuvre de destruction. La première a consisté dans la mise en concurrence et l’entrée de la France dans le marché européen de l’électricité ; la deuxième dans l’ouverture du capital d’Électricité de France ; la troisième dans l’ouverture du capital de Gaz de France et la fusion avec Suez ; la quatrième dans la terrible loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (loi Nome) qui a imposé à EDF, notre opérateur national, de vendre en dessous de ses coûts de l’électricité à des fournisseurs alternatifs qui n’ont de fournisseurs que le nom et qui n’ont jamais respecté les obligations de production qui leur avaient été fixées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Nous subissons les conséquences directes de cette œuvre de destruction, que ce soient nos commerçants, nos artisans ou le reste de la population, avec l’explosion des prix de l’électricité qui mettent à contribution nos finances publiques à hauteur de 100 milliards d’euros au cours des deux dernières années du fait du bouclier tarifaire. C’est justement ce que doit coûter le nouveau programme nucléaire annoncé par le Président de la République. Cette situation est inacceptable.
Cette explosion des coûts met en danger nos collectivités et nos entreprises. Nous voyons tous dans nos circonscriptions la détresse de nos artisans, de nos boulangers, de ces femmes et de ces hommes qui, après la mise à jour des tarifs de leurs contrats d’électricité, doivent déposer le bilan. Valérie Rabault a donné des chiffres simples : la marge brute consolidée de l’ensemble des boulangeries françaises est de 1,5 milliard d’euros, or l’augmentation des prix de l’électricité coûtera en 2023 aux boulangeries françaises 1,6 milliard.
M. Boris Vallaud
Scandale !
M. Philippe Brun, rapporteur
Telles sont les conséquences de cette œuvre de destruction. Nous devons trouver les moyens de reconstruire notre service public de l’énergie.
Cette proposition de loi, qui n’est pas parfaite, vise pour la première fois depuis vingt-cinq ans à revenir sur cette dérive libérale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Matthias Tavel applaudit également.)
À l’article 1er, nous affirmons la nationalisation du groupe Électricité de France. Cette nationalisation n’a rien à voir avec l’offre publique d’achat (OPA) décidée par le Gouvernement, une opération de sortie de cote dont nous avons tous compris qu’elle n’était que le préalable à une réorganisation du groupe et en particulier à la vente de ses activités liées à la transition énergétique, comme je l’ai révélé à la suite du contrôle sur pièces et sur place que j’ai effectué au ministre de l’économie et des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. Boris Vallaud
Exactement !
M. Philippe Brun, rapporteur
L’article 2 de cette proposition de loi tire les conséquences de la nationalisation en définissant chacune des activités du groupe EDF. Ainsi, le Gouvernement ne pourra procéder au démembrement de notre énergéticien national. Chacune de ses activités sera définie et les projets, dont nous parlerons, de vente rapide de Dalkia ou d’EDF Renouvelables seront ainsi rendus impossibles. Si le Gouvernement souhaite le faire, il devra saisir l’Assemblée nationale et le Sénat et déposer un projet de loi modifiant le nouvel article du code de l’énergie que nous ajoutons avec l’article 2.
L’article 3 de cette proposition de loi tire la conséquence des nombreux recours dirigés contre cette opération. Vous le savez, le prix de l’opération de montée au capital ne fait pas consensus. De nombreux actionnaires s’estiment lésés car ils ont acheté, pour certains, notamment parmi les actionnaires salariés d’EDF, leurs actions à plus de 60 euros, et ils sont actuellement contraints de les revendre pour 12 euros. Des recours sont en cours devant le Conseil d’État et la cour d’appel de Paris…
M. Daniel Labaronne
Eh oui !
M. Philippe Brun, rapporteur
…et nous devons sécuriser l’opération. Si ces recours valident l’opération, alors la nationalisation aura lieu dans les conditions fixées par la présente proposition de loi. Si les recours sont acceptés et que l’OPA annoncée par le Gouvernement est annulée, alors nous prévoyons un mécanisme de nationalisation sur le fondement de l’article 34 de la Constitution. Une commission sera constituée et présidée par le premier président de la Cour des comptes pour fixer le prix de la nationalisation. Nous avons repris les termes de la commission qui avait été créée en 1982 lors des grandes lois de nationalisation.
M. Boris Vallaud
Bravo !
M. Philippe Brun, rapporteur
Nous avons décidé lors de la réunion de la commission des finances du mercredi 1er février de tirer toutes les conséquences de la crise que nous traversons dans nos territoires.
Mme Valérie Rabault
Très bonne idée !
M. Philippe Brun, rapporteur
Dans ma circonscription, une dizaine de boulangeries menacent de fermeture. Une quarantaine d’industriels sont venus me voir pour me dire : « Pitié, monsieur le député, rétablissez les tarifs réglementés de l’électricité et nationalisez EDF ! » (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. Plusieurs députés du groupe SOC se lèvent et applaudissent.)
Notre compétitivité est gravement mise à mal. Pensez que, il y a vingt ans, l’électricité était en France 40 % moins chère qu’en Allemagne, alors qu’elle y est actuellement 5 % plus chère qu’en France. Vous pouvez faire, mes chers collègues, toutes les réformes fiscales du monde, toutes les baisses de cotisations sociales, toutes les réformes du code du travail, rien ne compensera le mal endémique qu’est devenue cette augmentation des prix de l’électricité qui représente un risque majeur pour la compétitivité de notre pays, pour son commerce extérieur et sa production. Nous devons donc lutter pour rétablir les tarifs réglementés de l’électricité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. M. Jean-Philippe Tanguy applaudit également.)
Nous sommes au début du chemin avec l’article 3 bis qui a été adopté en commission des finances. Le principe est d’appliquer un nouveau tarif réglementé de vente de l’électricité qui s’appliquerait à toutes les entreprises de moins de 5 000 salariés et de moins de 2 milliards de chiffre d’affaires.
M. Boris Vallaud
Comment être contre ?
M. Philippe Brun, rapporteur
Ainsi, nous protégerons nos artisans, nos commerçants, nos industriels, nos entreprises de taille intermédiaire (ETI) contre la spéculation sur le marché européen de l’énergie…
M. Jean-Philippe Tanguy
Eh oui…
M. Philippe Brun, rapporteur
…qui ne sert aucun autre intérêt que celui des spéculateurs, de la finance et des opérateurs alternatifs, en particulier de TotalEnergies qui a récemment affiché des superprofits dont personne ne peut trouver d’autre explication que cette spéculation indigne. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC et LFI-NUPES.)
Voilà, mes chers collègues, l’économie du texte qui vous est présenté.
M. Jean-Philippe Tanguy
Il est très bien !
M. Philippe Brun, rapporteur
Il ne résout certes pas tous les problèmes du marché de l’énergie. À ceux qui, comme moi, voudraient que la France suspende provisoirement sa participation au marché européen de l’énergie, je réponds que nous ne pouvons malheureusement pas en sortir par voie d’amendement. Toutefois, cette proposition de loi met un grain de sable dans la mécanique bien huilée de libéralisation et de destruction du service public.
Mes chers collègues, la semaine dernière, en commission des finances, pour la première fois depuis vingt-cinq ans, une majorité de députés à l’Assemblée nationale votait pour le retour des services publics et contre la dérégulation du marché européen de l’énergie. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et RN. M. Benjamin Lucas applaudit également.)
J’appelle l’ensemble des députés à continuer sur ce chemin afin d’offrir à la France un service public de l’énergie qu’elle aurait toujours dû conserver.
M. Boris Vallaud
Il a raison !
M. Philippe Brun, rapporteur
En faisant cela, non seulement les députés viseront l’intérêt national, mais l’intérêt public qu’ils serviront est celui de l’humanité tout entière, tant l’électricité, comme l’eau ou l’air, est un bien public qui ne peut faire l’objet d’aucune concurrence ni d’aucun marchandage et qui doit à tout prix être retiré du marché.
Mes chers collègues, il faut que cette journée du 9 février fasse date dans l’histoire, comme celle du grand retour du service public en France – nous en sommes convaincus. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, RN, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Les députés du groupe SOC se lèvent.)
M. Benjamin Lucas
Excellent !
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
La proposition de loi du groupe Socialistes et apparentés tombe évidemment à pic. En effet, nous vivons actuellement une crise énergétique. On peut s’étonner qu’alors que nos concitoyens paient l’énergie toujours plus cher, alors que le monde résonne des conflits menés au nom de l’énergie, certains en profitent pour battre des records mondiaux de dividendes sans que cela ait un impact ou une utilité pour les concitoyens que nous sommes.
