- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2025, n° 324
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le b du 1 de l’article 223 O est complété par les mots : « calculée en appliquant le plafond prévu au I du 244 quater B du présent code à la somme des dépenses de recherche engagées par chacune des sociétés du groupe » ;
2° Le I de l’article 244 quater B est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les sociétés membres d’un groupe mentionné aux articles 223 A et suivants, le respect du seuil de 100 millions mentionné au premier alinéa s’apprécie au niveau du groupe qu’elles constituent. »
Cet amendement de repli du groupe LFI-NFP prévoit d’appliquer le plafond maximal du crédit d’impôt recherche (CIR) au niveau d’un groupe d’entreprise plutôt que d'une seule entité, en prenant pour seuil de détention 95% du capital des sociétés, pour éviter des effets de contournement du plafond par ventilation artificielle.
Avant 2008, le CIR était principalement destiné aux PME, mais le relèvement du plafond permettant de bénéficier d’une exonération à 30%, par la réforme de 2008, à 100 millions d'euros de dépenses par an, l'a étendu aux grands groupes. Ces grands groupes jouissent également d’un crédit d’impôt de 5% sans aucun plafond. Résultat de cette réforme d’ampleur, le coût de cette niche fiscale a explosé : le CIR ne coûtait que 1,68 milliards d’euros en 2007, il a couté 4,15 milliards d’euros dès 2008, et il devrait coûter 7,7 milliard d’euros en 2024. Pour quels résultats ? Une dramatique captation du dispositif par les multinationales.
Ainsi, en 2021, sur les 26 000 entreprises bénéficiaires, 50 grands groupes concentrent près de la moitié du montant du dispositif. En d’autres termes, 0,2% des entreprises concernées jouissent de presque 50% de la première niche fiscale de l’État. A l’inverse, la totalité des PME/TPE disposent de moins d’un quart du crédit d’impôts. La disproportion est plus que manifeste ! Cette concentration qui atteint des sommets ne garantit pourtant rien : une seule de ces « multinationales françaises », Sanofi, a reçu en 2022 160 millions d'euros au titre du CIR, et continue à toucher ce crédit d’impôt dans des proportions similaires en 2023 et 2024. Pourtant, cela ne l’empêche pas d’annoncer la suppression de 330 poste de Recherche et Développement (R&D) en 2024. On saisit la disproportion de tels montants octroyés à cette entreprise dès lors qu’on le compare à la totalité des aides à l'exportation que le gouvernement français consacre aux PME : 250 millions d'euros, tout juste un an et demi de seul CIR pour la seule Sanofi.
En plafonnant le CIR au niveau d'une filiale mais pas au niveau d’un groupe, nous laissons ce dispositif être utilisé dans des montages d'évasion fiscale : les groupes l'utilisent, puis cèdent leurs brevets à une de leurs filiales établies dans un paradis fiscal et déduisent des redevances de leur bénéfice imposable en France. Il est possible pour les grands groupes d'élaborer des montages par l'intermédiaire de leurs filiales, leur permettant ainsi de cumuler des créances CIR sans atteindre le plafond de 100 millions d'euros. Il suffit pour cela de répartir les dépenses en R&D du groupe entre ses différentes entités de façon à ce qu'aucune ne dépasse individuellement le plafond.
Nous estimons qu'un tel accaparement du CIR par les grandes entreprises, conjugué aux montants très élevés de cette niche fiscale, exige de réinterroger ses modalités d'attribution.
Tant que le plafonnement est réalisé au niveau d'une filiale, des montages permettront de cumuler des créances. Cet amendement propose donc d’apprécier la sommes des dépenses en CIR au niveau du groupe et non plus au niveau des entités. Selon les projection de l'IGF, cette disposition permettra d’économiser à minima 470 millions d’euros sur le coût total du CIR, tout en limitant les abus qui s'opèrent dans le cadre de groupes fiscalement intégrés ou assimilés.