XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Première séance du mercredi 12 février 2025

Sommaire détaillé
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Première séance du mercredi 12 février 2025

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quatorze heures.)

    1. Questions au gouvernement

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.

    Intelligence artificielle

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Latombe.

    M. Philippe Latombe

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    Le Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle doit permettre à la France et à l’Europe de se positionner sur la carte mondiale de cette technologie qui va révolutionner nos sociétés.
    À l’occasion de cet événement, la France a annoncé l’installation de trente-cinq nouveaux centres de données sur le territoire national, ainsi que celle d’un campus dédié, financé par un investissement émirati de 30 à 50 milliards d’euros.

    M. Éric Bothorel

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    Très bien !

    M. Philippe Latombe

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    Si cette montée en puissance est une bonne nouvelle, n’occultons pas les enjeux : quelles données seront stockées ? Qu’en ferons-nous ? Comment les protéger ?
    L’IA n’a rien à voir avec l’intelligence, au sens où nous l’entendons habituellement. Ce n’est qu’une technique, qui repose sur des algorithmes statistiques ou probabilistes qui doivent être nourris en permanence par un afflux considérable de données, grâce à un moteur suffisamment puissant pour les entraîner.
    Les données privées et publiques, françaises et européennes, ont une valeur importante, tant en qualité qu’en quantité. Si des acteurs souverains ne nous permettent pas de disposer d’un accès massif à ces données, nous continuerons à nous les faire voler ; nous n’en aurons pas la maîtrise et nous ne gagnerons pas la bataille de l’usage et de l’adoption, ni ne bénéficierons des avantages, notamment économiques et sociétaux, qui peuvent en découler.
    Comment notre pays peut-il devenir un acteur reconnu ? Il faut développer des IA françaises, adaptées à nos besoins et à nos valeurs, et orienter la commande publique vers des acteurs souverains, français et européens.
    Que prévoit la stratégie gouvernementale pour protéger les données publiques et privées stockées dans tous ces centres de données, et ainsi assurer notre souveraineté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique.

    Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique

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    Je vous remercie pour votre question. Le Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle, qui vient de se terminer, a été un moment de grande fierté pour notre pays. Plus d’un millier de représentants du monde entier se sont réunis ici, en France, pour parler d’intelligence artificielle et nous avons annoncé 109 milliards d’euros d’investissements pour accélérer le déploiement de l’IA dans notre pays.
    Vous m’interrogez sur la souveraineté des données. Elle est absolument cruciale. Je vous remercie de me donner l’occasion d’expliquer notre stratégie en matière de souveraineté numérique.
    Depuis 2021, avec l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, notre stratégie de sécurisation des données s’appuie notamment sur SecNumCloud, une certification ambitieuse –⁠ parmi les plus ambitieuses au niveau européen – qui nous permet de classifier les données et de nous assurer que les plus sensibles disposent du bon niveau de protection.
    Nous continuons à accompagner le développement des offres qui répondent à cette certification. L’été dernier, grâce au plan France 2030, nous avons lancé un appel à projets pour faire monter en compétence des acteurs comme OVHcloud ou Scaleway, qui développent les offres dont nous avons besoin.
    Nous continuons aussi à défendre notre position au niveau européen. Le contexte actuel est favorable à ce questionnement collectif : il est crucial de développer une certification européenne afin de garantir la sécurité des données européennes les plus sensibles.
    À l’occasion du Sommet, j’ai eu l’occasion d’échanger avec de nombreux homologues. Nous sommes tous convaincus qu’il faut continuer à soutenir cette stratégie, et nous le ferons. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Latombe.

    M. Philippe Latombe

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    J’appelle votre attention sur les données de santé, à très forte valeur ajoutée. Nous devons absolument en protéger la souveraineté, et vous devez vous attacher à ce que la Plateforme des données de santé bascule sur une solution de stockage souveraine. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    M. Philippe Vigier et M. Erwan Balanant

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    Très bien !

    Budget 2025

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Lenormand.

    M. Stéphane Lenormand

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    Le projet de loi de finances pour 2025 à peine adopté, chaque jour apporte son lot de surprises et d’incompréhensions, liées aux décisions de hauts fonctionnaires décorrélés du terrain.
    Nous avons d’abord subi l’abaissement du seuil de franchise de TVA à 25 000 euros de chiffre d’affaires annuel pour les autoentrepreneurs. Puis, 15 millions d’euros au profit des cancers pédiatriques ont disparu du budget –⁠ alors que c’était le cheval de bataille de notre ancienne collègue, Béatrice Descamps.
    La hausse de la taxe sur les billets d’avion notamment pour les vols partant et à destination des outre-mer et de la Corse, qui entrera en vigueur le 1er mars, nous laisse également perplexes.
    Enfin, près de 2 100 collectivités seront désormais concernées par la contribution au redressement des finances publiques, contre 450 dans la première version du budget, avec une participation du bloc communal à hauteur de 500 millions d’euros.
    Allons-nous encore découvrir de nouvelles surprises dans les prochains jours ? Les revirements, qui succèdent aux suspensions et aux volte-face, ont de multiples conséquences : l’incompréhension et la colère des Français concernés, mais aussi des élus, régulièrement interpellés ; une trajectoire budgétaire qui peut paraître incontrôlée ; un manque de visibilité pour les acteurs économiques et les collectivités qui doivent établir leurs budgets ; une image peu flatteuse du gouvernement qui rejaillit sur l’ensemble des parlementaires.
    Quelles en sont les causes ? Nous les connaissons : les trois derniers budgets adoptés par 49.3 ; l’absence de concertation avec les corps intermédiaires ; l’opacité des commissions mixtes paritaires, les accords pouvant donner l’impression d’avoir été négociés dans l’arrière-boutique ; des missions budgétaires non examinées en séance publique, comme la mission Outre-mer.
    Monsieur le premier ministre, bien sûr, le contexte a rendu d’élaboration de ce budget complexe, mais cela n’explique pas tout. La méthode de construction de votre budget demeure archaïque, poussiéreuse et inefficace.
    N’est-il pas temps d’en changer pour être à la hauteur de la démocratie française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. –⁠ Mme Marie Pochon et M. Elie Califer applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.

    M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique

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    Vous avez raison : les conditions d’adoption de ce budget sont inédites, puisqu’une motion de censure a été adoptée pendant sa discussion, empêchant son adoption. Notre gouvernement a donc repris un texte qui était non le sien, mais celui proposé et adopté au Sénat.
    Ainsi, sur la TVA, que vous évoquez, l’amendement a été adopté au Sénat par 228 voix contre 14. Des inquiétudes sont ensuite apparues, et nous allons essayer d’y répondre.
    Vous m’avez également interpellé sur la taxe sur les billets d’avion, notamment à destination des outre-mer. Remettons les choses à leur place : il s’agit de 7 euros par billet. En outre, nous étudions les possibles compensations, en tenant notamment compte des types de carburants utilisés.
    Vous avez raison d’estimer que les conditions d’adoption des budgets sont complètement archaïques. Nous ne pouvons continuer dans cette forme d’improvisation –⁠ j’avoue humblement avoir découvert certains problèmes après l’adoption des dispositions.

    M. Manuel Bompard

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    Mais c’est vous qui utilisez le 49.3 !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    C’est pourquoi, si le budget est adopté tout à l’heure, je réunirai les membres du gouvernement dans les heures et jours qui viennent afin de réfléchir à une autre méthode, qui nous permette de nous projeter dans l’avenir.

    M. Manuel Bompard

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    Le débat parlementaire, c’est bien aussi !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Vous le savez, j’ai défendu à cette tribune la pluriannualité budgétaire, et l’importance de disposer de perspectives. Je le répète, je vous rejoins, nous n’avons pas utilisé la bonne méthode jusqu’à maintenant ; nous allons en trouver une meilleure. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et LIOT.)

    Droits de la défense

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou

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    La justice ne se divise pas. La justice n’a pas d’ennemis dans ses rangs. Il n’y a pas, d’un côté, ceux qui protègent et, de l’autre, ceux qui défendent. Il n’y a qu’une seule exigence : rendre une justice incontestable, efficace et rapide.
    Le groupe Horizons & Indépendants a toujours défendu une ligne claire : celle d’une institution judiciaire ferme, qui frappe juste et fort ceux qui menacent notre sécurité. Le narcotrafic, l’immigration illégale, la criminalité organisée, la délinquance violente –⁠ notamment des mineurs –, ces combats doivent être menés sans relâche, avec des moyens renforcés pour nos enquêteurs, nos policiers, nos magistrats.
    Mais cette fermeté ne peut reposer sur des raccourcis ; elle ne doit pas s’opposer au respect des droits de la défense. Au contraire, cette fermeté en a besoin : une condamnation n’est légitime que si elle est inattaquable. Une enquête bien menée, une instruction rigoureuse, un procès équitable : c’est ainsi que la justice se fait respecter.
    Une inquiétude monte : certains laissent entendre que les avocats abuseraient des recours, qu’ils exploiteraient les failles du droit pour bloquer les procédures, qu’ils compliqueraient le travail de toute la chaîne pénale.
    Mais défendre un justiciable, ce n’est pas entraver la justice, c’est garantir qu’elle se rende dans les règles. Une société où la défense deviendrait suspecte, où contester une procédure serait vu comme une manœuvre, c’est une société qui affaiblirait elle-même l’autorité de ses propres décisions judiciaires.
    Alors, comment garantir que l’indispensable efficacité, et fermeté, de la justice ne se traduise pas par une justice expéditive ? Comment s’assurer que, dans notre combat commun contre la délinquance et la criminalité, enquêteurs, policiers, avocats et juges puissent œuvrer ensemble pour une même cause –⁠ une justice crédible et respectée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. –⁠ M. Corentin Le Fur applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Comme garde des sceaux, je le répète, l’avocat ne se confond pas avec son client. S’en prendre aux avocats, les insulter, les menacer, comme cela a encore récemment été le cas…

    M. Antoine Léaument

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    Par l’extrême droite ?

    M. Gérald Darmanin, garde des sceaux

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    …tout comme s’en prendre à des magistrats, des policiers ou des gendarmes, est inacceptable en démocratie.
    À la suite des derniers incidents, j’ai apporté mon soutien immédiat à la présidente du Conseil national des barreaux. Je partage votre constat : certains confondent tout : avocat et client, cause et défense.
    Vous avez également raison d’affirmer que tous les métiers de la justice sont là pour faire respecter le droit, et avancer. Il faut résorber le délai d’audiencement, insupportable : 4 000 procès criminels sont en attente, pour diverses raisons de moyens ou d’organisation, mais aussi de créations législatives, et pas seulement de procédures liées aux droits de la défense.
    Pour autant, il faut aussi corriger certains abus de droit, sans toucher aux fondements du code de procédure pénale. Vous serez probablement d’accord pour dire qu’il n’est pas normal que l’on puisse faire plusieurs demandes de remise en liberté, alors que la première n’a toujours pas été étudiée. Certaines organisations, notamment sur les réseaux sociaux, se servent ainsi de la procédure pour organiser des demandes collectives de remises en liberté dans un même lieu de détention. (M. Antoine Léaument et Mme Karen Erodi s’exclament.)
    Il ne s’agit pas de revenir sur la légitimité d’une demande de remise en liberté formulée par un avocat pour son client, mais d’éviter des abus, qu’on pourrait presque qualifier de dénis de justice.
    C’est ce que nous devons corriger, avec le Parlement qui fait la loi, dans le respect de l’État de droit et des droits de la défense, mais aussi dans l’intérêt de la société. (Mme Danielle Brulebois, M. Christophe Marion et M. Jean Terlier applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou

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    Monsieur le ministre, vous nous trouverez à vos côtés dans ces combats. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    Un député du groupe RN

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    Quelle surprise !

    Soutien à la recherche et à l’industrie

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Emmanuel Maurel.

    M. Emmanuel Maurel

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    Au Sommet mondial sur l’intelligence artificielle, le président de la République a fait plusieurs annonces d’ampleur dont nous, parlementaires, aurions aimé débattre ici compte tenu de l’importance du sujet. Cela nous aurait permis de dire que l’enthousiasme technophile ne suffit pas à faire une politique, surtout quand il conduit à ignorer les risques et les dangers inhérents à certaines évolutions technologiques.

    M. Éric Bothorel

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    Vous n’aimez pas l’intelligence !

    Une députée du groupe EcoS

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    Nous ne l’aimons pas quand elle est artificielle !

    M. Emmanuel Maurel

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    Nous aurions aussi pu dire que l’ampleur des investissements étrangers annoncés remet en question notre souveraineté numérique. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. –⁠ Mme Mélanie Thomin et M. Guillaume Garot applaudissent aussi.)
    Le président a une propension, toujours recommencée, à s’attribuer les mérites des réussites françaises. Mais à quoi le développement de l’intelligence artificielle est-il dû ? D’abord à une électricité abondante et bon marché, mais aussi à la qualité de nos chercheurs et de nos ingénieurs. Or votre politique n’a servi ni l’une, ni les autres. On met en avant la recherche publique française et son excellence, mais vous n’avez eu de cesse de la dégrader et de la maltraiter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe EcoS. –⁠ M. Pierre Pribetich applaudit aussi.) J’en veux pour preuve le budget de la recherche et de l’enseignement supérieur, que vous avez diminué de 1 milliard d’euros, quand celui des investissements d’avenir du plan France 2030 l’a été de 2,5 milliards.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    C’était mieux quand vous étiez au pouvoir ?

    M. Emmanuel Maurel

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    Le discours du président sur l’intelligence artificielle est l’arbre qui cache la forêt. L’industrie française va mal : elle figure à l’avant-dernier rang européen quand on considère la part du secteur industriel dans le PIB. Nous sommes au même niveau que la Grèce ! (MM. François Cormier-Bouligeon et Éric Bothorel s’exclament.)
    Pendant que le président parade, les défaillances d’entreprise se multiplient, tout comme les plans sociaux dans les secteurs de l’automobile, de la métallurgie ou de la chimie, par exemple à Lubrizol –⁠ ce sont les conséquences de votre politique ! (Exclamations sur les bancs du groupe Dem. –⁠ Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et EcoS.) Monsieur le ministre de l’économie, que comptez-vous faire pour restaurer l’industrie française, alors que vous sacrifiez la recherche et… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. –⁠ Les députés du groupe GDR applaudissent ce dernier.)

    M. Philippe Vigier

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    Les fossoyeurs, c’est vous !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

    M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

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    Je partage votre préoccupation, mais pas votre pessimisme. La politique que nous menons vise à protéger notre industrie en suivant exactement la méthode que vous préconisez. Cette méthode consiste d’abord à sanctuariser le budget des universités et de la recherche –⁠ je me tourne vers mon collègue Philippe Baptiste –, qui a été augmenté de 300 millions d’euros. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

    Mme Marie Mesmeur

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    C’est faux !

    M. Éric Lombard, ministre

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    Nous avons aussi maintenu le crédit d’impôt recherche. L’enveloppe dévolue au plan France 2030 reste inchangée –⁠ les évolutions que vous avez évoquées sont dues à un lissage. Nous nous inscrivons dans les pas du rapport de Mario Draghi : l’économie de la connaissance doit se fonder sur la recherche, qui nous permettra de gagner en compétitivité. La compétitivité crée de l’emploi…

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est cette logique, le problème !

    M. Éric Lombard, ministre

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    …et permet de construire les usines de demain.
    Le Sommet sur l’intelligence artificielle démontre la réussite de cette politique. Pourquoi ce sommet est-il un succès, et que sont venus chercher les investisseurs internationaux que vous avez évoqués et que le président de la République a réunis en début de semaine ? Ce sont les chercheurs français.

    M. Emmanuel Maurel

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    Donnez-leur des moyens !

    M. Éric Lombard, ministre

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    Qui se cache derrière le succès de Mistral AI ? Les créateurs de cette société sont des étudiants formés dans nos universités.

    Mme Ségolène Amiot

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    Alors ne réduisez pas les moyens qui leur sont alloués !

    M. Éric Lombard, ministre

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    Il y a tant d’autres exemples. Hier, j’étais à Station F, qui accueille des dizaines de sociétés en train de naître. Elles créeront des emplois de qualité dans notre pays et stimuleront le développement de l’économie.
    Enfin, vous l’avez dit, tout cela est rendu possible par une énergie bon marché et décarbonée. Avec le ministre Marc Ferracci, nous aurons l’occasion de présenter dans les semaines qui viennent un plan pour développer encore davantage notre projet énergétique, qui représente un avantage compétitif pour l’industrie française.

    Mme Ségolène Amiot

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    Bla bla bla !

    Épidémie de flavescence dorée

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Maxime Michelet.

    M. Maxime Michelet

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    La flavescence dorée est un fléau qui touche désormais la totalité des vignobles de France ; d’aucuns la qualifient à juste titre de phylloxéra du XXIe siècle. En fonction de leurs spécificités, certaines régions viticoles cohabitent avec cette maladie, quand d’autres continuent de déployer une stratégie d’éradication. C’est notamment le cas de la Champagne, où j’ai l’honneur d’être élu : des dizaines d’hectares y seront arrachés cet hiver afin d’enrayer le développement de la maladie. La Bourgogne et le Val de Loire prennent le même chemin, tout comme peut-être bientôt l’Alsace. La flavescence dorée est donc une menace nationale et la stratégie d’éradication est vitale pour de nombreux vignobles.
    En Champagne, nous nous sommes engagés dans une course contre la montre. En 2023, 900 pieds infectés ont été identifiés ; ils étaient 10 000 en 2024. Face à l’ampleur de cette épidémie, à la rapidité de sa propagation et au délai d’expression de ses symptômes, l’intensification de l’effort de surveillance et de lutte est incontournable. Aussi, la prospection obligatoire dans toutes les communes viticoles, y compris celles qui ne sont a priori pas contaminées, sera l’un des facteurs-clés du succès de cette stratégie. Nos viticulteurs ont besoin que nous développions très rapidement des outils, notamment réglementaires, afin d’encadrer la lutte contre la flavescence, en particulier dans ces zones non contaminées.
    Madame la ministre de l’agriculture, le vignoble français est une part inaliénable tant de notre richesse nationale que de notre identité. Au-delà d’une tradition pourvoyeuse d’emplois, de dynamisme économique et de débouchés commerciaux, le vignoble caractérise nos paysages et nos villages dans de nombreuses régions. Qui pourrait imaginer la France sans vignobles, sans vin ou sans vignerons ? Au regard de l’urgence et de la gravité de la menace, quels outils et quel calendrier pouvez-vous mettre à la disposition de nos viticulteurs ? Vous engagez-vous à ce que l’État mobilise toutes ses forces afin de mener ce combat vital pour l’avenir de nos vignobles ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. –⁠ M. Philippe Juvin applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

    Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

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    Vous avez raison de vous faire le relais de cette situation préoccupante. Il convient d’enrayer la propagation de la flavescence dorée, maladie mortelle pour la vigne, propagée par un insecte et causée par une bactérie classée comme organisme de quarantaine par l’Union européenne, ce qui en dit long sur sa dangerosité.
    Pour limiter la dissémination de la maladie, il faut procéder à un arrachage et à une destruction systématiques des pieds de vigne contaminés. Pour ce faire, l’État dispose d’un outil pénal qui permet de sanctionner les infractions les plus graves commises par les propriétaires qui ne participent pas aux efforts d’enrayement de la dissémination. Malheureusement, ces procédures parviennent rarement à leur terme. C’est la raison pour laquelle plusieurs parlementaires, parmi lesquels le député Hubert Ott, engagé comme vous sur ce terrain, ont proposé d’envisager une réponse contraventionnelle, qui serait plus adaptée et pourrait être davantage dissuasive.
    Quoi qu’il en soit, il faut faire preuve d’une absolue vigilance. Je suis tout à fait disposée à travailler avec tous les parlementaires sur ce sujet. C’est ce que nous faisons au Sénat avec les sénateurs Duplomb et Menonville qui ont déposé une proposition de loi, avec vous et le député Hubert Ott, entre autres. Vous pouvez compter sur l’entière mobilisation du gouvernement et de l’État pour apporter rapidement des réponses efficaces afin de lutter contre cette maladie délétère qui met en péril la pérennité de notre vignoble. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    Politique énergétique

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérôme Buisson.

    M. Jérôme Buisson

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    En ce moment, dans mon département de l’Ain, ont lieu une série de débats publics concernant l’implantation d’une paire de réacteurs de type EPR 2 dans la commune de Saint-Vulbas. Comme dans cet hémicycle, l’extrême gauche hurle, proteste et perturbe les discussions.

    Mme Karen Erodi

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    Nous ne sommes pas d’extrême gauche !

    M. Jérôme Buisson

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    Ainsi qu’ils en ont l’habitude, les élus et les militants de cette tendance se sont mobilisés en signant une tribune qui fustige « ces réacteurs nucléaires coûteux, polluants et très dangereux pour la population et l’environnement ». Ils affirment qu’ils ne veulent pas « des EPR dans nos territoires ». (Mme Marie Pochon applaudit.)
    J’ai toutefois été surpris de voir des élus suisses parmi les signataires de cette tribune. Cette protestation, certes insignifiante,…

    M. Damien Girard

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    Vous n’aimez pas la démocratie ?

    M. Jérôme Buisson

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    …soulève la question légitime et trop peu abordée de l’ingérence étrangère dans notre politique énergétique. (Rires et exclamations sur les bancs LFI-NFP et EcoS.)

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Ce n’est pas plutôt de votre côté, les ingérences étrangères ?

    M. Jérôme Buisson

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    Notre parc nucléaire devrait nous assurer un avantage concurrentiel, essentiel pour notre réindustrialisation. Il est jalousé par nos voisins allemands qui paient aujourd’hui le prix fort de leur choix de sortir du nucléaire.
    Les gouvernements allemands successifs essaient donc d’annuler cet avantage potentiel en actionnant deux leviers. Ils poussent à la création de mécanismes européens de fixation du prix de l’électricité qui conduisent à harmoniser ces prix, ce qui annule une partie de notre avantage avec le consentement de nos gouvernements. Ce qui est moins connu, c’est que de puissantes fondations politiques allemandes recevant des financements publics, notamment la fondation Heinrich-Böll, liée aux Verts allemands, travaillent main dans la main avec les Verts français afin de discréditer notre industrie nucléaire.

    Mme Nathalie Oziol

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    Vous êtes pitoyable !

    M. Jérôme Buisson

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    Dans le cas de la centrale de Fessenheim, des décennies d’activisme socialiste et écologiste, suisse comme allemand, notamment celui de l’officine bâloise nommée Association trinationale de protection nucléaire, ont pesé dans la décision de fermeture, décision qui met en danger notre système électrique.
    Notre pays ne peut rester passif face à ces ingérences manifestes dans un secteur aussi stratégique que celui de l’énergie.
    Reconnaissez-vous une ingérence étrangère dans le travail de sape mené par ces fondations antinucléaires étrangères ? Le cas échéant, que comptez-vous faire pour nous prémunir de ces ingérences ?

    M. Damien Girard

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    Vous êtes ridicule !

    M. Sylvain Maillard

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    On ne comprend rien !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche

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    Votre question est l’occasion de présenter notre politique énergétique –⁠ une politique de transition énergétique.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Ce n’est pas la question !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    Elle a permis d’augmenter de 30 % la production électrique ces deux dernières années et de baisser drastiquement le prix de l’électricité.

    Plusieurs députées du groupe LFI-NFP

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    C’est faux !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    Vous me direz qu’il avait fortement augmenté ; il devait donc diminuer et nous avons fait ce qu’il fallait pour tenir nos promesses.

    M. Alexandre Dufosset

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    Non !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    J’ai obtenu de la Commission européenne l’inclusion du nucléaire dans le mix énergétique européen. (Mme Marina Ferrari applaudit.) Nous avons su prendre la mesure des ingérences étrangères et obtenir ce qu’il fallait pour défendre les Françaises et les Français, voire les Européennes et les Européens.

    Un député du groupe RN

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    Vous êtes des menteurs professionnels !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    Que certains contestent tel ou tel aspect de notre politique énergétique, cela s’appelle le débat public démocratique –⁠ je sais que vous n’y êtes pas toujours favorables. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Mais il n’est pas vrai que des pays interviennent pour définir notre politique énergétique. Les faits l’ont montré ces derniers mois, que ce soit la réforme du marché de l’électricité européen obtenue de haute lutte par la France, la relance de la construction de nouveaux réacteurs nucléaires ou la prolongation des réacteurs existants. Cela n’empêche pas dans le même temps de développer les énergies renouvelables car notre politique tient sur deux pieds –⁠ les énergies renouvelables et le nucléaire.

    Plusieurs députés du groupe RN

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    C’était hors sujet !

    Difficultés des artisans boulangers

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Marie Fiévet.

    M. Jean-Marie Fiévet

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    Je ne souhaite pas tant poser une question qu’alerter sur une situation inquiétante, celle des artisans boulangers, nombreux dans notre pays.
    Acteurs essentiels de nos villes et villages, les boulangers de proximité contribuent au rayonnement de la France et de sa culture culinaire à travers le monde. Ils traversent pourtant une crise profonde. Deux d’entre eux, parmi lesquels un boulanger installé dans le nord des Deux-Sèvres, ont récemment lancé un sondage et recueilli près de 3 200 réponses en quarante-huit heures. Ces réponses mettent en évidence une situation alarmante –⁠ explosion des coûts des matières premières, de l’énergie et des charges ; rentabilité en chute libre et difficultés de recrutement ; transmission d’entreprise compromise. Les artisans boulangers souffrent d’un épuisement physique et moral qui ne cesse de s’aggraver en l’absence de perspective d’amélioration. (Des députés des groupes LFI-NFP et EPR s’interpellent de banc à banc et un brouhaha s’installe, qui perdure jusqu’à la fin de l’intervention.)
    À ces multiples difficultés s’ajoute une concurrence de plus en plus déséquilibrée. D’un côté, les boulangeries artisanales sont soumises à des règles strictes et régies par un statut protégé, qui garantit que la fabrication a lieu sur place et que le savoir-faire est transmis de génération en génération. De l’autre, les chaînes industrielles et les terminaux de cuisson bénéficient d’économies d’échelle, de coûts réduits et d’une législation plus souple qui leur permettent de proposer des produits d’une qualité généralement inférieure, à des prix très compétitifs, ce qui fragilise in fine nos artisans de proximité.
    Il ne s’agit évidemment pas d’opposer ces deux modèles ; mais alors que l’on peut constater la détresse des artisans et que les boulangeries artisanales ferment les unes après les autres, quelles mesures le gouvernement envisage-t-il de prendre pour rétablir une concurrence plus équitable et soutenir davantage nos artisans afin de préserver ce pilier de la gastronomie française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

    M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

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    Je demande à l’Assemblée nationale de me rejoindre dans un hommage à nos artisans boulangers… (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur divers bancs, plusieurs députés des groupes RN et UDR s’étant levés.) Merci pour eux ! Ils sont à l’origine de nos bonheurs quotidiens, du plaisir de vivre dans notre pays et d’une part croissante de nos recettes internationales puisqu’ils sont présents dans de nombreuses villes étrangères. (Le brouhaha reprend et persiste sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    Un peu de silence, je vous prie ; on n’entend pas le ministre.

    M. Éric Lombard, ministre

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    Les artisans boulangers font preuve d’une grande résilience et je veux les en remercier et les en féliciter.

    M. Frédéric Boccaletti

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    Vous les avez ruinés !

    M. Éric Lombard, ministre

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    En 2024, leur résultat moyen a augmenté de 9 % par rapport à 2023, ce qui témoigne d’une augmentation de la fréquentation de leurs boutiques. Après plusieurs années de raréfaction de l’offre, la profession s’est transformée, proposant une offre de qualité et plus diversifiée, avec, en particulier un développement de la pâtisserie.
    Malgré ce renouveau, la profession subit des difficultés liées notamment au prix de l’énergie, et ce malgré le bouclier tarifaire. S’y ajoutent les problèmes de transmission des commerces, qui feront l’objet d’un rapport du Conseil national du commerce ; nous prendrons évidemment en compte ses recommandations.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Les boulangers sont dans le pétrin, il faut les en sortir ! (Sourires.)

    M. Éric Lombard, ministre

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    Véronique Louwagie s’occupe avec beaucoup d’énergie de ces questions. Elle entend se rendre dans votre circonscription où vous pourrez poursuivre ce dialogue. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)

    M. Nicolas Meizonnet

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    Qu’est-ce qu’il est nul celui-là aussi !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Les boulangers seront contents !

    Violences à Notre-Dame de Bétharram

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Vannier.

    M. Paul Vannier

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    Monsieur le premier ministre, hier, ici, vous avez menti. Vous avez menti devant la représentation nationale, devant tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Je vous ai interrogé sur votre conduite face à la révélation d’agressions sexuelles, de violences et de viols commis sur au moins 112 élèves de l’établissement privé béarnais Notre-Dame de Bétharram : vous m’avez répondu n’avoir jamais été informé. Vous avez menti : Mediapart révèle que vous receviez encore le courrier recommandé d’une victime, en mars 2024. (Mêmes mouvements. –⁠ M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit aussi)

    Mme Laure Miller

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    Depuis quand est-ce Mediapart qui juge de la vérité ?

    M. Paul Vannier

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    J’ai rappelé que, ministre de l’éducation, vous aviez manifesté votre soutien à l’établissement, après une première plainte pour violence sur un élève. Vous m’avez répondu que vous n’étiez plus ministre au moment de son dépôt. Vous avez menti : la plainte a été déposée en 1996, vous quittiez le ministère l’année suivante. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Monsieur le premier ministre, vous avez menti aux députés pour dissimuler que vous aviez connaissance de violences sur enfants, violences que vos responsabilités passées vous imposaient de dénoncer. (Mêmes mouvements.)

    M. Thibault Bazin

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    Ce n’est pas un tribunal, ici !

    M. Paul Vannier

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    Le mensonge d’un ministre devant la représentation nationale, a fortiori du premier d’entre eux, est d’une immense gravité.

    M. Nicolas Forissier

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    Ce qui est grave, ce sont vos propos !

    M. Paul Vannier

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    Que votre mensonge porte sur une affaire pédocriminelle ajoute à l’inacceptable. Allez-vous en assumer toutes les conséquences et présenter votre démission ? (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. –⁠ Mme Christine Arrighi et M. Damien Girard applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice. (Vives protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Merci d’écouter la réponse du ministre !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Je veux d’abord, en mon nom et au nom du gouvernement, avoir une pensée pour tous ces enfants, quel que soit leur âge, qui, en tant que victimes, méritent mieux que des jeux politiciens. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR.)
    Si nous nous rejoignons tous dans la lutte contre la pédophilie et les violences insupportables faites à nos enfants, je regrette que certains utilisent honteusement ces faits pour régler des comptes politiques. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Clémentine Autain

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    Quel scandale !

    M. Philippe Vigier

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    Honte à LFI !

    Mme la présidente

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    Peut-on, s’il vous plaît, écouter la réponse du garde des sceaux !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Depuis longtemps, des plaintes et des signalements…

    M. Antoine Léaument

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    Cent douze !

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    …ont été adressés au procureur de la République de Pau ; les premières sont antérieures aux années 1980. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Mais vous savez parfaitement que, encore moins que le gouvernement, le garde des sceaux n’est autorisé à commenter des affaires individuelles…

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Pourquoi est-ce vous qui répondez, dans ce cas ?

    M. Gérald Darmanin, ministre d’État

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    Lorsqu’il est question de la violence touchant les enfants, je pense que vous pourriez faire preuve d’un minimum de dignité, cela nous changerait. (Applaudissements sur les bancs des EPR et DR. –⁠ Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Quoi qu’il en soit, je laisserai le procureur de la République de Pau qui, en vertu de l’article 11 du code de procédure pénale, est le seul à pouvoir communiquer, s’il le souhaite, sur ces affaires, faire le point sur l’action publique et sur l’action de la justice.
    Je rappellerai simplement pour ma part que la lutte contre les violences faites aux enfants est, ainsi que je l’ai moi-même souligné dans la circulaire de politique pénale que j’ai adressée au procureur de la République, une priorité de ce gouvernement, sous l’autorité de M. le premier ministre, qui définit la politique pénale. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Quant à vous, je vous encourage à rester dignes devant la détresse et la violence des cas que vous évoquez. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Vannier.

    M. Paul Vannier

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    Monsieur le premier ministre, votre silence indique que l’omerta règne au sommet de l’État ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Il engage directement le président de la République, seul responsable de votre maintien à Matignon. Il donne aux députés une immense responsabilité au moment de voter ou de ne pas voter la censure de votre gouvernement. (Mme Marie Pochon s’exclame.)

    M. Nicolas Forissier

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    C’est honteux !

    M. Théo Bernhardt

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    C’est de l’instrumentalisation politique !

    M. Paul Vannier

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    Face à vos mensonges, la censure devient en effet le seul moyen dont dispose chacun d’entre nous pour faire cesser l’omerta… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. –⁠ Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent ce dernier.)

    Amélioration de l’offre de soins dans les hôpitaux

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Hablot, dont je souhaite qu’il puisse s’exprimer dans le calme.