L’énergie pose problème. Tout d’abord, elle est l’un des deux piliers, avec les transports, de la nécessaire bifurcation écologique au nom de la lutte pour le climat. En effet, il est difficile d’imaginer, sachant que cet objectif est vital, que les règles du marché régissent un des besoins fondamentaux de l’humanité et un des droits fondamentaux pour tous les citoyens : l’accès à l’énergie.
Une telle conception renvoie à ces hérésies qu’ont été, sous l’effet du néolibéralisme, l’ouverture à la concurrence de l’énergie et notamment la transformation du principal opérateur français en société anonyme, qui a permis la privatisation rampante d’une entreprise devenue normale selon les règles du marché et obéissant avant tout à la recherche du profit.
Nos concitoyens paient actuellement l’ouverture à la concurrence au prix fort. C’est le cas des boulangers, des commerçants, des toutes petites entreprises (TPE), des bailleurs sociaux et donc de leurs locataires, qui n’ont plus accès à des tarifs réglementés car, après cette décision, ils ont subi le renchérissement impressionnant du prix de l’énergie dont nous constatons aujourd’hui combien il les met en difficulté. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)
C’est donc également une des qualités de cette loi de proposer qu’à travers la nationalisation d’EDF, on permette à tous ceux qui sont étranglés par les prix de l’énergie, comme les très petites industries (TPI), notamment dans le commerce, mais aussi les collectivités locales, d’avoir de nouveau accès à ces tarifs réglementés.
Ensuite, se pose la question de notre souveraineté énergétique. La France doit être souveraine, tant dans son accès à l’énergie que pour décider ce qu’elle fait de celle qu’elle produit. Elle ne doit pas dépendre de ce que veulent et de ce que décident les marchés. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)
La proposition de loi que nous examinons réalise déjà en grande partie – même si c’est encore insuffisant, j’y reviendrai – ce qu’il est souhaitable de faire, à savoir la constitution d’un pôle public de l’énergie pour que les choix retenus soient ceux des représentants des Français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Cela requiert à nouveau un opérateur principal public sous contrôle de la nation.
Cette proposition de loi a deux avantages. Philippe Brun a exposé le premier : éviter un démembrement d’EDF. Je renvoie tous ceux qui nous disent que le projet Hercule n’est plus d’actualité à la lecture de son rapport spécial sur les participations financières de l’État. Nous ne voulons ni d’Hercule ni d’Héraclès. Nous ne voulons pas d’un dispositif – quel que soit le nom qu’on voudra lui donner – qui permettrait de démanteler à nouveau le principal opérateur en mettant d’un côté, toujours sous le contrôle public ce qui coûte cher, la relance du nucléaire par exemple, et d’un autre côté toutes les opérations rentables d’EDF.
La proposition de loi nous permettrait de garder le contrôle pour éviter un démembrement, ce qui est évidemment essentiel.
En outre, inscrire dans la loi les activités d’EDF et y préciser que l’État détient l’intégralité de son capital permettrait de rendre ce dernier incessible, sauf vote contraire du Parlement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Nous serions donc sûrs d’être pleinement souverains, en nous prémunissant contre les situations comme celle que nous connaissons actuellement. On a beau nous dire que l’État sera bientôt actionnaire à 100 % d’EDF, nous savons pertinemment, les uns et les autres, que cela n’offre aucune garantie sur ce qu’il adviendra. La proposition de loi vise donc à rendre les représentants de la nation souverains sur cette question.
Si cette proposition de loi représente évidemment une avancée, j’émettrai quelques réserves. Tout d’abord, et même si je comprends que la volonté de voir le texte adopté implique quelques compromis, il faudra s’assurer qu’EDF ne redevienne pas un établissement public industriel et commercial (Epic), comme c’était le cas jusqu’en 2004. (Mme Clémence Guetté s’exclame.)
M. Sébastien Jumel
Il a raison !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Par ailleurs, et bien que cela ne découle en réalité que des règles de recevabilité, je regrette que la suppression de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) ne figure pas dans le texte.
Mme la présidente
Merci de conclure, monsieur le président.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Je pense qu’il faudra, à terme, supprimer cette aberration qui découle de l’ouverture à la concurrence. Nous aborderons ce sujet dans un futur texte. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie
Monsieur Jumel, il y a près de quatre-vingts ans, un de vos illustres prédécesseurs – qui se trouve être également l’un des miens –…
M. Sébastien Jumel
Quels sont vos ancêtres communistes exactement, monsieur le ministre délégué ?
M. Roland Lescure, ministre délégué
…M. Marcel Paul, député communiste et résistant alors ministre de la production industrielle, créait Électricité de France et, par la même occasion, un monopole de l’énergéticien ayant conduit à l’électrification du pays et à la construction du deuxième parc nucléaire au monde. Je pense que nous en sommes tous fiers.
Mme Clémence Guetté
Pourquoi le casser, alors ?
M. Roland Lescure, ministre délégué
Reconnaissons-le, nous récoltons encore aujourd’hui les fruits de cette décision : le mix électrique français est de ceux qui émettent le moins de CO2 au monde, mais aussi, comme cela a été rappelé, un des plus compétitifs.
Mme Marine Le Pen
Il l’était…
M. Roland Lescure, ministre délégué
Il a été mis fin à ce mouvement il y a un peu plus de vingt ans, dans un monde bien différent de celui de 1946, avec l’adoption de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité. En mars 2002, le sommet de Barcelone formalisait la libéralisation du marché de l’électricité et du gaz.
M. Jean-Philippe Tanguy
Gros succès !
M. Roland Lescure, ministre délégué
À l’époque, mesdames et messieurs les députés, Jacques Chirac était président de la République, Lionel Jospin, premier ministre…
M. Mansour Kamardine
Eh oui !
M. Roland Lescure, ministre délégué
…et Jean-Luc Mélenchon, membre du gouvernement ! (« Eh oui ! » sur divers bancs.)
M. Sébastien Jumel
Il n’y avait pas de communistes au gouvernement !
M. Roland Lescure, ministre délégué
C’est vrai. En revanche, il y avait un socialiste, devenu, depuis, líder máximo de l’Insoumission ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Alexis Corbière
Ah non ! Chronologiquement, ce n’est pas vrai !
M. Roland Lescure, ministre délégué
Ah, vous avez raison : en 2000, il n’était pas ministre, il n’était que sénateur.
M. Matthias Tavel
Menteur !
M. Roland Lescure, ministre délégué
En revanche, monsieur Corbière, en 2002, il était bel et bien ministre du gouvernement qui a accepté et signé l’acte de libéralisation du marché européen de l’électricité – révisez vos dates ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe HOR. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)
Et à l’époque – vous aviez 10 ans, monsieur le rapporteur –, le premier ministre, c’était Lionel Jospin ! (Nouvelles exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.)
Mme Marine Le Pen
Nous, on n’a rien fait !
Mme la présidente
Mes chers collègues, seul le ministre a la parole !
M. Roland Lescure, ministre délégué
Certes, le marché européen de l’électricité est loin d’être parfait, et le Gouvernement, vous le savez, travaille d’arrache-pied depuis plus d’un an pour en modifier le fonctionnement et en supprimer les quelques effets pervers, comme sa volatilité – la guerre en Ukraine a d’ailleurs clairement mis en évidence les difficultés à protéger les consommateurs contre ce travers du marché européen (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN), sur lequel nous travaillons.
M. Sébastien Jumel
Elle a bon dos, la guerre !
M. Roland Lescure, ministre délégué
Soyons donc lucides, et faisons évoluer le marché, mais sans jeter le bébé avec l’eau du bain ! N’oublions pas non plus, monsieur le rapporteur, que c’est grâce au marché européen de l’électricité que nous avons de l’électricité dans cette pièce. (Vives protestations sur les bancs du groupe RN.)
M. Laurent Jacobelli
C’est totalement faux !
M. Roland Lescure, ministre délégué
Aujourd’hui, que vous le vouliez ou non, une partie de l’électricité consommée par la France provient de centrales à gaz allemandes.
M. Emeric Salmon
Et vous en êtes fiers ? C’est pourtant bien triste !
M. Roland Lescure, ministre délégué
Monsieur le rapporteur, c’est bien grâce à la libéralisation qu’EDF est devenue un des grands champions européens de l’électricité, et que nous pouvons importer de l’électricité produite ailleurs lorsqu’elle n’est pas au rendez-vous en termes de production. C’est donc très utile : en tant qu’ancien député représentant les Français d’Amérique du Nord, je peux témoigner que les blackouts qu’a connus la Californie il y a quelques mois ont été une conséquence directe de l’absence de plaque de distribution permettant d’importer l’électricité du Texas voisin lorsque l’opérateur californien a été incapable de produire suffisamment d’électricité.
