- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2026, n° 1906
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Après le chapitre II bis du titre IV de la première partie du livre premier du code général des impôts, il est inséré un chapitre II ter ainsi rédigé :
« Chapitre II ter – Impôt minimum sur les très hauts patrimoines
« Art. 983 A. – I. Il est institué un impôt minimum sur les très hauts patrimoines du par :
« 1° Les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France dont le patrimoine net global, défini à l’article 983 B, excède 10 millions d’euros au 1er janvier de l’année d’imposition ;
« 2° Les personnes physiques n’ayant pas leur domicile fiscal en France, sur leurs biens situés en France lorsque leur valeur excède 10 millions d’euros.
« Les personnes physiques mentionnées au 1° qui n’ont pas été fiscalement domiciliées en France au cours des cinq années civiles précédant celle au cours de laquelle elles ont leur domicile fiscal en France ne sont imposables qu’au titre de leurs biens situés en France. Cette disposition s’applique jusqu’au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de l’établissement du domicile fiscal en France.
« Les contribuables fiscalement domiciliés en France pendant au moins six des dix années précédant le transfert de leur domicile fiscal hors de France sont imposables, lors de ce transfert, à l’impôt minimum sur les très hauts patrimoines à un tarif égal à dix fois celui prévu au II. Le paiement de cette contribution peut être échelonné, sur demande du contribuable et avec l’accord de l’administration fiscale, dans un délai n’excédant pas dix ans à compter du transfert de résidence fiscale.
« II. – L’impôt est égal à la différence, si elle positive, entre :
« 1° 3 % du patrimoine financier net global, défini à l’article 983 B ;
« 2° Le montant résultant de la somme des impôts et contributions acquittés par le redevable pour l’année en cours, à l’exclusion des impositions relatives aux produits des biens, droits et valeurs imposables.
« Sont pris en compte pour le calcul du montant mentionné au 2° :
« a) L’impôt sur le revenu prévu à l’article 1A ;
« b) L’impôt sur la fortune immobilière prévu à l’article 964 ;
« c) La taxe foncière sur les propriétés bâties prévue à l’article 1380 ;
« d) La taxe foncière sur les propriétés non-bâties prévue à l’article 1393 ;
« e) La taxe d’habitation prévue à l’article 1407 ;
« f) Le prélèvement prévu à l’article 235 ter ;
« g) Les contributions prévues aux articles L. 136‑1, L. 136‑6 et L. 136‑7 du code de la sécurité sociale ;
« i) Les contributions prévues aux articles 15, 16, 17 et 18 de l’ordonnance n° 96‑50 du 24 janvier 1996 ;
« j) L’impôt prévue à l’article 223 sexies ;
« k) Les impôts équivalents acquittés à l’étranger.
« Art. 983 B. – Pour l’application de l’article 983 A, le patrimoine net est assis et les bases d’imposition sont déclarées selon les mêmes règles et sous les mêmes sanctions que les droits de mutation par décès, sous réserve des dispositions du présent article.
« Les exonérations prévues en matière de droits de mutation par décès ne s’appliquent pas à l’impôt minimum sur les très hauts patrimoines.
« L’assiette de l’impôt est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l’année d’imposition, de l’ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes mentionnées à l’article 983 A, ainsi qu’à leurs enfants mineurs dont elles ont l’administration légale, à l’exclusion des biens professionnels familiaux ou innovants définis aux articles 983 C et 983 D.
« Dans le cas de concubinage notoire, l’assiette de l’impôt est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l’année, de l’ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant à l’un et l’autre concubins et aux enfants mineurs mentionnés au quatrième alinéa.
« Les primes versées au titre des contrats d’assurance en cas de décès visés à l’article 757 B sont ajoutées au patrimoine de celui qui les a versées.
« La créance que le souscripteur détient sur l’assureur au titre de contrats autres que ceux mentionnés à l’article L. 132‑23 du code des assurances, qui ne comportent pas de possibilité de rachat pendant une période fixée par ces contrats, est ajoutée au patrimoine du souscripteur.
« Les biens ou droits transférés dans un patrimoine fiduciaire, ceux éventuellement acquis en remploi, ainsi que les fruits tirés de l’exploitation de ces biens ou droits, sont compris dans le patrimoine du constituant pour leur valeur vénale nette.
« Les biens ou droits placés dans un trust, défini à l’article 792‑0 bis, ainsi que les produits qui y sont capitalisés, sont compris dans le patrimoine du constituant ou dans celui du bénéficiaire réputé être un constituant en application du II du même article, pour leur valeur vénale nette au 1er janvier de l’année d’imposition.
« L’alinéa précédent ne s’applique pas aux trusts irrévocables dont les bénéficiaires exclusifs relèvent de l’article 795 ou sont des organismes de même nature relevant de l’article 795‑0 A, et dont l’administrateur est soumis à la loi d’un État ou d’un territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.
« L’article 754 B est applicable à l’impôt minimum sur les très hauts patrimoines.