    M. Stéphane Hablot

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    La question de l’accès aux soins préoccupe de nombreux Français. Si le groupe Socialistes et apparentés a récemment obtenu 1 milliard d’euros supplémentaires pour nos hôpitaux (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC), ainsi qu’un quota minimum de soignants par patient hospitalisé, d’autres défis nous attendent. Je pense notamment au scandale des stationnements payants dans les hôpitaux : à Saint-Étienne, Le Mans, Brest, Bordeaux, Cambrai, Le Havre, la colère gronde ; à Nancy, le combat continue sur les ronds-points, et je tiens à saluer la présence, dans nos tribunes, de Mauricette et Cathy, deux gilets jaunes que l’on peut applaudir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. –⁠ Mme Stéphanie Galzy applaudit également.) Merci à vous, mesdames, de vous battre pour cette jeune femme qui parcourt 200 kilomètres par jour pour rendre visite à sa mère, en soins palliatifs : est-il normal qu’elle paye 300 euros de stationnement par mois ?
    L’hôpital de demain mérite mieux, et l’État aura un rôle déterminant à jouer dans cette amélioration, comme dans le nouvel hôpital de Nancy ; situé sur le technopôle de Vandœuvre, il est une locomotive. Les chiffres sont parlants : classé dans le top 5 des hôpitaux de France, il a bénéficié de 785 millions d’euros d’investissement, dont 410 millions d’euros provenant de l’État, pour sa rénovation ; pour une capacité inchangée de 1 500 lits, il doit accueillir 10 000 emplois d’ici 2030. Enfin, 40 millions d’euros doivent être injectés par l’État pour la construction d’une nouvelle bretelle d’autoroute.
    Les projets existent, les espoirs sont là, les attentes sont fortes. Cependant, dans un contexte d’incertitudes, quelles actions concrètes le gouvernement envisage-t-il pour satisfaire les attentes des hôpitaux, des territoires et des usagers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.

    M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins

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    À ceux qui s’inquiètent de savoir comment le gouvernement souhaite prendre soin de la santé des Français, votre question offre déjà quelques éléments de réponse. Pour le CHU de Nancy –⁠ comme pour beaucoup d’autres établissements –, cela passe par un investissement important, une reprise de la dette, et des travaux d’extension à hauteur de 418 millions d’euros. Les choses suivent normalement leur cours, puisque la phase de conception s’achève et que les travaux pourront commencer en 2026.
    Il a aussi été décidé d’augmenter l’Ondam de 1 milliard supplémentaire pour le rendre plus sincère. C’est un point sur lequel nous nous accordions tous,…

    M. Jean-Paul Lecoq

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    On s’accordait surtout à dire que ce n’était pas assez !

    M. Yannick Neuder, ministre

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    …puisque la santé, qui est la principale préoccupation des Français, n’a pas de couleur politique et qu’elle est un combat transpartisan.
    Pour améliorer l’offre de soins il faut enfin plus de soignants, ces soignants grâce à l’engagement desquels l’hôpital parvient à traverser la crise de la grippe. C’est la raison pour laquelle nous avons soutenu la proposition de loi du sénateur Bernard Jomier, rapportée dans cet hémicycle par Guillaume Garot, pour fixer un cap et restaurer la confiance du personnel hospitalier en fixant des quotas de soignants par malade, ce qui contribuera à redonner du sens à leur travail. Tout en effet n’est pas qu’une question d’argent. Nous devons donner aux soignants les moyens d’être mieux formés.
    Quant à la question des parkings payants, à laquelle ne se résume évidemment pas la question de l’offre de soins, je veillerai, lors de la prochaine conférence des directeurs généraux de CHU, à ce que, dans certaines conditions, en cas de longues maladies notamment, le stationnement des proches puisse être pris en charge.

    Mme Danielle Simonnet

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    Mais quel malade n’a pas besoin de voir ses proches ?

    M. Yannick Neuder, ministre

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    Cela fait partie de l’accompagnement des malades et de la dimension humaine de notre politique de santé publique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR. –⁠ M. Nicolas Turquois applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Hablot.

    M. Stéphane Hablot

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    Les Français attendent vraiment que nous dépassions nos clivages politiques pour travailler ensemble. C’est important pour eux.

    Défaillances d’entreprise

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.

    M. Jean-Pierre Vigier

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    L’année 2024 s’est révélée la pire depuis plus de quinze ans avec un record de défaillances d’entreprise. Plus de 260 000 emplois sont menacés et, dans certains secteurs, la situation est plus qu’alarmante : 85 % de défaillances dans la promotion immobilière, alors que nos compatriotes font face à une crise du logement sans précédent ; une hausse de plus de 60 % de ces défaillances dans l’informatique, à l’heure où l’on doit défendre notre souveraineté numérique et technologique face à une concurrence mondiale féroce.

    M. Thibault Bazin

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    Il a raison !

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Si les origines de cette spirale néfaste sont anciennes, l’instabilité politique que nous traversons l’accélère et l’aggrave. Investissements gelés, recrutements reportés, projets à l’arrêt : entendez le cri d’alerte de nos entrepreneurs, du grand capitaine d’industrie au patron de PME, en passant par nos artisans ; leur appel est unanime, ils demandent simplement à pouvoir travailler.
    Avec la droite républicaine et Laurent Wauquiez,…

    M. Philippe Vigier

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    Ah !

    M. Philippe Brun

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    Que va dire M. Retailleau ?

    M. Jean-Pierre Vigier

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    …nous avons fait de la valorisation du travail et du soutien de nos entreprises une priorité, mus par la conviction qu’elles sont les premiers artisans du développement de nos territoires et de la souveraineté de notre pays.
    Quelles mesures immédiates allez-vous donc prendre pour soutenir nos entreprises, restaurer la confiance et enrayer cette spirale infernale de défaillances ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

    M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

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    En effet, on constate depuis quelques mois une hausse des défaillances d’entreprise et, plus préoccupant encore, une hausse des défaillances des entreprises de taille intermédiaire, qui sont le levier de développement et de croissance de notre économie.
    Vous l’avez noté de façon discrète dans votre intervention, l’absence de budget est une des raisons des difficultés rencontrées par les entreprises. Avec le premier ministre, nous n’avons eu de cesse de rappeler qu’il était essentiel que nous nous dotions d’un budget : comment, en effet, voulez-vous qu’un chef d’entreprise engage des investissements et procède à des recrutements s’il n’a pas de visibilité ?
    À cela s’ajoutent une série de raisons liées au rattrapage qui a suivi le Covid. Après la politique du « quoi qu’il en coûte », par laquelle nous avons soutenu à bout de bras notre économie –⁠ je le salue car c’était nécessaire –, certaines entreprises, lorsque les soutiens ont pris fin, se sont retrouvées en grande difficulté et ont dû, malheureusement, cesser leur activité.
    Et puis, vous l’avez signalé, la concurrence internationale est plus forte et beaucoup plus violente qu’auparavant.
    La réponse à cette concurrence doit se faire au niveau européen. Lundi, je veillerai à nouveau, au Conseil affaires économiques et financières, à ce que l’Europe engage les soutiens nécessaires dans les filières automobile, sidérurgique et chimique, gravement menacées par des pays, voire des continents, qui subventionnent abusivement leurs entreprises. Nous allons réagir.
    Dans le budget qui a été adopté, nous avons veillé à ce que les hausses de charges se réduisent au minimum…

    M. Thibault Bazin

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    Encore heureux : 1,6 milliard d’euros c’est déjà beaucoup !

    M. Éric Lombard, ministre

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    …et à ce que la surtaxe pour les grandes entreprises dure seulement un an. Nous poursuivrons cette politique en soutien au développement de nos entreprises.

    Violences à Notre-Dame de Bétharram

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arnaud Bonnet.

    M. Arnaud Bonnet

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    Monsieur le premier ministre, hier, vous répondiez encore ; aujourd’hui, vous ne répondez même plus. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC.) Selon Mediapart, vous avez menti hier, devant l’Assemblée, en prétendant ne pas avoir eu connaissance des crimes commis sur les enfants de l’établissement Notre-Dame de Bétharram.
    Nous, députés du groupe Écologiste et social, apportons notre soutien aux victimes et nous les croyons. (Mêmes mouvements.)

    M. Sébastien Chenu

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    Accélère !

    M. Arnaud Bonnet

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    D’après l’article paru hier soir, vous auriez choisi l’omerta et la politique de l’entre-soi au prix de la protection des enfants.
    Vous avez été ministre de l’éducation nationale, président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques…

    M. Alexandre Dufosset

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    On a compris !

    M. Arnaud Bonnet

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    …et maire de Pau ; vous disposiez de tous les leviers pour protéger ces enfants et vous auriez choisi de ne pas le faire.

    M. Alexandre Dufosset

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    On a arrêté de suivre !

    M. Arnaud Bonnet

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    Toujours selon cet article, vous auriez été alerté par des victimes, par des parents, par des enseignants, et vous auriez choisi à chaque fois de garder le silence sur ces crimes.
    Ces enfants ne sont malheureusement pas les seuls. Chaque année, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles, soit un toutes les trois minutes. Il s’agit d’un problème structurel dans notre société.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Il aurait fallu voter l’imprescriptibilité des violences sexuelles commises sur des mineurs !

    M. Arnaud Bonnet

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    Monsieur le premier ministre, vous nous devez des réponses claires. Si vous avez volontairement gardé le silence sur ces agissements, alors vous devrez démissionner. (Les députés des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC se lèvent et applaudissent. –⁠ M. Nicolas Sansu applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.

    M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique

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    Dès lors que ce serait au service de la polémique, on serait autorisé à tout dire et à défendre n’importe quel argument.

    Mme Karen Erodi et Mme Élise Leboucher

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    Il ne s’agit pas de polémiques !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Je l’ai dit hier,…

    Mme Sarah Legrain

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    Vous avez menti hier !

    M. Ugo Bernalicis

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    Vous allez encore mentir ?

    M. François Bayrou, premier ministre

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    …mais à l’époque des faits, je n’ai jamais été averti des agissements qui ont donné lieu aux signalements et aux plaintes. (M. Antoine Léaument s’exclame.)

    M. Nicolas Forissier

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    Tais-toi Léaument !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    La lettre à laquelle vous faites allusion date d’avril 2024, alors que les faits en question remontent aux années 1990. J’affirme que je n’ai pas eu la moindre information, sinon, comme je l’ai déjà dit, croyez-vous vraiment que nous aurions scolarisé nos enfants dans un établissement sur lequel pesaient de tels soupçons ?

    Mme Julie Laernoes

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    Vous vouliez protéger l’enseignement privé !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Je récuse les polémiques artificielles sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    Mme la présidente

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    Nous avons terminé les questions au gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à quatorze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de Mme Naïma Moutchou.)

    Présidence de Mme Naïma Moutchou
    vice-présidente

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    2. Modification de l’ordre du jour

    Mme la présidente

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    Je vous informe que la présidente de l’Assemblée nationale a reçu du ministre délégué chargé des relations avec le Parlement une lettre l’informant que l’examen du projet de loi autorisant la ratification du traité sur la coopération dans le domaine de la défense entre la République française et le royaume d’Espagne, initialement prévu demain matin en deuxième point de l’ordre du jour, aura lieu mardi 18 février, à 21 heures 30, en premier point de l’ordre du jour.

    3. Fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d’agriculture et de la Mutualité sociale agricole

    Commission mixte paritaire

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi portant diverses mesures visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d’agriculture et de la Mutualité sociale agricole (no 921).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la rapporteure de la commission mixte paritaire.

    Mme Nicole Le Peih, rapporteure de la commission mixte paritaire

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    Nous voici à la dernière étape avant l’adoption de ce texte utile et attendu par les professionnels du monde agricole. Pour atteindre son objectif, cette proposition de loi devait être examinée dans de très brefs délais : tel a bien été le cas à l’Assemblée et au Sénat, puis par la commission mixte paritaire (CMP) réunie ce lundi et qui a trouvé un accord.
    Je me réjouis donc que nous soyons parvenus à relever collectivement ce défi : j’y vois la preuve que nous sommes capables de trouver ensemble des solutions opérationnelles quand l’urgence le demande.
    Le texte qui vous est présenté apportera des évolutions utiles, tendant à faciliter l’organisation des différentes élections dans le monde agricole. Je tiens à vous les rappeler brièvement.
    D’abord, les bureaux des chambres d’agriculture nouvellement élus resteront ouverts aux présidents et administrateurs de coopératives agricoles lorsque ces coopératives ont fait le choix de poursuivre leur activité de vente de produits phytopharmaceutiques. Il était nécessaire de pérenniser les règles en place, pour ne pas priver les chambres de l’expertise et de l’engagement de ces dirigeants ; il était urgent de parvenir à un accord, car les bureaux des chambres devront être constitués avant le 5 mars, dernier délai.
    Pour autant, ce cumul ne doit pas conduire à la remise en cause du principe de séparation de la vente et du conseil dans le domaine des produits phytopharmaceutiques, fixé par la loi Egalim 1 : la règle de déport sera par conséquent maintenue et précisée.
    Grâce aux débats parlementaires, l’Assemblée a renforcé la transparence et la publicité des travaux des chambres. Je me réjouis que le Sénat ait confirmé cette avancée.
    Alors que j’évoque les chambres d’agriculture, j’en profite pour féliciter tous les candidats élus lors des scrutins du mois de janvier. Ils joueront un rôle indispensable pour aider le monde agricole à relever tous les défis auquel il fait face.
    Ensuite, la proposition de loi comprend des mesures d’urgence nécessaires à la sécurisation juridique des prochaines élections des délégués aux caisses de la Mutualité sociale agricole (MSA). Les élections prévues dans la métropole de Lyon pourront ainsi se tenir sans difficulté et il sera également possible d’organiser au mois de mai les élections des délégués de toutes les caisses, alors que leurs mandats étaient désynchronisés depuis la pandémie de covid-19.
    Par ailleurs, la proposition de loi vise à permettre aux adhérents qui ne seraient pas à jour de leurs cotisations sociales de participer à l’élection de leurs délégués. C’est une mesure juste, qui va également dans le sens d’une simplification administrative.
    Autre avancée importante, permise par les amendements déposés dans cette assemblée : la mise en place de listes paritaires dans le collège des salariés de la MSA. À ce sujet, saluons le travail de M. Biteau.
    Voilà pour les mesures essentielles de ce texte. La CMP, dont les conclusions vous sont présentées aujourd’hui, a ensuite permis de préciser certaines autres dispositions. Contrairement à l’Assemblée, elle a jugé préférable de supprimer l’article 1er ter, qui prévoyait la remise d’un rapport évaluant l’opportunité d’instaurer un système de représentation intégralement proportionnelle.
    Tel que formulé et alors que les élections aux chambres d’agriculture venaient de se terminer, l’intitulé de ce rapport envoyait un très mauvais signal. Aussi le débat sur la démocratie agricole devra-t-il se poursuivre ultérieurement et je rappelle que la CMP du projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole sera prochainement convoquée ; ce texte traite de nombreux sujets structurants pour le monde agricole de demain.
    Autre divergence : le rétablissement de la condition, raisonnable, d’être à jour de ses cotisations sociales pour être candidat au poste de délégué des caisses de la MSA. Je rappelle que les personnes qui font face à des difficultés peuvent faire établir un échéancier de paiement et que sa validation permet de les considérer comme à jour de leurs cotisations. Cette disposition est le fruit de notre travail collectif.
    En conclusion de ce propos liminaire, je voudrais de nouveau saluer la qualité du débat parlementaire sur cette proposition de loi. Il a permis de nous accorder dans des délais très contraints sur des dispositions essentielles et urgentes. Je ne doute pas que nous saurons franchir cette dernière étape dans le même état d’esprit et la même conscience de nos responsabilités, et ce afin d’aider efficacement le monde agricole.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission mixte paritaire.

    Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission mixte paritaire

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    La commission mixte paritaire s’est réunie lundi pour élaborer le texte commun de la proposition de loi de notre collègue Nicole Le Peih, sur l’exercice de la démocratie agricole. Parce qu’ils le jugeaient sans doute trop ambitieux au regard des dispositions proposées, les sénateurs ont souhaité préciser son titre : il s’agit maintenant de la proposition de loi portant diverses mesures visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d’agriculture et de la Mutualité sociale agricole.
    La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a examiné cette proposition de loi dès le 11 décembre 2024 –⁠ sans gouvernement donc –, car les élections des chambres d’agriculture étaient imminentes. Leurs membres, vous le savez, ont été élus depuis, et je tiens ici à tous les féliciter : l’engagement des agriculteurs, des salariés et des coopérateurs dans ces chambres est, on le sait, absolument essentiel au monde agricole.
    Il est encore nécessaire de procéder à l’élection des bureaux de ces nouvelles chambres. Tel est l’objet de la proposition de loi. Son article 1er maintient la possibilité, pour les élus, de devenir présidents ou membres du bureau de leur chambre, même s’ils exercent une fonction exécutive dans une entité chargée de la vente de produits phytosanitaires. Il s’agit donc de revenir sur une disposition de la loi Egalim, en tout cas de confirmer une dérogation, elle-même issue des conclusions de la Convention citoyenne sur le climat (CCC).
    La proposition de loi contient aussi des mesures qui suscitent ici le consensus, ou presque. Tel est le cas d’une mesure introduite par un vote de notre assemblée et qui tendait à faciliter la représentation des chambres de région au sein des conseils d’administration des chambres d’agriculture, mais également d’une autre mesure, la prolongation d’un an des mandats des membres de la chambre d’agriculture de Mayotte.
    Notre assemblée a également décidé d’instituer, et c’est à noter, la parité obligatoire sur les listes présentées aux élections de la MSA.
    L’Assemblée nationale a donc enrichi de cinq nouveaux articles la proposition de loi de Mme Le Peih et le Sénat en a adopté conforme six. Ainsi, la CMP n’a eu à examiner que deux articles : la version du Sénat a été acceptée lorsqu’il a fallu supprimer l’article 1er ter, relatif au mode de scrutin des membres des chambres, et l’article 2 a été modifié, puisqu’il maintient l’obligation faite aux candidats aux instances de gouvernance de la MSA, d’être à jour de leurs cotisations.
    Ce texte a désormais un titre qui reflète mieux son objet, effectivement très précis, mais nous devrons rouvrir sans tarder nombre de dossiers cruciaux pour revitaliser à la fois notre agriculture et notre démocratie agricole.
    Permettez-moi de ne revenir que très brièvement sur les difficultés des agriculteurs à vivre de leur travail. À quelques jours de l’ouverture du Salon de l’agriculture, des prix rémunérateurs ne leur sont toujours pas garantis, malheureusement. Je me réjouis néanmoins qu’hier, mes quatre collègues de la commission des affaires économiques –⁠ Julien Dive, Mathilde Hignet, Harold Huwart et Richard Ramos – aient rendu leur rapport d’évaluation de l’application de la loi Egalim. J’espère que ses conclusions inspireront très vite une loi.
    Deux autres questions resteront en suspens après notre vote. La première est relative à la juste représentation de la diversité du monde et des modèles agricoles. La CMP a décidé de supprimer l’article 1er ter, introduit par l’Assemblée pour demander un rapport évaluant le mode de scrutin en vigueur dans l’élection des instances consulaires agricoles. Là encore, il nous appartient en tant que législateurs de questionner un système qui attribue au vainqueur une surreprésentation des moyens –⁠ au point qu’ils peuvent être considérés comme disproportionnés. Je pense qu’il y va des orientations de la politique agricole dans notre pays et de la démocratie agricole.
    La seconde porte sur la nécessaire réduction de l’usage des pesticides, herbicides et fongicides, autrement dit des produits phytosanitaires. Non, leur consommation ne recule pas dans notre pays et nous sommes très loin des objectifs fixés un temps –⁠ celui du Grenelle de l’environnement, souvenez-vous – et que nous nous étions collectivement assignés, à plusieurs reprises.
    Au-delà du principe de séparation de la vente et du conseil dans le domaine des produits phytosanitaires, je m’inquiète des attaques incessantes contre l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), qui joue pourtant un rôle scientifique décisif pour interdire les substances les plus dangereuses pour notre santé.
    Je m’inquiète aussi de notre incapacité à nous protéger des importations de produits traités avec des pesticides interdits ici. Je le dis sans détour : la puissance publique a pour devoir de protéger la société et les générations futures d’un désastre sanitaire, et d’orienter et de soutenir l’agriculture et les agriculteurs, pour qu’ils puissent poursuivre la transition agroécologique. Or le gouvernement a pris l’option inverse, en procédant à des coupes budgétaires drastiques –⁠ 600 millions d’euros – dans des aides aux agriculteurs qui auraient pourtant été utiles pour soutenir cette transition. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Mme Chantal Jourdan applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

    Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

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    Tout juste une semaine après les résultats des élections aux chambres d’agriculture, et alors que les bureaux sont en cours de renouvellement, la commission mixte paritaire est parvenue à trouver un accord sur la proposition de loi déposée par Nicole Le Peih. C’est une excellente nouvelle pour la démocratie agricole et je vous remercie personnellement, madame la rapporteure, pour votre implication et pour avoir mené ces travaux à leur terme.
    Mesdames et messieurs les députés, avec ce vote, vous contribuerez à sécuriser le vivier des élus, gage de justice démocratique. En premier lieu, vous permettrez de ne pas exclure de la gouvernance des chambres les élus des coopératives du fait d’une application trop rigide du principe de séparation entre la vente et le conseil de produits phytosanitaires –⁠ rigide au point d’être déconnectée de la réalité du monde agricole.
    La pérennisation de la dérogation à ce principe, introduit en 2019, permettra aux coopératives d’assurer leur plein engagement dans la gouvernance des chambres, en sécurisant un vivier d’un nombre significatif d’élus.
    En second lieu, votre texte fait évoluer le droit des élections des délégués aux caisses de la Mutualité sociale agricole. Jusqu’à présent, les électeurs frappés de difficultés économiques telles qu’ils n’étaient plus en mesure de s’acquitter de leur cotisation se voyaient aussi privés de leur droit de vote. Sur ce point, votre texte permettra aux plus précaires de participer pleinement à la démocratie sociale.
    Si en raison d’un calendrier trop serré, cette mesure de progrès ne pourra être mise en œuvre aux toutes prochaines élections, celles de 2030 la consacreront définitivement.
    Votre vote permettra également de réadapter les élections en chambres et à la MSA aux réalités du territoire. Je parle d’abord des dispositions permettant de sécuriser, sur le plan administratif, les élections à la MSA des délégués dans les ex-cantons de la métropole de Lyon.
    S’adapter à la réalité des territoires passe aussi, et surtout, par le report d’un an des élections à Mayotte. Dans la situation dramatique que vivent les Mahorais, qui ont vu leur île dévastée par le cyclone Chido, et à qui j’apporte mon plein soutien, il n’était pas possible d’assurer la tenue d’un scrutin dans des conditions de sérénité satisfaisantes. La représentation nationale doit en prendre acte en permettant ce report.
    Le vote de ce texte permettra d’inscrire enfin l’exercice de la démocratie agricole dans le sens de l’histoire : je fais référence aux dispositions prévoyant la parité des listes de délégués cantonaux élus au deuxième collège de la MSA en 2030. Au passage, madame la présidente de la commission mixte paritaire, si je comprends ce qui a motivé son changement, le nouveau titre reste tout de même en deçà du contenu du texte, en particulier sur la parité. Ce texte est en effet une pierre de plus à l’édifice de revalorisation de la place et du statut des femmes en agriculture. L’horizon 2030 est ambitieux mais réaliste. J’espère que ces élections contribueront à une représentation plus équilibrée entre les hommes et les femmes dans le secteur agricole.
    En adoptant ce texte, vous permettrez que ne s’ajoute pas une crise démocratique à la crise économique et sociale qui frappe déjà le monde agricole. Je compte donc sur votre responsabilité pour offrir à nos paysans une représentation fidèle dans l’ensemble de leurs instances ; ils la réclament.

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Jérôme Nury.

    M. Jérôme Nury

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    Ce texte issu de la CMP représente une première étape importante pour améliorer la gouvernance agricole. Il mérite notre soutien pour plusieurs raisons essentielles.
    Les chambres d’agriculture jouent un rôle majeur dans la structuration des filières et le soutien à l’innovation. Elles garantissent la pérennité économique de notre modèle agricole. En animant près de 2 000 groupes d’agriculteurs et en rassemblant 82 000 adhérents, elles ont démontré l’ampleur de leur contribution à l’évolution de l’agriculture.
    Ce texte permet de préserver une expertise cruciale au sein des instances dirigeantes agricoles. La séparation entre le conseil et la vente, instaurée par la loi Egalim de 2018, a eu des effets indésirables sur l’élection des présidents et des membres des bureaux. Supposée garantir une plus grande transparence, cette mesure a fait peser de lourdes contraintes sur les acteurs de terrain, compromettant ainsi l’efficacité des prises de décision, et conduisant même à une baisse de 25 % du nombre de conseillers actifs dans certaines régions. Continuer à écarter ces élus des organes de gouvernance risquerait de conduire à un désengagement plus important des coopératives dans les élections et la gestion des chambres d’agriculture. Trouver suffisamment de candidats pour constituer des listes et des bureaux deviendrait de plus en plus difficile. En autorisant les administrateurs de coopératives agricoles à participer aux bureaux des chambres d’agriculture, ce texte permettra le maintien d’un vivier de compétences indispensables à une gouvernance éclairée. C’est d’autant plus important que, dans certains départements, jusqu’à 40 % des élus pourraient être exclus des bureaux en raison de l’interdiction actuelle du cumul des mandats. Le monde agricole, les coopératives et les chambres d’agriculture souhaitent que nous revenions sur ces incompatibilités abracadabrantesques.
    La simplification du processus électoral de la MSA favorisera quant à elle une participation plus large qui renforcera sa légitimité démocratique. La suppression de la disposition privant du droit de vote les personnes n’ayant pas acquitté leurs cotisations sociales depuis six mois élargit considérablement le corps électoral puisque cette condition touchait 40 000 agriculteurs. Bien que peu exemplaire, la suppression de cette condition permettra à un plus grand nombre d’adhérents de prendre part au vote.
    Les débats en CMP ont failli ne pas se tenir à cause de l’absence de deux députés et de leur suppléant, l’un du groupe RN, l’autre du groupe SOC.

    M. Thierry Benoit

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    Eh oui !

    M. Emmanuel Blairy

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    J’étais malade !

    M. Jérôme Nury

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    Ils ont néanmoins abouti, grâce à la bonne volonté des députés et des sénateurs présents, au maintien de la condition de s’être acquitté de ses cotisations pour être éligible aux instances de la MSA.
    Le texte issu de la CMP étant satisfaisant, le groupe Droite républicaine votera en sa faveur.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Benoît Biteau.

    M. Jérôme Nury

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    Lui était présent !

    M. Benoît Biteau

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    Absolument !
    Nous avons échappé à un titre inadapté aux modestes ambitions de ce texte. Le titre modifié me semble plus fidèle à son contenu qui, bien loin de revisiter la démocratie agricole, ajuste à la marge la gouvernance des instances agricoles.
    Le texte vise à pallier la crise des vocations, évoquée par l’orateur précédent, qui touche la représentation dans ces instances. Il traduit le choix de remettre en cause les vertus de la séparation –⁠ pourtant fondamentale – de la vente et du conseil, puisque la pratique du déport ne suffit pas à prévenir les conflits d’intérêts.
    Nous proposions pourtant des solutions alternatives pour susciter des vocations nouvelles : on pouvait notamment modifier le mode de scrutin majoritaire, pour aller vers un système de représentation proportionnelle permettant de refléter la diversité syndicale et d’ouvrir la porte à de nouveaux représentants, au lieu de favoriser la concentration du pouvoir par quelques-uns, qui le trustent dans les chambres d’agriculture comme dans les coopératives, les banques agricoles, les Safer –⁠ sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural –, et j’en passe, tant la liste est longue, malheureusement.
    Nous proposions aussi d’instaurer une parité plus stricte des listes électorales, à l’instar de celles des élections européennes, régionales, départementales, municipales, bref d’instaurer la liste « chabadabada » : un homme, une femme. Les femmes sont depuis trop longtemps absentes de la gouvernance agricole. On aurait pu ainsi susciter des vocations dans les rangs de nos collègues agricultrices.
    Nous proposions également d’ouvrir la gouvernance aux membres de la société civile, de sorte que le projet agricole corresponde à leurs attentes. Nous avons rendez-vous avec l’histoire et l’agriculture y joue un rôle éminemment stratégique, que l’on songe au climat, à biodiversité ou à la santé. Préserver la souveraineté alimentaire, c’est aussi réconcilier les hommes et les mangeurs, les hommes et la nature, l’économie et l’écologie.
    Las, le texte préfère insister sur la remise en cause de la séparation entre les activités de vente et de conseil. Il ne modifie pas en profondeur la démocratie au sein des instances agricoles, comme nous l’espérions : c’est la raison pour laquelle le groupe Écologiste et social ne le votera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Martineau.

    M. Éric Martineau

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    Le groupe Les Démocrates salue l’accord trouvé en CMP, qui a abouti à un texte équilibré, délibérément circonscrit, avec des adaptations utiles et nécessaires au fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d’agriculture et de la MSA.
    L’esprit de responsabilité qui a présidé à l’Assemblée et au Sénat a permis que ce texte puisse être voté avant la date butoir de constitution des bureaux des chambres d’agriculture. C’est un gage de sécurité pour les agriculteurs concernés comme pour les chambres d’agriculture elles-mêmes. Chère Nicole Le Peih, je salue votre engagement en tant qu’auteure et rapporteure de la proposition de loi. Comme Pascal Lecamp et bien d’autres, vous avez joué un rôle essentiel dans cette entreprise.
    La proposition de loi clarifie plusieurs points essentiels, en permettant notamment aux administrateurs de coopératives agricoles de siéger dans les bureaux des chambres. Cette mesure n’est pas anodine : elle renforcera l’engagement des administrateurs et la technicité des chambres, alors que de nouvelles technologies émergent dans le cadre du plan Écophyto. Il importe que des responsables issus de coopératives ne soient pas empêchés de se présenter ni d’être élus au sein de ces chambres qui sont des acteurs essentiels de l’accompagnement des agriculteurs.
    Je n’ignore pas les difficultés qui demeurent : nous devons sans doute travailler à construire un conseil efficace et de qualité pour servir l’objectif de réduction de l’usage des produits phytopharmaceutiques en fonction des surfaces cultivées, notamment viticoles. Cette question a fait l’objet d’un travail approfondi de Dominique Potier et Stéphane Travert, que je remercie.
    La proposition de loi permet également de faire évoluer le fonctionnement de la MSA, acteur important de la protection sociale, qui joue un rôle crucial dans le quotidien des agriculteurs, puisqu’elle est leur interlocuteur face à la maladie, à l’incapacité, aux aléas de la vie. Elle permet de les accompagner, de créer un lien social de proximité, et ainsi d’améliorer la prévention contre l’isolement et contre les conséquences dramatiques de la détresse que peuvent parfois éprouver certains d’entre eux. Je salue également l’engagement de la MSA dans les maisons France Services, qui sont cofinancées par elle et permettent d’assurer des services vitaux, notamment dans les zones rurales.
    Ce texte propose des ajustements indispensables pour garantir la cohérence des élections et l’efficacité des institutions agricoles. Il actualise –⁠ cette mise à jour était attendue – le périmètre électoral de la métropole de Lyon. Il corrige également certains décalages, causés par la crise sanitaire de 2020, entre les mandats des délégués cantonaux et des administrateurs de la MSA. La durée des mandats, tantôt prolongée tantôt réduite, sera ainsi harmonisée afin d’assurer des élections cohérentes en 2025. En adaptant les règles électorales aux évolutions techniques, territoriales et démocratiques, ce texte répond aux attentes des chambres d’agriculture et de la MSA, et apporte des corrections nécessaires et attendues alors que le monde agricole connaît de grandes difficultés.
    Nous avons besoin de ces acteurs institutionnels pour renforcer la compétitivité et la résilience de notre agriculture. En les consolidant, nous leur donnons les moyens de soutenir les agriculteurs au moment d’affronter les défis climatiques, économiques et sociaux. Les chambres et la MSA seront ainsi mieux outillées pour conseiller les exploitants sur les pratiques durables, les aides disponibles et les innovations technologiques.
    Au bout du compte, ce texte traduit notre ambition collective de soutenir les agriculteurs face aux crises, tout en préparant l’avenir, grâce à des institutions modernisées et adaptées aux nouveaux enjeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur les bancs des commissions.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Thierry Benoit.

    M. Thierry Benoit

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    Je suis heureux d’indiquer, au nom du groupe Horizons & indépendants, que nous voterons en faveur de cette proposition de loi. Les agriculteurs français viennent de renouveler leurs représentants au sein des chambres consulaires que sont les chambres d’agriculture. D’ici au 5 mars, les élus de ces chambres constitueront leurs bureaux. Dans cette perspective, madame la rapporteure, vous avez déposé la proposition de loi afin de procéder, en accord avec Mme la ministre de l’agriculture, à des ajustements techniques.
    Je répéterai tout bonnement ce que les orateurs précédents ont déjà indiqué.
    Premièrement, le texte permettra aux agriculteurs siégeant au sein des conseils d’administration des coopératives de devenir membres des bureaux des chambres d’agriculture. Les membres des coopératives étant en droit d’exercer une activité de vente ou de conseil en matière de produits phytopharmaceutiques, des règles de déport sont prévues –⁠ nous en avons longuement débattu.
    Deuxièmement, le texte autorisera la participation, aux élections des chambres, des agriculteurs et des agricultrices qui ne sont pas à jour de leurs cotisations. Les candidats à ces élections, en revanche, ne devront pas avoir d’arriéré.
    Troisièmement, à la suite des discussions tenues en commission, à l’Assemblée aussi bien qu’au Sénat, une règle de parité hommes-femmes est instaurée. C’est une bonne chose.
    Quatrièmement, les calendriers des élections, qui avaient été désynchronisés par la crise du covid, sont harmonisés.
    Le cinquième et dernier point concerne les mesures spécifiques à Mayotte.
    Tous ces points ont globalement fait l’objet d’un consensus –⁠ tant à l’Assemblée qu’au Sénat – qui a permis à la commission mixte paritaire d’être fructueuse et d’aboutir à un texte utile.
    Madame la ministre, nous sommes heureux de vous retrouver au sein de ce gouvernement. Mais comme nous vous l’avions indiqué sous le gouvernement précédent, un ministre de l’agriculture le reste sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Et le plus dur reste à faire : adresser une lettre de mission aux chambres d’agriculture afin de préparer l’avenir. Depuis plusieurs années, que ce soit à la suite de la révision générale des politiques publiques ou des nécessaires réformes de maîtrise de la dépense publique, des efforts ont souvent été demandés aux chambres consulaires –⁠ qu’elles soient chambres des métiers et de l’artisanat, chambres de commerce et d’industrie ou chambres d’agriculture. Désormais, au gré des réformes et des lois votées à l’Assemblée et au Sénat, tout le monde s’occupe d’agriculture : l’Union européenne, pour une bonne part ; l’État, pour une autre part ; les régions, pour ce qui concerne notamment l’installation des agriculteurs ; enfin, les intercommunalités. Tout le monde s’occupe de l’agriculture ! C’est pourquoi, une fois ce texte voté, il faudra donner une impulsion claire aux chambres d’agriculture qui viennent d’être renouvelées. Je vous fais pleinement confiance, madame la ministre, pour agir en ce sens, et je répète que le groupe Horizons & indépendants votera la proposition de loi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR. –⁠ Mme la rapporteure applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. David Taupiac.