Mme Marine Le Pen
Mais ce n’est pas de notre faute !
Mme Bénédicte Auzanot
La Californie, c’est l’exemple typique du libéralisme !
M. Roland Lescure, ministre délégué
En tout cas, contrairement à l’Europe, les États-Unis ne disposent pas d’un marché intégré de l’électricité.
Votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, est contraire au droit européen sur de nombreux points – j’aurai l’occasion d’y revenir. (« Ah, évidemment !… » sur les bancs du groupe RN.) Et si je ne suis pas surpris des cris d’orfraie poussés par l’extrême droite face à cet argument, je le suis un peu plus, en revanche, de constater qu’une proposition de loi dont tant de points contreviennent au droit européen…
M. Philippe Brun, rapporteur
Ce n’est pas vrai !
M. Roland Lescure, ministre délégué
…et notamment à une directive adoptée par le gouvernement Jospin – je le répète car, tout à l’heure, vous ne m’écoutiez pas – puissent émaner du groupe socialiste.
M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique l’a dit et répété ici même, Mme la Première ministre l’a rappelé encore dans la lettre de mission qu’elle a adressée au nouveau PDG d’EDF : le groupe EDF est, et restera, un instrument essentiel dans le déploiement de la politique énergétique de la France et, plus généralement, de sa politique industrielle – j’y suis donc très sensible. Telle est notre vision pour le groupe, qui est en outre, et c’est important, un champion à l’exportation.
Mme Marine Le Pen
Comme Alstom !
M. Jean-Philippe Tanguy
C’est beau comme du McKinsey ! (Rires sur les bancs du groupe RN.)
M. Roland Lescure, ministre délégué
Je suis content d’être venu pour entendre ça, monsieur Tanguy !
M. Jean-Philippe Tanguy
Et ce n’est pas fini ! (Sourires.)
M. Roland Lescure, ministre délégué
Aujourd’hui, la France fait face à un déficit commercial considérable,…
M. Laurent Jacobelli
Bravo, les Mozart de la finance !
M. Roland Lescure, ministre délégué
…qu’elle ne résorbera évidemment pas en fermant les frontières et en empêchant ses entreprises industrielles de se développer à l’international !
Mme Marine Le Pen
Oh là là…
M. Roland Lescure, ministre délégué
Bien au contraire : la filière nucléaire française, qui emploie plus de 200 000 salariés et fait vivre plus de 3 000 TPE, ETI et PME, contribue au rayonnement de l’export français, en particulier d’EDF. Or, votre proposition de loi fait peser un risque juridique très important sur la croissance d’EDF à l’étranger.
M. Sébastien Chenu
N’importe quoi !
M. Roland Lescure, ministre délégué
Quelle doit être la priorité de l’entreprise ? Elle doit investir chaque année des dizaines de milliards d’euros. Il convient donc de renforcer ses moyens, afin d’assurer sa crédibilité financière. Il faut également l’aider à recouvrer la maîtrise industrielle du nucléaire…
M. Laurent Jacobelli
Et avoir une stratégie !
M. Roland Lescure, ministre délégué
…et établir une stratégie …
M. Laurent Jacobelli
Ah, vous voyez !
M. Roland Lescure, ministre délégué
…– soutenir la montée en puissance des énergies renouvelables, chères au mouvement écologiste et au groupe qui les représente ici, ce que nous avons fait, j’y reviendrai, en fixant des objectifs ambitieux pour les trente prochaines années. En accompagnant EDF dans les différentes opérations de recapitalisation, en 2017 et en 2022, l’État a pris toutes ses responsabilités (Mme Clémence Guetté s’exclame) : jamais il n’a été autant investi dans le nucléaire que depuis 2017 (Protestations sur quelques bancs du groupe RN)…
Mme Marine Le Pen
Ah non, pas ça !
M. Roland Lescure, ministre délégué
…– je tiens les chiffres à votre disposition, vous pourrez vérifier –, et nous avons l’intention de continuer. Le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, qu’à l’instar de vos collègues sénateurs je vous invite à adopter, tend par ailleurs à sécuriser le calendrier de développement des nouveaux réacteurs pressurisés européens, dits EPR 2.
Néanmoins, soyons réalistes sur la situation (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN) : EDF est une société endettée, qui a de gros besoins en termes d’investissements. Conformément aux engagements du Président de la République, nous avons donc lancé cet été une offre publique d’achat pour prendre le contrôle à 100 % du capital d’EDF :…
M. Laurent Jacobelli
Mais qu’allez-vous en faire ?
M. Roland Lescure, ministre délégué
…si ce n’est pas une nationalisation, ça y ressemble tout de même furieusement !
Mme Béatrice Roullaud
Mais bien sûr !
M. Roland Lescure, ministre délégué
L’adoption de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, il y a six mois, a permis de débloquer 9,7 milliards d’euros de crédits budgétaires pour financer la prise de contrôle de 100 % du capital d’EDF : vous auriez pu avoir l’honneur de participer à la nationalisation d’EDF aux côtés de la majorité, monsieur le rapporteur, mais votre groupe a préféré s’abstenir lors du vote du texte ! (Mme Marie-Noëlle Battistel s’exclame.)
M. Erwan Balanant
C’est vrai !
M. Roland Lescure, ministre délégué
Avec cette nationalisation, déjà presque achevée – j’y reviendrai dans un instant–, nous renforçons donc les moyens d’EDF, garantissant ainsi sa crédibilité et sa capacité d’investissement pour les prochaines années.
Vous l’avez compris, le Gouvernement répond pleinement aux véritables problèmes rencontrés par le groupe EDF. Pour votre part, monsieur le rapporteur, vous nous soumettez une proposition de loi juridiquement bancale, au mieux inutile, au pire contre-productive, puisqu’elle va à rebours de nos objectifs pour l’avenir d’EDF. Le Gouvernement est en désaccord complet avec le texte et demande donc à la représentation nationale de le rejeter.
Je vous donne d’ores et déjà rapidement mon avis sur l’ensemble des articles, ce qui me permettra ensuite d’être plus concis lors de l’examen des amendements.
Tout d’abord, comme vous l’avez rappelé, les articles 1er et 3 prévoient la nationalisation d’EDF. Je vous rappelle à nouveau qu’une opération de marché est en cours, qui remplit exactement cet objectif. Et cette opération est un franc succès, ce qui montre bien l’inutilité de votre proposition de loi – voire sa contre-productivité, puisque ses dispositions pourraient faire peser un risque sur l’opération en cours. Vous l’avez d’ailleurs vous-même compris, puisque l’intitulé de la proposition de loi a changé – on ne parle plus de nationalisation, mais bien de protection d’EDF face à un démembrement, évidemment totalement hypothétique,…
M. Laurent Jacobelli
On vous connaît !
M. Roland Lescure, ministre délégué
…que vous seul craignez.
En outre, votre texte arrive trop tard. (Mme Marie-Noëlle Battistel proteste.) L’OPA a été close vendredi dernier, et c’est donc officiel depuis hier : si l’État détiendra 100 % du capital d’EDF d’ici juin 2023, il en possède d’ores et déjà 96 %, soit plus que le seuil de 90 % qui lui permettrait d’imposer dès aujourd’hui aux actionnaires minoritaires restants de se retirer.
M. Benjamin Lucas
Vous vous y connaissez, en minorité !
M. Roland Lescure, ministre délégué
Comme vous l’avez mentionné, certains ont déposé un recours, et nous nous sommes engagés à attendre la décision de la cour d’appel…
M. Philippe Brun, rapporteur
Vous n’avez pas le choix, de toute façon !
M. Roland Lescure, ministre délégué
…qui devrait être rendue début mai. En juin, l’entreprise sera donc nationale, et son capital détenu à 100 % par l’État. D’ici là, votre proposition sera devenue totalement inutile.
L’article 2 tend à créer un groupe public unifié et à rendre le capital EDF incessible. Mais nous n’avons absolument pas pour projet de la démembrer, ou de la démanteler (Mme Valérie Rabault s’exclame), pour reprendre vos mots, monsieur le rapporteur.
Mme Marine Le Pen
On n’a aucune confiance en vous !
M. Roland Lescure, ministre délégué
Et nous avons bel et bien confirmé avoir renoncé au projet Hercule : le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, vous l’a annoncé dès juillet 2022, et l’a rappelé le 9 décembre à Penly ; la Première ministre l’a mentionné encore dans la lettre de mission adressée au PDG d’EDF. (Protestations sur les bancs des groupes RN et LFI-NUPES.)
