- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2026, n° 1906
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des affaires sociales
- Mission visée : Solidarité, insertion et égalité des chances
Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :
| (en euros) | ||
| Programmes | + | - |
| Inclusion sociale et protection des personnes | 0 | 200 000 |
| Handicap et dépendance | 0 | 0 |
| Égalité entre les femmes et les hommes | 200 000 | 0 |
| TOTAUX | 200 000 | 200 000 |
| SOLDE | 0 | |
Cet amendement propose 200 000 € supplémentaires pour la lutte contre la traite des êtres humains, spécifiquement dédiés à la mise en place du mécanisme national d’identification, d’orientation et de protection des victimes de traite des êtres humains, dont la création a été actée dans le plan national de lutte contre la traite des êtres humains 2024‑2027
La France accuse aujourd’hui un retard préoccupant dans la mise en œuvre d’un mécanisme national d’identification, d’orientation et de protection des victimes de traite des êtres humains, pourtant prévu par la directive européenne de 2011 et réaffirmé dans la nouvelle directive européenne de 2024 : « (15) Afin de renforcer la capacité nationale à détecter et à identifier les victimes à un stade précoce et à les orienter vers les services de protection, d’assistance et d’aide adéquats, il est nécessaire de créer, par la voie de dispositions législatives, réglementaires ou administratives, un ou plusieurs mécanismes d’orientation dans les États membres. »
En l’absence d’un tel dispositif, les mineurs victimes de traite en France demeurent très largement invisibles. Cette situation contraste fortement avec d’autres pays européens, notamment le Royaume-Uni, qui dispose depuis 2009 d’un National Referral Mechanism (NRM) efficace et, depuis 2021, d’un mécanisme décentralisé pour les enfants, fondé sur une approche multi-acteurs locale (services sociaux, police, santé, justice).
Si l’enquête conduite annuellement par la Mission interministérielle de protection des femmes contre les violences et de lutte contre la traite des êtres humains (Miprof) vient de révéler qu’en 2024, les associations spécialisées ont identifiée plus de 7 000 victimes de traite ou d’exploitation d’êtres humains et en ont accompagnées individuellement 4 900, seulement 14 % des victimes étaient mineures. Pourtant, la même enquête révèle que 52 % des victimes majeures accompagnées avaient en fait été exploitées initialement en étant mineures. Parallèlement, selon les ministères de l’Intérieur et de la Justice, les services de sécurité ont enregistré, en 2024, 490 victimes mineures d’exploitation ou de traite des êtres humains, soit 23 % de l’ensemble des victimes de ces infractions. Depuis 2016, le nombre de victimes mineures enregistrées augmente largement plus rapidement (doublement) que celui des victimes majeures (multiplication par 1,5). Sur la période 2020‑20245, 38 % des victimes mineures de traite des êtres humains, notamment à des fins d’exploitation d’activité criminelle, et de proxénétisme ont moins de 14 ans.
Il ressort donc clairement des données fournies par l’État l’impérieuse nécessité de mettre en place les conditions d’un repérage et d’une identification précoces des enfants victimes de traite des êtres humains, afin de leur offrir une protection et une assistance adaptée, pour briser le cycle des violences.
Les recommandations du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies ainsi que celles de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) vont dans le même sens : la France doit se doter d’un dispositif clair et protecteur afin de garantir une détection précoce et une prise en charge adaptées. Les établissements scolaires et de santé, les services de protection de l’enfance, la PJJ et les associations doivent pouvoir signaler sans crainte les situations de traite d’enfants présumée à une structure spécialisée nationale, selon un protocole homogène.
Le plan national de lutte contre l’exploitation et la traite des êtres humains 2024‑2027 prévoit bien la création d’un tel mécanisme national d’identification, d’orientation et de protection (MNIOP), placé sous la coordination de la MIPROF. Cependant, cette dernière ne dispose d’aucuns moyens financiers dédiés, alors même que l’ensemble des mécanismes internationaux de suivi (GREVIO, GRETA, Conseil des droits de l’Homme de l’ONU) relèvent que cette absence de moyens autonomes constitue un frein majeur à la mise en œuvre effective de ses missions.
La création du MNIO nécessite un investissement initial estimé par la MIPROF à un minimum de 200 000 €, destiné au développement et à la sécurisation du dispositif informatique, à la formation des professionnels et à l’élaboration des outils de signalement et d’orientation. Ce premier financement permettrait à la MIPROF de répondre aux obligations européennes et internationales de la France, tout en renforçant la cohérence et la rapidité de la protection des victimes de traite.
Afin de se conformer à la LOLF, les crédits du programme 137 « Egalité entre les femmes et les hommes » sont augmentés de 200 000 euros (en AE et CP) et les crédits du programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » sont minorés de 200 000 euros (en AE et CP). Notre intention n’est pas de ponctionner un autre programme et nous appelons le Gouvernement à lever ce gage financier.
Cet amendement a été travaillé avec UNICEF France.