- Texte visé : Texte de la commission sur le projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, de simplification de la vie économique (n°481 rectifié)., n° 1191-A0
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
- Code concerné : Code de commerce
L’article L. 430‑2 du code de commerce est complété par un V ainsi rédigé :
« V. – Par dérogation au I, peut être soumise aux dispositions des articles L. 430‑3 à L. 430‑10 toute opération de concentration, au sens de l’article L. 430‑1, pouvant être qualifiée d'acquisition prédatrice.
« Sont qualifiées d'acquisition prédatrice, les opérations au cours desquels un acteur dominant ou structurant du marché fait l’acquisition directe ou indirecte d’un acteur innovant ou stratégique afin de porter atteinte aux conditions normales d’exercice de la concurrence . »
Les acquisitions prédatrices par lesquelles des grandes entreprises prennent le contrôle d’entreprises émergentes, à un stade précoce de leur développement, en vue de les éliminer de la concurrence et consolider leur position sur le marché, se multiplient. Les secteurs très innovants, tels que le numérique, la pharmaceutique, les technologies médicales, etc. sont particulièrement ciblés. Parmi les exemples notable, on peut noter le rachat de Waze par Google en 2013, qui était un moyen par exemple de recueillir les données de déplacement émises par ses utilisateurs. Autre exemple, le rachat de Grail, une start-up française basée en Californie et spécialisée dans le dépistage du cancer, par Illumina , leader mondial du séquençage ADN.
Comme le relève le rapport sénatoriale de 2022 "Cinq plans pour reconstruire la souveraineté économique": "Ces acquisitions se réalisent à un prix très élevé - difficile à refuser pour les fondateurs de l'entreprise - mais aboutissent ensuite à l'abandon ou à l'intégration de l'activité de la cible. Pour l'acquéreur, l'objectif est de supprimer la contrainte concurrentielle accrue que représente ce compétiteur ou son produit innovant. Du point de vue du marché, il en résulte à la fois une perte de potentiel concurrentiel de la cible, et un manque à gagner pour le bien-être du consommateur (ainsi privé d'une pression à la baisse sur les prix du produit ou d'une innovation utile)."
Jusque-là les autorités nationales pouvaient recourir à l’article 22 du règlement européen sur les concentrations. Cette disposition permettait à une autorité nationale de concurrence de renvoyer à la Commission européenne l’examen d’une opération de concentration qui ne franchirait pas les seuils européens de notification, mais qui affecterait le commerce entre États membres et menacerait d’affecter de manière significative la concurrence sur le territoire du ou des États membres qui formulent cette demande.
Par son arrêt Illumina/Grail du 3 septembre 2024, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a précisé le cadre des renvois au titre de l’article 22 pour des opérations qui ne franchissent pas les seuils de notification au niveau national, en indiquant que la Commission pouvait accepter de telles demandes de renvoi uniquement dans les cas où les autorités nationales de concurrence sont elles-mêmes compétentes en vertu de leur droit national.
En conséquence, l’Autorité de la concurrence a ouvert une consultation publique jusqu’au 16 février 2025 sur les modalités d’introduction d’un système de contrôle des concentrations susceptibles de porter atteinte à la concurrence et ne franchissant pas les seuils de notification en vigueur.
Cet amendement propose donc de modifier le cadre national du contrôle de la concurrence pour permettre à l’Autorité de la concurrence de se saisir des opérations de concentrations, particulièrement sensibles, et sous les seuils des notifications actuels, qui concernent des secteurs stratégiques et innovants.