Un député du groupe RN
On ne vous croit pas !
Mme Clémence Guetté
Il avait aussi parlé de l’augmentation des salaires, et de plein d’autres choses…
M. Roland Lescure, ministre délégué
Je peux vous confirmer, puisque cette lettre a fuité, que l’abandon du projet Hercule y figure explicitement et que la Première ministre y demande au PDG d’EDF de lui proposer une feuille de route stratégique pour l’entreprise, établie en lien avec toutes les parties prenantes.
Mme Marine Le Pen
On n’a pas confiance !
M. Roland Lescure, ministre délégué
Or j’ai un scoop (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES) : le PDG d’EDF, dont vous avez vous-même validé la nomination…
Plusieurs députés du groupe RN
Ah non, pas nous !
Mme Natalia Pouzyreff
Eh si !
M. Roland Lescure, ministre délégué
…– peut-être pas chacun d’entre vous, effectivement, mais en tout cas le Parlement –, ce n’est ni Philippe Brun, ni Roland Lescure, mais bien Luc Rémont !
C’est donc lui, et lui seul, qui proposera un projet stratégique établi dans le cadre de la gouvernance saine et normale d’une entreprise, qu’elle soit publique ou non. Vous aurez tout le loisir de l’auditionner et de l’interroger lorsqu’il sera disponible.
M. Serge Muller
Ah, quand il sera disponible…
M. Roland Lescure, ministre délégué
Quoi qu’il en soit, votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, fait peser un risque réel sur l’écosystème énergétique…
M. Sébastien Chenu
Ben voyons !
M. Roland Lescure, ministre délégué
…dont je viens de rappeler toutes les vertus.
Si vous aviez auditionné Réseau de transport d’électricité (RTE)…
M. Boris Vallaud
On l’a fait !
M. Roland Lescure, ministre délégué
…vous sauriez qu’ils sont très inquiets – sûrement auront-ils l’occasion de vous le dire à l’avenir.
Je comprends que certains s’en gaussent, mais le fait est qu’une fois de plus, un représentant du Parti socialiste…
Mme Marine Le Pen
La moitié de votre majorité est constituée d’anciens socialistes !
M. Roland Lescure, ministre délégué
…présente des dispositions en contradiction avec toutes les directives européennes relatives au marché intérieur de l’électricité – celle du 19 décembre 1996 instaurant une séparation comptable entre production et fourniture d’une part, gestion du réseau d’autre part, celle du 26 juin 2003 leur séparation juridique, celle du 13 juillet 2009 leur séparation effective. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et LFI-NUPES.)
M. Jean-René Cazeneuve
Vous n’êtes même plus des Européens !
M. Roland Lescure, ministre délégué
Monsieur le rapporteur, les héritiers de Mitterrand et de Jospin méritaient mieux. (« Oh ! » sur quelques bancs du groupe SOC.) Je suis désolé que vous ayez décidé de contrevenir de manière flagrante à ces directives. Pourquoi l’indépendance de RTE importe-t-elle tant ? Il ne vous a pas échappé que la France compte d’autres producteurs d’énergie.
Mme Marine Le Pen
Ah bon ?
M. Roland Lescure, ministre délégué
Dans les années qui viennent, nous aurons massivement besoin d’électricité, d’énergies renouvelables (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN) : il convient que TotalEnergies ou Engie puissent continuer de se développer,…
M. Sébastien Jumel
Et les marchands de savonnettes qui vont avec !
M. Roland Lescure, ministre délégué
…qu’EDF puisse se développer de façon très ambitieuse, grâce à l’existence d’un réseau indépendant (Protestations sur quelques bancs du groupe RN)…
M. Jean-Philippe Tanguy
Indépendant de quoi ?
M. Roland Lescure, ministre délégué
…où ces trois compétiteurs sont traités selon une équité parfaite. J’en appelle au groupe écologiste,…
Un député du groupe RN
La béquille !
M. Roland Lescure, ministre délégué
…qui y fait souvent référence, notamment pour soutenir – je ne suis pas certain d’y croire entièrement – que l’on peut se passer du nucléaire dans les décennies qui viennent et qu’un mix énergétique intégralement renouvelable est possible. Croyez-vous que si RTE constituait une filiale à 100 % d’EDF, un tel scénario serait envisageable ?
Personnellement, j’en doute. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – M. Frédéric Petit applaudit également.) Mesdames et messieurs les députés, l’adoption de ce texte imprécis, qui rendrait impossible toute activité commerciale à l’étranger, couperait les ailes de notre champion national ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Protestations et sourires sur les bancs du groupe RN.) Si vous pensez qu’il permettrait à EDF de poursuivre sa conquête de l’Europe, ferait fructifier une filière créatrice d’emplois en France, conserverait à notre pays les talents nécessaires à la construction des EPR, vous vous trompez ! Ces deux dernières années, avons-nous démembré le groupe EDF ? (« Oui ! » de M. le rapporteur, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)
Mme Valérie Rabault
Vous avez voulu le faire !
M. Roland Lescure, ministre délégué
Il est resté entier, uni dans son intégralité, alors même, monsieur le rapporteur, qu’il a acheté et vendu durant cette période des parts de certaines activités de ses filiales, selon l’usage des grands groupes industriels qui se développent et s’adaptent aux évolutions. En France, il a ainsi cédé Dalkia Wastenergy, une entreprise de gestion de déchets : valoriser des déchets, est-ce donc la principale vocation d’EDF ? Non ! D’où cette vente à Paprec, un groupe français quant à lui spécialisé dans ce domaine extrêmement porteur. Or votre proposition de loi, si elle avait été examinée et adoptée avant cette date, aurait fait peser un risque juridique important…
M. Philippe Brun, rapporteur
Lequel ?
M. Roland Lescure, ministre délégué
…sur cette opération capitalistique profitable de part et d’autre. Aux États-Unis, EDF a vendu près de 50 % d’un trader d’énergie qui ne correspondait plus à ses orientations stratégiques et n’avait donc plus vocation…
Mme Bénédicte Auzanot
On s’en moque !
M. Roland Lescure, ministre délégué
« On s’en moque », dites-vous ? Avant de pouvoir procéder à cette vente, les représentants du groupe auraient-ils dû vous en demander à genoux l’autorisation (« Oui ! » sur les bancs des groupes RN et LFI-NUPES), au motif que vous auriez adopté une loi créant, je le répète, un risque juridique en cas d’opération de ce genre ?
M. Philippe Brun, rapporteur
Ce n’est pas ce qui est écrit dans le texte !
M. Roland Lescure, ministre délégué
Nous aurons l’occasion d’en débattre. (Mme Nadia Hai s’exclame.) Enfin, en tant qu’ancien président de commission, je dois avouer ma déception – mais cela relève de vos prérogatives, monsieur le président de la commission des finances – de voir l’article 3 bis jugé recevable en dépit de son rapport pour le moins ténu avec le reste du texte.
M. Arthur Delaporte
Cela s’appelle la séparation des pouvoirs !
M. Roland Lescure, ministre délégué
Cet article vise à instaurer pour les TPE, PME et ETI un tarif réglementé de vente d’électricité (TRVE) substituable aux contrats en cours.
M. Sébastien Jumel
Il y a une séparation des pouvoirs !
M. Roland Lescure, ministre délégué
Je la respecte, monsieur Jumel : je m’interroge au sujet de la recevabilité de l’article, mais je ne me permettrais évidemment plus de trancher comme je l’ai fait avec bonheur durant cinq ans. Reste que cette mesure coûterait 18 milliards : comment comptez-vous la financer ? (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES. – M. le rapporteur s’exclame également.)
Mme Clémence Guetté et M. Nicolas Sansu
L’Arenh ne spolie donc pas EDF ?
M. Sébastien Jumel
Coupez la tête à l’Arenh ! (Sourires.)
M. Roland Lescure, ministre délégué
Ferez-vous payer la différence à EDF, spolierez-vous les autres fournisseurs d’électricité, ou augmenterez-vous encore une fois les impôts des Français ? Où vous trouveriez ces 18 milliards, je le répète, je n’en sais rien ; ce dont je suis sûr, en revanche, c’est que cette mesure donnerait un avantage à des entreprises qui n’en ont pas besoin.
Mme Alma Dufour
Faites attention à ce que vous dites !