    M. David Taupiac

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    Les élections aux chambres d’agriculture ont été clôturées le 31 janvier. Il s’agit d’un scrutin déterminant, qui fixe l’équilibre politique entre les différentes organisations syndicales, et contribue à définir la vision de l’agriculture qui sera promue auprès des professionnels et des pouvoirs publics. Plus encore que lors des précédents scrutins, ces élections ont revêtu une importance particulière, dans le contexte de crise du monde agricole et de montée de la colère des agriculteurs. Cette colère n’a pas trouvé de réponse à la hauteur des enjeux et les promesses se sont accumulées sans se concrétiser. Le résultat des urnes s’en ressent.
    Cette proposition de loi n’aborde pas directement les sujets qui fâchent ; elle ne cherche pas davantage à influer sur une élection désormais close. Néanmoins, le texte apporte des précisions techniques essentielles afin de permettre à ceux qui –⁠ légitimement – souhaitent représenter la profession agricole de se porter candidats.
    Après l’élection, qui vient de se tenir, des membres des quatre-vingt-huit chambres locales, devront être désignés en mars les représentants composant les onze chambres d’agriculture régionales. Puis, les présidents des chambres régionales éliront le président de Chambres d’agriculture France, ainsi que son conseil d’administration. Dans cette perspective, il semble important que les représentants des coopératives agricoles puissent être élus. En effet, celles-ci font partie intégrante de notre modèle agricole et en constituent une part particulièrement dynamique, promise à un bel avenir. Or cette possibilité n’était plus assurée depuis que la loi Egalim du 30 octobre 2018, instaurant à mauvais escient une séparation des activités de vente et de conseil en matière de produits phytosanitaires, a eu pour conséquence d’écarter certains représentants des coopératives agricoles des fonctions électives. Nous sommes donc favorables à une proposition de loi qui ouvre aux présidents de coopératives et aux gérants d’entreprises de travaux agricoles, qu’ils vendent ou distribuent des produits phytopharmaceutiques, le droit de siéger dans les bureaux des chambres où ils sont élus.
    Hormis ce point notable, la proposition de loi contient des aménagements techniques légitimes. Elle permet, par exemple, aux premiers vice-présidents des chambres d’agriculture régionales dépourvues de chambres territoriales de siéger à la session de Chambres d’agriculture France. De plus, il faut également préparer, outre les élections aux chambres d’agriculture, celles à la Mutualité sociale agricole. Les élections de 2020 ont vu leur calendrier bouleversé par la crise sanitaire liée au covid-19, obligeant à prolonger le mandat d’administrateurs de certaines caisses de la MSA. En effet, les mesures de confinement avaient introduit un décalage entre certaines élections d’administrateurs de la MSA tenues en 2020 : celles-ci avaient pu se dérouler dans trois caisses locales avant le confinement du printemps, les élections pour les autres caisses ayant dû être reportées à l’été ou à l’automne suivants. Les mandats d’administrateurs, d’une durée de cinq ans, devenaient ainsi hétérogènes quant à leurs dates de commencement et de fin. C’est pourquoi il convient, pour s’adapter au nouveau calendrier avant les prochaines élections de mai, d’harmoniser l’échéance des mandats des différents élus et de modifier les dates de fin de mandat des délégués cantonaux et des administrateurs de la MSA en place. D’autres correctifs prévus à l’article 2 vont également dans le bon sens : ils tendent à sécuriser, partout sur le territoire, les élections à venir.
    Enfin, un dernier ajustement important –⁠ si important qu’on a du mal à le qualifier d’ajustement – a été introduit comme suite à l’adoption d’un amendement de la rapporteure : l’instauration du principe de listes paritaires pour les prochaines élections à la MSA, en 2030. Il s’agit d’une avancée significative non pour accompagner la féminisation du métier agricole –⁠ cela fait longtemps que les femmes cultivent la terre –, mais pour reconnaître leur place dans ce métier. Nous sommes donc favorables à cette proposition de loi nécessaire et utile au bon déroulement des élections à venir.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. André Chassaigne.

    M. André Chassaigne

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    Nous nous prononçons sur un texte qui n’était déjà pas grand-chose et qui se réduit à presque rien après son passage au Sénat et en commission mixte paritaire. La proposition de loi relative à l’exercice de la démocratie agricole –⁠ premier titre du texte – avait peu de choses à voir avec son contenu, mais le texte adopté à l’Assemblée nationale, censé porter –⁠ d’après son nouveau titre – diverses mesures visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d’agriculture et de la Mutualité sociale agricole, se limite désormais à une adaptation des collèges électoraux de la MSA dans les circonscriptions de la métropole de Lyon, ainsi qu’à l’autorisation pour les agriculteurs en difficulté n’ayant pu régler leurs cotisations pendant les six derniers mois de participer tout de même au scrutin. Nous approuvons ces deux mesures, quoique nous nous interrogions sur l’effectivité de cette dernière, qui consiste à assouplir les conditions de vote pour les assujettis au régime agricole ayant des arriérés de cotisations en vue des élections de mai prochain, alors que la qualité d’électeur est appréciée au 1er avril 2024.
    Pour être franc, j’ai le sentiment d’un rendez-vous manqué, avec le sujet de fond esquissé par le titre initial du texte : celui de l’évolution de la démocratie agricole et du renforcement de la représentativité de tous les actifs agricoles au sein des chambres d’agriculture, de la MSA et de l’ensemble des organisations professionnelles –⁠ interprofessions et instituts techniques inclus.
    Les élections des chambres d’agriculture viennent de rendre leur verdict. Elles ont, certes, connu un certain regain d’intérêt et les résultats sont plus contrastés, mais ce scrutin demeure marqué par une participation faible, avoisinant les 45 %, alors que les chambres d’agriculture doivent jouer un rôle déterminant dans les transformations de l’agriculture et l’accompagnement de tous les agriculteurs au quotidien.
    La question de l’évolution du mode de scrutin vers un système plus proportionnel, notamment pour le collège des chefs d’exploitation et assimilés, reste d’actualité. Une telle évolution renforcerait indéniablement la représentativité et le débat démocratique au sein des chambres. Comme je l’avais souligné en première lecture, il est aussi besoin de progresser dans la représentation des salariés agricoles : alors qu’ils sont aujourd’hui 820 000, soit deux fois plus que le nombre de non-salariés, ils ne disposent que d’une très faible représentation, à travers le collège des salariés de la production agricole et celui des salariés des groupements professionnels agricoles. Les mutations profondes de l’agriculture, notamment la salarisation croissante des actifs agricoles, devront nécessairement se traduire par une transformation significative des structures de représentation des professions concernées avec, au minimum, une augmentation du nombre de places accordées aux collèges des salariés.
    L’article 1er du texte avait soulevé maints débats sur notre incapacité à sortir de l’utilisation massive de produits phytosanitaires. Son rétablissement ne doit pas nous conduire à mettre sous le tapis les politiques structurelles indispensables à la transformation des systèmes agricoles et au renforcement des protections dont doivent bénéficier tous les paysans. Sans la volonté politique d’agir sur les contraintes socio-économiques qui pèsent sur les agriculteurs, transformer l’agriculture française restera un vœu pieux. Sans sécurité du revenu, sans rémunération à la hauteur des productions durables –⁠ y compris lorsque l’adoption de pratiques économes en intrants et en produits phytosanitaires entraîne une baisse des rendements –, sans outils de protection efficaces face aux importations ne respectant pas nos normes, sans régime public de prévention et de gestion des risques, sans un effort soutenu d’accompagnement de la recherche agronomique et de déploiement de ses acquis aux champs, il n’y a guère de chances pour que le monde agricole s’oriente vers un système plus vertueux.
    Malheureusement, je suis très inquiet sur notre capacité à débattre et à agir, dans les semaines à venir, sur ces enjeux de fond, alors que le contenu du projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire demeure très limité. Ce dernier prend d’ailleurs une tournure inquiétante au Sénat, et les possibilités de le faire évoluer seront particulièrement contraintes par la procédure d’examen.
    En conclusion, si nous voterons en faveur de ce texte, c’est avec la claire conscience de toutes ses insuffisances. Nous espérons qu’à l’avenir, les observations que j’ai pu présenter seront prises en compte. Il y va de l’avenir de notre agriculture. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophie Ricourt Vaginay.

    Mme Sophie Ricourt Vaginay

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    L’agriculture française traverse une crise profonde. Nos agriculteurs, piliers de notre souveraineté alimentaire et de la vitalité de nos territoires, sont confrontés à des défis majeurs : marchés déséquilibrés, chaînes de valeurs injustes, promesses gouvernementales non tenues.
    Un an après les engagements séduisants du gouvernement macroniste, ces promesses sont restées lettre morte. Nos agriculteurs, qui méritent notre reconnaissance et notre soutien, se sont légitimement sentis trahis et abandonnés, en proie à une désillusion grandissante.
    Dans un tel contexte, la proposition de loi, validée en commission mixte paritaire, s’efforce de résoudre certaines difficultés immédiates, en facilitant notamment l’organisation des élections des chambres d’agriculture et de la Mutualité sociale agricole.
    Mais, au-delà de cette avancée institutionnelle, il nous faut tirer des enseignements du nouveau paysage syndical agricole issu de ces élections. Cruciales, celles-ci témoignent des tensions et des fractures qui traversent le monde agricole, ainsi que d’une volonté de renouvellement et d’une prise de conscience croissante, dans ce secteur essentiel, des enjeux de gouvernance.
    Le gouvernement ne peut plus se cacher derrière l’organisation de ces scrutins. Il y a quelques semaines, madame la ministre, vous nous avez dit votre hâte que ces élections soient passées, afin que vous puissiez vous mettre au travail : nous y sommes. (Mme la ministre sourit.)
    Dans quelques jours s’ouvrira le Salon de l’agriculture, rendez-vous majeur pour nos exploitants, nos éleveurs et nos producteurs –⁠ ce sont des actes, que nous attendons désormais.
    Car, au-delà de la sécurisation des scrutins, nos agriculteurs demandent des réformes ambitieuses : le rééquilibrage des rapports de force qui les oppose aux grandes entreprises de l’agro-industrie, la juste rémunération de leur travail et un modèle agricole résilient et durable, garant de notre souveraineté alimentaire.
    La proposition de loi adoptée en CMP ne traite ainsi que de la surface du problème. Si elle sécurise juridiquement les processus électoraux, elle ne touche en rien aux causes profondes de la crise agricole : nous devons aller plus loin.
    Le maintien du cumul des fonctions pour les administrateurs des coopératives agricoles et les présidents des chambres d’agriculture, bien qu’encadré par une règle de déport, reste un compromis fragile.
    Une réforme structurelle est nécessaire afin d’éviter les conflits d’intérêts et de garantir l’indépendance des chambres d’agriculture, qui doivent demeurer des partenaires fiables, au service des exploitants.
    Si l’instauration de la parité dans les instances agricoles est une avancée, il faut veiller à ce qu’elle soit appliquée avec pragmatisme, pour éviter qu’elle ne devienne, faute de candidates, un obstacle à une bonne gouvernance.
    Nous devons, enfin, envisager la question de la simplification des mécanismes électoraux, dont la lourdeur dissuade nombre d’agriculteurs. Si nous voulons qu’ils reprennent confiance dans leurs institutions, nous devons leur proposer des processus clairs, accessibles et adaptés à leurs contraintes quotidiennes.
    Le groupe UDR a voté pour cette proposition de loi, qui répond à des besoins immédiats ; mais nous ne nous contenterons pas de mesurettes.
    Vous avez, madame la ministre, la responsabilité majeure d’agir vite et fort. À quelques jours de l’ouverture du Salon de l’agriculture, nous attendons de votre part des engagements concrets. Le temps des discours est terminé, celui des résultats est venu : nos agriculteurs méritent des réformes à la hauteur des défis qu’ils ont à relever. La souveraineté alimentaire de la France en dépend. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR et sur quelques bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Robert Le Bourgeois.

    M. Robert Le Bourgeois

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    Les élections aux chambres d’agriculture ont livré leurs résultats il y a quelques jours. Ceux-ci témoignent d’un tournant et d’une indiscutable volonté de changement. Au nom du groupe Rassemblement national, je tiens à présenter mes félicitations à tous les nouveaux élus engagés au service de notre agriculture et à les assurer de notre soutien comme de notre mobilisation.
    Si elle ne règlera pas tous les problèmes de nos agriculteurs, cette élection aura au moins permis de faire clairement voir leur volonté d’en finir avec le modèle de gouvernance légué par l’histoire et avec les inepties technocratiques européennes qui rendent nos exploitants esclaves de mécanismes déracinés –⁠ quand ils ne réclament rien d’autre que de pouvoir vivre du fruit de leur travail.

    M. Nicolas Meizonnet

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    Eh oui !

    M. Robert Le Bourgeois

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    Au vu de ces enjeux, les conclusions du texte que nous examinons aujourd’hui paraissent anecdotiques. Pour autant, madame la rapporteure, je ne voudrais pas jeter le discrédit sur votre texte, porteur de quelques dispositions techniques bienvenues.
    Je trouve au demeurant choquant que notre collègue de la Droite républicaine se soit cru autorisé, il y a quelques minutes, à critiquer l’absence –⁠ sans doute justifiée – de certains collègues en commission mixte paritaire alors que ce sont les députés du Rassemblement national qui ont le taux de présence dans l’hémicycle le plus élevé. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
    Au nombre de ces dispositions techniques bienvenues, on trouve l’adaptation du périmètre électoral au nouveau découpage de la métropole de Lyon et la mise en cohérence de la durée des mandats –⁠ perturbés par la crise sanitaire – des élus de la MSA. On trouve également des mesures allant dans le sens de la transparence dans les travaux des chambres d’agriculture ou encore le nécessaire report du scrutin à Mayotte.
    Les débats suscités par l’examen de ce texte auront aussi eu le mérite que soit posée la question, légitime, du mode de scrutin dans les chambres d’agriculture. Le Rassemblement national, fidèle à sa volonté de débureaucratiser l’État, n’a pas soutenu la demande de rapport formulée par certains collègues ; mais le problème de la représentativité des instances agricoles n’en demeure pas moins fondamental. Comment expliquer qu’un syndicat ayant recueilli un tiers des voix ne se retrouve à la tête que de quatorze départements quand son concurrent, recueillant moins de la moitié des suffrages, en contrôle encore quatre-vingts ?
    Notre Parlement, tôt ou tard, devra débattre de l’opportunité du scrutin proportionnel comme de la prime majoritaire, afin d’offrir aux chefs d’exploitation des élus qui les représentent vraiment. Dans tout système représentatif, la légitimité des élus n’a d’autre source que le vote. Leur qualité de représentant dépend de leur capacité à honorer les idées qui les ont fait élire, ainsi que de leur faculté à rester à l’écoute des attentes du terrain. Elle ne devrait dépendre de rien d’autre, et surtout pas d’artifices techniques accordant une majorité absolue à des majorités relatives –⁠ cela vaut pour chacun d’entre nous, à l’Assemblée nationale, comme pour les instances représentatives du monde agricole.
    Grâce à ce texte, l’épineuse question de la séparation des activités de conseil et de vente de produits phytopharmaceutiques a été remise sur la table –⁠ question que la proposition de loi des sénateurs Duplomb et Menonville permettra sans doute d’approfondir, comme elle permettra de corriger ces mesures dont nos agriculteurs finissent toujours par pâtir.
    Je me réjouis ainsi que la majorité de l’Assemblée se soit prononcée en faveur d’un assouplissement de cette anomalie normative que constituait la séparation des activités de vente et de conseil. Cette séparation, en plus d’écarter injustement des bureaux des chambres d’agriculture les vendeurs de produits phytopharmaceutiques et de jeter un soupçon systématique sur leur probité, a conduit à devoir se passer de leur expertise, au rebours de leur rôle naturel de conseil auprès des agriculteurs.
    Il faudra aller plus loin encore, en mettant un terme aux surtranspositions et au zèle bureaucratique, qui trop souvent empêchent nos agriculteurs de jouer à armes égales avec leurs concurrents.
    Je le dis, sans aucune malice, à nos collègues de gauche, en particulier aux écologistes : la question du recours aux produits phytopharmaceutiques et de ses conséquences –⁠ environnementales et sanitaires – mérite d’être posée. Elle ne peut être balayée d’un revers de la main. Ce débat doit cependant être conduit de manière pragmatique et raisonnable, loin des caricatures, avec le souci constant de garantir à nos agriculteurs des solutions viables et efficaces, comme de garantir à notre pays la souveraineté alimentaire dont il a besoin.
    Nous soutiendrons donc ce texte qui répond à des questions réelles mais secondaires. La légitime colère de nos agriculteurs demeure vivace, à la hauteur du terrible mépris qu’ils ont eu à subir depuis tant d’années. Tant que nous ne leur apporterons pas de solutions concrètes et pérennes, leur permettant de vivre de leur travail et d’assurer la transmission de leurs exploitations, tout ce que nous entreprendrons pour eux sera vain. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Travert.

    M. Stéphane Travert

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    Les élections des chambres d’agriculture viennent d’avoir lieu, et elles ont livré leurs résultats. Tous les six ans, ces élections permettent de renouveler les membres des chambres d’agriculture qui sont les piliers, dans nos territoires, de la vie agricole et du développement rural.
    Or, cette année, la désignation du bureau des chambres pourrait se révéler plus difficile, du fait de l’entrée en vigueur de l’interdiction du cumul des fonctions de membre du bureau d’une chambre pratiquant le conseil en matière de produits phytopharmaceutiques, d’une part, et d’administrateur d’une entité chargée de la vente de ces mêmes produits, telle qu’une coopérative agricole, d’autre part.
    Cette disposition introduite par la loi Egalim du 30 octobre 2018 à l’article L. 254-1-2 du code rural se traduit, dans les faits, par l’impossibilité pour des administrateurs de coopératives de siéger au sein des bureaux des chambres d’agriculture.
    L’absence d’administrateur ou de président de coopérative au sein des bureaux des chambres d’agriculture peut pourtant se révéler préjudiciable à plus d’un titre. L’expertise de ces élus, tout d’abord, est très utile dans les chambres, particulièrement sur le sujet des innovations technologiques déployées par les coopératives. Le désengagement des coopératives dans la gestion et les élections des chambres, ensuite, pourrait compliquer, en réduisant le vivier de candidats potentiels, la constitution des listes.
    L’article 1er du texte que nous examinons résout cette difficulté, en permettant aux administrateurs et aux présidents de coopératives de siéger au sein des bureaux des chambres d’agriculture, autorisation conditionnée au fait de ne pas prendre part aux travaux et aux délibérations concernant le conseil en matière de produits phytopharmaceutiques.
    La proposition de loi règle aussi plusieurs litiges juridiques relatifs aux élections de délégués de la Mutualité sociale agricole.
    En premier lieu, la création de la métropole de Lyon, par la loi Matpam du 27 janvier 2014, a privé d’assise légale l’élection des délégués dans les ex-cantons de la métropole de Lyon, hors commune de Lyon. Si le décret no 2019-311 du 11 avril 2019, relatif aux élections des délégués cantonaux aux assemblées générales de la Mutualité sociale agricole, tâche de pallier ce vide juridique, seule une disposition de niveau législatif sera à même de sécuriser pleinement l’organisation de ces élections.
    C’est ce à quoi l’article 2 vise à remédier : il tend à rétablir une base légale dans les circonscriptions de la métropole de Lyon –⁠ hors commune de Lyon – en les assimilant à des cantons.
    En second lieu, le cadre juridique des élections de la MSA a la particularité de priver du droit de vote les personnes qui ne se sont pas acquittées des cotisations sociales personnellement dues et réclamées depuis six mois au moins, sans qu’ait été mis en place un échéancier de paiement. Certains agriculteurs, dont la situation économique et sociale est déjà particulièrement difficile, vivent cette disposition comme une double peine.
    C’est pourquoi l’article 2, dans sa rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire, propose de rétablir le droit de vote pour les personnes qui ne sont pas à jour de cotisation.
    L’article 3, enfin, vise à remédier au décalage, consécutif à la crise du covid-19, entre les différentes dates d’élections des caisses locales.
    Je tiens à remercier Mme la rapporteure pour son travail sur ces sujets, qui nous offre le moyen de faire vivre la démocratie agricole, notre agriculture et nos filières. Mon groupe est favorable à l’adoption de cette proposition de loi de bon sens, utile à nos agriculteurs, utile à la ruralité, utile au pays. J’ai dit. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    Sur les conclusions de la commission mixte paritaire, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Murielle Lepvraud.

    Mme Murielle Lepvraud

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    Cette proposition de loi, intitulée initialement « relative à l’exercice de la démocratie agricole », laissait espérer des avancées en matière de représentativité des paysans dans leurs instances. Elle se limite pourtant à modifier le fonctionnement des chambres d’agriculture et de la Mutualité sociale agricole, sans traiter réellement de la question du pluralisme, ni tâcher de rendre plus démocratique le fonctionnement de ces structures.
    Pire encore, dans son article 1er, elle remet en cause la séparation entre vente et conseil en matière de pesticides, instaurée par la loi Egalim de 2018, en permettant par dérogation aux dirigeants de coopératives agricoles et aux distributeurs de produits phytosanitaires de participer aux bureaux des chambres d’agriculture.
    Tous les indicateurs en matière de biodiversité, de climat et de santé soulignent qu’il est urgent de réduire l’usage de ces produits : les chambres n’ont donc aucun intérêt à favoriser ceux qui les vendent. Elles devraient au contraire se concentrer sur la transition vers des pratiques agroécologiques et une diminution, drastique, de l’usage de pesticides.
    Nous avions proposé, afin de rendre ce texte efficace, un amendement visant à favoriser le pluralisme dans les chambres d’agriculture, en réduisant progressivement la prime majoritaire attribuée à la liste arrivée en tête, dans le but de tendre vers un système de proportionnelle intégrale. Après que cet amendement a été déclaré irrecevable, nous l’avons déposé à nouveau sous la forme d’une demande de rapport évaluant l’opportunité d’adapter les règles d’élection des représentants des chambres d’agriculture.
    Ce rapport aurait constitué un point d’appui pour favoriser une meilleure représentativité, comme le préconisaient la Cour des comptes en 2021 mais aussi le rapport de la mission d’information commune relative aux chambres d’agriculture et à leur financement en 2020. Mais alors que l’Assemblée nationale avait voté en faveur de l’amendement, la commission mixte paritaire s’est opposée à la simple réalisation de cette étude.
    Il s’agit non de privilégier tel ou tel syndicat mais de rétablir les équilibres dans les instances. Prenons un exemple récent : dans le Cher, dans le collège 1, celui des chefs d’exploitation, la Coordination rurale a obtenu 45,6 % des voix, mais treize sièges sur dix-huit. Ainsi, avec seulement 45 % des voix, on peut obtenir plus de 70 % des sièges. Il y a là une anomalie. Ce mode de scrutin à prime majoritaire verrouille la représentation et ne permet pas à tous les modèles agricoles d’être représentés. En particulier, les petits producteurs indépendants et les salariés agricoles sont sous-représentés. Pourtant, les candidats de tous bords ne manquent pas pour y siéger.
    De la même manière, l’amendement de mon collègue Biteau visant à assurer la parité dans les instances –⁠ l’amendement « chabadabada » – a été modifié. Les macronistes et la Droite républicaine ont dit qu’ils étaient pour, mais pas maintenant, et le Rassemblement national a soutenu que la parité stricte n’était pas nécessaire. Pas de parité stricte, cela veut dire pas de parité du tout. Pourtant, les paysannes doivent être représentées dans les instances pour défendre leurs revendications.
    Nous percevons bien les difficultés de faire évoluer ces instances indispensables pour l’accompagnement des agriculteurs mais insuffisamment représentatives du monde agricole dans son ensemble. Il est d’ailleurs probable que le manque de représentativité des bureaux des chambres d’agriculture et le travail nécessaire sur la parité expliquent la faible participation générale aux élections qui viennent de se tenir. Comment se satisfaire d’un taux de participation qui stagne à 20 ou 25 % dans de nombreux départements, comme dans mon département des Côtes-d’Armor ?
    En définitive, vous vous êtes contentés de lever la séparation entre vente et conseil sur les produits phytosanitaires et de prendre quelques mesurettes techniques, pour faire bonne figure, alors qu’il y avait tant à faire pour renforcer la représentativité et la démocratie dans le monde agricole ! Nous voterons donc contre ce texte, mais vous pouvez compter sur le groupe La France insoumise pour continuer à œuvrer en faveur d’un système plus représentatif de la diversité des pratiques agricoles et d’une plus grande présence des femmes dans les instances. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Dominique Potier.

    M. Dominique Potier

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    Je suis le dernier mais non le moindre, comme vous l’avez suggéré, madame la rapporteure ! Je vous remercie de nous avoir permis de corriger une anomalie. De votre côté, vous pouvez remercier le groupe Socialistes, dont la principale contribution a été de donner à cette proposition de loi technique –⁠ elle ne restera pas dans l’histoire de France comme la pierre angulaire des politiques agricoles –, un intitulé qui lui corresponde. Vous l’aviez baptisée « proposition de loi relative à l’exercice de la démocratie agricole ». Il y aurait tant à dire –⁠ et à faire – sur ce sujet ! Vous avez accepté de la rebaptiser « proposition de loi visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d’agriculture et de la Mutualité sociale agricole ». Cela va mieux en le disant.
    Je veux saluer les milliers d’agriculteurs qui ont participé aux élections des chambres d’agriculture, ceux qui se sont présentés et ceux qui ont été élus, dans tous les départements métropolitains et ultramarins, quelle que soit leur sensibilité. Je leur souhaite beaucoup de bonheur dans leur mandat au service de l’agriculture, donc de la France.
    L’autre contribution du groupe Socialistes a consisté à appeler l’attention sur le fait qu’à Mayotte, nous devions prendre le temps avant de procéder à ces élections, qui ont été reportées d’un an.
    Je profite de l’occasion pour passer quelques messages –⁠ les occasions sont rares. Tout d’abord, le texte modernise les modes d’élection des délégués de la MSA. La directrice de la MSA, lors de sa venue dans les locaux de l’Assemblée nationale, avait appelé notre attention sur l’érosion des bases fiscales agricoles par le jeu des montages juridiques qui permettent de payer moins d’impôts mais aussi moins de cotisations sociales. Cette érosion des bases fiscales affaiblit notre protection sociale et entraîne des inégalités contributives –⁠ on contribue à la Mutualité sociale agricole de façon inversement proportionnelle à ses moyens.
    De telles inégalités fiscales ne sont pas une fatalité –⁠ j’ai interpellé le ministre de l’économie à ce sujet. Le lancement d’une commission d’enquête, d’une mission du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) ou de l’Inspection générale des finances (IGF) permettrait d’évaluer l’adaptation des recettes de la fiscalité agricole aux défis du moment et la justesse de leur allocation.
    En bref, je souhaiterais ouvrir un débat sur la fiscalité agricole. Grâce à l’effort consenti dans le cadre du PLF pour 2025, la fiscalité agricole représente 4,5 milliards d’euros, soit la moitié des crédits de la politique agricole commune. C’est une sorte de boîte noire : on ne sait pas qui en sont les bénéficiaires, par décile et par centile.
    Et nous ne savons pas répondre à la question fondamentale : la fiscalité agricole est-elle véritablement au service d’une politique de renouvellement des générations et d’adaptation au dérèglement climatique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) J’en doute. C’est un levier majeur de l’action publique que nous n’avons pas exploré.
    Ensuite, ce texte a été justifié par une scorie de la loi Egalim, qui prévoyait d’empêcher les responsables de coopératives de devenir membres du bureau des chambres d’agriculture. Pour le groupe Socialistes, il n’y a pas d’ambiguïté : nous sommes favorables à leur réintégration. En effet, il serait paradoxal d’exclure de la gouvernance territoriale de l’appareil consulaire des représentants de l’économie sociale, alors que les coopératives incarnent une forme de démocratie économique. Nous soutenons pleinement la proposition de loi.
    La séparation du conseil et de la vente restera sans doute dans l’histoire des politiques agricoles comme l’archétype d’une fausse bonne idée. Cela ne marche pas et cela ne peut pas marcher. Stéphane Travert et moi-même avons été corapporteurs de la mission d’information flash sur le bilan de la séparation de la vente et du conseil. Nous n’avons pas trouvé une seule personne pour défendre ce dispositif ; il faut donc en changer.

    M. Thibault Bazin

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    Vous avez raison de le combattre !

    M. Dominique Potier

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    Par contre, alors que les forces les plus libérales et les plus conservatrices, voire l’extrême droite, demandent le rétablissement du statu quo antérieur, rappelons les conclusions de la commission d’enquête sur les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale, notamment sur les conditions de l’exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire : il est indispensable d’abandonner la fausse bonne idée de la séparation du conseil et de la vente au profit d’un renforcement des chambres d’agriculture et des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques.
    Madame la ministre, je suis parfois terrifié par le ton des débats au Sénat, par vos réactions et par les positions du monde agricole en faveur de l’abolition des normes. Rappelons que celles-ci sont faites pour protéger le droit, la justice et l’environnement, donc la permanence de notre capacité à produire de l’alimentation. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS. –⁠ M. Stéphane Peu applaudit également.)

    Mme la présidente

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    Je vous remercie de bien vouloir conclure.

    M. Dominique Potier

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    Il m’arrive de penser : « Pisani, reviens, ils sont devenus fous ». (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)

    Mme la présidente

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    La discussion générale est close.

    Vote sur l’ensemble

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        247
            Nombre de suffrages exprimés                247
            Majorité absolue                        124
                    Pour l’adoption                203
                    Contre                44

    (L’ensemble de la proposition de loi est adopté.)

    Mme la présidente

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    Je remercie ceux qui quittent l’hémicycle de le faire en silence.

    4. Urgence pour Mayotte

    Commission mixte paritaire

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi d’urgence pour Mayotte (nos 920).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la rapporteure de la commission mixte paritaire.

