- Texte visé : Proposition de loi visant à protéger les mineurs isolés et à lutter contre le sans-abrisme, n° 2021 rectifié
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
- Code concerné : Code de l'action sociale et des familles
Le I de l’article L. 221‑2‑4 du code d’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il procède à sa scolarisation en application des articles L. 111‑1, L. 122‑1 et L. 131‑1 et L. 114‑1 du code de l’éducation. »
Cet amendement vise à garantir le droit à la scolarisation des mineurs non accompagnés, et à assurer que toute personne se présentant comme mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille puisse accéder à l'école de la République dès son arrivée sur le territoire français, et ce même s'il doit parallèlement faire reconnaître sa minorité dans le cadre d'une procédure de recours. Il met ainsi la France en conformité avec ses engagements internationaux et constitutionnels en matière de respect du droit fondamental à l’éducation, en rendant obligatoire et effective la scolarisation des mineurs non accompagnés dès l’accueil provisoire d’urgence et jusqu’à la décision définitive du juge sur leur minorité.
Malgré ses engagements internationaux, notamment la Convention internationale des droits de l'enfant ratifiée par la France en 1990, qui dispose en son article 28 que "Les Etats parties reconnaissent le droit de l'enfant à l'éducation, et en particulier, en vue d'assurer l'exercice de ce droit progressivement et sur la base de l'égalité des chances", le droit à la scolarisation des mineurs non accompagnés demeure gravement entravé par de nombreux obstacles administratifs, juridiques et par un manque de volonté politique. Ainsi dans son rapport du 3 octobre 2025, le comité des droits de l'enfant des Nations unies a demandé expressément à la France de garantir l’égalité d’accès à l’éducation de tous les enfants migrants non accompagnés, y compris ceux qui sont en train de contester leur refus de minorité, considérant qu’elle se rendait coupable de “violation grave et systématique” de plusieurs de leurs droits, y compris le droit l’éducation.
Le rapport Je suis venu ici pour apprendre: garantir le droit à l'éducation des mineurs non accompagnés publié par l'Unicef confirme que "rare sont les MNA qui se voient proposer, par les départements un accès à l’éducation durant la phase d’accueil et d’évaluation". La situation est encore plus critique pour les mineurs non accompagnés, qui se voient refuser leur minorité, et qui contestent ce refus auprès du juge des enfants. La plupart des services des rectorats refusent en effet d’évaluer leur niveau d’apprentissage alors que cette exigence ne repose sur aucun fondement légal. Ainsi des milliers de jeunes - présumés mineurs- au regard du droit international perdent entre six mois et trois ans de scolarité du seul fait des procédures administratives et judiciaires de reconnaissance de minorité et des délais d’accès à l’éducation. Cette attente qui correspond à entre 500 et 3000 heures de cours perdues, plonge les jeunes dans l’errance, et creuse des retard dans l’apprentissage des mineurs isolés. Cela entraine des conséquences sur leur santé mentale, mais impacte aussi leur insertion à plus long terme dans la société.
Pourtant, depuis la rentrée 2020, l’instruction est obligatoire jusqu’à 16 ans et la formation jusqu’à 18 ans conformément à l’article L. 114‑1 du Code de l’éducation. Le Conseil d’État, dans sa décision du 24 janvier 2022 (n° 432718), a rappelé avec force que la scolarisation des enfants étrangers, y compris ceux ayant dépassé l’âge de l’instruction obligatoire, ne saurait dépendre de la prise en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance ni des places disponibles dans les dispositifs d’insertion. La haute juridiction a en outre jugé que le simple doute sur l’âge d’un mineur non accompagné ne peut justifier un refus de scolarisation, confirmant ainsi que le droit à l’éducation doit primer sur toute considération administrative ou politique. Cette politique d’exclusion, contraire aux valeurs républicaines et aux engagements internationaux de notre pays, condamne chaque année des milliers d’enfants à l’errance, à la précarité et à la marginalisation, à laquelle nous souhaitons mettre un terme.
Cet amendement a été travaillé avec le Collectif #EcolePourTous, composé de jeunes premiers concernés par les discriminations dans l’accès à l’éducation, et notamment de jeunes mineurs non accompagnés.