M. Roland Lescure, ministre délégué
Je connais des ETI françaises extrêmement compétitives, exportant plus de 90 % de leur production, qui ont augmenté leurs prix du fait de la hausse des coûts :…
Mme Marine Le Pen
C’est cela, la balance commerciale !
M. Roland Lescure, ministre délégué
…vous ne feriez alors que subventionner les consommateurs canadiens, américains, indiens ou italiens, clients d’entreprises qui, encore une fois, n’ont pas besoin de vous pour payer leurs factures d’énergie !
Mme Annie Genevard
Ciblez les aides !
M. Roland Lescure, ministre délégué
Soyons donc raisonnables,…
M. Patrick Hetzel
Sous-amendez, monsieur le ministre délégué !
M. Roland Lescure, ministre délégué
…économes des deniers publics (Exclamations sur les bancs du groupe RN), et contentons-nous des mesures adoptées par cette majorité qui font de l’économie française la mieux protégée d’Europe contre la crise énergétique, de l’inflation française la plus faible d’Europe.
Mme Nadia Hai
Ils ont voté contre !
M. Roland Lescure, ministre délégué
Grâce à vous, grâce à nous, le taux de croissance demeure positif en France. Je le répète, restons raisonnables ! Vous l’aurez compris, le Gouvernement vous demande de rejeter en bloc ce texte qui ne renforcerait en aucun cas notre souveraineté énergétique et, loin de protéger EDF, l’empêcherait de se développer. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.) Or, en tant que ministre délégué chargé de l’industrie, j’ai besoin d’un opérateur énergétique industriel fort.
M. Sébastien Jumel
C’est-à-dire d’un opérateur public !
M. Roland Lescure, ministre délégué
Ceux qui s’établissent en France, qui décarbonent leur industrie, ont besoin d’un tel opérateur, concentré sur trois perspectives :…
Mme Marine Le Pen
Des prix bas !
M. Roland Lescure, ministre délégué
…une gestion de son bilan qui l’assure de retrouver une santé financière durable ; le développement de capacités de production à long terme afin que l’industrie française continue de bénéficier d’une électricité décarbonée et pas chère (Vives protestations sur plusieurs bancs du groupe RN) ; enfin, c’est la moindre des choses, la capacité opérationnelle de livrer les électrons qui nous éclairent. Face à ces nécessités, vous proposez, je le répète, un texte au pire inutile, sans doute inopérant, dont l’adoption focaliserait le management d’EDF sur des enjeux de gouvernance, de capital, de gestion, d’opérations, n’ayant rien à voir avec les priorités que nous devrions tous être d’accord pour fixer à notre opérateur national. Pour toutes ces raisons,…
M. Sébastien Chenu
Pas convaincantes !
M. Roland Lescure, ministre délégué
…nous sommes opposés à cette proposition de loi, tout en demeurant ouverts au dialogue et en attendant avec impatience qu’il se poursuive ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Boris Vallaud, pour un rappel au règlement.
M. Boris Vallaud
Il se fonde sur l’article 100 du règlement, qui a trait à l’organisation de nos débats. Quelques minutes nous auront suffi pour comprendre l’intention et les arguments, quoiqu’assez peu détaillés, du Gouvernement. Cette niche parlementaire était attendue : la prochaine n’aura lieu, en ce qui nous concerne, que dans un an. Je souhaiterais donc que les interventions suivantes du ministre délégué soient exemptes de manœuvres dilatoires : la séance devant impérativement prendre fin à minuit, nous risquons d’être privés du débat concernant la protection de l’enfance. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES. – M. le rapporteur applaudit également. – Mme Nadia Hai s’exclame.)
M. Benjamin Lucas
Exactement !
Discussion générale
Mme la présidente
Dans la discussion générale, la parole est à M. Mickaël Bouloux.
M. Mickaël Bouloux
Pendant des dizaines d’années, EDF a assuré la production et la distribution de l’électricité dans tout le pays. Ce succès initial, le service public de l’énergie le devait en grande partie à son organisation : une structure unique rassemblant différentes activités de production d’énergie et assurant le financement croisé des investissements. Pourtant, ce modèle dégradé depuis vingt ans à grands coups de libéralisation et de privatisations demeure menacé. Certes, le triste projet Hercule, qui prévoyait la scission d’EDF en plusieurs entités et ouvrait ainsi la porte à d’autres privatisations, a été officiellement abandonné, mais le risque d’un démantèlement du groupe n’est pas pour autant révolu : tout nous porte même à croire que le Gouvernement n’a prévu que dans ce but la prise de contrôle totale du capital d’EDF.
Je tiens à souligner ici l’excellent travail de Philippe Brun (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – Mme Clémence Guetté et M. Benjamin Lucas applaudissent également), qui, dans le cadre de sa mission de rapporteur spécial du compte d’affectation spéciale (CAS) Participations financières de l’État, s’est rendu au ministère de l’économie et en particulier dans les locaux de l’Agence des participations de l’État (APE). Les informations recueillies lors de ces deux contrôles n’ont fait que nourrir les craintes d’un futur démantèlement d’EDF, perspective qui remettrait gravement en cause notre indépendance énergétique, dont l’État doit rester le garant.
Se chauffer, s’éclairer : le rôle de l’État – assurer à tous une vie digne – est d’autant plus crucial que notre pays se trouve à un moment charnière de son histoire. Crises sanitaire et sociale, guerre aux portes de l’Europe, bifurcation écologique : face à ces épreuves, non seulement nos concitoyens ne se sentent plus protégés, mais ils subissent de plein fouet la politique brutale suivant laquelle le Gouvernement, après avoir réformé l’assurance chômage, s’attaque désormais au système de retraite. Par conséquent, il importe que la représentation nationale protège EDF de toute velléité de démantèlement et assure aux Françaises et aux Français l’accès à ce bien élémentaire qu’est l’électricité. Dans cette perspective, le groupe Socialistes et apparentés présente une nouvelle proposition de loi visant à la nationalisation d’EDF, afin de garantir la propriété publique et l’unité du service public de l’énergie.
Par ce texte, nous consacrons l’héritage du CNR, le vrai – non pas le Conseil national de la refondation, mais le Conseil national de la Résistance, voulu par le général de Gaulle et qui fut à l’origine de la création d’EDF en 1946, au sortir de la seconde guerre mondiale. Nous nous inscrivons dans la droite ligne du préambule de la Constitution de 1946, qui dispose : « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. » Comme en 1946, la proposition de loi de notre collègue Philippe Brun est à la hauteur des enjeux tout en demeurant ancrée dans le réel : le rapporteur a en effet fait adopter en commission, la semaine dernière, un amendement visant à instaurer un bouclier tarifaire qui profiterait à l’ensemble de nos TPE et de nos artisans en obligeant les fournisseurs d’électricité, qu’il s’agisse d’EDF, des fournisseurs alternatifs ou des entreprises locales de distribution, à proposer à leurs clients le tarif réglementé. Cette mesure répond aux attentes des artisans et commerçants alors que, par exemple, 80 % des boulangers, en raison d’une trop grande puissance de raccordement, ne bénéficient pas du bouclier tarifaire instauré le 6 décembre dernier par le Gouvernement.
Mme Valérie Rabault
Il a raison !
M. Mickaël Bouloux
Je souhaiterais terminer mon propos sur une réflexion qui doit guider notre action. En 1946, la classe politique souhaitait unanimement que l’État contrôle pleinement EDF et assure l’indépendance énergétique de notre pays.
M. Arthur Delaporte
Exactement !
M. Mickaël Bouloux
Nous serions bien inspirés de faire preuve de la même union pour soutenir cette proposition de loi. Préserver EDF et notre souveraineté, préparer la transition énergétique, protéger nos entreprises, nos artisans et commerçants de proximité, c’est protéger les Français, répondre à l’urgence de la situation. Mes chers collègues, votez pour ce texte ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR-NUPES et sur les bancs des commissions.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, pour un rappel au règlement. (« Obstruction ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES, ainsi que de la part de M. Sébastien Jumel.)
Mme Nadia Hai
Et quand Vallaud fait un rappel au règlement, ce n’est pas de l’obstruction ?
M. Sébastien Jumel
C’est un prêté pour un rendu !
M. Jean-René Cazeneuve
Il est fondé sur l’article 100 de notre règlement. Depuis ce matin, l’opposition nous accuse tout bonnement de nous exprimer. Au motif qu’il faut aller vite, nous n’aurions pas le droit d’ouvrir la bouche ! La proposition de loi soumise à notre examen est tellement formidable que nous n’aurions rien à dire ! Dès que l’un d’entre nous, ministre délégué compris, prend la parole, son intervention vous paraît trop longue, et cela, je le répète, depuis ce matin. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Si vous avez inscrit trop de textes à l’ordre du jour, retirez-en ! En outre, chers collègues, j’ai une mauvaise nouvelle pour vous : nous exprimerons bel et bien notre totale opposition à cette proposition de loi ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
M. Francis Dubois
Vous vous renvoyez la balle !