    Mme Estelle Youssouffa, rapporteure de la commission mixte paritaire

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    Le projet de loi d’urgence pour Mayotte est un texte technique. Il marque une première étape, insuffisante mais nécessaire et bienvenue. Le texte est le fruit d’un compromis entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
    L’article 1er consacre la création d’un nouvel établissement public chargé de la reconstruction, qui remplace l’Établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte (Epfam). Son conseil d’administration, présidé par le président du conseil départemental, sera composé d’élus locaux. En cas de partage des voix, le représentant du gouvernement aura le dernier mot. Les acteurs économiques et sociaux, le Conseil économique, social et environnemental de Mayotte (Cesem) et le Comité de l’eau et de la biodiversité de Mayotte seront consultés.
    L’établissement public chargé de la reconstruction rendra public chaque année un rapport d’activité, qui contiendra sous la forme d’une annexe le rapport public que le gouvernement devra remettre au Parlement. Ce rapport public rendra compte du financement de la reconstruction à Mayotte, de la planification des opérations, du suivi des plans de prévention des risques, de la mise à jour des données cadastrales et de l’analyse des besoins en matière d’infrastructures. Cette transparence sur la reconstruction de Mayotte, qui est indispensable, sera scrutée par les Mahoraises et les Mahorais.
    L’article 2 dispose que L’État prendra en charge la reconstruction des écoles à Mayotte. Il devra prévoir l’accès à plusieurs points d’eau potable et à un espace de restauration scolaire ainsi que la possibilité d’installer à l’avenir des panneaux solaires sur les toitures. La construction de nouvelles classes ne pourra se faire qu’avec l’accord des communes.
    Un compromis entre l’Assemblée et le Sénat limite les constructions modulaires sans autorisation d’urbanisme en les soumettant à l’accord préalable du maire : ces constructions devront toutes être démontées au bout de deux ans à compter de la promulgation de la loi. Elles sont réservées au relogement des fonctionnaires, aux bureaux des administrations et aux établissements scolaires. Je redis ici nos vives réserves sur les constructions modulaires dont l’État faisait déjà usage à Mayotte avant le cyclone Chido. C’est du temporaire qui dure depuis plus d’une dizaine d’années. Mayotte veut du solide, du durable, du concret pour sa reconstruction ; nous refusons le bricolage du modulaire et serons attentifs à son usage.
    L’article 4 autorise le gouvernement à modifier par ordonnance le droit de la construction ainsi que les dispositions relatives à la lutte contre les bidonvilles et à la reconstruction. Les adaptations et modifications des règles techniques devront favoriser la récupération, le stockage et le traitement des eaux de pluie. Pour la première fois, la problématique de l’eau devra être pleinement prise en compte dans les constructions neuves à Mayotte. Par ailleurs, les règles sanitaires et de sécurité ont été exclues du champ de l’ordonnance, tout comme celles relatives aux obligations de recours aux énergies renouvelables pour les locaux d’habitation.
    L’article 4 bis encadre la vente de tôles. Les articles 5 et 6 définissent le champ des reconstructions couvertes par les dispositions dérogatoires au droit de l’urbanisme prévues par le texte. Nous avons limité à 20 % l’augmentation du gabarit en cas de reconstruction à l’identique.
    Les articles 6 bis A à 6 ter visent à faciliter et à accélérer la reconstruction et la réfection des installations électriques et radioélectriques. L’article 7 accélère les délais d’instruction des demandes d’urbanisme. L’article 8 impose la mise à disposition d’un dossier papier en mairie et en préfecture en cas de participation du public par voie électronique. L’article 9 prévoit que les travaux de démolition et de déblaiement pourront démarrer dès le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme ou de la non-opposition de la déclaration préalable.
    Alors que la loi d’urgence proposée par le gouvernement facilitait les expropriations et dépossédait les Mahorais de leur terre, j’ai convaincu l’Assemblée de supprimer l’article 10 scélérat. Je suis heureuse que le Sénat ait maintenu cette suppression. Il faut le dire car la population était inquiète : ce projet de loi d’urgence ne s’attaque pas aux terres mahoraises et c’est heureux.
    Les articles 11 à 14 modifient la commande publique pour permettre aux opérateurs économiques locaux de prendre toute leur part dans la reconstruction de Mayotte. Les acheteurs pourront réserver jusqu’à 30 % du montant des marchés publics à des très petites, petites et moyennes entreprises –⁠ TPE et PME – ainsi qu’à des artisans mahorais. Les conditions du recours à la sous-traitance sont encadrées ; l’État et les collectivités territoriales pourront contrôler le coût de revient des prestations proposées par les entreprises.
    Les articles 15 et 16 encadrent le soutien apporté aux associations et organismes d’intérêt général opérant à Mayotte. L’article 17 suspend totalement et de façon rétroactive les procédures de recouvrement fiscal forcé. L’article 17 bis suspend l’application des pénalités en cas de retard de paiement des impôts. Le Sénat a en outre créé une exonération de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pour 2025 et un prêt à taux zéro d’un montant de 50 000 euros pour les familles mahoraises qui peuvent reconstruire leur maison.
    Monsieur le ministre d’État, ministre des outre-mer, je veux clore cette présentation par deux alertes. Alors que votre collègue Mme Borne a annoncé l’annulation des épreuves du brevet des collèges et de plusieurs épreuves du baccalauréat à Mayotte, mais aussi la prolongation des vacances scolaires, les familles mahoraises se voient refuser l’inscription de leurs enfants dans les écoles de La Réunion. Plusieurs remontées concordantes font état de la décision coordonnée des élus locaux réunionnais pour refuser d’inscrire les enfants français de Mayotte dans leur département. Je vous demande solennellement de rappeler ces élus à la loi et de mettre fin à cette discrimination à l’égard des Mahorais à La Réunion.
    Enfin, nous constatons à Mayotte que les assureurs traînent des pieds pour indemniser les quelques foyers et entreprises en exigeant de nouvelles pièces justificatives telles que des titres de propriété, alors que ces documents ne sont pas exigibles selon les contrats d’assurance. C’est inadmissible. Je vous demande, monsieur le ministre, de tenir vos engagements et d’agir auprès des compagnies d’assurance pour indemniser au plus vite les assurés mahorais. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission mixte paritaire.

    Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission mixte paritaire

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    Mes premiers mots et mes premières pensées vont à la population de Mayotte si durement touchée par le cyclone Chido et la tempête Dikeledi le 14 décembre dernier. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Des mesures urgentes devaient être prises pour assurer l’aide aux personnes sinistrées et une reconstruction rapide. Nos deux assemblées sont finalement parvenues au texte commun qui vous est soumis aujourd’hui. Je salue le travail accompli dans des délais très courts par notre rapporteure, Mme Estelle Youssouffa, et son homologue du Sénat, Mme Micheline Jacques.
    Au fur et à mesure des amendements, notre assemblée a renforcé et modifié le texte initial du gouvernement, pour garantir une participation des entreprises locales à la reconstruction et ne pas la laisser entièrement aux mains des multinationales ; pour que la reconstruction ne se fasse pas au détriment des règles d’environnement ou d’accès des handicapés aux bâtiments publics ; pour que ne se reproduise pas l’immensité des dégâts que viennent de subir les Mahorais, parce qu’on aurait reconstruit sans prendre en compte le minimum de règles de sécurité –⁠ les habitants veulent du dur et du durable, chacune et chacun a le droit à un logement digne ; pour imposer une transparence sur les marges et un encadrement de la sous-traitance, afin que les marges cumulées des entreprises ne deviennent pas un trop lourd fardeau à la charge des Mahorais.
    Notre assemblée avait aussi décidé de renforcer les dispositifs de soutien aux dons en faveur des associations à Mayotte, comme ceux en faveur de la population en matière d’impôts et de prestations sociales. Le Sénat a souhaité rétablir certains dispositifs du texte initial du gouvernement et supprimer les demandes de rapports au Parlement votées par notre assemblée. Nous avons néanmoins pu conserver des rapports auxquels tenaient nos collègues mahorais, notamment sur le bilan humain de la catastrophe et sur le processus de convergence des dispositifs sociaux entre Mayotte et la métropole.
    J’en viens justement aux nombreux éléments qui manquent dans ce texte. Je pense tout d’abord à l’égalité des droits, particulièrement des droits sociaux. Puisque Mayotte est un département français, pourquoi n’y verse-t-on pas le même smic, le même RSA, les mêmes allocations familiales, les mêmes allocations logement qu’ailleurs ? Un même pays, des mêmes droits. Je pense aussi à des mesures de soutien d’urgence à l’agriculture dont la dévastation a entraîné des conséquences critiques pour la survie de milliers de familles, s’agissant notamment de la disponibilité et du prix des produits alimentaires.
    Nous avons, avec la commission, auditionné de nombreux représentants mahorais et nous avons pu mesurer l’immensité des attentes légitimes de la population, face à des difficultés que le cyclone n’a fait que révéler, mais qui ne sont pas nouvelles : l’accès aux services de base –⁠ eau, électricité, par exemple ; l’école et la santé dont les infrastructures sont chroniquement insuffisantes pour une population si jeune ; des prix notoirement élevés, supérieurs de 10 à 30 % à la moyenne nationale pour l’alimentation ou pour l’énergie –⁠ cela a alimenté de longs débats à l’Assemblée nationale ; le coût prohibitif des communications –⁠ vols, colis ou fret – avec l’Hexagone ou avec l’espace régional ; des inégalités profondes, alimentées notamment par un chômage élevé et la persistance d’une économie de survie et de débrouille.
    Ce sont ces difficultés qui nourrissent l’insécurité, avant même que le cyclone et la tempête viennent s’en mêler. L’immigration, invoquée pour les occulter, a bon dos. Notre île est fragile, comme notre République. Nos compatriotes mahorais et plus généralement ultramarins méritent beaucoup mieux.
    Le ministre des outre-mer a annoncé pour le printemps un nouveau texte, dont il est dit qu’il sera largement consacré au développement économique de l’île. La commission des affaires économiques souhaitera s’en saisir pleinement. Dans deux semaines, je conduirai d’ailleurs une délégation avec les vice-présidents de la commission pour aller à la rencontre des Mahorais.
    Avant de conclure, je voudrais saluer le courage et la dignité de nos concitoyens de Mayotte face à cette épreuve, et rendre hommage aux services de l’État, comme à l’ensemble des agents publics, pour leur mobilisation dans les conditions les plus difficiles. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et LIOT. –⁠ M. Elie Califer et Mme Marina Ferrari applaudissent également.) J’espère, monsieur le ministre, que le gouvernement fera en sorte que l’effort humain, matériel et budgétaire en faveur de Mayotte se déploie et se renforce dans la durée, afin que soient tenues les promesses faites à nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Mme Sandra Regol applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer.

    M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer

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    Il y a moins d’un mois, alors que je présentais ce projet de loi d’urgence pour Mayotte devant la commission des affaires économiques de votre assemblée, j’avais souhaité plus largement définir notre méthode structurée en trois temps : les urgences vitales ; la reconstruction ; la refondation.
    S’agissant du premier temps –⁠ la gestion de crise –, je peux dire, avec lucidité, modestie et prudence, que nous nous dirigeons progressivement vers une sortie de la phase d’urgence vitale. Des difficultés sérieuses persistent, mais il ressort des échanges que j’ai eus sur place avec la population et des retours que je reçois régulièrement des élus et du préfet, que l’accès à l’électricité ou à la nourriture s’est vraiment amélioré. Précisément, l’objectif de rétablissement de l’électricité à 100 % au 31 janvier a été tenu.
    La rentrée scolaire a démarré dans des conditions très difficiles mais l’engagement des personnels éducatifs, des renforts de sécurité civile et des élus a permis de l’organiser. Dans le second degré, l’intégralité des établissements a rouvert. Dans le premier degré, seules une vingtaine d’écoles –⁠ c’est encore beaucoup – demeurent dans l’incapacité d’accueillir les élèves. Des tentes-écoles ont été positionnées. Pas moins de 1 100 élèves ont pu être scolarisés hors de Mayotte, dont 400 à La Réunion.
    Pour répondre à votre alerte sur ce sujet, madame la rapporteure, les élus n’ont pas la main sur les inscriptions scolaires. Transmettez-moi s’il vous plaît les signalements précis et concrets dont vous avez connaissance. Comme vous, je rappelle que Mayotte, c’est la France, et que les enfants mahorais ont le droit d’être accueillis partout. Le devoir de responsabilité s’impose à chacun. Par ailleurs, vous le savez, nous aménageons les épreuves de fin d’année et les remplaçons en grande partie par du contrôle continu. La reconstruction des écoles est une priorité ; c’est pourquoi le projet de loi de finances pour 2025 prévoit 2,5 millions d’euros immédiatement et directement dédiés.
    L’objectif d’achever le traitement des déchets ménagers dans un mois reste un immense défi. Nous avons commencé des brûlages selon un mode opératoire qui préserve l’environnement et la santé. En matière d’accès aux soins, cinq dispensaires sur sept ont rouvert et si l’élément de sécurité civile rapide d’intervention médicale (Escrim) a dû être démonté comme prévu, un hôpital de campagne associatif a pris le relais.
    Ces avancées sont dues, bien sûr, aux agents de l’État et en premier lieu au préfet François-Xavier Bieuville, aux volontaires et aux bénévoles mobilisés mais surtout à l’engagement des Mahorais –⁠ la population, mais aussi les entrepreneurs que l’État doit accompagner. La circulaire sur le fonds de secours outre-mer, qui prévoit notamment 15 millions d’euros d’aides pour les agriculteurs, a été signée par l’ensemble des ministres concernés.
    Je veux aussi rendre hommage aux élus, à l’engagement des deux députées mahoraises Estelle Youssouffa et Anchya Bamana, et de l’ensemble des maires et des conseillers départementaux. Impliqués dans la gestion de crise, ils seront incontournables dans la reconstruction et la refondation qui nous attendent. C’est pourquoi, lors de mon déplacement à Mayotte il y a quinze jours, j’ai signé avec le président du conseil départemental Ben Issa Ousseni et le président de l’Association des maires de Mayotte Madi Madi Souf une convention d’intention affirmant les grands principes qui doivent guider la refondation : durcissement des règles contre l’immigration illégale, lutte contre les bidonvilles, développement des infrastructures, mais surtout convergence économique et sociale.
    La phase d’urgence s’éloigne donc progressivement. Pour autant, tout reste à faire. La gestion de crise passée, il nous faut reconstruire, puis refonder Mayotte. De nombreux défis sont donc devant nous.
    S’agissant de la reconstruction, le deuxième temps que j’évoquais, nous franchissons aujourd’hui une étape décisive. J’avais déclaré lors de mon audition devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale que nous avions collectivement, dans le cadre de ce projet de loi, une responsabilité extrêmement forte. Le Parlement s’est hissé à la hauteur de cette responsabilité : l’adoption de ce projet de loi en première lecture a recueilli une quasi-unanimité à l’Assemblée nationale et une totale unanimité au Sénat ; la commission mixte paritaire n’a eu aucun mal à trouver un accord utile et équilibré et j’en remercie très sincèrement sa présidente et ses deux rapporteures ; enfin, sur le fond, des compromis féconds ont été trouvés par les deux chambres.
    Ainsi, à l’article 1er, la composition de l’établissement public a d’ores et déjà été précisée, dans le sens d’une meilleure représentation des collectivités territoriales, notamment des intercommunalités. À l’article 2, la prise en charge par l’État de la reconstruction des écoles se fera à la demande des communes concernées. Enfin, la dispense de toute formalité d’urbanisme pour les constructions démontables temporaires prévue à l’article 3 a été davantage encadrée afin de limiter leurs utilisations possibles et de garantir clairement qu’elles ne deviendront pas pérennes –⁠ il s’agissait d’un de vos combats, madame la rapporteure.
    Outre ces modifications des articles initiaux, des mesures ont également été ajoutées au cours du débat parlementaire, sur des sujets fondamentaux pour nous tous. Plusieurs dispositifs de lutte contre les bidonvilles ont été intégrés à l’initiative ou avec le soutien du gouvernement, comme l’extension de l’ordonnance de l’article 4 à cet objectif, ou l’encadrement de la vente de tôles aux particuliers à l’article 4 bis. L’article 13 bis AA permettra de garantir la participation des entreprises mahoraises à la reconstruction, puisqu’il prévoit la faculté de réserver jusqu’à 30 % du montant estimé d’un marché aux microentreprises, PME et artisans basés à Mayotte.
    L’article 17 bis AA, intégré au texte à l’initiative du gouvernement, instaure un prêt à taux zéro ouvert à toutes les familles mahoraises pour reconstruire leur maison, même lorsque leur habitation n’était pas assurée. Il permettra d’emprunter jusqu’à 50 000 euros, pour une durée maximale qui pourra aller jusqu’à trente ans et intégrer un différé d’amortissement de cinq ans. Je m’engage, avec les banques et Action logement, à ce que ce prêt soit distribué le plus rapidement possible dès sa création. Enfin, l’article 17 ter exonère le territoire de taxe sur les activités polluantes et les déchets pendant deux ans.
    Tous ces ajouts prouvent la richesse du débat parlementaire auquel je suis extrêmement attaché, comme je crois l’avoir prouvé à chaque étape de nos discussions. La reconstruction nécessitera des engagements financiers considérables. La mission inter-inspections chargée d’évaluer les dégâts achève ses travaux, qui ont été d’une très grande qualité : le coût des destructions s’établira autour de 3 à 3,5 milliards d’euros –⁠ les chiffres définitifs seront donnés par la mission. L’État sera au rendez-vous, avec des aides directes et la mobilisation des fonds européens pendant plusieurs années. Le premier ministre, le ministre de l’économie et moi-même, sensibles à vos alertes, allons réunir les compagnies d’assurances s’agissant de Mayotte mais aussi de la Nouvelle-Calédonie : nous attendons plus d’engagement et de célérité de leur part. Les assurances et l’Agence française de développement (AFD) auront un rôle essentiel à jouer.
    Enfin, ce projet de loi garantit aussi la participation des entreprises mahoraises à la reconstruction de leur territoire. Nous devrons veiller à ce qu’elles aient accès à tous les marchés. Je sais qu’une délégation de la commission des affaires économiques effectuera un déplacement à Mayotte du 25 au 28 février ; vos retours nourriront notre réflexion commune.
    Le gouvernement tout entier est mobilisé pour faciliter la reconstruction. Ainsi, le ministre des armées, Sébastien Lecornu, et moi-même avons décidé de créer un bataillon temporaire de reconstruction doté de plusieurs compagnies de génie, d’infanterie, de commandement et de logistique : en tout, entre 350 et 400 soldats vont s’installer à Mayotte. Je suis convaincu que nous en verrons rapidement les résultats ; c’est ce qu’attendent les Mahorais et ce que j’attends en tant que ministre.
    Mais le projet de loi que vous vous apprêtez à adopter définitivement n’est qu’une première réponse : après le temps de l’urgence et celui de la reconstruction viendra le temps de la refondation. D’ici à quelques semaines, après avoir pris le temps d’effectuer les consultations qui s’imposent, nous présenterons un second texte, un projet de loi-programme pour Mayotte, destiné à permettre le développement économique, éducatif et social du territoire sur de nouvelles bases. Il s’appuiera sur le plan stratégique que va élaborer le général Pascal Facon, préfigurateur de l’établissement public chargé de coordonner les travaux –⁠ auprès de mon ministère –, mais surtout chef de la mission interministérielle de reconstruction de Mayotte. Il est d’ailleurs sur place, de nouveau, avec une partie de son équipe, aux côtés du préfet, des services déconcentrés de l’État et des élus. Il se tient à la disposition des parlementaires. Nous devons travailler ensemble à construire un texte de loi particulièrement efficace. Ses mesures devront s’inscrire dans la droite ligne des actions déjà engagées, mais surtout avoir pour objectif central de rattraper le retard auquel Mme la rapporteure et Mme la présidente de la commission ont toutes deux fait allusion.
    Je serai très attentif à ce que nous défendions un vrai projet en faveur de la jeunesse. C’est le grand défi du pays pour les collectivités d’outre-mer et tout particulièrement pour Mayotte. Le régiment du service militaire adapté (RSMA) fait déjà un travail remarquable : par exemple, il forme des jeunes aux métiers du raccordement de la fibre. Il suffit d’entendre le chef du régiment citer le taux d’illettrisme en français pour prendre la mesure des efforts d’éducation requis, en quantité et en qualité.
    Si le cyclone a ravagé Mayotte, il a surtout révélé et exacerbé les problèmes calamiteux qui existaient déjà. Je pense au sous-développement des infrastructures économiques et des services publics, entretenu par les deux fléaux qui rongent l’île depuis des années et qui ont suscité de nombreux débats dans cette assemblée : l’habitat illégal et l’immigration clandestine. En ce qui concerne l’eau, par exemple, s’il n’y a pas de changement structurel, nous reviendrons au mieux à la situation très insatisfaisante d’avant Chido ; je rappelle que l’île avait connu une crise de l’eau un an auparavant. C’est pourquoi parmi les priorités du plan Mayotte debout figurent la construction d’une deuxième usine de dessalement et l’accélération de la création d’une troisième retenue collinaire. Il faut refondre entièrement l’infrastructure car Mayotte souffre à la fois de problèmes de production et de problèmes de distribution. Nous avançons sur ces deux projets. Nous devons être très attentifs car le risque d’une nouvelle crise de l’eau semblable à celle de 2023 est bien réel.
    La zone franche globale facilitera bien sûr la reconstruction de logements, d’infrastructures, d’entreprises ou de services publics, mais tous les maires ou entrepreneurs me rapportent que leurs projets sont souvent empêchés par les bidonvilles. Je le dis donc avec clarté : nous ne laisserons pas Mayotte redevenir une île bidonville. Au-delà des mesures présentes dans le projet de loi, c’est sur le terrain que cette lutte prend tout son sens. La préfecture prépare ainsi l’évacuation du quartier Hacomba à Dzoumogné. Les décasages reprennent, et c’est une bonne nouvelle. J’ai vu des exemples concrets de projets visant à remplacer les bangas par de vrais projets d’habitat, à Tsararano, à Koungou ou sur Petite-Terre, grâce à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) et à Action logement.
    Cela suppose aussi de s’attaquer très sérieusement à l’immigration illégale, qui pèse sur tous les aspects de la vie quotidienne de nos compatriotes, nourrit l’ultraviolence et alimente des réseaux de trafic d’êtres humains. L’immigration clandestine nécrose Mayotte. Les Mahorais n’en peuvent plus ; il faut leur offrir des solutions concrètes. Cela est difficile mais nous agissons déjà. Je salue les unités engagées dans cette lutte, sur terre et en mer, qui s’appuient sur de nouvelles capacités radar. Sébastien Lecornu a annoncé que les soldats continueraient d’assumer cette mission et que la présence militaire dans cette région stratégique serait renforcée de manière pérenne. Toutefois, nous devrons aussi prendre des mesures fermes pour renforcer juridiquement nos moyens de lutte contre l’immigration illégale. Il s’agira d’un volet primordial de la loi-programme, sur lequel je travaille déjà avec le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, et qui comprendra notamment l’allongement de la durée de résidence régulière des parents requise pour que leurs enfants accèdent à la nationalité française, de meilleurs outils pour lutter contre les reconnaissances frauduleuses de paternité, ou encore l’extension de l’aide au retour volontaire des ressortissants africains dans leur pays d’origine. Enfin, nous devons porter de 25 000 à 35 000 les éloignements de clandestins, ce qui suppose d’engager un rapport beaucoup plus ferme avec les Comores.
    En adoptant ce projet de loi, vous prouverez aux Mahorais que la nation est à leurs côtés, que nous ne laisserons pas tomber Mayotte, que nous ne lâcherons rien pour l’aider à se relever. Vous leur prouverez enfin que nous ne transigerons sur rien pour reconstruire l’île sur des bases plus saines, pour changer son visage et, à travers elle, leur vie tout entière. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Mickaël Bouloux.

    M. Mickaël Bouloux

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    Permettez-moi tout d’abord d’excuser l’absence de notre collègue Philippe Naillet, qui a suivi l’ensemble de nos travaux en première lecture et en commission mixte paritaire. Il était attendu aujourd’hui à La Réunion, je le remplacerai donc pour cette discussion générale.
    Au nom du groupe Socialistes et apparentés, je tiens ensuite à saluer le courage et la dignité de nos concitoyennes et de nos concitoyens de Mayotte, qui ont fait preuve d’une grande résilience dans ces épreuves, à les assurer de notre soutien face à celles qui restent malheureusement à affronter, et à saluer celles et ceux qui contribuent au quotidien à rendre leur vie moins difficile.
    Un élément frappant de nos travaux en première lecture fut le niveau de défiance entre l’État et les représentants de Mayotte, symbolisé au banc par une mésentente entre rapporteure et gouvernement rarement vue lors de l’examen d’un projet de loi. Nous avons regretté que cet état de fait, malgré la qualité des travaux menés en commission, ait affaibli en séance des points importants du texte tels que le relogement, la maîtrise du foncier ou l’accès aux marchés publics. Sans chercher à blâmer les uns ou les autres, je soulignerai la réalité que révèle cette mésentente : derrière l’urgence de la reconstruction de Mayotte, il y a également urgence à rétablir la confiance entre l’État et les Mahorais. Le respect des engagements gouvernementaux pris durant ces débats sera plus que jamais fondamental.
    Le travail de qualité réalisé au Sénat puis en commission mixte paritaire a permis d’enrichir le texte, mais aussi de rétablir certaines des intentions exprimées par la commission des affaires économiques, dans une rédaction qui prend en considération l’ensemble des arguments soulevés. Ainsi, nous sommes satisfaits du maintien à l’article 2 des compléments apportés par l’Assemblée quant à la qualité attendue des prestations des écoles nouvelles ou reconstruites par l’État pour le compte des communes de Mayotte : il ne s’agit pas simplement de reconstruire, mais de reconstruire mieux. Nous saluons la rédaction de compromis trouvée à l’article 3 qui permet, comme nous l’avions demandé, que les constructions démontables et modulaires soient facilitées pour répondre aux besoins de fonctionnement des services publics et d’accueil des personnels œuvrant à la reconstruction. De même, nous nous satisfaisons du compromis trouvé à l’article 4 qui reprend pour l’essentiel notre proposition de restriction des adaptations pouvant être apportées aux règles techniques de construction, bien que nous regrettions les reculs en matière d’accessibilité des établissements recevant du public. Nous nous réjouissons aussi du maintien et de l’amélioration des dispositions relatives à la réparation et reconstruction des réseaux de télécommunications et d’électricité, qui sont essentiels à la reconstruction de Mayotte et à sa résilience. Par ailleurs, la CMP a conservé les apports de notre groupe garantissant le maintien d’une double procédure, numérique et physique, de participation des habitants dans le cas où les travaux requièrent une enquête publique.
    En ce qui concerne les marchés publics, la rédaction de la CMP préserve les acquis de la première lecture et paraît proportionnée. Est conservée la possibilité de réserver aux TPE, aux PME et aux microentreprises locales une part allant jusqu’à 30 % de la valeur de ces marchés, comme la majorité des groupes l’avait instamment demandé. Pour notre part, nous saluons le maintien de l’article 13 ter, que notre groupe a fait adopter ; il permettra de contrôler les marges réalisées par les entreprises dans le cadre de ces marchés, afin d’éviter que ces considérables travaux de reconstruction ne fassent prospérer les profiteurs de crise. Enfin, s’agissant de l’accompagnement des entreprises et des particuliers, nous sommes satisfaits du maintien des équilibres trouvés à l’Assemblée et renforcés par les apports du Sénat. En outre, la flexibilité offerte par la possibilité de prolonger l’essentiel de ces mesures par décret jusqu’à la fin de l’année 2025 permettra d’évaluer la situation avant une éventuelle évolution des mesures dans le cadre du prochain texte de programmation consacré à Mayotte.
    Bien sûr, certains éléments du compromis trouvé en CMP ne nous paraissent pas totalement satisfaisants. Je pense à la composition de la gouvernance de l’établissement public créé par l’article 1er. Le Sénat y a apporté sa patte de manière attendue, mais a délaissé les acteurs économiques et sociaux ainsi que le comité de l’eau et de la biodiversité. Cependant, ces éléments sont limités et ne remettent nullement en cause notre sentiment que le texte sort largement enrichi et mieux équilibré de son examen par le Parlement.
    C’est pourquoi les députés du groupe Socialistes et apparentés voteront à nouveau, résolument, pour ce projet de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe Dem. –⁠ M. Karl Olive applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Le texte que nous allons voter est une réponse d’urgence au cyclone Chido, qui a durement touché nos compatriotes mahorais. Le bilan humain provisoire est tragique : on dénombre plusieurs dizaines de morts et plusieurs milliers de blessés, même si leur nombre exact reste à confirmer. Les dégâts matériels sont tout aussi alarmants : l’hôpital de Mamoudzou, le seul de l’île, est fortement endommagé et près de 95 % des exploitations agricoles ont été touchées.
    Le projet de loi d’urgence pour Mayotte, qui s’inscrit dans le cadre du plan Mayotte debout, est nécessaire pour répondre aux besoins urgents de l’île, pour coordonner la reconstruction et pour accélérer la mise en place d’hébergements temporaires. Il vise à apporter un soutien renforcé indispensable aux entreprises et aux demandeurs d’emploi, afin d’accompagner nos compatriotes mahorais face aux défis de cette période d’incertitude.
    Lors des débats, le groupe Droite républicaine s’est fermement mobilisé pour garantir que les élus locaux prendront toute leur part à la coordination des travaux de reconstruction. Ainsi, les communes seront pleinement associées à la construction de nouvelles classes et écoles. Le texte a notablement progressé sur ce point. Par ailleurs, dans le cadre de la reconstruction, nous avons souhaité préserver et renforcer les infrastructures publiques, en veillant à ce que les bâtiments des services publics conservent leur taille, voire soient agrandis pour répondre autant que possible aux besoins de nos concitoyens. Nous avons également travaillé à préserver la trésorerie des entreprises. Nous sommes satisfaits que les débats en CMP aient permis d’adopter ces mesures.
    Néanmoins, nous réaffirmons que le texte présentait des insuffisances dès son dépôt. Nous ne devons pas simplement envisager la reconstruction de Mayotte, mais bien la construction de Mayotte. Il est crucial d’agir pour l’avenir de l’île, et vite !

    Mme Émilie Bonnivard

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    Très bien !

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Nous dénonçons des lacunes importantes en ce qui concerne la construction d’infrastructures essentielles ou encore la lutte contre l’habitat indigne, ainsi qu’une absence totale de réflexion en matière de lutte contre l’immigration illégale.
    À Mayotte, un tiers des habitations n’ont pas accès à l’eau courante. Les coupures d’eau sont devenues une réalité quotidienne ; les robinets sont à sec un jour sur trois. Ces problèmes d’approvisionnement en eau, bien antérieurs au passage du cyclone Chido, ne pourront être résolus par la seule reconstruction.
    Je vous l’ai dit, monsieur le ministre : même lorsque la seconde usine de dessalement sera construite, l’île continuera de subir un déficit hydrique estimé à 20 % au moins. D’autres infrastructures essentielles sont attendues depuis longtemps pour répondre aux besoins croissants de la population : une piste longue pour l’aéroport, un deuxième hôpital, le contournement de Mamoudzou pour désengorger le trafic, l’aménagement du port de Longoni et la construction d’usines de dessalement réparties sur l’ensemble du territoire. Ces projets sont indispensables pour améliorer durablement les conditions de vie à Mayotte. Enfin, les dispositifs pour stimuler le développement économique et pour lutter contre les bidonvilles ou contre l’immigration illégale, qui embolise les services publics, les écoles et le quotidien sur l’archipel, font défaut.
    Ce texte est une étape importante et nécessaire, cependant il est urgent d’aller plus loin grâce à un second projet de loi-programme incluant des mesures économiques et régaliennes.
    Le groupe Droite républicaine est déterminé à faire entendre la voix des Mahorais et à bâtir un avenir digne pour Mayotte. C’est pourquoi nous avons fait voter, lors de notre journée d’initiative parlementaire, un texte attendu par les Mahorais y restreignant le droit du sol.

    M. Jean-Yves Bony

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Dominique Voynet.

    Mme Dominique Voynet

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    Il y a deux mois, le cyclone Chido frappait Mayotte en plein cœur, détruisant tout sur son passage. Privés d’eau, de nourriture, d’électricité, les Mahorais ont fait preuve de courage. Peu à peu, la vie a repris. La plupart des écoles –⁠ pas toutes – ont rouvert cahin-caha fin janvier. Détruites par le cyclone –⁠ je le précise, avec l’espoir de renvoyer dans le caniveau les ragots colportés jusqu’ici – et non par celles et ceux qui y ont été hébergés dans l’urgence, trente des soixante-quinze classes du lycée Bamana restent inutilisables, tout comme la cuisine centrale et les labos de sciences. Ces derniers jours, il a fallu se rendre à l’évidence : les vacances de mars devront être prolongées pour réparer ce qui doit l’être ; les épreuves du bac et du brevet seront remplacées par un contrôle continu.
    Il a déjà été dit maintes fois que ce projet de loi d’urgence pour Mayotte ne répondait pas réellement à l’urgence. Le Conseil d’État lui-même s’en est ému, demandant pourquoi le gouvernement n’avait pas choisi, en vertu de la théorie des circonstances exceptionnelles, de prendre par décret les mesures qui s’imposaient. Plus grave, bien des dispositions auraient pu et dû être prises qui, dans l’urgence, ne l’ont pas été, alors même qu’elles ne nécessitaient aucune modification législative. Je pense notamment au retard apporté à l’envoi d’équipes de terrain dans les quartiers rasés par le cyclone. Il suffit d’interroger les médecins du centre hospitalier de Mayotte (CHM) pour se rendre compte du désastre : la plupart des personnes amputées ne l’ont pas été parce que des tôles avaient cisaillé irrémédiablement muscles et tendons, mais parce que plusieurs jours se sont écoulés avant que les blessés ne soient secourus. À leur arrivée à l’hôpital, il a fallu constater que, sans eau, sans pansements propres, ils présentaient déjà des infections sévères, des gangrènes menaçant leur vie. Combien sont-ils ? Comment se contenter du bilan partiel des seules personnes décédées au centre hospitalier ? Un amendement du groupe écologiste, adopté à l’unanimité en commission comme en séance avec votre accord, monsieur le ministre, vous enjoint de produire un bilan sérieux, exhaustif de la catastrophe, enrichi des données de la rentrée scolaire. (Mme Cyrielle Chatelain applaudit.) Combien de personnes manquent à l’appel ? Où sont-elles ?
    Quel est donc le statut de ce texte qui ne traite plus réellement de l’urgence, mais qui donne peut-être un avant-goût du projet de loi-programme pour l’avenir de Mayotte, promis depuis 2018, largement débattu en 2020-2021 dans l’archipel et constamment reporté depuis ? Que faut-il en penser ? D’abord, le projet de loi a été grandement clarifié lors de son passage au Sénat et lors de la CMP. Il faut dire qu’il nous a été donné si peu de temps pour l’étudier –⁠ moins de vingt-quatre heures se sont écoulées entre la transmission du texte aux députés et l’échéance du délai d’amendement – et que les informations fournies aux parlementaires étaient si biaisées qu’il ne pouvait guère en être autrement.
    Les débats ont buté sur un dilemme fondamental : reconstruire vite ou reconstruire bien. Le texte tranche, excluant, grâce à des amendements défendus par le groupe Écologiste et social, qu’on reconstruise à l’économie au mépris de la réglementation qui prévaut sur l’ensemble du territoire national. Garantir l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite (PMR), prévoir des sanitaires, installer des restaurants scolaires, privilégier l’énergie du vent et du soleil pour réduire les importations de fioul –⁠ tout cela est bien.
    Cependant, en choisissant de reconstruire à l’identique, sans tirer les leçons du cyclone concernant les parties du territoire les plus exposées aux vents violents, au risque de glissement de terrain ou de tsunami, on a manqué une occasion de réduire la vulnérabilité globale de l’habitat à Mayotte face à des événements climatiques extrêmes dont chacun a désormais compris qu’ils pouvaient se reproduire plus souvent. Vous avez néanmoins intégré l’un de nos amendements, à travers lequel nous insistons sur la nécessité de doter enfin l’ensemble des communes de Mayotte d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRNP).
    Nous regrettons également que le texte ne dise mot de l’indispensable remise à niveau des réseaux d’eau et d’assainissement, qui sont inexistants en bien des hameaux et villages et faibles partout ailleurs, pas plus que du renforcement nécessaire du syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte (Smeam), qui ne saurait, sans cela, assumer ses missions. Il faudra y revenir, ne serait-ce que pour débloquer le dossier de la troisième retenue collinaire, projet bloqué par l’appât du gain d’une grande famille mahoraise.
    L’examen du projet de loi a été l’occasion de débordements et d’attaques sur le droit des étrangers, qui ont notamment conduit à refuser une disposition simple pour éviter de rejeter dans l’insécurité les personnes jusqu’ici en situation régulière, qui contribuent à la vie et participeront à la reconstruction de Mayotte. (Mme Cyrielle Chatelain applaudit.)
    En première lecture, les scories inspirées par les obsessions de l’extrême droite nous avaient d’ailleurs contraints à nous abstenir. Le texte en est débarrassé. Parce qu’il est urgent d’avancer pour Mayotte et pour les Mahorais, parce qu’un sursaut est possible et nécessaire, nous voterons en faveur de ce petit texte, en attendant le grand texte qui remédiera à la misère du système éducatif, à la saturation du système de soins et à l’absence de tout développement économique endogène. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC. –⁠ M. Stéphane Peu applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Maud Petit.

