- Texte visé : Texte de la commission sur la proposition de résolution européenne de Mme Marietta Karamanli et plusieurs de ses collègues visant à lutter contre les addictions numériques chez les enfants (n°484)., n° 630-A0
- Stade de lecture : Lecture unique
- Examiné par : Commission des affaires culturelles et de l'éducation
Après l’alinéa 15, insérer l’alinéa suivant :
« Considérant l’importance du rôle joué par l’éducation pour sensibiliser les enfants et les jeunes aux différents mécanismes mis en œuvre par les acteurs du numérique pouvant engendrer un risque d’addiction et aux conséquences néfastes qui peuvent en résulter ; »
Par cet amendement, le groupe LFI-NFP souhaite souligner le rôle majeur que doit jouer l’éducation, et notamment le système scolaire, dans les politiques de prévention des addictions numériques des jeunes et des enfants.
A l’ère du numérique, les nouvelles technologies de l’information et de la communication sont omniprésentes dans la société, et notamment chez les plus jeunes. A titre d’illustration, d’après le rapport « Enfants et écrans. À la recherche du temps perdu » remis au Gouvernement le 30 avril 2024, les 13 - 19 ans possèdent en moyenne 2,9 écrans personnels. 89 % des 13‑19 ans détiennent un smartphone en 2021 (en hausse de 12 points par rapport à 2016) et 35 % des 7‑12 ans. Par ailleurs, 69 % des adolescents de 13 ans et plus détiennent un ordinateur personnel (19 % chez les 7‑12 ans). En ce qui concerne leurs usages de ces appareils, 93 % des 10‑17 ans jouent aux jeux vidéo (94 % des 10‑14 ans et 92 % des 15‑17 ans) et 94 % des 12‑17 ans utilisent des services de messageries instantanées. L’omniprésence du numérique est telle que l’usage des écrans se développe même chez les plus petits : selon une étude de Santé Publique France (avril 2023), le temps d’écran quotidien était en moyenne de 56 min à 2 ans, 1h20 à 3 ans et demi et 1h34 à 5 ans et demi. Cet usage de plus en plus précoce des technologies numériques multiplie ainsi les risques d’exposition des enfants aux différentes stratégies de captation de l’attention des utilisateurs mises en oeuvres par les différents acteurs du secteur pour améliorer leurs profits (« conception addictive »), et donc le risque de développer des addictions numériques. Dans ce contexte, l’école - qui vise à former des citoyens éclairés et responsables notamment vis-à-vis d’Internet et de tous les outils numériques - a un rôle essentiel à jouer dans la prévention de ces risques.
Aux termes de l’article L. 312‑9 du code de l’éducation, « la formation à l’utilisation responsable des outils et des ressources numériques » (...) « contribue notamment »au développement de l’esprit critique« mais également »à la sensibilisation contre la manipulation d’ordre commercial« . Cependant, notamment en raison du manque de moyens alloués à l’Education nationale pour aborder ces questions (avec par exemple, la suppression, sans concertation, de la technologie en 6ème depuis la rentrée 2023, ou encore, un manque structurel de professeurs pour assurer l’enseignement de cette discipline à tous les niveaux au collège comme le dénonce le syndicat d’enseignant SNES-FSU dans un communiqué du 5 juin 2024), les élèves ne bénéficient pas en réalité d’un enseignement à la hauteur des enjeux sur cette question. Or, cette formation commune à l’ensemble des élèves - peu importe leurs origines sociales - dispensée par l’école est d’autant plus importante que de nombreuses études tendent à démontrer qu’il existe une corrélation entre inégalités sociales et utilisation problématique des outils numériques. En 2022, une équipe internationale de chercheurs en psychologie et en sciences sociales des universités de Padoue (Italie), McGill, à Montréal (Canada), Utrecht (Pays-Bas), Jyväskylä (Finlande), et du Kinneret Academic College on the Sea of Galilee (Israël) a réussi à démontrer un lien entre une »utilisation problématique des médias sociaux« (PSMU en anglais) et déterminants socio-économiques. Les données analysées permettent de montrer que les adolescents issus de milieux défavorisés sont 3,2 fois plus susceptibles de déclarer une PSMU et que la situation est pire dans les écoles où les différences de richesses et les différences sociales entre les camarades de classe sont importantes.
Pour toutes ces raisons, il est urgent de redonner à l’éducation aux addictions numériques des enfants les moyens nécessaires à sa mise en place, afin de lutter contre les inégalités sociales en la matière.