- Texte visé : Proposition de loi visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles, n° 842
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les effets de la redéfinition pénale des infractions d’agression sexuelle et de viol sur le traitement judiciaire des violences sexuelles, du dépôt de plainte jusqu’au délibéré.
Cet amendement du groupe LFI-NFP vise à demander au Gouvernement d’évaluer, par la remise d’un rapport, les effets de l’adoption de ces dispositions sur le traitement judiciaire des violences sexuelles, du dépôt de plainte jusqu’au délibéré.
Il y a urgence à améliorer le traitement judiciaire des violences sexistes et sexuelles dans notre pays. Au-delà du faible taux de condamnation qui les caractérise, cette procédure est tout particulièrement coûteuse pour les victimes de ce type de violences. Elles portent alors plainte au prix de violences redoublées : refus de prise de plainte, confrontation avec l’agresseur, questions déplacées, procès éprouvant... Cette victimisation secondaire survient lorsque les victimes d’actes criminels subissent une première blessure par le crime, et une seconde par les acteurs du système de justice pénale. C’est ainsi que le traitement judiciaire devient une épreuve supplémentaire, qui peut accentuer le stress post‑traumatique, alors que le droit international consacre le droit des victimes à être protégées.
Comme l’expliquait le magistrat Frédéric Macé, président de l’Association française des magistrats instructeurs, la notion de consentement est déjà omniprésente dès le recueil de la plainte, ainsi qu’au stade de l’instruction. L’Union syndicale des magistrats confirme que la manière dont la victime a exprimé ou non son consentement est déjà recherchée par le juge. Or, si la question du consentement est centrale, elle l’est surtout d’une manière qui accable et culpabilise les victimes. D’ailleurs, la focale est bien souvent rapidement élargie à certains préjugés sexistes, ou à des questions intrusives dans leur vie privée (notamment sexuelle) qui ne sont pas nécessaires à la recherche de la vérité ou aux droits de la défense. Pour Magali Lafourcade, ancienne juge d’instruction et secrétaire générale de la CNCDH, « aujourd’hui, c’est la victime qui est au cœur de l’enquête. Tout tourne autour de la consolidation de son récit (...). Beaucoup de femmes sont, de ce fait, découragées à porter plainte ».
Or, nous faisons le pari que cette proposition de loi peut faire bouger les lignes et contribuer à ce que la honte change de camp. En redéfinissant les infractions d’agression sexuelle et de viol à partir de la notion de consentement, ici soigneusement définie, elle invite l’ensemble des acteurs de la chaîne judiciaire à examiner les circonstances environnantes dans lesquelles le consentement a été exprimé et, surtout, à questionner l’agresseur présumé sur les mesures raisonnables prises pour s’assurer non seulement de l’existence mais aussi de la validité de celui-ci. Il s’agissait de l’objectif de la proposition de loi similaire que nous avons déposé en février 2024. C’est également l’objet de notre proposition de résolution visant à mettre fin à la victimisation secondaire lors des procédures judiciaires pour violences sexuelles.
Cependant, cette situation est aussi largement due au manque de moyens structurel dont souffre le système judiciaire, situation aggravée par l’obsession de l’austérité qui a caractérisé tous les gouvernements macronistes successifs. Ainsi, il nous manque la moitié de magistrats et de greffiers par rapport à ce que prévoyait la loi d’orientation et de programmation de la justice. Nous demandons le recrutement du double de magistrats déjà en poste, ainsi que le recrutement et la formation de 603 magistrats spécialisés sur les violences sexistes et sexuelles.
Nous proposons donc de demander au Gouvernement la remise d’un rapport afin d’évaluer les effets de l’adoption de cette loi sur le phénomène de victimisation secondaire qui accable encore souvent les victimes de violences sexuelles.