- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2025, n° 324
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
I. – Après la section 0I du chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts, est insérée une section 0I bis ainsi rédigée :
« Section 0I bis
« Contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises
« Art. 224. – I. – A. Il est institué une contribution additionnelle sur les bénéfices des sociétés concessionnaires des missions du service public autoroutier redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros.
« B. – La contribution additionnelle est due lorsque le résultat imposable de la société pour l’exercice considéré au titre de l’impôt sur les sociétés est supérieur ou égal à 1,25 fois la moyenne de son résultat imposable des exercices 2017, 2018 et 2019.
« C. – La contribution additionnelle est assise sur le résultat imposable supplémentaire réalisé par rapport à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités. La contribution additionnelle est calculée en appliquant à la fraction de chaque part de résultat imposable supérieur ou égale à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités le taux de :
« a) 20 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,25 fois et inférieure à 1,5 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;
« b) 25 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,5 fois et inférieure à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;
« c) 33 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités.
« II. – A. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis, la contribution additionnelle est due par la société mère. Elle est assise sur le résultat d’ensemble et à la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D, déterminés avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.
« B. – Le chiffre d’affaires mentionné au I du présent article s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.
« C. – Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution additionnelle.
« D. – Sont exonérées de la contribution prévue au I, les sociétés dont la progression du résultat imposable par rapport à la moyenne des exercices 2017, 2018 et 2019 résulte d’opérations de cession ou d’acquisition d’actifs, pour la fraction du résultat imposable de l’exercice concerné.
« E. – La contribution additionnelle est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt. La contribution additionnelle est payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue au 2 de l’article 1668 pour le versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés. »
II. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur à compter de la publication de la présente loi et sont applicables jusqu’au 31 décembre 2025. Elles s’appliquent également à l’exercice fiscal de l’année de son entrée en vigueur.
III. – Avant le 31 décembre 2025, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation provisoire de l’application du I du présent article.
IV. – Avant le 31 décembre 2026, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation définitif de l’application du I du présent article.
Par cet amendement de repli, les députés LFI-NFP proposent de taxer les superprofits réalisés par les concessionnaires d'autoroutes afin de faire participer les rentes produites par la privatisation des autoroutes à la solidarité nationale.
Alors que citoyen, PME et services publics subissent la crise énergétique depuis 2 ans maintenant, les grandes entreprises ont vu leurs profits exploser sur la même période, notamment les concessionnaires autoroutiers qui ont enregistré un bénéfice de 3,9 milliards d’euros.
En 2023, le principal concessionnaire Vinci a dégagé 4,3 milliards d'euros de bénéfices nets avec une hausse de 50 % par rapport à l’année précédente qui était déjà particulièrement lucrative, soit la moitié des bénéfices du secteur.
Ces profits exceptionnels donnent lieu à des versements de dividendes colossaux. Quel geste en contrepartie pour les usagers ? Seuls les usagers titulaires d'un abonnement de télépéage et éligibles aux chèques vacances, ont pu bénéficier d'une maigre réduction provisoire de 10 %, payable uniquement en chèques vacances. Une ristourne qui frôle l’indécence au regard des profits record enregistrés.
Alors qu’ils tirent déjà des profits colossaux, ces sociétés n’ont pas hésité à augmenter brutalement leurs prix : alors que l’augmentation moyenne par année ne dépassait pas les 2 %, ils ont décidé d’augmenter leurs tarifs de 4,75 % à partir du 1er février 2023.
Un rapport du Sénat de 2020 pointait déjà les cadeaux faits par l’Etat dans la privatisation qui a permis aux opérateurs privés de se gaver sur le dos du contribuable, occasionnant 7,8 milliards d’euros de perte pour l’Etat. Les concessionnaires ont atteint le seuil de rentabilité qu’ils espéraient dès 2022 alors que les concessions courent jusqu’en 2031 et 2036 pour Vinci et Eiffage.
Les sociétés concessionnaires d'autoroutes se gavent pendant que le rail recule. Le fret ferroviaire n'assure plus que 10 % du transport de marchandises en France, contre 18 % en Allemagne, ou 35 % en Suisse ! Pourtant, une tonne de marchandises transportées en train émet 9 fois moins de CO2 que si elle était transportée en camion.
Une telle taxe sur les superprofits a des précédents historiques en France : la loi du 1er juillet 1916, et les ordonnances du 18 juillet 1944 et du 15 août 1945. Les profiteurs de crise doivent à nouveau rendre à la Nation les richesses qu’ils se sont accaparées.
Alors que la Cour des comptes avait souligné dans son rapport sur les comptes de l’Etat en 2023 l'insuffisance de la taxation des rentes inframarginales du gouvernement, il est temps de mettre un terme à cette rente de fait, pratiquée sur le dos de la puissance publique et des citoyens, en mettant en œuvre une réelle taxation de ces superprofits.
Nous prenons comme années de référence les "dernières années sans crise" telle que définies par Laurent Saint Martin le 11 octobre 2024 lors de son audition en commission des finances, à savoir les années 2017, 2018 et 2019.