- Texte visé : Proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à sortir la France du piège du narcotrafic, n° 907
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Supprimer cet article.
Par cet amendement de suppression, les députés du groupe LFI-NFP souhaitent s'opposer catégoriquement à cette surenchère pénale aveugle aux problématiques économiques et sociales qui sous-tendent les trafics de petite échelle.
Le Conseil National des Barreaux l'affirme : “la législation actuelle est déjà suffisante pour réprimer efficacement l’ensemble du champ infractionnel lié au trafic de stupéfiant.” Tout un pan du droit pénal y est déjà dédié. Il existe déjà un délit de provocation à l'usage ou au trafic punissable de 5 ans de prison et 75 000 euros d'amende, ainsi que des infractions spécifiques pour protéger les mineurs des incitations à l'usage. Elargir l'infraction prévue à l’article 227-18-1 du code pénal, déjà large, pour punir également le fait d'inciter un mineur à se “livrer à une activité ayant pour objet de faciliter" le transport, la détention, l’offre ou la cession de stupéfiants est d'autant plus malvenu que cette tournure est particulièrement obscure.
Elargir les infractions punies de peines allant jusqu'à 10 ans d'emprisonnement relève du pur populisme pénal. Comme le Syndicat de la Magistrature le relève, l'implication dans les trafics, notamment à petite échelle et à des degrés très variables peut relever davantage d'une "acculturation" qui révèle bien davantage une dépendance à la fois sociale, financière, et in fine « professionnelle » dans un contexte de précarité, que de la vision du monde manichéenne et aveugle que cette proposition de loi véhicule.
Concernant le délit de publication d’offres de recrutement liées au trafic de stupéfiants "accessibles aux mineurs" sur les plateformes que cet article entend instaurer : que signifie exactement “contenu accessible aux mineurs”? Sur ces plateformes, telles qu'Instagram, Snapchat, etc, où les mineurs sont très présents, la publication de tels contenus n’a pas forcément vocation à s’adresser spécifiquement à eux. Cet article ne prévoit aucune obligation pour l’hébergeur ou l’éditeur au regard de ces contenus.
Pour autant, la lutte contre l’utilisation des mineurs en danger par les trafics est un réel sujet, que nous mettons en avant dans notre plan de lutte contre la criminalité organisée. Il s'agit de donner à l’école des moyens suffisants dans les quartiers prioritaires pour lutter contre le décrochage et faire de la prévention, augmenter les moyens des collectivités affectés à la prévention, donner les moyens à une ASE réformée et recentralisée pour exécuter correctement les décisions de justice de protection des enfants... Les dispositions de cet article font l’exact inverse de la prévention.
L'inflation pénale, à l'heure où la France est épinglée pour sa supopulation carcérale incompatible avec des conditions de détention dignes est une bêtise. Elle l'est d'autant plus que, loin d’isoler les trafiquants, les établissements pénitentiaires sont des plaques tournantes du trafic de drogue comme le souligne d’ailleurs le rapport de la commission sénatoriale sur l'impact du narcotrafic en France, et n'assurent absolument pas les conditions de la réinsertion des détenus.
Par conséquent, nous proposons de supprimer cet article.