- Texte visé : Texte de la commission sur le projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la refondation de Mayotte (n°1470)., n° 1573-A0
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Le premier alinéa de l’article L. 441‑8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le mot : « n’autorisent’ est remplacé par le mot : « autorisent » ;
2° Le mot : « que » est supprimé ;
3° Sont ajoutés les mots : « et l’ensemble du territoire de la république à l’exception des autres collectivités relevant des articles 73 et 74 de la Constitution ».
Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à préciser que le titre de séjour délivré à Mayotte est valable sur l’ensemble du territoire national, à l’exception des autres collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution.
Cette exception repose sur des considérations économiques et sociales majeures. Les collectivités ultramarines font en effet face à des vulnérabilités structurelles particulièrement aiguës, qui justifient de les soustraire à l’application automatique de ce titre de séjour.
Les territoires d’outre-mer comme la Guadeloupe, la Martinique, La Réunion et la Guyane, ainsi que les collectivités territoriales régies par l’article 74 comme Saint-Martin ou Saint-Pierre-et-Miquelon, présentent des fragilités structurelles prononcées. Ces territoires affichent des taux de pauvreté bien supérieurs à ceux de la France hexagonale. En Guadeloupe et en Martinique, plus de 30 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Ce taux atteint 37 % à La Réunion, et avoisine les 55 % en Guyane. Dans ces départements, les inégalités sont fortes et les opportunités économiques limitées, ce qui exacerbe les tensions sociales et rend plus complexe toute politique d’accueil ou d’insertion de populations nouvelles.
Le marché du travail ultramarin est par ailleurs structurellement dégradé. Le chômage y reste à des niveaux très élevés, notamment chez les jeunes. En Guyane, il touche environ 20 % de la population active. À La Réunion et dans les Antilles, il oscille entre 13 et 18 %, avec des niveaux bien plus élevées pour les moins de 25 ans. Ces difficultés entravent l’insertion sociale durable et compromettent les trajectoires de nombreuses familles déjà résidentes.
Cette pression se fait d’autant plus sentir que les infrastructures sociales, éducatives et sanitaires sont sous-dimensionnées par rapport aux besoins. Les hôpitaux ultramarins souffrent d’un sous-investissement chronique, d’un manque de personnel et d’un accès difficile aux soins spécialisés. Les établissements scolaires doivent faire face à une démographie encore dynamique et à des problématiques spécifiques comme la maîtrise du français chez les élèves ou l’éloignement géographique. Le parc de logement social reste très insuffisant, et les tensions foncières freinent les capacités de construction. Dans ces conditions, toute politique qui viendrait accentuer la pression démographique locale, sans accompagnement spécifique, mettrait en péril les politiques publiques déjà à l’œuvre et compromettrait les objectifs de rattrapage social.
Enfin, les collectivités d’outre-mer relèvent de régimes juridiques particuliers qui leur reconnaissent une capacité à adapter localement les normes nationales, dans le respect des principes constitutionnels. Cette autonomie vise justement à permettre une meilleure adéquation des politiques publiques aux contraintes propres à chaque territoire. En excluant ces collectivités du champ de validité automatique de la carte de résident délivrée à Mayotte, l’amendement ne remet pas en cause l’unité de la République, mais prend acte de la diversité de ses réalités territoriales et de la nécessité de préserver des équilibres sociaux fragiles.
Il s’agit donc d’un choix de prudence et de cohérence, qui permet de concilier le respect des droits des titulaires de titres de séjour avec la préservation de la stabilité sociale dans les collectivités d’outre-mer. En reconnaissant explicitement les limites d’accueil de ces territoires, le présent amendement propose une réponse équilibrée à une situation complexe, dans le respect du principe d’égalité territoriale adapté aux réalités concrètes de chacun.