- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2025, n° 324
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
I. – L’article 119 bis A du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « , dans la limite du montant correspondant à la distribution de produits de parts ou d’actions mentionnée au b, » sont supprimés ;
b) Les a et b sont ainsi rédigés :
« a) Le versement est conditionné, directement ou indirectement, à la distribution de produits d’actions, de parts sociales ou de revenus assimilés mentionnés aux articles 108 à 117 bis, ou des revenus et risques attachés à ces titres, ou son montant est établi en en tenant compte ;
« b) Le versement est lié, directement ou indirectement :
« – À une cession temporaire desdites parts ou actions réalisée par la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France au profit, directement ou indirectement, de la personne qui est établie ou a sa résidence en France ;
« – Ou à une opération donnant le droit ou faisant obligation à la personne qui est établie ou a sa résidence en France de revendre ou de restituer, directement ou indirectement, lesdites parts ou actions à la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France ;
« – Ou à un accord ou instrument financier ayant, directement ou indirectement, pour la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France, un effet économique similaire à la possession desdites parts ou actions. » ;
2° Il est complété par un II ainsi rédigé :
« II. – Lorsque les revenus mentionnés au I sont versés à une personne qui est établie ou a sa résidence dans un État ou territoire ayant signé avec la France une convention d’élimination des doubles impositions qui ne prévoit pas ou exonère de retenue à la source ces revenus, l’établissement payeur des revenus applique, lors de la mise en paiement, la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis.
« Le bénéficiaire des revenus mentionnés au premier alinéa du présent II peut obtenir le remboursement de la retenue à la source s’il apporte la preuve qu’il en est le bénéficiaire effectif et que la distribution de ces revenus dans cet État ou territoire a principalement un objet ou un effet autres que d’éviter l’application d’une retenue à la source ou d’obtenir l’octroi d’un avantage fiscal.
« L’établissement payeur des revenus mentionnés au même premier alinéa adresse chaque année à l’administration fiscale, par voie électronique et au plus tard le 31 janvier de l’année suivant celle au titre de laquelle les versements ont été effectués, une déclaration mentionnant le montant, la date, l’émetteur et le destinataire de chacun des versements. »
II. – L’article 187 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au 2, après le mot : « et », sont insérés les mots : « pour les revenus mentionnés à l’article 119 bis A » ;
2° Il est complété par un 3 ainsi rédigé :
« 3. Le remboursement d’une retenue à la source ne peut avoir lieu qu’après constat par l’administration fiscale qu’une retenue a effectivement eu lieu. »
III. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Par cet amendement, les députés du groupe LFI-NFP reprennent la proposition de loi transpartisane rédigée par notre ancienne collègue Charlotte Leduc, alors rapporteure sur l’évasion fiscale, afin de mettre un terme aux pratiques d’arbitrage de dividendes qui sont utilisées aujourd’hui à des fins de fraude et d’évasion fiscales.
L’évasion fiscale est un fléau majeur qui coute chaque année entre 80 et 120 milliards d’euros aux finances publiques. Si notre pays veut relever les grands défis qui se dressent devant lui d’une manière socialement juste et acceptable, il est nécessaire de récupérer cet argent. Mettre fin aux pratiques d’arbitrage de dividendes est donc un pas dans cette direction.
L’arbitrage de dividendes est une technique répandue d’optimisation fiscale qui profite aux actionnaires possédant des actions en France. Les banques françaises le pratiquent à grande échelle afin de permettre à leurs clients étrangers d’éviter la retenue à la source de 30 % sur les dividendes par l’administration fiscale. Deux techniques principales existent :
Le « CumCum » : un actionnaire transfère des titres ou des droits à une entité établie en France (montage « interne ») ou dans un pays avec lequel la France a signé une convention fiscale favorable (montage « externe ») – souvent une banque car la fiscalité sur les sociétés est plus avantageuse que celle sur les particuliers – juste avant de recevoir des dividendes afin d’éviter la fiscalisation à la source. La banque rend ensuite l’action et les dividendes au propriétaire moyennant une commission (la banque est donc complice !).
Le « CumEx » : des actionnaires étrangers multiplient les échanges d’actions juste avant le versement des dividendes. L’administration fiscale n’est alors plus en mesure de déterminer qui détient l’action. Ensuite, les actionnaires demandent tous le remboursement de la retenue d’impôts à l’administration (alors que la retenue d’impôt n’a été effectuée qu’une seule fois par l’administration, voire jamais).
Ces pratiques représentent donc un contournement manifeste de la loi puisque les mécanismes mis en œuvre visent à tromper l’administration fiscale et à percevoir des remboursements indus (dans le cas des CumEx). Pourtant, elles continuent à être utilisées à grande échelle par les actionnaires et les banques françaises. Les échanges de titres, mais également de produits dérivés de ces titres, sont donc massivement utilisés à des fins d’évasion fiscale.
En octobre 2018, l’enquête dite des « CumEx Files » réalisée par 19 médias européens a révélé l’ampleur des pertes fiscales dues à la pratique d’arbitrage des dividendes. La France est le pays le plus touché d’Europe avec 33 milliards d’euros de manque à gagner sur 20 ans.
Alors que la Belgique et l’Allemagne ont fait évoluer leur réglementation pour combattre les montages « CumEx », la France ne peut rester seule démunie face à des pratiques frauduleuses qui grèvent les caisses de l’État, dégradent nos services publics, et abiment le consentement à l’impôt.
Afin de combler les lacunes de notre arsenal législatif, nous proposons de nous attaquer à tous les types de montages, même les plus sophistiqués, de supprimer la limite des 90 jours autour de la date de versement des dividendes et de préciser tous les cas où la retenue à la source doit s’appliquer.
De plus, cette proposition de loi permet d’appliquer automatiquement la retenue à la source de 30 % pour tous les flux financiers partants à l’étranger. Charge ensuite à la personne établie dans un pays ayant une convention fiscale favorable avec la France de prouver qu’elle est bien la bénéficiaire effective de ce versement afin d’obtenir le remboursement de la retenue à la source. Il ne sera alors plus possible de servir d’intermédiaire pour un tiers résidant dans un pays n’ayant pas de convention fiscale favorable avec la France.
Enfin, la proposition de loi s’attaque aux pratiques de « CumEx » en conditionnant les possibilités de remboursements à une vérification de l’administration fiscale.
Tel que rédigé, notre dispositif permet de combattre efficacement les pratiques d’arbitrage de dividendes sans passer par une renégociation longue et incertaine des conventions fiscales signées par la France avec ses partenaires internationaux.
Pour plus d’informations, vous pouvez vous reporter à la proposition de loi dans son intégralité : https ://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b2582_proposition-loi#