    Mme Maud Petit

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    Le groupe Les Démocrates se réjouit de l’accord trouvé par la commission mixte paritaire, lundi dernier, en bonne intelligence et dans l’intérêt de nos amis mahorais, par le dialogue et grâce à la conscience de notre responsabilité face à ce drame. Pour sortir Mayotte du chaos dans lequel elle est plongée depuis le passage du cyclone Chido en décembre 2024 puis de la tempête Dikeledi en janvier 2025, il était urgent de légiférer pour prendre des mesures de soutien à la population et de reconstruction des écoles, des logements, de l’hôpital et de toutes les infrastructures, y compris agricoles, détruites par ces intempéries.
    Notre groupe se félicite des avancées du projet de loi, qui repose sur une méthode et sur la coordination avec les acteurs locaux. Nous saluons notamment les dispositions suivantes. L’article 10 sur les expropriations est bien supprimé. La place des élus locaux est renforcée dans les opérations de reconstruction de l’île. Ils seront intégrés, comme ils l’avaient demandé, dans la gouvernance de l’établissement public foncier. Le paiement des cotisations sociales est reporté du 31 mars au 30 juin 2025. Un prêt à taux zéro garanti par l’État dont le montant peut s’élever jusqu’à 50 000 euros pourra être octroyé, pour une durée maximale de trente ans, aux propriétaires de logements détruits par la tempête, y compris pour ceux qui n’étaient pas assurés. Enfin, la commission mixte paritaire a permis de rétablir la demande de rapport sur le bilan humain de la catastrophe naturelle. Faut-il rappeler que le bilan officiel est de trente-neuf morts, mais qu’il est mis en doute par de nombreux élus mahorais ?
    Ce texte est une première pierre, indispensable, pour aider Mayotte à se remettre en état. Toutefois, aider Mayotte ne saurait se résumer à panser ses plaies récentes. Le prochain projet de loi-programme Mayotte debout, initiative majeure du gouvernement français pour reconstruire Mayotte, permettra enfin –⁠ nous l’espérons tous – le déploiement de mesures structurelles pour accompagner le 101e département français de manière pérenne. Maore Makaja ! – Mayotte debout ! Pour toutes ces raisons, le groupe Les Démocrates votera en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    M. Éric Martineau

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    Efficace !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Thomas Lam.

    M. Thomas Lam

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    Le 14 décembre 2024, le cyclone Chido a violemment frappé Mayotte. Les 11 et 12 janvier 2025, l’archipel a été une nouvelle fois touché par une tempête. Ces deux catastrophes survenues coup sur coup ont dévasté l’archipel. Des milliers de familles se sont trouvées sans abri ; l’habitat informel a été détruit ; toutes les infrastructures publiques ont été touchées, bouleversant durablement le quotidien des Mahoraises et des Mahorais qui font face au traumatisme causé par la violence du cyclone. Le groupe Horizons & indépendants adresse une nouvelle fois ses pensées aux victimes du cyclone et à leurs familles et salue la résilience de l’ensemble de la population mahoraise qui s’est immédiatement mobilisée pour entamer la reconstruction de l’archipel.
    La vie reprend peu à peu et s’améliore chaque jour grâce à la mobilisation collective, mais la situation reste profondément dégradée. Le projet de loi d’urgence pour Mayotte apporte la première pierre à une reconstruction qui doit être durable et protéger les habitants. Dans ce contexte critique, le projet de loi d’urgence pour Mayotte garantira le déploiement rapide de mesures qui répondent à la nécessité impérieuse de faciliter l’hébergement et le soutien à la population, ainsi que de reconstruire les infrastructures et logements sinistrés.
    Il est important que l’État prenne sa part de responsabilité dans la reconstruction des établissements de l’archipel. Mais celle-ci ne peut se faire sans une collaboration étroite avec les élus locaux qui sont en contact avec les réalités du terrain si particulières du 101e département français. À cet égard, je salue le travail du Sénat visant à faire respecter le principe de libre administration des collectivités territoriales. À l’heure où la colère et la défiance règnent, nous ne pouvons pas rebâtir sans les élus de proximité, ceux que l’on peut interpeller tous les jours. Nous saluons plusieurs mesures introduites au Sénat qui répondent à des attentes fortes de la population mahoraise. Je pense notamment à la création d’un prêt à taux zéro pour la reconstruction à Mayotte ainsi qu’à la dispense de mise en conformité aux normes d’urbanisme, accordée aux constructions d’hébergement d’urgence. Nous accueillons aussi positivement les dispositions destinées à favoriser les entreprises mahoraises en leur réservant 30 % des marchés publics afin d’associer le tissu économique local à l’effort de reconstruction.
    Enfin, ce projet de loi répond à l’enjeu majeur posé par l’école. Dans ce département où un habitant sur deux est mineur, confier la tâche de reconstruire les écoles de l’archipel directement à l’État permettra d’accélérer le retour en milieu scolaire de tous les jeunes Mahorais. Si le fait que les élèves ont pu faire leur rentrée scolaire le 27 janvier dernier doit tous nous réjouir, celle-ci s’est déroulée dans des conditions particulièrement difficiles en raison des capacités d’accueil réduites des établissements. Le premier lycée de l’archipel est entièrement dévasté. Les collèges ont été sérieusement touchés, et entre 30 % et 50 % du bâti est à refaire, selon le recteur de l’académie. Cette véritable catastrophe éducative illustre les nombreux défis auxquels nos compatriotes sont confrontés chaque jour.
    Le vote de ce texte est donc absolument nécessaire pour lancer la reconstruction de Mayotte. Il s’agit du point de départ d’une refondation en profondeur de l’archipel qui devra être engagée dans les meilleurs délais après l’adoption d’un second projet de loi pour s’attaquer aux défis structurels qui entravent le développement de Mayotte : la pression démographique causée par l’immigration clandestine, la faiblesse des infrastructures et du réseau de soins, ainsi que le risque climatique qui menace son littoral. Cette refondation ne pourra être réalisée qu’en concertation étroite avec les élus locaux, les acteurs économiques mahorais et plus généralement les habitants. Il est impératif que les décisions prises répondent aux besoins réels de la population et s’inscrivent dans une stratégie de long terme. En effet, il ne s’agit pas seulement de réparer ce qui a été détruit, mais d’offrir aux Mahorais des conditions de vie dignes dans un territoire prospère et de susciter un nouvel élan, un rebond qui permettra aux Mahorais d’accéder aux mêmes conditions d’éducation, de santé et de sécurité que l’ensemble des Français.
    Le groupe Horizons & indépendants votera donc en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. –⁠ M. François Cormier-Bouligeon applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Nicole Sanquer.

    Mme Nicole Sanquer

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    Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires votera ce projet de loi d’urgence pour Mayotte. Les mesures d’urgence sont en effet capitales pour assurer la reconstruction de Mayotte dans les meilleurs délais, tout en tenant compte de ses spécificités. L’examen du texte et la navette parlementaire ont permis de trouver un juste équilibre entre dérogations d’urgence et compromis politiques avec les acteurs mahorais. Néanmoins, il faut le dire clairement : ce texte n’est qu’un premier pas vers de véritables mesures structurantes pour Mayotte. C’est pourquoi nous insistons pour que le gouvernement nous saisisse au plus vite du projet de loi de programmation, qui s’attaquera aux racines des maux de Mayotte –⁠ le ministre l’a confirmé. Nous attendons que ce futur texte traite de la lutte contre l’immigration illégale, du retour à la sécurité, de l’alignement des droits sociaux et du déploiement d’investissements d’envergure dans les infrastructures de l’archipel.
    Au nom de notre groupe, je tiens à saluer le travail acharné de Mme la rapporteure Estelle Youssouffa. Sans son engagement et son dévouement, nous n’aurions pas obtenu ce texte qui prend en considération les réalités du terrain. Son expertise, sa persévérance et sa détermination ont été indispensables pour faire entendre la voix de Mayotte dans cet hémicycle et parvenir au compromis de la commission mixte paritaire.
    Mayotte traverse une crise profonde. Nos compatriotes mahorais ne pourront pas de sitôt renouer pleinement avec une vie normale. Mais peut-on seulement parler de « retour à la normale », lorsqu’on sait dans quelles conditions vivaient nos compatriotes ? Ces derniers étaient confrontés à des pénuries d’eau chroniques, à une insécurité grandissante, au sous-équipement des services publics et à des inégalités face aux droits sociaux. À cette situation s’ajoute un défi migratoire sans précédent, puisque plus de la moitié de la population est étrangère, laissant Mayotte en marge de la République. C’est tout simplement inacceptable. Depuis trop longtemps, Mayotte reste au bord du chemin, malgré les promesses officielles et les innombrables plans qui n’ont jamais porté leurs fruits.
    Après Chido, beaucoup se sont précipités sur place pour annoncer des aides et des mesures. Fin décembre, le premier ministre a présenté le plan Mayotte debout. Plus que des paroles, nous exigeons des actes concrets : la République doit démontrer sur le long terme qu’elle ne laisse aucun de ses enfants livré à son sort, et que l’urgence humanitaire, sociale et économique est au cœur de ses priorités. Elle doit tout mettre en œuvre pour garantir la sécurité et la dignité des habitants, pour que l’accès à l’eau et aux services publics devienne une réalité et que la lutte contre l’habitat informel soit enfin efficace. Nous réaffirmons notre entière solidarité avec nos concitoyens mahorais et nous veillerons à ce que toutes les mesures nécessaires soient adoptées.
    Le projet de loi d’urgence prévoit d’abord la création d’un nouvel établissement public chargé de piloter la reconstruction et l’aménagement de l’archipel. Sa gouvernance garantira l’implication de tous les acteurs locaux. La transparence sera renforcée par la remise au Parlement, en annexe du rapport d’activité de l’établissement, d’un rapport détaillant, entre autres, le financement et la reconstruction de Mayotte. Ensuite, le texte prévoit la reconstruction des écoles primaires par l’État et la remise en état de bâtiments publics plus adaptés, avec notamment la possibilité d’installer, à terme, des panneaux solaires et de rendre obligatoire l’accès à plusieurs points d’eau. Des mesures dérogatoires permettent la mise en place temporaire de constructions modulaires, tout en préservant le rôle du maire dans le processus décisionnel et en restreignant les nouvelles installations aux zones déjà urbanisées.
    Le gouvernement pourra adapter, par ordonnance, certaines règles de construction pour tenir compte des spécificités mahoraises –⁠ en particulier le stockage et la récupération des eaux de pluie – sans pour autant déroger aux normes sanitaires et de sécurité. Des dispositions ciblées encadrent aussi la vente de tôles, afin de prévenir –⁠ ou, au moins, de freiner – la reconstitution de bidonvilles. Enfin, le texte s’intéresse aux volets fiscaux et sociaux : procédures de recouvrement suspendues, exonérations ciblées, plan d’apurement pour les cotisations sociales, renouvellement simplifié de prestations chômage ou d’aide sociale, et soutien aux associations locales. Ces mesures offriront à Mayotte un répit bienvenu et la perspective d’une reconstruction que nous souhaitons durable.
    C’est donc un projet de loi auquel le groupe LIOT apporte son plein soutien. Nous espérons que le futur projet de loi de programmation prolongera cet élan, afin que Mayotte retrouve enfin la place qui lui revient au sein de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Peu.

    M. Stéphane Peu

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    Le 14 décembre dernier, l’intensité du cyclone Chido s’est avérée exceptionnelle. Les cases détruites, les bâtiments éventrés et les forêts dévastées en témoignent encore, tandis que la débrouille pour survivre caractérise désormais le quotidien de nos compatriotes mahorais. Mayotte est dramatiquement sortie de l’oubli ; Mayotte est courageusement entrée dans l’urgence.
    Deux mois après Chido, le projet de loi d’urgence pour Mayotte entre dans sa phase finale. Le groupe GDR votera majoritairement cette dernière version du texte car les Mahorais ne peuvent –⁠ et ne doivent – plus attendre. Tout est frappé du sceau de l’urgence à Mayotte : les besoins sont à la fois vitaux et gigantesques ; la menace de nouvelles catastrophes naturelles est réelle ; la confiance dans l’action publique est à restaurer au plus vite ; et la spirale du sous-développement doit être stoppée. Face à cela, les termes de l’alternative qui s’offre à la République française sont connus : continuer à appliquer des méthodes, désormais largement dénoncées, qui consistent à apporter des aides ponctuelles lorsqu’une crise éclate, avant de se désintéresser de ce territoire éloigné en attendant la crise suivante ; ou alors faire preuve de davantage d’ambition et lancer –⁠ enfin – un véritable projet de développement. Pour cela, l’État doit aligner Mayotte sur les standards nationaux, qu’ils soient administratifs, réglementaires ou sociaux. Le texte a été enrichi d’une mesure prévoyant la remise au Parlement d’un rapport sur les disparités persistantes entre les montants des prestations sociales versés dans l’Hexagone et les autres départements d’outre-mer. Cela nous semble être un premier pas dans la bonne direction.
    Plus largement, le projet de loi d’urgence s’articule autour de trois grands axes. Le premier est celui de la coordination dans la reconstruction des écoles, des bâtiments publics et, plus largement, de Mayotte. Notons que les élus mahorais privilégient, quant à eux, le terme éloquent de refondation. Le deuxième axe est centré sur l’adaptation des règles d’urbanisme et de construction. Le troisième axe comprend des mesures en faveur de la population de Mayotte. Pour ce qui est des pays dits d’outre-mer, l’expérience incite à préciser que ces mesures d’urgence devront impérativement, sous peine d’aboutir à un échec programmé, tenir compte de l’histoire du territoire, de ses réalités sociales et linguistiques, de sa géographie, de ses talents et ses potentialités.
    Malgré les garde-fous qui entourent l’assouplissement des règles d’urbanisme et de la commande publique, nous restons inquiets car le respect des normes sismiques et cycloniques est la condition sine qua non de la pérennité de la refondation. De plus, nous restons insatisfaits de la prise en considération, largement insuffisante, des pratiques linguistiques locales dans les modalités d’information du public. Les Mahorais ne souhaitent pas –⁠ et ne doivent pas – devenir les spectateurs de la reconstruction de leur pays. S’il est légitime de vouloir accélérer l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme, il ne faut pas faire fi de la coexistence de deux langues : la langue française, qui n’est pas nécessairement maîtrisée par l’ensemble de la population de l’île, et le shimaoré, compris et parlé par la très grande majorité des Mahorais. Nous appelons donc, une nouvelle fois, à systématiser l’affichage dans les deux langues.
    Ce texte, bien que nécessaire, est encore insuffisant à bien des égards. La question de l’eau n’est toujours pas traitée à la hauteur des besoins et des risques sanitaires. Pourtant, l’urgence avait précédé Chido et beaucoup déplorent que l’accès à l’eau potable et la distribution des bouteilles d’eau connaissent encore trop de ratés. Il est aussi regrettable que le débat sur l’immigration à Mayotte –⁠ comme dans d’autres territoires – parasite la réflexion sur le développement de l’archipel, qui doit nécessairement être pensé en lien avec l’environnement régional. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe LIOT. –⁠ MM. Gérard Leseul et Karl Olive applaudissent aussi.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Michoux.

    M. Éric Michoux

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    L’Union des droites pour la République salue l’engagement admirable et le combat courageux des députées de Mayotte, Mmes Bamana et Youssouffa. Mesdames, en restant debout malgré les épreuves, vous incarnez la dignité dans cet hémicycle. À la suite du passage du cyclone, les médias et la classe politique ont découvert non seulement les désastres d’une tempête mais aussi les réalités de ce département français livré à lui-même. J’ai une pensée pour les victimes de cette catastrophe, pour leurs proches et pour l’ensemble du peuple mahorais.
    Le battage médiatique de ces dernières semaines a mis en lumière les problèmes structurels de l’île et l’impérieuse nécessité de venir en aide à nos concitoyens. Nous avons abandonné ce département, détourné le regard et refusé de voir la dure réalité. Mayotte, plus grande maternité d’Europe, porte ouverte sur notre pays, se retrouve seule face à la misère et la menace comorienne. Bien qu’incomplet et loin d’être suffisant, ce texte d’urgence est nécessaire ; les Mahorais l’attendent. Le groupe UDR y est évidemment favorable. Nous serons vigilants à l’application et au suivi des mesures prévues, notamment la non-reconstruction des bidonvilles. Nous tenons à saluer les simplifications administratives apportées par ce projet de loi –⁠ preuve supplémentaire, soit dit en passant, de la complexité du mille-feuille administratif.
    Cependant, nous soulignons l’importance de la prise en compte des demandes des élus mahorais dans l’élaboration de ce projet : il faut reconstruire Mayotte avec les Mahorais et pour les Mahorais. Nous espérons que le prochain texte pour Mayotte prendra en considération l’avis des acteurs locaux et qu’il proposera une vision soutenable, sur le long terme.
    La question de l’obtention de la nationalité française à Mayotte est la grande absente du texte. Monsieur le ministre, non, il n’y a pas de « sentiment de submersion migratoire » à Mayotte ; il y a une réelle submersion migratoire. Cette situation, que certains sur ces bancs refusent de voir, se traduit concrètement par une hausse de la précarité et de l’insécurité. Lors du débat sur les conditions d’obtention de la nationalité à Mayotte, grâce à un amendement du groupe UDR, nous avons réussi à allonger le délai de présence nécessaire des parents sur l’archipel, pour l’obtention de la nationalité française de l’enfant, d’un à trois ans.
    Malgré ces imperfections, nous devons ce texte d’urgence à Mayotte et à nos compatriotes. Les Mahorais sont des Français de cœur, de volonté et d’âme, qui font honneur à notre nation. À l’entrée du port de Mayotte, il est écrit sur un panneau : « Mayotte est française et le restera à jamais. » Pour conclure, je citerai Napoléon III : « La [France] unie, formant une même nation, animée d’un même esprit, peut défier l’univers. » Vive Mayotte, vive la République, vive la France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Anchya Bamana.

    Mme Anchya Bamana

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    Nous l’avons discuté à l’Assemblée, il a été examiné au Sénat, et nous sommes réunis pour voter le texte issu de la commission mixte paritaire conclusive de lundi. Ce projet de loi d’urgence, je l’ai déjà dit à cette tribune, est incomplet et velléitaire. Pour être efficace dans sa mission, l’État a besoin de textes et de volonté politique. Le groupe Rassemblement national votera ce projet de loi, même s’il ne résout pas les problèmes et les drames qui secouent mon département –⁠ loin de là.
    Voilà bientôt deux mois que Chido est passé et la situation reste très préoccupante. Le territoire manque cruellement d’eau potable pour la consommation humaine. Vivre avec des coupures d’eau n’est pas une situation normale, monsieur le ministre. La population et les entreprises se plaignent des difficultés d’accès aux aides. Les plaintes les plus criantes proviennent des personnes les plus fragiles : les personnes âgées et celles en situation de handicap. Quant aux entreprises, elles manquent de visibilité, parfois même d’interlocuteurs clairement identifiés.
    La reconstruction s’amorce et les difficultés administratives s’accumulent. Les autorités réclament aux Mahorais des titres de propriété qu’ils ne possèdent pas, par exemple pour l’accession aux prêts à taux zéro. Pire, les compagnies d’assurances, qui n’ont jamais exigé ces titres à la souscription des contrats, les réclament aujourd’hui pour régler les dossiers de sinistre. Je l’ai déjà dit dans cet hémicycle : le cadastre n’est pas régularisé à Mayotte, par manque de moyens alloués à la commission d’urgence foncière pour parachever le travail de titrement des terrains des Mahorais. Je comprends la préoccupation des autorités de prévenir et d’empêcher la reconstruction de bidonvilles –⁠ elle est légitime –, mais cet objectif ne doit pas se faire au détriment des Mahorais.
    Alors, que faut-il faire pour que la reconstruction profite aux Mahorais ? La France a déployé des trésors d’inventivité pour desserrer le carcan administratif, afin de reconstruire Notre-Dame de Paris, ou encore d’organiser les Jeux olympiques. Nous devons être capables de nous pencher sur la question de la reconstruction de Mayotte avec le même état d’esprit. Or nous constatons que l’administration s’arc-boute sur une norme qui n’est qu’un paravent pour cacher un immobilisme délétère. Comment comprendre que l’on s’interdise de lever pour les Mahorais des contraintes administratives, alors que nous avons su le faire pour Notre-Dame ou les JO ? Les Mahorais sont-ils moins importants que des monuments ou des événements sportifs ?
    Pour se projeter dans l’océan Indien, la France dispose, avec Mayotte, d’un emplacement stratégique au cœur du canal du Mozambique. Il est temps de nous donner les moyens d’affirmer réellement notre souveraineté dans cette partie du monde. Pour lutter contre la submersion migratoire et la violence qui rongent le territoire, une réorganisation de l’État s’impose : il faut créer une région maritime basée à Mayotte, renforcer les forces de sécurité et moderniser les infrastructures militaires. Ce repositionnement permettrait une réaction plus rapide face aux menaces qui pèsent sur nos eaux territoriales et une coordination plus efficace des moyens de surveillance. (M. le ministre opine du chef.)
    La loi de programmation que nous appelons de nos vœux, et qui viendra, –⁠ le gouvernement l’a promis et il y a des promesses qu’il faut tenir – (Même mouvement) sera le moment de répondre à ces questions essentielles pour Mayotte, comme pour l’ensemble de notre territoire. Cette loi de programmation devra déterminer des orientations, non seulement pour le département lui-même, mais aussi au sujet de la place de la France dans l’océan Indien, afin qu’elle y exerce sa souveraineté territoriale et qu’elle y fasse respecter ses frontières et sa place de grande puissance navale. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. Laurent Jacobelli

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    Avant de donner la parole aux deux derniers orateurs inscrits, je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé qu’il serait procédé à un scrutin public sur le projet de loi, tel qu’il résulte de la commission mixte paritaire.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Marie Lebec.

    Mme Marie Lebec

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    Le projet de loi d’urgence pour Mayotte est une première réponse essentielle à la situation qui touche le département. Le cyclone Chido a mis en lumière les fragilités structurelles de notre 101e département et nous devons en tenir compte pour engager une reconstruction durable et pérenne. Je tiens à saluer l’engagement de tous les acteurs –⁠ élus locaux, gouvernement, députés et sénateurs – investis sur le texte.
    Lundi matin, nous sommes parvenus à un accord en CMP et avons abouti à un texte consolidé. Nous nous félicitons de la suppression de l’article 13 bis qui prévoyait un encadrement strict de la sous-traitance à deux rangs. Je l’avais souligné lors des débats : une telle mesure risquait d’exclure les petites et moyennes entreprises locales des marchés publics et de favoriser une concentration des contrats au profit de grands groupes extérieurs. Sa suppression constitue donc une avancée essentielle pour garantir un accès équitable des entreprises mahoraises à la reconstruction de leur territoire. Il est primordial que les acteurs locaux soient les premiers bénéficiaires de cette relance.
    L’introduction d’un Small Business Act dans cette nouvelle version apporte une réponse plus pragmatique et mieux adaptée aux réalités de Mayotte. Elle préserve les PME des contraintes excessives qui auraient pu freiner leur développement et favorise leur accès aux marchés publics. Ce dispositif garantit que la relance économique profite directement aux Mahorais, en soutenant l’activité des entreprises locales et en renforçant le tissu économique du territoire. C’est un choix stratégique qui concilie ambition et réalisme, évitant les effets d’éviction des TPE et PME que nous avions identifiés dans la version initiale du texte. Nous saluons donc cette évolution, qui s’inscrit dans une logique d’efficacité économique et de justice territoriale.
    Mais, au-delà des mesures d’urgence, la situation de Mayotte a mis en évidence des problèmes structurels majeurs qui touchent le département depuis de nombreuses années. Le manque de plans cadastraux, le très faible taux d’assurance des logements, les risques d’expropriation et les bidonvilles sont autant de défis que nous ne pouvons ignorer si nous voulons garantir une reconstruction efficace et durable.
    Nous devons maintenant aller plus loin : il ne s’agit pas seulement de reconstruire mais de bien reconstruire. Cela suppose de garantir une planification urbaine cohérente, de renforcer la résistance des infrastructures aux risques climatiques et d’accompagner les Mahorais dans une véritable transformation du territoire. Cette reconstruction doit être menée avec une vision à long terme, en intégrant les habitants et en veillant à ce que chaque décision contribue à un développement harmonieux et équilibré.
    Le plan Mayotte debout s’inscrit pleinement dans cette dynamique puisqu’il adopte une vision à long terme pour la reconstruction et le développement de l’île, en répondant aux défis structurels identifiés. Ce plan prévoit des investissements stratégiques pour moderniser les infrastructures, faciliter l’accès au logement et à l’eau potable, renforcer la sécurité et promouvoir l’inclusion économique. Il vise également à garantir une meilleure intégration des acteurs locaux dans la mise en œuvre des politiques publiques, afin que la reconstruction soit le fruit d’une concertation efficace avec les Mahorais eux-mêmes. Nous devons veiller à ce que les mesures de ce plan soient appliquées avec ambition et détermination, pour que Mayotte puisse non seulement se relever mais aussi se projeter vers un avenir plus stable et prospère.
    Le constat est sans appel et les engagements pris doivent se concrétiser, qu’il s’agisse des infrastructures publiques, de l’accès à l’eau et à l’électricité, du plan d’aménagement dont Mayotte a un besoin urgent, ou de la régularisation foncière : il faut permettre aux Mahorais de se projeter sereinement dans l’avenir.
    Mayotte et l’ensemble des territoires d’outre-mer sont une richesse pour la France. L’État a le devoir d’être à leurs côtés dans les moments de crise, mais aussi dans le temps long, pour assurer un développement économique et social à la hauteur des attentes de leurs habitants. Il est essentiel que nous mobilisions tous les moyens disponibles pour apporter une réponse globale et ambitieuse aux problèmes que rencontre Mayotte.
    Le groupe Ensemble pour la République votera donc naturellement en faveur de ce texte d’urgence, tout en rappelant qu’il ne constitue qu’une première étape. Il nous appartient de poursuivre cette dynamique, d’assurer un suivi rigoureux des engagements pris et de travailler collectivement à faire de Mayotte un territoire plus résilient et prospère. La reconstruction ne doit pas être seulement une réparation des dégâts, mais l’occasion de revoir les politiques publiques dans l’île et d’inscrire durablement Mayotte dans un projet de modernisation et de développement. Ce texte n’est pas la fin mais le début d’une action plus large, plus ambitieuse et plus structurante pour Mayotte et ses habitants. (Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Aurélien Taché.

    M. Aurélien Taché

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    Nous allons, dans quelques instants, nous prononcer sur le projet de loi d’urgence pour la reconstruction de Mayotte, après son adoption en commission mixte paritaire lundi dernier. Disons-le d’emblée : le groupe La France insoumise ne s’opposera pas à ce projet de loi, puisqu’il faut reconstruire Mayotte rapidement, mais considère ce texte comme très insuffisant.
    Alors que nous avions, avec le passage du cyclone Chido, une occasion historique de changer de braquet pour Mayotte en transformant cette crise terrible en opportunité pour l’archipel, c’est encore le choix du moins-disant qui a été fait. Plutôt que de faire enfin entrer Mayotte dans le droit commun et, partant, de lui donner toute la place qu’elle mérite dans la République, on continue de multiplier les exceptions et dérogations en tout genre.
    D’abord –⁠ et je crois important de le rappeler –, nous ne disposons toujours pas de données fiables sur le bilan humain de la catastrophe. Or pour réparer, monsieur le ministre, il faut commencer par dire la vérité. La préfecture continue de parler de quarante morts et de quarante disparus, ce qui ne convainc absolument personne, surtout pas les Mahorais. Responsables associatifs et syndicaux, parents d’élèves ou volontaires de la protection civile, personne ne trouve ces chiffres crédibles et le premier ministre lui-même avait, dans un premier temps, parlé de centaines de victimes. (Bruit de conversations.) Je me félicite donc que l’amendement du sénateur mahorais Saïd Omar Oili, enjoignant au gouvernement de venir présenter ces chiffres devant la représentation nationale, ait été adopté et figure dans la version finale du texte. Au moment d’examiner votre propre bilan, monsieur le ministre, la manière dont vous aurez ou non permis de faire la lumière sur celui de Mayotte sera importante.
    Ce texte n’aura pas permis non plus d’enclencher une dynamique pour remédier au sous-investissement chronique que connaît Mayotte depuis cinquante ans : il n’y a toujours pas d’eau potable, un seul hôpital pour tout l’archipel et une moitié de la population qui vit avec seulement 260 euros par mois… Alors que Mayotte est devenue notre 101e département, ces chiffres sont indignes d’une grande puissance comme la France : 27 % de notre zone économique exclusive (ZEE) se trouve dans l’océan Indien et nous pouvons ainsi y affirmer une présence à la fois militaire, scientifique et culturelle. Pourtant, nous refusons toujours de donner l’égalité aux Mahorais. (Brouhaha.)

    Mme la présidente

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    Moins de bruit, s’il vous plaît.

    M. Aurélien Taché

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    Le smic, le RSA et les aides personnalisées au logement (APL) ne sont pas au même niveau à Mayotte que dans l’Hexagone. C’est pourquoi je me réjouis également que l’amendement demandant au gouvernement un rapport sur sa stratégie de convergence sociale pour Mayotte ait été adopté. Nous veillerons à ce que le gouvernement n’oublie pas le projet de loi qu’il a promis aux Mahorais pour accélérer le développement de leur département, car rien n’est prévu à ce sujet dans celui que l’Assemblée va adopter aujourd’hui.
    Plusieurs articles prévoient au contraire une reconstruction à l’identique de l’île, dans des délais très courts. Au vu des risques cycloniques et sismiques et des risques d’inondations, la reconstruction de Mayotte doit pourtant se faire selon des normes très exigeantes, si nous ne voulons pas connaître une nouvelle catastrophe dans les deux années à venir. Beaucoup le disent : l’ampleur des dégâts infligés par Chido s’explique par la très mauvaise qualité du bâti. (Le brouhaha persiste.) Par définition, une catastrophe dite naturelle provient d’ailleurs systématiquement de la rencontre entre un problème structurel et un aléa. Si l’aléa est le cyclone, le problème structurel, ici, c’est l’abandon de Mayotte pendant toutes ces années. C’est pourquoi il est impératif de se donner les moyens humains, matériels et financiers d’assurer l’efficacité et la qualité de la reconstruction et de garantir la sécurité des Mahorais.
    Or ce n’est pas ce que fait ce texte qui manque cruellement d’ambition et de vision. C’est particulièrement flagrant sur la question de l’école. J’avais déposé un amendement visant à ce que la loi prévoie un objectif d’amélioration du taux de scolarisation à Mayotte : il a été rejeté. Les enfants ne vont en classe que par roulement, sur des demi-journées, en raison du trop faible nombre d’établissements scolaires. Le texte prévoit pourtant de soumettre la construction de nouvelles écoles à l’autorisation des maires.
    Afin de ne pas avoir à scolariser les enfants étrangers –⁠ puisque c’est de cela qu’il s’agit –, on sacrifie le principe d’égalité, qui a toujours été l’épine dorsale de notre éducation nationale. Je l’ai dit et je le répète : si l’extrême droite s’intéresse tant à Mayotte, c’est parce qu’elle veut en faire le laboratoire de sa politique (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe RN) et quelle rêve de mettre fin aux principes républicains qui font qu’en France, chaque enfant est un élève et que s’il naît sur notre sol, il deviendra un citoyen. Or en organisant la pénurie de places en classe pour contourner l’obligation de scolarisation et en s’attaquant frontalement au droit du sol, le gouvernement donne raison à l’extrême droite. Et pourtant, ces brèches ouvertes dans nos principes ne régleront rien du problème de surpopulation auquel Mayotte doit faire face. C’est en supprimant le visa territorial et en créant des filières d’immigration légales vers l’Hexagone, c’est-à-dire en faisant primer la solidarité sur la préférence nationale, que nous traiterons efficacement la question. (Brouhaha.)

    Mme Marie Mesmeur

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    Madame la présidente, serait-il possible d’obtenir un peu de silence ?

    Mme la présidente

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    Moins de bruit, s’il vous plaît, chers collègues !

    M. Aurélien Taché

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    Vous l’aurez compris : l’enthousiasme sur ce texte n’est pas au rendez-vous. Tant que les territoires ultramarins, Mayotte en particulier, ne seront pas traités comme des territoires français à part entière, aucune de leurs difficultés ne pourra être réglée. C’est seulement en abolissant les doubles standards et en faisant vivre la devise Liberté, Égalité, Fraternité dans l’ensemble du territoire (Mme Marie Mesmeur applaudit) que nous pourrons avancer. C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La discussion générale est close.

