- Texte visé : Proposition de loi visant au rétablissement du délit de séjour irrégulier, n° 1839
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Au titre, substituer aux mots :
« au rétablissement du délit de séjour irrégulier »,
les mots :
« à renforcer le harcèlement institutionnel des personnes d’origine étrangère ».
Par cet amendement, les député.es du groupe LFI dénoncent le dispositif prévu par la présente proposition de loi, qui ne vise qu'à répondre aux obsessions de l'extrême-droite et notamment celles qui associent l'immigration à la délinquance.
Or, aucune étude sérieuse ne démontre qu'il existe un lien de causalité entre les deux, que ce soit en France, ou ailleurs dans le monde. Selon la Cimade, en France, s’il y a bien une surreprésentation des personnes étrangères condamnées et des personnes étrangères incarcérées (1/4 de la population détenue) au regard de leur nombre au sein de la population française, cela est avant tout le résultat de plusieurs biais.
Tout d'abord, les personnes immigrées sont victimes de traitements discriminatoires (contrôles au faciès et donc sur-interpellations, traitements plus sévères…), ce qui aboutit à une sur-incarcération de cette population. En effet, selon la chercheuse Virginie Gautron, pour un même délit commis par un étranger ou par un prévenu de nationalité française, le 1er a 3 fois plus de risque d’être jugé en comparution immédiate, 5 fois plus de risques d’être placé en détention provisoire et 8 fois plus de risques d’être condamné à de la prison ferme.
Par ailleurs, certaines infractions qui donnent presque systématiquement lieu à des condamnations, ne peuvent être commises que par des personnes étrangères (par exemple, le délit de séjour irrégulier s'il était rétabli).
Enfin, la délinquance des immigré.es s'explique en grande partie par les inégalités socio-économiques et territoriales, qui sont les plus recherchées et réprimées. Les dernières lois de surenchère pénale d'un Darmanin ou d'un Retailleau l'ont bien montré.
Ce lien de causalité n'est pas plus démontré ailleurs dans le monde. Une étude menée par les chercheurs Olivier Marie et Paolo Pinotti ("Immigration and Crime: An International Perspective", 2024), qui analysait différentes données relatives aux flux migratoires et les taux de criminalité dans 216 régions de 23 pays européens l'a montré : il n'y a aucun lien significatif entre immigration et criminalité. Et ce, même dans les régions où l'immigration est importante.
Ainsi, le rétablissement du délit de séjour irrégulier n'est qu'une mesure de stigmatisation supplémentaire des personnes en situation irrégulière - d'autant plus qu'elles le sont souvent en raison des manquements de l'administration - qui entravera de façon bien réelle leur parcours d'intégration. Il privera notamment de toute perspective future de régularisation toute personne reconnue coupable de ce délit, y compris si la peine d'interdiction de territoire français n'est pas prononcée.