- Texte visé : Proposition de loi visant à restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents, n° 448
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Supprimer cet article.
Cet amendement vise à supprimer cet article, sans doute le plus contestable de proposition de loi.
Il est nécessaire de rappeler que les principes fondamentaux de la justice pénale des mineurs ont valeur constitutionnelle, mais reposent aussi sur certains engagements internationaux de la France, à l’instar de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE).
Cette convention dispose dans son article 40 que : « Les États parties reconnaissent à tout enfant suspecté, accusé ou convaincu d'infraction à la loi pénale le droit à un traitement qui soit de nature à favoriser son sens de la dignité et de la valeur personnelle, qui renforce son respect pour les droits de l'homme et les libertés fondamentales d'autrui, et qui tienne compte de son âge ainsi que de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société et de lui faire assumer un rôle constructif au sein de celle-ci. »
La procédure de comparution immédiate, par son caractère expéditif et industriel, dénature l’idéal d’une justice digne et humaine. Pour rappel, les 58 000 audiences de ce type par an épuisent l’ensemble de l’écosystème judiciaire, portent atteinte au droit à un procès équitable et altèrent la qualité du jugement rendu. De ce fait, cette procédure est devenue la principale pourvoyeuse d’incarcération, alimentant la surpopulation carcérale, dont on sait les effets absolument néfastes puisque la prison est sans doute la première école de la récidive. C’est pourtant bien ce modèle que l’article vise à créer, à certaines conditions, pour les mineurs d’au moins 16 ans.
Cet article crée même une procédure encore plus sévère pour les mineurs. Il prévoit que, lorsque la réunion du Tribunal pour Enfants est impossible le jour même, le mineur peut être placé en détention provisoire jusqu’à l’audience, qui doit en tout état de cause, avoir lieu dans un délai de quatre jours ouvrables. Ce délai est de trois jours pour les majeurs.
Considérant l’état actuel d’organisation des Tribunaux pour Enfant et leur exigence de composition spécifique, l’impossibilité de réunion le jour même est certaine. Cette situation conduirait ainsi à une quasi-automaticité du placement en détention provisoire des mineurs.
L’opportunité de cet article interroge également. Justifié par un impératif de célérité du jugement, nous nous permettons de souligner que cet objectif est déjà rempli actuellement. Les procédures d’audiences uniques, introduites par le Code de justice pénale des mineurs (CJPM) entré en vigueur en 2021, permettent (sous certaines conditions) des jugements dans un délai compris entre 10 jours et 3 mois. Ces délais correspondent précisément à ceux de la nouvelle procédure, dans le cas où le mineur refuse d’être jugé séance tenante ou si l’affaire n’est pas en état d’être jugée.
Les magistrats disposent d’ailleurs d’autres outils efficaces pour une incarcération rapide lorsqu’elle est nécessaire : contrôle judiciaire stricte, placement en centre éducatif fermé...
La comparution immédiate pour mineur ne pourrait donc permettre de juger plus rapidement que dans le cas où le mineur renonce à son droit au délai pour préparer sereinement sa défense. Ce potentiel renoncement est grave, car c’est précisément lors de cette période que la réflexion du mineur s’engage sur l’audience à venir, les actes commis et son projet de vie.
L’intérêt d’un jugement rapide est la mise en place, rapide elle aussi, des mesures éducatives. Or en l’état, les institutions judiciaires et notamment la PJJ sont largement dépassées, faute de moyens matériels et humains, pour mettre en place ces mesures.
Cet article rajoute donc de la précipitation et une désorganisation générale de la justice pénale des mineurs, contrevient à ses principes fondamentaux, et ne propose aucune perspective éducative.
Nous nous y opposons par cet amendement de suppression.