M. Jean-Yves Bony
Ils jouent au tennis !
M. Francis Dubois
À un moment donné, il faut pourtant qu’il y en ait un qui cesse !
Discussion générale (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Plassard.
M. Christophe Plassard
Je souhaite avant toute chose remercier le groupe Socialistes et apparentés, notamment notre collègue Philippe Brun, d’avoir inscrit cette proposition de loi à l’ordre du jour de sa niche parlementaire. La politique énergétique de notre pays est en effet un enjeu majeur, un sujet de souveraineté énergétique – de souveraineté tout court – et EDF en est un acteur central. Depuis 1946, ce fleuron industriel fait la fierté des Français. Les difficultés rencontrées ces dernières années doivent renforcer notre détermination à faire de nouveau d’EDF la clé de voûte de notre indépendance énergétique.
Je commencerai donc, une fois n’est pas coutume, par dire au rapporteur et à nos collègues socialistes que nous sommes d’accord : d’accord pour que l’État monte au capital d’EDF, d’accord pour qu’il en détienne 100 %, d’accord pour qu’il soutienne cette entreprise publique et en ait le plein contrôle. (« Mais… » sur les bancs du groupe SOC.) C’est en ce sens que nous avons voté, cet été, le déblocage de 9,7 milliards d’euros pour tenir l’engagement pris par la Première ministre de faire monter l’État à 100 % du capital d’EDF. L’offre publique d’achat lancée à l’automne est en bonne voie. Hier, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a annoncé, dans un communiqué, que l’État possédait près de 96 % du capital. Nous nous réjouissons du succès de cette opération. Dès lors, votre proposition de loi, chers collègues, nous semble superfétatoire. Vous visez le même objectif mais, si votre proposition était votée, il serait atteint plus tard, pour un coût plus élevé et au prix de davantage de procédures.
M. Jean-René Cazeneuve
Eh oui !
M. Christophe Plassard
Certes, vous avez réécrit l’article 3 en commission. Celui-ci fixait initialement le prix de rachat à 14 euros par action, soit 2 euros de plus que l’OPA en cours. Cela aurait eu pour conséquence de rémunérer plus généreusement les actionnaires – dont certains sont des fonds de pension anglo-saxons –, qui vous auraient remercié de ce bonus inespéré.
M. Erwan Balanant
En réalité, ils aiment les actionnaires !
M. Christophe Plassard
Les finances de notre pays auraient ainsi subi un surcoût de 1,5 milliard d’euros, et ce alors même que le prix de 12 euros avait été jugé équitable par un expert indépendant.
Même réécrit, votre dispositif ne nous convient cependant pas. L’adoption d’une loi de nationalisation, alors qu’il existe une opération de marché en cours visant exactement le même objectif, n’aurait en effet que des inconvénients : un surcoût pour les finances publiques – nous venons de le démontrer –, l’allongement des délais de mise en œuvre et une insécurité sur le plan juridique, notamment constitutionnel. Vous nous dites que l’intérêt de votre proposition de loi, par rapport à la démarche engagée par le Gouvernement, serait de préserver l’incessibilité d’EDF. Vous prétendez que le Gouvernement a un plan secret de démantèlement de l’entreprise.
M. Nicolas Sansu
Bien sûr !
M. Christophe Plassard
Chers collègues, c’est inconcevable ! Il est certes arrivé à l’État d’être mauvais gestionnaire, mais comment pourrait-il, après avoir mené un rachat d’actions de près de 10 milliards d’euros, penser sérieusement à démanteler l’entreprise qu’il vient de payer à un prix surévalué par rapport à son dernier cours de bourse ?
M. Patrick Hetzel
Ce ne serait qu’une turpitude de plus de la Macronie !
M. Christophe Plassard
Par ailleurs, et quand bien même nous comprenons le sens et l’esprit de votre proposition, elle n’est pas en phase avec la réalité industrielle d’une entreprise comme EDF. Celle-ci doit procéder à des opérations d’acquisition ou de cession pour assurer sa montée en puissance, son rayonnement, et pour ajuster sa stratégie. En réalité, il faut nous interroger sur le but poursuivi au travers de la nationalisation d’EDF. Nous voulons en faire un fleuron industriel capable d’assurer la souveraineté énergétique de notre pays, mais aussi un leader international.
M. Emeric Salmon
C’est raté !
M. Christophe Plassard
Ce qui compte, ce qui nous guide, ce qui est nécessaire, c’est d’avoir une vision, un cap, une stratégie. Dans un monde de l’énergie en grande mutation, il faut pour cela de la flexibilité et de l’agilité. Créer un nouveau carcan, un monolithe, un bloc n’aurait que des effets contre-productifs.
Enfin, mes chers collègues, permettez-moi de m’interroger sur l’alliance baroque des oppositions qui souhaitent adopter ce texte. Il y a ceux qui veulent faire d’EDF un fleuron nucléaire et ceux qui s’opposent à l’atome, ceux qui veulent en faire une entreprise entièrement tournée vers les énergies renouvelables et ceux qui sont contre ces énergies, ceux qui veulent le retour du statut et ceux qui n’en veulent pas. En gros, tout est bon et trouve cohérence à vos yeux tant qu’il s’agit de tenter de battre le Gouvernement (Protestations sur les bancs des groupes RN et LFI-NUPES), y compris composer un attelage improbable au risque de rendre incertain l’avenir de l’entreprise. Notre politique énergétique mérite mieux que ce jeu politicien.
M. Patrick Hetzel
C’est un expert qui parle.
M. Christophe Plassard
Le groupe Horizons et apparentés redit son attachement à ce qu’EDF soit une entreprise 100 % publique, pour retrouver une politique énergétique forte.
Mme Annie Genevard
C’est vous qui l’avez affaiblie !
M. Christophe Plassard
C’est pour cela que nous soutenons l’OPA lancée par le Gouvernement et que nous voterons contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe RE. – M. Mohamed Laqhila applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Fournier.
M. Charles Fournier
J’aimerais d’abord saluer cette proposition de loi de notre collègue Philippe Brun qui nous permet de remettre le Parlement au cœur des décisions relatives à notre politique énergétique.
M. Benjamin Lucas
Eh oui !
M. Jean-René Cazeneuve
Non, c’est faux !
M. Charles Fournier
Nous, parlementaires de tout bord, avons aujourd’hui l’occasion, bien que dans un calendrier contraint et sous le contrôle du Gouvernement, de dire haut et fort nos craintes au sujet du démembrement d’EDF et de la privatisation de ses activités les plus rentables – je pense notamment aux énergies renouvelables. (M. Benjamin Lucas applaudit.) Si cette proposition de loi donne au Parlement l’occasion de s’exprimer, elle tend surtout à lui redonner le pouvoir de décider du sort d’EDF.
M. Benjamin Lucas
Exactement !
M. Charles Fournier
Bercy n’aura plus les mains libres car désormais, l’avenir d’EDF devra être discuté et voté par la représentation nationale. C’est un principe fort auquel nous adhérons, nous écologistes qui sommes attachés au parlementarisme.
EDF est en crise : elle est malmenée par les errances du Gouvernement sur la politique énergétique, étranglée par les dettes et ponctionnée de 8 milliards d’euros par l’État dans le cadre de l’Arenh pour sauver ses concurrents privés – qui sont contraints d’acheter sur les marchés le volume d’électricité consommé par leurs clients, alors que le volume d’électricité qu’EDF doit leur vendre à prix garanti a augmenté de 20 térawattheures. Le fleuron national de l’énergie risque en outre de voir détruite son organisation, qui a pourtant fait pendant soixante-dix ans le succès de ce service public : une structure unique, rassemblant différentes activités de production et assurant le financement des investissements les plus importants par les activités les plus rentables, comme les énergies renouvelables.
La crise énergétique que nous subissons depuis plus d’un an démontre que l’électricité n’est pas un bien comme les autres. La souveraineté énergétique de notre pays doit être une priorité absolue ; tout doit être fait pour la reconquérir et la conserver, afin d’assurer une production et une distribution de d’électricité de qualité, à la portée de tous les Français. Cette autonomie passe par l’existence d’un opérateur public puissant, mieux protégé contre les effets délétères d’un marché trop gourmand et les logiques boursières. Est-il utile de rappeler qu’un opérateur public puissant qui garde le contrôle de ses activités, c’est aussi de potentielles ressources pour l’État et la possibilité d’une redistribution au bénéfice des consommateurs ?