    Texte de la commission mixte paritaire

    Mme la présidente

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    J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire.
    Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur l’amendement dont je suis saisie.
    L’amendement no 1 de Mme la rapporteure est un amendement de coordination.

    (L’amendement no 1, accepté par le gouvernement, modifiant l’article 2, est adopté.)

    Mme la présidente

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    Nous avons achevé l’examen des amendements du projet de loi.

    Vote sur l’ensemble

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        516
            Nombre de suffrages exprimés                451
            Majorité absolue                        226
                    Pour l’adoption                451
                    Contre                0

    (Le projet de loi est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur plusieurs bancs des groupes DR et SOC.)

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante, sous la présidence de Mme Yaël Braun-Pivet.)

    Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    5. Motion de censure

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion et le vote sur la motion de censure déposée, en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, par Mme Mathilde Panot et soixante-treize membres de l’Assemblée nationale, le premier ministre ayant engagé la responsabilité du gouvernement sur l’adoption en nouvelle lecture de la troisième partie et de l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
    La parole est à Mme Marianne Maximi.

    Mme Marianne Maximi

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    Une fois de plus, monsieur le premier ministre, vous faites face à la censure, seul outil constitutionnel dont nous disposions pour empêcher l’adoption d’un texte à coups de 49.3. Pour la quatrième fois en une semaine, nous nous opposons à votre passage en force. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Votre camp politique se recompose en permanence, mais en apparence seulement : les fondamentaux demeurent. Vous êtes toujours aussi minoritaires, toujours aussi illégitimes à imposer la politique économique austéritaire, votre obsession. Face à cette impasse, vous confirmez votre choix : l’autoritarisme et le déni de démocratie. Nous ne laisserons pas cette pratique devenir la règle ; voilà pourquoi, une fois encore, nous nous retrouvons face à vous.
    Le texte que vous tentez d’imposer concerne cette fois les dépenses de la sécurité sociale. Alors que le scorbut ressurgit en France, frappant de nombreux enfants, que l’espérance de vie en bonne santé a cessé d’augmenter, ce budget constitue un enjeu majeur. Or votre projet de loi est d’une violence sociale sans précédent ! (Mêmes mouvements.)
    Le mois dernier, une patiente de 20 ans est morte aux urgences, sur un brancard, après des heures d’attente.

    M. Jean-François Coulomme

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    Une honte !

    Mme Marianne Maximi

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    Les syndicats, les directeurs d’hôpital n’ont pourtant cessé de vous signaler la baisse du nombre des lits disponibles en médecine, la pénurie de professionnels, les établissements surchargés, les personnels débordés. Ces mois de novembre et de décembre, vingt services du centre hospitalier universitaire (CHU) de Clermont-Ferrand, dans ma circonscription, étaient en grève.
    À la souffrance des hôpitaux français, en grande difficulté, vous répondez par un budget austéritaire ! Fédérations hospitalières et organisations syndicales avaient pourtant fait le travail pour vous : elles estiment que la hausse des moyens doit être au moins de 6 % pour répondre aux besoins et compenser l’inflation. Vous proposez moitié moins, ce qui revient à soumettre à une pression intenable notre système de santé. (Mêmes mouvements.)
    Ne nous objectez pas que les caisses sont vides. Nous vous avons alertés sur votre politique qui consiste à supprimer de façon aveugle des cotisations sociales au profit des grandes entreprises. Vous n’avez rien voulu entendre. Vous creusez le déficit du système et, pour combler les trous qui se forment, vous faites payer les malades. Demain, se soigner coûtera davantage en raison, entre autres, de votre taxe sur les complémentaires santé –⁠ sans encadrement des tarifs pour les assurés. (Mêmes mouvements.)
    Vous avez traité le budget de la sécurité sociale comme vous avez traité celui de l’État, en exercice de petits comptables !

    M. Thibault Bazin

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    Respectez les comptables, au lieu de les critiquer !

    Mme Marianne Maximi

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    Dans votre quête d’économies à tout prix, vous avez taillé à l’aveuglette, sans aucune logique –⁠ au point que depuis quelques jours, à vous écouter, vous découvrez votre propre budget. La baisse du seuil d’exemption de la TVA pour les petits entrepreneurs ? Ce n’est pas de votre faute ! Vous n’étiez pas au courant ! Vous découvrez le problème ! Est-ce bien sérieux ? (Approbation sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Prétendriez-vous avoir ignoré le contenu de votre budget ? Heureusement, des centaines d’artisans, d’artistes-auteurs, de microentrepreneurs se sont fait entendre. Nous saluons leur mobilisation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Autre découverte : les restrictions infligées à la recherche sur les cancers pédiatriques.

    M. Jean-François Coulomme

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    C’est honteux !

    Mme Marianne Maximi

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    Que s’est-il passé, monsieur le premier ministre ? Avez-vous raboté partout, sans réfléchir, en vous imaginant qu’un tel cynisme –⁠ ou un tel amateurisme – resterait inaperçu ? Vos mensonges, vos reculades à la dernière minute révèlent combien ces textes budgétaires ont été élaborés à la va-vite, avec l’austérité pour seule boussole. Ne pensez pas que cette séquence est derrière vous ! Petit à petit, les citoyens découvrent le terrible contenu du texte que vous avez imposé et se mobilisent. Artistes et acteurs du secteur culturel dénoncent en ce moment les coupes budgétaires qui vont les asphyxier : ils ont tout notre soutien ! (Mêmes mouvements.)

    M. Sébastien Delogu

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    Excellent !

    Mme Marianne Maximi

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    Je profite de cette tribune pour alerter : le budget pour 2026, déjà en préparation, sera pire encore. Le ministre de l’économie a annoncé la couleur : le texte sera travaillé « avec les entreprises » et « il n’y aura pas de surtaxes sur les grandes entreprises ». Le coup de pression de Bernard Arnault semble avoir porté ses fruits. Autant nommer le Medef à Matignon ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
    Vous préparez de nouveaux cadeaux fiscaux pour les grandes fortunes ; la casse sociale pour les services publics. La fuite en avant austéritaire de la Macronie n’a d’égales que ses dérives autoritaires. Depuis des mois, vous adhérez progressivement, mais sûrement, aux conceptions de l’extrême droite. Vous avez voté pour le dernier texte portant sur l’immigration, qui reprenait les idées des Le Pen ; vous avez approuvé la proposition de loi de vos alliés de la droite, qui attaque le droit du sol à Mayotte ; vous voterez demain pour le texte du député Attal, dont le populisme pénal prévoit de casser la justice des mineurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Antoine Léaument

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    Exact !

    Mme Marianne Maximi

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    Depuis quelques jours, le gouvernement instaure dans le pays un débat nauséabond sur ce que signifie le fait d’être Français. Tout cela pour contenter l’extrême droite et échapper à la censure : quelle déchéance, sachant que la plupart des députés macronistes ont été élus avec les voix du peuple de gauche, afin de faire barrage à cette même extrême droite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Exclamations sur quelques bancs des groupes RN, EPR et DR.)

    Mme Sandra Marsaud

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    Et vice versa !

    Un député du groupe LFI-NFP

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    La prochaine fois, vous vous débrouillerez seuls !

    Mme Marianne Maximi

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    Collègues qui siégez sur les bancs de la gauche, ou qui vous réclamez simplement du progressisme, vous vous trouvez à la croisée des chemins. Les semblants de concessions que vous avez obtenus pèsent peu face au rouleau compresseur austéritaire du macronisme. À mesure que ce gouvernement illégitime exerce le pouvoir, la situation s’aggrave. Ceux qui ont voté, il y a moins d’un an, en faveur du Nouveau Front populaire comptent sur nous pour faire obstacle à cette politique de brutalité sociale : ne les décevons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Être responsable, c’est leur barrer la route et non maintenir le gouvernement le plus réactionnaire de la Ve République ! (Mêmes mouvements.) C’est avoir conscience de la bascule qui s’opère et du danger qu’elle représente pour des millions de concitoyens. Être responsable, c’est ne pas renoncer à changer la vie des Françaises et des Français. Être responsable, c’est ne pas laisser la crise économique détruire des milliers et des milliers d’emplois. Être responsable, c’est ne pas laisser les militants pour le climat face à une répression féroce.
    Vous savez que ce budget n’est pas un bon budget. Le censurer n’entraînera aucun blocage de la sécurité sociale. Il faut s’opposer à ce gouvernement avant qu’il ne soit trop tard. (Mêmes mouvements.)
    Ne pas voter la censure, c’est accepter un budget austéritaire, amputé de 6 milliards. Ne pas voter la censure, c’est laisser la démocratie se faire piétiner et valider un gouvernement illégitime. Ne pas voter la censure, c’est laisser ce gouvernement reprendre une à une les idées et le programme du Front national. (Mêmes mouvements.)

    M. Jean-François Coulomme

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    Exactement !

    Mme Marianne Maximi

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    Ne croyez pas qu’il vous sera possible de revenir en arrière quand cela vous chantera. Vous l’avez constaté avec l’aide médicale de l’État (AME) : ils iront toujours plus loin dans l’indignité et la trahison de nos principes républicains. (Mêmes mouvements.) Demain, ils voudront remettre en cause le droit du sol, organiser un référendum inconstitutionnel sur l’immigration (« Oui ! » sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR) et, pourquoi pas, proposer la déchéance de nationalité ! (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
    Au jeu de la politique du moins pire, vous perdrez. Le premier ministre n’a qu’à proposer toujours pire pour que la barre du « moins pire » soit toujours plus haute, toujours plus éloignée du programme que nous défendons ensemble. Alors, saisissez l’opportunité qui vous est donnée d’arrêter cette course, avant que votre main soit définitivement prise dans l’engrenage. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Carlos Martens Bilongo

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    Exactement !

    Mme Marianne Maximi

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    Que signifie ne pas voter la censure ? C’est considérer qu’en définitive deux ans de plus, ce n’est pas si grave. C’est peut-être vrai pour celles et ceux qui possèdent, qui dominent, qui ont la bonne couleur de peau ou la bonne religion. (Mêmes mouvements.) Mais, pour les autres, pour celles et ceux qui n’ont que leur force de travail pour vivre, pour celles et ceux qui subissent au quotidien le racisme et les discriminations, chaque jour supplémentaire est insupportable ! (Mêmes mouvements.)

    Mme Élisa Martin

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    Eh oui !

    Mme Marianne Maximi

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    Enfin, monsieur le premier ministre, vos mensonges, hier et aujourd’hui même, devant la représentation nationale sont d’une extrême gravité. (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Vous ne pouviez ignorer les nombreux faits de pédocriminalité commis dans l’établissement catholique de Bétharram. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous prétendez le contraire ; pourtant, la presse a publié la preuve que pas moins de trois alertes vous avaient été adressées à ce sujet. Une victime vous a même écrit directement, mais vous lui avez, pour seule réponse à sa souffrance, opposé un silence glaçant. Ce mépris envers les victimes et ces mensonges proférés devant les députés ne sont pas acceptables. Ils doivent vous conduire à démissionner et vous, collègues, à voter la censure ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. –⁠ Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérôme Guedj.

    M. Thibault Bazin

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    Enfin quelqu’un qui a une parole modérée et raisonnable !

    M. Jérôme Guedj

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    Ça, vous ne le savez pas !
    C’est un peu Un jour sans fin, le jour de la marmotte, au cours duquel nous répétons sans cesse ce que nous pensons du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Mais la pédagogie, me direz-vous, est faite de répétitions.

    Mme Élisa Martin

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    Non, elle est faite de censures !

    M. Jérôme Guedj

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    Je le redis donc avec sérénité et tranquillité : ce n’est pas un bon budget,…

    Mme Élisa Martin

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    Alors !

    M. Jérôme Guedj

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    …mais nous en avons besoin –⁠ j’y reviendrai. C’est aussi un budget dans lequel nous avons pu, autant que possible, corriger, atténuer, voire supprimer certaines mesures néfastes.

    Mme Élisa Martin

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    Oh, la bonne blague !

    M. Jérôme Guedj

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    Malheureusement, ce PLFSS reste, comme les précédents, très en deçà des attentes. En premier lieu, sur la forme –⁠ et j’en profiterai, monsieur le premier ministre, pour vous reposer quelques questions qui n’ont pas obtenu de réponses lundi dernier.
    Le premier des écueils auxquels nous sommes confrontés, c’est que la loi de financement de la sécurité sociale n’est plus le bon outil pour réfléchir aux questions d’assurance maladie, de politique familiale ou de retraite, puisqu’elle ne part pas des besoins de la population. Dans votre discours de politique générale, vous aviez évoqué une loi de programmation pluriannuelle en matière de santé. Serons-nous capables –⁠ je pose la question devant Thibault Bazin, rapporteur général de la commission des affaires sociales – de coconstruire et de réfléchir à la manière d’appréhender ce problème dès l’élaboration du PLFSS pour l’année 2026 ? Sinon, les mêmes causes produiront les mêmes effets…

    Mme Élisa Martin

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    Eh oui !

    M. Jérôme Guedj

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    …et le prochain PLFSS ne sera qu’une somme de frustrations, d’insatisfactions et d’insuffisances. C’est pourquoi la pluriannualité de la programmation demeure essentielle.
    De même, vous n’avez pas répondu sur un sujet que Mme Vautrin connaît parfaitement : les dispositions du PLFSS en matière de médico-social, en particulier s’agissant des personnes âgées, ne permettent pas de répondre à la crise systémique et structurelle de ce secteur.

    Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles

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    Il a raison !

    M. Jérôme Guedj

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    Il ne s’agit pas seulement du médico-social, de la perte d’autonomie ou du grand âge mais, plus largement, de la manière dont nous parviendrons à prévenir la perte d’autonomie, à reconnaître la place des personnes âgées dans la société, à repérer les fragilités, à « aller vers » les personnes en difficulté.

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Tout à fait !

    M. Jérôme Guedj

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    Bref, ce sont autant de sujets qui nécessitent non pas une loi calicot –⁠ je sais que vous n’aimez pas l’expression – mais la fameuse loi sur le grand âge (M. Gérard Leseul applaudit) qu’Emmanuel Macron avait lui-même jugée indispensable et annoncée dès le mois de juin 2018. Rendez-vous compte : elle était programmée pour la fin de l’année 2019 !

    Mme Stella Dupont

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    Eh oui !

    M. Jérôme Guedj

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    Vous semblez avoir été frappés par une forme de procrastination gouvernementale –⁠ certes, vous n’êtes pas les seuls ; tous vos prédécesseurs, de droite comme de gauche, l’ont été avant vous –, qui vous empêche d’appréhender l’ampleur de la transition démographique. Il nous a fallu beaucoup de temps pour prendre la mesure de la transition écologique. Nous sommes également confrontés à la transition numérique et à la digitalisation de la société. Mais nous sommes incapables de percevoir cette révolution anthropologique que constitue le vieillissement de la population –⁠ ou nous agissons de manière homéopathique, donc insuffisante, à coups de fonds d’urgence et de colmatages, comme c’est le cas dans ce PLFSS.
    Nous devons aussi définir une méthode de travail. En effet, il y a un hiatus entre la volonté des parlementaires qui ont demandé, à l’unanimité, l’année dernière, une loi de programmation sur le grand âge et les réponses très parcellaires qu’ils ont obtenues. Cela pourrait prendre la forme d’un plan ou, pourquoi pas, d’une stratégie nationale –⁠ en tout cas, nous avons besoin d’outils juridiques pour le faire.
    Laissez-moi vous donner un exemple : l’isolement des personnes âgées, qui constitue l’un des fléaux de notre société –⁠ ce que les Petits Frères des pauvres appellent la « mort sociale ». À l’heure actuelle, aucun acteur public, hormis les centres communaux d’action sociale (CCAS) et leur volontarisme, n’est chargé de ce mal du siècle. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) a commencé, de manière balbutiante là encore, à investir le sujet. À défaut d’en faire une grande cause nationale, faisons-en au moins un objet de politique publique, qui nécessite des supports législatifs.
    Je pourrais parler encore longuement de ces enjeux : de l’insuffisance de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), du reste à charge dans les établissements, des moyens accordés aux aidants. Autant de points qui ne figurent pas dans votre PLFSS !
    J’ai dit, au début de mon propos, que nous étions parvenus à limiter ses effets les plus délétères. C’est pourquoi –⁠ je m’attends à une réaction immédiate, mais je suis désormais mithridatisé –, nous n’avons pas la négociation honteuse. Nous n’aurons donc pas la non-censure honteuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. –⁠ Mme Stella Dupont applaudit également.)

    M. Aurélien Le Coq

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    La honte !

    M. Jean-Luc Bourgeaux

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    Vous êtes tranquilles ! Les LFI sont partis !

    M. Jérôme Guedj

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    Car cette négociation a permis de revenir, dans la partie des dépenses que nous examinons à l’instant, sur des points qui posaient problème. Le premier concerne le déremboursement qui avait été envisagé des médicaments et des consultations médicales...

    M. Jean-François Coulomme

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    Voilà ce qu’attendaient les Français !

    M. Jérôme Guedj

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    …puisque la prise en charge devait passer de 70 % à 60 % ou à 65 %, selon qu’il s’agissait des premiers ou des secondes. Même si nous l’avons échappé belle grâce à nos discussions, la petite musique qui consiste à laisser entendre que cette tentation pourrait revenir m’inquiète.
    Nous devrons ouvrir un grand débat sur la répartition entre les dépenses qui relèvent de la sécurité sociale et celles qui relèvent des complémentaires. L’ambition originelle de la sécurité sociale, dont c’est le quatre-vingtième anniversaire cette année, était précisément d’embrasser tout ce qui préexistait, c’est-à-dire à la fois l’aide sociale et les prestations complémentaires. Nous ne pourrons éluder un débat sur ce que j’appellerai le « 100 % sécu », autrement dit l’élargissement du panier de soins remboursés par la sécurité sociale.
    Il n’est pas présent cet après-midi, mais j’ai été très inquiet lorsque le ministre de l’économie a expliqué –⁠ cela fait d’ailleurs partie des expressions autonomes et personnelles de certains ministres qui brouillent le paysage, monsieur le premier ministre – qu’il peut sembler injuste de rembourser de manière identique une personne qui a de bons revenus et une autre qui gagne moins bien sa vie. Il y a là une ligne de fracture majeure !

    M. Emmanuel Maurel

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    Tout à fait !

    M. Jérôme Guedj

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    Issue du Conseil national de la Résistance, l’universalité de la sécurité sociale demeure intouchable ! En modulant les remboursements de l’assurance maladie pour les consultations médicales comme pour les médicaments, vous avaliseriez la logique d’une sécurité sociale à deux vitesses. En ce quatre-vingtième anniversaire, je préfère que nous ouvrions un débat novateur et inédit sur l’élargissement du périmètre de la sécurité sociale, plutôt que sur la manière de le rabougrir.
    Demandons-nous comment la sécurité sociale, dont les frais de gestion sont deux à trois fois moins élevés que ceux des organismes complémentaires, pourrait, en termes de gestion, rembourser un panier de soins obligatoire et identique pour tout le monde, financé par les cotisations : chacun contribuant selon ses moyens et recevant selon ses besoins.
    Actuellement, à peine 53 % des dépenses de soins de ville sont remboursées par la sécurité sociale. La prise en charge, par rapport à la totalité des dépenses de l’assurance maladie, reste de l’ordre de 72 % à 75 %, mais uniquement en raison des affections de longue durée (ALD) et des dépenses hospitalières. Par conséquent, la remise en cause du déremboursement est un progrès ou, tout au moins, un moindre mal, que nous avons réussi à obtenir.
    Une autre avancée est d’avoir pu dégager 1 milliard d’euros supplémentaires pour l’hôpital –⁠ est-ce suffisant, insuffisant ? En tout cas, c’est l’équivalent de 18 000 postes qui pourront être maintenus ou créés dans les établissements. Enfin, nous avons obtenu le triplement du fonds d’urgence pour les Ehpad.
    Ce sont autant de raisons qui me conduisent à considérer que, même si ce budget n’est pas un bon budget, il est moins mauvais que celui proposé par Michel Barnier.
    Je terminerai en évoquant un point, psalmodié de manière récurrente : l’idée selon laquelle la censure du gouvernement, donc l’absence de budget, ne seraient pas si graves. Je connais trop le PLFSS et je respecte trop les acteurs qui le portent et ceux qui le font vivre, notamment dans les hôpitaux, pour ne pas reconnaître que ce serait un problème.
    L’absence d’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), inédite depuis la création de l’outil en 1997, crée déjà des difficultés dans les établissements. En effet, c’est à partir de l’Ondam que ceux-ci peuvent tarifer leurs prestations, et donc être remboursés par l’assurance maladie. En son absence, il n’est pas possible d’intégrer la revalorisation de l’inflation –⁠ estimée à 1,9 % en 2024 – ni de tarifer, ce qui constitue une perte de recettes pour les établissements, alors même qu’ils sont confrontés à une augmentation de leurs coûts –⁠ la masse salariale croît structurellement et les prix des médicaments comme des fournisseurs sont en hausse. Cette situation a des conséquences sur le plan du recrutement des personnels soignants dans les établissements hospitaliers, du paiement des factures auprès des fournisseurs et des prestataires, ainsi que sur les décisions d’investissement.
    Je souhaite donc tordre le cou à cet argument un peu facile qui consiste à faire croire que le rejet du PLFSS n’aurait pas de conséquences. Je préfère ce PLFSS, aussi insuffisant soit-il. C’est pourquoi nous ne le censurerons pas, de façon à disposer d’un budget de la sécurité sociale. Cependant, nous devons dès à présent préparer les suivants ; sinon, nous nous exposerions à des difficultés plus sévères. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur quelques bancs du groupe LIOT.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Thibault Bazin.

    M. Thibault Bazin

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    Les jours se suivent et se ressemblent étrangement. Alors que nous examinons la quatrième motion de censure déposée par La France insoumise en huit jours, nous commençons tous à ressentir une certaine lassitude.

    M. Vincent Jeanbrun

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    C’est clair !

    M. Thibault Bazin

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    Comme à son habitude, LFI persiste à rechercher le chaos institutionnel, au moment où l’adoption d’une motion de censure aurait un effet cataclysmique sur nos finances publiques. Je le répète depuis des semaines, non seulement en tant que rapporteur général de la commission des affaires sociales, mais aussi en tant que citoyen.
    Je m’attacherai dans cette intervention à dire la vérité sur nos comptes publics et à dénoncer le danger de ceux qui jouent avec les déficits. Depuis la censure du gouvernement de Michel Barnier, la France est privée de budgets et cela inquiète légitimement les Français. Il faut y remédier de toute urgence ; sinon, la facture de la censure s’alourdira encore. Cette facture ne sera pas que budgétaire mais également, et c’est peut-être le plus grave, sociale –⁠ là, vous pourrez parler de violence.
    Il est de notre devoir de répondre à l’inquiétude de nos concitoyens en faisant preuve de responsabilité, mais aussi d’exigence pour l’avenir de la France. Voilà l’état d’esprit qui nous anime, avec Laurent Wauquiez et mes collègues du groupe Droite républicaine.
    Monsieur le premier ministre, vous avez engagé votre responsabilité sur la troisième partie de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, celle consacrée aux dépenses sociales. C’était nécessaire dans la configuration actuelle de l’Assemblée nationale.
    La France insoumise parle d’un budget austéritaire. Qu’en est-il vraiment ? J’ai regardé de plus près : toutes branches confondues, y compris le fonds de solidarité vieillesse (FSV), les dépenses pour 2025 s’élèveront à 666,4 milliards d’euros, soit une hausse de 23,5 milliards par rapport à 2024.

    M. Philippe Vigier

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    Eh oui, ils n’ont pas lu le document !

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    C’est qu’on ne sait pas lire !

    M. Thibault Bazin

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    C’est une hausse de 3,7 %, bien supérieure à l’inflation attendue. L’année précédente, les dépenses avaient déjà progressé de 32,2 milliards. La hausse s’élève donc à 9,1 % en deux ans. On est loin de l’austérité !

    M. Philippe Vigier

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    Eh oui !

    M. Thibault Bazin

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    Ne mentons pas aux Français. Avec votre motion de censure, vous prenez le risque d’empêcher le déploiement de mesures attendues et utiles pour nos concitoyens, puisque le texte serait rejeté si votre motion était adoptée.
    Je pense à la réforme du calcul du montant de la pension des retraités agricoles, visant à l’aligner sur les vingt-cinq meilleures années de revenus, prévue à l’article 22.

    M. Ian Boucard

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    Comme demandé par notre collègue Bourgeaux de longue date !

    M. Thibault Bazin

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    Avec Julien Dive, nous défendons cette mesure depuis longtemps.

    M. Philippe Vigier

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    Et nous l’avons arrachée de haute lutte !

    M. Thibault Bazin

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    Vous prenez le risque d’empêcher le triplement du fonds de soutien exceptionnel aux Ehpad, avec la dotation de 300 millions d’euros, obtenue en nouvelle lecture et prévue à l’article 21 quater.
    Vous prenez le risque d’abandonner la reconnaissance du statut d’infirmier coordonnateur dans les Ehpad, à l’article 21 ter.

    M. Philippe Vigier

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    Les Insoumis ne sont pas là de toute façon !

    M. Ian Boucard

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    Quelle honte !

    M. Thibault Bazin

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    Que dire de la généralisation du dispositif Handigynéco à l’article 17 bis et de l’expérimentation, prévue à l’article 21, de la fusion des sections « soins » et « dépendance » dans le budget des Ehpad, simplification demandée de longue date par les départements pour financer l’autonomie ?

    M. Ian Boucard

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    C’est vrai !

    M. Thibault Bazin

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    Avec votre motion de censure, vous prenez le risque d’empêcher l’expérimentation, prévue à l’article 17 octies, relative à la prise en charge par l’assurance maladie de tests pour détecter une soumission chimique, y compris sans dépôt de plainte.
    Vous prenez le risque que ces mesures, attendues, partent à la poubelle avec l’adoption de la motion de censure. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe DR.) En réalité, vous fragilisez davantage ceux que vous prétendez défendre ! Il est encore temps de vous ressaisir.

    M. Philippe Vigier

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    Abandonnez !

    M. Jean-Luc Bourgeaux

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    Oui !

    M. Thibault Bazin

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    Dans l’intérêt général, pour la France, je vous invite à retirer votre motion de censure. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.) Nous avons compris votre opposition, mais il n’est pas nécessaire de continuer à priver la France d’un budget et de créer encore davantage d’instabilité politique.

    Mme Marianne Maximi

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    C’est vous, l’instabilité !

    M. Thibault Bazin

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    La facture de la précédente censure est déjà élevée : perte de croissance, et donc d’emplois, pertes de recettes sociales.

    M. Jean-François Coulomme

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    Cela fait sept ans que vous êtes au pouvoir, sept ans de perte de croissance ! Il faut lire Les Echos !

    M. Thibault Bazin

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    Même si je ne suis pas d’accord avec toutes les mesures, je préfère un budget imparfait à l’absence de budget.
    Il y a deux jours, j’ai évoqué les enjeux liés aux recettes de la sécurité sociale. Aujourd’hui, je me concentrerai sur ceux liés aux dépenses. Oui, il faut mieux maîtriser nos dépenses sociales, en vérifiant le service rendu, car elles permettent de protéger les Français, de financer le système de soins et les retraites, mais aussi de faire face à la perte d’autonomie. Nous tenons ardemment à notre protection sociale, héritée du Conseil national de la résistance.

    M. Philippe Vigier

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    C’est vrai !

    M. Thibault Bazin

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    Mais il faut s’assurer que chaque euro dépensé est justifié. C’est une question de justice, mais également un impératif pour la cohésion sociale et la pérennité de notre modèle.

    M. Ian Boucard

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    Il a raison !

    M. Thibault Bazin

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    Dans l’intérêt du pays, il n’est pas –⁠ plus – possible de naviguer au gré des gouvernements, et de préparer un budget en quelques semaines à partir de mesures purement paramétriques. Plutôt que des rabots budgétaires imposés à l’aveugle, injustement préjudiciables au système, il faut de toute urgence œuvrer résolument, mais avec discernement, au redressement de nos comptes sociaux.
    Ainsi, nous pourrons relever les défis, en particulier ceux du vieillissement de la population et de la dénatalité.
    Monsieur le premier ministre, vous avez raison quand vous estimez qu’il faut déjà préparer le prochain budget. Mais il faut d’abord veiller à ce que la réalisation du budget pour 2025 soit conforme aux prévisions.

    M. Philippe Vigier

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    Très bien !

    M. Thibault Bazin

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    Je vous invite à une très grande vigilance, afin d’éviter tout dérapage, mais aussi au volontarisme, afin que nous disposions des outils prévus dans ce budget.
    Nous devons nous remettre au travail dès demain, au service de l’exécution 2025, et afin de préparer le budget de l’année prochaine. Il faut cibler les baisses de dépenses au lieu d’envisager des hausses de taxes. La France a déjà le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé d’Europe.

    M. Jean-François Coulomme

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    Eh voilà !

    M. Thibault Bazin

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    Je sais, vous voulez toujours taxer plus !

    M. Jean-François Coulomme

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    Exactement !

    M. Thibault Bazin

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    Il faut que les acteurs économiques et institutionnels disposent d’une meilleure visibilité grâce à une vision pluriannuelle de nos dépenses et recettes.
    Nous devons nous attaquer au déficit abyssal de notre système de retraite –⁠ pas celui qui est apparent, celui qui inclut aussi les dépenses financées par l’État.
    Il faut identifier plus précisément les sources d’économies et les doublons, notamment chez les opérateurs de l’État, afin d’éviter les coups de rabot sans discernement et peu lisibles. À cet effet, avec nos collègues sénateurs, nous avons complété l’article 25. Cette novation législative vise à améliorer l’information du Parlement et doit faire jurisprudence : les dotations de l’assurance maladie à tous les opérateurs sont désormais clairement identifiées, avec des plafonds.
    Dans les prochaines semaines, il faudra aller plus loin. Certaines missions des agences sanitaires se chevauchent, plusieurs édictant des indicateurs, ou des guides. N’y a-t-il pas matière à simplification ? Ne peut-on imaginer des synergies intelligentes, synonymes d’efficience et d’économies ? (M. Jean-François Coulomme s’exclame.) Il faut s’y atteler dès maintenant, avec courage et méthode, afin de mieux maîtriser nos dépenses sociales.
    Certaines dépenses ne sont pas justifiées. Elles scandalisent nos concitoyens, qui participent au financement de notre modèle de protection sociale. Ceux-ci s’inquiètent des dérapages budgétaires, des déficits qui s’accumulent et se traduisent par une dette qui pèsera sur les générations futures –⁠ nous sommes aussi là pour elles. En avons-nous suffisamment conscience ?
    Une meilleure maîtrise des dépenses sociales passe par un renforcement de la lutte contre les fraudes. Ici et au Sénat, nous avons fait adopter des amendements visant à renforcer nos outils de lutte contre la fraude.
    L’article 16 bis B permettra d’avancer sur la carte Vitale électronique et la vérification de l’identité des bénéficiaires, afin d’éviter les fraudes à l’identité. Plusieurs articles, dont l’article 16 bis A, traitent du renforcement des échanges d’informations, dans le même objectif.
    D’autres permettront de mieux contrôler les pensions versées à l’étranger. Qui peut accepter qu’elles continuent à être versées indûment à des personnes pourtant décédées depuis longtemps ?

    M. Philippe Vigier

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    Il a raison !

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Tout à fait !

    M. Thibault Bazin

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    Sous l’impulsion de Pierre Cordier, les bénéficiaires devront désormais fournir un certificat de vie, délivré par le consulat français de leur pays de résidence, par une application électronique sécurisée ou par un organisme tiers. Cela simplifiera même la vie de nos concitoyens. Notre groupe a toujours été vigilant : ceux qui trichent ne doivent pas profiter des ressources issues de cotisations de ceux qui travaillent. C’est aussi cela, la justice.
    Sur la maîtrise des dépenses en imagerie médicale, en biologie ou dans les transports sanitaires, il faut certes corriger les abus, mais sans porter préjudice à ceux qui agissent au plus près de nos concitoyens, avec le souci de la qualité et de la pertinence des actes. Dit autrement : il faut conserver ce qui vaut, et modifier ce qu’il faut. Nous sommes vigilants : préservons l’accès aux soins dans nos territoires.
    J’ai personnellement échangé avec le directeur général de l’assurance maladie.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Carrément ? (Sourires.)

    M. Thibault Bazin

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    En matière de transports sanitaires, les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) pourront proposer des valorisations spécifiques, afin de couvrir les points de fragilité de leur territoire. L’engagement est pris, et nous serons attentifs à sa mise en œuvre.

    M. Jean-Luc Bourgeaux

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    Très bien !

