- Texte visé : Projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la refondation de Mayotte, n° 1470
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Compléter la seconde phrase de l’alinéa 3 par les mots :
« qui subissent des années de délaissement de l’État français ».
Par cet amendement, les députés du groupe LFI-NFP souhaitent rappeler la responsabilité des gouvernements successifs, tant dans la catastrophe sociale dans laquelle Mayotte est plongée depuis des décennies, que dans l’impréparation de ce territoire face aux aléas climatiques, tels que le cyclone Chido.
Le Gouvernement rappelle à juste titre que les Mahorais vivaient déjà dans des conditions très difficiles avant l’arrivée, successivement, du cyclone Chido puis de la tempête tropicale Dikeledi. Ce constat semble pour autant occulter 2 faits principaux.
Tout d’abord, les circonstances économiques et sociales dans lesquelles vivent les Mahorais sont intrinsèquement dues au délaissement de l’État français, qui traite ce territoire comme une annexe lointaine de la République. Depuis de longues années, les Mahorais sont asphyxiés par la vie chère : les produits alimentaires coûtent par exemple 30 % de plus qu’en France hexagonale. Se soigner revient à 16,9 % plus cher, et les communications sont facturées 11,9 % de plus. Plus généralement, l’Insee soulignait en 2022 que « pour consommer comme un ménage moyen de France métropolitaine, il faut dépenser (…) 18 % de plus à Mayotte ». La même étude révèle, que depuis 2015, les écarts de prix entre les départements d’outre-mer et l'hexagone se sont accrus, en particulier à Mayotte et en Guadeloupe, où l’augmentation atteint +3 points dans chacun des deux territoires. À côté de ces prix insupportables pour la majorité des habitants, les indicateurs sociaux dressent un tableau alarmant : 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté — soit cinq fois plus que dans l’Hexagone. Le taux de chômage y atteint 37 %. En 2018, l’Insee indiquait que la moitié des Mahorais vivait avec moins de 260 euros par mois. Autant de chiffres qui mettent en exergue une réalité insoutenable. Cette situation n’est pas le fruit d’un hasard géographique, mais bien d’une politique structurelle de désengagement de l’État, qui a laissé ce territoire en marge de la République. C'est d'ailleurs ce qu'affirmait un rapport inter-ministériel de 2022 qui a décrit la situation de Mayotte comme étant la cause "d'une faillite généralisée" de l'Etat.
En parallèle, le Gouvernement semble vouloir faire croire que le cyclone Chido serait le fruit du hasard, alors même que le réchauffement climatique en est une cause directe. Si les phénomènes météorologiques extrêmes comme les cyclones gagnent en intensité et en fréquence, c’est précisément à cause du dérèglement climatique, auquel la France, comme les autres grandes puissances industrielles, contribue largement. Faire abstraction de cette réalité, c’est refuser d’assumer une responsabilité à la fois environnementale et politique. Et c’est surtout abandonner les territoires les plus vulnérables, comme Mayotte, aux premières lignes de ces bouleversements.