Mme Clémence Guetté
Ça leur échappe, ça, Charles !
M. Charles Fournier
En privilégiant une OPA, le Gouvernement pourrait ouvrir la boîte de Pandore et couper par exemple la branche des énergies renouvelables sans que le Parlement ne soit associé à cette décision.
M. Jean-René Cazeneuve
C’est faux !
M. Charles Fournier
Nous connaissons le risque que notre premier opérateur français subisse une vente à la découpe. Vous nous dites la main sur le cœur, monsieur le ministre délégué, que le projet est abandonné, mais permettez-moi de vous rappeler votre volonté de privatiser Aéroports de Paris (ADP) ; vous étiez, je crois, rapporteur de la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises, la loi Pacte, qui le prévoyait. (M. Maxime Laisney applaudit.)
Nos concitoyens de Louviers, dans la circonscription de notre collègue Brun, ceux de ma circonscription en Touraine, comme ceux de partout ailleurs, l’ont vu trop souvent : lorsque les structures du service public faillissent, ce sont eux qui subissent. Nous préférons un opérateur public à même de créer des emplois et d’assurer une production dans nos territoires, et c’est ce que ce texte rend possible.
Nous croyons, nous écologistes, à une planification de notre politique énergétique pilotée par un opérateur public fort, susceptible de lancer une dynamique en vue d’atteindre un mix de 100 % d’énergies renouvelables, ou au moins de rattraper notre retard en la matière. Pour cela, nous avons besoin d’un opérateur qui puisse produire de l’énergie, mais qui soit aussi un industriel capable de fabriquer les outils de production. Il est fou que, dans notre pays, nous ne soyons pas capables de fabriquer des cellules photovoltaïques et des mâts d’éoliennes. (Mme Marie-Noëlle Battistel applaudit.) EDF n’a pas été investie de cette mission ; elle pourrait l’être demain si elle était nationalisée et contrôlée par l’État. EDF est aujourd’hui empêtrée dans un chantier qui n’en finit pas, celui de l’EPR de Flamanville, et l’on parle déjà d’EPR 2.
Je rebondis sur les débats d’hier concernant les régimes spéciaux. Certains voudraient nous faire passer pour des destructeurs d’emplois d’électriciens, alors que c’est l’inverse : nous voulons une grande entreprise publique capable de créer des emplois en promouvant un scénario « 100 % renouvelables ». Les énergies renouvelables peuvent en effet produire plus d’emplois que le nucléaire. Et même si elles n’en créent pas plus, il s’agit d’emplois de stock, stables, alors que le nucléaire en fournira surtout dans le cadre du « grand carénage » ou de la construction de nouveaux réacteurs, beaucoup moins après.
Nous sommes satisfaits que le texte ait évolué s’agissant de la procédure de rachat : en la matière, les nouvelles dispositions proposées nous semblent beaucoup plus satisfaisantes. De même, les écologistes sont très favorables à un retour provisoire aux tarifs réglementés. Oui, il y a urgence à rassurer sur le moyen et le long terme les Français les plus modestes, les collectivités et les petites entreprises.
Nous sommes nombreux sur ces bancs à considérer que cette proposition de loi est pertinente et arrive à un moment crucial pour notre avenir énergétique. Elle s’oppose au choix d’une OPA, que nous contestons car cette voie tend à ôter au Parlement la possibilité de peser sur les décisions à venir. L’inscription dans la loi de la nationalisation, le maintien des activités d’EDF, un engagement déterminé à développer de nouveaux outils et à produire plus d’énergies renouvelables, la garantie d’un respect des petits actionnaires, le retour aux tarifs réglementés : tout cela serait une excellente nouvelle. Nous voterons donc avec conviction cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Jumel.
M. Sébastien Jumel
« L’électricité, c’est l’armée de la reprise économique. […] Il ne s’agit pas seulement, d’ailleurs, d’un problème économique, pourtant combien crucial, mais au fond, comme on l’a dit, de l’indépendance de la France. » Marcel Paul prononçait cette phrase en 1945, ajoutant qu’il fallait gagner la bataille de l’électricité, parce qu’elle était essentielle, parce que l’électricité n’est pas un bien comme les autres, mais un bien commun, une exception.
Je l’ai dit en commission, et j’en suis heureux : la proposition de loi que nous examinons dresse symboliquement pour la première fois, d’une manière forte et consensuelle, le bilan de vingt ans d’une libéralisation qui a fait mal à la France et à sa souveraineté industrielle ; d’une libéralisation qui, en pleine crise de l’énergie, fait mal aux vies et bouscule la situation économique de nos artisans et commerçants. Il n’y a pas de souveraineté énergétique possible sans maîtrise publique. De même, il n’y a pas de souveraineté industrielle possible sans un outil public de maîtrise de la politique énergétique. Enfin, il n’y a pas de transition et de bifurcation écologique possible sans une mainmise forte de la puissance publique sur les outils. Vous l’avez reconnu, monsieur le ministre délégué, et vos origines familiales vous ont d’ailleurs donné quelques points de repère en la matière. Je regrette néanmoins qu’ils se soient effacés avec le temps et que vous vous fassiez désormais le chantre du marché qui, avec voracité, s’approprie tout le champ de la politique énergétique. Vous essayez bien de corriger la situation par des rustines, mais en dépit des « chèquounets » très onéreux que vous distribuez, votre politique est inefficace.
Je vous rassure : la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France, installée par le président Marleix, permettra d’identifier les responsabilités des uns et des autres dans la détérioration de la politique énergétique.
Le temps est venu néanmoins d’inverser la logique. Je considère, contrairement à vous, monsieur le ministre délégué, que l’obligation qui vous sera faite de repasser devant le Parlement pour avoir le droit de vendre à l’encan tout ou partie d’EDF constitue pour nous une garantie. La présence de représentants de l’État au sein du conseil d’administration d’EDF ne nous a en effet pas prémunis contre la fermeture de Fessenheim ni contre l’abandon de projets fondamentaux de recherche comme le projet Astrid. Elle ne nous a pas prémunis non plus contre la politique de stop and go, qui nous a fait perdre des savoir-faire considérables dans la filière nucléaire, ni contre la financiarisation d’activités jugées rentables. La baisse de la qualité des services, notamment dans la maintenance et la distribution, en est l’illustration.
Vous dites aujourd’hui, monsieur le ministre délégué, que le Gouvernement a renoncé au projet Hercule. Mais à la fin de la précédente législature, c’est la mobilisation des électriciens gaziers – quelques-uns sont d’ailleurs présents en tribune – qui vous a contraints à reculer. La confiance n’excluant pas le contrôle, nous pensons que l’abandon du projet doit être garanti par le Parlement. Nous considérons que la proposition de loi de notre collègue Brun est une première pierre en ce sens. Nous communistes, avec sans doute quelques autres collègues, défendons l’idée que le statut de société anonyme ne suffit pas. Nous pensons qu’un Epic garantirait un contrôle démocratique sur la politique énergétique, grâce à la présence d’élus, de représentants syndicaux, d’usagers et d’associations.
Après cette première pierre, il nous faudra travailler en faveur d’une politique énergétique plus intégrée, pas seulement s’agissant d’EDF mais de l’ensemble des outils de production. Quoi qu’il en soit, votre OPA n’est pas une nationalisation. Vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre délégué : la relance de la filière nucléaire soulève des enjeux financiers considérables, tout comme la rénovation thermique ou la filière des énergies renouvelables. Or rien, dans les annonces du Gouvernement, ne nous rassure quant aux modalités de financement de ces politiques de relance. C’est pourquoi le président du groupe pourrait avoir la velléité de vendre les activités les plus rentables pour financer le reste.
Tel est l’état d’esprit du groupe communiste, qui votera sans hésitation cette proposition de loi : celle-ci est une première étape – qui en appelle d’autres – dans la reprise en main par la puissance publique de la politique énergétique de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani
Quelle politique énergétique souhaitons-nous pour la France de demain ? Cette question centrale que se posaient en 1946 les élus de la nation confrontés aux défis de la reconstruction revient aujourd’hui, alors que nous devons faire des choix cruciaux pour la transition écologique, qui nous engagent pour des décennies.