« La valeur des biens est déterminée selon les règles en vigueur en matière de droits de mutation par décès.
« Les valeurs mobilières cotées sur un marché sont évaluées selon le dernier cours connu ou selon la moyenne des trente derniers cours précédant la date d’imposition.
« Les créances détenues, directement ou par l’intermédiaire d’une ou plusieurs sociétés interposées, par des personnes n’ayant pas leur domicile fiscal en France, sur une société à prépondérance immobilière mentionnée au 2° du I de l’article 726, ne sont pas déduites pour la détermination de la valeur des parts que ces personnes détiennent dans la société.
« Art. 983 C. – Les titres de capital d’entreprises, définis aux articles L. 212‑1 à L. 212‑5 du code monétaire et financier, sont considérés comme des biens professionnels familiaux pour les individus assujettis à l’impôt minimum sur les très hauts patrimoines, lorsqu’ils satisfont cumulativement aux conditions suivantes :
« 1° Les membres du foyer fiscal détiennent plus de 51 % des droits de vote et plus de 51 % des droits économiques ;
« 2° Les produits de l’entreprise sont composés de moins de 40 % de revenus passifs, incluant les dividendes, intérêts, plus-values d’investissements, loyers, droits d’auteur et redevances ;
« 3° Un des membres du foyer fiscal exerce une fonction de dirigeant actif dans l’entreprise, dans des conditions définies par décret.
« Art. 983 D. – Les titres de capital d’entreprises, définis aux articles L. 212‑1 à L. 212‑5 du code monétaire et financier, sont considérés comme des biens professionnels innovants pour les individus assujettis à l’impôt minimum sur les très hauts patrimoines, lorsqu’ils satisfont cumulativement aux conditions suivantes :
« 1° Les titres sont ceux de capital d’entreprises innovantes, définies à l’article 44 sexies-0 A ;
« 2° Par dérogation au 1° de l’article 44 sexies-0 A, les seuils d’effectifs, de chiffre d’affaires et de total de bilan sont ramenés respectivement à 1 000 employés, 750 millions d’euros et 150 millions d’euros. »
Le présent amendement propose d’instaurer un impôt minimum sur les très hauts patrimoines (IMTHP) afin de garantir une contribution équitable et effective des patrimoines les plus élevés à l’effort fiscal collectif. Cet impôt vise à corriger les insuffisances des dispositifs existants, notamment en matière de progressivité et de prise en compte des patrimoines financiers.
Le montant de l’impôt est calculé de manière différentielle : il correspond à 3 % du patrimoine net global, diminué du total des impôts et contributions déjà acquittés par le contribuable (impôt sur le revenu, impôt sur la fortune immobilière, taxes foncières, contributions sociales, etc.). Ce mécanisme évite toute double imposition et garantit que l’impôt ne pèse pas de manière excessive sur les contribuables concernés.
Pour prévenir les stratégies d’évasion fiscale, l’amendement prévoit des mesures spécifiques. Les contribuables qui transfèrent leur domicile fiscal hors de France après y avoir résidé pendant au moins six des dix dernières années resterons assujetties pendant 10 ans à l’IMTHP.
L’amendement prévoit deux exonérations ciblées pour l’impôt minimum sur les très hauts patrimoines, qui ne s'appliquent que sous des conditions strictement définies.
Concernant les biens professionnels familiaux, tels que décrits à l’article 983 C, l’exonération porte sur les titres de capital d’entreprises détenus par des contribuables. Pour en bénéficier, il est nécessaire que le foyer fiscal détienne plus de cinquante-et-un pour cent des droits de vote ainsi que plus de cinquante-et-un pour cent des droits économiques de l’entreprise. De plus, les revenus considérés comme passifs, tels que les dividendes, les loyers ou les plus-values, ne doivent pas excéder cinquante pour cent des produits totaux de l’entreprise. Enfin, un membre du foyer fiscal doit obligatoirement exercer une fonction de dirigeant actif, les modalités de cette implication étant précisées par un décret.
S’agissant des biens professionnels innovants, mentionnés à l’article 983 D, l’exonération s’applique aux titres de capital d’entreprises reconnues comme innovantes selon les critères établis par l’article 44 sexies-0 A du Code général des impôts. Cependant, les seuils ont été adaptés pour tenir compte des spécificités des très hauts patrimoines : ainsi, l’entreprise peut employer jusqu’à 1000 salariés, réaliser un chiffre d’affaires allant jusqu’à 750 millions d’euros, et avoir un total de bilan pouvant atteindre 150 millions d’euros, contre respectivement 250 salariés, 50 millions d’euros de chiffre d’affaires et 43 millions d’euros de bilan dans le cadre habituel.
Ces conditions précises assurent que seules les entreprises qui sont à la fois actives et effectivement contrôlées par les familles ou qui sont véritablement innovantes peuvent bénéficier de l’exonération. Cela permet d’éviter tout risque de détournement du dispositif et garantit que les exonérations ne s’appliquent qu’aux entreprises qui contribuent activement à l’économie.