- Texte visé : Projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024, n° 1285
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport retraçant les aides publiques intégrées dans la norme fiscale ou déclassées chaque année entre 2017 et 2024.
Ce rapport détaille, pour chaque dispositif concerné : le coût annuel pour les finances publiques, les bénéficiaires principaux et une évaluation de l’efficacité économique, sociale et environnementale. Il précise également les critères et motifs ayant conduit au déclassement ou à l’entrée dans la norme.
Par cet amendement, les députés du groupe LFI–NFP demandent la réalisation d’un rapport d’évaluation sur une zone grise du budget de l’État, devenue l’arme préférée du gouvernement pour dissimuler les aides publiques massives aux grandes entreprises : les mesures dites « déclassées » ou « passées dans la norme fiscale ».
Derrière ces termes techniques se cache une opération politique claire : faire disparaître des radars parlementaires et minorer artificiellement des dizaines de milliards d’euros de soutien public au capital privé, en les transformant comptablement en dépenses « normales », et donc non évaluées, non discutées, non soumises au vote, ni même à un suivi sérieux.
Le cas du CICE est emblématique : d’abord présenté comme temporaire, il a été pérennisé par des exonérations de cotisations en 2019. Résultat : une mesure à 20 milliards d’euros par an sort du champ des dépenses fiscales, mais reste intégralement supportée par le budget de l’État, sans conditionnalité ni évaluation.
Ce tour de passe-passe n’est pas isolé. Depuis 2017, plusieurs dizaines de dispositifs ont été intégrés dans la norme ou déclassés, pour un coût estimé à plus de 50 milliards d’euros par an. Ces mesures échappent désormais à toute exigence de justification, alors même qu’elles représentent un tiers des aides publiques aux entreprises.
Cette politique n’est rien d’autre qu’une fiscalisation invisible des aides au capital, au détriment de la transparence démocratique et de l’équilibre budgétaire. Le gouvernement organise une austérité brutale contre les services publics tout en poursuivant le financement sans condition d’un capitalisme subventionné, désormais hors du champ de contrôle parlementaire.
À l’heure où la dépense publique est scrutée à l’euro près pour justifier des coupes drastiques dans les services essentiels, il est inadmissible que des dizaines de milliards d’euros d’aides aux entreprises échappent à tout suivi sérieux, par simple effet de bascule dans la norme. Le Parlement doit pouvoir exercer son droit de regard et d’évaluation, pour poser la question centrale : ces aides sont-elles utiles à l’intérêt général ou servent-elles des intérêts privés sans contrepartie ?
Il faut mettre un terme à cette politique de redistribution à rebours, qui profite aux plus puissants et fragilise les plus vulnérables.