- Texte visé : Texte de la commission sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant création d'un statut de l'élu local (n°136)., n° 1603-A0 rectifié
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Supprimer cet article.
Par cet amendement, les députés du groupe LFI–NFP visent à supprimer les dispositions tendant à restreindre le champ d’application de la prise illégale d’intérêts.
Premièrement, cette modification ne s’appliquerait pas uniquement aux élus locaux. Il est essentiel de rappeler que l’amendement introduit une évolution qui concerne l’ensemble des agents publics, toutes fonctions et niveaux confondus. À ce titre, comme le relèvent les associations Anticor, Transparency International France et Sherpa, « si le but est de clarifier les règles pour les élus locaux, il serait plus approprié d’intervenir sur le fondement de l’article L. 1111-6 du code général des collectivités territoriales ». Or, la modification proposée entraîne un allègement généralisé et sans précédent de la responsabilité de l’ensemble des agents publics, avec des effets de bord potentiellement considérables et difficilement mesurables.
Deuxièmement, l’infraction deviendrait extrêmement difficile à caractériser. En remplaçant la formule actuelle « un intérêt de nature à compromettre » par « un intérêt compromettant l’impartialité », le texte substitue un critère subjectif à un critère objectif, pourtant central à la prévention des conflits d’intérêts. Cette évolution représente un net recul en matière de transparence. Comme l’indique la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique dans son Guide déontologique (II, p. 21), il suffit, conformément à la théorie des apparences, qu’un doute raisonnable puisse naître sur l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction publique pour qu’un conflit d’intérêts soit caractérisé. Le droit actuel sanctionne la possibilité d’une interférence, et non son intention ou son effet. Exiger une compromission effective revient à vider la norme de sa substance.
Enfin, cet article supprime le conflit d'intérêt "public-public". Si l’existence du conflit d’intérêt public-public est une singularité française, le seul constat de cette particularité ne saurait, à lui seul, justifier une modification des textes actuels pour en affaiblir la portée. La définition même de l’« intérêt public » reste floue, et les chevauchements entre intérêts publics et privés abondent : sociétés d’économie mixte, partenariats public-privé, services publics confiés à des acteurs privés, etc. Une acception trop large du terme « public » pourrait ainsi neutraliser en partie l’infraction.