    M. Thibault Bazin

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    Plus que jamais, le groupe Droite républicaine, veut être utile aux Français –⁠ ces quelques exemples illustrent ce que nous avons obtenu. Bien sûr, après l’adoption de ce budget, mesdames et messieurs les ministres, il vous appartiendra de vous saisir de ces nouveaux outils.
    Ce ne sera pas suffisant –⁠ il faudra aller encore plus loin pour éviter les indus. Ainsi, pour la deuxième année consécutive, la Cour des comptes a refusé de certifier ceux de la branche famille. Elle souligne que « la capacité de détection des erreurs par le réseau [de la Caisse nationale des allocations familiales –⁠ Cnaf] demeure très inférieure au risque induit par l’insuffisante fiabilité des données déclarées par les allocataires. » Ce sont 5,5 milliards d’euros qui auraient été indûment versés, ou non rappelés, en 2023.
    À la lumière de cet audit, quelles mesures le gouvernement compte-t-il prendre afin de réduire enfin le risque résiduel relatif aux données déclarées des bénéficiaires d’allocations familiales ?
    Pourquoi la Droite républicaine est-elle si attentive à la maîtrise des dépenses sociales ? Parce que c’est un impératif pour combler les déficits, mais aussi pour éviter d’augmenter la pression fiscale, ou le coût du travail.
    Ces déficits inquiètent les Français. Il ne faudra pas les oublier après l’adoption des budgets. Le déficit de toutes les branches de la sécurité sociale, hors FSV, s’élevait à 15,7 milliards d’euros dans la version du Sénat avant la censure. Après l’actualisation du tableau d’équilibre et des chiffres fournis par le gouvernement, le texte final affiche un déficit aggravé, de plus de 22 milliards. Le solde de la branche maladie se creuse de plus de 2 milliards –⁠ et ce sont 3 milliards de déficit supplémentaire en l’espace de deux mois pour la branche vieillesse.
    Plus inquiétant encore, les projections pour nos finances sociales dans les années à venir se dégradent également : le déficit de l’ensemble des branches, en incluant le FSV, se dégraderait de 1 milliard d’euros supplémentaires en 2026, et de 2 milliards en 2028.
    Cette trajectoire est très inquiétante car elle n’inclut pas les événements exogènes qui pourraient la bousculer. Il est urgent de modifier la donne et de redresser nos finances sociales car, les déficits s’accumulant, notre dette sociale devient insoutenable.
    Si cette nouvelle motion de censure venait à être adoptée, il est évident que la France serait affaiblie, et le déficit encore plus catastrophique –⁠ à plus de 28 milliards.

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Eh oui.

    M. Thibault Bazin

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    Nous ne pouvons l’accepter. Par souci de responsabilité, les députés du groupe Droite républicaine ne voteront pas la motion de censure.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Quelle surprise !

    M. Thibault Bazin

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    Enfin, le redressement de nos comptes sociaux passe par des réformes structurelles. Il ne faut plus les reporter. Les efforts doivent s’accompagner d’une réflexion plus générale sur notre taux d’emploi, ou sur notre natalité qu’il faut relancer –⁠ le désir d’enfant est plus de 40 % supérieur au taux de fécondité constaté.
    À court terme, le plus crucial ne figure pas dans ce budget : c’est notre taux d’emploi, qu’il faut améliorer. Si nous avions un taux d’emploi similaire à celui de l’Allemagne, cela représenterait 15 milliards de recettes sociales en plus, et 5 milliards de prestations à verser en moins. Cette différence de 20 milliards comblerait l’essentiel du déficit de la sécurité sociale ! C’est le principal levier à utiliser. Nous ne pouvons en faire l’économie si nous tenons à la pérennité de notre modèle de protection sociale.
    Notre système est fondé sur le travail et la solidarité intergénérationnelle, deux principes fondamentaux de plus en plus dévoyés. La Droite républicaine veut y remédier, en rétablissant de la justice sociale : à situation familiale identique, il faut un écart significatif de revenus entre la famille dont les parents travaillent et celle dont les parents ne travaillent pas. Exercer un emploi –⁠ naturellement quand on le peut – doit redevenir plus rémunérateur que le cumul des aides. Supprimons les trappes à inactivité : il ne faut plus que la reprise d’un travail ou l’augmentation d’un volume horaire de travail aboutisse à moins gagner, et à perdre des prestations ou des tarifs sociaux.
    Il faut aboutir à l’allocation sociale unique. Cela simplifiera la vie des bénéficiaires, permettra de lutter contre le non-recours et de réduire les frais de gestion. Cela doit aller de pair avec un rétablissement des allocations familiales pour les familles qui travaillent, et qui ont été pénalisées par la mise sous condition de ressources de ces allocations –⁠ coup de rabot que l’on doit à la présidence de François Hollande.
    Telle est notre priorité pour la France : mieux valoriser ceux qui travaillent afin d’assurer la pérennité de notre protection sociale. Il y va de notre cohésion et de l’avenir de notre nation. Notre boussole a toujours été et restera la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. –⁠ Mme Danielle Brulebois applaudit également.)

    M. Jean-Luc Bourgeaux

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    Quel talent, on a de la chance de l’avoir !

    M. Cyrille Isaac-Sibille

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    En progrès !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Benjamin Lucas-Lundy.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Au fond, dans ce débat qui nous réunit une fois de plus, quelle est la question centrale ? Au nom d’une stabilité que vous avez érigée au rang d’impératif absolu, que sommes-nous prêts à accepter ?
    On pourrait relativiser cette aspiration à la stabilité, tant elle est secondaire dans l’esprit de nos compatriotes par rapport à leurs urgences quotidiennes. La stabilité institutionnelle, la stabilité d’un gouvernement, c’est peu de chose quand on les met en balance avec son départ à la retraite, le nombre d’élèves dans la classe de ses enfants, le niveau de son salaire, son temps d’attente aux urgences, le remplissage de son réfrigérateur.
    De notre point de vue, c’est votre politique qui crée de l’instabilité : instabilité du quotidien, des repères républicains, de la France qui semble incapable de parler au monde, repliée sur elle-même et sur les obsessions absurdes de l’extrême droite.

    M. Emeric Salmon

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    Ah !

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Je respecte ceux de nos collègues qui doutent, qui pensent que vous laisser continuer est un moindre mal –⁠ l’instabilité fait peur, je ne le nie pas ; l’instabilité crée de la confusion et des angoisses, je ne le méprise pas.
    Où place-t-on le curseur ? Aucune réponse n’est simple mais voici la mienne. Je crois, et j’en suis triste, que l’histoire jugera sévèrement cette période, monsieur le premier ministre. Elle est, à bien des égards, un test de survie pour notre démocratie parlementaire et notre pacte républicain.
    Permettez-moi de faire un détour par l’art pour tâcher d’y voir plus clair. I… comme Icare, film magnifique réalisé par Henri Verneuil et sorti en 1979, raconte l’enquête menée par le procureur Volney, interprété par un Yves Montand magistral, sur l’assassinat du président d’un pays fictif. Refusant de signer un rapport officiel bâclé, Volney découvre une conspiration et explore les mécanismes du pouvoir et de la manipulation.
    Il assiste alors à une expérience en laboratoire s’inspirant directement de celle de Milgram sur l’obéissance à l’autorité. Un chercheur y étudie jusqu’où les individus ordinaires peuvent aller quand une autorité jugée légitime leur donne l’ordre d’infliger des chocs électriques de plus en plus douloureux à une autre personne. L’expérience ne porte pas sur celui qui subit la souffrance mais sur celui qui l’inflige. Cette scène marquante illustre comment l’obéissance aveugle peut mener à des actes cruels, à une manipulation des masses et à l’acceptation de l’inacceptable par soumission au pouvoir.
    Mes chers collègues, nous vivons ici –⁠ et, à travers nous, tous les citoyens de ce pays – une expérience de Milgram à grande échelle. C’est notre soumission à la stabilité que vous éprouvez. J’interroge ceux de mes amis et camarades qui sont sincèrement tiraillés entre le rejet de votre politique et la peur de l’instabilité : jusqu’où irons-nous ? Pouvons-nous tout accepter au nom de la stabilité ?
    Pouvons-nous accepter en son nom une cure d’austérité qui affaiblira les services publics et les mécanismes de solidarité ? Vous prétendez réduire les déficits publics que vous avez creusés en baissant la dépense publique, ce qui affaiblira la puissance publique. De notre côté, nous voulons que l’effort soit partagé, et qu’il repose donc d’abord sur ceux qui peuvent le plus –⁠ les grands gagnants de la politique que vous menez depuis sept ans. Nous voulons plus de justice fiscale, et que les plus riches de nos compatriotes paient davantage afin que le pays tienne debout et que nous puissions préserver notre contrat social et notre pacte républicain.
    Pouvons-nous accepter, au nom de la stabilité, que vous persistiez à mener une politique économique caractérisée par le laxisme fiscal à l’égard des ultrariches et des multinationales, en dépit du rejet exprimé dans les urnes à l’encontre d’une telle politique ? À l’heure où se multiplient sur tout le territoire des plans de licenciements massifs, comment pouvez-vous continuer à refuser d’exiger le remboursement des aides publiques par les entreprises qui licencient alors qu’elles distribuent des dividendes à leurs actionnaires ? C’est une question patriotique et morale qui devrait vous obliger à jeter vos dogmes obsolètes à la rivière.

    M. Cyrille Isaac-Sibille

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    Il est perdu !

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Pouvons-nous accepter, au nom de la stabilité, que la réforme des retraites ne soit pas abrogée par un vote de l’Assemblée nationale souveraine, après un mouvement social uni et massif, soutenu par une écrasante majorité du pays, et trois défaites électorales majeures pour ses promoteurs zélés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.)

    M. Philippe Vigier

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    Ce n’était pas non plus une victoire pour vous : il ne vous aura pas échappé que vous n’avez pas la majorité absolue !

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Pouvons-nous accepter, au nom de la stabilité, que la France tarde à prendre en compte l’urgence climatique, et qu’on continue à céder aux lobbies et à s’enfermer dans les croyances productivistes du passé ? En la matière, comme en tant d’autres, vous semblez d’un autre temps. C’est regrettable.

    M. Cyrille Isaac-Sibille

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    Quand parlerez-vous de la sécurité sociale ?

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Pouvons-nous accepter, au nom de la stabilité, que le résultat des urnes ait été bafoué ? Le président de la République a provoqué une dissolution brutale, alors qu’il était conscient que l’extrême droite était au plus haut dans les sondages et pouvait s’emparer du pouvoir. Il a fallu un sursaut digne et puissant du peuple français pour déjouer ce plan machiavélique, cette combine d’un apprenti sorcier de la politique.

    Mme Sandra Marsaud

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    Vous n’en avez pas assez de répéter les mêmes bêtises ?

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Après cette élection, le président Macron a bloqué le pays en paralysant les institutions afin de refuser à la gauche et à son Nouveau Front populaire un exercice des responsabilités que sa majorité relative lui donnait le devoir de tenter dans la durée.

    Mme Sandra Marsaud

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    Non !

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Pire, après la censure qui lui rappelait cette réalité, il a nommé l’un des siens, un macroniste avant l’heure. Monsieur le premier ministre, vous êtes le gardien du temple macroniste et vous verrouillez toute alternative réelle pour ce pays. Avec vous, le message est clair –⁠ le bilan d’Emmanuel Macron, rien que son bilan, tout son bilan.
    Pouvons-nous accepter, au nom de la stabilité, qu’un tiers des membres d’une équipe gouvernementale censurée en décembre aient été renouvelés en janvier ?

    M. Philippe Vigier

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    Et alors ?

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Les membres du gouvernement présents au banc cet après-midi en sont une illustration. Pouvons-nous accepter, au nom de la stabilité, que ce gouvernement compte en son sein deux anciens premiers ministres qui font partie des personnalités politiques les plus détestées du pays ?
    Pouvons-nous accepter, au nom de la stabilité, les provocations récurrentes d’un ministre de l’intérieur en roue libre, qui va jusqu’à remettre en cause les programmes d’histoire à l’école pour servir son discours aux relents colonialistes et ses obsessions néoconservatrices ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
    Pouvons-nous accepter, au nom de la stabilité, que le premier ministre mente à la représentation nationale, hier et aujourd’hui encore, à propos d’un scandale qui nous horrifie ? (Mêmes mouvements.)
    Pouvons-nous accepter, au nom de la stabilité, que ce premier ministre reprenne les thèmes et les termes de l’extrême droite,…

    M. Emeric Salmon

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    Ah !

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    …en évoquant une prétendue « submersion migratoire », expression digne des discours les plus complotistes, et nous explique que les préjugés se fondent sur la réalité –⁠ ce qui est la justification même de tous les racismes ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)

    M. Philippe Vigier

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    Vous votez avec le RN sans complexe !

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Pouvons-nous accepter, au nom de la stabilité, le retour d’un débat rance sur une identité nationale fantasmée, dont le seul résultat sera la hausse des attaques racistes, des tensions et des stigmatisations ? En quelques jours à peine, nous avons vu déferler sur un humoriste une haine islamophobe venue de familles politiques qui se prétendent centrales. Jusqu’où irez-vous ? Jusqu’à quel point vous compromettrez-vous moralement avec le lepénisme ?

    M. Emeric Salmon

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    C’est de l’obsession !

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Ouvrir comme vous le faites un débat sur l’identité nationale est dangereux, non seulement parce qu’il pourrait faire se déchaîner les passions tristes et rances, mais aussi parce qu’il replierait notre pays sur lui-même, le rendant frileux, fébrile, lui faisant perdre la confiance qu’il place en son modèle républicain et l’amour qu’il se porte à lui-même, indispensable pour s’accepter tel qu’il est et grandir.
    Regarderons-nous notre nombril, obsédés par des querelles identitaires, pendant que nous attendent des défis mondiaux, géopolitiques, existentiels qui nous obligent à voir large, à penser haut ?
    Pouvons-nous accepter, au nom de la stabilité, que la majorité du pays, celle qui s’est dressée pour faire barrage à l’extrême droite le 7 juillet, la masse victorieuse des élections législatives, qui a su faire triompher la République et ses valeurs face au risque d’effondrement et d’application du projet réactionnaire du RN, que ces millions de Français soient méprisés, insultés, par tant de gages, d’offrandes et de courbettes concédés à la famille Le Pen ?

    M. Emeric Salmon

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    Oh ! Nous sommes là !

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Pouvons-nous accepter, au nom de la stabilité, qu’Emmanuel Macron se comporte en chef de clan obsédé par la protection des siens plutôt qu’en président de la République soucieux de l’intérêt général ?
    De l’affaire Benalla à la nomination de Richard Ferrand, en passant par les affaires Kohler et la reconduction de ministres accusés de corruption,…

    M. Emeric Salmon

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    Ah, ça, ce n’est pas notre faute !

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    …c’est la confiance de nos concitoyens envers nos institutions qui est sans cesse ébranlée. Le macronisme est un saccage de la République en bande organisée. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. –⁠ M. Jean-François Coulomme applaudit également.)

    M. Philippe Vigier

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    Tout dans la délicatesse !

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Dans une démocratie adulte et apaisée, vous ne seriez pas là, monsieur le premier ministre ! Pour remettre les choses à l’endroit, pour être fidèles au vote des Français et pour que la démocratie survive à vos attaques répétées, il nous appartient de faire en sorte que vous ne soyez plus là demain. Voilà pourquoi nous vous censurerons. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. –⁠ MM. Jean-François Coulomme et Paul Molac applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.

    M. Cyrille Isaac-Sibille

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    Nous sommes le 12 février 2025 et la France ne dispose toujours pas d’une loi de financement de la sécurité sociale, loi qui permet pourtant d’assurer la pérennité de ce système.
    Cette situation inédite plonge les Français dans une profonde incertitude, alors même que la trajectoire des comptes sociaux se dégrade d’une façon alarmante. Chaque semaine perdue accentue nos difficultés et fragilise un peu plus notre modèle solidaire. Le déficit de la sécurité sociale pour 2025 était estimé initialement à 16 milliards d’euros ; nous savons désormais qu’il atteindra 23 milliards. Si nous repoussons encore l’adoption de ce texte, il frôlera les 30 milliards, ce qui mettra en péril notre modèle de protection sociale.
    Chers collègues Insoumis, votre motion de censure est irresponsable –⁠ ce n’est pas moi qui le dis, mais le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFIPS) : « l’inertie décisionnelle » de notre Parlement « conduirait à une fragilisation sans précédent de la sécurité sociale ». Il ajoute qu’une « reprise de dette à relativement brève échéance apparaît inévitable compte tenu des montants que l’Acoss est capable de financer à court terme ». Le besoin de financement de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale est estimé à près de 80 milliards pour 2025, alors que sa trésorerie ne lui permettrait de tenir qu’entre trente et cinquante jours. Nous courons donc un risque majeur d’asphyxie financière si nous ne trouvons pas rapidement de solutions pérennes pour l’année en cours.
    Le Haut Conseil nous alerte également sur le fait qu’une reprise de dette opérée en allongeant la durée de vie de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) pourrait conduire à une augmentation de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) ou de la contribution sociale généralisée (CSG). Ainsi, en soutenant cette motion de censure, vous mettez en péril l’avenir de notre système de protection sociale, celui de nos concitoyens dont les besoins sociaux ne pourraient plus être pris en charge et celui de nos enfants qui hériteront d’une dette insupportable. J’en appelle à la responsabilité de chacun, car nous n’avons plus le luxe d’attendre.
    Nous pouvons avoir des désaccords sur le budget. En effet, nous abordons un texte budgétaire sans avoir débattu au préalable de la vision, des missions et des objectifs de notre système de santé. Ce dernier est malade de son financement, mais aussi de son organisation, qui ne répond plus aux besoins de nos concitoyens.
    Il a été créé pour faire face à des pathologies aiguës, alors que nous sommes confrontés à des pathologies chroniques de plus en plus répandues. Il a été bâti sur deux piliers –⁠ une médecine hospitalière publique et une médecine de ville libérale. Les professionnels de santé travaillaient chacun de leur côté alors que l’on se rend compte que leurs interventions doivent être coordonnées. Les hospitalisations étaient longues ; aujourd’hui, la plupart des soins hospitaliers sont prodigués en ambulatoire. Il a surtout été bâti autour du soin : en 1945, la promesse faite aux Français était de prendre en charge leurs soins, en ne tenant compte ni de leurs revenus ni de leur comportement sanitaire. La prévention des nouvelles pathologies chroniques, de longue durée et coûteuses, a été négligée. Ce système n’est plus adapté aux nouveaux besoins de nos concitoyens.
    En outre, nous n’arrivons plus à redresser durablement nos comptes sociaux. Chaque automne, à l’occasion de la discussion du PLFSS, nous sommes tous ébranlés par le déficit croissant de la sécurité sociale. Malgré cela, une fois les discussions budgétaires passées, nous remettons à plus tard les mesures nécessaires. Le déficit de la sécurité sociale s’élevait à 19 milliards en 2022, à 11 milliards en 2023 et à 18 milliards en 2024. Il atteindra probablement 23 milliards en 2025. Combien de temps notre système de sécurité sociale peut-il perdurer dans ces conditions ? Ce système unique et envié de tous a couvert tous les risques, pour tous –⁠ chômage, pension, maladie.
    Chaque année, le déficit se creuse un peu plus. Trois manières de le combler s’offrent à nous : nous pouvons augmenter les cotisations, creuser la dette ou dépenser mieux. Les deux premières solutions ne sont pas souhaitables. Il faut faire des arbitrages –⁠ la politique, c’est faire des choix. Alors que le déficit est plus important que jamais, nous avons récemment voté des mesures certes justifiées et toujours généreuses, mais non financées. Je pense à la meilleure prise en charge des pathologies de la femme, normale mais non financée, ou celle des fauteuils roulants. Demain, il nous faudra nous accorder avec lucidité et courage sur les priorités, afin d’éviter que notre générosité soit financée par la dette, donc à la charge des prochaines générations.
    Comment changer de système ? Toute réforme structurelle qui ne partirait pas des besoins de la population serait vaine. Parlementaires, nous devons débattre pour définir les besoins en matière de prévention et de soin, repenser l’offre en fonction de ces besoins, recentrer les missions des organismes sociaux, élaborer une stratégie et une trajectoire budgétaires. Nous proposerons ainsi aux acteurs une vision et un financement pluriannuel.
    Le premier ministre François Bayrou a ouvert le débat sur la pluriannualité du financement de la sécurité sociale. Aujourd’hui, notre logique budgétaire de court terme enferme tous les acteurs de la santé dans l’incertitude et freine toute réforme structurelle. Une programmation pluriannuelle leur permettrait de mieux anticiper, d’investir, de fixer un cap clair, des priorités et des objectifs et d’avoir une visibilité budgétaire afin de sortir de cette navigation à vue qui met en péril notre système. Surtout, la pluriannualité responsabiliserait chaque acteur, qu’il soit élu, professionnel de santé, industriel ou patient. Il est difficile d’exiger des économies quand personne ne sait de quoi demain sera fait. Planifier sur plusieurs années, c’est faire des choix réfléchis et construire une trajectoire soutenable. En outre, cette logique pluriannuelle permettrait de donner, enfin, des moyens durables à une politique systémique. Elle autoriserait même une politique, j’ose employer le terme, industrielle de prévention en santé, qui encourage les bons comportements.
    Face à la complexité politique actuelle, le premier ministre a pris ses responsabilités en proposant un budget de compromis transitoire, pragmatique et responsable. En matière de santé, le gouvernement a abondé de 1 milliard l’Ondam, augmentant l’Ondam hospitalier de 3,6 % au lieu des 3,1 % prévus, afin de poursuivre les recrutements nécessaires pour faire face aux besoins de fonctionnement des services hospitaliers. Un accord avec l’industrie du médicament a été conclu pour économiser 600 millions d’euros en échange d’un plafonnement du rendement de la clause de sauvegarde du médicament à 1,6 milliard. Enfin, le ticket modérateur et la prise en charge par l’assurance maladie seront maintenus à leur niveau actuel pour éviter toute hausse du coût des mutuelles et pour préserver l’accès de tous aux soins.
    En matière de prévention en santé, le groupe Démocrates, soutenu par le gouvernement, est à l’initiative d’une réforme de la taxe « soda », inspirée du modèle britannique, pensée comme une incitation à réduire la consommation excessive de sucre, responsable de l’augmentation de l’obésité et du diabète.
    En matière de dépendance, le premier ministre a triplé le fonds d’urgence pour les Ehpad, le portant à 300 millions d’euros. C’est une réponse forte aux défis de vieillissement de la population, qui doit s’accompagner d’une réflexion plus large sur le financement du grand âge.
    Chers collègues, ce budget transitoire n’est certes pas satisfaisant, mais il est essentiel au fonctionnement de nos organismes sociaux. C’est pourquoi le groupe Démocrates soutient le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Il œuvrera dès les prochaines semaines pour proposer aux Français une nouvelle conception de notre système de santé, allant de pair avec une vision pluriannuelle de la sécurité sociale et s’opposera à cette motion de censure.
    Collègues Insoumis, vous qui avez déposé cette motion pour censurer le budget de notre protection sociale, vous qui revendiquez l’héritage d’Ambroise Croizat, pourquoi mettre définitivement à bas notre système de protection sociale ? Si cette motion de censure était adoptée, vous en porteriez la lourde responsabilité devant l’ensemble de nos concitoyens, notamment les plus fragiles, ceux dont le seul patrimoine est la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. –⁠ Mme Danielle Brulebois applaudit également.)

    (À dix-huit heures trente, Mme Naïma Moutchou remplace Mme Yaël Braun-Pivet au fauteuil de la présidence.)

    Présidence de Mme Naïma Moutchou
    vice-présidente
    La parole est à M. Paul Christophe.

    M. Paul Christophe

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    Nous voilà réunis pour discuter, une dernière fois je l’espère, d’une motion de censure du groupe La France insoumise, déposée pour rejeter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
    Aujourd’hui, après quatre engagements successifs de la responsabilité de ce gouvernement, se dessine la fin d’un long périple budgétaire, laissant place à une lueur d’espoir.
    Un espoir de stabilité, car nous aspirons à un exécutif capable de durer et de restaurer la confiance des citoyens dans nos institutions. La stabilité s’avère essentielle pour aborder les réformes qui permettront de redresser durablement notre pays.
    L’espoir d’un retour de la confiance, tant chez nos concitoyens que chez les investisseurs et chez nos partenaires économiques, grâce à un budget enfin adopté, qui rétablisse la prévisibilité nécessaire à la préservation de l’emploi et à la création de richesses.
    L’espoir enfin d’un renforcement de la solidarité, car ce budget marque un engagement fort en faveur de notre système de santé et de protection sociale, avec, notamment, le triplement du fonds d’urgence pour les Ehpad, qui s’élève désormais à 300 millions d’euros, ce qui permettra de mieux accompagner nos aînés dans des conditions dignes, ou encore les 270 millions d’euros qui permettront d’apporter de nouvelles solutions aux personnes en situation de handicap.
    En effet, dans ce budget, des dépenses, il y en a –⁠ plus de 660 milliards pour l’ensemble des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale. Je ne peux donc pas vous laisser dire que ce budget est un budget d’austérité !
    Les résultats des élections législatives ont révélé une réalité incontournable : aucun groupe politique ne peut prétendre, à lui seul, construire l’avenir de notre pays. Cette diversité d’opinions, loin d’être une faiblesse, est le reflet de la richesse de notre démocratie. Elle nous oblige à l’humilité et au dialogue.
    À l’opposé du dialogue, nous avons vu des coalitions se former, non pas autour de projets communs mais dans le seul but de censurer, de bloquer, sans proposer d’alternative viable. Ces postures sont dangereuses car elles minent la confiance des concitoyens en notre capacité à gouverner et à répondre à leurs attentes. Il est donc de notre responsabilité, en tant que représentants du peuple, de dépasser ces alliances négatives, de construire des ponts entre nous.
    Ce PLFSS doit nous y inciter. Fruit d’un compromis, il n’est parfait pour personne, et pas davantage pour le groupe Horizons & Indépendants.
    La troisième partie de ce projet de loi est cruciale pour assurer la pérennité et l’efficacité de notre système de santé et de solidarité. Dans ce contexte, nous saluons la hausse de 3,3 % de l’Ondam.
    Je souhaiterais également insister sur l’article 16 bis F, issu d’une proposition de notre groupe, qui vise à interdire les plateformes numériques délivrant des arrêts de travail en ligne contre rémunération. En permettant l’obtention d’arrêts maladie via un simple questionnaire en ligne, sans réelle consultation, ces plateformes compromettent la santé publique et le principe de responsabilité médicale.
    Nous sommes face à un tournant décisif pour notre nation. Nous devons choisir entre l’unité et la division, entre la solidarité et l’égoïsme partisan. Ne nous laissons pas entraîner dans des débats stériles qui ne font que nous diviser davantage. Ne cédons pas aux tentatives de ceux qui cherchent à nous détourner de notre objectif commun : une France forte et solidaire.
    Nous devons nous concentrer sur l’essentiel : soutenir notre système de solidarité, garantir la continuité de nos services publics et assurer un avenir meilleur pour tous les citoyens. La France traverse une période de crise ; c’est aussi une chance, que nous devons saisir, de nous réinventer.
    Ce PLFSS est un pas dans la bonne direction, puisqu’il répond aux urgences immédiates. Nous ne pouvons nous permettre de soutenir une motion de censure qui ne ferait que nous maintenir dans l’incertitude et l’instabilité.
    Avec le groupe Horizons & Indépendants, que j’ai l’honneur de présider, nous croyons en la force du dialogue, en la puissance du compromis. Nous croyons en une France capable de surmonter les défis, de se relever et de prospérer, une France de progrès, de justice et de solidarité, une France où chacun a sa place, où chacun contribue à juste proportion à la richesse et à la solidarité collectives, et en bénéficie en un juste retour.
    Ceux qui soutiendront cette motion de censure ne partagent pas cette vision. Ils ne représentent pas l’avenir que nous voulons pour notre pays. Je le dis aux Français, viscéralement attachés à ces valeurs de solidarité, de justice, d’égalité : en déposant cette motion de censure, ceux qui vous font tant de promesses dévoilent au grand jour qu’ils vous mentent.
    Ils vous disent que les dépenses peuvent être infinies et qu’il y aura toujours des recettes nouvelles pour couvrir leurs promesses électorales –⁠ taxer la croissance, tout en promettant la décroissance. Ils vous disent qu’une loi spéciale est un budget comme un autre, alors qu’elle ne permet pas à nos services publics de fonctionner jusqu’à la fin de l’année. Ils vous disent qu’ils sont les défenseurs des plus modestes, des femmes, des familles, mais ils refusent d’adopter un budget de la sécurité sociale qui les protège avant tous les autres, car les plus aisés n’ont pas besoin de la solidarité nationale.
    Pour notre part, nous disons non à la censure, mais oui au dialogue franc et sincère, dans une situation politique inédite où aucun bloc ne peut avoir l’arrogance de décider seul. Mes chers collègues, croyez-moi, il y va de la crédibilité de la France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac

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    Le groupe LIOT a coutume de dire que l’article 49.3 affaiblit la pratique démocratique et le gouvernement qui y recourt. Depuis 2022, il est pourtant devenu la règle pour faire adopter les budgets de l’État et de la sécurité sociale. Cette pratique réduit la portée du débat parlementaire et érode la confiance des citoyens. L’utilisation répétée de cet outil ne traduit pas seulement l’incapacité de rassembler une majorité autour des propositions budgétaires –⁠ ce qui est déjà profondément préoccupant –, elle traduit aussi l’échec d’une méthode, l’échec du gouvernement à trouver des compromis.
    Le rejet des motions de censure successives sur le PLF et le PLFSS aura toutefois démontré que la seule majorité qui existe aujourd’hui à l’Assemblée nationale est celle qui ne veut pas déstabiliser davantage le pays. La seule explication au rejet de ces motions et à l’adoption, par défaut, de nos textes budgétaires, réside dans le refus des parlementaires de priver notre pays d’un budget pour l’État et la sécurité sociale.
    Refuser de voter les motions de censure ne signifie évidemment pas qu’on apporte son soutien à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Et, je tiens à le réaffirmer, si nous avions pu voter sur le PLF ou le PLFSS, notre groupe aurait voté contre. Nous demeurons un groupe d’opposition, une opposition certes constructive et responsable, mais une opposition quand même. Dès lors, refuser de voter en faveur des motions de censure traduit simplement notre volonté de doter les établissements de santé, les Ehpad, les départements, des moyens financiers pour assurer leurs missions de service public en matière de santé et de solidarité.
    Pour autant, accepter qu’il soit légiféré par 49.3 demeurera toujours pour les parlementaires que nous sommes un renoncement et un choix que nous ne prenons jamais à la légère. D’autant qu’à l’heure où nous parlons, il faut rappeler que nous avons été échaudés par ce qui s’est passé avec le projet de loi de finances.
    Nous découvrons ainsi des mesures problématiques, qui n’étaient pas dans le texte initial ou qui contreviennent à l’esprit des négociations et des engagements du gouvernement. Je citerai l’abaissement du seuil d’assujettissement à la TVA pour les indépendants, la suppression des crédits pour la recherche sur les cancers pédiatriques…

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    C’est faux !

    M. Paul Molac

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    …ou encore la hausse de la taxe de solidarité sur les billets d’avion pour l’outre-mer et la Corse.
    Ces mesures non seulement ne reflètent pas notre travail parlementaire mais elles traduisent de surcroît un manque de préparation et de transparence. Elles appellent à une vigilance de tous les instants. Le gouvernement a indiqué renoncer à certaines de ces dispositions. Nous lui en donnons acte, mais cette méthode est loin d’être satisfaisante.
    Accepter qu’on légifère par la procédure prévue à l’article 49.3, c’est prendre le risque de l’arbitraire. Certaines décisions du gouvernement ne correspondent pas à ce qu’il est ressorti de nos débats. Ainsi en va-t-il de l’assujettissement à la CSG et à la CRDS au-delà de 50 % du smic et de la baisse de l’exonération de cotisations sociales pour les apprentis, lesquels perdront du pouvoir d’achat. Nous ne comprenons pas pourquoi la création de recettes nouvelles –⁠ qui est un objectif légitime – se fait au détriment de personnes dont la rémunération est la plupart du temps inférieure au smic, en pénalisant une voie d’insertion par le travail pourtant intéressante.
    Le compromis sur la réforme des cotisations sociales aurait pu être plus ambitieux. Les exonérations représentent plus de 80 milliards d’euros de dépenses par an, et plusieurs rapports ont souligné leur faible efficacité sur l’emploi. C’était une mesure audacieuse, qu’il fallait ajuster pour ne pas nuire aux bas salaires. La version issue du Sénat était un bon atterrissage, malheureusement non conservé.
    Surtout, l’utilisation de l’article 49.3 a abouti à la suppression d’une disposition qui aurait permis de calculer les allégements généraux pour les entreprises dont les salaires minimaux sont inférieurs au smic, sur la base de ces salaires minimaux plutôt que sur la base du smic, ce qui aurait permis de soutenir les salaires. Nous comprenons d’autant moins cette suppression que la mesure avait fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire.
    Tout n’est cependant pas à jeter dans ce PLFSS, et c’est heureux. Plusieurs dispositions en faveur des agriculteurs sont très attendues –⁠ je pense en particulier au calcul de leurs pensions de retraite sur les vingt-cinq meilleures années.
    Plusieurs mesures en faveur de la prévention ont également été ajoutées à l’Assemblée et au Sénat, sous la forme de taxes comportementales sur les sodas ou sur les jeux de hasard. Nous estimons que nous aurions pu aller plus loin, en ciblant également le sucre contenu dans les produits transformés. La qualité de notre alimentation est un enjeu de santé publique beaucoup trop sous-estimé ; il est temps d’y remédier.
    La prévention doit aussi passer par une plus grande ambition en matière de sport-santé, particulièrement pour certaines maladies chroniques, comme le diabète ou les cancers.
    La prévention, c’est également la prévention en santé mentale, pourtant grande cause nationale, mais insuffisamment traitée dans ce projet de loi.
    Beaucoup de sujets essentiels passent ainsi à la trappe : la petite enfance en premier lieu, quand les récents scandales auraient dû susciter une plus vaste prise de conscience.
    C’est aussi le cas pour le handicap, alors que nous fêtons les vingt ans de la loi de 2005 et que nous constatons encore de très grandes lacunes dans l’inclusion et l’accès aux droits des personnes en situation de handicap.
    La situation budgétaire de notre système de sécurité sociale devrait nous conduire à nous montrer responsables et à essayer de dépasser nos clivages pour œuvrer en faveur du bien commun. Car la sécurité sociale, dont nous fêtons les 80 ans cette année, est notre bien commun. Elle est une des institutions les plus précieuses de notre pays. Elle constitue la promesse d’égalité et de solidarité au cœur de notre pacte social.
    Dans le PLFSS se joue la vie de nos concitoyens. Tous nous disent leurs inquiétudes sur les fermetures de service d’urgences, de maternité, en particulier dans les territoires ruraux ; tous nous disent leur difficulté pour trouver un médecin traitant ou prendre rendez-vous chez un spécialiste ; tous nous disent leur difficulté pour s’occuper de leurs parents lorsque ces derniers prennent de l’âge et perdent en autonomie, leur difficulté pour leur trouver une solution en établissement ou à domicile.
    Pourtant, les exercices budgétaires se succèdent sans qu’une vision à long terme sur les recettes et les besoins ne soit définie. L’absence de majorité à l’Assemblée nationale et le manque de stabilité politique entravent tout projet de réforme en profondeur, qu’il s’agisse de la santé, de l’autonomie ou de nos retraites.
    Nous saluons des mesures telles que la revalorisation de l’Ondam ou l’enveloppe budgétaire d’urgence pour les Ehpad en difficulté, mais elles ne constituent toujours pas une politique cohérente pour la protection sociale.
    Il y a un consensus autour de l’avènement d’une loi de programmation sur l’autonomie ou d’une loi pluriannuelle sur les besoins de santé ; mais quel gouvernement pourra les exécuter ?
    Notre groupe maintient la position qui est la sienne depuis le début des débats : responsabilité et lucidité –⁠ pour nos comptes publics qui sont en grande difficulté, mais aussi pour les besoins des citoyens en matière de santé et de protection sociale.
    Une politique de réduction des dépenses, dans un objectif purement comptable, ne constitue pas une bonne politique.
    Nous avons obtenu d’autres avancées, justifiant notre refus de voter cette motion de censure, mais il faudra faire bien davantage pour pérenniser notre modèle de protection sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. –⁠ M. Elie Califer applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Soumya Bourouaha.

