- Texte visé : Proposition de loi visant à instaurer une participation des détenus aux frais d'incarcération, n° 1409
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Rédiger ainsi le titre de la proposition :
« visant à fragiliser les politiques de lutte contre la récidive en extorquant les personnes détenues et leur famille d’une partie des maigres ressources dont elles disposent ».
Par cet amendement, le groupe LFI-NFP souhaite relever l’indécence de la proposition de loi étudiée qui cible les populations les plus économiquement vulnérables.
L'Observatoire international des prisons rappelle qu'une personne sans domicile a 8 fois plus de risque d’être condamnée à de la prison ferme que tout à chacun. Un rapport d’enquête publié par Emmaüs-France et le Secours catholique en 2022 a montré que, qu’elles soient ou non précaires à l’entrée en détention, la prison appauvrit les personnes qui passent entre ses murs : si 45 % des personnes interrogées estimaient être en situation de pauvreté avant leur incarcération, cette proportion s’élève à 70 % au cours de la détention.
80% des détenus ont un niveau inférieur au baccalauréat ; 10% sont en situation d’illettrisme. Au total, huit hommes détenus sur dix et plus de sept femmes sur dix présentent au moins un trouble psychiatrique, la grande majorité en cumulant plusieurs et des dépendances.
L'incarcération est le résultat d'un processus de désaffiliation par lesquels les personnes sont éloignées des systèmes sociaux, les étrangers et personnes sans domicile fixe étant surreprésentés, car identifiés et ciblés comme individus déviants.
Seules 30 % des personnes détenues ont aujourd’hui accès à une activité rémunérée en prison dont 10 à 15% travaillant pour le secteur privé. Ces personnes sont soumises à un régime dérogatoire au droit du travail qui les maintient dans la précarité : en moyenne, l’activité est rémunérée entre 25 % et 45 % du SMIC, près d’1/4 de la population carcérale dispose de moins de 60 euros par mois. 16 % n’ont aucune ressource, car ne répondant pas (encore) aux critères d’octroi de l’aide d’indigence. La consommation des produits de cantine est ainsi rendue peu accessible compte tenu de son coût exorbitant. Dans son avis du 3 décembre 2024 relatif à l'accès au téléphone dans les établissements pénitentiaires, le contrôleur général des lieux de privation de liberté dénonce des prix prohibitifs à même de fragiliser le maintien des liens familiaux, et donc remettre en cause les politiques d’insertion et de lutte contre la récidive.
La prison ne frappe pas que les individus. Elle touche aussi les familles qui les assistent lorsque le lien familial n'est pas déjà rompu par l'incarcération. Les mères, les tantes, les nièces, les filles, les femmes d'une manière générale portent la charge mentale d'assister l'homme de la famille incarcéré (rappelons que 96,6% des détenus sont des hommes, selon l'OIP) sans revenu en multipliant les visites tout en s’occupant des enfants au sein du foyer.
Dans ce contexte, imposer des frais d’incarcération aux détenus revient à prononcer une punition collective qui aura des conséquences manifestes sur les conditions matérielles d’existence des familles des personnes détenues.