- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2026, n° 1906
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Après le deuxième alinéa du I de l’article 209‑0 B du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’option mentionnée au premier alinéa est valable dans la limite de 100 millions d’euros par entreprise ou par groupe d’entreprises. Pour les bénéfices au-delà de ce seuil, le régime général relatif à l’impôt sur les sociétés défini à l’article 219 du présent code s’applique. »
À travers cet amendement de repli, la France Insoumise propose de limiter l’avantage fiscal de la taxe sur le tonnage pour le transport maritime de marchandise à 100 millions d’euros. Au-delà, les entreprises seront imposables sur le barème de l’impôt sur les sociétés, comme le sont les autres entreprises.
Cette niche fiscale coûteuse et injuste n'a aujourd’hui qu'une seule fonction : celle de permettre aux grandes entreprises maritimes, et en particulier CMA-CGM, de se soustraire au financement de la solidarité nationale, afin de les supplier de ne pas s’exiler fiscalement.
Cette « taxe tonnage », qui n’est rien de moins qu’une dépense fiscale déguisée, permet de calculer l’assiette de l’impôt sur les sociétés, non à partir des bénéfices réels réalisés, mais en fonction du tonnage de la flotte. Au lieu d’être soumis à l’IS, les entreprises de ce secteur, au nombre de 57, peuvent s’acquitter d’une taxe de 24 centimes d’euros par tonne de marchandise convoyée. 24 centimes, par tonne. Pour illustrer le caractère absurde d’une taxation aussi faible, rappelons que la tonne de CO2 se négocie à 77 euros, soit 320 fois plus !
À l’heure où le Gouvernement présente un projet de budget austéritaire, cette niche fiscale représente un coût insupportable pour les finances publiques de l’État : 5,76 milliards d’euros de manque à gagner en 2024. C’est prtaiquement l’équivalent du ministère de l’Agriculture qui n’est pas alloué à la bifurcation écologique ou à nos services publics essentiels.
Plus scandaleux encore, une grande partie de cette exonération fiscale bénéficie seulement à un groupe, l’entreprise CMA-CGM, qui a pu économiser 615 millions d’euros. Encore s'agissait-il d'une "mauvaise" année pour la multinationale : en 2023, la CMA-CGM a payé 180 millions d’euros en s’acquittant de la taxe tonnage. Si elle avait été soumise à l’impôt sur les sociétés fondé sur son bénéfice en 2022, elle aurait versé 5,61 milliards de plus à l’État ! En d'autres termes, cette niche a permis à une seule entreprise d'empocher l'équivalent du budget des ministère de la Culture et de la Jeunesse et des Sports réunis ! Ce cadeau fiscal est d’autant plus aberrant au regard des bénéfices record de ce groupe : plus de 14 milliards de profit net en 2024, soit parmi les bénéfices les plus importants de l’ensemble des entreprises du CAC 40.
Cette situation est inacceptable : il s’agit, ni plus ni moins, d’un gavage d’argent public au profit d’une seule entreprise, qui plus est une multinationale parmi les plus profitables d’Europe ! Comment le contribuable peut-il accepter de payer l'impôt pendant qu’une grande entreprise comme CMA-CGM profite du système fiscal pour remplir ses poches au détriment de la solidarité nationale ?
C’est pourquoi nous proposons en repli de plafonner le bénéfice de cette niche fiscale à 100 millions d’euros maximum. Cette disposition est de nature à éviter qu’une seule multinationale, ou groupe restreint d’entreprises, puissent profiter de cette niche et leur permettre une optimisation fiscale de plusieurs centaines de millions d’euros. Dans le fond, il ne s’agit que de restaurer l’égalité devant l’impôt bafouée par cette niche fiscale au service de quelques privilégiés.
En parallèle, nous invitons le gouvernement à modifier la loi pour mettre un terme à la possibilité des entreprises de dépavillonner par simple démarche administrative. La France n’a pas à se soumettre aux caprices de quelques pirates fiscaux.