    Mme Soumya Bourouaha

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    Dix jours ; quatre 49.3 déclenchés : voilà pour résumer nos débats sur l’exercice budgétaire pour 2025.
    Je regrette d’avoir à défendre ce soir une quatrième motion de censure. Force est de constater que le socle commun d’aujourd’hui, comme la majorité d’hier, n’est pas capable de gouverner autrement que par la matraque parlementaire. Si honte il y a, elle est définitivement de votre côté. Votre profonde angoisse du débat vous pousse à des usages irraisonnés de cet outil constitutionnel, si éloigné de notre vision du débat démocratique.
    C’est bien parce que vous ne permettez pas le débat que nous sommes contraints d’user de tous les moyens disponibles pour en avoir un.
    L’examen du PLFSS avait mal débuté puisque c’est sur ce texte de loi que le gouvernement de Michel Barnier est tombé le 4 décembre dernier. À tous ceux qui pensent encore que les conclusions de la CMP constituaient un point d’équilibre, je me permets de rappeler que si tel avait été le cas, le gouvernement Barnier n’aurait pas eu besoin d’avoir recours au 49.3 pour les valider et il n’aurait pas été censuré dans la foulée.
    Étant donné que cette copie était mauvaise, nous aurions pu repartir d’un nouveau texte, revu et corrigé, que le Parlement aurait pu amender. Par le débat, nous aurions proposé des recettes nouvelles et des mesures inédites de justice sociale.
    C’était compter sans le choix malheureux de repartir du texte du Sénat et de couper court à toute discussion. Pas de possibilité de défendre des articles additionnels et in fine, nul débat. Il y aurait pourtant eu des choses à dire.
    Par ce texte, vous choisissez une ligne politique que nous contestons et qui consiste à vouloir faire supporter aux assurés sociaux, aux établissements de santé et à leurs personnels, les mauvais choix budgétaires des gouvernements Macron.
    Le déficit des hôpitaux publics devrait avoisiner 3,5 milliards d’euros en 2024, 85 % des Ehpad sont en déficit et leurs personnels, soignants et non soignants, sont fragilisés.
    En sus, vous envisagez de faire travailler les Français sept heures de plus par an, sans être rémunérés. C’est une des propositions des sénateurs de droite les plus mal venues. Alors que le travail paye si mal, que des millions de Français sont contraints de rogner sur toutes leurs dépenses, même les plus essentielles, comment pouvez-vous soutenir décemment une telle mesure ?
    Que dire aussi de votre tentative honteuse de supprimer 15 millions d’euros en faveur de la recherche pour les cancers pédiatriques ? Décision sur laquelle vous êtes revenus, fort heureusement, en réponse au tollé provoqué par tant d’indécence –⁠ celle-ci caractérisant encore trop souvent votre vision des politiques publiques.
    Dernière mesure en date : la volonté de ponctionner les mutuelles de santé, alors que pour compenser l’augmentation du ticket modérateur, elles ont augmenté leurs tarifs par anticipation.
    Certes, vous êtes revenus à la raison sur cette disposition, mais plutôt que de rendre le trop-perçu aux assurés, vous faites le choix de ponctionner ces mutuelles et donc de demander un effort supplémentaire aux assurés sociaux –⁠ quand bien même elles ont déjà augmenté leurs tarifs entre 8 % et 10 % en 2024 et que près de 3 millions de personnes n’en ont pas. C’est inacceptable.
    Pour tenter de répondre à ce constat alarmant, les municipalités sont de plus en plus nombreuses à proposer des mutuelles communales, mais est-ce vraiment leur rôle ?
    Dans ma circonscription, comme partout en France, nous ne sommes pas épargnés par les déserts médicaux. Face à cette situation, les maires se démènent pour trouver des moyens inventifs afin de faciliter l’implantation de spécialistes à l’aide d’un budget pourtant raboté.
    Par ailleurs, le manque de médecins n’explique pas à lui seul le non-recours de nos concitoyens aux soins. Le fait qu’il faille avancer le montant des consultations en santé et la faible généralisation du tiers payant ne favorisent pas le suivi médical. Près de six Français sur dix renoncent à des soins dont ils ont besoin et les patients qui consultent alors que leur état de santé est déjà plus que préoccupant sont nombreux. Le forfait de passage aux urgences, loin de les désengorger, a fait reculer la prise en charge des patients dont l’état de santé le nécessitait.
    Je suis saisie d’effroi lorsque je pense à ces femmes et ces hommes décédés dans les couloirs des urgences à cause du manque d’effectif de soignants et d’un système indécent qui les broie.
    Cela fait maintenant plus de six ans que nous n’avons pas pu débattre d’un texte majeur sur la santé publique. Cela fait aussi plusieurs années que nous attendons une loi sur le grand âge et qui ne vient toujours pas, malgré le scandale Orpea et la maltraitance, connue, que subissent nos aînés dans les institutions qui les accueillent.
    Certes, le gouvernement a pris des engagements : soutenir la suppression de l’article 23 du PLFSS, qui prévoyait un report et un plafonnement de la revalorisation des pensions de retraite ou bien l’annulation des mesures de déremboursement des consultations médicales et des médicaments initialement prévues par le gouvernement Barnier par voie réglementaire.
    En ce qui concerne le fonctionnement des hôpitaux publics et des Ehpad, l’Ondam, initialement augmenté de 2,8 %, le sera à hauteur de 3,3 % et l’Ondam hospitalier à hauteur de 3,6 %.
    J’ai tout de même le sentiment que ce que vous nous donnez d’une main, vous le reprenez de l’autre, en prenant un peu plus à chaque fois. Qu’il s’agisse de la proposition par la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles de davantage mettre à contribution, par une hausse de la CSG, les retraités les plus aisés pour le financement de la protection sociale, ou du soutien de la même ministre à la proposition de faire travailler nos concitoyens sept heures de plus sans les rémunérer, ou du soutien du gouvernement au démantèlement du service de contrôle médical, de l’instauration d’une taxe « lapin » ou bien encore de la remise en cause des arrêts de travail des fonctionnaires, tous ces éléments confirment que vous vous inscrivez dans les pas de vos prédécesseurs.
    S’il était effectivement urgent de voter un budget, cela ne peut occulter d’autres urgences, tout aussi impérieuses : celle des besoins sociaux et sanitaires et de leur financement ou celle d’avoir un débat sur les enjeux de santé publique et d’accès aux soins, au lieu de traquer la moindre réduction de dépenses sans vision de long terme pour notre système de soins.
    Nous devons répondre au besoin de sécurité de nos hôpitaux et de nos Ehpad. Ils ont besoin d’une visibilité pluriannuelle pour redresser durablement leur situation. Nous devons donner à la sécurité sociale des ressources à la hauteur des besoins de nos concitoyens car là réside en vérité le meilleur gisement d’économies pour l’avenir.
    Puisque vous avez choisi de confisquer ces débats, le groupe GDR votera dans sa grande majorité cette motion de censure. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. –⁠ M. Steevy Gustave applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Olivier Fayssat.

    M. Christophe Bentz

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    L’excellent Olivier !

    M. Laurent Jacobelli

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    La droite, la vraie !

    M. Olivier Fayssat

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    Nous avons désormais nos petites habitudes dans ce rendez-vous devenu récurrent et, pour vous épargner toute lassitude, le groupe UDR prend soin d’alterner les orateurs –⁠ tantôt notre excellent collègue Maxime Michelet, tantôt moi-même. Si vous avez une préférence, je vous remercie par avance de ne pas en faire état, surtout si ce n’est pas à mon avantage.
    Si le groupe La France insoumise maintient ce rythme effréné des dépôts de motions de censure, la fréquence de nos rencontres pourrait nous conduire naturellement à nous appeler par nos prénoms.

    Mme Mathilde Panot

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    Cela dépend de la fréquence des 49.3 !

    Mme Élise Leboucher

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    Pas de 49.3, pas de motion de censure !

    M. Olivier Fayssat

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    Cela étant, l’orateur change, mais le message reste similaire. La troisième partie du PLFSS ne nous convient pas plus que les deux premières, toutefois, nous poursuivrons en direction de la stabilité et nous ne censurerons pas.
    Annoncer un plan en trois parties en brisant si tôt le suspense est un exercice périlleux. Il m’oblige à une certaine concision car il serait redondant de s’étendre une fois de plus sur certaines de nos lignes rouges qui n’ont pas été franchies. La désindexation des retraites, qui aurait obligé les retraités à financer l’inflation, a ainsi été abandonnée, de même que le déremboursement des soins, quand bien même ce ne seront plus les patients qui paieront le milliard d’euros supplémentaires, mais les mutuelles, ce qui se répercutera sur les cotisations.
    Contenez néanmoins votre joie car nous conservons encore quelques points d’insatisfaction. Nous restons donc dans l’opposition.
    Je me contenterai de citer à titre principal et non exhaustif quelques arbitrages qui nous laissent perplexes.
    La ponction de 1 milliard d’euros sur les mutuelles, qui, en réalité, pèse sur les Français, risque de devenir durable, puisque les tarifs ont été augmentés par anticipation.
    L’alourdissement des charges générales acquittées par les entreprises, d’abord prévu à 4 milliards d’euros, sera finalement de 1,6 milliard d’euros ; le fardeau s’en trouve allégé mais n’est pas supprimé. Pour les apprentis et les jeunes entreprises, cela représente 450 millions d’euros de charges supplémentaires, contre 960 millions en première lecture.
    Nous ne cautionnons pas non plus la nouvelle taxation des boissons sucrées, du tabac et des sachets de nicotine. Elle apparaît comme une bonne idée sur le papier mais elle constitue une manière détournée de ponctionner les Français sans assumer de véritables réformes structurelles. Elle est l’expression d’un réflexe fiscal, alors que la France est déjà le pays où les prélèvements obligatoires sont les plus élevés.
    Nous regrettons aussi de ne toujours pas voir de concession sur l’introduction d’une dose de capitalisation dans notre système de retraites. Pourtant, le choc démographique et financier qui s’annonce ne se réglera pas à coups d’ajustements comptables.
    Enfin, l’AME, reste quasiment intouchée. C’est de nouveau refuser d’aborder un sujet qui mérite un débat sérieux.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Rien du tout !

    M. Olivier Fayssat

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    Bref, à ces quelques joies, s’ajoutent aussi des peines.
    Ne vous méprenez pas sur mon intervention : nous savons que les mesures indispensables ne pourront être prises que par une majorité courageuse, donc dès que les urnes auront porté notre alliance au pouvoir.
    Dans cet intervalle que nous espérons bref dans l’intérêt de la France, nous accepterons de subir, dans les limites du respect de nos valeurs fondatrices, certaines faiblesses de votre part, déjà aux frontières du supportable, qu’il s’agisse d’un déficit devenant structurel –⁠ 18 milliards d’euros en 2024, 23 milliards en 2025, 16 milliards annoncés pour 2028, sous réserve que les prévisions soient justes –, de l’absence totale de vraies économies –⁠ on rabote ici et là, mais on ne s’attaque pas aux racines du problème –, d’une lutte contre la fraude sociale encore bien timide –⁠ on en parle, on la renforce un peu, mais toujours pas de carte Vitale biométrique à l’horizon.
    Nous vous donnons donc rendez-vous, dans très peu de temps, pour un travail sérieux sur ces questions.
    Notre intérêt à tous est que la sécurité sociale protège tous les Français et qu’elle ne fasse pas peser un poids insupportable sur la croissance et l’emploi, seules manières de garantir aux générations futures la même protection contre les risques de la vie.
    Monsieur le premier ministre, certains de nos adversaires ne vous ont pas ménagé et je ne m’associe en aucun cas aux incorrections et autres inélégances dont ils se sont rendus coupables.
    J’espère que vous aurez apprécié cette parenthèse de douceur, sans brutalité ni agressivité. Je suis certain néanmoins que votre sagesse n’y verra pas des acquis que nous n’entendons pas vous concéder. À l’UDR, nous sommes attachés à une expression courtoise et mesurée, qui ne saurait cependant altérer une détermination sans faille. L’UDR ne menace pas, mais elle vous aura prévenu. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Joëlle Mélin.

    Mme Joëlle Mélin

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    Ce nouveau PLFSS est incohérent. Élaboré tour à tour par un gouvernement démissionnaire, puis par un gouvernement intérimaire et, enfin, par un gouvernement sans doute éphémère, il a subi de nombreuses modifications dont certaines positives. En grande partie grâce au Rassemblement national : la réindexation des retraites,…

    M. Christophe Bentz

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    Eh oui !

    M. Laurent Jacobelli

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    Merci le RN !

    Mme Mathilde Panot

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    C’est surtout grâce à la censure !

    Mme Joëlle Mélin

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    …l’abandon du déremboursement à hauteur de 1 milliard d’euros (Applaudissements sur les bancs du groupe RN), l’abandon des sept heures de travail supplémentaire non rémunérées, les multiples dispositifs à destination des entreprises et des ménages.
    Ce PLFSS est caractérisé par deux éléments.
    Le premier qui, au fond, conditionne le montant des dépenses, c’est que le compte n’y est pas, tant les chiffres présentés sont, selon Pierre Moscovici lui-même, à la limite de l’insincérité.
    La loi organique nous oblige à approuver des prévisions pour 2024 et 2025. Hélas, les chiffres de l’inflation et de la croissance pour 2024 ont été mensongers –⁠ cela est avéré –, tandis que ceux pour 2025 sont revus à la baisse chaque semaine.
    La loi nous oblige aussi à valider les tableaux d’équilibre de l’ensemble des régimes obligatoires de base. Eux aussi sont erronés, tant, année après année, ils ont été rectifiés du montant des déficits renvoyés à la Cades et des dettes propres à l’Acoss. Ces dettes sont masquées par le plafond d’emprunt de l’Acoss : 65 milliards d’euros cette année, contre 13 milliards d’euros seulement en 2010. Le tout, dans un contexte de gestion et de contrôle interne scandaleusement déficients.
    Ainsi, le principe de la comptabilité en droits constatés n’a pas été respecté pour le recouvrement de contributions, d’impôts et de taxes affectés à la sécurité sociale et versés à l’Acoss –⁠ 107,7 milliards d’euros en 2023. Pour plus de 450 millions d’euros, nous ne disposons pas d’éléments probants suffisants. Pour la branche maladie, ce sont 5 milliards d’euros qui ne sont pas justifiés. La branche famille cumule, en deux ans, une perte sèche de 10 milliards d’euros. On trouve des erreurs dans 10 % des dossiers de retraite liquidés. L’État subventionne à hauteur de 50 milliards d’euros la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), comme vous l’avez vous-même dit, monsieur le premier ministre.
    Dans ces conditions, comment voulez-vous déterminer les dépenses justes et adaptées aux nécessités actuelles ? Comment voulez-vous fixer des trajectoires annuelles ou pluriannuelles, pour la totalité des tableaux prévus par la loi organique ? Pourtant, nous sommes déjà censés préparer le budget pour 2026 !
    Deuxième élément : le budget modifié, sorti du Sénat et frappé par l’article 49.3, porte intrinsèquement la marque que lui ont imprimée les gouvernements Attal et Barnier en octobre 2024. Dans un « en même temps » extraordinaire, il prétend « préserver notre modèle de protection sociale », en faisant progresser les dépenses prévues de 21 milliards d’euros, pour les porter à 662 milliards d’euros. Dont acte. La hausse de l’Ondam représente 9 milliards d’euros, les dépenses de la branche invalidité augmenteront de 1 milliard, celles de la branche vieillesse de 7 milliards, celles de la branche maladie de 2 milliards et celles de la branche autonomie de 2 milliards également.
    En même temps, on note que la masse salariale, sur laquelle repose désormais une portion congrue du financement, diminuera, et ce dans des proportions inquiétantes, tant les liquidations d’entreprises sont nombreuses.
    En même temps, on nous dit que le déficit serait porté à moins de 23 milliards d’euros en 2025, alors que parallèlement et le même mois, la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) et le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) le prévoient à 30 milliards d’euros.
    Toujours en même temps, il est prévu de modérer les dépenses, en prévoyant 5,8 milliards d’euros de déremboursements ou des cotations des actes. Si, grâce au groupe Rassemblement national, 1 milliard d’euros de déremboursement des médicaments et des consultations ont été évités, vous avez tout loisir, avec au moins une quarantaine de décrets et d’arrêtés, d’appliquer ce qui était prévu, c’est-à-dire de raboter. À savoir : une diminution de 300 millions d’euros pour les biologistes et les radiologues, de 1,2 milliard d’euros pour la maîtrise médicalisée, une baisse du plafond de prise en charge des indemnités journalières, pour une économie de 600 millions d’euros, un plan de maîtrise des produits de santé et de sobriété des usages pour 2,4 milliards d’euros d’économies, puis 700 millions d’euros d’optimisation des achats des hôpitaux, enfin un relèvement des franchises pour une recette de 300 millions d’euros.

    (À dix-neuf heures cinq, Mme Yaël Braun-Pivet remplace Mme Naïma Moutchou au fauteuil de la présidence.)

    Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

    Mme Joëlle Mélin

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    Certes, les retraites ont été réindexées sur l’inflation, mais vous ciblez toujours certains retraités et vous n’apportez toujours pas de cohérence au statut de la cinquième branche : un deuxième lundi de Pentecôte n’aurait servi à rien.
    Et en même temps, vous plombez la lutte contre la fraude en démantelant les contrôles médicaux nationaux, qui sont pourtant les seuls remparts contre la fraude des usagers.
    Alors que les Français sont les citoyens européens les plus taxés, certains continuent, à tous crins, de vouloir prélever plus, de raboter la moindre source de revenus, des plus riches aux plus modestes…

    M. Jean-François Coulomme

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    Dites plutôt des plus riches aux plus riches !

    Mme Joëlle Mélin

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    …jusqu’à taxer les plans d’épargne retraite (PER). D’autres, sous couvert de maîtrise, remboursent toujours moins à ceux qui cotisent toujours plus. Pour les patients, le reste à charge s’aggrave. Les plus fragiles dépensent plus de 25 milliards d’euros de couverture complémentaire facultative –⁠ on n’y pense jamais –, soit 100 euros par mois en moyenne, et ceux qui ne peuvent les payer renoncent aux soins. Les professionnels de santé, désabusés, quittent précocement leurs métiers et les déserts médicaux s’en trouvent étendus. Nos hôpitaux sont dans un état alarmant. La mortalité infantile augmente. La longévité en bonne santé stagne.
    Eux aussi dans le brouillard, les employeurs rechignent à embaucher. La part du financement de la sécurité sociale par le travail n’est plus que de 48 %,…

    Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics

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    Non, elle de 80 %.

    Mme Joëlle Mélin

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    …le reste étant prélevé par un cumul de taxes et impôts assez invraisemblable, dans un jeu de bonneteau alliant budget de l’État, budget de la sécurité sociale et budget des collectivités territoriales. Parallèlement, 80 milliards d’euros d’exonérations sociales alourdissent le coût du travail –⁠ à l’évidence, certaines sont indispensables, mais d’autres sont obsolètes et, surtout, terriblement injustes.
    Nous ne pouvons accepter un budget aussi peu sincère. Il n’est plus possible d’accepter une franchise de 1 euro par boîte de médicaments, alors que les comptes qui nous sont présentés sont erronés et comportent des approximations de plusieurs milliards d’euros. Cela est cynique et injuste !
    Si nous nous opposons clairement à ce budget, nous ne voterons pas pour autant la motion de censure déposée par le groupe LFI-NFP.

    Mme Élisa Martin

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    Aïe, aïe, aïe !

    Mme Joëlle Mélin

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    Grâce à nos prises de position fermes, nous avons obtenu un allègement notable des prélèvements et des dépenses, mais tout le reste de ce budget est insatisfaisant, comme le serait sans doute un nouveau gouvernement, si nous votions la censure.
    Seule une nouvelle majorité, celle du Rassemblement national, assurera le redressement durable de nos budgets. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Ben voyons !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Annie Vidal.

    Mme Annie Vidal

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    Nous sommes une fois de plus réunis pour examiner une motion de censure –⁠ la quatrième – déposée par le groupe La France insoumise. Devrais-je dire La France irresponsable ?

    M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer

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    Excellente formule !

    Mme Amélie de Montchalin, ministre

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    Celle-là, on va la garder.

    Mme Mathilde Panot

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    Et vos 49.3 alors ?

    Mme Annie Vidal

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    Motions de censure qui se suivent et se ressemblent, qui sont le reflet d’une stratégie d’opposition systématique dont le but est d’installer le chaos dans le pays, au mépris de l’intérêt des Françaises et des Français qui souhaitent l’apaisement, le dialogue et la stabilité. Nombre d’indicateurs le montrent, ce que je peux vérifier à chaque fois que je retourne dans ma circonscription.
    Face à cette posture, nous choisissons la réflexion et le travail pour améliorer le système de santé, la formation des soignants et leurs conditions d’exercice. C’est dans cet esprit que notre collègue Jean-François Rousset a réuni un groupe de travail dédié à la santé et à la formation des médecins et ses membres formuleront des propositions pertinentes et pragmatiques.
    Censurer une nouvelle fois le gouvernement et priver les Françaises et les Français d’une loi de financement de la sécurité sociale serait délétère pour les patients, les professionnels et l’ensemble du système de santé. Les établissements attendent leurs circulaires budgétaires, tout comme les services à domicile.
    Oui, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale n’est pas parfait. Il n’est pas celui que nous aurions voulu et ce n’est pas celui que vous auriez voulu. C’est un budget de compromis, qui engage, malgré tout, plus de 666 milliards d’euros de dépenses, soit 23,5 milliards d’euros de plus qu’en 2024. Dans ces conditions, peut-on vraiment parler d’austérité ? Je ne pense pas.
    Ainsi, grâce à un Ondam revu à la hausse, ce sont 9 milliards d’euros de plus au profit des hôpitaux. Pour la première fois, nous finançons la stratégie décennale pour les soins palliatifs, qui prévoit un financement supplémentaire total de 1 milliard d’euros. À ce stade, la moitié des patients qui pourraient bénéficier de soins palliatifs n’y ont pas accès : il est donc fondamental d’engager le premier versement de cette stratégie décennale.
    Nous finançons, dans vingt-trois départements, l’expérimentation de la fusion des forfaits soins et dépendance des Ehpad –⁠ une mesure attendue et porteuse d’espoir pour le secteur, qui pourrait ouvrir la voie à une gouvernance renouvelée.
    Nous triplons par ailleurs les mesures de soutien aux Ehpad votées par le Sénat et nous finançons la loi sur le bien vieillir, votée en avril 2024, pour soutenir la mobilité des intervenants du domicile et leur octroyer une carte professionnelle. Ce sont des piliers nécessaires pour asseoir une politique de l’autonomie que nous souhaitons plus ambitieuse, d’autant qu’elle est indispensable pour accompagner la transition démographique.
    Nous améliorons l’efficience grâce aux négociations conventionnelles avec la CPAM, pour la maîtrise des coûts dans les transports, dans la biologie et l’imagerie. Il s’agit là d’un pas important vers une gestion plus responsable et transparente des dépenses de santé.
    Dans cette logique, nous étendons le plafonnement de l’intérim médical aux personnels non médicaux : non seulement l’intérim est un gouffre financier pour les établissements, mais il compromet la fidélisation des professionnels, gage de qualité du lien entre soignant et soigné.
    Enfin, les agriculteurs pourront bénéficier d’une pension de retraite de base, calculée en fonction de leurs vingt-cinq meilleures années. Je ne m’étendrai pas sur les autres mesures que contient ce PLFSS, c’est-à-dire l’établissement des certificats de décès par les infirmières –⁠ mesure importante, notamment en milieu rural –, la reconnaissance des infirmières coordinatrices en Ehpad, des mesures de prévention, le suivi des personnes en situation de handicap, le développement des centres de médiation en santé sexuelle, de la vaccination contre le papillomavirus humain (HPV) et les méningocoques et de la garantie de paiement pour les assistantes maternelles, entre autres.
    Toutes ces mesures ont été décidées alors que le déficit prévisionnel est estimé à 22 milliards d’euros pour 2025. Dans les années à venir, les branches maladie –⁠ augmentation de la prévalence des maladies chroniques, besoins croissants de prévention –, vieillesse –⁠ davantage de retraites à servir et pendant plus longtemps – et autonomie –⁠ augmentation potentielle de 30 % de l’effectif des bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie – connaîtront des évolutions dynamiques.
    Dans ces conditions, le retour à une trajectoire budgétaire moins dégradée ne peut être envisagé à moyen terme. Il convient donc, pour préparer le budget pour 2026, d’engager dès à présent une réflexion collective sur le système de protection sociale. Nous devons définir des objectifs de dépense crédibles au regard des besoins, ainsi que des moyens de régulation tout aussi crédibles. Il y va de la pérennité du système de protection sociale.
    La sécurité sociale, créée en 1945, est et doit rester un amortisseur social et économique. Nous avons d’ailleurs pu constater qu’elle avait été au rendez-vous en 2020.
    J’entends les critiques faites à ce texte, mais il contient des avancées et a le mérite d’exister. Priveriez-vous les Français de tout cela, en votant la motion de censure ? Ce n’est pas sérieux. Une nouvelle censure entraînerait, de fait, une inertie décisionnelle qui fragiliserait davantage une sécurité sociale à laquelle les Françaises et les Français sont très attachés et qui affecterait, en premier lieu, les plus fragiles d’entre nous. Personne ne le souhaite.
    Monsieur le premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, la voie était étroite et vous avez su trouver un chemin pour nous proposer un projet de loi de financement de la sécurité sociale. En responsabilité…

    M. Laurent Jacobelli

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    Ah !

    Mme Annie Vidal

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    …et sans surprise, le groupe Ensemble pour la République ne votera pas cette motion de censure, cette motion d’irresponsabilité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    M. Jean-François Coulomme

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    La prochaine fois peut-être !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.

    M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique

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    Nous voilà, peut-être, au terme de ce marathon budgétaire. Si le Sénat approuve le projet de loi de financement de la sécurité sociale une fois que cette motion aura été repoussée, la France aura alors ses budgets, celui de l’action publique et celui de la sécurité sociale. Ce dernier est lourd de conséquences pour le pays. Il est bon de rappeler que la partie dépenses du PLFSS s’élève à 666,4 milliards d’euros ! Un tel budget garantit à l’ensemble de nos concitoyens la protection sociale à laquelle ils ont droit et qui est, beaucoup l’ont dit, le pilier central du pacte républicain, hérité du Conseil national de la Résistance.
    Le rejet de cette motion de censure, que j’appelle de mes vœux, sera la meilleure réponse à ceux qui affirment que le sentiment des Français n’a pas été respecté. Je rappelle, sans esprit de polémique, que la dernière motion de censure a réuni à peine 115 voix sur 577,…

    M. Jean-François Coulomme

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    C’est notre honneur !

    Mme Mathilde Panot

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    Ne fanfaronnez pas trop !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    …soit moins de 20 % des parlementaires de cet hémicycle.

    M. Éric Coquerel

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    Chiche ! Faites voter le PLFSS !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Ce texte a été évidemment difficile à mettre au monde. Il est le fruit d’un dialogue, d’un compromis –⁠ le mot a été employé plusieurs fois à cette tribune.

    Mme Élise Leboucher

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    On vous a dit qu’il s’agissait d’un mauvais mot !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    J’atteste que ce dialogue a été mené de bonne foi.

    Un député du groupe LFI-NFP

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    On a tout découvert dans la presse !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Bonne foi de la part du gouvernement, de la part des groupes qui y participent ou le soutiennent, mais également de la part de plusieurs sensibilités qui, ne participant pas au gouvernement et ne s’y sentant pas représentées, ont accepté de dialoguer pour…

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Des cacahuètes !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    …pour qu’un texte amélioré permette à l’Assemblée de se prononcer sans arrière-pensées à son sujet.

    M. Éric Coquerel

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    Nous ne nous sommes pas prononcés sur ce texte !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Ce texte parvient à un équilibre, dont bien des aspects ont été cités. Je les rappelle à mon tour : une augmentation des dépenses relatives aux établissements et services pour personnes âgées supérieure à 6 % ; des dépenses relatives aux établissements et services pour personnes handicapées en hausse de 3 % ; une augmentation de l’Ondam de 3,3 %, et même de 3,6 % pour l’Ondam hospitalier, ce qui suscite un soulagement chez les gestionnaires des hôpitaux et des Ehpad ; le déploiement de 6 500 personnels soignants en Ehpad ; l’abondement de 300 millions d’euros du fonds d’urgence pour les Ehpad ; la simplification des concours de la CNSA aux départements pour financer les dépenses relatives à l’autonomie et leur rehaussement de 200 millions.
    Ces moyens en hausse permettront de financer des mesures d’attractivité, portant sur la rémunération des personnels et les recrutements dans les hôpitaux. Ils permettront aussi d’améliorer la prise en charge de la santé mentale, dont le gouvernement de Michel Barnier avait fait une cause nationale et qui demeurera pour nous une priorité. Les mesures d’amélioration de la réponse aux urgences, notamment des Smur –⁠ structures mobiles d’urgence et de réanimation – et des Samu, le développement des soins palliatifs et la meilleure prise en charge des violences faites aux femmes pourront aussi être financés.
    Le PLFSS pour 2025 permettra d’accompagner la réforme du métier d’infirmier, de mettre en œuvre l’accès direct aux kinésithérapeutes qui exercent en communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) et d’appliquer la feuille de route visant à lutter contre les pénuries des produits de santé. En outre, il améliorera l’intégration des structures de soins non programmés (SNP) dans l’offre de soins, via leur participation aux services d’accès aux soins (SAS) –⁠ un cahier des charges en décrit les principes d’organisation. Enfin, il conforte les moyens et les objectifs du service public de la petite enfance, entré dans une dynamique nouvelle au 1er janvier 2025, en partenariat avec les communes.

    Mme Élisa Martin

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    Avec quel argent ?

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Le déficit spontané de la sécurité sociale pourrait atteindre 28 milliards d’euros cette année, un niveau largement supérieur au déficit constaté en 2021. Avec l’adoption de ce PLFSS, le déficit sera limité à 22 milliards. Je rappelle que le déficit cumulé des deux dernières années s’élève à 50 milliards.

    Mme Sandra Regol

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    Quel bilan !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    C’est dire la nécessité et l’urgence d’une réflexion sur l’organisation de la politique de santé. Si ce texte est, comme je le crois, considéré comme adopté ce soir, il faudra dès la semaine prochaine se tourner vers l’avenir pour trouver les clés, réfléchir, inventer un projet pour une sécurité sociale qui protège chaque Français et soit soutenable dans le temps long.

    M. Éric Coquerel

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    Si l’on en croit Les Échos, les perspectives sont inquiétantes !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    C’est une immense refondation que nous avons à conduire. Nous devrons pour cela mobiliser notre capacité d’analyse, notre connaissance du monde de la santé, des besoins en santé, et aussi notre imagination : il en faudra beaucoup pour trouver ce nouvel équilibre.

    M. Cyrille Isaac-Sibille

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    Tout à fait !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    J’ai la certitude que nous y parviendrons, grâce au dialogue. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)

    Mme la présidente

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    La discussion est close.
    Je vais maintenant mettre aux voix la motion de censure.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Je rappelle que seuls les députés favorables à la motion de censure participent au scrutin, et que le vote se déroule dans les salles voisines de l’hémicycle.
    Le scrutin va être ouvert pour vingt minutes : il sera donc clos à dix-neuf heures quarante-deux.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures quarante-cinq.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.
    Voici le résultat du scrutin :
    Majorité requise pour l’adoption de la motion de censure, soit la majorité absolue des membres composant l’Assemblée         289
    Pour l’adoption                121
    La majorité requise n’étant pas atteinte, la motion de censure n’est pas adoptée.
    En conséquence, la troisième partie et l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 sont considérés comme adoptés.

    6. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
    Discussion de la proposition de loi visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra