- Texte visé : Proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à sortir la France du piège du narcotrafic, n° 907
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Supprimer cet article.
Par cet amendement de suppression, les député·es du groupe LFI-NFP souhaitent s'opposer à la création d'un cas de dérogation aux règles de plafonnement des peines applicables aux infractions en concours.
Cet article prévoit que les peines prononcées pour les crimes ou délits mentionnés aux articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale commis en concours se cumulent entre elles, sans possibilité de confusion, dans la limite d’un maximum légal fixé à trente ans de réclusion criminelle. Ce maximum ne s’applique pas lorsque la réclusion à perpétuité, encourue pour l’une ou plusieurs de ces infractions en concours, a été prononcée.
Contrairement à ce que cet article laisse croire, la dérogation créée ne s’applique pas seulement à la "criminalité organisée" telle que perçue dans l’imaginaire collectif, mais à un pan extrêmement large d’infractions dès lors qu’elles sont commises en concours. Le SAF rappelle que la liste de ces infractions, prévue aux articles 706-73 et 706-73-1 du CPP, n’a cessé de s’allonger, favorisant l’extension d’un régime d’exception multipliant les procédures dérogatoires, notamment via des moyens d’enquête des plus intrusifs.
On l'a compris : tout est fait pour allonger le temps passé en prison. L’exposé des motifs de l'amendement à l'origine de cet article dispose que, étant donné que dans le cas des infractions en concours les peines prononcées se cumulent entre elles dans la limite du maximum légal le plus élevé, il “en résulte un effet d’aubaine pour les narcotrafiquants qui peuvent dans bien des cas poursuivre leur activité en détention provisoire sans craindre d’aggravation de la peine qu’ils encourent.”. On a là un résumé de la vision du monde erronée des tenants du tout pénal pour lesquels seul un cadre de plus en plus répressif est de nature à mettre fin à la criminalité organisée et à réguler les comportements en détention.
Mettre fin aux "trafics en prison", soi-disant l'ambition première de cet article, ne passera certainement pas par une menace d'aggravation de la peine. Loin d’isoler les trafiquants, les établissements pénitentiaires, dont les maisons d'arrêt, sont des plaques tournantes du trafic de drogue. Nous pensons au contraire que c’est tout le système carcéral qu’il faut réformer. Cela passe aussi par donner aux détenus des réelles perspectives de réinsertion, à l’inverse de ce que fait le gouvernement depuis des années en étranglant par exemple les services pénitentiaires d'insertion et de probation.
Enfin, mettre fin à la criminalité organisée relèvera de la chimère tant que l'on ne s'attelera pas à mieux cibler le « haut du panier », à couper les flux financiers qui financent les entreprises criminelles. Ce qui nécessite de sortir d'une vision restrictive, manichéenne, et au fond profondément classiste de la criminalité organisée.