S’ajoute la grave crise énergétique que nous traversons depuis un an, qui a mis en lumière les faiblesses du modèle énergétique européen. La hausse des prix, exponentielle depuis le début de la guerre en Ukraine, a révélé l’impuissance des pouvoirs publics puisque ni l’Union européenne ni le Gouvernement ne sont parvenus à la juguler, malgré des mesures coûteuses pour nos finances publiques. En outre, la présidence française de l’Union européenne s’est révélée incapable de conduire la réforme du marché européen de l’électricité, malgré les engagements qui avaient été pris.
La question de la sécurité de l’approvisionnement se pose aussi, avec une acuité nouvelle. La crise a révélé la dépendance des pays européens aux importations d’hydrocarbures russes tandis qu’en France, le mauvais état du parc nucléaire inquiète.
Il est donc urgent de reprendre en main notre politique énergétique. Mais si nous sommes nombreux à partager ce constat, les moyens d’y parvenir font toujours débat. Une chose est sûre, l’avenir de la politique énergétique demeure indissociable de celui d’EDF.
Or l’entreprise est aujourd’hui en souffrance. Elle enregistre une dette abyssale de 43 milliards d’euros, qui empêche les investissements nécessaires. Le mécanisme de l’Arenh est un boulet de plus en plus injustifiable. La menace d’un conflit avec la Commission européenne plane toujours, puisque celle-ci, au nom de la sacro-sainte ouverture à la concurrence, veut démanteler le groupe.
Comment enrayer cet affaiblissement d’EDF, à l’œuvre depuis plusieurs décennies ? Pour le Gouvernement et la majorité, la solution se trouve dans la reprise de 100 % du capital du groupe, laquelle devrait laisser les coudées franches à l’État pour réinvestir dans un nouveau programme nucléaire. Ce n’est, pour nous, qu’une moitié de solution : elle n’entraîne en rien une redéfinition de la politique électrique et ne nous éloigne pas des diktats énergétiques de la Commission européenne.
La proposition de loi de nos collègues socialistes, elle, a le mérite de la clarté. En décrétant la nationalisation et l’unicité du groupe, elle empêche le démembrement d’une partie des activités d’EDF. Un gouvernement qui souhaiterait privatiser une branche du groupe se verrait dans l’obligation de passer par une loi de privatisation. Alors que nous redoutons un projet Hercule bis, synonyme de nationalisation des pertes et de privatisation des profits, ce garde-fou est indispensable.
M. Philippe Brun, rapporteur
Tout à fait !
M. Michel Castellani
Certaines des questions d’ordre opérationnel que nous avions soulevées ont été tranchées en commission. C’est le cas notamment du tarif de rachat des actions, fixé à 14 euros, dont nous comprenions mal l’articulation avec l’OPA en cours. La nouvelle rédaction de l’article 3, bienvenue, fait qu’il ne contrevient plus au calendrier de l’opération. Mais d’autres interrogations restent en suspens : qu’adviendra-t-il des activités à l’international de l’énergéticien ? Sont-elles considérées comme incessibles ? Quel sort est réservé à RTE, dont le capital est détenu par EDF, la Caisse des dépôts et CNP Assurances ?
Nous avons également débattu de l’extension à de nouveaux acteurs des tarifs réglementés de vente. Grâce à l’article 3 bis, auquel nous sommes favorables, l’ensemble des petites entreprises pourront bénéficier du bouclier tarifaire, sans qu’il n’y ait de trou dans la raquette. Chacun d’entre nous a entendu parler d’un boulanger ou d’un artisan qui a vu sa facture exploser et lutte pour ne pas mettre la clé sous la porte. Il nous semble légitime de protéger ceux qui font la force et le dynamisme de nos territoires. (Mme Clémence Guetté applaudit.)
De même, nous nous inquiétons de voir des collectivités limiter l’accès à certains de leurs équipements, tels les piscines ou les musées, en raison de l’explosion de leurs factures énergétiques. Nous ne pouvons accepter cette dégradation de la qualité du service public. Nous voulions défendre un amendement qui visait à étendre le bouclier tarifaire à l’ensemble des collectivités territoriales, mais celui-ci n’a malheureusement pas passé le couperet de la recevabilité.
La crise nous appelle à laisser derrière nous un système énergétique défaillant. Il faut parfois apporter aux problèmes nouveaux des solutions éprouvées. Sans dogmatisme, une majorité de mon groupe estime que la nationalisation d’EDF permettra de renforcer l’énergéticien et de faire face aux défis à venir. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LIOT, LFI-NUPES et SOC.)
M. Philippe Brun, rapporteur
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Lacresse.
M. Boris Vallaud
On va voir s’il a changé !
M. Emmanuel Lacresse
Cette proposition de loi a pour double objet de rendre l’opération de montée de l’État à 100 % du capital d’EDF plus coûteuse, voire inopérante, puis de faire, par excès de rigidité, du premier énergéticien mondial un groupe incapable de gérer ses actifs et ses activités. Ce texte est destiné à mettre en échec la première étape de la stratégie énergétique annoncée par le Président de la République à Belfort le 10 février 2022.
Vous tentez de faire échouer juridiquement une opération en passe de réussir. Le succès est éclatant et si l’État a acquis plus de 95 % du capital en un temps record, c’est que le prix proposé était juste. Pourtant, dans le texte initial, vous étiez prêts, en élus prodigues et amis des fonds de pension, à dépenser 1,5 milliard d’euros, vous qui n’avez pas voté, le 28 juillet, les 12,7 milliards destinés à alimenter le CAS Participations financières de l’État – contrairement aux députés Les Républicains qui se sont placés dans un cadre d’urgence nationale.
Mme Danielle Brulebois
Très bien !
M. Emmanuel Lacresse
Cette proposition de loi dispose avec aisance de l’argent public, sur une estimation aléatoire, selon une procédure inusitée et assez inouïe. (Protestations sur les bancs du groupe SOC.) Monsieur le rapporteur, poussé par la commission des finances, vous avez renoncé à fixer vous-même le prix de l’action sur un bureau encombré des courriers de ceux qui ne veulent pas que l’État retrouve toute sa capacité de diriger EDF au conseil d’administration.
M. Nicolas Sansu
Tout cela manque d’énergie !
M. Maxime Laisney
Un vrai requiem !
M. Matthias Tavel
Un peu de conviction, collègue !
M. Emmanuel Lacresse
Pour notre part, nous voulons isoler l’énergéticien de cette obsession du résultat à court terme, cette obsession financière qui, il y a six ans, a failli nous faire renoncer au projet Hinckley Point. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Heureusement qu’il s’est trouvé, au ministère des finances, face aux corporatismes internes – les mêmes qui s’opposent aujourd’hui à l’OPA –, des politiques pour y aller quand même et sauvegarder le savoir-faire d’EDF !
N’essayez pas de trouver dans l’offre de rachat un plan secret ; le caviardage de notes internes n’empêchera pas de voir que, grâce à ce gouvernement, la nation pourra agir dans quelques semaines avec le seul souci du long terme, de la préservation des savoir-faire transmis sur la durée. Avec le programme EPR, une prise de risques calculée va s’enclencher, loin de l’esprit du court terme qui animait une société cotée en bourse.
Monsieur le rapporteur, votre souci d’économies soudain, en commission, vous a certes libéré d’un remords mais il a stimulé votre créativité. En voulant rendre objectif le processus de fixation du prix de ce que vous appelez « nationalisation », vous avez inventé un « comité administratif ». Vous supplantez tout simplement la cour d’appel de Paris, en pleine procédure, de façon rétroactive, pour que l’oblitération de notre système judiciaire soit chimiquement pure.
M. Philippe Brun, rapporteur
La nationalisation n’interviendra que si l’OPA est annulée par la justice !
M. Emmanuel Lacresse
Vous avez même été jusqu’à prévoir le cas où la procédure n’aboutirait pas, au mépris de la règle fondamentale de nos procédures civiles issue de la Révolution, l’obligation faite au juge de juger.
Le pire est que, vu le calendrier, si la cour d’appel, après l’audience du 23 mars, rejetait le prix – ce qui est moins probable depuis la décision du Conseil d’État du 3 février –, on se retrouverait avec la coexistence de deux systèmes de droit, deux ordres juridiques concurrents et, possiblement, un prix fixé par de hauts fonctionnaires sans aucune indépendance, inférieur à celui déposé auprès de l’AMF, déjà cassé par la Cour d’appel. Nous partirions alors pour des contentieux sans fin. Votre idée à 1,5 milliard fera perdre à la nation une année entière et entraînera, peut-être, l’échec de l’opération.
M. Alexandre Holroyd
Ce serait une catastrophe.
M. Emmanuel Lacresse