- Texte visé : Texte de la commission sur la proposition de loi de Mme Sophie Taillé-Polian et plusieurs de ses collègues visant à protéger les travailleuses et travailleurs du nettoyage en garantissant des horaires de jour (770)., n° 939-A0
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
I. – À la première phrase de l’alinéa 4, supprimer les mots :
« de l’activité économique ou ».
II. – En conséquence, à la dernière phrase du meme alinéa 4, substituer aux mots :
« termes du contrat »
les mots :
« seuls termes d’un contrat ».
III. – En conséquence, à la fin de la même dernière phrase du même alinéa 4, supprimer les mots :
« pour la seule nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique du sous‑traitant ».
IV. – En conséquence, à l’alinéa 5, supprimer les mots :
« de l’activité économique ou ».
Par cet amendement, les député.es de la France insoumise - NFP souhaitent renforcer la portée de l'interdiction du travail de nuit pour les salariés relevant de la branche professionnelle des entreprises de propreté et services associés que ce texte crée.
Cette proposition de loi va dans le bon sens. En proposant d'interdire le travail de nuit dans cette branche, elle reconnait les conséquences délétères de la généralisation des horaires "atypiques" sur ces salariés : 80% des postes sont occupés par des femmes, notamment âgées de cinquante ans et plus. Les personnes issues de l'immigration sont également surreprésentées dans ces métiers. Alors que cette part est de 12 % parmi les autres emplois relevant des professions ouvrières et employées, elle est de 24 % pour l’ensemble des agentes et agents d’entretien, un taux qui monte à 70% en Ile-de-France.
Ces conséquences sont multiples. Elles vont au-delà de l'invisibilisation sociale et du manque cruel de reconnaissance que subissent les concernés. Ces horaires "asociaux" fragmentent les relations personnelles, créent de l'isolement, rendent difficile voire impossibles les plages consacrées aux loisirs... Les conséquences sur la santé peuvent aussi être particulièrement graves, puisqu'un rythme de sommeil perturbé favorise les troubles de l’humeur et alimente une fatigue propice aux accidents du travail. Le travail de nuit augmente aussi la probabilité de cancer du sein et d'AVC.
Ces impacts du travail de nuit sur la santé sont d'autant plus graves qu'ils s'ajoutent à la pénibilité des conditions de travail spécificités au secteur. Selon une étude de la DARES de 2016, plus des 3/4 des salariés du nettoyage ont ressenti des douleurs (notamment au dos) au cours des 12 derniers mois contre un peu moins de 2/3 pour l’ensemble des salariés. Le caractère répétitif des tâches, auquel sont exposés 71% des salariés, est particulièrement prégnant, comme de manière général dans les métiers féminisés. Or, il s'agit d'un des facteurs principaux des troubles musculo squelettiques (Haut Conseil à l’égalité, 2020).
Comme pour tous les métiers féminisés, ces conséquences sur la santé et autres risques professionnels sont sous-évalués et donc peu pris en compte. Manutention manuelle de charges (source de 45% des accidents de travail dans le secteur), postures pénibles (qui exposent 52% de ces salariés), et agents chimiques dangereux (61% de ces salariés) sont d’ailleurs 3 des 4 facteurs de risque au travail supprimés par Emmanuel Macron en 2017.
Pour autant, la dérogation que prévoit le même article affaiblit considérablement la portée de l'interdiction du travail de nuit dans ce secteur, et pourrait même l'annuler. On comprend que des dérogations puissent être accordées à titre exceptionnel si la continuité de services d'utilité sociale en dépend, ces services étant essentiellement d'intérêt général. Pour autant, la "nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique" apparait bien trop large et ouvrirait la porte à tous les abus au nom de la poursuite des intérêts lucratifs d'entreprises privées. De même, si le texte prévoit que ces dérogations "doivent pouvoir être justifiées auprès de l'inspecteur du travail", il ne s'agit pas d'une garantie suffisante contre les abus. L'autorisation de ce dernier n'est en effet pas obligatoire, et la profession, dont les effectifs ont chuté de 16% entre 2015 et 2021, pourraient ne pas pouvoir absorber le flux de demandes.
Surtout, en l'état, cette dérogation revient à entériner le statu quo et rendrait donc l'interdiction ineffective, puisque le code du travail prévoit déjà que le recours au travail de nuit est exceptionnel, et qu'il ne peut être justifié que par l'un de ces deux motifs !
Nous proposons donc de ne rendre les dérogations possibles que lorsqu'elles répondent à la nécessité d'assurer la continuité des services d'utilité sociale.