- Texte visé : Texte de la commission sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie (n°463)., n° 1522-A0
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
I. – Un moratoire est instauré sur les travaux de création du centre de stockage en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue Cigéo prévu à l’article L. 542‑10‑1 du code l’environnement.
II. – Le moratoire prévu au I du présent article est instauré pour une durée de 10 ans à compter de la publication de la présente loi.
Par cet amendement, le groupe LFI-NFP propose un moratoire sur le projet de construction du projet d’enfouissement des déchets radioactifs de moyenne et de haute activité à vie longue dans un centre de stockage en couche géologique, dit Cigéo.
Cigéo est la conséquence inéluctable des choix qui ont été faits par les différents gouvernement successifs en matière d’énergie. La question des déchets radioactifs est la conséquence directe de la volonté du tout nucléaire, elle est fondamentalement problématique puisque nous avons sciemment créé des matières hautement dangereuses pour le vivant si elles ne sont pas contrôlées.
Or, concernant certaines de ces matières, en particulier les déchets à haute activité, qui ont une vie radioactive estimée à près de 100 000 ans, nous ne serons jamais certains de ce qu'il pourra arriver. Le pari de stocker ces déchets hautement dangereux sous terre en espérant que le jour où la radioactivité toxique aura transpercé toutes les matières, atteignant ainsi la surface, sera négligeable, est dangereux et ne donne aucune garantie de sécurité pour les générations futures. Personne n’est en capacité de garantir que la radioactivité sera faible au moment elle atteindra la surface. De plus, personne n’est en capacité de garantir qu'en l'espace de plusieurs centaines ou milliers d'années, la typologie géologique du sol de Bure n'aura pas changé. L'autorité environnementale a à ce titre mis en garde sur la présence préoccupante d'un "fossé tectonique" à proximité. Aucune certitude n’existe. Le Conseil constitutionnel a quant à lui relevé qu’« au regard de la dangerosité et de la durée de vie de ces déchets », le stockage de déchets radioactifs dans une installation souterraine serait « susceptible de porter une atteinte grave et durable à l’environnement ». Les risques d’incendies sont réels selon l’ancien Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), bras technique du gendarme de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) : une explosion “pourrait entraîner une perte de confinement” a admis l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). Des infiltrations d’eau et des fuites radioactives ne sont pas à exclure sur le long terme.
Par ailleurs, la filière est toujours incapable de traiter tous les déchets radioactifs. La loi prévoit pourtant un enfouissement réversible à Bure, mais le projet prévu prévoit un stockage définitif, rendant de fait impossible le retrait d’un colis radioactif à terme. Le débat organisé en 2005 par les pouvoirs publics avait mis en avant la nécessité d’étudier correctement les alternatives. Ce débat avait mis en évidence les difficultés de la réversibilité dans un projet d’enfouissement en grande profondeur et avait fait émerger des propositions alternatives pouvant garantir cette réversibilité. Toutes ces conclusions ont malheureusement été rayées d’un trait de plume par la loi du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs.
La puissance publique n’a d’ailleurs pas hésité à utiliser ses outils de répression policière et judiciaire contre les citoyens qui contestent le projet. Ces méthodes de passage en force pour ces chantiers structurants et aussi dangereux pour l’environnement sont malheureusement de plus en plus fréquentes, en témoigne le politique du gouvernement sur l’A69.
De plus, la Cour des comptes, dans un rapport sur les comptes de gestion de l’Andra datant du 4 juin 2025, estime que les « ressources destinées à Cigéo ne sont pour l’instant pas garanties dans la durée ». En effet, en janvier 2016, le coût du projet est officiellement arrêté à 25 milliards d’euros. Aujourd’hui, le coût est estimé entre 26,1 et 37,5 milliards d’euros d’après l’Andra, mais la facture pourrait monter à terme à près de 45 milliards d’euros en ajoutant les provisions couvrant les risques et les aléas de construction.
Pourtant, le groupe LFI-NFP affirme que d’autres solutions sont possibles : le stockage les déchets en subsurface en attente de trouver une solution à leur traitement, le maintien du contrôle de ces déchets, et la planification de la sortie de l’énergie nucléaire pour cesser la production de déchets radioactifs. Il faut arrêter le retraitement et stocker les combustibles usés à sec, ce qui permettra le cas échéant une prise en charge future en cas d’évolution technologique.
Pour toutes ces raisons, et afin de réellement prendre en compte les alternatives tout comme les inquiétudes du public, il convient d’instaurer un moratoire de 10 ans sur le projet d’enfouissement des déchets radioactifs de moyenne et de haute activité à vie longue dans un centre de stockage en couche géologique, autrement appelé Cigéo.